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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 décembre 1833
1) Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1834.
a) Discussion générale. Convention militaire de Zonhoven (Dumortier, de Theux, Dumortier, de Theux, Pollénus, de Robaulx, de Robaulx, F. de Mérode, Lebeau, de Robaulx, Lebeau)
b) Discussion des articles. Centimes additionnels sur les contributions (essentiellement la contribution foncière) et équilibre générale du budget (Eloy de Burdinne, Duvivier, Angillis, Eloy de Burdinne, Rogier, Desmanet de Biesme, Angillis, Coghen, Rogier, Dubus, Duvivier, Dumont, Eloy de Burdinne, Meeus, Brabant, Verdussen, de Muelenaere, Brabant, (+modification du tarif des douanes (thés, café, tabac, coton…) (Eloy de Burdinne, Smits, Gendebien, A. Rodenbach, Meeus, A. Rodenbach, de Foere)), modalités du vote des dispositions du budget (Dubus, de Robaulx), tarif sur les eaux-de-vie étrangères (Dumortier, A. Rodenbach, (+service de la douane) (de Robaulx, Duvivier, A. Rodenbach), de Foere)
(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
midi.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1834
Motion
d’ordre relative à une demande d’insertion au procès-verbal de la séance
précédente
Après l’appel nominal,
l’un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal.
M. Dumortier. - Je demande la parole sur la
rédaction du procès-verbal. Vous devez vous rappeler, messieurs, que dans la
séance d’hier j’ai fait une interpellation de la plus haute importance, pour
savoir si, dans les termes larges de la loi du 7 novembre 1831, le ministère se
croyait autorisé à consentir de nouvelles modifications sans l’assentiment des
chambres. M. le ministre de la justice a répondu que dans son opinion cette loi
avait épuisé ses effets par la signature du traité du 15 novembre. J’ai demandé
que cette déclaration fût insérée au procès-verbal et si j’ai bien entendu,
elle ne l’a pas été. J’insiste donc pour que cette insertion soit faite. M. le
ministre de la justice n’a élevé aucune objection de ce chef.
M. de Theux. - Je crois qu’avant de
faire cette insertion, il faudrait que l’auteur de la déclaration fût présent,
car on veut en faire résulter une espèce d’engagement.
Rien n’a été décidé hier
; et je ne pense pas qu’on puisse ordonner l’insertion dont il s’agit, et qui
serait d’ailleurs peu convenable. La loi est ce qu’elle est, le traité est ce
qu’il est ; on ne demande pas à un ministre dans quel sens il entend telle loi.
La mention d’une telle déclaration est inusitée et contraire à tous les usages.
M. Dumortier. - Je ne conçois pas ce qui peut
porter le préopinant à s’opposer à ma demande. J’ai déjà dit que cette demande
a été faite après les explications données par le ministre, explications
sollicitées depuis plusieurs jours, et sur lesquelles il a eu tout le temps de réfléchir.
Je le répète, il n’a élevé aucune objection et dès lors la fin de non-recevoir
de l’honorable député du Limbourg est inadmissible.
J’ai été surpris de lui
entendre dire que le traité est ce qu’il est, et que la loi est ce qu’elle est.
Vous n’ignorez pas que dans une séance précédente le ministère s’est appuyé sur
une loi qui a aussi épuisé ses effets et qui ne pouvait s’appliquer au cas
auquel il l’appliquait. Nous avons donc lieu de témoigner des craintes sur le
renouvellement de cet abus, surtout quand il s’agit des intérêts les plus chers
du pays. Je désire que l’insertion que je réclame soit faite dans le
procès-verbal.
M. de Theux. - J’espère que personne
ne s’est mépris sur mes intentions. Quant à moi, je partage l’avis de M. le
ministre de la justice sur le sens qu’il faut attribuer à la loi dont il
s’agit. Il ne peut donc s’élever aucun doute sur mes intentions ; mais je
maintiens qu’il est contraire à tous les usages, à toutes les règles de la
saine raison, de demander à un ministre dans quel sens il entend l’exécution
d’une loi. S’il l’exécute dans son véritable sens, il sera approuvé par la
chambre ; dans le cas contraire, il sera blâmé.
Je sais bien que la
motion d’ordre n’a rencontré aucune objection, mais c’est sous le rapport des
convenances que j’ai parlé ; les convenances doivent être soigneusement
maintenues par les corps délibérants, sous peine de perdre de leur dignité.
M.
d’Huart.
- L’art. 15 de notre règlement contient la solution de la question. En voici
les termes :
« Art. 5. S’il
s’élève une réclamation contre la rédaction, l’un les secrétaires a la parole
pour donner les éclaircissements nécessaires.
« Si, nonobstant
cette explication, la réclamation subsiste, le président prend l’avis de la
chambre. »
C’est donc à M. le
président de consulter la chambre sur la proposition de M. Dumortier.
M. Pollénus. - Je n’examinerai pas la question
soulevée par M. de Theux, s’il y a oui ou non lieu de faire mention au
procès-verbal d’une déclaration contenue dans le discours prononcé par le
ministre de la justice dans la séance d’hier ; avant de prendre une résolution
à cet égard, il est un autre point sur lequel il convient de s’arrêter avant tout,
c’est de savoir s’il est rationnel, s’il
est juste d arrêter cette mention au procès-verbal en l’absence du ministre
dont elle émane ? Et sur ce dernier point je partage l’avis de l’honorable M.
de Theux ; en effet, en donnant acte d’une déclaration faite, on entend
consigner un aveu d’où l’on puisse à l’occasion déduire un engagement. Il
importe donc de bien se fixer sur les termes dans lesquels cet engagement
aurait été contracté ; il me paraît donc convenable que le ministre soit
présent afin de pouvoir s’expliquer sur la déclaration à insérer au
procès-verbal.
M. de Robaulx. - Je prends la parole pour rectifier une
erreur du préopinant qui s’est montré plus ministériel ici que le ministre
lui-même. Je suis fâché de dire cela pour M. Pollénus qui a parlé dans un tout
autre sens relativement à la convention de Zonhoven. Une interpellation a été
faite au ministère pour savoir si on entendait s’en prévaloir de la loi de
novembre 1831 pour faire de nouvelles concessions, Le ministre de la justice a
répondu sans hésiter que, par suite du traité du 15 novembre, la loi avait
épuisé tous ses effets. Il ne s’agit donc que de savoir si un fait, qui s’est
passé dans la séance précédente peut être relaté au procès-verbal. Est il nécessaire pour cela d’obtenir l’assentiment du
ministre lui-même ? Non certainement.
Il s’est exécuté, et a
fait la déclaration sur-le-champ. Eh bien, sans examiner si cette déclaration
est un engagement, il faut constater le fait. Le ministre l’interprétera
ensuite à sa manière, d’après ce que font entendre M. Pollénus et le ministre
passé, présent et futur, M. de Theux (on
rit), il l’interprétera largement ; mais le fait est qu’il a fait une
réponse et que nous pouvons la constater au procès-verbal.
M. le président donne lecture du passage du Moniteur, où se trouve la réponse de M.
le ministre de la justice.
- La chambre consultée
décide que mention de cette déclaration sera faite au procès-verbal.
Discussion
générale
M. de Robaulx. - Messieurs, hier M. le ministre de la
justice a cité mon nom dans ce long discours par lequel il a essayé de
déterminer ce qu’il entendait par l’honneur national. Je crois devoir, à cet
égard, donner une explication très courte ; je ne m’occuperai que de la forme,
car la question a été suffisamment examinée au fond.
Je dirai avant un mot
sur un autre discours, ou du moins sur son préambule. Je regrette beaucoup que,
dans une circonstance aussi grave, on ait assimilé cette enceinte à une
volière, et qu’on nous ait représentés comme des aigles, des oies, etc. (On rit.)
Si l’intention de cet
honorable membre est de déconsidérer nos débats parlementaires, il y réussira
ainsi. Je regrette que M. le président n’ait pas maintenu dans cette
circonstance la dignité de l’assemblée.
M. F. de Mérode. - Je désire répondre deux mots. (N’interrompez pas !)
M. de Robaulx. - Je vous cédé la parole si vous voulez. (Non
! non !) J’ai achevé tout ce que j’avais à dire à ce sujet, J’ajouterai que je
suis persuadé que l’honorable membre, quand il parle au Roi, s’exprime
autrement.
J’arrive maintenant au
discours de M. Lebeau. M. Lebeau s’est posé l’interprète de l’honneur national.
Il vous a dit, messieurs : C’était au nom de l’honneur national que le député
de Soignies réclamait dans le temps contre le déblocus de Maestricht. Eh bien !
oui, je pense que si vous n’aviez pas débloqué
Maestricht, il serait tombé en votre pouvoir et que vous auriez été à même de
dicter d’autres conditions à
J’ai été vraiment
scandalisé d’une autre partie du discours du ministre ; c’est lorsqu’il est
venu faire descendre le chef de l’Etat dans la discussion et qu’il s’est
couvert de son nom comme d’un manteau.
N’a-t-il pas dit que
celui que la majorité du congrès avait placé à la tête de l’Etat avait fait
d’innombrables sacrifices ? Je n’examinerai pas ce point, mais je dirai
seulement que quand le chef de l’Etat fut élu, des promesses mutuelles ont eu
lieu, et à cet égard je ne crois pas que ce soit le pays qui ait manqué aux
siennes.
D’un autre côté, on est
venu nous faire de grandes promesses de la part du chef de l’Etat ; on est venu
nous dire : Voulez-vous que votre indépendance soit reconnue, voulez-vous
empêcher les barbares de fouler votre territoire et de vous amener la restauration,
voulez-vous le Luxembourg sans la dette ? Vous obtiendrez tout cela au nom du
prince. Eh bien, ces promesses, cette partie de l’engagement synallagmatique
n’ont pas encore été exécutées ! Voilà ce qu’on nous force à dire dans cette
enceinte quand le noms du chef de l’Etat y est jeté
imprudemment par des ministres qui devraient le respecter davantage, qui
devraient mieux le conseiller surtout.
