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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 1 mars 1833

(Moniteur belge n°62, du 3 mars 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A une heure un quart, M. de Renesse fait l’appel nominal.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse de quelques pétitions adressées à la chambre. Elles sont renvoyées à la commission.

- Le même fait connaître la composition des bureaux dans les sections.

Projet de loi relatif à l'impôt des distilleries

Discussion des articles

Lecture de pétitions

L’ordre du jour appelle la discussion sur l’article 49 et suivants du projet de loi sur les distilleries.

M. Berger. - Je demande la parole. Messieurs, en ma qualité de rapporteur de la commission des pétitions, je me trouve nanti de deux pétitions relatives à la loi sur les distilleries ; si la chambre le veut, je lui en donnerai lecture ; de cette manière elles auront été connues assez à temps pour que nous puissions profiter des observations qu’elles contiennent. (Appuyé !appuyé !)

- M. Berger monte à la tribune ; il donne lecture d’une pétition d’un sieur Depart, distillateur, se disant délégué des distillateurs de Bruxelles, et qui demande qu’une déduction de 30 p. c. du droit soit accordee aux distilleries agricoles ; le pétitionnaire s’efforce de démontrer que, sans cette diminution, les grandes distilleries qui travaillent à la vapeur doivent nécessairement ruiner les petites.

A la lecture de cette pétition, M. Berger fait succéder celle de huit distillateurs de Louvain qui représentent que la loi leur portera un grand préjudice par la diminution du prix des eaux-de-vie qui en sera la suite, attendu qu’ils ont une grande quantité de liqueurs spiritueuses en magasin, et qu’ils seront réduits à les vendre avec une grande perte.

Vous voyez, messieurs, que la dernière pétition tend à obtenir la restitution du droit, ou un délai pour la mise à exécution de la loi, afin de permettre l’écoulement des produits en magasin.

M. Fleussu. - Je demande qu’à l’exemple de ce qu’on a ordonné hier pour une autre pétition, les deux qu’on vient de nous lire restent déposées sur le bureau pendant la discussion.

M. A. Rodenbach. - Il y en a une en nom collectif, si je ne me trompe, et cela n’est pas trop constitutionnel ; c’est, je crois, la pétition du distillateur de Bruxelles.

M. Berger. - Le pétitionnaire parle d’abord en son nom, et ensuite comme délégué des distillateurs de Bruxelles. La pétition serait toujours bonne quant à lui.

Article 49, paragraphes 1 et 9

M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, les deux pétitions seront déposées au bureau des renseignements, et elles resteront sur le bureau pendant la discussion.

Nous allons maintenant reprendre la discussion de l’article 49 du projet.

Voici les termes du premier paragraphe :

« Art. 49. Seront punis, comme contraventions, les faits ci-après détaillés, et leurs auteurs encourront les peines suivantes, savoir :

« 1° Pour l’absence de l’écriteau à l’une des issues de l’usine, s’il n’est pas apposé dans les deux fois 24 heures après un premier avertissement, par écrit, donné par le receveur des accises du ressort, une amende de 10 fr. »

Sur ce paragraphe, il y a deux amendements : un de M. le ministre des finances ; il est ainsi conçu :

« Seront punis comme contraventions les faits ci-après détaillés, et leurs auteurs encourront les peines qui suivent : les distillateurs sont responsables des contraventions commises dans leurs usines ; les propriétaires ou locataires le sont des contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent, savoir :

« 1° Pour l’absence, etc. »

Il y a un autre amendement de M. A. Rodenbach, qui consiste à ajouter après les mots « donné par le receveur des accises du ressort, » ceux-ci : « ainsi que pour l’absence d’une sonnette à l’entrée principale de l’établissement. »

M. A. Rodenbach. - Cet amendement a été développé hier ; je demanderai seulement la parole pour répondre à l’observation faite hier par M. d’Huart. L’honorable membre a fait observer qu’il y aurait une lacune dans la loi, et qu’un distillateur pourrait ne pas poser de sonnette à sa porte pendant deux fois 24 heures, par exemple, et faire la fraude pendant ce temps ; pour obvier à cet inconvénient, j’ai proposé un amendement au paragraphe 9 de l’article en discussion.

M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. Rodenbach au paragraphe 9 : « Il y a refus d’exercice, lorsqu’il n’y a pas de sonnette à la porte et lorsqu’on n’ouvre pas aux employés, etc. »

M. Verdussen. - L’observation faite par M. d’Huart est très fondée. Mais, pour obvier l’inconvénient qu’il a signalé, il suffirait de transporter à la fin de l’article l’amendement de M. Rodenbach, de sorte qu’on pourrait dire : « pour l’absence de l’écriteau, s’il n’en est pas apposé dans les deux fois 24 heures après un premier avertissement par écrit, ainsi que pour l’absence d’une sonnette à l’entrée principale de l’établissement, une amende de 10 fr. » Car, d’après l’observation de M. d’Huart, il semblerait qu’un avertissement serait nécessaire deux fois 24 heures à l’avance pour l’apposition de la sonnette, et avec ma rédaction l’inconvénient cesse.

M. A. Rodenbach. - Je me rallie à cet amendement.

M. de Brouckere. - Messieurs, cette disposition, qui, au premier abord, paraît de peu d’importance, mérite cependant toute votre attention ; cette proposition est inadmissible, et j’explique pourquoi.

On punit, dans certains cas, d’une amende de 100 fr. le refus d’exercice : d’après l’amendement, l’absence de la sonnette n’étant punie que d’une amende de 10 fr., il s’ensuit que jamais on ne trouvera à appliquer l’amende de 100 fr., parce que, quand je voudrai refuser l’exercice aux employés, j’enlèverai la sonnette, et alors je n’encourrai que l’amende de 10 fr.

On avait d’abord proposé de regarder comme refus d’exercice l’absence de la sonnette, mais cela est inadmissible parce qu’il pourrait arriver que la sonnette fût enlevée à l’insu et sans la participation du distillateur, et, en ce cas, il ne serait pas juste de lui appliquer une forte peine pour un fait qui n’est pas le sien. Je rédigerais donc l’amendement dans ce sens ; j’obligerais à mettre une sonnette sous peine d’une amende de 10 fr., et ensuite je dirais qu’il y aurait refus d’exercice si on n’ouvrait pas aux employés après qu’ils auraient sonné et subsidiairement frappé trois fois à la porte, avec un intervalle de trois minutes entre chaque fois. Je pense que M. le ministre des finances et les auteurs des amendements trouveront que c’est là le meilleur moyen de lever la difficulté.

