Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 25
janvier 1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative à la patente des
avocats (proposition C. Rodenbach) (A. Rodenbach)
3) Projet de loi accordant des crédits
provisoires à l’ensemble des départements pour l’année 1833 (Duvivier)
4) Vérification des pouvoirs des membres
nouvellement élus. Elections contestées de Liége (Marcellis,
de Laminne) (Nothomb, Deleeuw)
5) Proposition de loi relative aux avocats près
la cour de cassation (proposition de Brouckere) (de
Brouckere, Liedts)
6) Vérification des pouvoirs des membres
nouvellement élus. Elections contestées de Liége (Marcellis,
de Laminne) (Nothomb, Jullien, Fallon, Dumortier, Jullien, de Robiano, Pirson, Gendebien, Deleeuw, Jullien, Nothomb, Gendebien, (+périodicité des rapports de pétitions) Jullien, Deleeuw, de Theux, de Brouckere, Dubus, d’Elhoungne, Fleussu, Jaminé, Jullien,
de Theux, Gendebien, Fleussu, de Brouckere, Dumortier, Fleussu, Dumortier, Gendebien, F. de Mérode, de Theux, A. Rodenbach, Deleeuw)
7) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, à l’affectation du produit des barrières à une
route passant une ville, au corps des ponts et
chaussées, aux réparations à faire aux digues du polder
Clara dans la Flandre zélandaise et à l’écoulement des eaux dans les deux
Flandres (Dumortier, Davignon,
Dumortier, A. Rodenbach, Rogier, de Theux, Coppens, Jullien, Davignon, de Brouckere, Rogier, Coppens, Rogier),
à des demandes d’établissement de passages de bac (Gendebien,
de Brouckere, Davignon,
(+canal d’Antoing) Dubus, Gendebien,
de Brouckere, A. Rodenbach),
à une demande de pension d’un militaire ayant servi dans les Indes (Davignon, Gendebien, Jullien, A. Rodenbach, Gendebien)
(Moniteur belge
n°27, du 27 janvier 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques
fait l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques
expose sommairement l’objet des pièces adressées à la chambre. Ces pièces sont
renvoyées à la commission des pétitions.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A LA PATENTE DES AVOCATS
M. A. Rodenbach demande la parole pour une motion d’ordre. - Dans une précédente
séance, dit-il, vous avez décidé qu’aujourd’hui l’on s’occuperait de la prise
en considération de la proposition faite par M. C. Rodenbach, relativement à la
patente des avocats ; mais l’auteur de la proposition est forcé de s’absenter
pour donner ses soins à un membre de sa famille : il m’a prié de réclamer de
l’assemblée l’ajournement de la prise en considération, de renvoyer cette
discussion au vendredi 1er février.
- La chambre fait droit à la réclamation.
________________
M. Van Hoobrouck demande que la chambre s’occupe de la pétition relative aux
wateringues.
Plusieurs membres.
- C’est à l’ordre du jour !
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS PROVISOIRES POUR
L’ANNEE 1833
M. le président.
- La parole est à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs,
le gouvernement avait espéré pouvoir éviter de recourir aux crédits provisoires
; mais au retard apporté dans l’impression des comptes que vous désiriez
connaître avant de vous occuper du budget, est venu se joindre celui occasionné
par la vacance des chambres. La discussion de quelques lois d’un intérêt
urgent, dont le vote doit précéder celui du budget, pourrait reculer l’adoption
de ce dernier jusqu’au milieu du mois de mars, et la marche de l’administration
en serait entravée contrairement aux intérêts du pays.
C’est ce motif impérieux qui nous a engagés à venir vous
demander d’autoriser les dépenses du premier trimestre de cette année, dans les
limites que trace le projet de loi dont je vais avoir l’honneur de vous donner
lecture.
Il est quelques services qui pourraient supporter un
plus long retard ; mais il en est d’autres qui commandent impérieusement
l’ouverture de crédits : tels sont les prisons, les établissements de
bienfaisance, les fournisseurs, les employés à petits salaires, etc., etc.
Le gouvernement a pensé qu’il valait mieux vous
présenter un travail d’ensemble, afin de laisser à la législature toute
latitude pour l’examen d’un objet aussi important que le budget définitif et
afin qu’il pût ne former qu’une seule loi, conformément à la constitution et
aux règles d’une bonne comptabilité.
Les crédits qui vous sont demandés sont en général du
quart du montant des budgets qui vous ont été présentés.
Il n’était pas possible de prendre, pour point de
départ, les budgets votés l’an dernier, parce que deux ministères ont subi des
variations d’attributions : celui de la justice a reçu des accroissements de
dépenses qui sont le résultat de la loi sur l’organisation judiciaire ; enfin
les départements de l’intérieur et des finances ont éprouvé des réductions.
Le service des intérêts et celui des pensions ne devant
se faire qu’au mai, ou à l’expiration du semestre, il n’est rien porté dans le
projet, pour la dette publique, si ce n’est à l’article des consignations dont
le remboursement peut être exigé chaque jour.
Une plus juste appréciation des dépenses de l’administration
du pays, une plus grande régularité dans la marche gouvernementale et une plus
exacte prévision des événements, permettent d’espérer que le budget des
dépenses ordinaires de 1834 pourra vous être présenté avant la fin de cette
session, et que c’est probablement pour la dernière fois, que des crédits
provisoires, dont je regrette de nouveau la nécessité, vous sont demandés. (M. le ministre lit le projet de loi.)
La chambre ordonne le renvoi du projet aux sections.
M. Osy. - Il faut
le renvoyer aux sections de novembre qui se sont déjà occupés des budgets.
- La proposition de M. Osy est admise.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Comme le mode
d’examen par les sections est un peu plus long que celui par les commissions,
je vous prierai de faire en sorte que la loi soit prochainement l’objet de vos
délibérations.
M. le président. - Les
sections seront convoquées le plus promptement possible.
L’ordre du jour appelle à la tribune M. Nothomb,
rapporteur de la commission de la vérification des pouvoirs chargé d’entretenir
la chambre des élections de Liége.
Cet honorable membre est absent.
M. Deleeuw.
- Le rapport de M. Nothomb est imprimé depuis deux jours dans le Moniteur ; il suffirait d’en faire
lecture à la tribune.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - C’est inutile !
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX AVOCATS PRES LA COUR
DE CASSATION
M. Jullien.
- Rien n’empêche que M de Brouckere ne développe sa proposition.
M. de Brouckere est appelé à la tribune et s’exprime en ces termes. - Messieurs, avant d’entrer
dans les développements que nécessite la proposition que j’ai eu l’honneur de
vous soumettre, j’ai besoin, afin de prévenir toute fausse interprétation, de
déclarer d’abord qu’en la faisant, j’ai eu en vue bien moins l’intérêt des
avocats, que pourtant j’ai fort à cœur, que l’intérêt des plaideurs,
c’est-à-dire l’intérêt général : en second lieu que lorsque je me suis décidé à
attaquer l’institution d’avocats spécialement attachés à la cour de cassation,
le choix qui a été fait par la cour et par le gouvernement n’est entré pour
rien dans ma détermination. Ce choix, messieurs, je suis si loin de le blâmer
que, parmi les hommes sur lesquels il est tombé, il en est plusieurs que je
tiens à honneur de connaître particulièrement et pour qui je professe l’estime
la plus profonde. Aussi n’ai-je pas un instant redouté de leur part une
supposition que je regarderais comme injurieuse, et que je repousse de toutes
mes forces : ils sauront, j’en suis certain, rendre justice aux sentiments qui
m’animent.