A entendre M. Lebeau, le
chef de l’Etat aurait été abandonné et, serait demeuré seul sur le champ de bataille
à Louvain. (En ce moment entre M. le
ministre de la justice.) Je suis bien aise que M. le ministre soit présent,
car il pourra entendre mes paroles. Le chef de l’Etat, dit-il, est demeuré
seul. Quoi ! il n’y avait plus autour de lui de
généraux, pas d’officiers d’ordonnance ! Et cependant la nation lui a-t-elle
failli quand il a fait une proclamation
pour l’inviter à prendre les armes ? N’as-t-elle pas
volé sur la frontière ? Elle a été fidèle à son Roi ; elle est venue se ranger
sous son commandement. Si elle a éprouvé un revers, c’est par le défaut
d’organisation, par le défaut de discipline, dont la cause ne vient pas du chef
de l’Etat, mais de ses ministres. Il y a eu, dans cette circonstance, trahison
ou impéritie coupable. On a jeté un voile sur tout cela, et la représentation
nationale n’a pas voulu voir clair : elle a rejeté l’enquête qu’on avait
proposée. Mais toujours est-il que M. Lebeau, en disant que le Roi est demeuré
seul, a jeté la plus sanglante épigramme à un de ses collègues, à M. Goblet que
j’ai vu, moi, à Louvain. Je ne fais pas de supposition ; mais cela donnerait à
entendre qu’il y a des germes de dissolution dans le cabinet.
Nous avons recueilli un
autre avantage de la monarchie, dit M. Lebeau : c’est l’alliance et la
puissante intervention de
Mais voyons si M. Lebeau
a raison ici. Oui, nous sommes sous la protection, sous le patronage du peuple
français ; mais quant à Louis-Philippe, quant à l’alliance du chef de l’Etat
avec sa maison, je n’en reconnais pas la salutaire influence. Vous
souvenez-vous, messieurs, de l’époque où il s’est agi des Nassau ? N’avez-vous
pas vu des envoyés français qui conseillaient de placer sur le trône, non pas
Guillaume lui-même, mais un membre de sa famille ? Ce qui nous empêche d’être
restaurés, c’est qu’un pareil événement serait menaçant pour
Quant
à ce qui concerne le droit de réforme des institutions, il se trouve dans la
loi fondamentale et pour peu que l’on continue encore de marcher dans la voie
où l’on s’est engagé, je dirai avec M. Gendebien qu’on sera obligé de réformer
certaine partie de la loi fondamentale elle-même. On le verra plus tard.
M. F. de
Mérode. - C’est
précisément pour maintenir la dignité de nos débats que je me suis permis le
préambule que vous avez entendu hier dans ma bouche ; et je m’étonne de cette
grande susceptibilité de M. de Robaulx sur la dignité parlementaire. Mon
intention n’a point été d’attaquer le préopinant. Cependant, messieurs, si je
me permettais de rechercher dans ses discours au congrès et aux chambres toutes
les expressions les plus singulières, pour ne rien dire de plus, qu’il a
employées, je ferais un recueil assez grotesque, vous en conviendrez. Mais il y
a ici deux poids et deux mesures ; les hommes qui appartiennent de près ou de
loi au ministère, doivent être les plastrons de certains aristarques qui
s’attribuent le privilège de tout dire. A les en croire, les ministres et leurs
amis devraient jouer le rôle de ces escales que Caligula armait de bâtons
couverts d’éponges et de cuirasses d’étoffes, et les perforait ainsi à son aise
avec des lances et des épées bien ou mal forgées, n’importe : de cette manière
il était sûr de vaincre. Pour moi, je ne veux pas me soumettre à un système si
commode pour nos adversaires.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, quoique je pense
qu’entre gens d’honneur la première loi du combat soit l’égalité des armes, et
qu’une chambre législative ne fasse pas exception à ce principe de justice, je
ne m’en prévaudrai jamais pour rendre injure pour injure, sarcasme pour
sarcasme ; et quand même ce sera l’honorable M. de Robaulx qui cherchera à me
donner des leçons d’urbanité et de circonspection, j’en profiterai si je les
trouve bonnes, mais je ne crois pas que ce soit le cas ici : le gouvernement
peut très bien se défendre sans recourir au vocabulaire dans lequel on puise
trop souvent des armes contre lui.
Arrivant à
l’interpellation de l’honorable député, je dirai que si, dans le cours de mon
improvisation, il m’était échappé quelque expression qui ne fût pas dans ma
pensée, je ne regarderais pas comme un acte d’humilité d’en faire la
rétractation. Mais je ne crois pas qu’il se trouve dans mon discours d’hier une
parole de nature à permettre d’incriminer mes intentions.
Qu’ai-je dit hier ? J’ai
parlé du moment où le pays a été surpris à l’improviste par une attaque,
violation de la foi jurée, et dont le résultat doit être en partie attribué à l’imprévoyance
du danger, au défaut d’organisation de la défense extérieure du pays, ce qui
exige du temps et de l’expérience ; j’ai signalé ce résultat non seulement
hier, mais dans dix, dans vingt séances précédentes, comme la conséquence
inévitable d’une crise révolutionnaire. J’ai eu occasion de citer plus d’une
fois de pareils exemples, de rappeler les revers de l’armée française depuis le
commencement de la première révolution, armée qui depuis a fait la conquête de
l’Europe. Pourquoi chercher ailleurs la cause de notre défaite ? Moi je
l’explique tout naturellement, de manière à n’affecter ni l’honneur des
individus, ni l’honneur de la nation ; j’explique cette déplorable catastrophe
par des causes communes à tous les peuples qui se sont trouvés dans une
position analogue.
Font-ils mieux ceux qui
appellent à leur secours les accusations de trahison, l’impéritie calculée et
coupable du ministère d’alors, car il a été plusieurs fois traité ainsi ? Oh ! loin de moi, messieurs, l’idée d’inculper l’honneur d’un de
mes collègues, ni aucun des officiers qui l’accompagnaient à Louvain ! Si
quelques-unes des insinuations perfides, trop souvent lancées contre le
caractère de M. Goblet, avaient trouvé accès dans mon esprit, jamais je n’eusse
consenti à devenir son collègue. Je suis moi-même en mesure d’attester combien
sa conduite et celle de ses compagnons fut honorable et dévouée à l’époque à
laquelle on a fait allusion : car moi aussi j’étais sur les lieux, et j’ai été
témoin du dévouement qu’on a témoigné au chef de l’Etat, mais dévouement qui ne
pouvait suppléer à l’organisation de l’armée, à la composition d’un état-major
complet ct solidement organisé, ce qui exige du temps, de la réflexion,
l’appréciation des hommes et des choses.
Voilà
dans quel sens j’ai parlé, et si quelque expression contraire m’était échappée,
elle serait trop loin de ma pensée pour ne pas la rétracter, Mais je ne suis
pas responsable de l’inexactitude avec laquelle ont pu être rendues mes paroles
; ce n’est pas à moi seul que cela arrive ; il s’est élevé fréquemment, à cet
égard, des plaintes nombreuses de la part d’autres membres, à quelque opinion
qu’ils appartinssent. Il serait absurde de prétendre que j’aurais fait un
reproche, par exemple à des aides-de-camp d’avoir abandonné leur poste, lorsque
les hommes honorables qui remplissent ces fonctions, et dont plusieurs sont mes
amis, n’ont été appelés à ces fonctions que longtemps après les événements du
mois d’août.
M. de
Robaulx. - Je
ne sais pas si M. le ministre a bien compris le sens dans lequel j’ai parlé ;
il n’était pas ici au commencement de mon discours.
J’ai trouvé étonnant
qu’un ministre, qui tient tant à conserver en dehors des débats le chef de
l’Etat…
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ce n’est pas moi qui ai commencé.
M. de Robaulx. - Vous
deviez au moins éviter d’imiter cet exemple inconvenant, et vous ne l’avez pas
fait. J’ai trouvé étonnant, dis-je, qu’un ministre eût jeté le nom du Roi dans
la discussion, en avançant qu’il s’était trouvé seul à Louvain. Par suite, j’ai
examiné jusqu’à quel point le pays avait accompli ses promesses envers le chef
de l’Etat, et j’ai prouvé qu’il les avait tenues toutes. C’est cette partie que
M. Lebeau n’a pas entendue.
J’ai ajouté :
Considérerait-on comme un défaut d’accomplissement de ces promesses le fait
avancé que le Roi se soit trouvé sans généraux, sans officiers d’ordonnance sur
le champ de bataille ? Mais la nation n’était-elle pas accourue à la demande de
son chef ? Ce n’est donc pas à elle, mais au défaut d’organisation de l’armée
qu’on peut attribuer le malheur qui nous est arrivé. J’ai dit, entre autres que
soutenir que le Roi s’était trouvé seul, alors qu’il y avait tant de vaillants
généraux, et que M. Goblet se trouvait faire partie de son état-major, c’était
pour ce dernier une sanglante ironie. Du reste, le ministre doit sentir qu’il
est toujours imprudent de faire intervenir le Roi dans de pareils débats.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je suis tout à fait de l’avis du
préopinant. Je déclare que jamais je ne prendrai l’initiative pour parler ni
directement ni indirectement du Roi. Mais quand des allusions sont faites à ce
personnage, et qu’elles ne sont pas réprimées, alors le ministère remplira un
devoir d’honneur en les laissant pas passés sous silence.
M. de Robaulx. - Alors M. le président aurait dû vous
rappeler à l’ordre.
Plusieurs voix. - La clôture ! la
clôture !
- La chambre consultée
ferme la discussion générale.
On passe à celles des
articles
Discussion
des articles
Contributions directes (article premier du
projet de loi)
M. le président, après avoir fait connaître l’art. 1er,
présenté par le gouvernement, donne lecture de l’article amendé de la section
centrale, qui est ainsi conçu :
« Les impôts
directs ou indirects, existant au 31 décembre 1833, en principal et centimes
ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu’au profit
de l’Etat, des provinces et des communes, continueront à être recouvrés pendant
l’année 1834, d’après les lois qui en règlent l’assiette et la perception.
« Toutefois les centimes
additionnels extraordinaires par franc, imposés par la loi du 30 décembre 1832,
sont réduits comme suit : sur la contribution foncière à 20 centimes, sur la
contribution personnelle et sur les patentes à 10 centimes. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - M. le ministre des finances a
déclaré ne pouvoir se rallier à l’amendement de la section centrale, surtout en
ce qui concerne les centimes extraordinaires. Il vient de s’apercevoir qu’il
avait oublié ses notes ; je prie la chambre de ne point passer au vote de
l’article avant qu’il soit revenu.
