Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 décembre 1833
1) Proposition de loi visant à fixer le commencement de l’année budgétaire au 1er juillet (Verdussen, Pirson)
2) Projets de loi portant les budgets des départements de la justice, des affaires étrangères et de la marine, pour l’exercice 1834
3) Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1834. Discussion générale. Convention militaire de Zonhoven et navigation de la Meuse (Pollénus, Doignon, Milcamps, Pollénus, Dumortier, Lebeau, F. de Mérode, Pirson, Dumortier, Evain, d’Huart, A. Rodenbach, Evain, Dumortier, Evain, Dumortier, de Longrée, (+reprise par l’Etat des cours d’eau navigables) Nothomb, A. Rodenbach, Rogier, Gendebien, Dumortier)
(Moniteur belge n°343, du 9 décembre 1833 et Moniteur belge n°344, du 10
décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge n°343, du 9 décembre 1833) M. de Renesse fait l’appel nominal à
une heure moins un quart.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la
rédaction en est adoptée.
- Les pièces adressées à
la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROPOSITION
DE LOI VISANT A FIXER LE COMMENCEMENT DE L’ANNEE BUDGETAIRE AU 1ER JUILLET
M. Verdussen, rapporteur de la section centrale
chargée de l’examen de la proposition de M. Pirson, tendant à commencer l’année
financière au 1er juillet, et à ne voter qu’un budget transitoire de six mois
pour les six premiers mois de l’exercice 1834. - La commission conclut à
l’ordre du jour sur la proposition de M. Pirson attendu qu’elle n’est pas
formulée en loi.
J’ai terminé ma tâche
comme rapporteur. Permettez-moi de parler comme député. J’aurai l’honneur de
vous dire que trois membres de la section centrale se proposent de déposer sur
le bureau un projet de loi tendant à fixer le commencement de l’année
financière au premier juillet, à partir de juillet 1835.
M.
Pirson. - Je suis parfaitement de l’avis de la section centrale sous
différents rapports. La proposition que j’ai faite n’est point formulée en loi
; mais depuis lors j’en ai formulé une loi que je vais déposer sur le bureau.
Je n’examinerai pas ici
s’il est convenable de commencer en juillet 1834 ou en juillet 1835 ; tout ce
que je pourrais dire serait prématuré, puisqu’il y aura une discussion sur le
projet de loi. Je n’entrerai donc dans aucun développement.
Le changement de l’année
financière permettrait au sénat de discuter les budgets comme ils doivent
l’être ; jusqu’ici, l’examen des lois financières par le sénat a été illusoire,
ce qui n’est pas la faute de ce corps ; il faut donc prendre une mesure pour
que toutes les branches du pouvoir législatif puissent faire leur devoir et le
faire à propos.
Veut-on me permettre de
donner lecture du projet que je dépose ?
Plusieurs voix. - C’est impossible ; aux termes du
règlement, il faut que les sections autorisent la lecture pour qu’elle ait
lieu.
PROJETS
DE LOI PORTANT LES BUDGETS DES DEPARTEMENTS DE
M. Fleussu, organe de la section centrale qui
a été chargée de l’examen des budgets des dépenses des ministères de la
justice, des affaires étrangères et de la marine, est appelé à la tribune. Il
dépose son rapport sur le bureau sans en donner lecture ; l’impression et la
distribution sont ordonnées.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1834
Discussion
générale
M.
Pollénus. - Messieurs, la communication qu’a faite le gouvernement des
actes de la négociation de Zonhoven, appelle naturellement un examen de ces pièces,
d’autant plus qu’un orateur en a pris occasion d’adresser des éloges au
ministre de la guerre.
Les discussions sur la
question extérieure procurent rarement un avantage réel pour le pays, et si je
me suis décidé à prendre pour un instant la parole, c’est que je crois qu’il
est convenable que j’exprime mon opinion sur une convention qui semble plus
particulièrement intéresser la province dont je tiens mon mandat.
Il s’agit ici d’une
question de bonne foi, dit le ministre de la guerre. Eh bien ! c’est sur ce
terrain que je vais le suivre.
Mais il importe avant
tout, comme le dit le ministre auquel je réponds, de se bien pénétrer des
antécédents de la négociation de Zonhoven il faut conséquemment recourir au
traité du 21 mai.
L’art. 4 de ce traité
porte : « Immédiatement après l’échange des ratifications de la présente
convention la navigation de
« Les
communications entre la forteresse de Maestricht et la frontière du Brabant
septentrional et entre ladite forteresse et l’Allemagne, seront libres et sans
entraves. »
Je vous prie de
remarquer ces termes, « pour autant que ces dispositions pourront
s’appliquer à ladite rivière (à
Vous remarquerez que
notre ambassadeur reconnaissait non seulement la nécessité de stipulations
réglementaires sur ce point, mais il admettait encore que ces stipulations ne
pourraient valablement être consenties que par les puissances signataires du
traité du 21 mai, puisqu’il émettait le vœu de la conférence de Londres que ces
stipulations fussent régularisées par elles.
Cela posé j’arrive à la
convention de Zonhoven : j’y vois que les Hollandais obtiennent trois routes
sur Maestricht, liberté d’y passer, avec armes et bagages pour 300 hommes à la
fois, avec exemption de tout droit pour toutes espèces d’importations, avec
défense à nos douanes de faire des visites, avec défense de faire occuper par
nos troupes les villages que traversent les routes hollandaises, avec
obligation pour des citoyens libres de
Cependant ces deux
objets étaient connexes, de l’aveu même de la diplomatie, et c’est à Zonhoven
que des commissaires belges consentent à les séparer au profit de la Hollande !
Je me hâte de prévenir
l’objection qu’on puisera dans la lettre du général Dibbets du 10 novembre,
adressée, à ce qu’il paraît au major Menso.
Je ferai remarquer
qu’une lettre n’a point l’authenticité et la force d’une stipulation formulée
dans un traité, et que dans tous les cas nos commissaires, égaux en droit aux
commissaires hollandais, devaient se maintenir sur le pied d’une parfaite
réciprocité ; si les Hollandais traitaient par lettres, les commissaires belges
devaient traiter sur le même pied.
Mais de quelle autorité
émane cette lettre du 10 novembre ? Du commandant de la forteresse de
Maestricht, dont les pouvoirs ne dépassent pas le rayon de la forteresse ;
aussi, ne parle-t-il que de modifications au droit provincial, et on n’y trouve
pas un mot pour régler l’application de la convention de Mayence au cours du
fleuve en dehors du rayon de Maestricht.
J’en conclus que ni la
convention de Zonhoven, ni la lettre du général Dibbets, ne contiennent aucune
stipulation réciproque de la nature de celle dont notre ambassadeur faisait
sentir la nécessité à la conférence de Londres,
Il est inusité, dit le
ministre de la guerre, de vouloir soumettre à l’investigation publique un acte
purement militaire, et qui toujours été
du domaine des autorités militaires agissant dans l’étendue du territoire
soumis à leur commandement.
Pareilles prétentions
seraient fort bien placées dans la proclamation d’un général occupant un pays
conquis, mais je ne connais pas là le langage du ministre d’un pays
constitutionnel : la constitution ne reconnaît pas le pouvoir militaire
territorial dont parle M. le ministre ; ce pouvoir n’est consacré nulle part et
ne peut être établi, puisque la constitution ne peut être suspendue ni en tout,
ni en partie. (Art. 130 de la constitution)
Mais, dit-on, c’est une
convention purement militaire. Si par là on entend une convention qui établit
de simples rapports entre deux armées, je veux bien l’admettre ; mais veut-on
prétendre qu’une convention militaire n’est soumise à aucune des règles
sanctionnées par la constitution ? cela je ne puis l’admettre, puisque les
autorités militaires, comme toutes les autres, doivent soumission à la
constitution.
Et si l’on veut se
reporter aux points connexes qui devaient faire l’objet des conférences de
Zonhoven, aux termes des notes diplomatiques, et de l’art. 4 du traité du 21
mai, je soutiens que les stipulations à régler ne pouvaient jamais entrer dans
une convention militaire ; en effet, qu’a de commun un général d’armée, dans
son propre pays, avec la navigation des fleuves, avec la douane, etc., dont il
est parlé dans la convention de Zonhoven ?
De quelque manière donc
que l’on envisage la convention de Zonhoven, il paraît qu’il est bien difficile
de la justifier en présence des art. 68 et 120 de la constitution, d’autant
plus qu’elle manque entièrement le but que l’on s’était proposé dans l’art. 4
de la convention du 21 mai ; car, je le répète, aucune stipulation tendante à
régler le principe de la libre navigation et à déterminer de quelle manière le
tarif de Mayence serait appliqué à
Mais, continue le
ministre, une loi du 1er octobre 1831 laisse au gouvernement la faculté dont il
a usé en accordant le libre passage aux troupes hollandaises.
Messieurs, le pays a été
témoin que vous avez confié cette loi à la bonne foi et à la loyauté du
gouvernement ! Vous avez entendu autoriser l’entrée de troupes françaises seulement
; et si le ministre de la guerre persiste à soutenir que cette loi peut
s’appliquer aux troupes ennemies, vous aurez à aviser aux mesures que réclame
la sûreté du pays en présence de pareil système.
Mais,
direz-vous, il est trop tard, la convention de Zonhoven est un fait consommé :
permettez-moi une dernière observation. La convention ne stipule pas quel
nombre de troupes peut passer dans Maestricht ; je désire que M. le ministre de
la guerre me rassure que, dans le cas possible d’une guerre avec
Messieurs, j’ai parcouru
rapidement les dispositions de la convention du 18 novembre, en négligeant
toutes considérations qui ne me paraissaient que d’un intérêt secondaire ; je
crois avoir établi qu’elle blesse différentes dispositions de la constitution,
et qu’elle est contraire même au traité du 21 mai, dont elle aurait dû régler
l’exécution.
M.
Doignon. - Messieurs, plusieurs honorables membres ont déjà démontré
que la convention de Zonhoven est tout à la fois inconstitutionnelle et
onéreuse pour le pays. Permettez moi d’attirer votre attention sur un autre
grief, qui est aussi la conséquence de cette convention.
