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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 18 février 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux entraves
douanières par suite de la modification des frontières conformément au traité
des 24 articles (Van Hoobrouck), au culte
protestant (Gendebien)
2)
Interpellation relative à l’arrestation par les troupes de la confédération
germanique d’un fonctionnaire belge dans le Luxembourg (incident Hanno) (d’Huart, F.
de Mérode, Dumortier, Gendebien,
F. de Mérode, de Brouckere,
F. de Mérode, Jullien, F. de Mérode, d’Huart, d’Hoffschmidt, Dumortier, d’Huart, (+opérations de milice) Evain,
Dumortier, (+opérations de milice) d’Hoffschmidt, Lebeau, Gendebien, (+opérations de milice) Rogier,
de Puydt, Gendebien, F. de Mérode, Pollénus, de Brouckere, Gendebien, Van Hoobrouck, d’Huart)
3)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1834. Discussion des articles. Travaux publics. Levée de plans et carte du
royaume (d’Huart, de Puydt, Desmet, Rogier, Gendebien,
Teichmann, Gendebien, Rogier, Jullien), canaux (Rogier, de Puydt, Gendebien)
(Président de M. Raikem)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à une heure moins un quart.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la
rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. de Renesse communique à la chambre les pièces et
réclamations qui lui sont adressées.
M. Van Hoobrouck. - Je demande la parole. Messieurs,
parmi les pétitions qui vous sont adressées, il en est une sur laquelle je dois
appeler l’attention de la chambre ; c’est celle d’un cultivateur de
M. le président. - S’il n’ya pas d’opposition,
cette pétition sera renvoyée à la commission avec invitation d’en faire un
rapport dans le plus bref délai possible.
M.
Gendebien. - J’ai reçu de Venloo une lettre par laquelle on me prie
d’appuyer une pétition adressée depuis quelque temps à la chambre par le
consistoire protestant, qui réclame une allocation au budget de l’intérieur. Je
demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale afin qu’elle
fasse un rapport, avant que la chambre n’ait à s’occuper du chapitre des
cultes.
- Cette pétition est
renvoyée à la section centrale. Les autres pièces adressées à la chambre sont
renvoyées à la commission des pétitions.
_________________
M. de Renesse communique à la chambre un message par lequel
le sénat l’informe qu’il a adopté dans sa séance d’hier le budget des affaires
étrangères et de la marine.
INTERPELLATION RELATIVE A
L’EMPRISONNEMENT D’UN FONCTIONNAIRE BELGE DANS LE LUXEMBOURG (INCIDENT HANNO)
M. d’Huart. - Je demande la parole. Messieurs, chacun de
vous a sans doute entendu parler des événements qui se passent dans le
Luxembourg.
Plusieurs membres. - Les ministres ne sont pas présents
! les ministres ne sont pas présents !
M. d’Huart. - Les observations qu’on m’adresse me font
croire que chacun de vos connaît les faits dont il s’agit.
Il nous importe de
savoir les mesures que le gouvernement se propose de prendre dans des
circonstances aussi graves. Elles sont même d’une
telle gravité que les ministres n’auraient pas dû se faire attendre et auraient
dû se trouver ici dès l’ouverture de la séance. Le ministère aurait même pu
nous donner communication des faits dès hier, car hier, à 7 heures du matin,
les faits lui étaient connus. Nous ne sommes pas moins intéressés que le
gouvernement à connaître les actes qui peuvent compromettre la dignité de
M. le président. - M. d’Huart propose à la chambre
de requérir la présence des ministres.
M. d’Huart. - Je demande qu’on requière principalement la
présence des ministres de la guerre et des affaires étrangères.
Les ministres ne
devraient pas se faire requérir pour un sujet si important qui leur est connu
depuis hier matin. Ils auraient dû prévenir notre demande.
- MM. les ministres de
l’intérieur et des affaires étrangères ad interim
entrent dans le sein de la chambre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F.
de Mérode)
- Je viens d’apprendre ce dont il
s’agit. Je ferai observer que cette affaire n’est pas encore éclaircie. (Vives exclamations.)
Je ne suis pas habitué à
parler au milieu des interruptions ; si on ne veut pas m’écouter, je
m’assiérai.
M. d’Huart. - Nous ne pouvons pas admettre une
semblable excuse, quand les faits sont à la connaissance de tout le monde. Il
s’agit de savoir ce que le gouvernement doit faire ; il s’agit de savoir si en
présence de pareils faits, les ministres doivent rester au pouvoir.
M. Dumortier. - Il ne s’agit pas ici
d’éclaircissements ; toute la question réside dans ceci : Le fait est-il vrai,
oui ou non ? voilà toute la question. S’il est vrai
que les soldats de la confédération germanique aient envahi notre territoire,
enfoncé la porte d’un citoyen, d’un fonctionnaire belge, et l’aient entraîné
dans la forteresse, il s’y a pas à délibérer, nous devons nous hâter de prendre
les mesures que nous prescrivent l’honneur et la dignité du pays. Les ministres
doivent nous donner des explications sur ce fait. Comme lis ne sont pas tous
présents, la chambre, en vertu de la constitution, peut et doit les requérir de
se rendre immédiatement dans le sein de l’assemblée.
J’appuie la motion faite
à ce sujet par l’honorable M. d’Huart.
M. Gendebien. - J’appuie ce que viennent de
dire les honorables MM. d’Huart et Dumortier. Les ministres n’ont aucune excuse
à alléguer pour ne pas répondre aux interpellations qu’on se propose de leur
adresser. Ils ne peuvent pas dire qu’ils ne connaissent pas bien l’affaire, car
ce serait s’accuser que d’alléguer un pareil prétexte. Le fait a été consommé
le 15 à 11 heures du soir ; on a pu l’apprendre au ministère depuis 48 heures.
Je demande que le
ministère tout entier soit appelé ici, pour donner des explications. C’est une
affaire pour laquelle il doit y avoir solidarité entre les membres du cabinet.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F.
de Mérode) - Je
prendrai la parole quand on voudra me laisser parler. Je ne suis pas accoutumé
à parler au milieu d’un tumulte qui empêche de s’entendre. (Parlez ! parlez !)
Il n’est pas possible
que tous les ministres se rendent dans le sein de la chambre. Le ministre de la
justice est malade depuis trois jours ; je vous donne l’assurance qu’il est
dans l’impossibilité de quitter sa chambre. J’ai été le voir moi-même ce matin.
Quant
à l’affaire dont il s’agit, les renseignements qui sont parvenus à MM.
Gendebien et d’Huart peuvent bien être l’objet d’une conversation dans un
salon, mais ils ne sont pas suffisants pour qu’un ministre s’en explique
immédiatement. Quand je serai catégoriquement informé de tous les faits, je
présenterai un rapport à la chambre. C’est ainsi qu’un ministre prudent doit
procéder, surtout quand il s’agit de faits relatifs aux affaires étrangères. On
ne parle pas devant une assemblée aussi respectable, et quand les paroles
doivent avoir du retentissement au-dehors, on ne parle pas, dis-je, sans être
parfaitement au courant des faits, sans être à même de donner des explications
claires et précises. Demain, je donnerai des explications sur les faits dont
j’aurai eu une connaissance exacte.
Je déclare que je ne me
laisserai pas forcer la main. J’abandonnerais le banc des ministres plutôt que
de m’expliquer sur des faits, quand je ne crois pas convenable de le faire. Je
tiens à servir mon pays, mais je ne ferai jamais de démarches que je croirai
contraires à ses intérêts.