M.
le président. La parole est accordée à M. Eloy de Burdinne.
- M. le ministre des
finances rentre dans la salle avant la fin du discours de l’honorable membre.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, si
l’an dernier on a dû augmenter la contribution foncière de 40 p. c. pour faire
face aux dépenses, il me paraît que pour l’exercice de 1834, le budget de la
guerre étant appelé à une réduction considérable, on ferait acte de justice de
prendre en considération l’état désastreux de l’agriculture. Déjà dès le mois
d’avril 1833 les produits agricoles ont été à des prix très bas et nullement en
rapport au taux de l’impôt foncier.
Depuis la récolte
dernière, l’état de l’agriculture a empiré de telle manière que les céréales
récoltées en 1833 ne peuvent se placer, étant de moindre qualité que celles de
l’année précédente, auxquelles on donne la préférence. On sait qu’il en reste
en magasin pour suffire, à quelque chose près, à la consommation de l’année.
Le produit du bétail
qui, dans nombre de localités, est d’une grande ressource, particulièrement
quand les céréales sont à bas prix, aujourd’hui est moins recherchée encore que
les céréales, et il est impossible de s’en défaire même au quart de sa valeur
ordinaire.
Les fourrages ayant
manqué assez généralement, il arrive qu’un plus grand nombre de têtes de bétail
est exposé en vente et que personne n’en achète. La
France, qui, tous les ans, dès le commencement de novembre, achète nos chevaux,
jusqu’à présent si elle en a acheté chez nous, c’est en bien petit nombre, et
j’ose assurer que c’est au plus à raison d’un 20ème de ce qu’elle achetait
ordinairement.
En un mot, les produits
de l’agriculture sont non seulement à vil prix mais on ne peut s’en défaire.
C’est le cas de dire que
cette industrie va périr par trop d’abondance des produits du sol, lesquels
sont encore augmentés par l’arrivage des céréales étrangères. Une partie des céréales
sera employée à la nourriture du bétail, les fourrages ne suffisant pas ; ce
qui réduira la quantité à vendre et qui occasionnera un surcroît de dépenses à
l’agriculture, qui, étant la première branche d’industrie de notre royaume, a
droit à la protection du gouvernement ;
1° Par le motif que la
propriété fournit en grande partie à ses besoins, soit directement, soit
indirectement, par les impôts qu’elle supporte ;
2° Qu’elle donne à vivre
aux trois quarts de la population ;
3° Qu’en principe, si cette
branche d’industrie est dans la détresse, les cultivateurs se trouvent dans
l’impossibilité de faire des avances en engrais étrangers, et que par suite il
en résulte une rétroaction dans les progrès de cette industrie, qui amène un
déficit dans les produits, et par conséquent une perte pour le pays.
Il est incontestable que
le cultivateur qui manque de moyens pécuniaires nécessaires pour faire face à
la dépense que réclame la culture de la terre récolte un tiers moins que celui
qui peut satisfaire complètement à la dépense qu’exige la culture.
La terre produit en
proportion des soins qu’on lui donne, et des avances qu’on lui fait ; pour ces
motifs, il est de l’intérêt général d’éviter de surcharger la propriété ;
cependant je vois avec peine que 20 centimes additionnels extraordinaires sont
ajoutés au principal de la contribution foncière pour l’exercice de 1834,
tandis que sur l’impôt personnel et les patentes 10 centimes sont demandés. Ne
pourrait-on pas traiter les propriétaires sur le même pied que les rentiers et
le commerce, et réduire les centimes extraordinaires à 10 ? Pour cela, il
faudrait trouver des ressources ailleurs ; ne les trouverait-on pas en imposant
le café, le sucre, le thé, le tabac étranger (ce qui favoriserait la culture du
tabac indigène) ; en outre les épiceries, telles que vanille, cannelle,
muscades, girofles, etc., etc. ; en un mot, les denrées coloniales ?
Pour éviter des
tracasseries au commerce, ne pourrait-on pas établir le droit à l’entrée ; et,
pour éviter la fraude, un droit à un taux modéré ; par exemple, le café à 10 ou
20 centimes par kilogramme, le sucre en proportion, ainsi que les autres
denrées précitées ? ceci devrait être soumis à une
commission.
Ne pas imposer des
boissons faites avec des produits étrangers, quand on impose les bières faites
avec les produits de notre sol qui ont déjà payé un impôt (l’impôt foncier) me
paraît un abus ; et, pour ce motif, je prie la chambre de vouloir méditer ma
proposition, laquelle je déposerais sur le bureau si j’avais l’espoir d’être
suffisamment appuyé.
J’émets ici le vœu que
la législature trouve le moyen d’émettre à la disposition du gouvernement une
somme de 1 ou 2 millions qui, avec les 600,000 fr. du produit des barrières,
pût servir à construire des routes réclamées de toute part à juste titre.
Parler de leur utilité serait abuser du loisir de la chambre : personne de nous
ne révoque en doute que ces constructions sont la source de la prospérité des
Etats, sous les rapports des diverses branches d’industrie.
Pour le moment, je ne
crois pas convenable de m’étendre davantage sur ce sujet ; si nos nombreux
travaux le permettent, j’aurai l’honneur de faire une proposition à la chambre,
dans le courant de cette session, ayant rapport à la construction de routes
nouvelles.
Je
me résume en demandant une réduction des centimes additionnels extraordinaires
sur l’impôt foncier, et qu’au lieu d’être fixés à 20 p. c., ils soient réduits
à 10 p. c. du principal, pour le motif que les produits de l’agriculture en
céréales et en bétail sont tombés à vil prix, et même invendables, et qu’en
faisant supporter 20 c. extraordinaires, pour l’exercice de 1834 à la
propriété, c’est excéder ses moyens ; en un mot, c’est l’accabler. Dans la
position où cette branche d’industrie se trouve actuellement, si les besoins de
l’Etat ne l’exigeaient, je demanderais une exemption totale des centimes
additionnels sur l’impôt foncier.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, lorsque, dans le
budget général, les recettes balancent les dépensés sans recours à des moyens
extraordinaires, la prudence veut qu’on n’y comprenne que les produits sur
lesquels on peut compter avec certitude ; agir autrement serait s’exposer à
manquer de fonds pour couvrir les besoins du service.
C’est sous l’influence
de cette pensée que le tableau des voies et moyens a été dressé, et que le
dégrèvement sur les centimes additionnels extraordinaires a été calculé.
La section centrale, en
ajoutant un nouveau dégrèvement de plus d’un million à celui de près de 2,400,000 fr. proposé par le gouvernement, a agi sans doute
dans les mêmes vues, mais avec l’arrière-pensée de voir combler l’insuffisance
de ressources qui devait résulter de sa proposition, par le montant de
l’intérêt des capitaux versés par la banque comme solde de l’ancien caissier
général des Pays-Bas.
En effet, messieurs le
produit de ces intérêts est une ressource dont je demande moi-même le transport
à la loi des recettes ; mais c’est une ressource qui ne doit prudemment y
figurer que comme un excédant de voies et moyens, et en voici les motifs.
Le capital versé par la
banque est à la disposition de l’Etat moyennant le dépôt de sûretés déterminées
dans la convention du 8 novembre. Si des besoins inattendus réclamaient
l’emploi immédiat du capital ; si une liquidation prochaine avec
D’un autre côté, une loi
d’indemnité vous sera présentée ; elle nécessitera une allocation assez majeure
si elle est adoptée, et il convient, en conséquence, qu’une certaine somme soit
disponible pour faire face au crédit qui serait alloué.
Si d’ailleurs, ce que je
désire vivement, il restait des excédants de recettes, leur application
naturelle s’en ferait à l’extinction de la dette flottante et diminuerait ainsi
les intérêts à payer sur cette dette.
Une diminution dans les
recettes de l’enregistrement est probable. L’évaluation de ces droits a été établie
sur les recettes effectives des trois derniers mois de 1832 et des neuf
premiers mois de l’année 1833. Or, le grand nombre d’affaires qui ont eu lieu
pendant cet espace de temps est le résultat de la stagnation qui avait arrêté
le cours des transactions durant deux ans ; d’un autre côté, les ventes
considérables faites par la banque ont aussi exercé une influence sensible sur
les produits de l’enregistrement dans le même laps de temps, et nous savons
aujourd’hui que cet établissement a suspendu la résolution qu’il avait prise
d’aliéner intégralement ses domaines.
Il est encore une
considération importante que je dois vous soumettre, c’est que le chiffre
général auquel s’élèvent les recettes comprend celles à provenir des pays cédés
en vertu du traité du 15 novembre. Si la cession de ces territoires
s’effectuait dans le cours de l’exercice, les 4 millions auxquels ces recettes
sont évaluées seraient réduits, dans la proportion du laps de temps qui
resterait à s’écouler jusqu’à la fin de l’exercice.
Par
les motifs que je viens de faire valoir, je crois convenable et prudent, de ne
point réduire les centimes additionnels au-delà de ce qu’ils sont portés au
projet que le gouvernement vous a présenté, et ne puis, en conséquence,
consentir aux propositions que la section centrale vous fait à cet égard.
M. Angillis, rapporteur. - Le premier orateur qui a pris la
parole, aurait désiré voir employer la somme disponible pour diminuer les
centimes extraordinaires sur la contribution foncière, et laisser subsister
ceux sur la contribution personnelle et les patentes. Il m’est impossible de
partager cette opinion. Je dois faire observer que, si la contribution foncière
est très élevée, celle qu’on nomme absurdement personnelle est insupportable,
plus encore par sa fausse base et l’injustice de sa répartition, que par sa
hauteur. On fait payer une contribution à l’habitant pour son habitation, son
feu, les ouvertures de sa maison, ses domestiques, ses chevaux ; on impose
jusqu’à l’air qu’il respire. Or, faire profiter la contribution foncière seule
de la réduction serait une criante injustice ; et l’assemblée connaît trop les
besoins de la classe qui paie la contribution personnelle et les patentes pour
la consacrer.