M. de Muelenaere. - Hier il avait été convenu que M. le ministre des finances ferait aujourd’hui une proposition analogue.

M. de Brouckere. - Je l’ignorais.

M. de Muelenaere. - C’était dans un entretien particulier.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’honorable M. de Muelenaere est en effet venu m’entretenir hier de l’inconvénient qui existe dans l’article, et je l’ai reconnu comme lui. Il ne suffit pas en effet que la sonnette manque pour qu’il y ait de la part du distillateur intention coupable ; car d’un moment à l’autre une sonnette peut être mise hors d’usage, sans que ce soit le fait du maître de l’usine. Il faut donc qu’il y ait constamment un autre moyen de constater d’une autre manière la présence des employés à la porte. Sous ce rapport, l’amendement de M. de Brouckere me semble réunir toutes les conditions désirables.

M. de Brouckere. - Voici donc comment il faut s’y prendre puisqu’on approuve mon amendement. Il faut adopter au paragraphe premier l’amendement de M. Rodenbach, et ensuite je m’occuperai de rédiger le mien pour l’adapter au paragraphe 9.

M. A. Rodenbach. - Je suis totalement d’accord avec le préopinant. Aussi j’ai déjà fait un amendement au n°9, qui est tout à fait dans le même sens ; il est déposé sur le bureau ; le préopinant pourrait le lire, et nous verrions si nous sommes d’accord.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Rodenbach : « Il y aura refus d’exercice lorsqu’il y aura absence de sonnette. »

M. de Brouckere. - Non ! non ! ce n’est pas la même chose. Nous ne sommes pas d’accord, parce qu’on pourrait enlever la sonnette sans la participation du distillateur, et il ne peut être présumé pour cela avoir refusé l’exercice. La rédaction ne va pas.

M. A. Rodenbach. - Comment est la vôtre ?

M. de Brouckere. - La voici :

« L’absence de sonnette, qui peut être le fait d’un tiers ou le résultat de la négligence, sera punie d’une amende de 10 fr. »

Mais quand la sonnette sera absente, je ne veux pas, par ce seul fait, qu’il y ait refus d’exercice, et je veux qu’on supplée à la sonnette en frappant trois fois à la porte.

M. A. Rodenbach. - Je me rallie à cet amendement, et je retire le mien.

M. le président. - Voici un autre amendement, qui est proposé par M. Julien. Il consiste à ajouter au n°9 les mots suivants : « ou que, par tout autre moyen ou voie de fait, on s’oppose à l’exercice des employés. »

M. Jullien. - Messieurs, il me semble nécessaire d’ajouter au dernier paragraphe du n°9 de l’article 49 l’amendement que je propose, et quel que soit le sort de l’amendement relatif à la sonnette.

L’article dit en effet : « Il y a refus d’exercice, lorsqu’on n’ouvre pas aux employés après qu’ils auront sonné à trois reprises, chaque fois avec un intervalle de trois minutes. » Ainsi, lorsque vous ouvrez aux employés, après qu’ils ont sonné trois fois, vous avez satisfait à la loi. Mais il arrive fréquemment, lorsque les employés sont entrés dans l’usine, qu’on leur ferme telle ou telle partie du local, ou que par voies de fait on s’oppose à leur exercice. Ce cas n’est pas prévu dans la loi ; il faut cependant qu’il le soit. Car il peut arriver qu’ayant visité diverses parties du local, et ayant trouvé tout en règle, il en reste encore une ou plusieurs où ils découvriraient la fraude. Mais si, pour pénétrer là, ils rencontrent de l’opposition, il y a refus d’exercice, à moins de supposer que les employés puissent et doivent répondre aux voies de fait par des voies de fait.

M. de Muelenaere. - Il me semble qu’on anticipe à tort sur la discussion du paragraphe 9. Vous avez déjà décidé que les distillateurs seraient obligés de placer un écriteau sur leur porte, ainsi qu’une sonnette ; maintenant vous voulez établir une pénalité contre ceux qui n’auraient pas rempli l’une ou l’autre de ces formalités. L’amende proposée pour cela est de 10 fr. C’est dans ce premier paragraphe que vous devez insérer cette disposition. Quand ensuite viendra la discussion sur le n°9, vous vous occuperez du refus d’exercice, et c’est alors que pourront trouver place les observations faites hier par M. de Brouckere et par moi, ainsi que l’amendement de M. Jullien. Il y a une lacune à remplir, cela est vrai ; mais ce n’est pas au premier paragraphe qu’on peut le faire, et en ce moment il il s’agit que de celui-là.

- L’amendement de M. Rodenbach sur le premier paragraphe est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe premier ainsi amendé est ensuite adopté.

Article 49, paragraphe 2

Le paragraphe 2 est ainsi conçu :

« 2° Pour la non-reproduction ou le déplacement d’une cuve à macération, ou l’emploi d’une cuve ne portant pas la marque prescrite, une amende d’un franc par hectolitre de la capacité du vaisseau. »

- Ce paragraphe est adopté sans discussion.

Article 49, paragraphe 3

On passe au paragraphe 3, ainsi conçu :

« 3° Pour toute vente, cession ou prêt d’ustensiles, sans déclaration, et pour la non-représentation de l’ampliation, une amende de 25 francs contre le vendeur, prêteur, ou cessionnaire. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) propose d’ajouter : « la non-représentation de l’ampliation de la déclaration de travail, d'une amende de 100 fr. »

Messieurs, dit-il, la non-représentation d’une déclaration ne mentionne dans ce paragraphe 3 que celle de vente, cession ou prêt d’ustensiles, mais non celle d’une déclaration des travaux qu’il importe d’y mentionner.

La déclaration des travaux étant la base du droit et le seul moyen immédiat de surveillance et de confrontation, lors de la visite des employés, il faut de toute nécessité affecter à la non-représentation de cette ampliation une amende convenable et plus élevée que celle prononcée pour le cas moins grave du paragraphe 3.