M. de Brouckere. - M. de Mérode ne sait quelles
sont les interpellations qu’on se propose d’adresser aux ministres. Quand les
autres ministres se seront rendus dans l’assemblée et que les interpellations
auront été adressées, les ministres verront ce qu’ils auront à faire. Il est
bien entendu, dans la proposition de M. d’Huart, de requérir la présence de
tous les ministres, ou d’excepter ceux qui seraient dans l’impossibilité de se
rendre à la réquisition de la chambre. La seule question que nous ayons à
décider en ce moment, c’est celle de savoir si la chambre requerra les
ministres qui ne sont pas présents de se rendre dans son sein. Les ministres
présents auraient mauvaise grâce à s’opposer à ce qu’on appelât leurs collègues
dans une circonstance aussi grave. J’appuie donc la motion. Quand les ministres
se seront rendus dans le sein de la chambre, on verra ce qu’on aura à faire.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne vois pas l’utilité
d’appeler les autres ministres dans le sein de la chambre. Les ministres que
vous appellerez ne feront pas autre chose que moi. Un ministre ne viendra pas
parler dans un sens, quand un autre ministre aura parlé dans un sens différent.
Je m’oppose à ce qu’on donne des explications sur les faits dont il s’agit avant
qu’on puisse les donner d’une manière claire et précise.
Le ministre de la guerre
ne vous dira pas autre chose.
M.
Jullien. - Il ne s’agit pas de savoir si MM. les ministres répondront
aujourd’hui ou demain aux interpellations qu’on se propose de leur adresser. Il
s’agit de savoir si, quand la chambre use de sa prérogative de requérir la
présence de tous les ministres dans son sein, les ministres doivent s’y rendre.
Le ministre de l’intérieur pas plus que le ministre des affaires étrangères n’a
le droit de s’opposer à l’exercice de cette prérogative, il
doivent la subir. S’ils n’étaient pas dans la chambre, ils devraient s’y
rendre quand ils y seraient appelés.
L’objet
est assez grave pour ne pas ouvrir une discussion sans avoir reçu toutes les
explications qu’on peut nous donner.
Je crois que le ministre
de la guerre peut avoir reçu des renseignements : c’est à lui que les rapports
ont dû être adressés ; il s’agit du rayon stratégique du Luxembourg et
d’opérations militaires exécutées par la garnison de la forteresse, on a dû lui
en rendre compte. Si on l’a fait, il pourra nous communiquer les renseignements
qu’il a reçus.
Pour terminer la
discussion, je demande qu’on mette aux voix la question de savoir si on
requerra la présence des ministres, en exceptant ceux que leur santé mettrait
dans l’impossibilité de déférer à la réquisition de la chambre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F.
de Mérode) - Il
me semble qu’on peut avoir assez de confiance dans mes paroles pour attendre
jusqu’à demain.
Plusieurs voix. - Il est impossible d’attendre !
M. le ministre des affaires étrangères (M. F.
de Mérode) - Il
me semble que vous avez assez d’occupations…
M. d’Huart. - On laisse tout de côté quand il s’agit de
l’honneur et peut-être de l’existence du pays.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Si vous voulez faire venir les
ministres pour passer le temps, vous avez raison ; mais si c’est pour arriver à
un but, je dois vous prévenir que ce but ne sera pas atteint. Il est impossible
que les autres ministres donnent des explications, quand j’ai déclaré qu’on ne
pouvait pas en donner. Si c’est pour les rendre témoins de l’interpellation
qu’on veut nous adresser, c’est encore inutile, car ils en auront connaissance
par le Moniteur.
Je répète donc que la
réponse ne pouvant pas être donnée aujourd’hui, il ne peut résulter qu’une
perte de temps de les requérir de se rendre dans le sein de l’assemblée.
M. d’Hoffschmidt. - Je ne conçois pas que quand on
enlève nos concitoyens sur notre territoire, le gouvernement vienne remettre au
lendemain pour s’expliquer ; c’était hier, après avoir reçu la dépêche qui
l’informait des faits (et à sept heures du matin elle lui était parvenue),
c’était hier, dis-je, que le gouvernement devait nous faire des communications.
Les faits sont avérés, je puis les attester sans craindre de compromettre ma
parole ; car les lettres qui m’en informent sont écrites par des personnes sur
le témoignage desquelles on ne peut élever aucun doute. Après nous avoir fait
subir cent humiliations, on nous remet à demain pour nous donner des
explications sur une humiliation nouvelle.
Il est temps de mettre
un terme à la longanimité, et j’espère que la chambre se montrera digne de la
nation.
Les
ministres sont sans énergie, et partout, dans les fonctions publiques, ils
placent des hommes qui leur ressemblent. Si nous avions encore eu pour
gouverneur militaire de la province le général Buzen, il eût usé de
représailles, et la violation de notre territoire, si elle eût eu lieu, ne fût
pas restée impunie. Si on laisse au pouvoir des hommes aussi faibles que ceux
qui s’y trouvent en ce moment, ce ne sera pas seulement aux environs du rayon
stratégique, mais au milieu du pays que nos ennemis viendront nous saisir. Je
demande que les ministres soient requis de se rendre dans le sein de
l’assemblée et de s’expliquer aujourd’hui.
Je ne peux pas en dire
davantage ; la parole me manque, tant je suis exaspéré de la conduite du
gouvernement.
- La chambre consultée
décide à la presque unanimité que les ministres seront requis au nom de
l’assemblée de se rendre dans son sein.
M.
Dumortier. - Au milieu de préoccupations si graves, il est impossible
que nous nous occupions maintenant du budget ; je demande que la séance soit
suspendue jusqu’à ce que les ministres se soient rendus dans le sein de
l’assemblée.
-
Après une demi-heure de suspension, la séance est reprise.
M. d’Huart. - Je demande la parole.
Plusieurs voix. - M. le ministre des affaires
étrangères n’est pas là.
M. d’Huart. - La chambre a requis les ministres de se
rendre dans son sein.
Je ne pense pas qu’on
puisse les faire amener par les gendarmes. La nation saura que le ministre des
affaires étrangères n’a pas cru devoir déférer à la réquisition de la chambre.
M. de Robaulx. - Attendez, il va peut-être
venir.
M.
le président. - Des lettres ont été adressées à tous les ministres,
ainsi que la chambre l’avait décidé.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le ministre des affaires étrangères va venir.
Il n’a aucune raison pour ne pas déférer au vœu de la chambre.
- M. le ministre des
affaires étrangères vient prendre place à son banc.
M. d’Huart. - je demande à continuer.
Voici les questions que
je propose à la chambre d’adresser à MM. les ministres :
« Est-il vrai que
dans la nuit du samedi 13 de ce mois, les troupes de la confédération
germanique sont sorties de la forteresse de Luxembourg et ont été enlever avec violence le sieur Hanno,
commissaire de district, dans son domicile à Bettembourg ? »
« Quel est le
motif ou le prétexte de cet acte de violence ? »
« Quelles sont les
mesures que le gouvernement avait prises pour faire exécuter les ordres qu’il
avait donnés dans le Luxembourg, relativement à la milice et à l’exploitation
des coupes de la forêt de Grundwald ? »
« Quelles sont les
mesures que le gouvernement a déjà prises ou se propose de prendre pour faire
respecter l’honneur national et l’intégrité du territoire ? »
Voilà
les questions que j’ai posées par écrit, et que je vais déposer sur le bureau.
M.
le président donne lecture de la proposition de M. d’Huart.
- La chambre consultée décide
à l’unanimité, moins quatre ou cinq membres, que les questions posées par M.
d’Huart seront adressées aux ministres.
M.
le président. - En conséquence, messieurs les ministres sont invités à
répondre aux interpellations contenues dans la proposition de M. d’Huart, dont
il vient d’être donné lecture.