Ce
n’est pas légèrement que la section centrale a fait sa proposition ; elle a
considéré d’abord l’économie qu’on pouvait faire sur le budget de la guerre ; à
quoi ajoutant la somme provenant du séquestre, celle qui doit revenir au trésor
par la transaction avec la banque, elle a reconnu que la réduction qu’elle
proposait était possible sur les trois contributions à la fois. Je crois que
l’assemblée émettra un vote favorable à cette opinion.
- Il est donné lecture
de l’amendement de M. Eloy de Burdinne ; cet amendement est appuyé.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne crois pas
avoir été bien compris de la part de M.
Angillis. Personne plus que moi ne s’est récrié à l’égard de la
contribution personnelle ; je crois même que si cet impôt était réparti comme
il l’était sous le gouvernement français, quoique ce mode ne fût pas à l’abri
de certains inconvénients, il serait moins criant et l’on parviendrait ainsi à
satisfaire la majorité de la nation. Je suis loin de demander des privilèges,
mais je crois qu’en imposant extraordinairement l’année dernière le foncier de
40 p. c. et la contribution personnelle et les patentes de 13 p. c. les
propriétaires ont été plus mal traités que les autres classes, et je veux les
mettre sur le pied de l’égalité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, le gouvernement, en
proposant à la chambre une réduction de 15 centimes sur les 40 centimes
extraordinaires imposés l’année dernière à la contribution foncière, croit
avoir assez fait pour les contribuables. Le premier il se fût empressé de
présenter de plus fortes diminutions s’il avait cru que ces diminutions
pouvaient se concilier avec l’intérêt bien entendu du pays et les besoins de
l’administration. Il doit donc persister dans ses premières propositions,
d’autant plus que la section centrale, en demandant qu’on étendît ces
réductions à d’autres contributions, n’avait pas entendu les observations qui
lui ont été faites postérieurement. Sans doute, il peut arriver que les
ressources du trésor dépassent les besoins de l’Etat pour l’année 1834 ; mais
ce n’est pas une raison pour que dès aujourd’hui nous cherchions imprudemment à
établir un équilibre entre les recettes et les dépenses. On a compté l’intérêt
des sommes mises à la disposition du gouvernement par la banque, sans réfléchir
que, du moment où le gouvernement disposerait de cette somme, l’intérêt
viendrait à cesser.
Or, des dépenses
considérables vous seront proposées. Vous avez à vous occuper de la route en
fer, et le gouvernement espère qu’à cet égard vos délibérations ne se feront
pas attendre. Si les 13 millions sont appliqués au chemin de fer, vous ne
pouvez porter en compte les 650,000 fr. d’intérêt. Nous avons ensuite à vous
proposer une loi d’indemnité si vivement réclamée dans cette chambre et hors de
cette enceinte. Il faudra faire face aux dépenses nécessitées par l’exécution
de cette loi. En présence de besoins aussi indispensables, est-il prudent de
diminuer de nouveau les impôts ? Au reste, par les impôts qu’il réclame, le
gouvernement ne pense pas que le peuple soit, comme on le dit, écrasé. Il n’est
pas vrai que de vives réclamations s’élèvent de toutes parts contre le système
des impôts.
Je vous le demande à
vous, messieurs, qui êtes les représentants du peuple,
ses défenseurs naturels : combien de pétitions vous sont-elles parvenues contre
ce système, contre le mode de son exécution ? N’est-ce pas un fait connu de
tous que depuis la révolution, il y a eu un moins grand nombre de poursuites
exercées contre les contribuables, de procès intentés par le fisc ? Les
rapports de MM. les gouverneurs sont unanimes sur ce point. D’une autre part
beaucoup d’impôts ont été diminués à partir de cette époque, et c’est un
exemple digne de remarque qu’à mesure que la révolution faisait des progrès,
les impôts subissaient des réduction. En voici la
récapitulation :
1° La suppression du
droit sur l’abattage a produit une diminution dans les impôts de fr. 3,300,000 ;
2° La réduction dans le
taux de production des genièvres, évaluée 29 p. c., de
fr. 1,000,000 ;
3° Diminution d’un quart
sur le principal du droit de patente, de fr. 700,000 ;
4° Suppressions et
diminutions des centimes additionnels, savoir :
a. Suppression sur le
personnel, 22 p. c., fr. 620,000
b. Diminution de 9 c.
additionnels sur les accises et les patentes, fr. 1,200,000
5° Réduction sur l’impôt
foncier des provinces d’Anvers et des Flandres, de 400,000 ;
6° Suppression du droit
sur le vin indigène, de fr. 70,000
7° Diminution dans le
produit des brasseries (arrêté du 1er novembre 1830), de fr. 300,000
8° Suppression du
serment dans la loi des successions, de fr. 1,000,000
9° Réduction du droit du
canal de Pommeroeul à Antoing, de fr. 325,000
10° Réduction à 13 des
22 centimes additionnels sur l’enregistrement, de fr. 1,200,000
11° Abolition de la
contribution sur les bacs, bateaux et rivières, fr. 125,000
Si l’on ajoutait à ces
réductions ce que produira en moins, suivant les calculs de divers
représentants et sénateurs, la nouvelle loi des distilleries, on aurait un
total de près de 14 millions.
M.
A. Rodenbach. - Tout cela n’est pas exact.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - C’est officiel. Ce n’est pas tout
: on a supprimé l’impôt immoral de la loterie ; on a abaissé le droit de timbre
des journaux ; les droits perçus sur le canal de Charleroy ont été réduits ;
les redevances annuelles sur les biens de donations supprimées ; on a fait
disparaître un impôt illégal sur les diligences. En dehors des ressources du
trésor, on a supprimé les leges ; des provinces ont
réduit les centimes additionnels. On n’en finirait pas si l’on voulait tout
récapituler. Et c’est après cela qu’on viendra dire dans cette chambre que le
peuple est écrasé d’impôts ! Quant à moi, autant je serai toujours disposé à
proposer de sages économies, autant je m’opposerai toujours à des diminutions
imprudentes et sans nécessité. Quand les charges de l’armée auront diminué,
j’espère que le gouvernement sera à même de reporter une partie des économies
qui en résulteront sur d’autres besoins ; qu’il pourra transformer, par
exemple, les dépenses d’uniformes, de fourrage, de souliers et de guêtres, en
d’autres dépenses plus utiles pour l’industrie, le commerce, les travaux
publics, l’encouragement des arts, des lettres et des sciences.
Nous
croyons, je le répète, avoir assez fait en réduisant de 15 centimes la
contribution foncière. Nous espérons, l’année prochaine, pouvoir, si les
événements le permettent, présenter une nouvelle diminution. Sans doute aussi
nous parviendrons à faire disparaître certains vices dans le système des impôts
; mais nous y procéderons avec toute la prudence, toute la circonspection que
mérite cette question délicate, et que recommande le rapport de la section
centrale.
M. Desmanet de Biesme. - Dans tout ce
qu’il vient de vous dire, M. le ministre a traité la question comme s’il
s’agissait de diminuer le principe de la contribution foncière ; tandis que la
réduction qu’on propose ne doit porter que sur les centimes additionnels. Je ne
vois pas pour mon compte l’objection que peut faire le ministère à la réduction
proposée sur la contribution foncière, puisqu’en opérant cette réduction on ne
change rien au prévisions du budget. D’ailleurs, les
dépenses du département de la guerre pourront été diminuées d’une somme plus
forte que celle dont on propose de réduire les contributions personnelles et
des patentes, et cette diminution, résultant de la baisse du prix des céréales
et des fourrages. Il est de toute justice d’en faire profiter l’agriculture en
dégrevant la contribution foncière.
M. Angillis, rapporteur. - La section centrale a pensé que
notre situation financière nous faisait une loi d’agir avec prudence et
circonspection dans la réduction des impôts. C’est le principe qu’elle a posé
dans son rapport, et elle ne s’en est jamais écartée. Elle a pensé que les
réductions d’impôt ne devaient pas être faites légèrement, qu’il fallait
examiner si ces réductions pouvaient être maintenues longtemps, parce qu’après
avoir diminué les impôts, on ne peut les reporter à leur taux primitif sans
jeter de la perturbation et du découragement dans la nation, et soulever de
graves mécontentements. La réduction qu’elle vous propose aujourd’hui n’est pas
basée seulement sur son désir de voir partagé largement avec l’assemblée, mais
encore sur la certitude qu’elle a de pouvoir le faire sans nuire aux services
publics, quels que soient les événements imprévus qui puissent survenir.
Voici sur quoi elle a
basé ses réductions :
Douze cent mille fr. sur
le budget de la guerre, 208,000 fr. provenant de la dette du séquestre, 300,000
fr. sur le budget de la marine, 650,000 fr. montant des intérêts réclamées par la banque. Remarquez que le chiffre exact est
de 674,000 fr. ; mais comme en finances il fait laisser une certaine latitude
et ne pas toujours compte deux et deux
font quatre, j’ai réduit ce chiffre de 24,000 fr.
Nous pourrons espérer
encore une économie de 270,000 fr. sur la fabrication des monnaies de cuivre.
Comme ces économies
n’étaient portées dans aucun budget, la section centrale pensant que cette
somme ne pourrait pas rester improductive, quand les impôts étaient si élevés,
vous a proposé de les réduire.
M. le ministre, il est
vrai, a contesté cette circonstance de l’élévation des impôts ; mais je suis
persuadé qu’il sera seul de son avis.
La section centrale, en
fixant le chiffre des réductions qu’elle vous propose, a fait la part des
événements qui pouvaient survenir, de toutes les éventualités, de la guerre
même, quoiqu’elle ne soit pas probable. Elle a tenu compte aussi des
réclamations faites par le cadastre et la banque ; questions qui ne sont pas
résolues, mais devant lesquelles elle ne laisse pas l’administration dépourvue
de ressources, quelle que soit la solution qu’elles reçoivent. D’après ces
motifs, la section centrale croit devoir persister dans la réduction qu’elle
vous a proposée.
M. le ministre a
prétendu que le peuple ne trouvait pas les impôts trop élevés, et il a donné
pour preuve de son assertion le peu de pétitions adressées à la chambre contre
leur élévation. Si le peuple ne réclame pas, c’est que chaque année on promet
de changer le système des impôts, que le peuple a foi dans la promesse du
gouvernement, et qu’il n’a pas encore perdu toute confiance, quoique jusqu’à
présent ces promesses n’aient eu aucun effet.