M. Brabant. - Messieurs, il est impossible de considérer comme une contravention la non-représentation de l’ampliation de la déclaration des travaux. Qu’est-ce qui constitue la fraude, en effet en matière de distilleries ? Ce sont les travaux clandestins faits au préjudice du trésor. Mais quand la déclaration des travaux est faite, c’est tout ce qu’il faut. Peu importe que vous l’approuviez ou non ; quand les employés se présenteront, ils sauront bien toujours si une déclaration a été faite. Cependant, comme il peut y avoir pour l’administration quelque intérêt, que je ne connais pas, à l’accomplissement de la formalité, je consens à ce qu’on prononce une amende de 10 fr.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Sous toutes les législations qui ont régi les distilleries et les brasseries, car sous ce rapport il y a entre les unes et les autres analogie parfaite, les employés ont toujours dû réclamer l’ampliation et la déclaration des travaux pour constater l’état des travaux ; cette exhibition peut les mettre sur la voie d’opérations frauduleuses qui, sans cela, resteraient inconnues. Il y a donc lieu d’ordonner la représentation de cette ampliation.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, je pense que le fait de la non-représentation de cette ampliation doit être puni ; mais l’amende de 100 fr. me paraît un peu forte.

Voici l’abus qui pourrait résulter de la non-représentation. Les employés se présentent dans une usine ; ils trouvent en macération une quantité de 2 cuves différentes. Si la déclaration n’est pas sous leurs yeux, ils ne peuvent pas s’assurer si le distillateur n’emploie pas un grand nombre de cuves ou d’autres que celles déclarées, et c’est pour cela qu’il faut obliger à représenter la déclaration. Vous voyez que ce n’est pas la non-représentation en soi qui constitue la fraude, mais elle peut la cacher, ou du moins empêcher les employés de la découvrir. La commission avait proposé une amende de 25 fr. ; l’honorable M. Brabant propose de la réduire à 10 ; je crois que cela suffirait. Je crois aussi qu’il faut mettre dans le paragraphe le mot « cédant, » au lieu de « cessionnaire. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - J’ajouterai encore une considération à celle que j’ai présentée. Je suppose les employés en course depuis le matin ; ils finissent tard leur tournée et arrivent le soir dans une usine. Dans l’intervalle le distillateur peut avoir fait une déclaration. A leur départ ils ne pouvaient en avoir connaissance, et, au moyen de l’ampliation, ils peuvent constater si tout se fait conformément à la déclaration.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement, et ensuite le sous-amendement de M. Brabant.

- Plusieurs voix. - Il y a aussi l’amende de 25 fr. proposée par la commission.

M. Brabant. - Je me rallie au projet.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je m’y rallie aussi.

- Plusieurs voix.- Il n’y a plus de difficultés.

M. Jonet. - Il me semble que l’observation de M. Brabant était bien fondée. Il est possible qu’une déclaration faite ait été égarée par le distillateur ; irez-vous le punir d’une amende pour une perte dont il n’est pas la cause ? Cela n’est pas juste. Les employés ont la déclaration, ils ont toujours le moyen de constater si les travaux y sont conformes.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Si un pareil cas se présentait, les employés ne seraient pas dispensés d’en dresser procès-verbal. Le procès-verbal doit toujours avoir lieu ; mais il ne faut pas croire pour cela que l’administration ou les tribunaux, car maintenant les tribunaux seront appelés à prononcer, appliquent la peine lorsqu’un distillateur, par des circonstances indépendantes de sa volonté, ne pourra pas représenter la déclaration.

M. le président. - Quelqu’un appuie-t-il l’amendement de M. Jonet.

- Plusieurs voix. - Il n’en a pas proposé.

M. Jonet. - J’ai proposé qu’il n’y eût pas d’amende du tout.

- La proposition de M. Jonet est mise aux voix et rejetée.

M. Donny propose un amendement qu’il retire aussitôt.

Le paragraphe 3 est adopté en ces termes :

« Pour toute vente, cession ou prêt d’ustensiles, sans déclaration, et pour la non-représentation de l’ampliation de la déclaration des travaux, une amende de 25 francs contre le vendeur, prêteur, ou cédant ou distillateur. »

Article 49, paragraphes 4 à 7

« 4° Pour dépôt non déclaré d’un alambic, d’un chapiteau ou d’un serpentin, et pour tout essai de fausser, par des voies clandestines, le résultat d’un épalement, une amende de 100 francs. »

- Ce paragraphe est adopté sans contestation.


« 5° Pour le bris ou l’altération des scellés apposés sur des ustensiles de distillerie ; pour la non-reproduction d’une des pièces scellées, une amende de 100 à 200 francs. »

- Adopté sans discussion.


« 6° Pour dépôt clandestin d’un appareil de distillerie en non-activité, une amendé de 200 francs avec confiscation de tous les ustensiles. »

- Adopté.


« 7° Pour dépôt de hausses mobiles chez un distillateur, une amende de 20 francs par pièce. »

- Adopté.

Article 49, paragraphe 8

« 8° Pour l’emploi de hausses mobiles et d’ustensiles semblables, ou de tout corps solide ayant l’effet d’augmenter la capacité des cuves à macération, une amende de 10 francs par hectolitre de la capacité de la cuve ainsi agrandie.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il faudrait mettre, après les mots « cuves à macération, » ceux-ci : « et pour contravention à l’article 14, § 6. »

On a ajouté les cuves de réunion et la cuve de vitesse aux ustensiles à l’aide desquels on peut frauder.

M. d’Elhoungne. - Le ministre a présenté un amendement spécial sur cet objet, on pourra y revenir.

M. le président. - Nous y reviendrons.

Le paragraphe 8 est adopté.

Article 49, paragraphe 9

« 9° Pour refus d’exercice, une amende ainsi graduée :

« De 20 à 50 hectolitres, 200 francs ;

« Pour 50 à 100 hectolitres, 300 francs ;

« Et pour plus de 100 hectolitres, 400 francs.

