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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 30 janvier 1834

(Moniteur belge n°31, du 31 janvier 1834)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dellafaille fait l’appel nominal à midi et demi.

Il donne ensuite lecture du procès-verbal, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Liedts fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre ; ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Jullien. - Je demande la parole à l’occasion d’une pétition que vient d’annoncer M. le secrétaire. Elle est adressée à la chambre par un assez grand nombre de commerçants de la ville de Bruxelles, parmi lesquels se trouvent les notabilités du commerce de cette ville. Elle a pour objet la réunion de l’administration à la direction des postes ; comme cet objet se rattache au budget des finances, je demande qu’on veuille bien donner lecture de la pétition, et qu’on la dépose au bureau des renseignements, pour que nous puissions en prendre connaissance. Il est inutile de la renvoyer à la commission des pétitions, qui ne pourrait faire son rapport que quand la question sera décidée par le vote du budget des finances.

M. Liedts donne lecture de la pétition

- La proposition de M. Jullien est adoptée.


M. Gendebien écrit pour annoncer qu’il ne pourra partager les travaux de ses collègues que lundi prochain.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1834

Discussion générale

M. d’Hoffschmidt. - Lors de la discussion du budget des recettes, j’ai signalé un abus grave, c’est le sursis accordé aux acquéreurs de biens domaniaux. Je me suis plaint que le trésor n’avait pas de garanties suffisantes contre les détenteurs de ces biens ; j’ai dit que dans ma province il y a un acquéreur qui s’est fait adjuger 7,000 hectares de bois ; il devrait payer plus de 2 millions, il n’a rien payé ou à peu près rien, et il a beaucoup exploité. Aussi les assurances données par le ministre lors de la discussion du budget des recettes ne peuvent rassurer le pays. Ne pourrait-on pas prononcer la déchéance contre les acquéreurs qui n’ont pas payé ? c’est une condition de leur acquisition.

Dans ma province les usagers sont victimes des détentions des biens domaniaux ; ces malheureux usagers ont essayé de se réunir pour s’opposer aux exploitations extraordinaires qui les ruinent ; mais vous savez combien peu les communes savent soutenir leurs droits. J’engage le gouvernement à porter son attention sur ce point et à prendre des mesures propres à tranquilliser les communes intéressées.

Puisque j’ai la parole, j’entretiendrai la chambre d’un autre objet qui concerne le budget des finances.

Depuis longtemps les traitements des employés, des curés, des vicaires, ne se paient que plusieurs mois après l’échéance. Excepté les employés de l’administration des finances, tous les autres sont obligés de négocier leurs mandats, et ils font de grandes pertes. Cela fait murmurer les employés, cela diminue le crédit du gouvernement, d’autant plus que les entrepreneurs de travaux publics soit dans le même cas.

Ce retard ne peut être attribué à la cour des comptes puisque les mandats n’arrivent dans nos provinces que cinq ou six semaines après leur visa ; on les assigne sur les caisses des receveurs des contributions, lesquels disent : Nous n’avons pas d’argent. Ils font attendre encore cinq ou six semaines, de sorte que les employés attendent quelquefois quatre ou cinq mois. L’exercice 1833 est échu ; dans un mois seulement les fonctionnaires recevront leurs mandats, et ils attendront deux mois encore. Cependant la banque doit payer à l’échéance. J’engage le gouvernement à mettre fin à un tel abus, qui ressemble à de l’agiotage.

En voici encore un que je dois signaler. Depuis longtemps on demande que le tarif des douanes soit révisé. Dans notre province on sent surtout le besoin de cette révision. Nous réclamons ici des réductions sur le tarif français relativement à notre bétail, et la commission que nous envoyons à Paris est chargée de donner ses soins à cet objet ; cependant vous mettez vous-même par ce tarif un droit de sortie sur vos bestiaux ; vous faites, par exemple, payer 6 fr. par cheval qui sort du territoire.

La plus grande partie de nos provinces n’ont aucune autre industrie que le commerce de bestiaux qui forme leur unique produit ; comment concevoir, dès lors, le droit de sortie imposé par notre tarif, droit qui ne tend à rien moins qu’à faire un tort immense à notre pays, qui est essentiellement agricole ? Je prie le gouvernement de faire attention à ce point, qui est de la plus grande importance, surtout pour le Luxembourg, qui n’a pour toute ressource que le bétail qui s’y élève.

Sans les fournitures faites en chevaux et en bêtes grasses pour notre armée, cette pauvre province eût été fort à plaindre dans ces derniers temps, et elle retombera indubitablement dans la misère dès que cette armée sera licencié si des débouchés ne lui sont pas ouverts pour l’exportation de son bétail qui, je le répète, est son unique ressource.

M. Desmet. - Messieurs, j’ai à vous signaler que, dans le court espace de trois à quatre mois, trois percepteurs de contributions, aux environs de Gand, se sont furtivement esquivés, et ont laissé des déficits dans leurs caisses.

Je désire que M. le ministre des finances fasse connaître à la chambre à combien montent ces déficits, et de combien ils ont dépassé le cautionnement.

On accuse publiquement les fonctionnaires de l’administration des finances, qui devaient surveiller la gestion de ces comptables, de ne pas avoir rempli leur devoir, et d’avoir exercé une crasse négligence à leur égard.

Ce n’est pas seulement le trésor qui fait des pertes, mais aussi les pauvres contribuables des campagnes ; un grand nombre avaient payé leurs contributions à l’épouse de ces percepteurs escrocs, qui avait délivré des quittances. Mais les quittances ne portant pas la signature du percepteur ont été rejetées, et les malheureux campagnards qui, par ignorance, avaient soldé dans la bonne foi, se trouvent aujourd’hui obligés de payer une deuxième fois les mêmes contributions. Ceci n’est certainement pas bien agréable pour les paysans, et il est fort étonnant que dans une administration comme celle des finances, où se trouve un si grand nombre de fonctionnaires surveillants, on aperçoit tant de négligence à faire ce qu’ils doivent faire ; car, comme vous savez, pour vexer et exercer des fiscalités, ils ne sont pas négligents : ils se trouvent toujours à leur poste, et ne doivent jamais se laisser presser.

Je devrais encore vous dire la même chose pour les douanes, mais on vous le répète tous les jours ; et il est vraiment scandaleux de la manière que la fraude se fait chez nous et particulièrement à la frontière hollandaise. On devrait croire que nos hommes du fisc ont toujours la même prédilection pour leur ancien maître et qu’ils veulent le servir de préférence.

Cependant, si on voulait sincèrement bien servir le pays, je crois que gêner l’entrée des denrées et marchandises venant de Hollande serait un moyen aussi efficace et peut-être plus que celui de la diplomatie pour faire approcher le terme de nos difficultés et nous faire sortir de cet état de choses qui fait beaucoup de mal aux deux pays.

Mais mon espoir est peu fondé ; notre machine financière ne marche point, et ne marchera jamais, si on ne veut une bonne fois y porter la réforme nécessaire, et qu’au lieu de conserver cet état hermaphrodite d’un éternel ad interim, on n’y mette à la tête un chef réel.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je veux répondre quelques mots à l’honorable préopinant. A présent il me serait impossible de dire que ses premières observations sont fondées ; je tâcherai cependant d’en profiter. Je présume qu’elles sont exactes, puisqu’il les a énoncées.

Je ne sais comment il peut exister des abus relativement au paiement des pensions. Si des retards ont lieu, cela tient à des causes inhérentes aux localités qui s’en plaignent, mais non pas à des causes générales. Toutefois je ferai vérifier les faits cités, et j’y porterai remède si la chose dépend de moi.

Certes, depuis longtemps la révision des tarifs est demandée en matière de douanes ; mais une chose qui n’est pas connue, c’est la difficulté qu’un pareil travail présenté, difficulté qui s’augmente encore par suite des réclamations que l’on adresse à la France, pays avec lequel nous sommes liés par tant d’intérêts. Un exemple récent montre quelles précautions il faut prendre pour modifier les tarifs. Vous avez essayé de toucher à un seul point d’une question immense, à la question des fers transformés en ustensiles ; eh bien, j’en appelle à vos souvenirs, vous avez vu combien pénible était votre tâche. Persuadez-vous, messieurs, que les difficultés que présentent les tarifs sont immenses ; je ne connais pas de travail plus pénible.

Le tarif, à mes yeux, n’est autre chose qu’une série d’autant de lois qu’il y a d’articles ; soyez convaincus qu’à chaque article que vous discuterez, vous aurez à porter une loi sur l’industrie et sur le commerce.

On a signalé des infidélités commises dans les Flandres par quelques comptables. De temps à autre, ces infidélités se renouvellent, et il est très difficile de les prévenir toutes. Il ne faut pas croire, parce qu’elles sont commises, que les contrôleurs n’ont pas fait leur devoir. Il est des choses qui peuvent leur échapper. Par exemple, un comptable fait une recette d’un mois ; on ne peut lui contester ce droit ; dans le mois suivant il peut encore faire une recette considérable en faisant un appel aux contribuables les plus hauts cotés. Lorsqu’il a formé ainsi une espèce de magot, le receveur lève le pied et l’emporte.

Je demande s’il est possible que le contrôleur ait pu empêcher cette infidélité ?

Généralement ces déficits n’occasionnent pas de perte au trésor. Les cautionnements ont presque toujours excédé le montant des déficits. S’il y a des différences, elles sont très minimes. Je n’en suis pas moins convaincu que les contrôleurs par leur surveillance empêchent, autant qu’il est possible, ces accidents de se multiplier.

M. Jadot. - Les observations que je vais avoir l’honneur de soumettre à la chambre, pourront servir à l’éclairer sur l’objet de la pétition que viennent de présenter quelques négociants de Bruxelles, dans je ne sais quel but ; car la séparation qu’ils semblent craindre n’apporterait aucune entrave au service de la direction de Bruxelles, tandis que l’ordre et la comptabilité l’exigent.

Je suis persuadé que M. le rapporteur a cru à l’exactitude des renseignements qui lui ont été fournis sur l’administration des postes, et au moyen desquels il justifie son organisation des reproches dont elle a été l’objet, notamment en ce que l’administration cumule cet emploi avec celui de directeur à Bruxelles ; mais, de quelque part que viennent ces renseignements, il suffit qu’on en ait fait usage pour que je me croie obligé d’en démontrer l’exactitude.

On dit que ce qui se fait ici est emprunté à l’administration française ; vous allez en juger :

En France, l’administration est régie par un directeur, assisté de deux sous-directeurs, formant le conseil d’administration.

Ici, il n’y a qu’un administrateur et pas de conseil.

En France, il n’y a que trois divisions à l’administration, dont une est chargée de la direction et du service de Paris et de sa banlieue.

Ici, il y a également trois divisions, non compris la direction.

A Paris, la division chargée du service de Paris et de la banlieue est confiée à l’un des sous-directeurs qui a sous ses ordres un chef, deux sous-chefs, neuf inspecteurs-vérificateurs et un agent comptable.

C’est cet agent comptable qui centralise les recettes et dépenses des neuf directions de Paris, ce qui suffit pour prouver l’importance du travail et l’indispensabilité d’un emploi de cette nature, qui du reste est la récompense du mérite et des longs services.

Voyons maintenant ce qu’est un agent comptable à Bruxelles, où il n’y a qu’une direction.

Un premier arrêté de 1831 a chargé provisoirement un sixième commis de la caisse et comptabilité du bureau de Bruxelles, sous la responsabilité de l’administrateur-directeur.