Lors de la discussion de l’article 31 de la loi du 4
août 1832, peu de membres prévirent les inconvénients auxquels il donnerait
lieu, de manière qu’il ne rencontra point dans cette assemblée l’opposition
qu’il eût sans doute suscitée, si on avait bien apprécié la portée de ses
conséquences.
Deux motifs principaux ont fait adopter cet article
31.
1° Il y a, disait-on, des officiers ministériels près
les tribunaux de première instance et près les cours d’appel ; donc il en faut
près la cour de cassation.
2° Il y a à Paris des avocats spécialement attachés à
la cour de cassation ; notre procédure étant la même que celle que l’on suit en
France, nous ne pouvons sur ce point nous écarter de ce qui y est établi.
Le premier de ces arguments avait, je l’avoue, fait
quelque impression sur mon esprit ; et la crainte de consacrer une
inconséquence m’engagea à défendre le projet ministériel.
« Messieurs, si, au lieu de nous borner à mettre
nos lois judiciaires en harmonie avec la constitution, on avait trouvé bon de
réviser toutes nos lois d’organisation judiciaire-, je m’étais proposé de
présenter une disposition tendant à supprimer les officiers ministériels dans
tous les degrés de juridiction. Je les trouve au moins inutiles, aussi bien en
première instance qu’en appel, et je ne vois pas pourquoi on force les
plaideurs à prendre, pour défendre leur cause, deux hommes dont l’un reste
complétement passif ; une telle obligation constitue les parties en doubles
frais, sans que cet inconvénient soit compensé par des avantages réels. Mais
puisqu’il nous est impossible, en ce moment, de nous occuper des avoués de
première instance et d’appel, nous devons, pour être conséquents, admettre les
officiers ministériels près la cour de cassation. » (Séance du 16 juin
1832.)
Depuis lors, messieurs, je me suis pleinement
convaincu que mes craintes, qui d’ailleurs n’étaient que très vagues, n’étaient
rien moins que fondées, et que la peur d’un mal m’avait conduit dans un pire.
C’est ce qu’il me sera, je pense, facile d’établir, lorsque j’aurai d’abord
répondu deux mots au second argument qui n’est vraiment de nulle valeur.
En effet, messieurs, si nous faisons vœu d’imiter ce
que nous trouvons de bon en France, il est, vous en conviendrez, souverainement
absurde de créer chez nous des institutions par le seul motif qu’elles existent
dans ce pays, et sans nous enquérir si elles sont bonnes ou mauvaises. Je dirai
même, en passant, que nous nous sommes écartés de la législation française en
ce qui concerne les avocats près de la cour de cassation, puisque chez nos
voisins, ils ont seuls, et à l’exclusion de tout autres, le droit de plaider
devant la cour tandis qu’ici leur droit exclusif se borne à la postulation et à
la signature des actes, et que les avocats près les cours d’appel sont admis à
plaider en concurrence avec eux. C’est donc un système bâtard que nous avons
adopté, et ses funestes conséquences sont déjà évidentes pour tous, bien que la
loi qui le crée ne soit en vigueur que depuis peu de mois.
L’article 31, que je combats, statue qu’il y aura un
nombre déterminé d’avocats près la cour de cassation, qu’ils ne peuvent être
nommés que depuis six ans au moins ils ne soient docteurs ou licenciés en droit
; qu’ils ont le droit de plaider et inclusivement celui de postuler et de
prendre des conclusions ; que les avocats près les cours d’appel pourront
également plaider devant la cour de cassation. De deux choses l’une : ou tels
avocats attachés à la cour de cassation consentiront à descendre au rang des
avoués, à signer aveuglément les mémoires et pièces de procédure qui leur
seront remis par les avocats chargés de diriger le procès, et alors le rôle
qu’ils accepteraient serait au-dessous du titre qu’ils portent.
Ils ne pourraient s’y soumettre qu’en dérogeant, et
certes il y a chez les membres du barreau trop d’honneur, trop de fierté pour
que l’on en trouve beaucoup qui consentent à compromettre la position élevée
qu’ils occupent dans la société, bien que leurs intérêts les y convient.
Ou ils refuseront un rôle aussi matériel, aussi nul, et
qui a pour eux quelque chose d’humiliant, puisqu’il les place au-dessous de
leurs confrères ; ils ne voudront point devenir des machines à signer et à
copier, pour me servir d’une expression que j’emprunte à une pièce au bas de
laquelle se trouvent des signatures que l’on ne sera pas tenté de suspecter ;
ils ne se chargeront que des affaires qu’ils pourront plaider et diriger, soit
seuls, soit en commun avec un autre avocat, et alors s’établit, sans contredit,
un monopole injuste, dangereux, puisqu’il sera impossible de porter une affaire
devant la cour de cassation sans passer par les mains des avocats privilégiés.
En vain représenterez-vous qu’un avocat a soutenu vos
intérêts en première instance et en appel ; qu’il a seul toute votre confiance,
qu’il vous importe de ne confier à aucun autre les choses plus ou moins
secrètes qu’il vous faut révéler pour être défendu avec succès : vos
représentations seront inutiles, vous ne pourrez vous dispenser de prendre un
second avocat, qui plaidera avec l’homme investi de votre confiance, aura les
mêmes droits que lui, et vous fera, peut-être, pour n’avoir pas suivi l’affaire
dans ses différents degrés, un tort d’autant plus grand qu’il sera irréparable.
Ajouterai-je à cela des considérations d’économie ?
Elles ne sont, je le sais, que secondaires devant celles que je viens de vous
exposer ; mais elles méritent aussi d’être pesées, surtout lorsque l’on
considère que plus le nombre des avocats privilégiés sera restreint, plus le
défaut de concurrence leur permettra d’élever leur tarif.
Ceux d’entre vous, messieurs, qui sont au courant de
ce qui s’est passé dans ces derniers temps, savent que ce que je viens de dire
ne se réduit point en craintes chimériques ou exagérées. J’ai exprimé un état
de choses qui est le résultat nécessaire de la loi, et qu’on ne peut trop se
hâter de faire cesser.
Une fois d’accord sur ce point, messieurs, la question
se borne à rechercher quel est le meilleur moyen à employer pour porter remède
au mal que j’ai signalé et qui doit être évident pour tous.
Il s’en présente deux qui, l’un et l’autre, ont été
prévus lors de la discussion de la loi du 4 août, et défendus par plusieurs
orateurs.
Quelques membres, et entre autres l’honorable M.