- M. le président fait
passer la proposition de M. d’Huart à MM. les ministres.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - Messieurs, hier, dans la matinée,
j’ai reçu du générai Tabor, commandant militaire de la province de Luxembourg,
une estafette m’annonçant que, dans la nuit du 15 au 16 courant, un détachement
des troupes de la confédération germanique, en garnison dans la forteresse,
s’était porté à Bettembourg, résidence du commissaire de district de la
province de Luxembourg, et avait enlevé ce fonctionnaire.
Bettembourg est à trois
quarts de lieue au-delà du rayon stratégique, déterminé par la convention
arrêtée le 20 mai 1831, entre le commandant militaire de la forteresse et le
prince de Hesse-Hombourg et le général Goethals, alors gouverneur de la province. Conséquemment
les troupes de la confédération ont dépassé le rayon stratégique dans lequel le
commandant de la forteresse avait promis d’enfermer ses opérations militaires.
Le général Tabor
m’annonce qu’aussitôt qu’il eût appris que M. le commissaire de district avait
été enlevé par une troupe armée et conduit dans la forteresse du Luxembourg, il
s’est concerté avec le gouverneur civil et a envoyé sur les lieux pour prendre
des renseignements précis sur les faits. Il m’annonce en même temps qu’il a
demandé au général Dumoulin, commandant par interim
de la forteresse, les motifs ou le prétexte d’une arrestation aussi illégale.
J’ai reçu de nouveaux
renseignements sur l’expédition prussienne et l’enlèvement de M. Hanno. J’ai remis ces documents à M. le ministre des
affaires étrangères qui s’occupe d’un rapport qu’il doit faire incessamment à
la chambre sur la levée de la milice dans la province de Luxembourg,
l’incident, dont il s’agit, se rattachant à la discussion qui eut lieu dans
cette enceinte à l’occasion des opérations relatives à la milice.
D’après les premiers
renseignements qui m’ont été transmis, c’est à cause de la levée de la milice
que le général Dumoulin s’est porté à des actes de violence en vers le
commissaire de district, le sieur Hanno.
Je
sais que M. le ministre des affaires étrangères s’occupe d’un rapport sur cette
affaire, c’est lui qui vous rendra compte des détails de cet acte de violence
et des mesures que le gouvernement se propose de prendre pour obtenir la mise
en liberté du fonctionnaire arrêté, et obtenir satisfaction d’un acte aussi
révoltant.
Quant aux mesures prises
ou à prendre par le gouvernement, relativement à l’exploitation des coupes de
la forêt de Grunwald, la réponse sera également donnée dans le rapport du
ministre des affaires étrangères. Enfin, quant à la dernière question, celle
relative aux mesures prises, ou qu’on se propose, pour faire respecter l’honneur
national et l’intégrité de notre territoire, nous avons pensé qu’avant de
prendre des mesures, il fallait être bien informé des détails de l’affaire. Le
général Tabor m’a promis de nouveaux renseignements plus précis. Quand nous les
aurons reçus, le conseil des ministres décidera les mesures qu’il croira devoir
prendre.
M.
Dumortier. - Messieurs, il n’est personne de nous qui n’ait été saisi
de la plus vive indignation en apprenant les faits qui viennent de se passer
dans la province du Luxembourg. Plusieurs de nous s’attendaient et pouvaient
s’attendre à quelques actes de violence de la part de la garnison de Luxembourg
par suite de la mollesse qu’avait montrée le gouvernement dans ses rapports
avec la confédération germanique. Cependant il était difficile de croire que
ses troupes auraient osé se porter à une violation aussi scandaleuse du droit
des gens. La question dont il s’agit n’est pas de peu de portée, elle va
beaucoup plus loin qu’on ne peut l’imaginer au premier abord. Il s’agit de
savoir si le Luxembourg appartient encore à
Lors de la convention du
21 mai, on inséra un article additionnel qui stipulait des réserves en faveur
de
Dès lors nous avons pu
prévoir que tôt ou tard le Luxembourg tout entier nous échapperait. Je le dis
avec le sentiment profond de la douleur, ce qui se passe dans ce moment est à
mon avis l’avant-coureur d’événements graves qui nous menacent. Il importe donc
que, dans une pareille circonstance, la nation entière déploie toute l’énergie
dont elle est capable, afin que les souverains assemblés au congrès de Vienne
et qui ont juré notre perte sachent bien que la nation belge n’est pas disposée
à souffrir plus longtemps les affronts qu’on lui prodigue, et à avaler la coupe
de l’humiliation jusqu’à la lie.
En présence des
circonstances graves où nous nous trouvons, le gouvernement a de grands devoirs
à remplir ; mais la chambre n’en a pas de moins impérieux, et ce serait trahir
notre mandat que de reculer devant des événements qui peuvent avoir les
conséquences les plus funestes.
Quand nous avons demandé
aux ministres des explications sur la situation politique du Luxembourg, ils
out répondu que, relativement aux faits dont il était question alors, le
gouvernement en avait appelé à ceux qui s’étaient constitués nos juges.
Si le ministère avait
pris l’attitude qui convient à un peuple qui a su faire sa révolution en quatre
jours, et conquérir sa liberté par la force des armes, nous serions respectés,
et lors de la convention de Zonhoven, on n’aurait pas laissé nos ennemis se
prévaloir de toutes nos fautes. Tout ce qui s’est passé depuis que nous avons
laissé à des étrangers le soin de régler nos affaires, prouve que nous avons en
eux non pas des juges, mais des maîtres. Si pour les faits qui viennent de
s’accomplir nous en référons encore à ceux qui se sont constitués nos maîtres,
nous subirons de nouvelles humiliations, sans savoir où elles nous conduiront.
Dans une situation aussi
grave le devoir de la représentation nationale est d’appuyer fortement les
mesures que le gouvernement prendra. Il faut que ces mesures soient des plus
énergiques, afin que les puissances même les plus hostiles apprennent que nous
ne sommes pas tellement abaissés que nous ne puissions encore défendre
nous-mêmes notre honneur et notre indépendance. Si la marche du gouvernement ne
nous paraît pas assez ferme, c’est à nous à lui imprimer le mouvement que les
circonstances commandent.
Quel a été, jusqu’à
présent le système du gouvernement ? Un système de notes écrites humblement
envoyées à la conférence, à ceux qui se sont constitués nos juges et nos
maîtres.
Ce n’est pas par des
notes et des contre-notes que se font les révolutions. Les révolutions commencent
par le fer et se terminent par le fer. Voilà comment il fallait terminer cette
révolution glorieuse ! Si on l’eût fait, notre indépendance ne serait pas
attaquée aujourd’hui. Si on ne voulait pas recourir à ce moyen extrême, il
fallait prendre une attitude digne d’un peuple libre, et je ne doute que cela
eût suffi ; mais ce n’est pas en mendiant l’appui des étrangers que nous ferons
respecter la dignité du pays et l’intégrité de notre territoire, Quand on a
reconquis ses droits par la force, c’est par la force qu’on les défend. Nous
avons fait notre révolution par les baïonnettes, ce n’est que par les
baïonnettes qu’on pourra nous la ravir.
Le
gouvernement ne doit donc pas se borner à de simples notes écrites, ce n’est
pas ainsi que des nations qui se respectent repoussent une violation de leur
territoire.
Quand les Gaulois
assiégeaient Rome, les Romains vendaient les terres sur lesquelles les Gaulois
étaient campés, et vous, vous n’osez pas vendre les forêts sous lesquelles
viennent s’abriter des Prussiens.