Un second arrêté de la même année a converti le provisoire en définitif ;

Et un troisième, du 27 août 1832, a déchargé l’administrateur de la responsabilité de la caisse.

Mais, dit M. le rapporteur, l’administrateur reste directeur. Je suis d’accord avec lui sur ce point ; mais, d’après ce, M. l’administrateur-directeur reste chargé des soins de la direction autres que ceux relatifs à l’encaissement et à la garde des fonds ; c’est à lui, comme directeur, à vérifier la régularité des dépenses dont il est responsable en cette qualité, à vérifier ce que les versements se fassent aux époques voulues, à diriger le travail des employés de la direction ; et c’est ensuite encore à lui comme administrateur, et à lui seul, à juger des négligences qui peuvent compromettre la responsabilité du directeur, à moins que l’on ne prétende qu’il n’a conservé cette même qualité que pour prendre sa part dans les émoluments qui se distribuent entre les employés suivant leur grade, lesquels émoluments n’ont pas été pris en considération, comme on le dit, pour la fixation du traitement de l’administrateur à 4,000 fl. C’est le logement dont il jouit à l’hôtel des postes qui met ce traitement de nouveau avec celui de chacun des autres employés du même grade.

Je vais donner lecture des considérants d’un arrêté proposé au ministre par M. l’administrateur le 25 septembre 1831, ils prouveront que l’opinion d’alors de cet employé était qu’il y a incompatibilité entre les fonctions d’administrateur et celles de directeur : il est vrai qu’on pense y remédier en créant un caissier.

« Considérant que par arrêté du gouvernement provisoire, en date du 21 septembre écoulé, le bureau de Bruxelles a été placé sous la surveillance de l’administration des postes et que ce fonctionnaire se trouve encore chargé des attributions du directeur dont la place a été supprimée ;

« Considérant que, pour se couvrir de la responsabilité qui pèse sur lui de ce chef, l’administrateur des postes est assujetti à assister, par lui-même, à tous les services, et doit donner à la comptabilité et au recouvrement des recettes tous les soins qu’exige l’importance de la direction de Bruxelles ;

« Considérant qu’un tel service est non seulement incompatible avec les fonctions d’administrateur, mais encore impossible à exécuter et à concilier avec les soins à donner à l’administration en général ;

« Attendu que l’établissement d’un caissier par la direction lèverait toute difficulté et obvierait aux inconvénients… »

Ainsi, ce caissier une fois établi, le directeur n’aurait plus rien à faire et resterait directeur !

Et l’on prétendra que le caissier établi par arrêté du 27 août peut être assimilé à l’agent comptable français, et que notre organisation est modelée sur l’organisation française ! Non, messieurs, ce qui se fait ici est sans exemple : on ne trouvera nulle part un arrêté qui conserve à un employé les bénéfices de son office en le déchargeant de toute responsabilité, et qui fait peser cette responsabilité sur un autre employé que l’Etat salarie, bien qu’il ne lui rende aucun service. Et pourquoi s’arrêter là ? Pourquoi ne pas s’autoriser de cette organisation pour attacher à la direction de Bruxelles un chef de division, deux sous-chefs et neuf inspecteurs vérificateurs qui existent à celle de Paris ? Ce serait tout aussi conséquent que l’établissement d’un commis.

Je pourrais appuyer ce que je viens de dire de faits qui prouveraient les inconvénients de l’ordre actuel des choses ; mais je dois me borner ici à prouver que notre administration des postes n’est pas modelée sur l’administration française, et je crois l’avoir démontré.

Quant à l’économie, il n’en est résultée aucune : les pensions qui, à l’occasion de cette organisation, ont été accordées à des employés qui ne demandaient pas leur retraite ; le traitement du caissier qui devrait, à Bruxelles comme ailleurs, être à la charge du directeur ; l’augmentation des frais de loyer, d’éclairage, de chauffage et de menues dépenses de bureaux, tout cela excède le traitement et les indemnités que recevait le directeur supprimé.

M. Frison. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour faire une interpellation à M. le ministre des finances, au sujet de l’avis qu’il a publié récemment pour ne plus admettre dans les caisses de l’Etat les couronnes de France, les pièces d’un fr. 50, etc. Cette mesure, prise impromptu, a jeté la perturbation parmi le commerce de détail, et parmi la classe ouvrière, dans tout l’arrondissement de Charleroy, et j’en reviens, messieurs : on ne pourrait se procurer une mesure de grain, ou toute autre chose nécessaire à la vie avec ces monnaies.

Ce qu’il y a de remarquable, c’est que la veille du jour où cet avis fut connu à Charleroy, la solde des troupes y fut faite avec des pièces d’un franc cinquante centimes ; mais, il faut le dire à la louange des officiers de la garnison, aussitôt qu’ils apprirent que l’émission de cette monnaie par leurs soldats pouvait occasionner des désordres dans la ville, ils s’empressèrent de la retirer.

Il me paraît qu’on aurait pu prendre une mesure moins prompte, et accorder un temps moral aux ouvriers et aux détaillants pour faire écouler cette monnaie,

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’avis indique pour quelles raisons les comptables ont été engagés à ne plus recevoir ces pièces, que d’ailleurs on n’aurait jamais dû recevoir, attendu qu’elles ne sont pas monnaies décimales. Cet avis a été concerté avec la banque. Dans la correspondance que j’ai eue avec la banque il a été reconnu que mon avis était indispensable, qu’il devait être formulé dans les termes et dans le délai où il a été conçu. Je suis fâché qu’il ait entraîné quelque chose de fâcheux sur quelques points du royaume ; mais je ne puis répondre autrement à l’interpellation qu’on m’a faite.

M. Verdussen. - Loin de blâmer le ministre, j’appuie fortement l’avis qu’il a donné. Les choses en étaient à ce point, que nous allions être inondés de pièces de 15 et de 30 sous de France. On a bien fait de dire qu’il ne fallait recevoir que les pièces décimales. On nous aurait envoyé toutes les pièces de France, si le ministre n’avait pas pris la mesure qu’on lui reproche,

M. Jullien. - Messieurs, tous les ans la discussion générale du budget s’ouvre par de très beaux discours assurément, mais qui jusqu’ici n’ont pas eu le moindre effet. J’en appelle à vos souvenirs : chaque année, de la part des députés on vient réclamer des diminutions dans les dépenses de l’administration des finances, on vient réclamer la révision des lois de douane et d’accises, on demande encore une amélioration dans le système financier : de la part du ministre on nous répond tous les ans que la plupart de nos griefs sont justes que le ministre s’en occupe, qu’incessamment on nous présentera un travail qui améliorera le système des contributions, que les droits de douane et d’accises seront révisés, mais on se rejette toujours sur les difficultés qui disparaîtront l’année suivante, et l’année suivante nous sommes toujours au même point. Nous voilà à la quatrième représentation de cette comédie parlementaire ; mais les acteurs et surtout les spectateurs qui paient se lassent.

Quand nous avons parlé d’améliorations du système financier, un honorable commissaire du Roi nous a demandé : Quel système financier voulez-vous ? Est-ce un système financier démocratique, politique ou aristocratique ? Je ne sache pas qu’il ait été fait une réponse à cette interpellation, parce qu’il aurait fallu la comprendre pour être en état de répondre. Mais il me semble facile de comprendre les vœux du pays. Nous ne voulons pas de changements notables dans le système des contributions. Pour le système de la contribution foncière, tout le monde respecte la base qui l’a établi. Ce que nous demandons, c’est un rappel à l’égalité proportionnelle : nous ne voulons pas, par exemple, que les provinces des Flandres et celle d’Anvers paient 25 et 30 pour cent plus que les autres provinces. C’est cette égalité proportionnelle qui a fait tous les ans l’objet des plaintes de la chambre et des contribuables.

Quand il s’agit de la patente, nous nous élevons contre la manière de percevoir cet impôt.

Nous avons dit que cette perception était inique, qu’elle permettait à un simple agent du fisc de hausser ou de baisser la patente, tandis que la loi seule doit être la base de tout impôt.

Nous avons rappelé au ministre la sagesse de la législation de l’an VII. Nous avons demandé qu’un simple commis ne puisse pas exiger cent francs cette année et deux cents francs une autre année ; c’est là un abus criant. Je rendrai justice à l’administration ; elle n’a peut-être pas abusé de cette faculté laissée au fisc comme on l’a fait sous l’ancien gouvernement, mais il est vrai qu’elle le peut. Voilà donc encore une loi sur laquelle on nous promet le redressement, et le redressement n’arrive jamais.

Nous nous sommes élevés, et moi personnellement, contre la loi des douanes et des accises, et notamment contre la loi générale, qui a ruiné des milliers de familles : dédale inextricable pour les juges et les plaideurs ; véritable guêpier où il est dangereux de tomber, et où l’erreur est aussi fatale que la fraude.

Nous nous sommes élevés contre ce système, et il est encore debout. Vous voyez bien qu’il faut prendre un parti. Un honorable député de ma province disait hier que s’il n’y avait pas quelqu’un de courageux dans cette chambre, qui prît sur lui de présenter un nouveau système de législation, on ne l’obtiendrait jamais ; qu’il ne fallait pas l’attendre du ministère. Quant à moi, j’opine du ministre un peu mieux que lui ; j’espère qu’il ne sera pas sourd à la voix de la chambre et du pays, et que l’année ne se passera pas sans qu’on ne nous présente des lois qui fassent cesser les justes plaintes des contribuables.

Pendant que je suis sur la discussion générale du budget des finances, j’appellerai l’attention de la chambre et du gouvernement sur un abus extrêmement grave, parce qu’il compromet jusqu’à l’action de la justice ; je veux parler de l’exécution des jugements rendus contre les administrations fiscales. Messieurs, voici ce qui se passe.

Lorsque les administrations fiscales ont obtenu, contre un particulier, un jugement, et qu’il est passé en force de chose jugée, elles l’exécutent avec toute la promptitude que comporte le code de procédure, c’est-à-dire, par un commandement, et dans les 24 heures le condamné est exécuté dans ses biens. Il y a plus : c’est que les lois fiscales ont tellement favorisé le système de cupidité qui caractérise ces lois, que lorsqu’un malheureux contribuable à une somme à payer, il n’est pas seulement condamné à la contrainte par corps qu’on pourrait exercer contre lui, il est condamné par le jugement même à un emprisonnement qui peut durer plusieurs années ; de sorte que s’il ne paie pas incontinent, il est mis en prison comme un malfaiteur. Voilà pour les contribuables, maintenant voyons l’autre côté.

Lorsqu’un contribuable, après avoir été traîné dans toutes les juridictions depuis le tribunal de première instance jusqu’à la cour de cassation, s’il a obtenu un jugement portant condamnation contre le fisc, il fait aussi un commandement ; mais là s’arrêtent ces moyens d’exécution ; il ne peut pas aller plus loin. On a beau faire le commandement au nom de la loi et du Roi, comme cela se pratique, il dépend du caprice des agents de la fiscalité de payer ou de ne pas payer : les moyens d’exécution manquent parce qu’il existe des lois ou des arrêtés qui empêchent de saisir les deniers de l’administration, les deniers de l’Etat.