M. le ministre de
l'intérieur nous a lu une énumération de réductions diverses opérées depuis la
révolution, et qui doivent former un total d’environ 12 millions ; j’ai sous
les yeux un petit tableau de ce que nous ayons payé sous la domination
hollandaise, et il résulte de ce tableau que la moyenne de quinze années est de
84,630,000 fr. Or, le budget tel qu’il est fixé par la
section centrale monterait encore à 83,272,000 fr. La
différence n’est que de 1 millions 260 mille fr. Que sont donc devenues ces
réductions de 12 millions qu’on vient de nous énumérer ?
Ce
sont là des faits incontestables. Quand je dis que notre budget s’élevait à 84,630,000 fr., je dois ajouter que
Je répète, en terminant,
que la section centrale n’ayant pas basé ses réductions sur des calculs
d’imagination, mais sur des réalisations persiste dans la proposition qu’elle a
eu l’honneur de vous faire.
M.
Coghen. - Messieurs, je demande la parole, comme membre de la section
centrale, pour défendre son travail, pour justifier les réductions qu’elle vous
a proposées et combattre M. le ministre des finances, qui ne veut pas s’y
rallier, et l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui réclame une réduction plus
forte sur la contribution foncière.
Déjà nous éprouvons
l’embarras de discuter les voies et moyens avant de connaître exactement nos
dépenses. Lorsqu’il s’est agi de fixer l’ordre de la discussion du budget, j’ai
fait ressortir l’inconvénient qui était attaché à cette manière de procéder ;
mais, forcée par le peu de temps qui nous reste avant le commencement de
l’exercice prochain, la chambre a dû consentir encore pour cette fois à suivre
une marche aussi irrégulière.
M. le ministre des
finances a proposé le budget des dépenses et des voies et moyens, dont les
sommes se balancent à peu près. La section centrale, informée que l’opinion
générale des sections considérait les dépenses pour les constructions navales
et d’un dépôt d’archives de nature à pouvoir être ajournées, signalait les
allocations de 300,000 et 150,000 fr. comme susceptibles de pouvoir être
réduites de la somme demandée.
Les avances faites pour
le séquestre s’élevant à 200,000 fr. et le produit de la monnaie à 270,000,
figurent dans la loi des voies et moyens comme ressources pour 1834.
La transaction faite
avec la banque met à la disposition immédiate du gouvernement une somme
d’environ 13,00,000 fr. provenant de l’encaisse de
l’ancien royaume des Pays-Bas ; ce capital, sans emploi pour le moment, a été
appliqué en achat de fonds publics nationaux, productifs d’intérêts d’environ
650,000 fr.
Sans vouloir en rien
préjuger la décision de la chambre, il me paraît impossible qu’on ne sanctionne
pas une opération fait tout à fait dans l’intérêt du pays et qui donne au
gouvernement la disponibilité d’un capital considérable, dont le trésor profite
en attendant sa destination du produit de l’intérêt.
Si à ces sommes on ajoute
celle de 1,200,000 fr. à réduire sur le budget de la
guerre, réduction déjà consentie par M. le ministre, vous aurez un total de
2,770,000 fr.
La section centrale a
proposé de ne prélever que 20 centimes extraordinaires sur la contribution
foncière, au lieu de 25, et sur la contribution personnelle et les patentes, 10
centimes au lieu de 13. Elle s’est bornée à cette diminution parce qu’elle n’a
pas osé admettre comme certaines les évaluations du produit, et a reconnu la
possibilité de dépenses qui n’étaient pas prévues. Elle a donc laissé pour
l’éventuel une assez grande latitude, et doit persévérer dans la proposition
qu’elle a faite, comme elle ne pourra se rallier pour les raisons développées à
une plus forte réduction proposée par l’honorable M. Eloy de Burdinne.
L’équité
réclamait une loi d’indemnité en faveur de ceux qui ont souffert des événements
de la révolution belge. Il m’est bien agréable d’entendre de la part de M. le
ministre de l'intérieur qu’elle ne tardera pas à être présentée. Si on a suivi
le mode dont il a été question, on n’aura pas besoin de beaucoup de capitaux en
écus dans le courant de 1834.
Quant à la route en fer,
si vivement réclamée, dont les résultats doivent être immenses, tant pour le
commerce intérieur, que pour le commerce d’importation et de transit, il est
encore incertain quel mode d’exécution sera adopté ; mais dans tous les cas,
les sommes nécessaires en 1834 ne peuvent jamais être considérables, et il nous
reste toujours un capital de 13 millions dont on pourrait disposer pour les
dépenses à faire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je répondrai aux précédents
orateurs que rien ne serait plus doux au gouvernement que de se réunir à la section
centrale et de partager avec elle la popularité qui, à tort ou à raison,
accompagne toujours les réductions d’impôt. Nous vous prions d’être persuadés
que si nous insistons sur le maintien des allocations que nous avons demandées,
c’est parce que nous les croyons indispensables pour les intérêts du pays et
les besoins de l’administration. On n’a pas répondu aux deux grandes objections
faites aux diminutions proposées.
Le gouvernement avait
annoncé une loi d’indemnité, loi qui est en ce moment à la signature du Roi, et
ne tardera pas à vous être présentée ; vous aurez aussi incessamment à vous
occuper d’une route en fer. Ces deux lois, par leur caractère et leur but, sont
dans l’intérêt de la propriété foncière dont on voudrait un nouveau dégrèvement.
Vous savez, en effet, que c’est particulièrement par la propriété foncière que
la loi d’indemnité est réclamée, et personne ne contestera les immenses
avantages qui doivent résulter du chemin de fer pour les propriétés sur toute
l’étendue du pays qu’elle doit parcourir. Vous ne pouvez pas laisser
l’administration dépourvue des moyens de faire face aux dépenses que
nécessiteront ces deux lois.
Voilà,
messieurs, pourquoi nous insistons sur le maintien de la quotité des impôts,
que nous avons cru prudent de fixer. Vous ne voudriez pas, par des réductions
intempestives, nous mettre dans l’obligation de venir, en 1834, vous demander
des suppléments de crédit, vous savez avec quelle défaveur ces demandes sont
accueillies ; vous savez combien il est plus facile de payer aujourd’hui une
somme qui ne pas être indispensable pour les besoins de l’Etat, que de la payer
plus tard comme impôt extraordinaire pour combler un déficit. Plaise à Dieu que
nous puissions, à la fin de l’exercice, vous présenter des excédants considérables
! Nous mettrons tous nos soins à administrer avec le plus d’économie possible ;
mais c’est seulement lorsque nous vous présenterons des excédants, que vous
pourrez songer à faire des diminutions proportionnées à ces excédants ; jusque
là vous ne procéderiez que sur des conjectures que nous détruisons en grande
partie par des faits. Nous vous prions, je le répète, de ne pas céder trop
facilement au désir de diminuer les charges du peuple, et d’être persuadés que
le gouvernement n’a d’autre guide que les intérêts du pays.
M.
Dubus. - Il y a quelque lieu de s’étonner de la résistance que le
gouvernement oppose à l’amendement présenté par la section centrale, alors que
cet amendement repose sur les mêmes raisons qui ont déterminé le gouvernement
dans la proposition de la loi des voies et moyens, savoir ; la balance entre
les recettes et les dépenses ; de telle sorte que c’est le gouvernement qui est
en opposition avec lui-même. En effet, la section centrale n’a proposé une
réduction que pour rétablir l’équilibre entre les deux lois, équilibre qui se
trouvait détruit par suite de la réduction de 1,200 mille fr. que subissait le
budget de la guerre.
Il y a plus. MM. les
ministres ne font pas assez attention à la qualification que la précédente loi
des voies et moyens a donnée aux centimes additionnels qu’on propose de réduire
aujourd’hui ; on les a votés comme centimes extraordinaires pour couvrir une
partie du déficit que présentaient les voies et moyens comparés aux dépenses.
Mais, messieurs, cet impôt extraordinaire doit disparaître au fur et à mesure
que le déficit lui-même commence à s’effacer.
Dès le moment que nous
reconnaissons une réduction de 1,200 mille francs dans les dépenses, nous devons
diminuer dans la même proportion l’impôt extraordinaire.
M. le ministre de
l'intérieur a mal à propos fait de cette réduction une question de popularité :
ce n’est pas dans ce but que nous l’appuyons, mais pour remplir notre devoir de
représentants, qui est de n’accorder que les fonds nécessaires pour couvrir les
dépenses.
M. le ministre des
finances, pour motiver son opposition à l’amendement de la section centrale, a
fait valoir deux considérations ; l’une, la diminution probable des recettes de
l’enregistrement ; l’autre, l’exécution possible du traité par
Il pouvait prévoir aussi
que le traité du 15 novembre s’exécuterait dans le courant de l’année de 1834 ;
mais suffirait-il de voter en ce moment un million de plus, pour nous dispenser
de faire une loi de finance, dans le cas où l’exécution de ce traité aurait
lieu ? Je lui demanderai comment il se fait qu’on n’ait pas porté au budget une
annuité pour 1834. Cette année n’est pas encore commencée, et il est présumable
que si le traité doit être exécuté, l’année ne s’écoulera pas sans que cette
exécution ait lieu. Il faudra donc nécessairement une loi nouvelle pour ce cas
éventuel : nous n’avons pas à le prévoir, et nous n’avons à établir notre vote
que sur les besoins actuellement reconnus.
J’ai dit qu’une
diminution de 1,200 francs au moins serait opérée sur le budget de la guerre ;
ce qui est connu des travaux des autres sections permet de croire que d’autres
diminutions auront lieu ; plusieurs même ont été signalées par M. Rodenbach.
Sans
m’occuper des annuités des obligations Rothschild et en laissant cette question
tout à fait en dehors, si je calcule d’une part les réductions sur le budget
des dépenses, et de l’autre les augmentations de recettes dont a parlé M. le
rapporteur de la section centrale, je trouve un excédant de deux millions deux
cent mille francs. La réduction proposée par la commission centrale n’est que
de 1,100 mille francs ; il resterait donc une somme de 1,100 mille francs pour
faire face aux éventualités.