Je le répète, vous ne
parviendrez à vous faire respecter qu’en prenant des mesures énergiques. Je
demande que le ministres s’explique : si c’est par
actes ou par des écrits, qu’il se prépare de repousser les violences de la
confédération germanique. Si c’est par des actes, je lui donnerai tout mon
appui ; mais si c’est encore avec des chiffons de papier qu’il entend terminer
cette affaire, je proposerai à la chambre de faire une adresse au Roi, afin de
donner au gouvernement l’impulsion énergique que commande la gravité des
événements, si l’on ne veut pas compromettre l’avenir de la patrie.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, vous aurez trouvé
comme moi sans doute que la réponse des ministres est loin d’être satisfaisante,
et qu’elle élude les questions posées par mon honorable ami M. d’Huart.
Remarquez, messieurs, la tranquillité des ministres. Il s’agit du rapt d’un de
nos concitoyens, et ils demeurent froids et impassibles ! Ils viennent vous
dire qu’un rapport vous sera présenté demain à ce sujet par le ministre des
affaires étrangères. D’abord, quand il s’agit de la dignité du pays, on ne doit
pas remettre la réponse au lendemain ; c’est aujourd’hui, aujourd’hui même
qu’il faut la faire. Quand il s’agit d’une question qui touche à l’honneur
national, ce n’est pas par un rapport qu’on répond, c’est par des mesures de
représailles.
Si, au lieu de demander
des explications au général Dumoulin sur ce qu’il a fait enlever par la
violence un fonctionnaire belge, comme si un pareil acte pouvait s’expliquer,
le général Tabor avait à son tour fait enlever un fonctionnaire prussien, déjà
le commissaire de district de Luxembourg nous aurait été rendu, et de pareilles
violences ne se renouvelleraient plus. On vous enlève un fonctionnaire, vous en
enlever un autre, voilà la marche qu’on suit, et on n’attend pas des
explications de la part des ennemis de
Mais vous craignez la
guerre générale ? Et cette crainte arrête-t-elle
Quant à nous, messieurs,
habitants du Grand-Duché, nous sommes indignés et nous perdons tout espoir.
Qu’est-il arrivé après l’adoption des 24 articles ? Croyez-vous qu’on a cherché
à ranimer le courage de ces populations qu’on venait de céder à leurs ennemis ?
Au lieu de cela, messieurs, on les a désarmés. On leur a dit : Rendez-nous vos
armes, afin qu’on puisse vous égorger plus facilement.
Messieurs, puisque nous
en sommes sur la garde civique, qu’il me soit permis de protester contre ce
qu’a avancé, dans une de nos dernières séances, M. le ministre de la justice,
relativement à la suspension des levées de la milice dans la partie du
territoire qu’on appelle cédé ; il a dit qu’il ne s’était élevé à ce sujet
aucune réclamation. Il y a eu sur ce point des pétitions adressées à cette
assemblée même, et le 7 juillet 1832, comme il avait été question de suspendre
les levées, je réclamai au nom de la province que je représente. Permettez-moi
de vous lire ce que je disais alors :
« Malgré l’évidence
d’une guerre prochaine qui anéantira les 24 articles et les protocoles, le
gouvernement paraît vouloir continuer à considérer les Luxembourgeois et les
Limbourgeois comme étrangers à la cause que nous allons défendre sur le champ
de bataille, puisqu’il ne veut, à ce qu’on m’a assuré très positivement, faire
aucune levée d’hommes dans ces parties de
« Les
Luxembourgeois surtout, messieurs, ont, outre l’intérêt général qui anime tous
les Belges, un motif de plus pour désirer d’en venir aux mains avec nos
ennemis. N’est-ce pas sur leur territoire, sous leurs yeux, qu’a été enlevé le
malheureux M. Thorn, leur concitoyen, leur
gouverneur, leur sénateur ?
« Oui, messieurs,
cet outrage fait à la nation entière est encore plus vivement senti dans ma
province que partout ailleurs, et nous ne cesserons pas d’en réclamer une
réparation éclatante, jusqu’à ce que nous l’ayons obtenue. Cependant, puisque
le gouvernement prend dans ce moment des mesures énergiques qui ne laissent
aucun doute sur le changement de système qu’il a adopté, je ne lui adresserai
aucune nouvelle interpellation à cet égard. Je me bornerai à demander à
messieurs les ministres s’il est vrai qu’ils ont décidé, comme cela a eu lieu
pour la dernière levée de la milice, que les parties du Luxembourg et du
Limbourg qui avaient été cédées par les 24 articles, ne seront pas appelées à
fournir leurs contingents dans la levée des trente mille hommes qui va avoir
lieu, et, dans le cas de l’affirmative, quels sont les motifs de cette décision
qui ne serait propre qu’à décourager entièrement les Belges qui, malgré leur
position particulière, ont conservé l’espoir que la diplomatie ne leur ôterait
pas la liberté qu’ils ont acquise au prix de leur sang ; car, messieurs, ne
perdez pas de vue que ce sont les mêmes Luxembourgeois qui ont si vaillamment
combattu à Walhem et à Berchem. »
Voici ce que me répondit
M. le ministre de l’intérieur (c’était alors l’honorable M. de Theux) :
« Messieurs, j’applaudis
au dévouement de député du Luxembourg, et je dois lui déclarer que, loin que le
gouvernement ait résolu de ne pas faire les opérations relatives à la levée des
hommes pour composer l’armée de réserve dans les provinces du Luxembourg et du
Limbourg qui devraient être cédées en vertu du traité des 24 articles, il a
décidé au contraire que ces provinces sont comprises en entier dans les
répartitions, et que les opérations concernant la levée auront lieu dans ces
contrées comme ailleurs. »
En effet, ces opérations
se sont faites alors dans le Luxembourg comme dans les autres provinces. Ce
n’est que depuis que le gouvernement a voulu exempter du service militaire les
habitants du Luxembourg. En vertu de quelle loi le gouvernement accorde-t-il
cette exemption ? Il ne peut exempter un seul homme que la loi à la main, et il
a exempté un grand nombre d’habitants. Il n’a pu le faire qu’en surchargeant le
contingent des autres provinces, qu’en violant la loi du contingent qui a été
votée par les chambres. Il devait faire les levées dans le Luxembourg, comme
dans les antres provinces, et ne pas jeter le découragement dans cette partie
de la population qui est belge malgré le traité des 24 articles que je
considère maintenant comme un chiffon de papier, puisqu’il n’a pas été accepté.
Je vous ai parlé de
pétitions ; en voici une qui a été adressée à la chambre. Permettez-moi de vous
en lire l’analyse, ainsi que les motifs par lesquels la chambre a conclu à
l’ordre du jour :
« La dame Catherine
Carl, à Jungluister (Grand-Duché), demande que la
chambre avise aux moyens de faire cesser toute recherche et arrestation des
miliciens réfractaires habitant les deux parties du territoire belge cédées à
« La commission
conclut à l’ordre du jour, par le motif que les territoires cédés par le traité
des 24 articles continuent à faire partie de
Voilà comment la chambre
a décidé la question. Et maintenant on ne lève la milice ni dans le rayon
stratégique, ni dans le reste du Luxembourg allemand. On devait la lever même
dans le rayon stratégique. Car cette partie du territoire nous appartient ;
vous en avez l’administration, vous y levez des contributions.
Vous n’êtes pas,
ministres du Roi, conséquents dans vos actes ; d’un côté vous suspendez les
levées dans le Luxembourg, parce qu’on vous menace ; de l’autre vous retenez
dans les rangs de l’armée les classes de 1826 et 1827, qui appartiennent à
cette même partie de la province. C’est une étrange anomalie ! Ici des
Luxembourgeois qui servent sous le drapeau belge et qui lui sont fidèles ;
là, leurs frères, à qui vous mettez le découragement dans l’âme. D’un côté ils
combattent pour vous, de l’autre vous ne voulez plus d’eux.