Je rends justice à la sagesse de ces lois : par une fiction de la législation l’Etat est toujours réputé solvable ; et on a pensé qu’il ne convenait pas de laisser à un particulier la faculté d’arrêter la marche de l’administration. Mais, messieurs, dans quelle intention la législateur a-t-il pris cette mesure ? C’est parce qu’on donnait aux administrations des ordres sévères de se faire justice elles-mêmes. Cependant je peux vous dire que, dans ce moment, il est à ma connaissance que des arrêts de la cour de cassation rendus depuis plus de six mois ne sont pas exécutés malgré les commandements, les démarches, les sollicitations, les administrations semblent railler la justice. Le justiciable n’a pas pu obtenir encore le paiement des sommes qui étaient portées à son profit par les condamnations judiciaires. Messieurs, je le demande, n’est-ce pas là un abus véritablement scandaleux ?

Il est tel qu’il inspire aux contribuables la plus grande défiance envers le gouvernement : c’est leur dire : La justice existe bien contre vous, mais n’est pas pour vous. Quand un commandement est fait au nom du Roi et de la loi, c’est l’autorité de la chose jugée ; eh bien, cette autorité vient échouer devant les fantaisies des administrateurs. On renvoie au bureau du contentieux, on renvoie à la cour des comptes ; cependant, s’il y a une pièce liquide, pour obtenir paiement, c’est évidemment un jugement passé en chose jugée. Voilà une vérité pour tout le monde, excepté pour l’administration ; je la signale au comité du contentieux ; je la signale au ministre des finances ; je la signale surtout au ministre de la justice, qui doit veiller à ce que les arrêts des cours souveraines soient respectés et exécutés comme ils doivent l’être. Il faut exécuter les arrêts, sous peine de déconsidérer la magistrature et ses actes.

J’ai entendu parler de nombreux déficits qui existant dans les caisses. La presse nous a sur ce point rapporté quelques circonstances qui sembleraient faire croire que la cause principale des infidélités des receveurs et des déficits vient de la trop grande division des recettes. En effet, lorsqu’une recette donnait de quoi vivre au receveur on a jugé à propos de la couper en deux : je ne sais dans quelle intention ; c’est probablement pour se faire des créatures. Si les journaux que j’ai lus sont sincères, quand un receveur reçoit un millier de francs, il ne lui reste, toutes déductions faites, à peu près que 500 fr. pour lui et sa famille. Ainsi placés entre leur conscience et leurs besoins, ces fonctionnaires sont exposés à manquer de probité : ils ont de l’or dans les mains, les besoins les pressent, et vous les mettez dans la position la plus critique où un père de famille puisse se trouver.

Il faudrait revenir à l’ancien système, et n’établir de recettes que celles qui peuvent produire de quoi faire vivre les receveurs. Ne donner que des recettes de 500 francs, c’est tenter la cupidité des hommes qui n’ont pas de quoi vivre indépendamment des revenus de leur emploi. J’appellerai sur ce point l’attention du ministre des finances.

On nous a entretenus des derniers arrêtés qui ont été rendus et qui ont créé une espèce de petit ministère sous le nom de conseil du contentieux : s’il ne s’agissait dans cette création que d’une affaire de ménage, si le ministre des finances s’était borné à appeler de sa propre volonté l’avis des administrateurs qui sont sous ses ordres, je crois qu’il n’y aurait pas un mot à dire : c’est là une affaire d’administration intérieure qui ne devrait pas occuper la chambre.

Mais le principal vice de ces arrêtés consiste en ce qu’on a jugé à propos de prendre un arrêté royal. Le ministre pourrait vous dire : Si j’ai agi dans telle circonstance de telle manière, c’est d’après l’avis d’un conseil nommé par le Roi ; si je n’avais pas suivi les avis des élus de la royauté, je me serais conduit autrement. Voilà ce que l’on craint. Quoi qu’il en soit, la responsabilité ministérielle est pleine et entière. On dit encore au ministre : Vous vous mettez en tutelle sous des hommes qui dépendent de vous. C’est là une affaire de goût ; s’il plaît au ministre d’en agir ainsi, on ne peut le critiquer sous ce rapport ; s’il a assez de confiance dans les chefs de son administration pour leur soumettre les délibérations qu’il devrait prendre lui-même, c’est une affaire qui ne regarde pas la chambre, et qui ne peut appeler notre investigation que par le vote des fonds pour ces administrateurs.

Dans les sections on a agité la question de savoir si tous ces administrateurs n’étaient pas des rouages inutiles : j’ai pensé que c’était pour justifier leur utilité qu’on en avait composé une espèce de tribunal de finances, en leur donnant une occupation telle qu’on ne puisse plus prétendre que ces rouages sont superflus puisqu’on les aura encadrés dans l’administration des finances. Si telle est l’intention qui a présidé à l’érection de ces conseillers, c’est à la chambre à juger si elle entend l’utilité de la mesure prise comme l’entend le ministre ; car, quant aux fonds à voter, la chambre restera maîtresse d’examiner si les fonctions peuvent être profitables à l’administration. Ce sera là l’objet d’une discussion sur les articles particuliers du budget.

On vient d’agiter la question des postes à l’occasion de ce que la direction des postes de Bruxelles est réunie à l’administration de ces mêmes postes. Je savais qu’une pétition était adressée à la chambre par le commerce de Bruxelles ; je savais encore que les signataires étaient en grande partie les notables du commerce de cette cité. J’ai entendu l’honorable député de Marche critiquer la réunion des deux fonctions ; quant à moi, mon opinion pas assez formée pour répondre incontinent ; je me propose de traiter la question dans le courant de la discussion. J’ai dit.

M. d’Huart. - On a parlé plusieurs fois des émoluments de l’administrateur des postes, émoluments qu’on dit être considérables. La section centrale a demandé des renseignements sur cet objet, elle n’en a reçu que de verbaux. Aujourd’hui M. Jadot a cité des faits ; toutefois il me semble qu’il faudrait qu’on communiquât à la chambre des documents officiels. On dit que le directeur des postes, qui a un traitement de 4,500 fr. avec le logement, touche en outre une rétribution sur les lettres et sur les journaux ; on devrait connaître à quelle somme s’élève cette rétribution. On m’a assuré qu’elle était considérable. On dit que l’administrateur des postes a un traitement qui peut monter en tout à 20,000 fr. S’il en est ainsi, il faut réprimer un tel abus.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’aurai égard aux désirs exprimés par l’honorable préopinant, et je les satisferai quand nous en serons à la partie du budget relative à l’administration des postes.

Je dirai quelques mots aux observations faites par l’honorable député de Bruges. Il a de nouveau touché à la question relative à la révision des lois de finances. Messieurs, je puis vous annoncer de nouveau que ces lois sont en grande partie préparées. Je suis entré en correspondance particulière avec plusieurs des membres qui faisaient partie de la commission de révision de ces lois, commission instituée par un de mes honorables prédécesseurs : cette correspondance m’a fait connaître que quelques membres de cette commission ne pouvaient plus en faire partie ; que d’autres consentaient à reprendre leur travail ; que d’autres étaient à remplacer par suite de décès.

Un arrêté royal rétablira incessamment cette commission. Sous peu je lui soumettrai le projet élaboré sur les douanes.

L’honorable orateur vous a entretenus des longueurs qu’on éprouve quand il s’agit de faire payer l’administration lorsqu’elle est condamnée ; je ne pense pas que ces lenteurs puissent être attribuées à autre chose qu’aux formalités assez compliquées que les administrations sont obligées de suivre lorsqu’elles doivent effectuer des paiements. Je crois pouvoir assurer à la chambre que les plaintes de cette nature ont été peu nombreuses, et que l’administration s’acquitte avec la plus grande exactitude des paiements qu’elle doit effectuer.

L’honorable membre s’est apitoyé sur le sort de quelques receveurs assez mal payés. Avant la révolution, le nombre des receveurs était plus du double de ce qu’il est maintenant. On l’a beaucoup diminué, comme vous voyez, et l’on se propose encore de le diminuer successivement. Vous en avez la preuve par les dispositions contenues dans un arrêté royal récent.

Cette réduction du nombre des receveurs sera poursuivie jusqu’à ce qu’elle ait mené au résultat désiré par l’honorable préopinant. Les comptables auront enfin une existence suffisante pour faire honneur à leur état social. On a signalé des recettes qui ne donneraient de produit net que 500 fr. Ces cas sont rares ; on pourra supprimer des bureaux et les fondre dans les bureaux voisins quand les circonstances le permettront.

M. de Brouckere. - Un de messieurs les secrétaires a annoncé hier une pétition adressée à la chambre par un administrateur du trésor ; cette pétition est relative à un article du budget. Je viens de la parcourir ; il serait utile de la lire à l’assemblée. Je prie M. le président d’inviter la commission des pétitions à s’occuper prochainement de cette pièce.

M. Lardinois. - Il vaut mieux renvoyer cette pétition à la section centrale, qui fera son rapport avant que nous délibérions sur l’objet de la pétition.

M. de Brouckere. - Je le veux bien ; la section centrale pourra faire son rapport demain.

- La discussion générale est fermée.

Discussion du tableau des crédits

M. le président. - Nous allons passer à la discussion des articles.

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. - Traitement du ministre et indemnité de logement : fr. 25,000. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 2

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai rien laissé à deviner dans le budget des finances que j’ai présenté à la chambre. Le crédit demandé est clairement établi, il s’élève pour le second article à la somme de fr. 473,500.

A laquelle il faut ajouter, pour deux bureaux nouveaux au secrétariat et à la trésorerie générale, fr. 6,500.

Total : fr. 480,000.

Ce chiffre, dit le rapport, a paru beaucoup trop élevé à toutes les sections. Pour le prouver, le rapport établit que les chiffres réunis du coût de l’administration centrale de tous les autres ministères s’élèvent à une somme moins forte que le coût de la seule administration centrale du ministère des finances.

Ce serait, messieurs, abuser de vos moments que réfuter pièce à pièce toutes les observations de la section centrale ; toutefois je ferai remarquer que dans le chiffre du rapport indiquant le total des traitements des employés de l’administration centrale de tous les ministères, excepté celui des finances, ne sont pas compris les traitements des employés de tout grade employés au ministère de la guerre.

Cette supériorité du chiffre de l’administration centrale des finances sur celui de l‘administration centrale des autres ministères, qui vous a été signalée par votre section centrale, existe partout. Ainsi, en France, le chiffre de l’administration des finances dépasse d’une somme considérable le chiffre de l’administration des autres ministères. Cependant la France a un ministère de la marine et des colonies que nous n’avons pas en Belgique. Ce calcul est donc plutôt favorable que contraire au ministère.

J’espère que ces considérations détermineront la chambre à maintenir le chiffre du projet.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne m’attendais pas à entendre M. le ministre des finances venir dire à cette assemblée qu’il croirait abuser de ses moments en s’occupant des observations de votre section centrale. C’est insinuer que ces observations et les propositions de réduction qui en sont la suite reposent sur des bases fausses, ce qui est très facile à avancer, mais qui serait assurément très difficile à prouver. Je désire qu’au lieu de se renfermer dans cette réserve, M. le ministre nous indique ces fausses bases. Je le somme de nous les indiquer, et suis prêt à lui répondre, les budgets et toutes les pièces officielles à la main.

Vous l’avez remarqué sans doute, messieurs, chaque année, le ministère des finances diminue son personnel et augmente sa dépense ; il semble avoir pris pour devise : Moins d’employés et plus de dépenses pour l’Etat.