En plusieurs occasions,
le gouvernement vous a fait les protestations les plus formelles qu’il
maintiendrait intacts nos droits acquis en vertu des traités. Les chambres, de
leur côté, lui ont déclaré à diverses reprises qu’elles n’entendaient pas qu’il
y fût porté aucune atteinte. Eh bien ! au mépris de tant de protestations et de
la volonté nationale si hautement manifestée, le ministère, par la convention
de Zonhoven, vient de sacrifier un de ces droits acquis, en faveur de nos
ennemis. Qu’on ne nous dise pas qu’il est inutile de se récrier contre un fait
accompli ; dans un moment où d’autres négociations sont ouvertes sur des points
plus importants encore, la chambre ne peut se dispenser d’élever la voix pour
arrêter ce funeste esprit de concession. Le seul fait de cette convention nous
donne la mesure des dispositions actuelles du ministère. Le silence de la
législature serait donc pour lui une approbation, un encouragement à faire
d’autres concessions qu’il médite sans doute depuis longtemps.
Il résulte, en effet, de
l’ensemble des dispositions de l’art. 4 du traité du 21 mai que nos diplomates
reconnaissaient eux-mêmes connexes et indivisibles, que
Mais qu’est-il arrivé ?
Le gouvernement se montre assez complaisant pour souscrire de suite une
convention ou plutôt une concession qui donne à
Par cette lâche
concession, nous avons perdu irrévocablement le moyen de forcer celle-ci à
prendre un engagement sur ce point ; car du moment que la garnison de
Maestricht se trouve renouvelée, le libre passage de ses troupes perd pour elle
sa plus grande importance, et dès lors s’évanouit cette même condition que nous
étions en droit de lui imposer précédemment, en vertu du traité du 21 mai.
Voilà donc, messieurs,
de quelle manière le ministère veille à la conservation et à l’exécution de nos
droits acquis ; voilà comment il remplit les promesses réitérées des discours
du trône. Mais ce que je vous prie de remarquer surtout, ce sont les motifs
qu’il ose alléguer pour justifier cette concession, parce qu’ils vous serviront
à juger comment et jusqu’à quel point il entend maintenir nos droits dans les
autres négociations. Des raisons d’économie et de convenance, relativement à la
position de nos troupes, l’auraient déterminé, dit-il, à en agir ainsi. Mais
est-ce bien sérieusement qu’on met en avant de pareilles considérations ? Quoi
! lorsqu’il s’agit de traités politiques auxquels est attaché le sort de
l’indépendance nationale, vous nous parlerez d’économie et de raisons de
convenance ! Est-ce donc ainsi que vous entendez les vrais intérêts de la
Belgique ? Ainsi, lorsqu’il s’agira, dans un autre moment, de la liberté de
l’Escaut, de la question de territoire, vous céderez à des considérations aussi
puériles ? Vous le voyez donc, messieurs, il est temps, et plus que temps, que
la chambre proteste contre la marche du gouvernement ; il est de sa dignité et
de l’honneur national de prévenir d’autres affronts.
Il prétend avoir pourvu
à tout en faisant insérer dans la convention un considérant qui rappelle une
note du 14 septembre des plénipotentiaires hollandais ; mais cette note
elle-même, à laquelle on se réfère, ne stipule absolument aucun engagement pour
l’avenir ; elle énonce que, depuis juillet dernier, un grand nombre de bateaux
belges sont passés à Maestricht : s’ensuit-il que dorénavant ils auront le.
droit de naviguer comme précédemment ? Non certainement.
Mais admettons même
qu’on doit considérer les énoncés de cette note comme s’ils étaient insérés
dans la convention, encore on ne pourrait en tirer l’induction que
Dans ce traité l’on n’a
fait qu’admettre en principe que
La lettre du général
Dibbets, avec ses six articles en faveur du passage des bateaux belges,
contient bien les clauses d’une semblable convention ; mais ils ne se
rencontrent aucunement dans la prédite note du 14 septembre, qui d’ailleurs ne
fait mention de l’application du tarif de Mayence que pour le moment actuel :
on n’a en aucune manière atteint notre but, en rappelant simplement cette note
du 14 septembre dans un considérant de la convention de Zonhoven. Ce sont
évidemment les six dispositions réglementaires du général qui auraient dû y
être insérées, puisqu’elles ont pour objet la levée de quelques entraves mais
elles sont demeurées en dehors ; et, partant, elles ne sont aucunement
obligatoires pour la Hollande ; elles forment une simple déclaration du
général, dont l’exécution dépend du bon plaisir des Hollandais ; tandis que
Mais quand même toute la
déclaration du général Dibbets, avec cette note du 14 septembre, eût été
comprise mot pour mot dans la convention,
Il n’était pas possible,
dit le ministère, de comprendre dans la convention les stipulations
réglementaires de l’ouverture de
Ce n’était là, dit-il
encore, qu’une simple question de forme. Lorsqu’au fond il s’agit de garanties
réelles pour l’exécution du principe de la liberté de
La convention de mai
stipule simplement l’ouverture de
Puisque l’ouverture de
Croyant donner le change
à la chambre sur la véritable question, il répète à satiété qu’il a fait une
convention purement militaire. D’abord, quand cela serait, il n’est pas plus
permis de violer la constitution de cette manière que de toute autre. Mais
qu’on ne perde pas de vue qu’il s’agissait de convenir de dispositions
réglementaires, en exécution de l’art. 4 du traité de mai dernier. Or, c’est
ici un traité évidemment politique de puissance à puissance. Sans doute,
puisqu’il était question de tracer une route militaire, le département de la
guerre et nos généraux devaient être particulièrement consultés et intervenir
dans l’affaire ; mais cette circonstance ne change pas au fond le caractère de
l’acte, qui n’en est pas moins, un acte politique en diplomatique comme le
traité lui-même du mois de mai. Au reste, c’est précisément parce que le
gouvernement n’a vu en cela qu’une convention militaire, que nous l’attaquons.
L’exécution de l’art. 4 du traité de mai devait être complète et indivisible.
On devait donc tout à la fois et en même temps se lier par une convention
réciproque pour régler tout ce qui concernait et cette route militaire et la
navigation de
En vain dites-vous que
dans la convention même,
Pour s’abandonner ainsi
à la merci de nos ennemis et leur sacrifier nos droits comme on l’a fait dans
cette circonstance, il faut nécessairement que nos diplomates n’aient pas
compris ou n’aient pas voulu comprendre nos droits acquis en vertu du traité de
mai, ou qu’ils aient manqué des premières notions en matière de convention. On
serait porté à le croire en lisant certains passages de la lettre du 26 octobre
du général Hurel aux commissaires belges ; en leur parlant du certain droit de
navigation à abolir, il leur dit : « Il serait donc nécessaire que, sans
qu’il soit besoin d’aucune stipulation écrite, le gouvernement hollandais
abrogeât de suite la perception de ce droit » ; et plus loin il dit
encore, en se plaignant d’une autre imposition, « qu’il n’est pas
nécessaire de donner la forme d’une convention à l’engagement pris verbalement
de l’abolir. »
Ce n’est pas tout, en
motivant les pouvoirs qu’il leur décerna le 29 octobre, à l’effet de conclure,
il se fonde pour l’avenir sur le simple espoir que toute entrave à la
navigation non inhérente à la nature même de la situation, est déjà ou sera
supprimée.
Mais, d’une autre part,
toute cette conduite est inconciliable, avec les propres paroles de nos
plénipotentiaires à Londres. Dans leur note du 3 septembre dernier, ils
déclarent eux-mêmes que les deux dispositions de l’art. 4 doivent s’exécuter en
même temps, et que l’application de la convention de Mayence doit être réglée
de commun accord. Dans une autre occasion, ils disent que le placement des
bureaux de péage et le montant de ce droit doivent être réglé de concert. Mais
quel est, au contraire, le résultat de tant de négociations ? C’est que pour ce
qui regarde les mesures réglementaires de la navigation de
Enfin, ce qui doit
frapper d’étonnement, c’est que les ministres eux-mêmes dans leur conseil du 17
novembre, considèrent comme de véritables engagements de la part de
Dans cette note du 14
septembre les plénipotentiaires hollandais croient effectivement s’être
acquittés des obligations qui leur incombent par le traité, parce qu’ils ont
donné quelques ordres pour le passage de nos bateaux. Mais de pareils ordres ne
lient pas l’avenir, et toujours on reste maître de les changer ou anéantir.
Nous l’avons déjà démontré, ce n’est qu’au moyen d’un règlement convenu entre
les parties, que l’ouverture de
Puisque
nos ministres, de leur aveu, reconnaissent que cette lettre était un élément
pour constituer un engagement, leur devoir était donc, en autorisant à traiter,
d’exiger qu’au moins on en fît une mention expresse dans le règlement ; mais
ils ont même négligé cette précaution :, en sorte qu’au total, il n’est que
trop vrai que, pour satisfaire aux exigences de
M.
Milcamps. - Messieurs, dans l’une des séances précédentes, le ministère
nous a présenté l’acte de Zonhoven non comme un traité, mais comme une
convention militaire de la négociation de laquelle M. le ministre de la guerre,
qui ne fait pas partie du cabinet, a été personnellement chargé.
Je sais bien qu’on
appelle traité un accord fait entre des puissances dans la vue de procurer un
bien public à perpétuité, ou du moins pour un temps considérable, et que quand il
s’agit d’affaires passagères, ce sont de simples pactes ou conventions.
Mais, dans un
gouvernement organisé comme le nôtre soit qu’un acte renferme au traité, soit
qu’il comprenne un simple ou convention, il est égal qu’il soit fait au nom du
gouvernement par un ministre responsable ou par un autre qui en a la charge.
L’acte étant avoué, et cet acte étant l’exécution d’un acte politique, la
responsabilité est la même, et ici, messieurs, le ministère ne décline pas
cette responsabilité.
L’on doit donc attacher,
et pour moi j’attacherai peu d’importance à la dénomination ou à la forme de
l’acte de Zonhoven. C’est le fond qu’il faut examiner, et telle sera ma manière
de procéder.