Gendebien et un collègue que nous regrettons tous les jours, l’honorable M.
Barthélemy, soutenaient qu’il ne fallait point établir d’officiers ministériels
près la cour de cassation ; qu’il n’y avait aucun inconvénient à autoriser tous
les avocats à plaider et à postuler devant cette cour, sauf ceux qui, trop jeunes
et manquant d’expérience, n’avaient point donné assez de gages de science
: en les admettant, on exposait la cour
à perdre un temps précieux.
D’autres, estimant qu’il convenait qu’il y eût des
officiers ministériels attaches à la cour de cassation, comme il y en a près les autres corps
judiciaires, voulaient qu’ils n’eussent que le titre d’avoués, et que leurs
attributions se bornassent à postuler et à prendre des conclusions, sans qu’il
leur fût permis de plaider. C’était l’opinion de l’honorable M. Devaux et celle
de M. le ministre actuel de la justice, et le premier proposa même et soutint
un amendement qui était ainsi conçu :
« Les avoués près la cour de Bruxelles ont
exclusivement le droit de postuler et de conclure devant la cour de cassation ;
ils n’ont pas celui de plaider. »
Je m’étais en dernier lieu rallié à cette disposition,
mais elle n’obtint point l’assentiment de la majorité.
Ayant à choisir entre ces deux moyens, je me suis
décidé pour le premier, et les principaux motifs qui m’ont déterminé sont les
suivants : que la procédure devant la cour de cassation est tellement simple,
surtout aujourd’hui qu’il n’existe point de section des requêtes, que je
regarde l’intervention d’officiers ministériels comme inutile et n’ayant
d’autres résultats que d’occasionner des frais aux parties ; que cette
procédure se borne en effet à la signification du pourvoi et des qualités et à
la notification par les mêmes voies d’un mémoire en réponse au pourvoi ; que
rien ne s’oppose à ce que les conclusions prises à l’audience ne soient signées
par l’avocat qui a signé celles du mémoire primitif, dont elles ne sont que la
copie ; qu’il serait impossible de signaler un avantage quelconque à exiger le
ministère d’un avoué pour cette signature ; que le règlement de 1815, qui est
resté si longtemps en vigueur et dont on ne se plaignait point, n’exigeait pour
les mémoires, que la signature d’un avocat inscrit au tableau depuis plus de
six ans.
Si cependant la chambre paraissait plus disposée à
accueillir favorablement l’opinion de l’honorable M. Devaux et de M. le
ministre de la justice, je consentirais sans peine aux modifications qui
seraient présentées dans ce sens.
Quelle que soit, des deux opinions que je viens de
développer, celle que vous trouverez bon d’adopter, vous aurez, messieurs,
rendu un véritable service à tous ceux qui sont exposés à devoir débattre leurs
intérêts devant la cour suprême, c’est-à-dire à l’universalité de vos
concitoyens ; vous les aurez aussi rendus aux deux membres du barreau qui sont
à plus d’un titre dignes de votre sollicitude, et j’aurai, pour ma part,
atteint le but que je m’étais proposé, en vous présentant le projet de loi que
je vous prie de vouloir prendre en considération, et qui est ainsi conçu :
« Léopold, etc.
« A tous présents et à venir, salut,
« Considérant que l’article 31 de la loi du 4
août 1832 a rencontré dans son exécution des difficultés qu’il importe de faire
cesser :
« Nous avons, de commun accord avec les chambres,
décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. L’article 31
de la loi du 4 août 1832 est abrogé.
« Art. 2. Les avocats près les cours d’appel du
royaume, docteurs ou licenciés en droit depuis six ans au moins, ont seuls, et
sans l’assistance d’officiers ministériels, le droit d’instruire et plaider les
causes devant la cour de cassation, d’y faire et signer tous les actes de
procédure.
« Art. 3. L’avocat joindra au dossier qu’il doit
déposer au greffe, une procuration authentique et spéciale de son client ; il
sera tenu de le reproduire en tout état de cause à la première réquisition.
« Mandons et ordonnons, etc. »
M. Liedts
demande la remise à huitaine de la discussion relative à la prise en
considération.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - La parole est à M. Nothomb.
M. Nothomb. - D’après le vœu manifesté par la chambre, la
commission, après avoir approuvé le rapport, l’a envoyé au Moniteur ; chacun de vous a pu le lire et prendre connaissances des
pièces justificatives.
M. Jullien.
- Il me semble, messieurs, que l’impression qui a été faite au Moniteur ne peut pas dispenser M.
Nothomb de présentes son rapport à la chambre. C’est devant la chambre que les
conclusions doivent être prises. Je demande que l’on se conforme au règlement.
M. Fallon. - Je pense aussi qu’il est indispensable de donner lecture
du rapport ; j’ai vu des erreurs de chiffres dans le Moniteur.
M. Dumortier.
- Je ne vois pas la nécessité de nous lire un rapport fort long et que nous
avons lu avec attention. Il est arrivé cent fois dans cette chambre qu’on a
délibéré sur les conclusions de rapport qu’on n’a pas lu à la tribune. Je
conçois qu’on lise les conclusions à la tribune ; mais à quoi bon lire les
pièces justificatives ?
M. Jullien.
- Il n’est pas nécessaire de lire les pièces ; quant au rapport, il faut le
lire ; c’est nécessaire. Il s’est glissé une erreur de chiffres à la masse
totale des votants.
La différence d’une voix, dans une discussion
pareille, peut porter un grand préjudice aux conclusions de la commission. On
lit 838 dans le Moniteur, tandis que
le nombre total des votants est 839. Dans tous les cas il n’y a pas
d’inconvénient à se conformer au règlement.
M. Nothomb.
- Je ferai ce que la chambre décidera.
M. Gendebien.
- Lisez 1e rapport et les conclusions, moins les pièces.
- En ce moment, M. Raikem cède
le fauteuil à M. Fallon, vice-président.
La chambre, consultée par M. Fallon décide, que le
rapport sera lu.
M. Nothomb
fait cette lecture. (Voir le Moniteur d’avant-hier.)
M. le président.
- Maintenant que la lecture du rapport est faite, je dois demander à la chambre
si elle veut entendre aussi la lecture des pièces. (Oui ! oui ! Non ! non !)
M. Robiano de Borsbeek. - Je demande
la parole. Je ne crois pas que la lecture des pièces soit nécessaire. On a
entendu la lecture du rapport, et vraiment c’est par pure condescendance de la
part de l’assemblée, car presque tout le monde le connaissait. La nation attend
de nous des choses plus importantes, et nous ne devons pas perdre notre temps à
des discussions inutiles. Tout le monde doit savoir de quoi il s’agit, et s’il
est quelques membres qui ne se trouvent pas assez éclairés sur la question, ils
s’éclaireront par la discussion.
M. le président met aux voix la question de savoir si les pièces
seront lues.
- Cette question est résolue négativement.
M. Pirson.
- Il est bien entendu que si pendant la discussion on a besoin de consulter les
pièces, la lecture pourra en être faite ? (Oui ! oui !)