Bien différent des autres ministères où on ne pousse point à un taux exorbitant le traitement des employés supérieurs, et où on cherche à améliorer la situation des petits employés, le ministère des finances supprime les petits emplois, réduit des employés subalternes pour augmenter sans mesure les traitements des directeurs, des inspecteurs et autres hauts employés. C’est un abus à la fin trop scandaleux, et qu’il est de notre devoir de signaler, parce que c’est à nous à protéger le faible contre le fort lorsqu’il ne trouve pas dans le pouvoir l’appui qu’il avait le droit d’en attendre.

Lorsque ceux qui font les répartitions ont bien grossi leurs traitements aux dépens des employés subalternes, ils vont dans les bureaux dire : Vous êtes réduits dans vos appointements ; c’est à la chambre qu’il faut vous en prendre, c’est elle qui a réduit les traitements. Mais lorsque la chambre a demandé ou voté des réductions, elle n’a jamais entendu qu’il en fût ainsi ; elle a toujours voulu que les réductions portassent sur les employés supérieurs.

Si le ministère sait simplifier les rouages de l’administration de manière à pouvoir diminuer sans inconvénient le nombre des employés, nous serons le premier à l’approuver ; mais lorsque nous le voyons supprimer de petits emplois dans l’unique but de grossir encore de gros traitements, nous ne saurions trop blâmer, nous ne saurions trop nous y opposer.

M. le ministre trouve mauvais que nous fassions un rapprochement entre la somme totale que coûte l’administration des autres ministères et cette demandée par l’administration des finances. Je le conçois lorsque nous constatons qu’elle coûte 12,500 fr. de plus que les autres administrations réunies ; il est en effet difficile de répliquer à cette observation.

On objecte l’exemple de la France, où l’on fait remarquer que l’administration financière est proportionnellement plus coûteuse encore qu’en Belgique. Eh bien ! moi, j’objecterai l’exemple du royaume des Pays-Bas. En 1830, les sommes demandées par les divers ministères s’élevaient ensemble à 670,000 florins, celle demandée pour le ministère des finances à 470,000 florins. Cette administration coûtait donc 200,000 fl., c’est-à-dire environ 400,000 fr. de moins que les autres administrations réunies. Et vous maintenant, pour cette même administration, dans le même pays, vous venez demander 12,500 fr. de plus que pour les autres.

Mais d’où provient, messieurs, cet abus, cet excès de dépense ? De ce qu’on a tout rapporté à l’administration centrale, de ce qu’on a adopté un système de centralisation absolue. Sans doute, la centralisation est une chose utile, nécessaire même ; mais la centralisation jusqu’à un certain point, et non la centralisation absolue. Ainsi, il ne faut pas que le dernier employé, que le dernier douanier, soit nommé par le ministre des finances. Les nominations seraient bien meilleures si elles étaient faites par les gouverneurs ; car elles seraient faites en connaissance de cause.

Partant du ministère au contraire, elles tombent en vertu de la moindre recommandation sur des personnes dont on n’a pu apprécier ni les titres ni la capacité. Faites par les membres des conseils d’administration dont on parlait dernièrement, elles deviennent une affaire de camaraderie. Les membres qui composent ces conseils se disent les uns aux autres : Passez-moi la casse, je vous passerai le séné.

Il ne se fait pas dans tout le royaume une nomination même de garde-forestier qui n’émane du ministère des finances. Ce système est un abus par la dépense qu’il occasionne aux solliciteurs, dépense qui ne laisse pas que d’être considérable. Il est un abus en ce qu’il a pour résultat de mettre tous les emplois aux mains des habitants de quelques provinces favorisées. Les habitants des provinces éloignées, du Limbourg, du Luxembourg, ne participent en rien aux nominations d’emplois ; elles sont exclusivement en faveur des habitants des provinces qui avoisinent la capitale. C’est encore là un abus scandaleux. Il importe peu au chef de l’Etat que les nominations soient faites par les ministres ou par les gouverneurs des provinces ; et il résulterait de ce dernier mode une meilleure distribution des emplois et une immense économie.

Un autre abus que je dois également signaler, c’est l’assimilation des emplois du ministère des finances à ceux des provinces. Ainsi, dans les provinces, il y a un directeur, des inspecteurs, des contrôleurs, des vérificateurs : on a établi ces mêmes emplois dans l’administration centrale des finances. De cette manière on a deux administrations, l’une pour agir, l’autre pour ne rien faire.

Je ne vois pas pourquoi l’administration des finances ne serait pas organisée comme celle des ministères de l’intérieur et de la justice ; pourquoi elle ne se bornerait pas à avoir comme ces ministères des chefs de division et des chefs de bureau : les affaires s’expédieraient avec plus de promptitude, et cette organisation présenterait une grande économie.

Au ministère de l’intérieur il y a cinq divisions assurément fort importantes. Eh bien ! il n’y a dans chacune qu’un chef de division aux appointements de 2,500 florins, un ou deux chefs de bureau et quelques employés. Au ministère des finances c’est bien différent : il y a des administrateurs, trois ou quatre directeurs, des inspecteurs, une kyrielle d’employés supérieurs. Chaque administration forme comme un petit ministère. Que la chambre y fasse attention, et elle verra que nous avons par le fait six ministres des finances. Que ce soit ainsi en France, cela se conçoit dans un pays de 32 millions d’habitants, où il doit se présenter des questions graves en trop grand nombre pour que le ministre puisse les résoudre toutes par lui-même. Mais en Belgique, dans un pays de quatre millions d’habitants, une telle organisation est inutile, n’est qu’un véritable abus.

On dira qu’en Hollande il y avait aussi des administrateurs ; ils étaient nécessaires parce qu’ils travaillaient avec le roi, et qu’alors il n’y avait qu’un ministre nominatif. De même aujourd’hui, avec les comités qui ont été organisés, le ministre des finances est un personnage inutile. Je ne dis point ceci pour M. le ministre actuel, pour qui je professe une grande estime. Je parle ici généralement et en théorie.

Si on voulait adopter une organisation différente de celle qui existe et simplifier les rouages de l’administration, ce n’est pas une économie de 30,000 fr. qu’on obtiendrait sur cette partie du budget des finances, mais une économie de 300,000 fr. On demandera si la section centrale bornera là au moins ses réductions, si désormais elle n’en proposera pas d’autres ; assurément elle en proposera d’autres et toujours...

- Un membre. - Jusqu’à extinction.

M. Dumortier. - Oui, jusqu’à extinction des abus qui fourmillent dans le ministère des finances.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il n’y a pas très longtemps qu’on disait de tous les côtés de cette chambre que le dernier budget avait été discuté avec tant de soin et de détail, voté avec tant de scrupule que, moyennant que les budgets suivants se renfermassent dans les mêmes limites, ils seraient adoptés sans aucune discussion ; ceci a été dit et redit. Néanmoins j’ai scruté encore le budget avec la plus grande attention, et je puis assurer que les chiffres ont été réduits à leur plus simple expression. Je dois le dire, toute autre réduction est impossible et entraverait la marche de l’administration.

Cependant la section centrale propose encore de réduire les allocations de tous les services du ministère des finances. Veuillez, messieurs, examiner chacun des chiffres du projet, vous verrez qu’il ne dépasse pas les limites tracées par le budget. La somme proposée pour l’administration centrale s’élève à 473,500 fr., en en déduisant 6,500 fr. pour l’organisation de deux bureaux d’une très grande importance, d’abord celui des archives du ministère, dont on ne peut contester ni la nécessité ni l’urgence, ensuite celui de la dette flottante, rendu nécessaire par l’adoption de ce genre d’emprunt.

Cependant, on vient proposer une réduction de 60,000 fr.

M. Donny. - De 30,000.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Oui, pour 6 mois ; ce qui fait bien pour une année 60,000 fr.

Voici en effet comment s’exprime la 4ème section dans son rapport :

« Il convient de provoquer la réorganisation de l’administration centrale des finances sur un pied beaucoup moins coûteux. Le personnel de cette administration est trop nombreux, surtout dans les grades supérieurs ; on pourrait, sans inconvénient pour le service, supprimer quelques-uns des administrateurs généraux et quelques autres hauts fonctionnaires encore. A cet égard, il ne suffit pas que la section émette un simple vœu, mais elle doit prendre des mesures qui mettent le ministre dans les bureaux. Dans cette vue, on propose de réduire le crédit de l’article 2 de telle manière qu’il soit insuffisant pour les besoins de l’administration telle qu’elle est aujourd’hui organisée et pendant l’année entière, tout en restant assez élevé pour que le ministre puisse, au besoin, conserver encore cette administration pendant le premier semestre de 1834, et n’introduire la nouvelle organisation qu’à compter du 1er juillet. Elle pense qu’il serait facile d’effectuer sur cet article une réduction de 60,000 francs ; mais, conformément aux principes qu’elle vient d’exposer, elle ne propose, pour cette année, qu’une réduction de 30.000 francs. »

Sans doute ; mais lorsque les réductions seraient ainsi opérées sur les 6 derniers mois de cette année, elles monteraient à 60,000 fr. pour le service d’une année entière.

Il faudrait au moins qu’on nous dît sur quoi doit porter cette réduction totale. Pour moi, je l’ignore, et je ne comprends pas même la possibilité de l’économie proposée.

M. Donny. - La diminution proposée par la section centrale sur la somme à allouer à l’administration centrale des finances est la conséquence des observations présentées par la 4ème section dont j’avais l’honneur d’être rapporteur ; c’est en cette qualité que je crois devoir donner à la chambre quelques explications.

Je commencerai par faire observer que la réduction demandée n’est pas de 60,000 fr., mais seulement de 30,000 fr., Si M. le ministre avait lu attentivement le rapport, il aurait vu que la section centrale, après avoir exposé les motifs de réduction présentes par la 4ème section, conclut à ce que l’allocation soit limitée à 450,000 fr., lorsque le crédit demandé est de 480,000 f,. Ce n’est donc, en définitive, qu’une diminution de 30,000 fr.

Si M. le ministre avait médité plus attentivement le rapport, il se serait assuré que la 4ème section elle-même ne proposait pas une réduction de 60,000 fr. D’après ses calculs il eût été possible de porter la réduction à ce chiffre, si elle l’avait calculé à partir du 1er janvier ; mais comme elle ne l’a fait partir que du 1er juillet, la diminution n’est que de 30,000 fr.

La 4ème section a reconnu en principe que le ministre était libre sous sa responsabilité d’organiser comme il l’entend le service intérieur de l’administration de son département. Mais elle a reconnu aussi que les arrangements pris par un ministre ne peuvent en aucune façon lier la législature, qui doit prendre en considération unique les besoins réels d’un service convenablement organisé, et non les arrangements ministériels. Partant de là, la section s’est demandé si l’administration actuelle était bien organisée et répondait aux besoins réels du service. A cette question, la réponse a été négative. On a pensé qu’avec un secrétaire-général actif et éclairé, et avec des chefs de division laborieux et au fait de leur partie, on obtiendrait une organisation moins coûteuse et qu’on pourrait se passer d’administrateurs et de conseils d’administration.

Par cette considération, on a cru devoir mettre le ministre dans la nécessité de méditer une organisation nouvelle, en provoquant une diminution de subsides.

Je ferai remarquer qu’on aurait obtenu une réduction de plus de 60,000 fr. si l’on avait voulu adopter rigoureusement les suppressions dont je viens de parler. Mais la 4ème section a pensé qu’on pouvait, sans inconvénient, conserver temporairement deux administrateurs : l’un, celui du cadastre, dont les travaux doivent être terminés à la fin de 1834, d’après ses promesses ; l’autre, l’administrateur du trésor, attendu que la position future de fonctionnaire doit dépendre de l’organisation définitive de la trésorerie.