Le fond de la difficulté
est tout entier dans l’article 4 de la convention du 21 mai, article divisé en
deux paragraphes bien distincts, le premier relatif à la navigation de
La disposition du
paragraphe 1er de cet art. 4 porte sur un objet distinct, certain et déterminé.
A part la réciprocité, qui est de l’essence de toute convention
synallagmatique, elle règle un point particulier qui n’a de connexion avec
aucun autre, puisqu’il ne s’agit que de la navigation de
La disposition du 2ème
paragraphe du même article 4 établit, en faveur de
Je me représente
maintenant nos négociateurs et les négociateurs hollandais à Zonhoven, en présence
les uns des autres.
Réglons, disent les
nôtres. ce qui concerne la navigation de
Réglons, disent ces
derniers, ce qui est nécessaire à l’établissement d’une communication entre la
forteresse de Maestricht et la forteresse du Brabant septentrional. Nos
négociateurs ne peuvent répondre : Le passage est déterminé, ouvert ; le
paragraphe 2 de l’art. 4 de la convention du 21 mai est exécuté : Force leur
est donc de consentir au tracé d’une route. Le gîte d’étape est arrêté, le
nombre des troupes à mettre en marche est déterminé, l’exemption des droits est
stipulée, l’indemnité du logement et de la nourriture du soldat est fixée.
Mais qu’y a-t-il là qui
ne soit l’exécution précise du paragraphe 2 de l’art. 4 de la convention du 21
mai ; de cette convention qui a reçu l’assentiment des chambres et du pays ?
Qu’y a-t-il là qui ne
soit en tout point conforme aux principes généraux ?
Les règles en cette
matière sont celles-ci : « Le passage des troupes d’un Etat par le
territoire d’un autre est un droit qui reste encore de la communauté primitive,
et après avoir été demandé d’une part, il doit être accordé de l’autre, de
manière qu’il ne soit incommode ni à ceux qui passent, ni à ceux chez qui l’on
passe. Le passage, ajoute l’auteur dont j’extrais ces lignes, le passage même
est gratuit ; mais ce que l’on fournit aux troupes qui passent doit être payé
avec exactitude, les dommages aussi qui pourraient survenir par la licence de
quelques soldats doivent être réparés. »
Maintenant, si la
convention de Zonhoven n’est que l’exécution précise du deuxième paragraphe de
l’art. 4 de la convention du 21 mai, ce que vous ne pouvez nier ; si les règles
enseignées en cette matière ont été converties en conditions, et elles l’ont
été dans la convention de Zonhoven, pouvez-vous prétendre avec fondement que
cette convention contient une violation flagrante de la constitution, compromet
la dignité du pays ?
Et sous quels rapports
la constitution serait-elle violée ?
Serait-ce en ce que la
convention de Zonhoven permet l’entrée des troupes hollandaises sur le
territoire belge ? Mais c’est là une conséquence nécessaire du deuxième
paragraphe de l’article 4 de la convention du 21 mai. Qui veut la fin, vent les
moyens. Serait-ce en ce que la convention de Zonhoven stipule une exemption de
droits ? Mais c’est là une conséquence nécessaire du principe observé entre les
nations, que le passage même est gratuit : principe que la convention du 21 mai
ne peut être présumée avoir méconnu.
Si une loi seule avait
pu autoriser de semblables stipulations, elle eût dû logiquement porter sur la
convention du 21 mai lui-même.
Au surplus, il serait
mal à ceux qui, comme moi, ont défendu la convention du 21 mai, de venir
soutenir que celle de Zonhoven, qui n’en est que l’exécution, porte atteinte à
la constitution. Si j’avais la conviction de cette atteinte à la constitution,
sans attaquer la convention de Zonhoven je proposerais une loi pour la rendre
légale.
Sous quel rapport cette
convention serait-elle humiliante pour le pays, compromettrait-elle la dignité
de la nation ?
Serait-ce parce que,
dans le considérant qui précède le dispositif de l’acte de Zonhoven, l’on
désigne le roi Guillaume comme roi des Pays-Bas ? Mais est-ce, depuis notre
régénération politique, le premier acte où le roi Guillaume est qualifié roi
des Pays-Bas ? Cela constitue-t-il, de sa part, autre chose qu’une protestation
contre le nouvel ordre de choses ? Ne prévoyez-vous pas qu’il protestera
jusqu’à ce qu’un arrangement définitif intervienne ? Cette protestation
affecte-t-elle le moins du monde le chef de la Belgique ? Affecte-t-elle la
nation ? Si je juge l’impression des autres par celle que j’éprouve, oh !
vraiment je ne suis pas affecté de cette qualification ; et le conservât-il
éternellement, je ne m’en affligerais pas, je n’en serais pas humilié ; mais ce
dont je serais humilié, ce serait de nous voir rejeté de la grande famille
européenne, abandonné de nos amis ; qu’il n’y eût plus de Belgique des 24 articles.
Mais aussi longtemps que nous ne perdrons pas ces avantages, quel que soit le
titre que prenne le roi Guillaume, je n’en serai pas humilié, je ne verrai pas
la dignité du pays compromise. Ce qu’exige cette dignité, c’est que nous
conservions la place que nous occupons, et que nous ne fassions rien qui n’y
réponde.
Mais n’y a-t-il pas eu
imprudence, demandent les uns, de rappeler dans la convention de Zonhoven la
déclaration du 14 septembre que
N’y aurait-il pas eu une
plus grande imprudence encore ? demandent les autres si l’on avait arrêté des
dispositions règlementaires pour la navigation de
Non, messieurs, dans un
cas comme dans l’autre, il ne serait agi que de l’exécution de l’art. 4 de la
convention du 21 mai dans un cas comme dans l’autre, la dénonciation de la
cessation de l’effet de la convention de Zonhoven, 15 jours à l’avance,
n’aurait eu d’autre effet que de remettre les parties dans les termes de l’art.
4 de la convention du 21 mai.
Ainsi,
supposons que la Hollande, après avoir réparé la forteresse de Maestricht,
après avoir changé ou fortifié sa garnison, dénonce la cessation de la
convention de Zonhoven, ce dont sans doute elle se gardera bien, cet événement
porterait-il atteinte à la convention du 21 mai, au droit que nous avons à la
liberté de la Meuse ? Nullement, il en résultera seulement que
D’après ces
considérations, je ne puis croire fondées les attaques contre la convention de
Zonhoven.
M.
Pollénus. - L’honorable orateur qui vient de combattre les
considérations que je faisais valoir à l’effet d’établir que la convention de
Zonhoven compromettait les droits garantis par celle du 21 mai, commence par
déclarer qu’il n’est d’accord ni avec ceux qui ont parlé avant lui, ni avec le
ministère ; il aurait dû ajouter qu’il n’est même pas d’accord avec MM.
Palmerston et Talleyrand qui, dans la note distribuée à la chambre, et que
chacun peut avoir sous les yeux, s’expriment autrement que l’honorable orateur.
Le seul objet qui était
susceptible d’être interprété était, selon eux, la communication entre
Maestricht et le Brabant septentrional, et entre Maestricht et l’Allemagne. En
consultant encore la note diplomatique, cette communication existait ainsi que
la libre navigation de
Je défierai l’orateur de
pouvoir nous dire quels motifs il y avait de faire une convention réglementaire
pour les communications plutôt que pour la navigation libre de
Le passage des troupes, dit-on,
doit être exempt de droits : mais il est un autre principe de droit public
relatif au passage des troupes sur le territoire étranger ; c’est qu’il faut
qu’il y ait sûreté à laisser passer les troupes, et je crois que les anciens
auteurs qualifient ce passage d’innocent.
Eh bien ! y a -t- il péril, oui ou non, dans le droit concédé aux Hollandais ?
A-t-on stipulé des garanties pour que le passage des Hollandais n’occasionne ni
perte ni danger au pays ?
Qui est-ce qui empêchera
les Hollandais, eux qui entendent le commerce, d’introduire dans Maestricht
toutes les marchandises qu’ils voudront ? Qui les en empêchera, puisque nous
n’aurons aucune surveillance dans les pays où ils passeront ?
Le
passage, assure-t-on, ne doit pas diminuer la sécurité du pays. Quand je
considère qu’il s’agit d’un passage avec armes et bagages, d’un passage aussi
fréquent qu’on le voudra, avec la faculté de jeter indéfiniment des troupes
dans Maestricht, je ne suis pas complètement rassuré pour le pays.
Il est un fait que je dois
signaler à votre attention et qui parle bien haut. Lors des événements de 1831,
si les communications de
M. Dumortier. - Je ne vois pas la nécessité
d’inscrire les orateurs ; en voilà quatre qui parlent contre la convention, il
y a cinq ministres et aucun d’eux ne daigne se lever pour répondre ; cependant
les objections que je présente méritent bien qu’on cherche à les combattre.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois qu’il y a ici une
liberté qui existe pour tout le monde ; c’est celle de se taire. Nous pourrions
nous en prévaloir sans autre motif ; mais si nous ne répondons pas, c’est que
nous croyons que les objections faites jusqu’ici ont été suffisamment réfutées
par l’honorable M. Milcamps.
M. Dumortier. - Avez-vous justifie la
constitutionalité du traité dont il s’agit ? Avez-vous répondu à l’objection
très fondée que le gouvernement hollandais pourra introduire autant de troupes
qu’il voudra dans Maestricht ? Toute la presse libérale en Belgique, tout ce
qu’il y a d’hommes de cœur en Belgique se sont élevés contre cette convention,
que l’on regarde comme désastreuse et humiliante. Vous ne pouvez vous abstenir
de parler ; si vous gardez le silence sur les fait qui ont été signalés, c’est
que vous passez condamnation sur vos actes. Votre honneur vous oblige à parler.
M.
F. de Mérode. - On dit qu’il n’y a point d’homme de cœur qui n’ait désapprouvé la
convention : je crois avoir autant de cœur que M. Dumortier, et j’approuve très
fort la convention. Cet orateur a une habitude commode dans les discussions ;
il désire toujours parler le dernier. M. Milcamps ayant suffisamment répondu,
il est inutile que d’autres membres défendent la convention.