« Il y a refus d’exercice lorsqu’on n’ouvre pas aux employés après qu’ils auront sonné a trois reprises, chaque fois avec un intervalle de trois minutes. »

M. le président. - Il y a plusieurs amendements présentés sur ce paragraphe. M. de Brouckere propose la rédaction suivante du dernier alinéa :

« Il y a refus d’exercice lorsqu’on n’ouvre pas aux employés après qu’ils auront sonné, ou, en l’absence d’une sonnette, frappé à trois reprises, chaque fois avec un intervalle de trois minutes. »

Une addition à cet alinéa est proposée par M. Jullien. La voici :

« Ou que, par tout autre moyen ou par voies de fait, on s’oppose à l’exercice des employés. »

Enfin, M. Helias d’Huddeghem propose cette autre addition :

« Néanmoins, les employés ne sont autorisés à faire des visites avant le lever et après le coucher du soleil, qu’accompagnés d’un membre de l’autorité locale. »

M. Helias d’Huddeghem. - La disposition que je vous soumets est prise dans la législation de 1814. Cette législation exigeait que le juge de paix ou un membre de l’autorité municipale accompagnât les employés quand le jour avait cessé ou n’était pas commencé. Comme la loi actuelle a pour but de faire cesser les vexations, vous ne manquerez pas de rétablir cette disposition. A la campagne, la prudence réclame de ne pas permettre l’entrée du domicile des citoyens la nuit, sans qu’aucune autorité locale soit présente ; les employés souvent ne sont pas connus. Mon amendement est fondé sur l’équité et l’inviolabilité du domicile.

M. de Brouckere. - Je ne pense pas que l’amendement puisse être adopté ; et s’il fallait prouver qu’il est sans fondement, je trouverais cette preuve dans le développement que vient de présenter l’honorable membre.

Notre loi a pour but de faire fleurir les distilleries ; mais je ne vois pas que les distilleries fleuriraient davantage s’il y avait trois personnes au lieu de deux pour rechercher la fraude. Il n’y a pas de vexation quand un employé vient remplir des fonctions que lui donne la loi. Il faut que les distilleries soient accessibles aux employés et jour et nuit ; il pourrait convenir à un magistrat de l’autorité communale de ne pas vouloir se lever ; il pourrait se faire qu’il demeurât à une lieue de la distillerie ; si les employés étaient obligés de parcourir deux lieues avant d’entrer dans l’usine, on rendrait impossible la constatation de la fraude pendant la nuit. Ne rendons pas toute surveillance impossible quand nous faisons une loi favorable aux distilleries.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Le rejet de l’amendement repose en effet sur les hautes raisons que vient de faire valoir l’honorable orateur. Il ne s’agit pas de domicile dans la question présente ; il s’agit des usines, et les employés de l’administration doivent pouvoir à toute heure pénétrer dans les usines, il est plus nécessaire que les employés puissent y pénétrer, parce que dans aucun pays il n’y a eu de loi plus généreuse.

J’espère que par ces considérations la chambre voudra bien maintenir la rédaction de la loi.

M. de Muelenaere. - Si la proposition faite par M. Helias d’Huddeghem pouvait avoir la sanction de l’assemblée, il vaudrait mieux supprimer le paragraphe qui porte une peine contre le refus de l’exercice. Il est impossible qu’un bourgmestre ou un échevin se lève pendant la nuit pour courir avec les employés. Vous avez fait une loi souverainement libérale, tout à l’avantage des distillateurs ; vous avez acquis par là le droit de proscrire impitoyablement la fraude.

M. Helias d’Huddeghem. - J’avoue que la loi est libérale. L’amendement que je propose m’a été suggéré par l’expérience. J’ai été dans le cas de voir des employés traduits devant les tribunaux pour avoir constaté un délit, une fraude, alors même qu’ils ne s’étaient pas rendus sur les lieux. S’ils avaient été accompagnés d’un commissaire de police, ou d’un agent municipal, pareil scandale n’aurait pas été porté devant les tribunaux.

M. de Brouckere. - Il faudrait exiger que les employés fussent accompagnés le jour comme la nuit.

M. Helias d’Huddeghem. - Je retire mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Si j’ai bien compris l’amendement de l’honorable M. Jullien, je crois qu’il est pourvu au but qu’il se propose par un article de la loi générale. La loi que nous faisons renvoie, pour une foule de circonstances, à cette loi générale pour tous les cas qu’elle n’abrogera pas.

L’amendement prévoit le cas où les employés, éprouveraient des difficultés pour parcourir l’usine ; l’article 324 de la loi générale dispose pour les empêchements, les voies de fait que les employés subiraient.

M. Jullien. - Le ministre reconnaît la nécessité de mon amendement, si la loi générale n’a pas prévu le cas dont il s’agit ; mais quoique la loi générale parle de cette circonstance, il existera doute pour les tribunaux. C’est une loi spéciale que nous faisons. La question qui se présentera devant les tribunaux, et qui, selon moi, sera douteuse, sera de savoir si la disposition est démonstrative ou limitative ; si elle est limitative, il n’y aura pas pénalité. Dans le cas où le distillateur aura ouvert ses portes, si dans l’intérieur il refuse la visite des chaudières, des cuves, et s’il a recours aux voies de fait, on ne pourrait infliger aucune peine. Il y a nécessité d’ajouter mon amendement, ou bien de dire que pour tous les autres cas on s’en réfère à la loi générale.

M. d’Elhoungne. - Je proposerai de commencer l’alinéa par ces mots : « Indépendamment des cas prévus par la loi générale, il y a refus d’exercice, etc. » (Bien ! bien !)

- L’amendement de M. d'Elhoungne est adopté.

La rédaction proposée par M. de Brouckere est adoptée.

Le paragraphe 9 ainsi amendé est adopté.

Article 49, paragraphe 10

« 10° Pour avoir, sans déclaration préalable, démonté, réparé ou autrement changé, au préjudice du trésor, la capacité des cuves à macération ; pour avoir substitué aux cuves épalées d’autres de plus grande dimension, une amende égale au quintuple du droit à percevoir pour l’emploi de ces vaisseaux pendant un travail de 15 jours, sans que l’amende puisse excéder 600 fr. »

M. d’Elhoungne. - La commission, après un nouvel examen demande la suppression des derniers mots « sans que l’amende puisse excéder 600 fr. » Si on limite l’amende, la réduction ne serait accordée qu’aux grands fraudeurs, que surtout il faut frapper.