En quelque sorte appelé à rendre compte du travail de la 4ème section, je terminerai par quelques observations sur ce qui passé dans son sein.

On a dit dans cette section qu’il y avait au ministère des finances des employés rétribués sans qu’ils fussent chargés d’aucun service ; qu’on ne les voyait dans les bureaux que pour signer la quittance de leur traitement et que c’était là le seul travail qu’ils faisaient pour mériter leur salaire. On a parlé encore d’employés incapables ou très peu capables de remplir leurs fonctions.

Si ces faits sont exacts, comme je le crois d’après l’assurance de plusieurs honorables membres, ils doivent, ce me semble, fixer l’attention de M. le ministre des finances. Lorsqu’il se sera convaincu de ce que ces plaintes ont de réel, il s’empressera, je pense, d’éliminer de ses bureaux des employés fainéants ou incapables, et il cherchera pour les employés peu capables une position en harmonie avec leurs faibles moyens.

En agissant ainsi, M. le ministre se montrera soigneux des intérêts du trésor et de la considération des employés de son administration ; car il importe à ceux de ces employés qui sont laborieux et zélés de ne pas être confondus, dans l’opinion de la chambre et du public, avec quelques personnes qui n’auraient jamais dû trouver entrée dans les bureaux du ministère.

M. Brabant. - Rien ne compromet une bonne cause comme de mauvaises raisons. Comme il n’y a pas de meilleure cause que celle des économies, il serait malheureux que de telles raisons vinssent la compromettre.

La section centrale, pour établir que l’allocation demandée par l’administration des finances est trop forte, fait une comparaison entre la somme à laquelle elle s’élève et celle que forme le montant des traitements de l’administration des autres ministères. Le résultat de cette comparaison est que l’administration des finances coûte 12,500 francs de plus que celle de tous les autres ministères ensemble.

On a opposé au ministère l’exemple de la Hollande où l’administration des finances coûtait beaucoup moins relativement aux autres administrations. Mais on n’a pas observé que le syndicat, ministère réel des finances, n’était pas compris dans le chiffre qu’on a cité.

J’ai suivi l’exemple que m’a donné M. le rapporteur, et j’ai pris la France pour terme de comparaison. J’ai vu que l’administration centrale des finances, coûtait en France 560,000 fr., tandis que l’administration des autres ministères réunis ne s’élevait qu’à 400,000 fr.

L’excédant de dépense de l’administration des finances sur les autres est donc moindre en Belgique qu’en France.

D’ailleurs, messieurs, de telles raisons ne prouvent rien ; ce qu’il importe de signaler c’est, s’il y a lieu, l’excès dans le personnel et la trop grande élévation des traitements.

On a reproché au gouvernement l’excès de la centralisation ; mais c’est la plaie de tous les gouvernements et particulièrement des gouvernements constitutionnels. On lui a reproché aussi les arrêtés organiques qui constituaient plusieurs conseils d’administration. Il y a là contradiction. Car, si on repousse ces conseils, c’est qu’on trouve qu’ils atténuent la responsabilité du ministre. On veut donc que tous les actes émanent de lui ; mais c’est impossible sans centralisation

On a cru faire ressortir les mauvais effets de la centralisation en disant que quelques mauvais choix avaient été faits dans l’administration. Pour moi j’ignore si le gouvernement a été assez mal avisé pour nommer à des emplois dans les provinces, sans consulter les gouverneurs. J’ignore aussi si les habitants de quelques provinces auraient été exclusivement favorisés au préjudice des autres sous le rapport de la distribution des emplois. Mais ce serait ne pas faire jouir les Belges de l’égalité qui leur est garantie par la constitution. Cette accusation est trop grave pour que je la croie fondée.

Un honorable préopinant a exprimé le désir de voir organiser l’administration des finances comme celle de la justice et de l’intérieur, de voir supprimer les directeurs qui sont aux finances, tandis que dans les autres ministères cet emploi n’existe pas. Cette suppression n’est pas possible. Cet état de choses tient à ce que l’administration des finances prend pour ses directeurs des fonctionnaires qui ont déjà cette qualité dans les provinces. Vous ne pouvez pas les dépouiller de leur grade. Réciproquement ces employés passent du ministère dans les provinces.

Croyez-vous, messieurs, qu’on puisse recruter (passez-moi cette expression) des chefs de bureau pour les ministères de l’intérieur et de la justice, parmi les fonctionnaires de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire employés dans les provinces.

Ainsi, croyez-vous qu’on puisse nommer un gouverneur chef de bureau à l’intérieur, un conseiller chef de bureau à la justice ? non sans doute, Il n’y a donc aucune analogie entre le ministère des finances et ceux de l’intérieur ou de la justice. Le reproche qu’on a fait à cet égard à M. le ministre ne me paraît pas fondé. Toutefois, je crois qu’il y a quelques salaires trop élevés. Il y a eu plusieurs augmentations dont je n’apprécie pas l’utilité. Je voterai la somme allouée au dernier budget.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La justification de la somme demandée par le gouvernement est le relevé des sommes portées au budget. Leur addition forme la somme totale demandée pour le ministère des finances.

On propose maintenant une réduction in globo sur le budget de ce ministère ; je n’étais pas, je l’avoue, préparé à soutenir une discussion de ce genre. Je croyais avoir à combattre des réductions partielles. Je supposais que la chambre suivrait le même mode que l’année dernière, que des réductions pourraient être proposées sur des sommes qu’on aurait indiquées et que j’aurais eu successivement à soutenir chaque spécialité. Si vous n’adoptez pas ce système, nous ne saurons pas sur quoi doivent porter les réductions que vous aurez prescrites. Si au contraire la chambre veut comme l’année dernière discuter et voter chaque somme, chacun de MM. les commissaires du Roi pourra présenter des observations qui, je l’espère, détermineront la chambre à n’admettre aucune réduction.

M. le président. - M. le ministre des finances demande la division des articles, elle est de droit lorsqu’elle est demandée.

M. Dumortier, rapporteur. - Il serait difficile de changer le travail de la commission et de substituer des réductions partielles à la réduction globale qu’elle a proposée. Moi-même, quoique rapporteur de la commission, je n’assistais pas à la séance où cette réduction a été adoptée, je ne saurais donc dire sur quelles sommes elle doit porter. Je donnerai au reste tout à l’heure des moyens pour faire la réduction que nous avons proposée.

Je répondrai d’abord à un honorable député de Namur et à ses attaques contre le rapport de la commission centrale. Je ne sais s’il l’a bien lu, mais pour moi je sais qu’il nous fait dire le contraire de ce que nous avons dit.

J’ai fait remarquer que, dans l’ancien royaume des Pays-Bas, l’administration centrale des finances coûtait 200,000 florins de moins que les autres administrations réunies. L’honorable membre fait observer que le syndicat, qui composait réellement le ministère, n’était pas compris dans le chiffre du budget que j’ai indiqué. Mais quelles étaient donc les attributions de ce syndicat ? elles n’embrassaient que les domaines. Le syndicat, d’après le tableau du personnel de l’enregistrement, ne coûtait que 8,679 florins. Ce n’est pas la peine de changer les chiffres. Cela ne change pas les éléments de la comparaison qui restent en quelque sorte exactement les mêmes.

C’est donc une absurdité, dans un pays où, il y a trois ans seulement, l’administration centrale des finances contait 100,000 francs environ de moins que les autres administrations réunies, de venir aujourd’hui demander 12,500 fr. de plus que pour ces mêmes administrations.

On a prétendu qu’il y avait contradiction à s’opposer à la centralisation et à blâmer les arrêtés récents qui ont institué des conseils supérieurs d’administration. Je ne partage pas cette opinion, car je regarde l’organisation de ces conseils comme l’organisation de la centralisation avec résistance. Comme l’a fort bien dit l’honorable M. de Brouckere, ces conseils empêcheront qu’on puisse extirper les abus, qu’on puisse jamais nettoyer les écuries d’Augias.

M. de Brouckere. - Je n’ai pas parlé des écuries d’Augias.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne le prétends pas non plus ; mais vous avez dit que les conseils rendraient impossible l’extirpation des abus.

M. de Brouckere. - Assurément.

M. Dumortier, rapporteur. - On a dit aussi qu’il n’y avait aucune analogie entre le personnel du ministère des finances et celui des autres ministères ; de l’intérieur, par exemple. Cependant qu’est-ce qu’un chef de division au ministère de l’intérieur ? Un homme qui examine les diverses questions qui lui sont soumises et qui arrive à leur solution. Qu’est ce qu’un directeur au ministère des finances ? Exactement la même chose. La nomination est différente, mais les fonctions sont entièrement identiques.

On objectera qu’il n’y a aucun rapport entre les attributions d’un chef de division à l’intérieur et celles d’un directeur aux finances. Mais il n’y a pas plus de rapport dans les attributions des chefs des diverses divisions de l’intérieur, et néanmoins ils ont tous des traitements égaux.

On a objecté aussi que les directeurs de finances passaient des finances dans les provinces et réciproquement. Mais je ne vois pas que cela soit plus nécessaire qu’il ne le serait de nommer un gouverneur chef de bureau à l’intérieur, un procureur royal chef de bureau à la justice.

M. le ministre prétend que nous aurions dû déclarer sur quelle somme nous voulions faire porter la réduction de 30,000 fr. ; qu’il lise le rapport, il y trouvera les réductions indiquées en assez grand nombre.

Le traitement du secrétaire-général est réduit par toutes les sections de 10,500 francs à 8,500 francs.

Le secrétariat est porté pour 29,500 francs. Sur cette somme toutes les sections refusent d’allouer celle de 4,500 francs demandée pour le personnel d’un bureau des archives, parce qu’elles pensent que M. le ministre doit y pourvoir au moyens d’économies sur les autres dépenses.

Une section même a refusé d’allouer pour le secrétariat au-delà de 25,000 fr. On y voit figurer, en effet, indépendamment du secrétaire-général, un chef de division destiné sans doute à lui servir de doublure. M. Lardinois nous a d’ailleurs rappelé que, lors de la discussion du budget de 1832, M. le ministre avait déclaré qu’il supprimerait cet emploi.

Sur le chapitre de la trésorerie, il est possible de faire une réduction de 35,000 fr, La somme portée au projet excède en effet de 35,000 celle portée pour le même objet au budget de 1831. Cependant alors tous les grands travaux du ministère des finances étaient à faire : il y avait à organiser les grands livres et les petits livres, il fallait établir le tableau des pensions, régulariser plusieurs emprunts, et faire les écritures nécessitées par l’emprunt Rothschild. Maintenant, il ne reste plus que le peu de travail auquel peuvent donner lieu la deuxième partie de l’emprunt Rothschild et les bons du trésor.

Lorsque ces grands travaux ont été exécutés sous les ministères successifs de MM. Ch. de Brouckere et Coghen, la trésorerie générale ne coûtait que 70,687 fr. Et maintenant, au lieu de faire des réductions, ce sont des augmentations qu’on vient demander.

Lorsque nous avons adopté la loi sur les distilleries, vous avez dit qu’elle diminuerait le nombre des fraudes ; elle doit donc vous donner la faculté de diminuer le personnel des employés de ce service.

Mais, au lieu de faire des réductions, vous faites des majorations qui sont vraiment curieuses. Je vois dans l’administration centrale le traitement d’un directeur porté de 6,300 fr. à 7,400 fr. ; des traitements de contrôleurs portés de 3,150 à 4,000 fr. Il y aurait des réductions faciles ; elles consisteraient à refuser des majorations d’autant plus odieuses qu’elles sont faites en partie aux dépens de petits employés dont vous réduisez les traitements.