M. Pirson. - Il est, dans la nature des saisons
pour les bourrasques ; je crois que nous en éprouvons une maintenant. Le
ministre est accoutumé à certaine bourrasques qui lui reviennent
périodiquement. On combat en ce moment la convention de Zonhoven ; je ne la
trouve pas satisfaisante, mais que dire contre un fait accompli ? tout ce qui a
été dit pourra seulement servir d’instruction au gouvernement, au Roi même ;
mais comme il n’y a pas de proposition faite, il n’y a donc pas lieu à
continuer la discussion. Passons à l’ordre du jour. Rapportons-nous-en au Roi
et à l’opinion publique.
M.
Dumortier. - Je suis étonné que
le ministère dise que M. Milcamps approuve la convention : cet honorable membre
la désapprouve par des motifs différents de ceux qui ont eu la parole avant
lui. Il assure qu’il serait nécessaire de présenter une loi pour rendre la
convention légale. Quatre orateurs ont été entendus contre l’acte ministériel ;
je suis prêt à parler le cinquième dans le même sens.
Moi, j’aurais désiré que
M. Nothomb eût répondu aux objections, ou que l’un ou l’autre des ministres eût
essayé une réponse. Si nous parlons d’abord tous contre la convention, viendra
ensuite un feu de file de cinq ou six orateurs ministériels.
Si le ministre ne peut
répondre, je ferai des interpellations sur deux faits.
Je demande que le
ministre de la justice nous montre que les articles 67, 68. 112, 121 de la
constitution n’ont pas été violés… Je sais que M. le ministre de la justice rit
beaucoup quand on parle de violation de la constitution.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Pas du tout, c’est très sérieux !
M. Dumortier. - L’art. 121 de la constitution
dit qu’une troupe étrangère ne peut traverser le territoire sans le
consentement des chambres ; je demande si cet article n’est pas violé.
Je demanderai au
ministre de la guerre s’il a pris des mesures pour que la garnison de
Maestricht ne soit pas augmentée.
J’ai besoin de réponses
à ces questions pour continuer la discussion.
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - On demande s’il a été question dans les stipulations, de
l’augmentation de la garnison de Maestricht. La convention ne contient aucune
disposition à cet égard. Les commissaires hollandais ont refusé obstinément de
répondre sur ce point.
Ils ont assuré, sur
l’honneur, qu’ils ne pouvaient prendre d’engagement à cet égard ; mais qu’ils
ne croyaient pas que la garnison serait augmentée, parce que cette augmentation
n’entrait pas dans les intentions du gouvernement hollandais.
M.
d’Huart.
- La sûreté du pays nous intéresse tous ; la garantie ministérielle n’est pas
suffisante quand il s’agit de cette sûreté. Il faut donc savoir si l’on a pris
les mesures nécessaires pour assurer le pays contre les tentatives de
l’étranger ; la sûreté du pays passe avant toute considération. Je demande que
M. le ministre de la guerre nous dise comment le pays ne sera pas menacé par le
passage journalier de 900 hommes d’infanterie hollandaise sur notre territoire,
ou par le passage de 500 cavaliers.
La convention de
Zonhoven, loin de me rassurer, m’alarme beaucoup.
M. A. Rodenbach. - Nous savons comment il
faut apprécier les garanties ministérielles. Au mois d’août on invoquait des
garanties pareilles, qu’en a-t-on fait ? Dans la convention de Zonhoven on n’a
pas parlé du nombre des troupes qui pourront entrer dans Maestricht : ainsi
notre ennemi pourrait y jeter 60, 40, ou 20 mille hommes, qui se trouveraient
presque au centre du pays. A-t-on pris des mesures pour garantir le territoire
de l’invasion ? Que les ministres nous déclarent s’il y a danger ou non. Il est
important de rassurer
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - La force de l’armée hollandaise étant limitée, nous avons débattu,
entre les généraux, si la sûreté du pays serait compromise, dans le cas où les
Hollandais posséderaient à Maestricht 12,000 hommes ; nous avons été
unanimement d’avis que le territoire ne pouvait être menacé de ce côté, parce
que Maestricht est à une des extrémités du pays. Ce que
M. Dumortier. - Je demande comment il se fait
que l’art. 121 de la constitution n’a pas été violé par la convention. Voici le
texte de cet article : « Aucune troupe étrangère ne peut être admise au
service de l’Etat, occuper ou traverser le territoire qu’en vertu d’une
loi. » Il est nécessaire que M. le ministre de la guerre, ou plutôt que
MM. les membres du cabinet, les membres du conseil qui ont ratifié la
convention, nous disent où ils ont été chercher la loi prescrite par l’art. 121
de la constitution, pour permettre le passage de troupes étrangères sur notre
territoire.
L’art. 4 de la
convention dit qu’il ne sera mis en mouvement par jour qu’un bataillon
d’infanterie de 900 hommes au plus, ou 500 hommes de cavalerie. Les ministres
voudront bien nous éclairer sur ce point. M. Milcamps n’a pas répondu à cette
observation.
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - Nous pourrions ne pas rompre le silence, et demander au préopinant
qu’il prouve que nous avons violé la constitution. Je ne crois pas que dans un
débat on pose en fait ce qui est en question ; mais pour que la chambre ne
prenne pas pour un manque d’égard le silence que nous garderions, nous
répondrons en deux mots que nous trouvons notre justification dans la loi de
1831, interprétée par la convention du 21 mai, qui a reçu la sanction des deux
chambres dans plus d’une occasion et même dans leurs adresses.
M.
Dumortier. - Maintenant, messieurs, je suis en mesure de parler.
Il y a longtemps que la nation
n’avait eu à examiner une conventions aussi funeste que celle qui nous occupe.
Vous vous rappelez, quand la publication en fut faite, quand le journal
officier eût porté à votre connaissance ce monument de l’impéritie
ministérielle, vous vous rappelez quels sentiments pénibles vous éprouvâtes ;
vous vous rappelez comment, dans vos bureaux, vous eûtes à déplorer la
condition du ministère dans cette circonstance. Je m’attendais à voir le
ministère venir justifier la convention ; mais puisqu’il se renferme dans un
silence superbe, puisqu’il refuse de montrer que la dignité du pays, que la
dignité royale n’ont pas été outragées, il nous reste à prouver que la sûreté
et l’honneur du pays sont gravement compromis.
Cette convention porte
le nom de S. M. le roi de Hollande, et point celui du roi des Belges. Est-ce
que, par hasard, le ministère trouverait légitime le roi de Hollande, et ne
trouverait pas légitime le Roi des Belges ? Est-ce que le ministère se
préparerait une planche de salut dans le cas de restauration ? Nos ministres,
par leur singulière conduite, prêtent matière à beaucoup réfléchir.
Ce qui, surtout, m’a
étonné, c’est que la personne qui a été chargée de conclure une convention
aussi désastreuse, de stipuler d’une manière aussi déshonorante, a reçu les
faveurs ministérielles ; elle n’a sans doute pas été récompensée pour les
services rendus à
Quand j’examine cette
convention, j’y trouve la violation de quatre articles de la constitution. Je
trouve d’abord la violation du l’art. 68 : « Les traités de commerce et
ceux qui peuvent grever l’Etat, ou lier individuellement les Belges, n’ont
d’effet qu’après avoir reçu la sanction des chambres. »
Le traité qui a été
passé ne lie-t-il pas aujourd’hui les Belges ? Les ministres oseraient-ils dire
que les malheureux habitants du Limbourg qui ont chassé les Hollandais ne sont
pas grevés, en logeant chez eux leurs cruels ennemis ? Oseraient-ils vous dire
que le traité ne compromet pas les plus chers intérêts du pays ?
On a demandé, dit le
ministre de la guerre, le nombre de Hollandais qui seraient jetés dans la place
de Maestricht, et les commissaires hollandais ont déclaré, sur l’honneur (j’ai
pris note des paroles), qu’il n’était pas dans l’intérêt de
Si le gouvernement n’eût
pas perdu de vue ce qui a eu lieu précédemment, il se serait bien gardé de
faire une semblable convention. Lorsque M. le maréchal Gérard fit une
convention pour la retraite de l’armée hollandaise, il fut stipulé dans cette
convention que la garnison de Maestricht n’aurait ses communications libres et
ne pourrait être augmentée de mille hommes sans le consentement du général
français. Voila comme on stipule. Cet exemple n est pas vieux. En vain,
viendrait-on dire que si
J’espère, messieurs, que
la chambre manifestera son intention de ne pas consentir à la convention ; s’il
n’y avait pas assez d’énergie dans cette enceinte pour demander, au nom du pays,
que la garnison de Maestricht ne soit pas augmentée, nous abdiquerions notre
titre de peuple libre, puisque
L’art 67 de la
constitution me paraît encore avoir été violé. « Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des
lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de
leur exécution. »
Aucun privilège ne peut
être accordé en matière d’impôt, et cependant le gouvernement accorde la
suppression de tout impôt non seulement sur les effets des Hollandais mais
encore sur le droit de barrière. Un honorable député du Limbourg, qui rend
parfaitement la plaie que la convention a faite à ceux dont il est le
mandataire, vous a dit que
Où le ministère a-t-il
été trouver le pouvoir de violer les lois, la constitution ? mais la violation
des lois est pour le ministère un fait de tous les jours. Lorsque j’écrivais
contre le gouvernement des anciens Pays-Bas, je signalais les infractions
faites aux lois fondamentales ; mais je me garderai bien de me livrer à une
pareille polémique maintenant, car j’en aurais à signaler plus qu’alors. Hier,
nous avons démontré que la constitution avait été violée à l’occasion du
système monétaire ; la constitution n’est plus qu’une feuille morte, parce que
le pouvoir ne veut supporter aucune limite.
J’ai parlé de l’article
121 de la constitution qui est manifestement violé en cette circonstance. Le
ministre de la justice a dit que le gouvernement trouvait la permission de
contracter la convention dans la loi que nous avons votée en septembre et qui
porte la date du 1er octobre 1831. Je ne crois pas que le ministre de la
justice trouve dans cette loi l’autorisation de faire traverser le territoire
par l’ennemi. Lui-même a dit, pendant la discussion de cette loi, qu’elle ne
pouvait être entendue que du passage de troupes amies. Il répondait à M. de
Robaulx, dont les craintes ont été prophétiques.