M. de Robiano de Borsbeek. - Dans les cas ordinaires de fraude, il y a transaction, parce que les amendes sont si fortes qu’on n’ose pas appliquer rigoureusement les lois. Les lois les plus sévères sont les plus mal exécutées ; c’est ce qui a lieu en Angleterre. Je crains que nous n’établissions des amendes trop fortes.

M. Brabant. - La peine doit être en proportion de l’avantage que l’on retire du délit ; un grand distillateur profite plus par la fraude qu’un petit. Cette proportion cesserait d’exister si l’on ne supprimait pas les derniers mots du paragraphe.

Quant à ce que vient de faire observer M. de Robiano, je lui dirai que nous avons mis dans la loi que l’administration ne pouvait transiger sur les amendes encourues pour contraventions.

M. de Robiano de Borsbeek. - C’est précisément parce qu’on ne peut plus transiger qu’il ne faut pas que l’amende soit trop forte.

M. d’Elhoungne. - Les amendes ne seront pas à un taux exorbitant. C’est au paragraphe suivant qu’elles pourraient s’élever jusqu’à 8 mille francs. Quand nous en serons à ce paragraphe, il y aura peut-être à prendre en considération les observations de l’honorable membre.

M. de Muelenaere. - Il me semble que dans une loi semblable à celle que nous venons de faire, les amendes ne sauraient être trop fortes.

- La suppression des derniers mots, proposée parM. d'Elhoungne, est adoptée.

Le paragraphe 10 est également adopté.

Article 49, paragraphe 11

« 11° Pour tout travail de distillation et de rectification des matières fermentescibles sans déclaration ; pour tout dépôt de matières macérées chez un bouilleur ou un distillateur, ailleurs que dans les cuves à macération déclarées, ou leur introduction du dehors dans l’usine ; enfin, pour tout fait ayant pour résultat de soustraire à l’impôt la matière imposée, une amende égale au quintuple du droit qui serait dû en raison des vaisseaux de l’usine pour un travail de 15 jours, sans que l’amende puisse excéder 1,000 fr.

« L’amende sera double lorsque les faits se passent dans un lieu non déclaré. »

M. d’Elhoungne. - La commission propose la suppression des mots : « sans que l’amende puisse excéder 1,000 fr. »

Pour une cuve très petite l’amende sera de 67 fr. ; pour 18 cuves à 20 hectolitres, elle sera de 4,860 fr. Elle peut être double lorsque les cuves à macération sont dans un lieu clandestin.

M. Jullien. - Messieurs, la rédaction de la fin de ce paragraphe laisse quelques doutes dans mon esprit : « en raison des vaisseaux de l’usine » est une expression qui n’est pas assez précise. Est-ce en raison des vaisseaux qui sont dans l’usine, ou en raison des vaisseaux qui servent à l’usine ; car on peut avoir beaucoup de vaisseaux hors de l’usine, et qui cependant servent aux opérations de l’entreprise. Si vous ne frappez que les cuves qui sont dans l’usine, on pourrait en avoir 30 au-dehors qui rapporteraient davantage que les amendes frappées sur celles qu’on laisserait dedans.

« Les vaisseaux de l’usine, » si cela ne peut s’appliquer qu’aux vaisseaux qui sont dans l’usine, et non à ceux qui sont dehors.

Autant on doit dans les lois protection au commerce loyal, autant on doit sévir contre la fraude, surtout lorsque les droits sont faibles. S’il s’agissant de droits exorbitants comme sous l’ancien système, je conçois qu’il faudrait être moins rigoureux. Mais quand le droit est minime, le fabricant doit être loyal ; s’il fraude, il faut qu’il paie.

M. d’Elhoungne. - L’intention de la loi est que tous les vaisseaux qui serviront à faire fermenter les matières, soient pris pour bases des amendes. Pour lever tout doute, il n’y a qu’à mettre : « en raison des vaisseaux employés à l’usine. »

Il faut supprimer la fraude par tous les moyens possibles ; cependant, quand il s’agit d’infliger des amendes de 10,000 fr., il faut y regarder à deux fois.

La contrebande est toujours un délit artificiel ; celui qui le commet, si la nécessité n’avait pas forcé le gouvernement à asseoir l’impôt, aurait respecté dans toute leur rigueur les préceptes de la justice naturelle. Il faut, quand on punit de semblables délits, qu’on n’outrepasse pas la sévérité, et surtout pour des peines pécuniaires qui ne sont jamais bien proportionnelles. La même amende imposée à un homme très riche, ou à un homme mal aisé, ne fait aucun effet sur le premier, et ruine souvent le second. Bien souvent vous ne frappez pas le contribuable seulement, vous frappez encore sa femme, ses enfants.

M. Fleussu. - On peut en dire autant de toutes les peines.

M. d’Elhoungne. - Du moment où il s’agit d’amendes de 10,000 fr., il est de la sagesse de la chambre d’y regarder de près.

Rarement trouve-t-on des usines dont les cuves à macérations contiennent moins de 5 hectolitres, ce sont les usines les plus minimes ; l’amende sera de 67 fr. 50 c.

Si c’est une usine non déclarée, l’amende sera double.

Une distillerie de 10 hectolitres paiera une amende de 675 fr. ;

Une de 100 hectolitres, 1,350 fr. ;

Pour dix-huit cuves de 20 hectolitres, 4,860 fr.

M. de Brouckere. - Messieurs, je vous avoue que je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant, et, que je suis de l’avis de M. Jullien. Je crois qu’il faut supprimer les mots qui fixent le maximum de l’amende. Il faut que celui qui a pu tirer de la fraude un grand avantage, soit puni sévèrement. Voyez la criante injustice qui résulterait de la disposition du projet. Vous trouvez un distillateur en fraude. Est-ce un petit distillateur, vous lui appliquez le quintuple des droits fraudés, et vous supposez qu’il a fraudé 15 jours. Est-ce-un grand distillateur, en le frappant du quintuple du droit, vous supposez seulement qu’il a fraudé un jour et demi. Est-ce ainsi que la justice doit s’administrer ?

M. de Robiano de Borsbeek. - Je sois très peu versé dans cette matière ; mais il y a des termes généraux employés dans la loi, et qui me rendre l’application des peines trop facile. Vous dites : « pour tout fait ayant pour résultat de soustraire à l’impôt la matière imposée. » Quels sont ces faits ? Il faut les spécifier.