M. le président.
- Veut-on que la discussion soit ouverte immédiatement (Oui !oui ! Non ! non !)
M. Gendebien. - Je demande la parole. Messieurs, je ne pense pas
que nous puissions procéder immédiatement à la discussion de ces graves
questions. Veuillez considérer que quand quelques membres de cette assemblée
ont demandé que le rapport sur les élections de Liége fût fut promptement, les
membres de la commission déclarèrent qu’ils avaient besoin de plusieurs jours
pour l’examen des difficultés à résoudre, et l’on vous a dit que ces
difficultés étaient telles que si la solution en était remise aux tribunaux,
elles exigeraient trois semaines de plaidoiries. Je demande après cela si c’est
sur la lecture fugitive d’un rapport que vous pourriez vous former une opinion
; cela est impossible, d’autant plus qu’il existe, a-t-on dit, une différence
entre le rapport tel qu’il avait été arrêté dans le sein de la commission et le
rapport tels qu’il a été imprimé dans le Moniteur.
Laissez au moins les membres de la commission s’accorder sur ces différences,
et vous saurez enfin sur quoi vous discutez. Sans cela vous ne le sauriez pas
aujourd’hui. Pour ma part, je déclare que je serais dans l’impossibilité de
discuter aujourd’hui ; car je n’ai pas la science infuse, et il faudrait
l’avoir pour discuter d’aussi graves questions sans les avoir mûrement
examinées.
M. Deleeuw. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de dire à la
chambre, et je le répéterai encore jusqu’à ce qu’on veuille m’entendre, qu’il
importe de compléter la représentation nationale. Depuis trop longtemps les
difficultés élevées sur les élections de Liége ont laissé ce district sans
représentants ; nous devons nous hâter de faire cesser cet état de choses ;
c’est pour la chambre une question de convenance. Je demande formellement que
la discussion ait lieu immédiatement.
Plusieurs voix. - Appuyé ! appuyé !
M. Jullien.
- Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Nothomb.
- Je la demande pour un fait personnel.
M. le président.
- Vous avez la parole.
M. Nothomb. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour un fait
personnel, et c’est pour répondre à une imputation, ou à une insinuation d’un
préopinant, qui pourrait résulter jusqu’à un certain point d’une parole
prononcée dans cette enceinte, et d’après laquelle on a supposé qu’il existait
une différence entre le rapport lu dans le sein de la commission et le rapport
imprimé. Il y a eu à cet égard une explication entre un membre de la commission
et moi, et je crois qu’il a eu lieu d’être satisfait. Il pouvait résulter de
son observation que, contre l’opinion de la majorité de la commission, le
rapporteur aurait fixé le nombre des votants ou des votes à 838, au lieu de
839, et tous les éléments de ce calcul sont indiqués ; le passage est resté tel
qu’il avait été écrit ou rectifié. Cette explication doit suffire à quiconque
veut lire attentivement. Je suis étonné de devoir la donner ; mais je suis dès
longtemps habitué à tous les genres d’imputation. (Mouvement.)
M. Gendebien. - Je trouve bien étrange qu’on vienne montrer une
susceptibilité tout à fait factice, alors que dans d’autres circonstances on
s’est permis tant d’imputations contre nous, imputations bien graves, mais dont
fort heureusement les faits ont démontré la fausseté. L’honorable membre dit
que je me suis permis des insinuations contre lui. Est-ce une insinuation, je
vous le demande, que de dire qu’il avait été avancé qu’une différence existait
entre le rapport lu à la commission et le rapport imprimé ? Ce n’est pas moi
qui userai jamais d’insinuations. Quand j’accuse, j’accuse nettement, je dis ma
pensée tout entière, n’en déplaise à qui voudra ; et quant à ce qu’a dit
l’honorable membre de l’habitude qu’il avait de s’entendre accuser par des
insinuations, je le prie de bien remarquer que quand j’ai eu à articuler des
accusations, je l’ai fait de la manière la plus nette ; et quant à ce que je
ferai à l’avenir, en pareille circonstance, ce ne sont pas ses plaintes qui
m’arrêteront.
M. Jullien.
- Je demande aussi la parole sur un fait personnel. L’observation que j’avais
faite portait plutôt sur l’intention qui semblait résulter de la rédaction que
sur le chiffre lui-même, qui en effet est exact.
Dans l’intention de la commission il entrait qu’on
exprimât d’une manière formelle que le nombre des votants était de 839 ; au
commencement du rapport au contraire on parle d’abord de 838 électeurs, ensuite
de 837, en sorte que ces deux premiers chiffres pourraient induire facilement
en erreur ; voici le passage (passage non
repris dans cette version numérisée). C’est cela qui aurait pu faire naître
des doutes dans vos esprits, et c’est ce que j’ai voulu éviter. Je n’ai eu du
reste, en aucune manière, l’intention d’inculper l’honorable rapporteur de la
commission.
J’en viens maintenant à la question du rappel au
règlement, sous un double chef. Je commencerai par dire à la chambre qu’il est
assez déplacé qu’on veuille refuser à ceux des membres qui déclarent ne pas
avoir suffisamment connaissance des questions à décider, un délai moral pour
les examiner. Il y avait dans votre commission des hommes assez accoutumés aux
affaires, et j’atteste pour mon propre compte que si je n’avais pas consacré
deux fois 24 heures à réfléchir sur les faits et sur les moyens de nullité, il
me serait impossible d’émettre une opinion sur ce débat.
Mais heureusement le règlement est venu au secours de
ceux qui demandent l’ajournement.
Lisez en effet l’article 63, il porte : « Les
rapports des commissions seront imprimés et distribués au moins trois jours
avant la discussion en assemblée générale, si la chambre n’en décide
autrement. » Eh bien, pour que la chambre en décidât autrement, il
faudrait qu’il y eu des raisons d’urgence, et l’on conviendra qu’il n’est pas
assez urgent que l’on s’occupe des élections de Liége pour déroger au règlement
et discuter sans préparation des questions où la matière est tant soit peu
inflammable.
Mon second rappel au règlement est plus positif ; il
est pris de l’article 65. Vous savez que la constitution consacre en termes
exprès le droit de pétition, et vous avez consacré le vendredi de chaque
semaine à entendre les rapports. Or, l’article 65 dit :
« La commission des pétitions sera tenue de faire
chaque semaine un rapport sur les pétitions parvenues à la chambre, et ce par
ordre de date d’inscription au procès-verbal ; en cas d’urgence, la chambre
peut intervertir cet ordre. »
Vous voyez donc qu’ici le
règlement est positif ; conformément à la constitution il n’a pas voulu que le
droit de pétition fût illusoire, et pour cela, il a exigé qu’il fût fait un
rapport par semaine. Vous avez laissé passer plusieurs vendredis sans entendre
de rapport ; vous vous êtes ajournés pendant quinze jours, et il reste
aujourd’hui un nombre considérable de pétitions arriérées. Le bulletin en porte
90. Je vous demande s’il faut, en présence de ces faits, déclarer urgent de s’occuper
des élections de Liége, lorsque je maintiens que la moitié de vous n’est pas
capable de prononcer en connaissance de cause. Un honorable membre a dit qu’il
était extrêmement urgent de compléter la représentation du district de Liége.