L’administration centrale de l’enregistrement a suivi depuis 3 ans un crescendo vraiment prodigieux et tout entier sans doute en faveur des employés supérieurs qui savent toujours bien faire leurs affaires.

Elle coûtait en 1831 81,900 fr. ; en 1832, 87,000 fr. ; en 1833, 98,000 fr.

C’est dont en 3 années une augmentation de 17,000 francs que rien ne justifie.

On viendra encore demander comment il sera possible de faire des réductions. En résumé rien n’est plus facile. Il serait même très facile d’obtenir des économies par centaines de mille francs. Mais à la vérité il faudrait que M. le ministre, qui rit, changea plutôt…

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne ris nullement ; ce que vous proposez est loin d’être riant pour nous.

M. Dumortier, rapporteur. - Les abus que je signale ne sont pas riants non plus pour les contribuables qui les paient, pour nous qui sommes obligés de les signaler.

Au reste, je le répète, les économies seraient faciles par 100 et 200 mille francs. Mais il faudrait une volonté forte de faire cesser les abus.

Il faudrait que M. le ministre en sentît la nécessité.

Si, comme je le suppose, la chambre change le chiffre du budget, elle exprimera ainsi le vœu, auquel M. le ministre se conformera sans doute, qu’il s’occupe enfin de simplifier les rouages de son administration.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je désire être fixé sur les économies qu’on entend introduire dans mon budget. Je prie la chambre de suivre pour la discussion le même ordre que les années précédentes, de voter successivement les développements des divers articles portés au budget afin que le ministre et chacun de MM. les commissaires attachés aux diverses administrations puissent, chacun en ce qui le concerne, prouver que les allocations demandées sont absolument indispensables pour assurer la marche du service.

M. de Brouckere. - Messieurs, je dois déclarer que je trouve aussi qu’il a quelque chose de singulier dans la manière dont la section centrale ou son honorable rapporteur désire que nous discutions cette année le budget des finances. Rappelons-nous la manière dont la discussion a été ouverte les années précédentes ; nous avons discuté chaque article paragraphe par paragraphe.

On a même été si loin que l’on a prétendu que le ministère était lié non seulement par le vote de chaque article, mais par le vote sur chacun des paragraphes des articles. Cette année, si, comme on vous le propose, vous votez sur l’ensemble de l’article 2, par exemple, vous voterez globalement sur les huit numéros qui composent cet article, sans avoir discuté chacun de ces numéros en particulier. Je n’ai jamais partagé l’opinion de certains membres que le ministère pouvait être lié par le vote sur les paragraphes ; ce qu’il y a de violent cette année dans le mode proposé par le rapporteur de la section centrale, c’est qu’il tendrait à nous faire émettre un vote sans que nous puissions bien nous en rendre compte.

En effet, le rapport de la section centrale sur l’article 2 du budget tend à ce que la chambre vote sur la totalité de la réduction de 30 mille francs qu’elle propose. Mais, avant de voter, il faut que je puisse savoir sur quoi on prétend la faire porter. Prenez le budget, vous verrez qu’il y a impossibilité d’expliquer sur quels crédits la section centrale et M. le rapporteur lui-même veulent que la réduction tombe. Sous le numéro premier de cet article 2, relatif au traitement du secrétaire général, la section centrale propose une réduction de 2,000 francs ; sur le n°2, secrétaire, 4,300 francs, n°3 et 4, trésorerie générale, 3,000 francs.

M. Dumortier, rapporteur. - Ce sont des réductions qu’on indique.

M. de Brouckere. - Soit ! Sur les n°5 et 6, contributions directes, douanes et accises, poids et mesures et garantie, on indique une réduction de 8 mille fr., sur les n°7, 8 et 9, enregistrement et domaines, une réduction de 22,000 francs. Puis on conclut et on dit : Pour les traitements réunis des secrétaires-généraux, inspecteurs-généraux du cadastre, des administrateurs des contributions, s’élevant à 63,000 fr., la section centrale propose de n’allouer que 48,000 fr., ce qui fait une nouvelle réduction de 15,000 fr. De sorte que la totalité des économies reconnues possibles par la section centrale est de 86,500 : et dans ses conclusions, elle ne vous propose qu’une réduction de 30 mille fr.

Je suis autorisé à pensé que, sur certaines paragraphes, des membres pourront trouver trop fortes les réductions proposées par la section centrale, et sur d’autres paragraphes les trouver trop faibles. Il est impossible, si on n’ouvre pas la discussion sur chacun des paragraphes, d’émettre un vote en connaissance de cause, à moins que la section centrale ne veuille bien changer son rapport et mettre ses conclusions en concordance avec ce qui en fait la base. Cette base présente un chiffre total de 86,500 fr., et les conclusions sont une réduction de 30,000 fr. Si nous suivions le mode de discussion que M. le rapporteur nous propose, nous voterions sans pouvoir nous rendre compte de notre vote.

Je crois qu’il faut faire droit à la demande de M. le ministre des finances, et prier M. le rapporteur de formuler son rapport en d’autres termes et d’explique sur quoi porte la réduction de 30,000 fr. qu’il propose. Le gouvernement et les membres seront à même d’apprécier la proposition de la section centrale et pourront soumettre à l’assemblée des amendements sur cette proposition, ce qui maintenant est impossible

Messieurs, je ne terminerai pas sans revenir sur ce qui a fait l’objet de la discussion d’hier et sans dire un mot sur les arrêtés du 18 octobre et du 30 décembre. J’ai cru devoir les critiquer parce que je les juge mauvais. M. le ministre en a pris la défense : selon moi, il n’a pas victorieusement réfuté les arguments présentés par MM. Angillis, Donny et moi ; nos arguments sont restés entiers. Je ne veux pas rentrer dans la discussion, mais répondre un seul mot à ce qu’a dit M. le ministre des finances.

Il a prétendu que ses conseils n’étaient que la reproduction de l’arrêté rendu le 18 mars par le régent. Cette allégation est inexacte. L’arrêté du 18 mars crée un conseil contentieux auquel doivent être soumises les affaires contentieuse, mais non un conseil d’administration, l’administration était laissée toute entière au ministre ; le conseil n’avait d’avis à donner, ni sur le personnel, ni sur les nominations, démissions, avancements ou mutations ; aucune affaire d’administration, excepté sur le contentieux, n’était du ressort de ce conseil. Encore, quel était le président de ce conseil ? le ministre lui-même, tandis que, par les arrêtés des 18 octobre et 30 décembre, le ministre s’est démis de ses attributions ; il est devenu étranger aux conseils qu’il a créés, lesquels conseils décident et soumettent seulement leurs décisions aux ministres. Il y a plus, c’est que dans les conseils du contentieux, il dépendait encore du ministre d’adjoindre à ceux qui en faisaient partie les avocats de l’administration. Si vous lisez les articles 19, 20 et 21 de cet arrêté, vous voyez qu’il n’y a aucune relation entre les conseils créés par l’arrêté organique du 18 mars et ceux établis par les arrêtés des 18 octobre et 30 décembre.

Tout a été dit sur les dangers de ces conseils. M. le ministre jugera s’il doit se rendre aux raisons qu’on lui a données pour les supprimer. S’il ne veut pas le faire la chambre n’a aucun moyen de l‘y contraindre. Mais il a dû voir que beaucoup de membres dans cette assemblée blâment le mode d’administration qu’il a établi, et s’il a des conséquences fâcheuses, lui seul en assumera toute la responsabilité, et d’autant plus qu’aujourd’hui nous l’avons prévenu.

J’ajouterai encore un mot sur la responsabilité de M. le ministre des finances. M. le ministre nous a dit hier que, malgré l’établissement des conseils d’administration, la responsabilité restait la même. Il a eu parfaitement raison s’il n’a voulu parler que de cette responsabilité qui peut entraîner une condamnation.

Il est évident que si un arrêté inconstitutionnel ou illégal portant préjudice à l’Etat était rendu, bien que ce fût par le conseil d’administration, le ministre seul serait responsable, soit devant la chambre, soit devant les juges qui seraient appelés à en connaître. Mais il est une autre responsabilité à laquelle le ministre est complètement soustrait, c’est la responsabilité morale qui doit résulter de son administration.

Supposez une décision prise par le ministre des finances qui lèse fortement les intérêts, soit d’une commune soit d’un particulier. Si on lui adresse des plaintes, quelle sera sa réponse ? J’ai suivi la décision du conseil établi par mon arrêté du 18 octobre. En vain argumentera-t-on du droit de veto, par lequel il aurait pu empêcher l’exécution de cet arrêté ; il répondra : Je ne puis me mettre en opposition ouverte avec les employés les plus élevés de mon administration, réformer leur décision sans motifs puissants et péremptoires.

Si on se rend près de l’administrateur dirigeant la branche d’administration que la chose concerne, on recevra la même réponse : Cc n’est pas moi, c’est le conseil qui a décidé. J’en suis bien le président mais je n’ai que ma voix à donner, je n’ai pas de compte à rendre sur la manière dont je l’ai donnée, la majorité décide. Les injustices ne retomberont sur personne ; il sera plus difficile que jamais de les faire réformer. La responsabilité morale tombe sur le conseil, c’est-à-dire sur personne, et l’administrateur et le ministre s’en trouvent déchargés.

M. le président. - On a fait une proposition, je vais la mettre aux voix.

M. Dubus. - Messieurs, je ne suis pas frappé de la difficulté que trouve l’honorable préopinant à ce qu’on se prononce sur la conclusion de la section centrale, qu’il ne trouve pas en harmonie avec les explications données par l’honorable rapporteur. Je vous prie de remarquer qu’en présentant sa conclusion, il est loin alors de dire que la seule économie possible n’aille que jusqu’à concurrence de 30 mille francs. L’honorable rapporteur pense qu’avec le temps on pourra pousser la réduction jusqu’à 86,000 fr. ; il a pu cependant avec la section centrale conclure à ce que, quant à présent, le chiffre ministériel ne fût réduit que de 30 mille francs. Cette réduction forcera le ministre à entrer dans la voie des économies. Le plus difficile est de faire entrer dans cette voie : une fois qu’on y est, on marche. Si vous adoptez la réduction de 30,000 fr. qu’on vous propose aujourd’hui, vous pourrez espérer d’arriver à l’économie de 86,000 fr. qui vous a été indiquée.

L’honorable préopinant voudrait que la discussion s’établît sur chacune des subdivisions de l’article. Quant à cette discussion elle est facultative, chacun des membres pourra prendre la parole successivement sur les divers objets qui la composent. Quant à la division du vote, je ne sais comment elle serait possible : le ministre la désire, mais a-t-il le droit de l’exiger ? ou bien il faut qu’au lieu d’un article il en présente plusieurs. En effet que nous demande-t-il ? une somme de 473,500 francs c’est-à-dire un chiffre global. C’est aussi un chiffre global que la section centrale propose de lui allouer.

Mais vous dit-il, je désire connaître l’opinion de la chambre sur chacune des divisions de cet article. Messieurs, dans une des années précédentes on a suivi ce système, On a voté sur chacune des divisions du ministère des finances ; mais le ministre a dépensé comme il a voulu, n’a respecté aucune de vos décisions. Maintenant, il vient vous demander de voter encore de la même manière, en vous disant qu’il tiendra compte de vos décisions si cela lui plaît.