D’après ces
considérations, je n’hésite pas à appuyer les conclusions de la section
centrale.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, on motive la réduction
des centimes additionnels sur la diminution des dépenses de la guerre et de la
marine. Mais il me semble que ceux qui argumentent de cette manière posent en
fait des réductions qui sont encore en question ; car on ne sait jamais si
elles seront admises ou non par les chambres. On ne peut donc s’appuyer sur ces
réductions pour diminuer les impôts. Quand on a établi le budget, les recettes
et les dépenses ont été balancées, circonstance qui ne s’était jamais présentée
depuis la révolution, et qui est la garantie d’un budget fait en conscience et
dans toutes les prévisions que le gouvernement a besoin de réaliser pour faire
face à ses dépenses.
Je
dis donc qu’on ne peut pas compter sur les réductions indiquées ; sur les
dépenses de la guerre, par exemple : telle dépense que l’on croit pouvoir
consentir aujourd’hui peut n’être plus possible quelques jours plus tard, par
suite de la variation des événements politiques auxquels nous sommes encore
exposés. On peut attacher moins d’importance au chiffre des dépenses, et
maintenir celui des voies et moyens réclamés aux chambre par le gouvernement.
Si la réduction que vous proposez est trop forte, comme vous l’a dit M. le
ministre de l'intérieur, nous serons obligés de venir vous demander des
augmentations de crédit par des ressources extraordinaires qui ne peuvent être
que mal accueillies. Si, au contraire, toutes les prévisions d’économies se
réalisaient, on pourrait faire une heureuse application des ressources restées
sans emploi, en réduisant la dette flottante ; c’est une dette onéreuse, et on
ne peut en opérer efficacement la réduction que par les excédants que
présentent les recettes sur les dépenses.
M.
Dumont. - Il est assez étrange que nous ayons à décider si nous aurons
besoin d’avoir recours à des ressources extraordinaires, avant de connaître les
besoins de l’année. Si nous connaissions le montant de nos dépenses, nous
jugerions mieux la nécessité de l’emploi de ressources extraordinaires. S’il ne
s’agissait que des revenus ordinaires, je serais de l’avis des ministres, je dirai
qu’il y a imprudence à les diminuer. Mais, comme on l’a fait observer, la
réduction proposée porte sur un impôt extraordinaire, et il faut qu’il y ait
des besoins extraordinaires pour consentir à accorder des ressources de cette
nature ; si ces besoins ne me sont pas démontrés, je ne puis continuer
l’allocation de ressources extraordinaires ; et comme, d’après le rapport de la
section centrale, le budget des recettes présente encre un excédant sur les
dépenses, je déclare pour mon compte que je ne puis consentir à l’augmentation
de cet excédant, et je vote pour la réduction proposée.
M. le ministre des
finances nous a parlé de deux grandes objections auxquelles on n’a pas répondu
: le projet de loi d’indemnité et la loi sur le chemin de fer qui nécessiteraient
des dépenses auxquelles il serait obligé de faire face ; et il a ajouté que ces
projets de loi intéressant particulièrement la propriété foncière, il était
juste de lui en faire supporter la charge. D’un
autre côté il a dit que les diminutions proposées par les sections à la
loi des dépenses étaient encore en question, et ne pouvaient pas motiver une
réduction sur les voies et moyens. Vous voyez que M. le ministre repousse, pour
s’opposer à une diminution, une argumentation qu’il emploie pour demander le
maintien de son chiffre ; car la loi d’indemnité et la loi sur le chemin de fer
sont aussi éventuelles que les réductions de dépenses proposées par les
sections.
D’ailleurs, quant au
chemin de fer, il ne peut pas donner lieu à des dépenses, car on doit
l’exécuter par voie d’emprunt, et on nous a fait espérer que le produit de ce
chemin suffirait non seulement pour payer la rentre, mais encore pour amortir
la dette.
C’est à tort aussi que
M. le ministre a prétendu que ce chemin de fer profiterait seulement à la
propriété foncière ; l’industrie n’en tirera pas moins d’avantages. Je ne
trouve donc là aucune raison pour maintenir les allocations demandées. Je n’en
trouve pas davantage dans la loi d’indemnité ; comme la révolution a été faite
dans l’intérêt de tous, les charges qui en ont été la conséquence doivent être
supportées également par tous, et tous doivent contribuer à indemniser ceux qui
en ont été les victimes.
J’ajoute une
considération qui n’est pas sans importance. Les réductions de l’impôt foncier
sont mal accueillies, parce qu’on croit que cet impôt atteint plus
particulièrement la richesse. Le principal des contributions foncières peut
bien frapper le propriétaire, parce qu’il est calculé dans le prix du bail ;
mais les centimes additionnels qui sont imposés à l’improviste, frappent
toujours les petits fermiers, tous les baux stipulant que les contributions
foncières sont à la charge du fermier. Ainsi, quand vous votez des centimes
additionnels sur la propriété foncière, vous but est manqué : ce n’est pas le
propriétaire, mais l’agriculteur, le petit fermier, qui généralement jouit de
moins d’aisance que la classe industrielle.
D’un
autre côté c’est une opinion généralement admise que c’est à la propriété
foncière qu’il faut avoir recours dans les moments de crise ; réservez-vous
donc cette ressource, si vous voulez la trouver dans les moments difficiles.
Il y a donc justice à la
ménager dans les temps ordinaires. Or, comme je pense que nous ne pouvons pas
nous considérer dans des circonstances extraordinaires, je vote pour la
réduction proposée par la section centrale.
M. Eloy de Burdinne. - Je dois faire
observer que dans la longue énumération des réductions opérées sur les
différentes contributions, la contribution foncière n’en a éprouvé aucune. Au
contraire, elle a subi l’année dernière une augmentation de 40 p.c., tandis que
la contribution personnelle et des patentes, n’a été augmentée que de 13 p. c.
Aujourd’hui ce n’est pas faveur, mais justice que je viens réclamer pour
l’agriculteur, qui est dans ce moment dans un état de détresse, par suite du
manque des produits employés ordinairement à la nourriture des bestiaux.
M. Meeus. - Je ne m’opposerai pas à l’amendement
proposé par la section centrale ; mais comme mon vote est déterminé par des
considérations autres que celles qui jusqu’ici ont été exposées devant vous, je
crois devoir les développer.
Messieurs, ainsi que
j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, je ne connais pas d’impôt plus mal
réparti que l’impôt foncier. C’est cette considération qui, l’année dernière,
m’a fait voter contre l’augmentation des 40 centimes extraordinaires ; vous ne
vous étonnerez donc pas que j’appuie la proposition qui vous est faite par la
section centrale de réduire cet impôt. Ce n’est pas par le motif que le budget
des dépenses, ayant subi une réduction, nous permet de diminuer les impôts ;
car il faut bien remarquer que la chambre n’est pas encore saisie de cette loi
des dépenses ; et lorsqu’elle sera soumise à son examen, je me promets bien de
demander qu’il soit porté au chapitre de la dette publique les 8,400,000 fl.
dus à
Lorsque l’année
dernière, vous avez refusé de porter cette somme dans votre budget, vous n’avez
rien fait que de très rationnel ; vous ne pouviez pas vous attendre à voir
Sans
cela, vous seriez obligés de recourir à un emprunt. S’il y a un excédant sur
les recettes, telles qu’elles sont présentées par le ministre des finances, je
ne suis pas de l’opinion qu’il faille pour cela réduire les impôts ; car si, en
1834,
M. Brabant. - Si, lorsque M. le ministre a
présenté le budget, les dépenses avaient pu être appréciées comme aujourd’hui,
sans doute il aurait opéré de lui-même la réduction qu’on propose. Mais il nous
a dit qu’il lui était impossible de consentir à la réduction motivée sur les
économies annoncées, parce que ces économies n’étaient qu’éventuelles. Pour
faire cesser ces craintes, je lui dirai que j’ai entre les mains une note de M.
le ministre de la guerre, qui reconnaît la possibilité d’opérer l’économie
annoncée, tant sur les adjudications que sur les objets d’armement existant en
magasin. D’après cette note, les réductions possibles s’élèvent à 1,200,674 fr. On peut donc considérer cette réduction comme
opérée par l’administration elle-même.
M.
Verdussen. - Il est indubitable que lorsqu’on présente au gouvernement
de nouvelles ressources, il doit
diminuer celles qu’il demande ; lorsqu’il a préparé la loi des voies et moyens,
il n’a pas pensé à diverses ressources dont la découverte a été faite depuis :
les intérêts de la banque, le séquestre, les monnaies ; la section centrale lui
a en outre fait apercevoir la possibilité de certaines réductions. Je ne
conçois pas comment, en présence de ces faits, le ministère peut soutenir la
nécessité de maintenir les centimes additionnels qu’il a demandés pour établir
la balance entre les recettes et les dépenses. Je crois que nous pouvons sans
inconvénient opérer une économie de 1,200,000 fr.
Je
ne partage pas l’opinion de M. Eloy de Burdinne, qui voudrait une plus forte
réduction sur la contribution foncière. Sa proposition me paraît incomplète,
car il ne donne aucun moyen de combler le déficit qui résulterait de l’adoption
de sa proposition je voudrais qu’il indiquât les ressources avec lesquelles il
entend faire face au déficit.
Je persiste à appuyer la
réduction proposée par la section centrale.
M. de Muelenaere. - M. Dubus vous a fait sentir l’inconvénient grave qu’il y avait à s’occuper du budget des voies et moyens avant d’avoir fixé le budget des dépenses. A défaut de connaître les véritables besoins, les besoins réels des diverses parties de l’administration, ce n’est qu’avec incertitude qu’on peut se prononcer sur les réductions proposées dans les recettes. Je pense, messieurs, qu’il serait tout à la fois juste et politique de diminuer progressivement les centimes additionnels qui grèvent la propriété foncière.
J’ai dit qu’il serait juste ; et en effet, vous vous rappelez que la plupart des charges extraordinaires du pays ont depuis la révolution pesé plus particulièrement sur la propriété ; vous vous rappelez aussi que, l’année dernière, l’augmentation de 40 centimes n’a été proposée que comme mesure purement temporaire. C’est pour cela qu’elle n’a excité aucune réclamation dans cette assemblée. Cette réduction serait également politique, car il ne faut jamais perdre de vue que dans un pays essentiellement agricole, où l’agriculture est la première des industries, celle où il trouve ses principales ressources, on doit la ménager. Indépendamment de cela, je vous dirai, comme l’honorable M. Dumont, que la propriété foncière seule présente des ressources certaines dans les temps difficiles. La guerre, qui tarit toutes les autres sources du revenu public, n’a d’autre ressource que la propriété foncière. A la révolution, on y a eu recours. Si vous ne voulez pas que ce moyen vous manque dans les temps difficiles, il faut le ménager dans les temps ordinaires.