- Plusieurs membres. - C’est au tribunal à les apprécier.

M. Mary. - La commission a-t-elle eu l’intention d’empêcher l’entrée dans une usine de matières macérées ailleurs ? Si elle n’a pas eu cette intention, je demanderai que l’on mette : « ou leur introduction frauduleuse du dehors de l’usine. »

M. d’Elhoungne. - Il est bon d’introduire dans la loi l’adjectif « frauduleux ; » les amendes sont tellement fortes qu’elles s’élèvent à 375 fois le produit de l’impôt pour un jour.

M. Dumortier. - Il faut que les peines soient graduées, et je ne vois pas que l’on ait suivi cette marche. Le paragraphe commence par ces mots : « Pour tout travail de distillation…, » mais l’impôt est établi sur la macération ; la distillation n’est que secondaire dans le projet de loi ; on ne doit donc pas imposer une amende aussi forte sur la distillation que sur la macération. Que l’on punisse ceux qui ont des cuves clandestines, à la bonne heure ; mais on ne peut punir un petit distillateur pour avoir distillé sans déclaration. Je demande que les amendes soient proportionnelles à la contenance des cuves à macération, et la suppression des mots : « Pour tout travail de distillation. »

M. Brabant. - Quand il y a distillation sans déclaration, c’est qu’on distille des matières fermentées clandestinement. Voilà ma réponse à M. Dumortier. A l’occasion du vœu émis par l’honorable membre, je demanderai qu’on mette le mot : « matière fermentée, » au lieu du mot : « matière fermentescible. »

Quant aux scrupules de M. Mary, je lui ferai remarquer l’inutilité de son épithète « frauduleuse, » puisqu’après les mots qu’il cite, il y a ceux-ci : « enfin, pour tout fait ayant pour résultat de soustraire à l’impôt… »

M. Verdussen. - Je confesse que j’ai été touché des arguments de M. Jullien ; mais, j’ai également été touché des observations faites parM. d'Elhoungne. Je pense qu’on pourrait trouver un mezzo termine ; il faudrait mettre que le maximum de l’amende sera de 1,000 à 2,000 francs.

M. Mary. - M. Brabant n’a pas levé totalement mes scrupules. Il faut indiquer que le fait est frauduleux. Dans tous les cas, quel inconvénient peut-il résulter de l’introduction de cette qualification de frauduleuse ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - D’après les observations présentées par M. Jullien et appuyées par M. de Brouckere, je pense, messieurs, que le paragraphe doit être maintenu dans tous ses points.

Si les matières viennent du dehors, il est évident que la fraude seule a pu les introduire, et le mot « introduction » doit suffire dans la loi.

Un honorable préopinant a parlé du danger de trop élever les amendes, et M. d'Elhoungne a prouvé qu’elles pourraient monter à des sommes assez fortes ; sans partager les inquiétudes de l’honorable préopinant à cet égard, je dois lui faire remarquer que, relativement à celles qu’il a conçues à l’égard des employés, elles n’ont aucun fondement ; que les employés ne déterminent pas la quotité des amendes ; que l’appréciation des délits de contravention appartient aux tribunaux, et l’on peut s’en rapporter à l’équité des corps judiciaires.

M. Jullien. - Je prends la parole pour appuyer l’observation faite par M. Mary. En fait de pénalité, les lois doivent être claires : c’est dans l’intérêt du prévenu et de la justice.

Quel est le but de la pénalité ? De réprimer la fraude ; mais vous ne voulez atteindre que les faits de fraude. Il pourrait exister plusieurs cas qui auraient pour objet de soustraire la matière macérée à l’impôt, et qui cependant, aux yeux des juges, ne leur paraîtraient pas accompagnés de mauvaises intentions ; ils n’y reconnaîtraient que de l’inadvertance. Si vous laissez la loi telle qu’elle est, le juge sera obligé de condamner par cela seul que le délit existera, quoiqu’il n’y trouve aucune mauvaise intention ; il faut dont qualifier le fait ; c’est la manière de ne pas se tromper dans les lois pénales. Je demande que l’on dise ; « enfin, de tout fait de fraude. » Ce qui comprend tous les faits prévus et non prévus. Je crois que cette addition est nécessaire pour répondre aux vœux exprimés par plusieurs honorables orateurs, et pour que la loi soit bien interprétée par les tribunaux.

M. Dumortier. - Les réponses de M. Brabant n’ont pas détruit mon objection ; c’est sur la macération que l’impôt repose, c’est la macération qui doit être l’objet de fortes amendes.

M. Brabant. - Lisez l’article 3.

M. Dumortier. - Nous ne pouvons pas punir de la peine la plus grave l’opération à laquelle la loi n’attache aucune importance. Si, pour établir l’impôt, vous aviez combiné la macération avec la distillation, afin de contrôler l’une par l’autre, je comprendrais que la distillation pût être frappée. Mais ce serait abuser de la faculté de punir que de frapper les non-déclarations de distillation. Si vous confondez la distillation avec la macération, ce sera un motif pour revenir sur votre loi lors du second vote. On ne peut pas être puni d’une amende de 1,000 fr. pour avoir mis le feu à sa chaudière. Je demande qu’au commencement du paragraphe on mette « macération » au lieu de « distillation, » ou bien que l’on ne frappe que de faibles amendes.

M. Brabant. - A la vérité, l’appareil distillatoire ne sert pas de base pour l’assiette de l’impôt ; mais nous l’avons fait entrer dans la loi pour compter le nombre de jours de travail que l’on paie. L’article 3 vous dit ce que l’on entend par jours de travail. Le travail comprend jusqu’aux bouillées et rectifications. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)

M. Donny. - Il me paraît nécessaire de maintenir de la proportion entre les petites et les grandes contraventions. Cependant il me semble que l’amende est trop élevée.

Par ce motif, je propose de la tripler et non de la quintupler. De cette manière, une amende qui s’élèverait à 10,000 fr. ne s’élèvera plus qu’à 6,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il est réellement impossible d’attribuer l’introduction de matières du dehors d’une usine dans cette usine à d’autres intentions que des intentions frauduleuses. L’amendement de M. Jullien pare à tous les inconvénients, puisqu’il dit « tout fait de fraude. »

- La substitution du mot « fermenté » au mot « fermentescible », proposée par M. Brabant, est mise aux voix et adoptée.