Si je revenais aux 24
articles qu’on n’a pas craint de qualifier de droit public de
Que les ministres, que
les orateurs qui ont invoqué ce traité comme le droit public du pays, pensent à
ceux de leurs concitoyens qui sont par ce traité livrés à leurs bourreaux…
Je
demande pardon à la chambre, de ce que je lui parle avec ce ton de
l’indignation dans la voix ; mais, habitant du Luxembourg, il m’est impossible
de maîtriser mon émotion. Je pense, d’ailleurs, que la chambre n’est pas
étrangère à ce sentiment. Je m’arrête ; je ne puis en dire davantage.
M.
le président. - Je vais donner lecture à la chambre d’une lettre que je
viens de recevoir de M. le ministre de la justice :
« Monsieur le
président,
« Retenu chez moi,
depuis samedi soir, par une indisposition qui ne me permet pas encore de
quitter la chambre, j’ai l’honneur de vous informer qu’il m’est impossible de
satisfaire à la demande que vous venez de m’adresser.
«
Je vous prie, M. le président, d’en témoigner mes regrets à la chambre et
d’agréer, etc.
« Bruxelles, le 18
février 1834
« Le
ministre de la justice, Lebeau. »
M.
Gendebien. - Je demanderai d’abord si aucun des ministres ne se sent le
courage de répondre plus catégoriquement aux questions qui ont été nettement
posées par l’honorable M. d’Huart.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais, messieurs, ce qu’a
à faire le courage avec le silence que les ministres peuvent juger convenable
de garder. Il ne faut pas grand courage pour répondre à des interpellations. Si
nous ne l’avons pas fait encore, c’est que nous n’avons pas cru que ce fût
utile. Nous ne pensons pas d’ailleurs que personne ici puisse avoir la
prétention de nous faire parler contre notre gré.
Mon collègue, M. le
ministre de la guerre, a répondu à la première question. Il a dit qu’il est
vrai que, dans la nuit du samedi 15 de ce mois, les troupes de la confédération
germanique sont sorties de la forteresse de Luxembourg, et ont été enlever avec violence le sieur Hanno,
commissaire de district, dans son domicile de Bettembourg.
Quant au motif ou au
prétexte de cet acte de violence, nous ne le connaissons que par des renseignements
généraux et pas d’une manière assez précise pour en rendre compte
officiellement à la chambre. Toutefois, si la chambre, pressée qu’elle est, ne
nous donne pas le temps de recueillir de nouveaux renseignements, je puis dire,
dès aujourd’hui, que la violence dont il est question a eu pour prétexte la
circonstance suivante :
Vous vous rappelez,
messieurs, que dans une dernière séance il a été question de la levée de la
milice dans la partie allemande de la province du Luxembourg. Le gouvernement a
expliqué comment, après avoir prescrit la levée de la milice dans la partie
allemande de la province du Luxembourg, y compris le rayon stratégique, il
s’est déterminé à faire, quant au rayon stratégique, une exception provisoire.
Plusieurs honorables
membres de l’assemblée ont en effet reconnu que le rayon stratégique se
trouvait dans une position particulière qui pouvait justifier cette suspension.
Il a été donne connaissance à l’assemblée d’une sorte d’arrangement militaire
passé entre le général Goethals, commandant la
province au nom du gouvernement belge, et le prince de Hesse-Hombourg, commandant la forteresse pour la confédération
germanique, arrangement par suite duquel aucune opération militaire ne pouvait
avoir lieu dans toute l’étendue du rayon stratégique. Le gouvernement belge n’a
pas considéré comme opération militaire une levée de milice qui n’était pas
suivie de son incorporation. Il n’en a pas été de même de la part du commandant
de la forteresse ; il a prétendu voir dans cette mesure administrative une
opération militaire.
Dans l’incertitude sur
la manière dont devaient être interprétées les expressions de l’arrangement
militaire, le gouvernement belge a cru que la prudence et la loyauté lui
commandaient de s’abstenir. Voilà ce qui explique comment les ordres qu’il
avait primitivement donnés, n’ont pas reçu leur exécution dans le rayon
stratégique. Hors du rayon, le tirage a continué.
Il paraît que le
commandant de la forteresse a appris que des affiches concernant la levée de la
milice se trouvaient dans des communes du rayon ; cette publication n’était pas
conforme à la lettre du général Tabor, qui lui avait annonce que les opérations
du tirage seraient suspendues dans le rayon.
Le général Dumoulin,
commandant par interim la forteresse, s’est cru d’après
cela autorisé à réaliser les menaces qu’il avait faites et les a réalisées par
un acte que je ne veux point qualifier. Il a porté ses troupes au-delà du rayon
convenu, et elles ont été saisir violemment dans son domicile un fonctionnaire
belge.
On demande
quelles sont les mesures que le gouvernement a déjà prises ou se propose de
prendre à cette occasion. Le gouvernement a pensé qu’il y aurait de
l’imprudence à se décider précipitamment en obéissant à ses premières
impulsions. Mais si nos impressions ne se manifestent pas par des paroles
brillantes, croyez, messieurs, qu’elles n’en sont pas moins profondes ; croyez
qu’elles sont aussi vives que chez quelque membre que ce soit de cette
assemblée. On nous reproche notre impassibilité : mais dans des circonstances
graves, ne reprocherait-on pas avec plus de raison aux ministres, de ne pas
garder le sang-froid nécessaire pour délibérer ? C’est pour délibérer aussi qui
sommes dans cette assemblée, et non pour pousser des cris de guerre. On nous a
conseillé d’aller dire à la conférence que la révolution belge a commencé par le fer et qu’elle doit finir par le fer ; que
nous devions défendre par les baïonnettes la liberté que nous avons conquise
par des baïonnettes. Ce sont là des phrases plus ou moins brillantes, qui
peuvent avoir plus ou moins de popularité ; mais un gouvernement, quelque que
soient ses sentiments, ne peut, à la légère, s’associer à de tels élans. Nous
comprenons cette exaltation ; mais nous croirions manquer à nos devoirs en la partageant au sein d’une assemblée délibérante.
M.
de Puydt. - Messieurs, ce n’est pas la première fois qu’on invoque la
convention militaire de 1831 comme interdisant d’autres opérations que les
mouvements militaires, et qu’on insinue que le rayon stratégique n’avait pas de
limites déterminées et que le commandant militaire de la forteresse pouvait les
étendre suivant son caprice. Je désire, messieurs, vous donner sur ces points
quelques explications.
Toute forteresse, quelle
que soit sa position, a un rayon kilométrique dans l’étendue duquel il est
défendu de faire une construction qui pourrait nuire à la défense de la place.
Indépendamment de ce rayon qui est ordinairement de
Telle est la position de
la forteresse de Luxembourg. La confédération germanique a déterminé l’étendue
du rayon. En vertu du traité, elle peut envoyer dans ce rayon des patrouilles
pour protéger les approchés de la place, éviter les surprises, et empêcher les
rassemblements de troupes qui pourraient emporter la place d’emblée.
Indépendamment de cette
faculté, le gouverneur du Luxembourg n’a aucun droit sur le territoire ; aucune
juridiction à exercer, aucune haute prérogative. Telle était la situation de la
forteresse, au moment où a éclaté notre révolution. Au commencement de 1831 on
contesta au gouvernement belge ses droits dans le rayon stratégique. On envoya
alors un militaire, homme actif, d’un esprit ferme et énergique, le général
Buzen, qui sut bientôt faire respecter les droits de
Dès les premiers jours
du commandement du général Buzen, le commandant de la forteresse, voulut
empêcher les gendarmes belges de passer sur les glacis. Un gendarme ne voulut
pas déférer à cet ordre, il fut arrêté ; le général Buzen signifia aussitôt au
commandant militaire de la forteresse, que si dans les 24 heures, il n’avait
pas rendu le gendarme qu’il avait fait arrêter, il le rendrait responsable des
événements. Le gendarme fut rendu dans les 24 heures. (Applaudissements dans l’assemblée et dans les tribunes.)