Mais qu’on ne se trompe pas sur notre pensée ; nous n’avons pas l’intention de dégrever la contribution foncière, au préjudice du commerce ou de l’industrie. Nous savons qu’en fait d’économie politique, tout se lie, tout se tient, et que la prospérité d’une industrie influe puissamment sur la prospérité de l’autre. C’est ainsi que la prospérité de l’industrie manufacturière a toujours une influence favorable sur l’industrie agricole. Si nous réclamons aujourd’hui une réduction sur les centimes additionnels dont a été frappée la contribution foncière, ce n’est qu’autant qu’elle est compatible avec les besoins du pays et de l’administration, sans qu’il en résulte d’augmentation pour les autres ranches intéressantes d’industrie qui réclament notre sollicitude. la seule chose qui peut nous faire hésiter, c’est que nous ne savons pas s’il en résultera des entraves pour les services publics.
Nous ne pouvons admettre
la réduction proposée par M. Eloy de Burdinne : comme on vient de le faire
observer, il n’a présenté aucun moyen de combler le déficit qui résulterait
pour le trésor de la réduction qu’il demande. Le moment d’ailleurs est mal
choisi pour soulever une discussion à cet égard.
La section centrale a
proposé une réduction sur les centimes additionnels à la contribution foncière
que vous avez votés l’année dernière ; elle en propose également une sur les
centimes additionnels aux patentes et à la contribution personnelle ;
l’ensemble de ces réductions s’élève à 1,077,000 fr.
Je ne comprends pas la résistance qu’y oppose le gouvernement, puisque cela ne
l’empêche pas de balancer les recettes avec les dépenses. En effet, il ne peut
en résulter aucune entrave pour les services publics, car l’honorable M.
Brabant vous a démontré qu’on pouvait faire une économie de 1,200 mille fr. sur
le budget de la guerre, économie reconnue possible par le département de la
guerre lui-même.
Vous voyez donc que la
réduction proposée par la section centrale sur les voies et moyens est
au-dessous des économies que présenteront les dépenses, économies qui ne sont pas
imaginaires et qui sont certaines, si les adjudications sur lesquelles elles
reposent sont faites pour toute l’année, chose sur laquelle l’honorable M.
Brabant ne s’est pas expliqué, mais que je crois devoir être. Il me semble que
nous pouvons, sans inconvénient, admettre la réduction proposée sur la
contribution foncière, les patentes et la contribution personnelle, réduction
largement compensée par la diminution opérée dans les dépenses du département
de la guerre, sans influer en rien sur l’organisation et l’entretien de
l’armée.
Je
demanderai, en terminant, si les adjudications dont il a été parlé ont été
faites pour toute l’année, ou seulement pour trois ou six mois, parce que si
elles n’avaient été passées que pour trois ou six mois, il se pourrait que le
bénéfice fait sur les premières adjudications fût absorbé par la perte qu’on
éprouverait sur celles qu’on ferait pour le reste de l’année.
M. Brabant. - La note remise à la commission par
M. le ministre de la guerre indique les articles qui pourront être réduits, et
pour quelles sommes. La fourniture du pain procurera une économie ; la
buffleterie et le harnachement en présenteront aussi.
M. Eloy de Burdinne. - L’honorable M.
Verdussen n’a pas fait attention qu’en développant mon opinion, j’ai proposé
d’imposer les denrées coloniales qui pourraient facilement donner 1,200,000 francs. L’année dernière, 40 centimes additionnels
ont été portés sur la contribution foncière ; ce sont les fermiers qui la
supportent. Qu’un fermier paie 2,000 fr. au principal, il aura une augmentation
de 400 fr., tandis qu’un rentier, même opulent, aura à peine une augmentation
de 100 fr.
Si l’on reconnaît que la
propriété est trop grevée, il faut la diminuer. Il ne faut sans doute froisser
aucune industrie ; mais il faut les protéger toutes également.
M.
Smits. - M. Eloy de Burdinne, pour remplacer les centimes additionnels,
vous propose d’augmenter les droits sur les denrées coloniales. Mais ces droits
doivent dépendre des lois que porteront les nations voisines sur les mêmes
denrées. Les tarifs des douanes présentent aujourd’hui des contradictions
choquantes, et devraient être diminuées loin de pouvoir être augmentées.
L’honorable membre a parlé de l’impôt sur les thés ; d’après le tarif qui les
concerne,
Cette
denrée est d’un grand usage en Belgique. D’après les documents administratifs,
50 mille livres de thé furent importées en 1832, ce qui fait la
quatre-vingtième partie d’une livre pour chaque habitant, en en comptant 4
millions ; ainsi ne doit-on pas supposer par ce résultat même que la majeure
partie des thés consommés entrent en fraude. Il faut modifier le tarifs des douanes ; mais on ne peut pas improviser ces
modifications. La proposition de M. Eloy de Burdinne ne peut donc être
accueillie maintenant.
M. Gendebien. - L’année dernière j’ai voté
contre les quarante centime additionnels, en raison de la mauvaise répartition
de la contribution foncière ; je voterai actuellement l’adoption de la
proposition de la section, parce que par cette proposition le mal sera moindre
; mais je me réserve de voter contre tous les centimes additionnels au vote
définitif du budget.
Cette année plus que
l’année dernière, je suis autorisé à voter contre toute augmentation, car le
ministère pouvait facilement opérer une répartition plus équitable.
M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion du
député d’Anvers ; nous ne pouvons pas improviser un nouveau système de douane.
Cependant, depuis trois ans on nous promet d’établir des impôts sur les denrées
coloniales ; tout le monde, par exemple, est convaincu que le café peut
supporter un léger droit. Quarante ou cinquante articles, provenant de
Hollande, peuvent aussi supporter des droits : le tabac d’Amsfort
entre ici sans payer, et cela au préjudice du tabac de Vervicq.
Le haut commerce, le commerce maritime a besoin de protection ; mais d’autres
branches de commerce ont également besoin d’être protégées.
M. Meeus. - Dans un moment où les fabricants
de Gand élèvent à juste titre des plaintes sur la stagnation de leurs
manufactures, il ne faut pas parler d’imposer le café ; le café est
précisément, à cause de nos fabriques de coton, celles des denrées coloniales
qui doit être la moins frappée. La ville de Gand
envoie ses cotons à Java, et les retours ne peuvent se faire qu’en café.
Frapper les cafés à l’entrée, c’est frapper les cotons à la sortie.
M. A. Rodenbach. - J’estime infiniment la
fabrication des cotons à Gand qui, en enrichissant cette cité, contribue en
même temps à enrichir l’Etat ; mais je dirai que la crise commerciale que l’on
signale dans cette ville a une autre origine que celle qu’on lui assigne.
Lorsqu’au mois de juin dernier, les cotons ont augmenté de 25 à 30 p. c., les Anglais ne les ont augmentés que de 15 p. c. Le
désir naturel du gain a produit une trop grande augmentation à Gand ; et ce
sont les fabricants eux-mêmes qui ont préparé, de cette manière, la crise dont il se plaignent. Si maintenant il ne
vendent plus, c’est que ceux qui achètent s’attendent à une baisse. Au
reste, on sait que tous les ans, pendant les mois de novembre, décembre et
janvier, la fabrication des cotons est morte.
M.
de Foere. - Beaucoup de membres ignorent peut-être que dans cette
saison, chaque année, les manufactures de coton de
Motion
d’ordre aux modalités du vote des dispositions du budget
M.
le président. - Va-t-on voter les articles de la loi, ou le tableau
comprenant tous les articles des recettes ?
M.
Dubus. - On peut d’abord voter les articles 1
et 2 ; puis on votera l’art. 3 avec les détails du tableau.
M. de Robaulx. - Il me semble qu’il faut suivre le tableau ;
les article d’une loi de finances se votent les
derniers.
- La chambre consultée décide
que la délibération s’établira d’abord sur le tableau.
M.
le président. - M. le ministre des finances a déposé une autre
rédaction de l’amendement qu’il a présenté relativement à la recette provenant
de l’arrangement fait avec la banque le 9 novembre. Le chiffre de cette recette
serait maintenant de 675,000 fr.
M. de Robaulx. - On communiquera cette rédaction à tous les
membres, comme on communique tous les amendements.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai adressé l’amendement à la
commission chargée de l’affaire de la banque.
M. Dubus. - Vous n’avez pas chargé cette
commission d’examiner un amendement sur les voies et moyen ; elle est sans
mandat pour s’expliquer sur cet amendement ; c’est à la section centrale qu’il
faut le renvoyer.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai envoyé la rectification là
où mon premier amendement a été d’abord envoyé.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix les articles du tableau.
Contributions directes, douanes, accises, poids
et mesures, garantie
Contributions directes. Foncier
« Principal : 15,879,327 fr. »
- Adopté sans
discussion.
« Cinq centimes additionnels
ordinaires, dont deux pour non-valeurs : fr. 793,966. »
- Adopté.
« Vingt centimes
additionnels extraordinaires : fr. 3,175,865. »
(Proposition de la commission.)
M.
le président. - M. Eloy de Burdinne propose la réduction de 10 p. c.
- Cette proposition,
mise aux voix est rejetée.
La proposition de la
section centrale est adoptée.
Contributions directes. Personnel
« Principal : fr. 7,250,000 fr. »
- Adopté.
« Dix centimes additionnels
extraordinaires : fr. 725,000. »
- Adopté.
Contributions directes. Patentes
« Patentes : trois
quarts ou principal : fr. 1,720,000. »
- Adopté.
« Vingt-six
centimes additionnels ordinaires : fr. 447,200. »
- Adopté.
« Dix centimes additionnels
extraordinaires : fr. 216,720. »
- Adopté.
Redevances sur les mines
« Principal : fr.
108,225. »
- Adopté.
« Dix centimes
additionnels ordinaires pour non-valeurs : fr. 10,822 fr. 50 c. »
- Adopté.