Je ne vois pas, messieurs, que le salut de la patrie en dépendît : dans trois
ou quatre jours, la discussion pourra avoir lieu sans inconvénient, et elle
sera complète. Je voterai donc pour l’ajournement.
M. Deleeuw. - Messieurs, je n’abuserai pas longtemps des moments
de la chambre. Je ne pense pas plus que le préopinant que le salut de la patrie
dépende de la décision sur les élections de Liége ; mais je pense, et je
reviens encore une fois sur ce point, qu’il s’agit ici d’une question de
convenances pour la chambre. Depuis le commencement de la session le district
de Liége se trouve privé de la moitié de ses représentants ; faut-il le laisser
encore longtemps dans cet état ? Nul de vous ne peut le penser. Il ne faut pas
d’ailleurs s’effrayer des difficultés dont on vous parle tant. De tous les
moyens de nullité invoqués contre les élections, la commission en a admis
trois, elle en a écarté quatre ; il ne reste donc à discuter que sur trois
moyens, et leur solution ne sera pas aussi difficile qu’on veut bien le dire.
Au reste, je n’insisterai pas pour la discussion immédiate, mais je demande
qu’elle ait au moins lieu demain.
M. de Theux. - Un membre de la commission vous a parlé des
nombreuses difficultés que présentaient les élections de Liége ; je ne suis pas
de son avis, et je saisis cette occasion de rendre hommage au rapporteur de la
commission pour le rapport lucide qu’il nous a présenté. Ce rapport est tel que
l’assemblée, qui l’a lu, est bien capable de résoudre les difficultés qui se
présentent. Elles sont nettement précisées dans le rapport ; le Moniteur qui le contient nous a été
distribué hier, et pour ma part j’ai très bien compris la question après une
lecture attentive.
M. H. de Brouckere. - L’honorable M. Deleeuw convient qu’il n’est pas
d’une nécessité extrême de s’occuper immédiatement des élections de Liége, et
déjà il consent à un délai de 24 heures. Il en fait une question de convenances
; je crois, messieurs, que les convenances exigent aussi qu’on accorde à ceux
des membres qui ne sont pas préparés le temps d’examiner le rapport et
d’étudier les questions. Voilà ce qu’à coup sûr exigent les convenances.
M. Deleeuw. - Je demande la parole sur les convenances. (On rit.)
Une voix. - Elles ne sont
pas à l’ordre du jour.
M. de Brouckere. - La commission, dit M. Deleeuw, a écarté trois griefs sur six. Mais
la chambre peut très bien n’être pas de l’avis de la commission, et dans la
discussion il nous sera loisible d’examiner, non pas trois, mais six griefs.
Maintenant, quelques membres, et M. de Theux est du nombre, disent qu’ils ont
examiné le rapport de la commission et qu’ils sont prêts à discuter. Cela
prouve que M. de Theux a eu le temps de lire le rapport ; mais il est des
membres qui ont d’autres occupations et qui n’ont pas eu le même loisir. Le
rapport remplit le Moniteur en
entier, il faut deux heures pour le lire. Quant à moi il me serait impossible
de discuter aujourd’hui, et pour ce motif, je demande le renvoi à lundi.
M. Dubus.
- Messieurs, à entendre certains orateurs, il semblerait que nous nous
occupions aujourd’hui, pour la première fois, des élections de Liége ; mais il
y a plus de huit jours qu’on s’en occupe. Depuis plus de 8 jours les questions
qu’on a soulevées sont débattues dans les journaux, et je maintiens qu’il n’est
pas un seul membre qui ne fût capable d’apprécier la question, même avant la
distribution du Moniteur. Après cela,
je le demande, quand depuis 24 heures chacun a pu lire le rapport lumineux et
méthodique qui a été imprimé, tous les membres ne doivent-ils pas être à même
d’émettre leur vote ? Pour moi, je pense que la discussion doit s’ouvrir
immédiatement et que la chambre se déconsidérerait en admettant un ajournement
quelconque.
On a invoqué l’article 63 du
règlement, et on a dit qu’il devait s’écouler trois jours entre le rapport et
la discussion. Je le demanderai à l’honorable membre lui-même, cet article
a-t-il jamais été appliqué aux rapports de vérification des pouvoirs ? On a
invoqué encore une autre disposition du règlement, c’est celle qui est relative
aux rapports de pétitions, et on s’est demandé si le salut de l’Etat exigeait
que l’on s’occupât des élections de Liège ; mais, messieurs, le salut de l’Etat
exige-t-il que nous nous occupions des pétitions aujourd’hui ? Personne ne le
soutiendra sans doute, et selon moi, il y a toute sorte de raisons pour donner
la préférence aux élections de Liége sur les pétitions. Par toutes ces
considérations, j’insiste pour que la discussion s’ouvre immédiatement.
M. d’Elhoungne. - L’honorable orateur part de la supposition fort gratuite que tous
les députés ont pu s’éclairer par les débats qui ont eu lieu à l’occasion des
dernières élections de Liége, parce que depuis huit jours ces questions se
trouvent traitées dans les journaux. Messieurs, je crois qu’il est de la
dignité de la chambre, et personne ne me contredira en principe, qu’elle ne
s’éclaire pas d’après les débats des journaux, mais qu’elle s’éclaire d’après
les pièces qui émanent de son sein, et sur lesquelles vous pouvez seulement
asseoir votre jugement. Quelle est ici la pièce qui doit servir de base à votre décision ? C’est le rapport que l’honorable M. Nothomb a
été chargé de faire. Cette pièce a-t-elle été distribuée ? Non. Messieurs, je
vais plus loin. On me dit que le rapport a été inséré dans le Moniteur d’hier ; je dois faire
remarquer que plusieurs de nos collègues n’ont pas reçu ce journal, que
d’autres ne le lisent jamais ; je suis dans les deux cas, je n’ai pas reçu et
je n’ai pas lu le Moniteur. Je dirai
ensuite qu’il ne viendra dans l’idée de personne de nous imposer de recevoir,
de lire le Moniteur.
Je ne connais d’autres relations entre les membres de
l’assemblée et les commissions que celles qui ont lieu par l’intermédiaire du
bureau ; or, de telles relations n’existent pas. Plusieurs de mes collègues n’ont
pas lu le rapport de M. Nothomb ; j’invoque leur témoignage.
Quand il n’y a pas distribution d’un rapport, il
n’entre ni dans la limite de nos devoirs, ni dans les convenances, que nous
cherchions des renseignements, des communications dans le Moniteur.