A partir de ce jour-là,
les droits de
Peu de temps après, le
gouvernement belge apprit que la garnison de la forteresse du Luxembourg était
renouvelée, que les troupes de diverses principautés de l’Allemagne y
remplaçaient les troupes prussiennes. L’inquiétude se répandit dans la province
du Luxembourg. On craignait une invasion de la part de la confédération
germanique. On envoya alors dans la province le 7ème régiment de ligne et 10
bataillons de tirailleurs. Les troupes furent échelonnées dans la province.
Plusieurs bataillons de volontaires furent même cantonnés dans l’étendue du
rayon stratégique. Ces mouvements militaires donnèrent de l’inquiétude au
commandant militaire de la forteresse. Il envoyait des patrouilles dans
l’étendue du rayon pour protéger les approches de la place. Un conflit s’éleva
entre l’une de ces patrouilles et un détachement belge. C’est à cette occasion
et le 20 mai 1831 qu’il fut arrêté entre le général belge et le commandant de
la forteresse qu’aucune opération militaire n’aurait lieu dans l’étendue du
rayon stratégique. Dans l’esprit de cette convention, ces mots, « opérations
militaires », ne pouvaient s’appliquer qu’à des mouvements de troupes ;
parce que c’était des mouvements de troupes qui avaient donné lieu à cette
convention. Pendant tout le temps que le général Buzen a conservé le
commandement militaire de la province, la convention a été respectée de part et
d’autre, et le commandant de la forteresse ne songea pas à interdire au
gouvernement belge la levée de la milice.
Mais
le général Buzen fut remplacé et remplacé par un officier plus faible, un homme
pusillanime, pour me servir de l’expression de l’un des honorables préopinants.
C’est après ce changement que, soit prétention nouvelle de
A cela, le meilleur
remède serait de replacer dans le Luxembourg le général qui y était en 1831, de
mettre à la tête de cette province un homme d’un caractère ferme et énergique,
au lieu de l’officier qui la commande en ce moment, et qui a fait preuve de
tant de faiblesses.
Un grand nombre de membres. - Appuyé ! appuyé
!
M.
Gendebien. - Messieurs, je crois que, pour le moment, il est inutile de
rien ajouter à ce que vient de dire l’honorable M. de Puydt ; le gouvernement
actuel pourra y puiser une leçon sinon utile au moins sévère ; car je doute
qu’il y en ait encore d’utiles pour ce gouvernement. Je me borne donc à
demander que la chambre nomme immédiatement une commission chargée de présenter
une adresse au Roi. Si le ministère croit pouvoir se justifier, il lui enverra
les renseignements qu’il aurait dû depuis longtemps fournir à la chambre. S’il
ne croit pas devoir s’adresser à la commission, il les donnera à la chambre
lorsque la commission présentera son rapport et lorsque la chambre le
discutera.
Il n’y a plus à
délibérer. Il faut immédiatement nommer une commission qui, demain ou
aujourd’hui même, rédigera un projet d’adresse. Il n’y a pas de retard
possible. Il y a nécessité de donner à cette question une prompte et énergique
solution.
Un de nos concitoyens,
un fonctionnaire public, a été enlevé avec violence de son domicile, contre le
droit des gens ; aussi longtemps qu’il sera retenu captif, la chambre doit
s’abstenir de toute délibération. Elle dit songer à faire respecter la dignité
nationale. Une nation qui se laisse avilir à ce point est morte : Pourquoi
discuter le budget ? Il n’est pas besoin de s’occuper des affaires d’un mort.
Songeons à rendre la vie à la patrie en lui rendant l’honneur. Alors, et alors
seulement, nous pourrons reprendre la discussion du budget.
Depuis trop longtemps
nous souffrons patiemment les violations quotidiennes de notre territoire. Vous
vous rappelez l’enlèvement de M. Thorn. Le
gouvernement s’est conduit à cette occasion avec la pus grande pusillanimité ;
il s’est mis aux genoux des puissances ; partout il s’est humilié ; partout à
genoux. Ce que les supplications n’ont pu obtenir, l’honorable M. d’Huart l’a
obtenu par un simple acte de représailles. M. Thorn
nous a été rendu. Mais encore le gouvernement n’a pas su tirer parti de cet
acte d’énergie d’un de nos honorables collègues ; notre diplomatie nous a
couverts de déshonneur dans les négociations et dans les stipulations qui ont
terminé cette affaire.
N’attendez donc rien des
notes et des contre-notes qu’on ne manquera pas de vous promettre, et qu’on ne
sera fera pas faute de multiplier dans toutes les formes. Vous allez conjurer
les grandes puissances, vous allez supplier vos protecteurs ; mais la nation
répudie votre langage. Si vous avez confiance dans la protection de ces
puissances, adressez-vous à leurs ambassadeurs qui sont ici, dénoncez-leur la
violation flagrante du droit des gens, et l’infraction à leurs propres traités
; il faut le dire (et c’est un puissant motif de consolation), les
gouvernements de France et d’Angleterre sont plus déshonorés que nous par cet
acte de violence. Oui, ils sont couverts de déshonneur s’ils ne font pas
respecter notre dignité nationale, et nous n’avons que faire de leur protection
s’il faut l’acheter au prix de l’honneur.
Si
vous voulez contraindre à rougir ces représentants des grandes puissances,
montrez l’exemple, faites voir ce que peut le sentiment de la dignité
nationale, joint à une volonté ferme ; rédigez une adresse au Roi où en vous
exprimant, avec les convenances dont la chambre ne doit jamais s’écarter lorsqu’elle
s’adresse au chef de l’Etat, vous montrerez cette fermeté qui ne doit jamais
nous abandonner lorsque nous avons à défendre notre liberté et notre
indépendance ; deux mots dont on abuse trop souvent, dont on parle sans cesse
et qui, si on continue, nous rendront la risée de toute l’Europe. Faites voir
que vous en comprenez le sens, faites entendre qu’ici il faut agir et non
supplier. Je craindrais, en continuant d’aller trop loin, et de me laisser
entraîner jusqu’à la violence. Je crois que pour éviter les paroles qui
pourraient passer les bornes, il faut s’occuper immédiatement de la nomination
d’une commission. Aujourd’hui, ce soir, elle pourra vous présenter son rapport.
Alors les esprits seront plus calmes, et une discussion sera possible. Voilà,
je crois, messieurs, ce qu’il est de votre devoir de faire, si vous ne voulez
pas partager la honte dont on vient de couvrir le pays.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne m’oppose en aucune manière
à la nomination d’une commission. Je ne recule pas devant les explications. Je
n’ai pas voulu les donner aujourd’hui parce que le travail n’est pas prêt. Je
donnerai ces explications demain, non à la commission, mais à la chambre même.
Quant à la commission, je ne m’oppose pas, je le répète à sa nomination.
M.
Pollénus. - Je demande la parole.
M. de Brouckere. - Si personne ne s’oppose à
la nomination de la commission, il est inutile, ce me semble, d’entendre
d’autres orateurs.
M.