« Cinq centimes
additionnels sur les deux chiffres précédents, pour frais de perception : fr.
5,952 fr. 50 c. »
- Adopté.
Douanes
« Douanes : droits
d’entrée, de sortie et de transit : fr. 7,270,000 fr.
- Adopté.
« Droits de
navigation : fr. 300,000 »
M.
Dumortier. - Les droits de navigation ne se perçoivent pas aux douanes,
mais à l’enregistrement ; il faut mettre Droits de tonnage.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je me réunis à la proposition.
L’observation est exacte.
- La proposition est
adoptée.
« Droits de
tonnage, fr. 300,000. »
- Adopté.
« Timbre : fr.
30,000. »
- Adopté.
Accises
« Sel : 26 centimes
extraordinaires : fr. 3,600,000 fr. »
- Adopté.
« Vins étrangers :
fr. 2,500,000. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie étrangères
: 26 centimes additionnels : fr. 300,000. »
M. Dumortier. - Au lieu de faire produire
300,000 fr. aux eaux-de-vie étrangères, on pourrait leur en faire produire
600,000 en diminuant le tarif. Les tarifs étant élevés, les spiritueux entrent
en fraude. Dans une ville, sur la frontière, on a déclaré 8 ou
M. A. Rodenbach. - Ce que dit l’honorable
préopinant est constant. Le produit de 300,000 fr. pour un pays de quatre
millions d’habitants indiquent la fraude ; si le tarif
était réduit au quart, on aurait des recettes bien plus importantes. En
Angleterre, une diminution sur le tarif des thés a produit une augmentation de
recettes. Il en a été de même en diminuant le tarif sur la bière. Il est
ridicule de voir un produit de 300,000 fr. pour la consommation du cognac en
Belgique.
M. de Robaulx. - Je ne suis pas persuadé qu’en diminuant le
droit sur les eaux-de-vie étrangères, on augmenterait la perception des douanes
: je crois que les faibles recettes des douanes viennent de la loi mal combinée
qui a réduit le rayon de la douane à une moindre profondeur. Il doit être
constant, pour le ministre comme pour les administrateurs, que la loi des
douanes fait plus de mal que de bien. La ligne des douanes avait autrefois 4
lieues de profondeur ; aujourd’hui elle n’en a plus que deux. En resserrant le
rayon, on disait que l’action des douaniers serait plus forte ; eh bien, je
puis assumer qu’on n’a pas dérangé un seul douanier dans le pays que j’habite,
afin de les rapprocher les uns des autres. Pour rendre la fraude plus
difficile, il allait que M. le ministre des finances augmentât le personnel des
employés.
Il y a environ 8 hommes,
une brigade sur une lieue et demie de frontière, ou par pantière, ils ne peuvent
instrumenter qu’en étant deux. Ils doivent surveiller la nuit, ce qui emploie
quatre hommes. Ces hommes se donnent toute la peine possible ; ils remplissent
leur devoir avec zèle et activité ; mais il leur est impossible de prévenir la
fraude sur une pantière d’une lieue et demie. Aussi les primes d’assurance pour
la fraude sont-elles très faibles à l’entrée en Belgique : je la vois faire
tous les jours. La fraude des eaux-de-vie se fait dans des vessies contenant de
l’esprit, de l’alcool, ou du trois-six, comme on dit. Là où vous n’avez que
huit hommes, en France on en a 20.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Et l’on fraude encore.
M. de
Robaulx. - Mais
la fraude y est plus difficile et les assurances plus élevées. En diminuant les
droits d’entrée, vous déprécieriez les eaux-de-vie indigènes.
Par la loi sur les
distilleries vous avez réduit un revenu de 4 millions à 1,500,000
fr. C’est à tort qu’on a diminué cet impôt ; les liqueurs spiritueuses sont une
excellente matière imposable ; elles ne sont pas favorables à l’homme. De plus,
si j’en crois les petits distillateurs, ce sont les grands distillateurs qui
profilent de la baisse de l’impôt, et qui en profitent, de manière à écraser
les petits établissements. Imposez les genièvres, les eaux-de-vie de France,
frappez ces matières-là ; la morale vous y autorise ; mais diminuez l’impôt sur
la bière, sur le sel ; ce sont des choses de première nécessité. Le ministre
devrait nous présenter des modifications à la loi sur les distilleries. Je n’ai
point de proposition à vous soumettre ; j’ai voulu présenter ces observations
au ministre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Les observations très justes
présentées par le préopinant sont l’objet de la sollicitude de
l’administration.
Le rayon des douanes a
été rétréci par suite des nombreuses réclamations contre sa trop grande
profondeur. On a diminué dans l’espoir que la concentration des employés
amènerait une plus grande surveillance contre la fraude. Quoi qu’en dise
l’honorable membre, il n’y a pas encore assez de preuves contre le système
adopté pour qu’on propose de le modifier. J’ai demandé une augmentation de
simples employés ; mais je n’ai pas voulu la demander plus grande pour des
produits aussi faibles.
Il m’a été agréable
d’entendre dire que les employés faisaient leur devoir ; j’ai déjà eu
l’occasion de signaler leur zèle à l’assemblée, et l’active surveillance qu’ils
exercent pour repousser l’introduction d’objets qui, non seulement nuisent au
trésor, mais qui nuisent encore à l’industrie.
L’orateur
a abordé une question très délicate relativement aux distilleries ; j’ai déjà
recueilli tous les éléments nécessaires pour faire connaître à la législature,
s’il en était besoin, les inconvénients résultant de la nouvelle loi sur cette
matière. Son moindre inconvénient serait une diminution de l’impôt. Cependant
je dois dire que les établissements condamnés au repos depuis de nombreuses
années ont été mis en mouvement par la nouvelle législation. Il s’agit encore
de savoir si les petits établissements maintiendront la concurrence avec les
grands : je ne le crois pas. Au reste, si le préjudice est trop considérable
pour le trésor, si on ne peut faire revivre les petits établissements, si on ne
peut être utile à l’agriculture, je crois que force et devoir sera à l’administration
de proposer des améliorations à cette loi, lorsque des renseignements
suffisants seront parvenus au ministère.
M.
A. Rodenbach. - Je ne croyais pas avoir à parler de douanes
aujourd’hui, et je ne me suis pas fait lire les documents qui s’y
rapportent. Cependant, si ma mémoire est
bonne, je crois que les petites distilleries sont augmentées de 25 p. c. En
Belgique jamais les distilleries ne prospéreront si l’impôt est élevé, parce
que
Quant au rayon de
douanes, il est certain que la fraude est plus fort
maintenant ; j’ai dit dans le temps à M. Coghen que deux rayons de douanes
étaient utiles, que c’était dans le second que se faisaient les prises ; mais
on n’a pas eu égard à mes observations.
Je crois avoir vu que
Nous envoyons des cotons
en Prusse et en Hollande.
Pour
les soies, on dit en France qu’on en exporte en Belgique pour 5 à 6 millions.
Si je consulte les registres de la douane, il y en a eu pour 1 million et demi
de déclarés. Ce n’est pas par des primes qu’on encourage une industrie, c’est
par un excellent système de douanes.
Nous avons des éléments
de prospérité, si nous savons protéger efficacement nos industries ; et nous
pourrons prouver à
(Erratum au Moniteur n°355, du 21 décembre 1833) M. de Foere. - Messieurs, M. de Robaulx est dans
l’erreur quand il croit que notre dernière loi sur les distilleries devrait
être modifiée dans l’intérêt du fisc et dans celui du peuple. Une majoration de
droits sur le genièvre ne produirait ni l’un ni l’autre effet. Il a été
constamment prouvé par les faits que, sans qu’il y ait eu moins de consommation
d’eaux-de-vie, des droits plus élevés ont diminué les revenus du trésor. Les
essais en ont été souvent faits en Angleterre.
En 1822, les droits sur
le genièvre étaient, en Irlande et en Ecosse, de cinq schellings et demi par
gallon. Les commissaires aux enquêtes estimaient la consommation des
eaux-de-vie à 10,000,000 de gallons en Irlande, et à
6,000,000 en Ecosse. Cependant, malgré toute la sévérité des lois pénales et la
vigilance des employés de la douane et des accises, seulement 2,328,000 de gallons furent déclarés en Irlande, et 2,079,000
en Ecosse. L’importation frauduleuse et la distillation clandestine avaient
produit cette énorme différence. Afin d’obvier à cet abus, les droits sur les
eaux-de-vie furent réduits, en 1823, à deux schellings par gallon et déjà, en
1825, non moins de 9,266,000 de gallons avaient payé
ces droits en Irlande et 5,981,000 en Écosse. Il a été bien prouvé que cette
augmentation n’était pas causée par la consommation ou par les habitudes moins
sobres du peuple, mais par la diminution de la fraude. L’appât de ses gains
illicites fut paralysé par la réduction des droits.
En 1826, une nouvelle
tentative fut faite. Les droits sur les eaux-de-vie furent portés à 2 schellings
et 10 s. Cette légère augmentation ne produisit aucun effet nuisible aux
revenus de l’Etat. Mais on voulait être d’un côté aussi utile que possible aux
intérêts de l’Etat, et de l’autre, chercher le niveau de droits auquel la
fraude s’arrête ; et, en 1830, ces mêmes droits furent portés à 3 schellings 4
s. par gallon. Cette augmentation ressuscita de nouveau l’importation
frauduleuse et la distillation illicite. Les revenus de l’Etat en souffrirent
considérablement. Les mêmes expériences ont été faites sous le rapport de la
consommation du café, du thé et d’autres objets, et les mêmes causes ont
constamment produit les mêmes effets.
Beaucoup de
distillateurs du pays ont eux-mêmes réclamés, dit M. de Robaulx, contre notre
dernière loi qui a réduit les droits sur les eaux-de-vie. La raison en était
qu’ils en fabriquaient au moyen de distilleries clandestines. Eux seuls en
recueillaient les bénéfices ; le peuple consommateur n’y participait pas. Il
n’y a donc pas d’avantage, ni pour le trésor de l’Etat, ni pour le peuple, à
élever les droits sur le genièvre au-dessus du niveau qui doit exister entre
l’exécution des lois et entre la fraude.
- La chambre n’est plus
en nombre pour délibérer.
La séance est levée à 4
heures.