M. Fleussu.
- Les questions sur les élections de Liége ne sont pas nouvelles ; depuis huit
jours, tous les journaux en ont entretenu le public. De bonne foi, comment auriez-vous
pu vous faire une opinion consciencieuse sur les difficultés que présentent les
élections d’après les journaux ? Ne sait-on pas que les journaux se sont
divisés en deux partis ; que les uns traitent les questions d’après leurs
opinions politiques, que les autres les traitent d’après l’impulsion des
passions qui les animent ? Il est vrai que le Moniteur a publié le rapport et les pièces ; j’ai lu et relu ce
rapport ; mais quand il s’agit de questions difficiles, de questions de
chiffres, de questions de fait, de question de droit, ce n’est pas en faisant
une lecture rapide que l’on peut s’éclairer suffisamment. Il est étonnant que
lorsqu’une partie de la chambre vient avec une conviction toute préparée, elle
veut interdire à l’autre partie le temps de se former une opinion. Evitons,
messieurs, l’inconvenance d’aborder sans préparation une question hérissée de
chiffres.
- L’ajournement de la discussion est mis aux voix. Une
première épreuve est douteuse. On demande l’appel nominal, et l’appel nominal a
lieu.
75 membres sont présents ; 36 votent l’ajournement, 39
la discussion immédiate.
Ont répondu
oui : MM. Berger, Coghen, Coppens, Dams, Dautrebande, Davignon, H. de
Brouckere, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Renesse, Desmanet de Biesme,
Desmet, de Tiecken de Terhove, d’Hoffschmidt, Donny, Dubois, Dumont, Ernst,
Fallon, Fleussu, Fortamps, Gendebien, Jaminé, Jonet, Julien, Levae, Mary,
Meeus, Osy, Pirson, Raymaeckers, Teichmann, Van Hoobrouck, Vergauwen, Watlet et
Zoude.
Ont répondu non : MM. Boucqueau de Villeraie, Brabant,
Corbisier, Deleeuw, Dellafaille, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de
Robiano, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Domis, Dubus,
Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Hye-Hoys, Jacques, Lardinois, Lebeau, Liedts,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet,
Raikem, Rogier, Thienpont, Ullens, M. Vanderbelen, Verdussen, Verhagen et
Vuylsteke.
M. le président. - En conséquence, on procédera immédiatement à la
discussion sur les élections de Liége.
M. Jaminé.
- Je déclare que je ne veux pas discuter une question que je ne connais pas, et
je m’en vais.
M. Jullien.
- Il fallait au moins déclarer l’urgence.
Plusieurs membres.
- Il y a décision ! II y a décision !
M. de Theux a la parole. Cet honorable membre s’exprime en ces
termes. - Messieurs, l’annulation d’une élection entraîne des suites trop
graves pour accueillir facilement des moyens de nullité ; la nullité ne peut
être prononcée, si elle n’est clairement démontrée ; appliquant cette maxime à
l’élection de Liége, je dois m’opposer à son annulation, et je le fais avec
d’autant plus de confiance que loin de trouver les moyens de nullité
péremptoires, ils ne me paraissent pas même de nature à fonder un doute
sérieux.
Premier moyen.
Le premier moyen de nullité est fondé en ce que le
bureau électoral a refusé d’admettre au vote quelques individus, porteurs d’une
décision tardive, rendue par la députation des états en premier degré.
Pour réfuter ce moyen, il suffit de s’en tenir au
texte de l’article 23 de la loi électorale, qui n’admet à voter que les
électeurs inscrits sur la liste permanente, et ceux qui sont porteurs d’une décision
de l’autorité compétente.
Les quatre individus qui se sont présentés étaient-ils
inscrits sur la liste permanente ? Non. Etaient-ils munis d’une décision de
l’autorité compétente ? Non.
Trois d’entre eux étaient munis d’une décision de la
députation des états ; mais il résulte de votre décision et de celle de la cour
de cassation : 1° que les réclamations ne peuvent être admises après les délais
fixés par la loi ; 2° que la députation est tellement incompétente pour juger
en premier degré, que ses décisions sont radicalement nulles, et qu’elles sont
tellement nulles que la nullité ne peut pas même être couverte par l’exécution
volontaire et par le silence du collège électoral.
Mais, dit-on, lors de la précédente décision de la
chambre sur l’élection de M. de Sauvage, il y avait pourvoi en cassation contre
dix-sept électeurs.
Je réponds que cette circonstance est totalement
indifférente, et je le prouve par l’annulation de l’élection de Tournay. En
effet, lors de cette élection, les électeurs admis tardivement par des régences
et par la députation des Etats ont été admis à voter ; aucun recours n’avait
été formé, ni avant ni après, contre ces décisions, soit en appel, soit en
cassation ; ces décisions étaient restées intactes lorsque la chambre en fut saisie
: eh bien ! alors cependant la chambre a annulé et ces décisions et l’élection.
Dira-t-on peut-être que la juridiction de la chambre
est plus étendue que celle du bureau électoral ? Ce serait une erreur. Ce que
l’article 34 de la constitution attribue définitivement aux chambres est
attribué provisoirement au bureau par l’article 22 de la loi électorale. Le
texte de la loi est précis et il fallait bien donner cette autorité au bureau,
à moins de l’obliger à faire des opérations nulles ; car tel serait le résultat
de système adverse. Le bureau aurait été tenu d’admettre des électeurs dont le
concours était prohibé par la loi, dont le concours devait vicier l’élection.
Un tel système est par trop absurde.
Mais s’il tombe devant la raison et devant la disposition de l’article
22 de la loi électorale, il tombe également devant l’article 23 de cette loi.
L’article 23 charge évidemment le bureau d’examiner de quelle autorité émane la
décision dont on veut se prévaloir, et si cette autorité est compétente.
Objectera-t-on enfin que ces individus, ayant déjà
voté dans une précédente élection, devaient être aussi admis dans la dernière ?
Mais on remarquera que cette dernière élection étant
annulée, elle n’a pas pu produire cet effet ; qu’un abus commis une première
fois n’autorise pas son auteur à le renouveler ; et enfin que si le vote seul
pouvait conférer la qualité d’électeur, la chambre n’aurait pas pu annuler la
première élection du chef du concours de 17 électeurs indus.
Deuxième moyen. Changement de domicile de M. de
Sauvage.
Ce moyen doit être écarté tant d’après l’arrêt de la
cour de cassation que d’après votre propre décision. Le droit de M. de Sauvage
est fondé sur la permanence de la liste. L’examen de son droit n’offre pas
d’inconvénient, et si la permanence de la liste n’offrait pas d’autres
inconvénients, certainement les adversaires de la permanence qui soutenaient la
validité de la première élection n’auraient pas critiqué le système de la
permanente : mais ils étaient frappés de l’inconvénient de voir concourir des
électeurs ayant perdu le cens électoral, et cependant la chambre n’a pas eu
d’égard à cet inconvénient principal ; la cour de cassation n’y a également pas
eu d’égard. Voici comme elle s’exprime dans son arrêt rapporté au Moniteur du 24 décembre :
« Attendu que s’il peut résulter du système admis
par la loi électorale quelques inconvénients dérivant de ce que quelques
électeurs, ayant perdu le droit électoral lors d’une élection extraordinaire,
figureront encore sur les listes, c’est à la législature qu’il appartient
d’apprécier ces inconvénients et à y pourvoir s’il y a lieu ; mais ils ne
peuvent autoriser les magistrats à méconnaître le texte et l’esprit de la
loi. »
J’ai dit que le changement de domicile de l’électeur
n’est qu’une circonstance accidentelle peu importante à côté de la perte du
cens électoral ; en effet, le cens électoral est requis par la constitution. Le
domicile dans le district n’est pas requis par la constitution, il ne l’est que
par la loi électorale ; mais ici cette loi requiert le domicile dans le
district, ce n’est que pour être inscrit sur la liste permanente ; elle oblige
(et ceci mérite toute votre attention), elle oblige de convoquer pour
l’élection tous ceux qui sont inscrits sur la liste.