Je rappellerai à cette
assemblée que j ai eu l’honneur d’être rapporteur de la section centrale qui a
examiné la loi. Dans une section de la chambre on voulait insérer des réserves
dans la liberté de la loi ; on voulait mettre que ce n’était qu’en
considération de l’état du pays que l’on portait la loi, afin d’empêcher le
gouvernement d’en abuser par la suite. Si les réserves n’ont pas été insérées,
c’est que nous n’avons pas cru que
Mais puisque le
ministère ne craint pas d’invoquer ici, de la manière la plus déloyale, une loi
qui lui a été donnée de pure confiance, je lui ferai une interpellation à
laquelle je demande une réponse catégorique.
Messieurs, lorsqu’en comité
secret vous adoptâtes la loi qui autorisait le gouvernement à négocier et à
conclure le traité des 24 articles, il fut inséré dans cette loi une phrase
portant que le gouvernement pourrait conclure et négocier sous telles clauses,
conditions et réserves que S. M. jugerait nécessaires ou utile dans l’intérêt
du pays. Or, rappelez-vous dans quelles circonstances le vote a été émis. Il
s’agissait d’un traité désastreux, tendant à grever
Parmi les pièces
communiquées dans ce comité secret, vous vous souvenez que M. le ministre des
affaires étrangères vint donner lecture du protocole n°48, qui grevait
injustement
Eh bien !quand le
ministère vient maintenant se prévaloir d’une disposition que nous avons
insérée dans la loi, afin d’obtenir des conditions meilleures, quand le
ministère, dis-je, vient se prévaloir de cette disposition pour obtenir que
notre loi autorisant l’entrée des troupes amies sur notre territoire permet
aussi le passage des troupes ennemies, ne dois-je pas croire que demain il s’en
prévaudra encore pour grever
Cette observations est
des plus graves, messieurs, et je demande que le ministère s’explique
formellement à cet égard, car il faut que la nation tout entière sache s’il se
croit en droit de sacrifier nos intérêts les plus chers précisément en vertu
d’une loi et de réserves que nous avions établies pour les maintenir : cette
observation est d’autant plus importante, que dans une séance précédente, un
ministre d’Etat, membre du cabinet, a dit que si le gouvernement consentait à
une augmentation de dette, nous pourrions la refuser lors du budget.
Quoi ! lorsque l’on aura
signé de pareil engagements, lorsque l’on aura compromis le nom du roi et
engagé l’honneur du pays, on prétend que nous pourrons ne pas les accepter !
Mais nous serons au contraire dans la nécessité de les adopter si nous ne
voulons pas passer pour un peuple sans foi ! Eh bien ! je conclus de ces
paroles que le ministère se trouve autorisé à stipuler des conditions
désastreuses sans demander de nouveau l’assentiment de la législature, et qu’au
moyen de prétextes semblable à ceux dont il se sert, il viendra quand il voudra
nous dire : Vous êtes vendus ; je me retire ; mettez moi en accusation si vous
le voulez. Eh ! à quoi servira cette accusation quand les intérêts les plus chers
du pays auront été sacrifiés ?
Messieurs, vous l’avez
déjà pu voir par vous-mêmes : dans cette triste convention, tout est en faveur
de
Il a dit que dès le 6
juin plus de 2,000 bateaux de toute grandeur avaient passé sous le pont de
Maestricht ; ainsi donc c’était déjà un droit acquis pour nous. Et il y a plus
: la preuve que la liberté de
« Les soussignés
ont, à plusieurs reprises, eu l’honneur d’attirer l’attention de leurs
excellences MM. les plénipotentiaires de France et de
Et plus loin :
« Ces commissaires
se réunirent en effet à Zonhoven le 12 juillet et ils échangèrent les projets
d’article préparés de part et d’autre. Ces projets différaient sur des points
si essentiels, que les autorités miliaires belges, écrivirent le 14 du même
mois, à S. A. le prince de Saxe-Weimar et à M. le général Dibbets, qui avaient
envoyé des commissaires à Zonhoven, qu’il y avait trop de divergence entre les
deux projets de convention pour espérer que la nouvelle conférence fixée au 18,
pût amener un résultat ; qu’il serait nécessaire même d’en référer à Londres,
pour obtenir quelques explications, et qu’en conséquence la réunion de
commissaire ne pourrait avoir lieu le 18. Cette résolution, bien loin de devoir
être envisagée comme une rupture des pourparlers militaires, n’avait été prise
que pour en faciliter l’heureuse issue Mais elle était indispensable, puisque
le projet hollandais gardait le silence sur le
point le plus important pour
Ainsi donc les ministres
considéraient les deux questions comme connexe, et au 1er août, ils déclaraient
à la conférence qu’ils ne pouvaient adhérer au projet présenté par les
commissaires hollandais parce qu’il gardait le silence sur le point le plus
important pour
On dit : Nous avons à
cet égard une lettre du général Dibbets ; mais ce général ne pouvait
stipuler que dans les limites de sa forteresse, et ce qu’il a fait pourra être
révoqué. Vous vous êtes placés dans une telle position que si vous vouliez
aujourd’hui faire cesser la convention, l’ennemi aurait quinze jours pour
ravitailler la place, tandis que si la rupture venait de son côté, vous
perdriez à l’instant même la libre navigation de
La convention du 21 mai
établit la libre navigation de
Mais il y a encore une
autre chose à examiner. Le ministère a déclaré qu’il y avait connexité entre la
question de Maestricht et celle relative à la liberté de l’Escaut. Eh bien ! je
demande s’il a fait valoir les droits de
Comment ! il souffre que
nos vaisseaux ne puissent traverser une partie de ce fleuve sans baisser
pavillon, tandis que les troupes hollandaises ont la faculté de traverser notre
territoire, musique en tête et enseignes déployées ! Quoi ! lorsque nos
pêcheurs ne peuvent pas pêcher sur les rives de l’Escaut, et qu’on pousse
l’audace jusqu’à leur prendre leurs filets, quand cet infâme drapeau orange
flotte déployé sur notre territoire, notre pavillon national, ces nobles
couleurs que nous voyons briller au-dessus de la tête de notre président, nous
serons obligés de les cacher en présence de notre ennemi ! c’est le dernier
degré de l’avilissement !
Depuis longtemps,
messieurs, on parle de restauration. Quant à moi, je ne la crois possible que
par le fait du gouvernement. Tant que je verrai un drapeau brabançon sur une
tour de Belgique, j’aurai toujours foi dans mon pays ; mais si le gouvernement
se met dans le cas de provoquer la restauration, alors elle sera imminente ;
s’il descend toujours à des actes déshonorants qui compromettent la dignité de
la patrie, j’éprouve les plus grandes craintes.
On a blâmé quelques
officiers qui, dans un moment de délire, s’étaient permis des cris séditieux.
Pour moi, je les excuse, et ce le ministère que j’en rends responsable. Oui,
c’est le ministère, car ces militaires n’ont pas été portés à parler ainsi, que
parce qu’ils ne voyaient de notre côté que faiblesse, tandis qu’ils voyaient de
l’autre fermeté et courage.
La restauration viendra
si le ministère persiste dans la même voie, parce qu’il a renié les barricades,
sa propre existence et ne s’est pas contenté de la part que le peuple lui avait
faite, parce qu’à une révolution d’honneur et de patriotisme a succédé un
gouvernement corrompu. (Vive sensation.)
Messieurs,
je demande encore à dire un mot pour qu’on ne donne pas une fausse
interprétation à mes paroles. Personne ne pensera que j’ai voulu appeler la
restauration, car mes antécédents sont assez connus ; personne plus que moi ne
désire l’indépendance entière de notre pays, mais quand je vois les ministres
gérer ainsi nos affaires, il m’est permis de prévoir un sinistre avenir pour le
cas où ils ne sortiraient pas de cette voie funeste.
Plusieurs voix. - Oui ! oui ! nous vous avons bien
compris !
M. de
Longrée. - Messieurs,
il n’a pas été stipulé dans la convention de Zonhoven que les Hollandais ne
pourraient faire entrer dans la forteresse de Maestricht un plus grand nombre
de troupes que celui qui en sortira, et, sous ce rapport, je considère la
sûreté du pays compromis, attendu que je ne suis pas un de ceux qui crient à une
paix prochaine.
Je voulais plaider les
intérêts des habitants des communes où l’ennemi devra être logé et nourri ;
mais attendu que, d’après les pièces qui ont été remises sous les eux de la
représentation nationale, il semblerait que les autorités de ces mêmes communes
ont consenti volontairement aux charges que leurs administrés auront à
supporter, je n’ai plus rien à dire sous ce rapport ; seulement je trouve que
ces habitants ont été plus que bons en s’obligeant à recevoir leurs ennemis
chez eux pour les loger et les nourrir.
Je ne puis me dispenser
de demander à MM. les ministres si, avant de contracter avec les Hollandais à
Zonhoven, l’on a réfléchi aux vexations, aux crimes même que la troupe ennemie
pourra commettre ; et si l’on a pris des mesures, soit pour les prévenir, soit
pour en avoir justice, le cas échéant.
Maintenant,
messieurs, pour vous prouver que les habitants des rives de
(Moniteur belge n°344, du 10 décembre 1833) M.
Nothomb. - Messieurs, je ne puis m’empêcher de manifester mon
étonnement d’avoir été interpellé par un des honorable préopinants en une
qualité que je n’ai point ici, qualité qui, dans cette enceinte, ne me donne
aucun droit, qui, par conséquent, ne m’impose aucune obligation : c’est comme
député, c’est comme collègue de cet orateur, que je vais essayer de lui
répondre. Son interpellation, l’espèce de sommation qu’il m’a faite, je la
regarde comme antiparlementaire, je la regarde comme une atteinte à la liberté
des discussions. J’ai été rarement, messieurs, par rapport à un acte qui touche
à la politique extérieure du gouvernement, dans une position pareille à celle
où je me trouve, relativement au résultat des conférences de Zonhoven ; éloigné
pendant quelque temps du poste que j’occupe depuis les premiers jours de la
révolution, j’ai été, à mon retour, placé comme vous en face d’un fait
accompli, que je dois examiner comme député. Sans engagement administratif, si
je puis m’exprimer ainsi, sans préoccupation d’aucun genre, j’ai pu me livrer à
cet examen dont je viens vous rendre compte.