La chambre doit à sa dignité de ne voter que des chiffres qu’elle sera sûre de ne pas voir dépassés. Si le ministre ne veut s’engager que pour le chiffre total, la chambre a le droit de son côté de ne lui alloué qu’une somme globale, je ne vois pas que la division soit possible dans la situation actuelle des choses. Le chiffre du gouvernement est un, il vous demande 473,500 fr. ; la conclusion de la section centrale est une aussi, elle vous propose d’allouer 30,000 fr. de moins. Si vous divisez et votez par fractions le chiffre proposé par M. le ministre il est impossible qu’on mette aux voix la proposition de la section centrale.

Cependant vous ne pouvez pas l’obliger à présenter des conclusions plus complexes que les demandes du ministre. Je ne vois pas pourquoi on procéderait pour ce budget autrement qu’on ne l’a fait pour les autres.

Il est vrai que, pour le budget des finances de 1832, la section centrale avait présenté des chiffres séparés sur lesquels la chambre a voté séparément, mais on n’a porté dans l’article que le résultat de tous ces chiffres. La conséquence a été que le ministre ne s’est pas trouvé lié par les décisions de la chambre.

Le préopinant a dit qu’on avait émis l’opinion que le ministre devait être lié par ses décisions ; je crois qu’il est dans l’erreur. Mais le ministre avait solennellement déclaré qu’il se considérerait comme lié par le vote de la chambre : malgré cette déclaration, vos décisions ne furent pas respectées, elles furent toutes violées ; c’est ce qui a décidé la chambre, en septembre dernier, à ne plus voter qu’un chiffre global. Je crois qu’elle doit encore le faire aujourd’hui, et je l’y engage dans l’intérêt de sa dignité.

M. le président. - La chambre va statuer sur la question soulevée par M. le ministre des finances de savoir si on examinera séparément chacun des numéros de l’article 2.

M. A. Rodenbach. - J’ai demandé la parole. (La clôture ! la clôture ! Aux voix !) J’ai demandé la parole sur les arrêtés.

Plusieurs voix. - Ce n’est pas la question.

M. A. Rodenbach. - Je parlerai sur les arrêtés en me renfermant dans la question : c’est peut-être un peu difficile, mais je tâcherai de le faire.

Je viens appuyer l’opinion émise par M. de Brouckere.

Il me paraît difficile de voter des réductions de 30,000 fr. sans savoir sur quoi on les fait porter. Dans le rapport de la section centrale, il est dit que les employés supérieurs ont reçu des augmentations de traitement sur le chiffre de 1833. Je prierai M. le rapporteur ou un des membres de la section centrale de nous dire à combien s’élève l’augmentation accordée à ces différents employés. Il sera facile de trouver quelques réductions à faire sur les appointements des inspecteurs, contrôleurs qu’on a cru devoir augmenter. Je demande à cet égard une réponse catégorique.

Il est possible que l’arrêté organique dont il a été question hier donne lieu à une augmentation du nombre des employés de l’administration. Cela est même probable, si le conseil, comme on le dit, doit être en permanence ; car déjà le service souffre de la réunion de ces conseils : des chefs de division ne se trouvent pas dans leur bureau quand on a besoin de leur faire signer des pièces.

Je ferai une observation sur les attributions de ces conseils. L’honorable député de Marche vous a dit qu’ils ne décidaient pas ; M. le ministre nous a dit qu’ils ne décidaient pas, mais qu’ils donnaient seulement un avis. Si j’examine l’arrêté, je trouve qu’il y est formellement dit que le conseil décide.

Puisque les membres de l’administration des finances interprètent différemment les décisions du ministre, je demanderai si bientôt il ne faudra pas établir un comité de jurisprudence pour le charger de cette interprétation.

Je demanderai encore au ministre s’il est vrai qu’il ne puisse nommer aux emplois de son ministère que sur une liste de 5 candidats.

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Coghen. - Je n’ai que peu de mots à ajouter à ce l’honorable M. de Brouckere.

Il est impossible de voter en connaissance de cause sur la proposition de la section centrale, lorsqu’après vous avoir exposé la possibilité d’une réduction de 86,500 fr. elle se borne à vous en proposer une de 30,000. La proposition du ministre est également embarrassante. Il est impossible qu’il puisse connaître l’intention de la chambre. Il pourra arriver qu’en faisant l’application de cette réduction, il la fasse porter sur des traitements que la chambre entendait maintenir, lorsqu’il en laisserait subsister d’autres qu’elle eût voulu diminuer.

Pour procéder d’une manière régulière, il me semble qu’on doit examiner l’article 2 numéro par numéro.

M. Devaux. - Messieurs, quoi qu’il en soit du peu de relation qui existe entre les développements du rapport et la conclusion de la section centrale, malgré, dis-je, cette discordance apparente ou réelle, le seul mode logique de voter des réductions est à mon avis celui proposé par le ministre des finances et soutenu par M. Henri de Brouckere. Nous ne devons voter les réductions que par spécialités, c’est-à-dire en les isolant.

Nous voulons tous toutes les économies possibles, mais nous ne voulons que des réductions motivées. Un membre propose une réduction de 10,000 francs sur tel objet ; un autre membre en propose une de 20,000 francs sur tel autre. Si la chambre les adopte, le ministre est obligé d’opérer cette diminution, à moins qu’il n’ait la possibilité de faire porter la réduction sur telle ou telle partie de l’article complexe. Il est vrai que le ministre a présenté un article global, mais cet article est motivé ; à l’appui de sa demande, il apporte des renseignements spéciaux qui détaillent les dépenses. Quand la chambre vote une réduction, il faut que cette réduction porte avec elle sa raison. Il n’y a pas d’autre moyen de motiver une réduction que par un vote.

Voyez ce qui arriverait avec un système contraire. Je suppose un article complexe, qui se compose de trois parties : dans la chambre composée de soixante-quinze membres, quinze proposent une réduction de 15,000 fr. sur telle partie de l’article ; cette réduction est rejetée par une majorité imposante ; une seconde minorité propose une réduction de 15,000 fr. sur une autre partie de l’article, cette réduction est rejetée par une majorité aussi imposante que la première ; enfin une troisième minorité propose également une réduction de 15.000 fr. sur la troisième partie de l’article, qui est rejetée comme les deux autres. Voilà trois réductions contraires évidemment à l’opinion de la majorité. Eh bien ! si la réduction de 15,000 fr. avait été proposée sur l’article in globo, les trois minorités se seraient réunies. La réduction eût été adoptée contrairement à la volonté de la chambre. Alors, qu’eût fait le ministre ? Convaincu comme la chambre que la réduction n’était possible sur aucun des trois parties de l’article, il n’aurait pu l’opérer sans se mettre en opposition avec l’opinion de la chambre. Ce n’est pas de l’agrégation des minorités opposées que peut se former une majorité.

Vous ne pouvez donc voter que séparément. C’est ainsi que cela se pratique et s’est toujours pratiqué en France. Après avoir voté les réductions partielles, le chiffre total tel qu’il se trouve modifié par suite de ces réductions est porté comme article de loi. Le ministre sait à quoi s’en tenir. L’opinion de la chambre est motivée ; s’il croit pouvoir faire mieux en appliquant la réduction sur une autre partie de l’article, il le peut, mais ce qui importe au pays, c’est que la réduction soit opérée, c’est que les dépenses que la chambre n’a pas consenties ne soient pas effectuées.

M. de Theux. - Messieurs, il y a ici deux questions : une question de droit et une question d’utilité. Quant à la question de droit, la chambre doit-elle voter par division ou voter globalement ? Il suffit de lire l’article 25 du règlement pour la résoudre : dans les questions complexes, la division est de droit quand elle est demandée. Reste à savoir quand la question est complexe. Evidemment la question est complexe quand elle contient plusieurs dispositions législatives. Or, la proposition du ministre des finances demandant 473,500 fr. est-elle une ou complexe ? A moins de prétendre, que, dès qu’il y deux centimes, c’est une question complexe, la demande de 473,500 fr. faite par M. le ministre des finances, est une. Dès lors, il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 25 du règlement.

Quant à l’autre question, celle d’utilité, c’est une question de convenance pour la chambre. Si la chambre se croit assez éclairée, soit sur le chiffre du gouvernement, soit sur celui proposé par la section centrale, il n’y a pas lieu de faire une discussion de détail. Si au contraire la chambre n’est pas certaine que la réduction de 23,500 fr. proposée par la commission puisse être faite sans entraver la marche du service, dans l’intérêt et de la lucidité du débat et de la bonté de son jugement elle peut ordonner que la discussion sera divisée.

Je ferai remarquer à la chambre que la réduction n’est pas de 30.000 fr. comme on l’a toujours répété dans la discussion, mais bien de 23,500 fr. Indépendamment du chiffre de 473,500 fr. porté au budget, le ministre a porté en outre un chiffre de 6,500 fr. pour la création de nouveaux bureaux ; mais c’est seulement une observation que le gouvernement soumet à l’attention de la chambre, qui, si elle était admise, donnerait lieu à une proposition d’augmentation. En réalité, la réduction n’est donc que de 23,500 fr., puisque les 6,500 fr. ne sont pas l’objet d’une proposition.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Quand on veut pousser à l’extrême les conséquences d’un bon principe, il est aisé de rendre ce principe absurde ; mais c’est un argument qui est devenu très vulgaire pour qu’il n’ait pas beaucoup perdu de sa force. Lorsqu’on compare 450,000 francs à deux centimes pour arriver aux conséquences que le préopinant a eues en vue, il n’est personne qui ne sente qu’un tel exempte conduit à l’absurde ; mais ce n’est pas ainsi qu’on peut détruire un principe vrai en lui-même. S’agit-il de savoir s’il y a ici une question complexe ou non. Non, c’est une question de bon sens et de bonne foi. Si vous jetez les yeux sur les développements dont le chiffre législatif n’est que le résumé, il est impossible que vous ne reconnaissiez pas qu’il y a une question complexe. Ce que vous demandons, c’est de faire ce que font nos devanciers dans la carrière parlementaire.

C’est ainsi qu’en France les réductions sont toujours non seulement votées, mais discutées partiellement.

Comment voulez-vous que les organes du gouvernement abordent la discussion des réductions présentées in globo ? Le gouvernement à des hommes spéciaux naturellement appelés à soutenir la discussion sur telle ou telle partie de la discussion.

Il peut arriver que, parmi les membres de la chambre, les uns veuillent comme la section centrale une réduction de 30 mille fr., et que d’autres veulent porter cette réduction à 86 mille fr., il n’est pas certain que la section centrale ait été au maximum de réductions possibles. Si vous voulez qu’on puisse aller au-delà de ce qu’a proposé la commission, il faut faire connaître à chacun des membres les objets sur lesquels porte la discussion.

Si on demande une réduction de 2,100 fr. sur le traitement du secrétaire-général, si un honorable député se propose de demander qu’on l’assimile aux secrétaires-généraux des autres ministères, la position sera bien nette, la discussion pourra s’établir, les orateurs qui croiront la réduction possible pourront en donner les motifs, et d’un autre côté les organes du gouvernement pourront venir combattre cette réduction, en vous exposant l’importance des attributions du secrétaire général des finances et la difficulté qu’il a à trouver, pour remplir ces fonctions, une véritable capacité. Vous vous prononcerez en véritable connaissance de cause. D’autres honorables députés demanderont une diminution du traitement de l’administrateur-général ; quand vous les aurez entendus, un de MM. les commissaires viendra vous exposer les motifs pour lesquels la réduction ne doit pas avoir lieu. Vous entendrez d’autres orateurs qui iront plus loin, qui demanderont la suppression de l’administrateur ; le gouvernement opposera à ce qu’ils diront à l’appui de leur demande, les arguments qui doivent le faire conserver.