M. Mary. - Je réunis mon amendement à celui de M. Jullien.

M. d’Huart. - Les motifs qui rendent inutiles l’amendement de M. Mary, rendent également inutile l’amendement de M. Jullien.

M. Mary. - Si l’amendement de M. Jullien n’est pas admis, je reprends le mien.

M. de Brouckere. - Le mot frauduleux n’ajoute rien au sens, et il peut faire naître beaucoup de difficultés devant les tribunaux. Les prévenus diront : Le fait est constant, mais cela ne suffit pas ; prouvez l’intention frauduleuse. Le mot frauduleux occasionnera mille chicanes.

- L’amendement de M. Mary, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jullien. - Le rejet de l’amendement de M. Mary rend peut-être le mien nécessaire. La loi s’exprime en termes très généraux dans le paragraphe en discussion ; dans cette généralisation, il faut voir s’il n’y aurait pas des faits qui ne seraient pas frauduleux. Je parle en homme qui s’est aperçu que dans plusieurs cas semblables les tribunaux étaient fort embarrassés.

M. Dubois. - Je demanderai qu’on mette : « tout fait frauduleux ou ayant pour résultat… »

M. Jullien. - C’est blanc bonnet, bonnet blanc !

M. Gendebien. - Tel qu’il est rédigé, l’article ne me paraît pas clair. « tout fait ayant pour résultat de soustraire… ; » entendez-vous que le fait soit consommé ? Non ; dites alors : « ayant pour résultat direct, » ou encore « qui aurait pour résultat. »

M. d’Elhoungne. - L’observation faite par M. Gendebien est juste ; il faut mettre : « qui aurait pour résultat. »

M. de Brouckere. - La rédaction de ce paragraphe est extrêmement importante On devrait dire : « tout fait devant avoir pour résultat. »

M. d’Huart. - Il faudrait dire : « pouvant soustraire à l’impôt. »

M. Jullien. - « Tendant à soustraire » vaudrait mieux.

- L’amendement de M. Jullien, mis aux voix, n’est pas adopté.

Toutes les modifications de rédaction sont rejetées.

Le paragraphe est adopté avec le seul changement proposé par M. Brabant.

M. le président se dispose à mettre aux voix l’amendement de M. Donny, tendant à substituer le mot triple au mot quintuple.

M. Donny. - Il me semble qu’il faut avant mettre aux voix la radiation proposée de la fin de l’article ; car si cette radiation était rejetée, je retirerais mon amendement.

- Cette suppression est mise aux voix et adoptée.

L’amendement de M. Donny est ensuite mis aux voix et rejeté.

M. le président. - M. d'Elhoungne a proposé, au lieu des mots « vaisseaux de l’usine, » de mettre ceux-ci « vaisseaux employés. »

M. Jonet. - Mais qu’entend-on par ces mots : « les vaisseaux » ?

M. d’Elhoungne. - On doit entendre tous les vaisseaux employés, quand on constate la fraude.

M. Jullien. - Il me semble que la rédaction serait vicieuse ; car après les mots : « vaisseaux employés » viendraient ceux-ci ; « pour un travail de 15 jours, » de sorte qu’on ne saurait pas ce que cela veut dire. Je propose de mettre : « vaisseaux employés et trouvés en contravention. »

M. A. Rodenbach. - Je proposerai cette autre rédaction : « vaisseaux déclarés et non déclarés, » qui me semble nécessaire pour la raison que je vais indiquer. Je suppose qu’un distillateur, qui a l’intention de frauder, déclare seulement 5 hectolitres ? Eh bien ! avec cela il pourra frauder 12, 15, 20 et 30 hectolitres. Lorsqu’on lui dressera procès-verbal, il ne paiera que le quintuple du droit, ce qui ne sera qu’une bagatelle, tandis qu’il aura peut-être pour 800 fr. de cuves qui n’auront pas été déclarées. C’est pour ce motif que je demande qu’on dise : « vaisseaux déclarés et non déclarés. » (Appuyé ! appuyé !)

- L’amendement de M. A. Rodenbach est mis aux voix et adopté.

Le n°11, avec tous les changements qui précèdent, est également adopté.

Article 49, paragraphe 12

Le n°12 est ensuite mis aux voix et adopté, sans discussion, en ces termes :

« 12° Pour l’anticipation de plus d’une heure des travaux déclarés, et pour leur prolongation au-delà d’une heure dans le même cas, une amende égale aux droits qui seraient dus pour un travail de deux jours. »

Article 49, paragraphe 13

On passe aux dispositions supplémentaires proposées par M. le ministre des finances.

La première, devant former le n°13, est ainsi conçue :

« Pour séjour des matières dans les cuves de réunion, lorsque les cuves à macération ne présentent pas un vide égal à leur contenu, conformément aux dispositions de l’article 14, une amende égale à celle fixée par le paragraphe 10. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’article 14 ayant été amendé relativement à l’exemption de la cuve de réunion, il faut une sanction pénale de l’obligation à laquelle cette exemption est attachée, afin d’empêcher les abus que l’on ferait de ce vaisseau.

M. d’Elhoungne. - L’addition proposée par M. le ministre est indispensable : mais un cas s'y trouve omis, c’est celui du dépôt des matières dans la cuve de vitesse hors le temps des bouillées. J’ai l’honneur de présenter une rédaction qui embrasse les deux cas, et qui est celle-ci :

« Pour dépôt des matières fermentées dans la cuve de réunion, lorsque les cuves à macération ne présentent pas un vide égal à son contenu, et pour pareil dépôt dans la cuve de vitesse hors le temps des bouillées, une amende de 10 fr. par hectolitre de capacité de la cuve ainsi employée. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) déclare se rallier à cette rédaction, qui est adoptée.

Article 49, paragraphe 14

L’autre disposition supplémentaire proposée par M. le ministre des finances, et devant former le n°14 de l’article 49, est conçue en ces termes :

« Pour toute soustraction de liquide, soit dans les entrepôts, soit lors d’exportation avec décharge des droits, une amende du quintuple droit sur le manquant, à charge de l’entrepositaire ou de l’expéditeur. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il n’y a point dans le projet, dit-il, de pénalité prévue pour le cas de soustraction de liquide dans les entrepôts ou lors d’exportation. Il faut nécessairement empêcher ce moyen de fraude par une disposition pénale.