La question est complexe
; elle porte sur le fond et sur la forme. Permettez-moi de faire cette
distinction ; j’ose croire que si je parvenais à justifier le fond, les
critiques qui ne s’adressent qu’à la forme perdraient, par cela même, de leur
importance.
J’abord la question du
fond : d’une part,
La convention du 21 mai
n’est pas le premier acte qui ait stipulé la liberté des communications
militaires de la forteresse de Maestricht ; cette stipulation remonte à la
première suspension d’armes du mois de novembre 1830, acte qui, comme vous le
savez, a introduit
Le paragraphe 2 de
l’article 4 de la convention du 21 mai n’a fait que reproduire cette
stipulation dans les termes les plus précis. Le ministère actuel, en adhérant à
cette partie de la convention, a eu soin de déclarer formellement qu’en cela il
ne contractait pas d’engagement nouveau : la note du 10 juin dernier, qui
content cette adhésion, s’exprime ainsi :
« Le gouvernement
du roi s’engage en outre à continuer un état de choses qui existe depuis le
commencement de l’année 1831, en maintenant libres et sans entraves les
communications entre la forteresse de Maestricht et la frontière du Brabant
néerlandais, et entre ladite forteresse et l’Allemagne. »
En faisant cette
déclaration, le ministère était conséquent avec un système qu’il faut maintenir
pour l’honneur du nom belge. La suspension d’armes de novembre 1830 était
indéfinie ; elle a été garantie comme telle par la conférence ; elle a été
violée par
L’obligation, messieurs,
est donc ancienne, impérieuse, incontestable ; nous sommes amenés à nous
demander quelles sont les conséquences qu’entraîne toute communication
militaire.
Je n’hésite point à
répondre que cette stipulation emporte la faculté de loger, lorsqu’il y a plus
d’une journée de marche, et l’exemption des droits de douanes pour les
approvisionnements : accorder la liberté de communication, c’est accorder
implicitement ces deux choses.
Si vous me demandez où
est la disposition législative qui a permis au gouvernement d’autoriser les
troupes hollandaises à traverser le territoire belge, qui lui a permis de les
exempter, durant le trajet et pendant leur séjour, des droits de douanes, je ne
vous citerai point la loi du 1er octobre 1831 ; je n’ai pas besoin de faire
violence à l’esprit de cette loi ; je l’écarte de cette discussion, quelque
généraux qu’en soient les termes ; je reconnais que cette loi a été faite pour
d’autres éventualités ; j’ai un autre texte, formel, précis, fait pour le cas
même qui nous occupe, fait pour une éventualité qui, en se réalisant, ne devait
effrayer personne, car tout le monde a été prévenu longtemps à l’avance. Dès le
mois de novembre 1830 on a dit que la forteresse de Maestricht aurait le droit
de communiquer librement avec
La liberté de
communications militaires qui est une servitude de droit public subordonnée aux
mêmes nécessités qu’une servitude de droit privé du même genre ; ouvrez nos
codes : vous y lirez ces mots qui tranchent la question : « Quand on
établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en
user. » Je vous dirai à mon tour : l’article 121 de la constitution ne
permet pas que des troupes étrangères traversant le territoire sans
autorisation législative ; l’art. 112 ne permet pas qu’il soit accordé
d’exemption d’impôt sans autorisation législative. Cette double autorisation,
vous l’avez accordée en adhérant à la convention du 21 mai : s’il en était
autrement, l’usage de la servitude de droit public établie par l’art. 4 de
cette convention deviendrait impossible. Vous ne pouviez répondre à la Hollande
: Je vous ai accordé la liberté de communication avec la ville enclavée dans
mon territoire ; j’ai accordé à votre garnison le droit de cerner la forteresse
où elle se trouve, de lui livrer ou de lui refuser les approvisionnements, d’en
élever ou d’en abaisser le prix en élevant ou en abaissant mon tarif de douanes
; enfin, de l’y affamer, si je le juge convenable.
Nous savons maintenant
quels sont les droits que le paragraphe 2 de l’art. 4 de la convention du 21
mai accorde à la Hollande ; recherchons quels sont ceux que le paragraphe 1er
du même article donné à
La liberté fluviale est
une innovation de notre siècle ; dans l’ancienne Europe, les rivières et les
fleuves étaient considérés comme la propriété exclusive des pays riverains ;
non seulement chaque Etat avait, comme aujourd’hui, le droit de fermer son
territoire au commerce étranger, mais il s’était arrogé le pouvoir d’interdire
tout transit par eau, c’est-à-dire qu’en fermant ses rivières, il interdisait
l’accès aux autres pays riverains, et celui de la mer elle-même. Le droit
public nouveau n’a pas enlevé à chaque peuple le droit de régler son commerce
intérieur ; il ne lui a pas même imposé le transit par terre, mais seulement
par eau : chaque Etat peut se refuser aux importations et au transit par terre
; mais, malgré lui, ses rivières sont ouvertes au transit. C’est là ce qu’on
appelle la liberté fluviale ; elle ne s’entend que de la navigation de transit.
Le droit public ne donne que la faculté de transit : le commerce d’importation
est resté et a dû rester dans le domaine de la législation intérieure, de la
souveraineté individuelle de chaque peuple.
Ces notions sont simples
et hors de doute. Que nous donne la convention du 21 mai, sous le rapport de la
navigation de la Meuse ? Tout ce que le droit public peut demander par
lui-même, c’est-à-dire, la faculté de transiter par cette rivière : rien de
plus, rien de moins. On ne nous rend pas les débouchés de
Notre législation nous
offre deux exemples très propres à éclaircir ces principes.
Une loi du 6 avril 1823,
art.
Un arrêté du 17 décembre
La navigation de
Ainsi la liberté de
Nous savons maintenant
quel sens il faut attacher tant au § 1er qu’au § 2 de l’art. 4 de la convention
du 21 mai.
Je passe à la question
de forme.
L’honorable M. Milcamps
vous a déjà signalé une différence notable entre la rédaction du § 1er et du §
2 de cet article ; je dois revenir sur cet argument qui est fondamental.
Le § 1er établit le
principe de la liberté de
Le § 2 établit le
principe de la liberté des communication militaire, mais sans organiser ce
principe ; il n’invoque aucune convention réglementaire préexistante.
Les communications de la
forteresse du Luxembourg avec l’Allemagne sont réglées par le recès de
Francfort, du 8 novembre 1816 ; l’art. 7 stipule l’exemption des droits
d’entrée, l’art. 8 celle des droits de barrière, l’art. 9 le droit d’étapes. Eh
bien, je suppose qu’à la suite de ce paragraphe 2 de l’art. 4 de la convention
du 21 mai, on lise ces mots : « Ces communications auront lieu
conformément aux art. 7, 8 et 9 du recès de Francfort du 8 novembre 1816
relatif à la forteresse de Luxembourg, en autant que ces dispositions pourront
être appliquées. »
Si le paragraphe 2 était
rédigé de la sorte, si une convention préexistante y était invoquée, une
convention nouvelle eût été inutile ; le gouvernement belge par une déclaration
unilatérale, aurait indiqué la route et le lieu d’étapes : indication qui lui
eût été nécessairement abandonnée.
C’est donc, messieurs,
s’exprimer d’une manière trop absolue, c’est s’arrêter à la surface des choses
que de dire : L’on a conclu une convention pour régler l’exécution du
paragraphe 2, donc on devait en conclure une pour régler l’exécution du
paragraphe 1er. Il faut tenir compte de la différence des rédactions. La
convention pour la navigation de
Nous sommes liés, dit M.
Dumortier, par la convention militaire, et le gouvernement hollandais n’est
point lié par la déclaration de ses généraux. C’est déplacer la question. Le
gouvernement hollandais est lié, en ce qui concerne la navigation de
Ce n’est pas que je
méconnaisse l’importance de la déclaration du général hollandais ; il était bon
de constater préalablement qu’en fait la navigation était libre ; le droit
provincial incompatible avec la convention de Mayence aboli, les heures du
trajet par la forteresse réglées d’après les convenances du commerce.
Je crois avoir démontré
qu’à défaut de convention préexistante, destinée à régler les communications
militaires, il était indispensable d’en conclure une ; qu’en présence de la
convention de Mayence, déclarée applicable à la Meuse, il était inutile d’en
conclure une nouvelle, et qu’il ne restait qu’à constater s’il y avait eu
exécution ou non ; ce qui a pu se faire par une déclaration et par une enquête.
Je vais plus loin : je
soutiens qu’une convention nouvelle relative à la Meuse était non seulement
inutile, mais qu’elle pouvait devenir dangereuse. En effet, supposez qu’on ait
suivi le plan de négociation tracé par les honorables MM. Doignon, Pollénus et
Dumortier ; supposez qu’on ait reproduit le principe de la liberté de cette
rivière, et réglé le mode de navigation dans une convention nouvelle ; supposez
qu’on lise à la suite de la convention militaire, ou dans une convention
spéciale
« Art… La
navigation de la Meuse est libre.