De cette manière aucune décision ne sera prise qu’après une discussion approfondie.

Nous ne demandons pas, je vous prie de le remarquer, qu’on mette aux voix les numéros de l’article sur lesquels il n’y a ni proposition de réduction ni demande d’augmentation, ils seront votés dans le chiffre global. Mais ce que nous demandons, c’est qu’on vote sur les réductions par division. Les réductions sont de véritables amendements, et sur des amendements on peut toujours demander la division. C’est une question de bon sens et d’utilité.

Si vous procédez autrement, la base de la réduction n’étant pas éclairée, vous mettez dans un égal embarras et le ministre et beaucoup de membres qui, disposés qu’ils étaient à adopter des réductions, préféreront faire le sacrifice de leur opinion que de courir le risque d’entraver la marche du gouvernement. Je n’hésite pas à le dire, je crois que dans cette alternative il n’est aucun membre qui ne fît le sacrifice de son opinion.

Je crois donc que si on veut que les propositions de réduction soient bien motivées et bien combattues, et que la chambre puisse se prononcer en connaissance de cause, il faut adopter la motion de M. le ministre des finances, qui est appuyée par beaucoup d’honorables membres. Cette manière de procéder est conforme à ce qui se passe en France avant et depuis la révolution, ainsi qu’aux règles du bon sens et de la saine logique.

M. de Brouckere. - M. de Theux s’est donné beaucoup de peine pour prouver que l’article 25 de notre règlement n’était pas applicable au cas dont il s’agit.

Je me trompe fort, ou il me semble qu’il n’est venu dans la tête de personne d’invoquer cet article du règlement ; ainsi M. de Theux aurait fort bien pu s’abstenir de la peine qu’il s’est donnée pour prouver que cet article n’était pas applicable. Il ne s’agit pas de savoir s’il y a lieu ou non d’appliquer ici telle disposition réglementaire, il s’agit d’une question de bon sens et de convenance, de savoir comment la chambre doit procéder, pour que chacun des membres puisse émettre un vote dont il puisse se rendre compte, d’arrêter un mode de discussion tel que le gouvernement puisse apprécier les motifs qui ont amené les votes émis par la chambre. Si on suivait le système proposé par M. le rapporteur et soutenu par l’honorable M. Dubus, il serait impossible au gouvernement de se rendre compte du vote de la chambre, parce que la conclusion de la section centrale n’est pas en relation avec les détails dans lesquels est entré son honorable rapporteur, puisqu’il indique une réduction possible de 86,500 fr., et qu’en dernière analyse il ne propose qu’une réduction de 30,000 francs.

Mais, dit l’honorable M. Dubus, la réduction de 30,000 fr. n’est pas la seule possible ; plus tard nous en opérerons et nous finirons par arriver à la réduction de 86,500 fr. indiquée par le rapport.

Messieurs, je suis de ceux qui veulent toutes les réductions possibles, mais il faut que l’on me prouve cette possibilité. Je ne vois rien dans le rapport qui me démontre qu’on puisse opérer une réduction de 30,000 fr. ou plutôt 23,500 fr. sur l’article 2. Je ne pourrais voter cette réduction qu’au hasard ; je ne puis donc émettre mon vote sans savoir sur quoi on veut faire porter la réduction.

Il faut, comme je l’ai déjà dit, qu’on vote paragraphe par paragraphe, ou que M. le rapporteur formule ses conclusions autrement qu’il ne l’a fait ; qu’il nous explique sur quel numéro de l’article 2 doit porter la réduction.

Voter comme il nous le propose me paraît une chose impossible à adopter.

M. Jullien. - La chambre perd encore une fois son temps à discuter de quelle manière elle discutera ; c’est ce qui est arrivé déjà depuis 8 à 10 jours. Il me paraît incontestable que le moyen proposé par le ministre des finances est le seul qui puisse être adopté si on veut mettre de l’ordre dans la discussion. Vous n’avez pas considéré de combien se compose la somme globale demandée, et par conséquent de combien d’éléments sur lesquels il aurait à proposer des réductions. Si vous ouvrez la discussion comme le propose le rapporteur, sur la généralité des articles, il en résultera que vous aurez à examiner à la fois le secrétariat, la trésorerie, les contributions directes, les douanes, les accises, les poids et mesures, la garantie d’or et d’argent, l’enregistrement, les forêts, les postes, le cadastre, les huissiers, les gens de service ; si, dis-je, vous ouvrez la discussion sur cette généralité, on viendra vous demander des économies sur toutes les parties à la fois.

L’un vous parlera postes, un autre contributions directes, un autre douanes et accises, un autre cadastre ; un autre enfin aura à se plaindre des huissiers ou gens de service et viendra vous demander de les réduire. Au milieu d’une semblable divagation, comment pourrez-vous retrouver les articles susceptibles d’économie ? Il n’y a pas d’autre ordre logique que celui indiqué par M. le ministre des finances appuyé par M. le ministre de la justice, par M. de Brouckere et tous ceux qui partagent cette opinion. Si vous n’adoptez pas cette marche, vous discuteriez plusieurs jours avant de pouvoir vous reconnaître sur le principe des économies que vous voulez adopter.

M. de Theux. - Un des honorables préopinant a prétendu qu’il ne s’agissait pas ici d’une question de règlement ; ce que j’ai dit à cet égard a été combattu par un orateur et appuyé par un autre : ainsi, je puis me dispenser de rien ajouter, mon opinion reste toute entière. Quant à la question d’utilité, c’est à la chambre à la décider. Dans telle circonstance elle a voté par division, dans telle autre elle l’a fait globalement suivant qu’elle était plus ou moins éclairée sur la question ; c’est donc à elle à voir si son opinion est formée ou non.

M. d’Huart. - Il est impossible de voter comme M. le ministre des finances le propose. Le rapport de la commission n’étant pas basé sur la division, il faudrait pour cela le renvoyer à la section centrale, pour voir si elle est disposée à modifier son travail sur ce point. Je suis étonné qu’on ait attaqué le mode qu’elle a adopté ; car elle n’a fait que suivre le projet de loi tel qu’il a été présenté par M. le ministre.

C’est une considération qui devait justifier la section centrale. La section centrale a voulu forcer le ministre à apporter des modifications dans l’administration générale. Si vous consentez à voter partiellement, vous empêchez ces modifications puisque vous déterminez l’allocation à accorder pour chacune des branches de l’administration existante. Tout changement de système que vous voudriez introduire deviendrait impossible.

On a dit que M. le ministre ne serait pas lié par le vote que vous pourriez émettre sur chacune des divisions de l’article, c’est la une considération qui doit vous engager à rejeter le mode qu’on vous propose. Jamais une assemblée législative ne doit émettre un vote illusoire ; quand elle prend une décision, elle doit être obligatoire.

Si vous adoptez la marche proposée par le ministre, on finira par vous demander de voter sur le traitement de chaque employé ; le ministre trouvera ainsi fort commode de se rejeter sur la chambre des réductions qu’auront subies ses subordonnés.

Je ne comprends pas la crainte qu’on manifeste de ne savoir où trouver l’économie proposée par la section centrale ; elle vous en a indiqué pour plus de 80,000 francs, il vous sera donc facile d’en opérer pour 30,000. Je n’en dirai pas davantage, la chambre paraît disposée à décider la question. (Aux voix ! aux voix ! La clôture.)

M. Jullien. - Je demande la parole. Je ne vois pas la nécessité de voter sur chacune des divisions de l’article ; mais je vois la nécessité de les discuter chacune après les autres, parce qu’en définitive...

M. le président. - Plus de dix membres ont demandé la clôture : vous ne pouvez pas rentrer dans le fond de la question.

M. Jullien. - M. d’Huart vient de soulever une question nouvelle. Il vient de dire que la commission centrale ne peut changer le mode qu’elle avait adopté.

M. d’Huart. - J’ai omis de répondre à un argument ; le plus fort de ceux présentés par M. Devaux sur les minorités.

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole pour la clôture, il est d’autant plus inutile de discuter davantage que le mode que nous proposons est le même qui fut suivi au mois d’octobre dernier pour le budget de 1833.

- La chambre consultée ferme la discussion.

M. le président. - Je mets aux voix la question de savoir si on votera…

M. Jullien. - Je demande la parole sur la position de la question. Je crois que la question est de savoir si on discutera séparément.

- Plusieurs voix. - Personne ne s’y oppose.

M. Jullien. - Si vous admettez que la discussion doive s’ouvrir séparément sur les numéros de l’article, chacun des membres viendra exposer son opinion sur ces divers numéros qui seront successivement mis en discussion. Il est inutile qu’on vote sur chacune des subdivisions. (Aux voix ! aux voix !)

M. Verdussen. - Il est impossible de voter, mais seulement de discuter les chiffres divers qui doivent se réunir dans un chiffre global, qu’il faudrait encore voter. Car il pourrait arriver que le vote sur l’ensemble du chiffre fût en contradiction avec les votes partiels.

M. de Theux. - La seule question à mettre aux voix, c’est la division du vote. Si on adopte cette proposition, la division de la discussion est de droit. Si on la rejette, on pourra toujours consulter ensuite la chambre sur l’ordre de la discussion.

M. de Brouckere. - La crainte qu’on a manifestée que les votes spéciaux fussent en contradiction avec le vote sur l’ensemble n’est pas fondé, car ce ne sera qu’un vote sur l’ensemble des réductions adoptées.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il faut bien s’entendre sur la proposition du ministre des finances. Il ne demande pas que vous votiez sur chacun des numéros qui ne sont pas mis en question, mais seulement de voter sur chacune des réductions proposées.

M. Dubus. - D’après l’explication que vient de vous donner M. le ministre de la justice, la motion de M. le ministre des finances est devenue sans objet.

Il vient de vous dire qu’il demandait seulement qu’on votât séparément sur les réductions.

Le ministre n’a présenté qu’un seul article ; la section centrale a proposé une réduction sur cet article : on ne peut pas la forcer à diviser sa proposition.

M. Devaux. - Dès l’instant que l’assemblée trouve que le mode proposé par la section centrale est tel qu’elle ne croit pas pouvoir sortir de la discussion, la section centrale, n’étant que l’émanation de l’assemblée, doit conformer son travail au mode auquel l’assemblée donne la préférence.

M. Dumortier, rapporteur. - Vous rentrez dans la discussion.

M. Devaux. - Je réponds à M. Dubus.

M. Dubus. - J’ai répondu à M. le ministre de la justice.

Je pense que la chambre reconnaîtra la nécessité de voter numéro par numéro. C’est au reste ce qui se pratique en France.

M. Dumortier, rapporteur. - Au mois d’octobre dernier, la chambre a voté l’article globalement, parce qu’elle n’a pas voulu émettre de vote frustratoire.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre des finances de voter séparément sur les numéros sur lesquels des réductions seront demandées.

M. Dumortier, rapporteur. - Si M. le ministre consent à ce qu’il y ait autant d’articles que de votes, je ne m’opposerai pas à sa proposition.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Non, je ne peux y consentir.

- La proposition est mise aux voix : elle n’est pas adoptée.

La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.