L’article 11 n’admet aucune distinction ; il porte que
lorsqu’il y aura lieu à une élection extraordinaire, les listes, dressées
conformément aux articles précédents, serviront de base pour la convocation des
électeurs. Or, si tous les inscrits sur la liste permanente doivent être
convoqués pour l’élection, tous ceux qui doivent être convoqués ont aussi le
droit de voter ; c’est pour voter qu’on les convoque.
Mais voyez à quelle absurde conséquence vous
conduirait l’admission de ce moyen de nullité. M. de Sauvage n’a pas pu concourir
aux élections qui se sont faites à Bruxelles, parce que la liste est permanente
; et son concours à l’élection de Liége vicierait cette élection, malgré qu’il
soit inscrit sur la liste permanente. Enfin, M. de Sauvage serait privé de son
droit d’électeur à cause d’un changement de domicile, tandis que s’il avait
perdu le cens électoral prescrit par la constitution, il aurait pu valablement
concourir à l’élection en vertu de la permanence de la liste.
Ce moyen de nullité ne peut donc être accueilli.
Troisième moyen. Double vote.
Le recours à un semblable moyen prouve le peu de
confiance dans les autres.
Quatrième moyen. - Majorité absolue.
Le bureau principal a fixé la majorité absolue à 419
voix, et le nombre des votants à 837 ; la commission a fixé la majorité absolue
à 420 voix, et le nombre des votants à 838 ou 839, car elle est restée en doute
sur le nombre exact.
Il est évident que le nombre des votants doit, dans
tous les cas, être diminué d’une voix.
Le procès-verbal fait foi qu’un billet ne portant
aucun nom a été trouvé dans l’urne. Ce billet est paraphé par le président et
par le secrétaire du bureau ; il est annexé au dossier.
Or, aux termes de l’article 32, combiné avec l’article
34, ce billet ne peut entrer en compte pour fixer le nombre des votants.
En admettant alors gratuitement, avec la commission,
que le bureau principal ait décompté 2 fois ce bulletin lorsqu’il a fixé le
nombre des votants à 437, il est au moins évident que, la chambre rectifiant
cette erreur, le nombre des votants ne peut être fixé au-delà de 438.
A la vérité la majorité absolue reste, dans ce cas,
fixée à 420, comme il est dit dans le rapport, et ce nombre de voix a été
obtenu par M. de Laminne.
Mais il faut observer que le bureau principal a laissé
entière la question de savoir si le bulletin partant le nom dérisoire de Rococo
ne doit pas être envisagé comme nul et être défalqué du nombre des votants, ce
qui le réduirait évidemment à 837 et la majorité absolue à 419.
Voir le procès-verbal.
Je dis qu’en fixant le nombre des votants à 839, sans
aucune déduction (ce qui est impossible alors qu’un bulletin ne porte pas de
nom, et qu’un autre n’en porte qu’un dérisoire), la majorité absolue serait
encore de 420 voix.
420 voix pour M. de Laminne,
419 d’autre part.
Total : 839
Si on exigeait 421 voix pour M. de Laminne, il n’en
resterait que 458 d’autre part.
Total : 839.
Cinquième moyen. Désignation insuffisance de M. de
Laminne, abus de pouvoir du bureau principal en statuant sur cette désignation.
La désignation de M. de Laminne a varié à la vérité ;
mais le bureau a reconnu le même individu sous ces différentes désignations.
Les noms et la qualité des membres du bureau offrent,
certes, toute garantie pour la bonté de sa décision.
Aucun autre individu n’est connu dans le district de
Liége sous aucune des différentes dénominations qui lui ont été données ; il
n’existe dans la ville de Liége que des femmes portant le nom de Laminne, sans
la particule de.
M. de Laminne a été désigné sous la qualification de
rentier dans quelques bulletins, mais c’est sous cette même qualification qu’il
est désigné dans l’almanach du commerce imprimé à Liége. C’est sous la même
qualité qu’il est porté dans les divers almanachs comme conseiller de régence
de la ville, tandis que, comme membre de la Société d’Emulation de Liége, il
est qualifié de fabricant. Le bureau s’est donc conformé à des dénominations
exactes et publiques, en jugeant comme il l’a fait.
Reste un bulletin de la première section ou du bureau
principal, portant seulement de Laminne, et que le bureau a également attribué
à l’élu.
Ici encore le bureau s’est conformé à l’usage général
: M. de Laminne est généralement appelé ainsi ; il était le seul candidat à
l’élection, il était le seul de ce nom qui fût connu. Le bureau a donc dû
trouver qu’il était suffisamment désigné.
L’article 34 de la loi électorale a constitué le
bureau en véritable jury ; il n’a prescrit aucun mode de désignation pour les
suffrages électoraux. Il n’exige pas, comme les lois de procédure, telle ou
telle désignation ; seulement il exige qu’elle soit suffisante, laissant au
bureau à apprécier la suffisance de la désignation, comme le code d’instruction
criminelle abandonne au jury les motifs de conviction sans lui tracer de règle.
Mais, dit-on ce n’était pas au bureau, principal à
juger l’opération du troisième bureau ; il y a abus de pouvoir,
Je ferai d’abord remarquer qu’un seul bulletin du
troisième bureau est critiqué ; c’est celui portant de Laminne, rentier.
Or, comme je viens de le démontrer, la qualification
de de Laminne, rentier, s’applique si évidemment d’après tous les almanachs,
soit de commerce, soit de la province, à M. de Laminne-Bex, qu’il n’y a pas de
doute possible et que le bureau principal ne pouvait se dispenser d’additionner
un vote que le troisième bureau avait constaté sans en faire d’application.
Le troisième bureau n’a pas porté de décision, il
s’est borné à constater un fait, et le bureau principal a tiré parti du fait
constaté eu faisant le recensement général.
Mais il faut remarquer qu’il importe fort peu que le
bureau principal ait eu ou n’ait pas eu le droit d’agir ainsi.
Il résulte du procès-verbal de l’élection qu’il y a
litige sur la validité de ce suffrage ; les électeurs des deux partis opposés
ont saisi la chambre de ce litige, et c’est à elle qu’il appartient de le vider
en définitive. L’article 34 de la constitution est formel.