« Elle sera
assujettie aux dispositions suivantes (et ici l’on relate, pour me servir de
l’expression de M. Doignon, la convention de Mayence, en omettant les articles
dont l’application est impossible.) »
Croiriez-vous avoir
ainsi augmenté vos garanties ? Non, messieurs, vous les aurez diminuées. La
convention nouvelle eût été sujette à résiliation ; le gouvernement hollandais
après avoir ravitaillé Maestricht, aurait usé de cette faculté ; en renonçant à
la liberté des communications militaires, il nous eût enlevé la liberté de
Les reproches adressés
au gouvernement proviennent de ce qu’on a cru qu’il était nécessaire de faire
reconnaître et régler de nouveau par
L’on s’est demandé quel
est l’avantage matériel que nous procure l’arrangement de Zonhoven,
Messieurs, la convention
de Zonhoven est à mes yeux la conséquence nécessaire et le complément de la
convention du 21 mai ; il consolide le statu quo, qui, sans cet acte, aurait
conservé un caractère de crise et d’hostilité. Le cabinet de La Haye a évité
avec soin tout ce qui eût pu impliquer une reconnaissance politique ; il a
voulu traiter avec ce qui n’est pas encore pour lui, avec le néant. Fort
heureusement que nous existons pour le reste de l’Europe, et, ce qui vaut
mieux, que de jour en jour le sentiment de notre existence se renforce dans la
conscience publique. Mais, malgré toutes les précautions prises par notre
ancien maître, la convention de Zonhoven est un acte nouveau ; donnez lui tel
nom qu’il vous plaira, c’est quelque chose que nous n’avions point encore vu ;
ayez recours à tous les subterfuges du droit public, il n’en sera pas moins
vrai que le roi Guillaume a négocié avec ceux qu’il appelle
des rebelles, que de part et d’autre on a contracté des engagements. Ce qui
m’étonne, c’est que le gouvernement hollandais ait accepté les formes d’une
convention, et qu’il n’ait pas préféré échanger des déclarations, des lettres
missives pour faire choix de la route et des lieux d’étapes.
M.
A. Rodenbach. - Je ne me livrerai pas à des déclamations, et je n’ai pas
la prétention de connaître quelque chose en diplomatie ; mais le préopinant
vient de faire sonner bien haut les avantages résultant pour nous de traiter
avec Guillaume, qui nous considère toujours comme des rebelles. Messieurs, nous
avions déjà eu cet insigne honneur en 1830, parce que tout le monde est bien
forcé de traiter quand il y est forcé par le canon qui gronde. Et quel progrès
nous a fait faire la convention de Zonhoven ? Notre Roi n’y est pas même
reconnu, tandis que celui des Pays-Bas y est nommé en toutes lettres. Ce n’est
pas ainsi qu’il fallait agir, il fallait imiter le système de temporisation de
notre ennemi. Je vais tâcher de vous exposer, messieurs, quels sont les
avantages que nous avons obtenus par rapport à la navigation de
Pour
dix à douze bâtiments belges qui vont en mer en hiver (car ils ne peuvent
traverser
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Lorsqu’on présenta la convention
du 21 mai, vous entendiez répéter qu’elle produirait de grands avantages au
pays si elle était exécutée ; mais assurait en même temps qu’elle ne recevrait
pas d’exécution et, que la liberté de
Au nombre des entraves
qui excitaient les plaintes des bateliers figurait la perception d’un droit
provincial établi à Maestricht, et que
Par suite des réclamations
du gouvernement, le droit provincial cessa ; les autres gênes disparurent
également, et avec elles les plaintes du commerce liégeois. Nos commissaires,
qui avaient reçu l’ordre de ne signer la convention militaire que lorsque le
commerce de
Le conseil des ministres
n’avait pas à intervenir dans une convention militaire ; il ne le fit que parce
que l’intérêt commercial pouvait s y trouver lié ; pour le reste, c’était une
affaire de général à général. Le conseil des ministres s’en remettait à
l’autorité militaire pour régler toutes les conditions concernant le passage
des troupes hollandaises ; mais lorsqu’il s’est aperçu qu’il pouvait profiter
de ce transit militaire pour obtenir une garantie de plus au transit
commercial, c’est alors et pour ce seul objet qu’il s’est décidé à intervenir ;
mais, je le répète il n’avait rien à prescrire quant à l’autre objet, à
l’autorité militaire, gardienne naturelle de la sûreté du pays.
M. le président. - La parole est à M. Gendebien.
Plusieurs voix. - A demain ! Il est quatre heures
moins un quart.
D’autres voix. - Non ! non ! continuons.
M.
Gendebien. - Je suis prêt à parler maintenant, mais je ne réponds pas
d’avoir terminé avant 4 heures et demie. Je la prierai donc de m’écouter avec
attention jusqu’à la fin si elle désire continuer la discussion. (Parlez ! parlez !)
M.
Dumortier. - J’espère qu’avant la clôture MM. les ministres répondront
aux attaques qu’on leur a adressées. D’ailleurs je connais encore d’autres
orateurs qui ont l’intention de parler.
- La chambre consulté
décide que la discussion continue.
M.
Gendebien. - Depuis trois ans je suis en constante opposition avec tout
ce qui se fait en diplomatie ; depuis trois ans (et j’espère qu’on ne
m’adressera pas le reproche de m’être mis en contradiction avec moi-même), j’ai
annoncé qu’on ne sortirait de ce labyrinthe qu’en y laissant une partie de
l’honneur, du territoire et de la fortune du pays. Tous les événements ont
confirmé et au-delà mes prédictions. Le pacte fondamental été violé ; l’honneur belge, tous les
intérêts révolutionnaires, une partie de nos concitoyens et de la fortune
publique ont été sacrifiés. Bien convaincu que
Dans les circonstances
présentes comme dans toutes les circonstances analogues, on a cherché à
déplacer la question, on est venu se prévaloir de prétendus avantages que le
pays aurait obtenus par la diplomatie ; on est venu aujourd’hui faire sonner
bien haut ceux qui résultaient de la liberté de la navigation de
Vous avez constamment
déclaré à la conférence de Londres que vous ne pouviez conclure un arrangement
au sujet de la garnison de Maestricht qu’en réglant aussi et par le même traité
la navigation de
Voici la première note
remise par MM Goblet et Van de Weyer, le 1er août dernier, aux
plénipotentiaires de France et de
« Les soussignés
ont eu l’honneur de recevoir la note, en date du 30 juillet, de LL. EE. MM. les
plénipotentiaires de France et de
Et plus loin nos
plénipotentiaires ajoutent :
« Le gouvernement
du Roi est loin de s’opposer aux communications entre le Brabant septentrional
et l’Allemagne ; il est prêt à donner à cet égard toutes les facilités
possibles ; mais il demande, en même temps que le gouvernement hollandais
exécute avec la même promptitude le § l de l’article 4 ; que la navigation de
la Meuse soit régulièrement ouverte au commerce, et que l’application à ce
fleuve du tarif de Mayence soit réglée d’un commun accord. »
Ce n’est pas tout : un
mois après (vous voyez qu’ils avaient eu tout le temps de réfléchir les
conséquences de leurs prétentions), le 3 septembre, les plénipotentiaires
belges disaient à la conférence de Londres :
« Une connexion
entière et incontestable existe entre les deux paragraphes (de l’art. 4) ; le
gouvernement belge la regarde comme le principe fondamental de la convention à
conclure ; le gouvernement néerlandais, au contraire, la méconnaît, et sans
vouloir aborder la discussion du fond de l’article, il se renferme obstinément
dans la discussion du fond de l’article 2, qui a stipulé les obligations à
remplir par
« Cette divergence
de vues… a amené dans le courant du mois dernier une première interruption des
négociations ouvertes à Zonhoven. La même cause vient de produire encore le
même effet ; et l’on doit s’étonner de ce que les commissaires néerlandais se
soient trouvés, lors de la reprise de ces négociations, aussi peu munis
qu’auparavant des moyens nécessaires pour traiter la question sur son véritable
terrain. »
De tout ce qui précède,
il résulte jusqu’à la dernière évidence que notre ministère, que nos diplomates
à Londres sentaient la nécessité de faire entrer des stipulations expresses, au
sujet de la navigation de
« S’il en était
autrement, si le cabinet de La Haye avait eu comme celui de Bruxelles un désir
sincère d’arriver à une conclusion définitive, en abordant franchement
l’exécution de l’art. 4 dans son ensemble, il n’aurait pas hésité à munir ses
commissaires des instructions nécessaires pour traiter et régler la question de
la navigation de
Enfin je vous prie de
fixer toute votre attention sur un dernier passage de la note de nos diplomates
à la conférence de Londres ; je l’extrais de la page 32 du rapport. : après
s’être plaints de la mauvaise foi évidente du cabinet de La Haye, ils ajoutent
:
« Les commissaires
néerlandais remirent le 23 août (à la conférence de Zonhoven) un office
renfermant une déclaration portant que : si l’introduction d’une clause
relative à la navigation de
Qu’ont répondu nos commissaires
à Zonhoven à ce langage insolent des commissaires hollandais ? Le voici,
messieurs ; ce sont MM. Goblet et Van de Weyer qui le mentionnent dans leur
note du 3 septembre :
« La réforme
qu’exigeait l’interpellation formelle que les soussignés viennent de rapporter,
ne pouvait être qu’affirmative. »
Voilà donc de part et
d’autre les négociations acculées dans leurs derniers retranchements. Voilà la
question nettement posée.
Eh bien ! messieurs,
voyez ce qui arrivé ! La négociation est rompue deux fois, parce que
« Les
plénipotentiaires néerlandais déclarent dans leur note qu’ils ne pensent pas
qu’il soit nécessaire de charger leurs commissaires de se concerter avec les
commissaires belges sur l’application à
« Les soussignés
(ce sont les plénipotentiaires de la conférence qui parlent) ne peuvent
s’empêcher d’exprimer leur étonnement de trouver un argument si inattendu dans une
telle communication. Pourquoi le gouvernement des Pays-Bas a-t-il donc nommé
des commissaires chargés de concerter avec les commissaires belges les
arrangements nécessaires pour établir la liberté des communications militaires
de Maestricht ?
« La convention du
21 mai garde le silence sur l’envoi de tels commissaires ; et cependant le
gouvernement des Pays-Bas a senti que leur envoi était le moyen nécessaire pour
faire exécuter cette stipulation.