- Cette disposition est mise aux voix et adoptée.

Enfin, l’ensemble de l’article 49 avec toutes ces modifications est également mis aux voix et adopté.

Article 50

« Art. 50. L’administration ne pourra transiger sur les contraventions aux dispositions de la présente loi. »

M. de Robiano de Borsbeek demande la parole sur cet article, et il s’exprime ainsi. - Messieurs, j’ai vu avec beaucoup de satisfaction qu’on avait, par le projet, coupé court aux transactions, système dont l’introduction a été faite dans le pays par l’ancien gouvernement. Vous vous rappellerez peut-être que lors de la discussion du budget des voies et moyens, j’ai témoigné le désir de voir disparaître ces transactions. J’avais voulu présenter une disposition générale à cet égard, mais on m’a répondu que cela ne pouvait se faire que par lois spéciales. J’avais eu en vue de régler le partage des amendes et les confiscations. La disposition qui accorde une part dans les amendes aux employés supérieurs, me semblait être avilissante en quelque sorte pour ces derniers. Je crois que des hommes qui tiennent un certain rang dans la société ne doivent pas partager les dépouilles de gens dont la faute est de s’être laissé entraîner par un mouvement de cupidité.

- Ici l’orateur entre dans des arrêtés qui ont réglé la distribution des amendes et confiscations.

Plusieurs membres lui font observer qu’avant de présenter ces développements, il faudrait faire une proposition.

M. de Robiano. - Mais j’en fait une qui tend à régler la distribution des amendes et à faire disparaître un vice de rédaction car on ne transige pas sur les contraventions à la loi, comme le porte l’article, mais sur les peines encourues pour contravention à la loi.

Je propose de rédiger l’article 50 comme suit :

« L’administration ne pourra transiger sur les peines encourues pour contraventions à la présente loi.

« Le produit des amendes et des confiscations sera réparti comme suit :

« 1° Au trésor, 40 p. c.

« 2° Aux employés saisissants, 35 p. c.

« 3° Aux contrôleurs de la localité où la contravention aura eu lieu, 8 p. c.

« 4° A la caisse de retraite, 17 p. c.

« Total, 100 p. c. »

Je crois, messieurs, que cette fixation est nécessaire dans la loi. Elle concilie les intérêts du trésor et des employés qui ont droit aux amendes et confiscations, et de cette manière on rendrait indépendants les employés supérieurs. Quant aux employés partageants, il est tout simple qu’ils n’aient pas autant que les douaniers qui exercent leur vigilance sur une ligne très étendue, et souvent au péril de leur vie ; mais leur part sera encore avantageuse, car il y aura 35 p. c. pour les employés saisissants, 8 p. c. pour les contrôleurs de la localité où aura eu lieu la contravention, et ensuite 17 p. c. revenant à la caisse de retraite qui profite à tous les employés ; ce qui fait au total 60 p. c.

- Cet amendement est appuyé.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Ce serait certainement une innovation dont je n’ai pas encore vu d’exemple, que d’introduire dans la loi un acte de répartition des amendes et confiscations. S’il était possible qu’un pareil amendement fût pris en considération, je demanderais la remise de la discussion pour qu’il soit imprimé et qu’on ait le temps de le méditer. Je regarde cette proposition comme ayant une très haute portée, et je crois qu’elle ne peut amener une solution sur-le-champ. En principe elle n’est pas admissible, car elle a pour but d’introduire dans la loi une disposition léguée au pouvoir exécutif.

M. Jullien. - Je ne m’oppose pas à ce que la délibération soit ajournée à demain ; mais je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire demain comment a été faite et comment se fait encore la répartition des amendes et confiscations. De cette manière nous serons plus à même de juger comment elle doit se faire par la suite.

M. d’Elhoungne. - Il me semble tout à fait inutile de renvoyer la discussion à demain et cela pour des raisons toutes simples que je vais déduire à la chambre.

La distribution des amendes et confiscations est dans les attributions de l’autorité exécutive, par le motif que l’organisation de l’administration financière est soumise à de fréquentes modifications, et nous ne pouvons nous mêler de cet objet.

En second lieu, il est à remarquer que l’amendement aurait pour effet de déroger à la loi générale, que ne connaît probablement l’honorable auteur de cette proposition. Il y a dans la loi générale une disposition qui porte que sur les amendes seront prélevés les droits dus en cas de fraude, lorsque le délinquant sera insolvable, de sorte qu’on fait un prélèvement sur la caisse pour payer au trésor le droit fraudé.

En troisième lieu, cet amendement établirait une différence entre les employés des accises et les employés de douanes qui ne forment qu’une seule administration, et qui ont une caisse commune.

Il résulte de tout cela que ce serait mettre la main à l’administration, déroger à la loi générale, et introduire la confusion et l’anarchie dans l’administration. Je pense que ces considérations engageront l’assemblée à ne pas sanctionner la proposition.

M. Jullien. - Je ne suis pas de l’avis de l’honorable préopinant. Lorsque l’autorité législative a le droit de déterminer les amendes et les confiscations, elle a incontestablement celui d’en régler l’emploi. Elle a droit d’examiner si ces amendes et ces confiscations ne tournent pas à la corruption des employés qui sont chargés de l’exécution de la loi ; car, messieurs, vous devez veiller avec autant de soin à l’exécution de la loi qu’à sa confection. Or, ici il est certain qu’il y a des abus dans la répartition des amendes.

Il est inconvenant que les employés supérieurs y prennent part, parce qu’exerçant en quelque sorte les fonctions de juges, ils doivent être sans intérêt. Nous devons demander à M. le ministre des finances des explications sur la manière dont se fait la distribution ; car il y a, je le répète, de graves abus à faire disparaître. C’est une chose immorale que d’intéresser pécuniairement un employé à dresser procès-verbal, et s’il était possible de faire cesser cette détestable disposition, je le proposerais tout le premier. Dans tous les cas, s’il y a des motifs pour que les employés saisissants participent aux amendes, ils n’existent pas pour les employés supérieurs. J’insiste pour que M. le ministre nous apporte demain les renseignements que je lui demande.

- De toutes parts. - A demain ! à demain !

- La séance est levée à 4 heures et un quart.