Pollénus. - Je renonce volontiers à la parole, dès qu’il est entendu
qu’on est d’accord sur l’opportunité de l’adresse proposée par M. Gendebien ;
alors toute discussion devient inutile de la part de ceux qui comme moi ont
l’intention de l’appuyer ; mais j’entends dire que le ministère ne s’oppose pas
à une adresse au Roi, le ministre des affaires étrangères a commencé à parler
dans ce sens, mais ensuite, il est revenu sur le rapport qu’il se propose de
faire demain sur l’agression contre le Luxembourg. Je croyais que par là, il
avait en vue d’écarter la proposition de l’adresse ; je ne ferai qu’une seule
observation : lorsque nous entendons un ministre nous dire qu’informé depuis
hier matin de l’événement de Bettembourg, il ne soumettra que demain l’affaire
au conseil des ministres, je pense que nous devoir nous commande d’y mettre un
peu plus d’empressement et qu’il est urgent d’intervenir en présence d’un fait
aussi grave.
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux
voix !
M.
le président. - Voici la proposition de M. Gendebien :
« Je demande qu’il
soit immédiatement nommé une commission chargée de présenter un projet
d’adresse au Roi.
« Gendebien.
« Le 15 février
1834 »
- Cette proposition est
mise aux voix et adoptée.
Il est procédé au
scrutin pour la nomination de cette commission, qui aux termes du règlement
doit être de six membres auxquels doit s’adjoindre le président.
Voici le résultat de ce
scrutin :
71 bulletins ont été
déposés dans l’urne.
36 est par conséquent le
chiffre de la majorité absolue.
Les suffrages ont été
répartis ainsi qu’il suit :
M. d’Huart, 57 ;
M. de Theux, 46 ;
M. Dumortier, 46 ;
M. de Foere, 40 ;
M. de Behr, 33 ;
M. Fallon, 29 ;
M. Gendebien,26 ;
M. H. Dellafaille, 25 ;
M. de Puydt, 24 ;
M. de Brouckere, 17 ;
M. Jullien, 10 ;
M. de Robaulx, 9 ;
M. Liedts, 8 ;
M. Dumont, 7 ;
M. d’Hoffschmidt, 6.
En conséquence, MM.
d’Huart, de Theux, Dumortier et de Foere, ayant obtenu la majorité absolue, sont
proclamés membres de la commission.
La chambre procède par
un nouveau scrutin de liste à la nomination de deux autres membres de la
commission.
Voici le résultat de ce
second scrutin.
68 bulletins ont été
déposés dans l’urne.
35 est le chiffre de la
majorité absolue.
M. de Behr a obtenu 48
suffrages ;
M. Fallon, 35 ;
M. Gendebien, 28 ;
M. Dellafaille, 19.
MM. de Behr et Fallon
sont proclamés membres de la commission.
M.
le président. - Les membres de la commission désirent-ils se réunir ce
soir ? (Oui ! oui !)
Discussion des articles
Chapitre VIII. - Travaux publics
Article premier
M.
le président. - Nous allons continuer la discussion du budget de
l’intérieur : nous étions parvenus au paragraphe C : Améliorations,
constructions applicables aux produits des barrières. Plusieurs orateurs ont
été entendus dans la séance précédente ; si personne ne demande la parole, je
vais mettre le paragraphe aux voix.
M. Van Hoobrouck. - Je crois que la chambre n’est
pas disposée pour discuter ; je demande qu’elle s’ajourne à demain, et que la
commission se réunisse immédiatement.
M. d’Huart. - D’après la mesure que la chambre vient de
prendre, nous devons être tranquillisés, et nous pouvons examiner le budget de
l’intérieur. Quant à moi je suis fort tranquille.
- Le paragraphe C est
adopté.
« Paragraphe
D. Opérations graphiques, ou plans et dessins : fr. 25,000 fr. »
La section centrale
propose 15,000 fr.
M. d’Huart. - Je ne puis adopter la réduction proposée
par la section centrale parce qu’elle ne me paraît pas justifiée. On dit que
15,000 francs avaient suffi en 1832 ; mais il faut dire aussi qu’en 1833 ce
chiffre n’a pas suffi.
Les opérations
graphiques ont pour but de faire connaître les besoins du pays, et parmi ces
besoins il en est qu’on pourrait ignorer. J’en citerai un exemple. Dans la
province du Luxembourg, il y a une rivière,
Voilà
des travaux dont on devrait étudier les parties et faire les dessins. Il en est
sans doute d’autres aussi importants à étudier. Par ces considérations, je
crois qu’il faut accorder au gouvernement la somme qu’il demande.
M. de Puydt,
rapporteur. -
En proposant une réduction de 10,000 fr sur ce chapitre, la section centrale a
deux objets en vue : elle a considéré que les travaux qui doivent s’exécuter
cette année, sont des travaux dont les études sont faites depuis longtemps ;
elle a considéré en second lieu que 5,000 fr. devaient être affectés à la
construction d’une carte de
M.
Desmet. - Cet article va en croissant tous les ans et même dans une
progression géométrique.
En 1831, on ne demanda
que 1,000 florins.
En 1832 on demanda 6,000
florins ; mais cette année commençait déjà le travail des plans et mémoires de
MM. Simons et Deridder sur le projet du chemin en fer
d’Anvers.
En 1833, on devait avoir
une somme de 27,600 fr., desquels MM. Simons et Deridder
en avaient encore besoin 15,000 fr. pour les plans de la route en fer d’Anvers.
Et cette année on demande 25,000 fr., quoiqu’on n’ait plus rien besoin pour les
plans et mémoires du chemin de fer ; mais on trouve utile de confectionner une
carte du royaume.
La
section centrale a pensé que le moment n’était pas encore arrivé pour faire
cette carte du royaume, qu’on pouvait très bien attendre pour s’assurer si les
arpentages et plans du cadastre n’auraient pas produit des éléments pour la
confectionner, et que d’ailleurs, d’après ce que M. le ministre avait fait
connaître à la section l’emploi de cette somme était spécialement destiné à
payer le salaire ou la journée des ouvriers qui aidaient aux opérations.
Avec 15,000 fr., on paie
bien des journées, et je ne sais même pas comment on pourra les employer ; je
m’étonne donc que M. le ministre veuille consentir à la réduction proposée par
la section centrale, que la chambre devra trouver très fondée.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si l’honorable préopinant ne
sait pas pourquoi le ministre ne s’est pas rallié à l’opinion de la section
centrale, je ne sais pas davantage pourquoi la section centrale ne s’est pas
ralliée à l’avis de la plupart des sections qui ont alloué la somme demandée de
25,000 fr. Ce n’est pas au moment où l’on se livre de toutes parts, en Belgique,
à de travaux de route, ou l’on arrête des plans nouveaux, que la chambre
refusera 5,000 francs pour la préparation de ces entreprises. Je ne conçois pas
pourquoi on voudrait refuser aussi au gouvernement le moyen de dresser une
carte du royaume. Le gouvernement doit une carte au pays ; les anciennes,
celles de Ferraris ct d’autres, présentent de grandes
lacunes. On commencera cette carte par les parties dont les limites sont hors
de toute contestation. Ce n’est pas l’affaire d’un jour que de la dresser. Il
se fait en en France une carte à laquelle on consacre plusieurs centaines de
mille francs ; c’est d’après les plans français que nous nous proposons de
faire notre travail.
La
carte de Belgique exigera trois ou quatre années de soins. En la livrant au
commerce, on en retirera bien au-delà de ce qu’elle aura coûté.
J’insiste pour obtenir
une dépense qui a été jugée utile par les sections.