« L’accord des
commissaires des deux côtés est évidemment aussi nécessaire pour établir le
mode d’application à
A la suite de cette
note, les plénipotentiaires de
Et comment M. Goblet
est-il venu s’expliquer au sujet de cette note ? Comment est-il venu justifier
ses négociations ? La chose est curieuse. Vous la trouverez, ô honte ! imprimée
en toutes lettres à la page 18 de son rapport. -
« Fallait-il faire,
dit-il, de cette forme une condition sine qua non de tout arrangement ? Et
quelles eussent été les conséquences immédiates d’une telle résolution ? »
Comment M. Goblet ne
rougit-il pas et a-t-il l’audace de nous adresser une pareille question après
des paroles aussi expresses que celles que j’ai citées tout à l’heure, après
avoir dit à la conférence que la réponse à l’interpellation des commissaires
hollandais ne pouvait être qu’affirmative ! C’est en présence d’une déclaration
aussi positive, déclaration reçue par les plénipotentiaires de
Quand des hommes se
respectent assez peu pour renier à ce point leurs propres faits et compromettre
aussi gravement la dignité nationale, ils sont indignes, je ne dirai pas de la
confiance du Roi mais de celle du pays. Que nous font les avantages que vous
nous prônez, s’ils doivent être achetés au prix d’une pareille lâcheté ! Quoi !
Il y a quelque chose
encore d’assez remarquable dans le rapport de M. Goblet ; il ajoute :
« C’est d’après ces
faits et ces considérations mûrement pesées, que le gouvernement a cru devoir
se déterminer à ne pas insister plus longtemps sur la forme de convention
spéciale qu’il avait d’abord proposé de donner à l’application de la convention
de Mayence à la navigation de
Quoi ! c’est d’après
tout ce que je viens de rapporter que le gouvernement a cru devoir se
déterminer à ne pas insister plus longtemps sur la forme de la convention !
Mais le gouvernement n’était-il pas, au contraire, dans la nécessité de suivre
les errements qu’il avait lui-même posés ? S’il se respecte aussi peu pour
renier ses propres actes, il devait tout au moins se rappeler que derrière lui
on trouve un peuple fatigué de tant d’humiliations !
Les dernières
expressions donnaient lieu de penser que le ministre aurait stipulé quelques
garanties en notre faveur ; moi-même je m’y étais laissé prendre. Eh bien ! il
n’y a aucune stipulation en notre faveur. Si, cependant : il faut être juste,
il y a quelque chose.
Jugez maintenant combien
est opportun le silence dédaigneux de nos ministres à toutes nos
interpellations. Je ne vous parlerai pas des nombreux vices
d’inconstitutionnalité dont la convention de Zonhoven est entachée ; il y a
longtemps que notre constitution n’est plus qu’une fable, il y a longtemps que
les constitutions à monarchie représentative ne sont plus, à mes yeux, qu’une
déception, un piège pour les hommes d’honneur et un appât pour les fripons.
Malheur aux peuples qui se laissent duper par ces soi-disant doctrinaires,
justement flétris de la qualification de juste milieu. A les entendre, la
royauté de Belgique, comme celle de France, avait pour caractère distinctif le
chapeau rond et le parapluie sous le bras, comme de bons et simples bourgeois.
(On rit.) Vous savez tous maintenant
ce qui en est advenu. Voilà pour l’intérieur. Si je voulais maintenant dérouler
à vos yeux le tableau de leurs turpitudes à l’extérieur, je le peindrais, ce
juste milieu, assassinant
Je ne dirai donc rien de
la constitution, car on est habitué à la violer tous les jours, et on
continuera à la violer tant que la chambre aura la faiblesse de le permettre.
Pour moi il n’y a plus de constitution, et je me considère comme délié de mon
serment dès qu’elle peut être outragée impunément ; elle est morte dès qu’elle
cesse d’être un contrat synallagmatique. Je suis persuadé que plus tard
beaucoup de Belges penseront comme moi, si l’on ne change pas de régime.
Maintenant je ne puis
m’empêcher de dire un mot sur un autre point.
Nous avions décrété une
loi dans l’unique but de permettre l’entrée de notre territoire à des amis, aux
troupes françaises et à quelques vaisseaux anglais, et l’on vient prétendre
qu’elle autorise aussi l’entrée de nos ennemis. Ainsi donc, s’il pouvait
convenir à un ministre quelconque (je ne désigne personne) de faire usage de
cette disposition pour laisser, sous un prétexte frivole, l’armée hollandaise
arriver en Belgique, il le pourrait ! Lorsque le pays envahi aurait succombé,
il serait trop tard ; on demanderait en vain l’exécution de la loi fondamentale
; ou bien, si nous avions encore le bonheur, comme au mois de mars 1831, de
confondre les traîtres et de repousser l’ennemi, nous n’aurions pas la faculté
de mettre en accusation le ministre, car il dirait : La loi du mois d’octobre
1831 permettait le passage des Hollandais sur notre territoire ; seulement il
en ont abusé contre mes prévisions. Je regardais cette simple promenade comme
une nécessité résultant de notre position, comme l’exercice d’une servitude de
passage, vers le Luxembourg par exemple. Mais ces troupes, au nombre de 25 ou
30,000 hommes, que le roi Guillaume envoyait dans le Luxembourg, se sont
arrêtées en route ; et vous ne pourriez point prononcer une condamnation. Voilà
pourtant les conséquences absurdes du système du ministère. Je désespère de
recevoir jamais rien de bon d’hommes qui savent se faire de telles illusions
sur le sens de lois aussi positives.
Mais, objecte-t-on, la
déclaration qu’adressèrent le 14 septembre les plénipotentiaires hollandais à
Lord Palmerston, représentant de
Les plénipotentiaires de
ces deux puissances ont trouvé la déclaration insuffisante, et cependant nos
grands diplomates ont eu la prétention de nous faire croire que nous avions là
des garanties.
Cette fameuse note qui,
au dire de nos diplomates, constitue notre titre vis-à-vis de
Un autre orateur a dit :
Il n’y avait pas besoin de stipulation pour la navigation de
Mais s’il en était
ainsi, si par le droit des gens
Des stipulations
nouvelles dans la convention de Zonhoven n’étaient pas seulement inutiles, mais
elles étaient dangereuses, puisqu’elles pouvaient être révoquées avec la
convention. C’est ainsi que s’est exprimé, je ne dirai pas le ministère mais le
secrétaire-général du ministère des affaires étrangères, à qui je réponds en sa
qualité de député : Mais, s’il y avait du danger à introduire dans la
convention de Zonhoven des stipulations au sujet de la navigation sur
Quant au droit de
communication de
Il est vraiment étrange
d’entendre rappeler sans cesse cette époque où il n’a été conclu qu’une simple
suspension d’armes qui devait cesser bientôt après, et dont on abuse
étrangement en toute occasion.
L’orateur s’est bien
gardé de vous dire que cette suspension d’armes éphémère avait été remplacée
par l’armistice du 15 décembre 1830 ; il s’est bien gardé de vous dire que l’un
et l’autre avaient fait place à l’état de guerre au mois d’août 1831. il a
passé sous silence l’armistice de six semaines qui a été conclu au mois d’août
1831 et a expiré en octobre. Enfin, messieurs, il s’est bien gardé de vous dire
qu’au 21 mai, toutes les conventions antérieures avaient été remplacées par
l’armistice indéfini, qu’on vous a vanté comme un des résultats heureux du
traité du 21 mai 1833.
Mais si la suspension
d’armes du 21 novembre 1830 était indéfinie, si elle subsiste encore, et si
elle a pu servir de base aux stipulations de Zonhoven, pourquoi avez-vous
stipulé un nouvel armistice au 21 mai 1833 ; pourquoi nous vantiez-vous tant ce
résultat que vous disiez immense. Vous voyez bien encore une fois que vous
n’êtes jamais d’accord avec vous-même, et toutes vos tergiversations ne
prouvent que trop l’embarras et l’impuissance où vous êtes de justifier le
ministère. Il est du reste de ces armistices temporaires ou indéfinis, comme de
ces traités que vous avez qualifiés si souvent de définitifs et irrévocables,
qui sont modifiés à chaque instant et ne vous mènent à rien, si ce n’est à
multiplier nos embarras et nos dégoûts et à nous rendre moins énergique de jour
en jour.
Je croirai, messieurs,
abuser de vos moments, si j’entrais dans de longs développements ; moi-même je
me sens fatigué et presque découragé ; j’éprouve le besoin d’arriver bientôt au
terme ; je veux donc qu’il soit bien entendu que nous ne voulons en aucune
manière approuver la convention de Zonhoven. Mais nous voulons en même temps
que la nation sache que nous savons apprécier les avantages de la navigation de
On a parlé de bonne foi et
de loyauté. Je rends hommage à la bonne foi et à la loyauté de celui qui les a
invoquées. Mais je dis que la bonne foi et la loyauté doivent être réciproques
; sans cela il n’y a plus que duperie.
Compter sur ces
sentiments de la part de
Je conclus de tout ceci,
messieurs, qu’il y a eu faiblesse et ignorance d’une part, et trop de candeur
de l’autre, mais aucune de ces considérations ne peut justifier des hommes
d’Etat de pareille faute. Si la bonne foi et la loyauté me portent à excuser
l’un plutôt que l’autre, il n’est pas moins vrai de dire que tous ont manqué à
leur devoir, que tous ont fait une faute irréparable, car ils ont violé la
constitution, ils ont négligé l’occasion de prendre vis-à-vis de
Je le déclare,
messieurs, je suis navré et humilié, et c’est probablement pour la dernière
fois que je parle sur la diplomatie. Je n’ai pas perdu courage aussi longtemps
que j’ai eu l’espoir d’arrêter le mal et de faire quelque bien pour mon pays ;
il n’a plus rien à perdre aujourd’hui. J’ai la conviction que l’on agit ici
comme en France, comme en Hollande, dans des intérêts de caste et de dynastie.
Ici, comme en France et comme en Hollande, on a trompé le peuple pour
l’amour-propre des uns et l’intérêt des autres ; et vous, messieurs, les
royalistes quand même, vous doctrinaires ou juste milieu, croyez-vous agir dans
l’intérêt de vos idoles, en les couvrant de honte et en les traînant à la
frontière de
Ces deux dynasties se
trouveraient grandes et fortes si elles ne consultaient que les intérêts et
l’honorable susceptibilité du peuple ; si elles se reposaient sur son énergie
et sa volonté, elles verraient que le seul moyen de se maintenir est
d’intéresser les sympathies nationales ; car alors il serait de l’honneur et du
devoir des citoyens de faire respecter la dignité du chef de l’Etat. (Très bien ! très bien ! Plusieurs membres
viennent féliciter l’orateur.)
- La séance est levée.
Il est près de 5 heures.