M. Gendebien. - Je proposerai une réduction de
5,000 fr. seulement et relativement à la carte. Les 20,000 fr. restants seront
consacrés aux frais de levée des plans, d’achat et de réparation d’instruments,
bien que les achats et réparations d’instruments soient à la charge des
ingénieurs. Quant à la carte, le moment n’est pas venu de la dresser. Le
gouvernement doit une carte au pays, dit-on ; oui, messieurs, mais avant tout
le gouvernement doit au pays la conservation intégrale des territoires ; il
doit au pays de faire respecter le territoire. Quand le pays sera
définitivement constitué, arrivera le moment de faire une carte ; alors on
trouvera dans les opérations cadastrales les éléments constitutifs de
l’opération géographique. Aux termes de la convention du 21 mai, nous sommes
dans un statu quo qui ne nous permet pas de savoir quelle sera la limite de
notre territoire ; car on nous conteste le Luxembourg tout entier. Par la carte
nous nous préparerions de nouvelles humiliations, puisqu’il nous en faudrait
rayer le Luxembourg par suite de la faiblesse de nos gouvernants. Nous avons d’excellentes
cartes qui peuvent servir à nos ingénieurs ; nous avons celle de Ferraris, sur laquelle on a placé les changements survenus
en Belgique. Si nos ingénieurs sont inactifs, ce n’est pas par défaut de
cartes. Je ne veux pas qu’on travaille à un nouveau sujet de honte pour le
pays. Je retranche 5,000 fr.
M. Teichmann. - Les errements que M. Gendebien
indique comme devant conduire à obtenir une carte du pays sont précisément ceux
qu’on se propose de suivre aujourd’hui. L’on se propose de réduire les plans du
cadastre sur une échelle propre à renferme la carte du pays dans un cadre
convenable. Cependant on demande dès à présent quelques fonds pour commencer
cette carte, parce que l’on peut, à mesure que les travaux des canaux ou des
routes se préparent, rattacher ces projets à la carte du pays. Par exemple, les
études géodésiques qui ont eu lieu entre Anvers, Malines, Louvain et Liége ont
fait connaître les diverses hauteurs des terrains que le chemin de fer aura à
parcourir ; ces hauteurs rapportées à un repère constant ont été marquées sur
la carte ; eh bien on se propose de rattacher tous les travaux des ingénieurs à
cette première base. Ainsi, ce n’est pas l’année prochaine qui faudra allouer
des fonds ; c’est cette année ; et il y aura économie à procéder ainsi.
M. Gendebien. - Je me servirai des
raisonnements du préopinant pour repousser l’allocation de 5,000 fr. Les
ingénieurs pourraient rattacher, dit-on, leurs plans à des lignes principales. En
ce cas attendons que les ingénieurs aient fait quelques travaux pour les
réunir, et il n’y a aucun motif pour donner cette année 5,000 fr. Les
ingénieurs feront leurs plans spéciaux ; plus tard on réunira tous ces éléments
particuliers pour faire une bonne carte.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il me
semble que la chambre n’a pas à s’occuper de la question de savoir si le
gouvernement fera ou ne fera pas une carte ; la solution de cette question est
du domaine de l’administration. Je ne répondrai pas aux raisons diplomatiques
qu’on a employées : c’est l’habitude de l’honorable membre de faire intervenir
la diplomatie en toute chose, mais je dirai que les travaux du cadastre sont
déjà assez avancés pour servir au travaux géographiques.
Une carte est le résultat d’un travail progressif, on y procède par parties, et
je ne vois pas pourquoi le gouvernement, dès l’instant même, ne mettrait pas à
profit les documents qu’il peut se procurer. Au reste, le mot carte ne figure pas
dans l’article en délibération ; il ne se trouve que dans les développements.
En ne donnant pas les 5,000 fr., on n’empêcherait pas le gouvernement de
commencer la carte. C’est un travail très utile, très important qu’il faut
commencer le plus tôt possible.
M.
Jullien. - On vous demande, sous la lettre D 2,500 fr. pour frais de
levée de plans ; il me semble que la section centrale a très bien justifié la
réduction qu’elle propose. Pour l’année précédente, a-t-elle remarqué, 15,000
fr. ont été suffisants ; le ministre assure qu’il faut augmenter la somme,
parce qu’il faut une carte de
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Elle est déjà commencée.
M.
Jullien. - Le ministre fera une carte si bon lui semble ; la chambre ne
doit lui allouer que la somme nécessaire pour préparer les plans.
- Le chiffre 20,000 est
adopté.
Le chiffre total de
l’article en discussion est 2,095,000 fr.
- Adopté.
M.
le président. - Nous passons à l’art. 2, canaux. Le ministre demande
107,450 fr. La section centrale partage cet article en trois paragraphes, et M.
le ministre de l’intérieur propose des amendements à ces paragraphes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je
vais proposer un amendement tendant à augmenter le chiffre que j’avais proposé
par le dernier paragraphe.
M.
Gendebien. - Il faut imprimer cet amendement.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - C’est une augmentation de
6,000 francs sur le paragraphe A. Messieurs, depuis la présentation du budget
il est survenu au canal de Pommeroeul à Antoing des dégradations telles que
25,000 fr. seront nécessaires pour les réparations les plus urgentes. Un
rapport qui m’est parvenu du gouverneur provincial du Hainaut, qui annonce que dans
les mois de décembre et de janvier, par suite des fortes pluies, des
éboulements considérables ont eu lieu au canal. D’après le devis la somme de
25,000 francs a été jugée au minimum nécessaire pour les travaux à faire, et
c’est cette somme que je viens réclamer.
M. de Puydt, rapporteur. - La proposition nouvelle que
vient de faire le ministre n’a aucun rapport avec les réductions motivées que
la section centrale propose. S’il est survenu des dégradations, il faut les
réparer ; mais les réductions que propose la section centrale sont fondées sur
ce qu’il est inutile d’accorder des sommes pour réparation de canaux qui ne
sont pas en notre pouvoir, qui sont au pouvoir des Hollandais ; on ne voit pas
pourquoi on les réparerait.
M.
Dumont. - Messieurs, je demanderai à la chambre la permission de lui
signaler une erreur dans le vote de l’article précédent. La législation sur les
barrières exige que leur produit tout entier soit employé en routes nouvelles
ou en amélioration de routes existantes. Cependant il reste une partie de cette
somme sans emploi....
M.
le président. - Je ne crois pas qu’il soit possible de revenir
actuellement sur le vote de la chambre ; on ne pourra y revenir que lors du
second vote.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il s’agit de 5,000 fr.
M.
Gendebien. - Il y a une plus grande différence que cela entre
l’évaluation du produit des barrières et le budget des dépenses ; la différence
est de plus de 15,000 francs. C’est une erreur qu’on peut rectifier.
M.
le président. - C’est au moment du vote définitif qu’on la rectifiera.
M.
Desmet. - Je demande que les amendements du ministre de l’intérieur à
l’article que nous discutons soient renvoyés à la section centrale.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne pourrai rien dire de
plus à la section centrale que ce que je dis ici.
M.
de Theux. - Que
M. le ministre lise le rapport de l’ingénieur.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre peut se rapporter à
ce que j’affirme ; je ne lirai pas le rapport de l’ingénieur.
M.
le président. - M. le ministre propose trois amendements : par l’un, il
demande 157,000 fr. d’augmentation.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les amendements ont été
déposés depuis trois jours sur le bureau de la chambre ; cependant si la
chambre veut les soumettre à la section centrale, je ne m’y opposerai pas.
L’un de ses amendements
a pour but une augmentation de 5,025 fr. pour Ostende ; je puis justifier cette
augmentation comme les autres.
M.
Gendebien. - La chambre est bien convaincue que pour une augmentation
de 157,000 fr., il est nécessaire de la soumettre à la section centrale. Quand
on propose des dépenses au commencement de la session, la section centrale les
examine et demande communication des pièces justificatives ; il n’y a aucune
espèce d’inconvenance parlementaire à demander la communication des pièces ; il
ne suffit pas que le ministre soit convaincu, il faut encore que nous
partagions cette conviction.
- La chambre renvoie les
amendements proposés par le ministre à la section centrale.
La séance est levée à 4
heures et demie.