La
chambre voudra-t-elle annuler ce bulletin ou l’attribuer à l’élu ? Sa décision
ne me paraît pas devoir être douteuse ; que chacun pèse les motifs du bureau
principal, qu’il fasse attention au caractère public et honorable de ses
membres, et il n’hésitera pas à s’en rapporter à sa décision ; il ne prendra
plus sur lui d’annuler une élection déjà deux fois motivée, et d’exposer le
système électoral et par suite le système représentatif au dégoût de tous les
amis des libertés publiques.
M. le président.
- Quelqu’un demande-t-il la parole ?
M. Gendebien se lève.
M. Fleussu. - Non ! non ! Ne parlez pas !
Plusieurs voix. - Si ! si !
Parlez !
M. Gendebien. - Je ne demandais la parole que pour déclarer que je
me trouve absolument incapable de me former en ce moment une opinion sur la
question, et que je proteste contre tout ce qui se fera aujourd’hui. Je ne
conçois pas comment on veut nous empêcher de comprendre quelque chose à une
question si compliquée. Il est vraiment étonnant qu’on veuille mettre autant de
précipitation, alors qu’il s’agit d’élections où l’on a vu tant d’intrigues.
M. H. de Brouckere. - Je ne prétends point m’élever contre la décision
que la majorité a cru devoir adopter de discuter aujourd’hui ; mais il me
semble que maintenant personne ne s’opposera à ce que cette discussion soit
remise à demain.
- La discussion est ajournée à demain.
Plusieurs membres
quittent leur place.
M. Dumortier.
- Je demande qu’on s’occupe maintenant des pétitions. Leur examen était porté à
l’ordre du jour, et la chambre y doit être préparée. Messieurs, voici deux mois
que nous sommes réunis, et nous n’avons encore voté aucune loi ; nous n’avons
voté que des mesures transitoires. Si nous n’activons pas nos travaux nous
n’aurons encore rien fait au bout de six mois.
M. Fleussu. - Que l’on continue la discussion alors… (Bruit.)
Messieurs, une chose assez singulière se passe dans cette
assemblée. Nous avons voulu, au commencement, entendre le rapport des pétitions
; on s’y est opposé, et l’on a décidé qu’on discuterait les élections de Liége.
Maintenant on demande la discussion des pétitions. Cela est étonnant. Puisqu’on
a ouvert la discussion des élections de Liége, il faut la continuer.
Plusieurs voix. - Nous ne
demandons pas mieux. (Bruits divers).
M. Lardinois et M. de Robiano se lèvent et parlent en même temps.
(On rit.)
M. Dumortier.
- Je suis très surpris, messieurs, que des membres qui ont connu les élections
de Liége, qui y ont même participé et ont vu toutes les pièces dans les
journaux, aient demandé l’ajournement. On dit qu’on n’a pas lu le rapport dans
le Moniteur. Mais il est probable que
ceux qui n’ont pas voulu le lire ni hier ni aujourd’hui ne le liront pas
davantage demain. C’est une chose étrange, après que la chambre a décidé que la
discussion sur ces élections aurait lieu aujourd’hui, qu’on l’interrompe
aussitôt ; et je demande comme M. Fleussu qu’elle soit continuée.
M. Gendebien.
- Je ne conçois pas que l’on s’obstine à vouloir affubler chacun des membres d’un
brevet de préscience. Pour quiconque est un peu versé dans l’habitude des
affaires, la question est hérissée de difficultés. Depuis 22 ans un grand
nombre de dossiers m’est passé par les mains. Eh bien, j’en ai vu très peu
d’aussi volumineux et qui présentassent autant de questions de fait, de droit
et de chiffres.
M. de Theux nous a présenté tout à l’heure une très
longue série de faits, et je crois que pour cela il a dû avoir communication du
dossier…
M. de Theux. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Gendebien.
- Il n’y a pas là de fait personnel. Si je veux vous en adresser, ce sera
ailleurs qu’ici... (Murmures.) Je dis,
messieurs, que nous manquons de lumières sur la question. D’ailleurs, quoique
j’aie la plus grande confiance dans les membres de la commission, chacun peut
se tromper, et il est nécessaire d’avoir le temps de vérifier son travail. La
commission elle-même n’est pas d’accord sur la manière de calculer les
chiffres. Je ne comprends pas comment un délai de 24 heures…
M. F de Mérode. - Je demande la parole.
M. Gendebien.
- Vous ne devez pas m’interrompre.
M. F de Mérode. - Je demande la parole pour un rappel au règlement,
et j’ai le droit de vous interrompre comme vous interrompez les autres quand
vous voulez les rappeler à la question.
Il a été décidé que la discussion était remise à
demain, et il est inutile de continuer ce débat.
M. Gendebien.
- Si M de Mérode ne m’avait pas interrompu, il aurait vu que c’était
précisément là ce que je désirais faire observer.
M. F. de Mérode. - Pour cela il était donc inutile de recommencer la
discussion.
M. de Theux. - On a bien voulu supposer, gratuitement, que
j’avais reçu communication de pièces particulières. Le fait est inexact. J’ai
lu attentivement le rapport de la commission inséré dans le Moniteur, et j’ai vu qu’il y avait un
fait à vérifier, celui relatif au bulletin nul. Pour cela je me suis adressé au
bureau de la chambre.
M. A. Rodenbach. - Je prie M. le président de consulter la chambre sur la question de
savoir si l’on s’occupera, séance tenante, des pétitions. (Oui ! oui ! Appuyé !)
M. Deleeuw.
- Je crois, en effet, puisque la discussion relative aux élections de Liége a
été renvoyée à demain, que nous pouvons écouter maintenant le rapport des
pétitions.
- La chambre consultée décide qu’on entendra
immédiatement ce rapport.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. Davignon, rapporteur de la commission des pétitions. - « La régence
de Liége demande que la chambre mette des fonds à la disposition du
gouvernement, pour réparer la traverse de première classe dans la ville de Liége. »
La régence de Liége fait observer que la loi du 11
frimaire an VII, qui a déterminé les dépenses à charge des communes, ni aucune
autre loi, ne comprennent, dans cette catégorie, les frais d’entretien des
traverses, auxquels le gouvernement avait toujours pourvu sur le produit des
barrières.
C’est par un arrêté royal en date du 17 décembre 1819
que l’entretien des traverses, des routes a été mis a charge des villes où
elles se trouvent.
Le décret du congrès national du 6 mars 1831 a affecté
exclusivement à l’entretien et à l’amélioration des routes ces mêmes produits,
sans faire ni exception ni mention des traverses.
Cependant il était d’autant plus nécessaire de statuer
sur cet objet, qu’il soulève la grave question de savoir si l’arrêté précité
n’est pas contraire à l’article110 de la constitution, s’il n’est pas
formellement abrogé par l’article 138.
Je ferai remarquer à la chambre que bientôt il pourra
être mis un terme à cette incertitude : c’est sans doute pour la faire cesser,
c’est pour faire droit aux diverses réclamations de même genre que celle qui a
donné lieu au présent rapport, que le gouvernement demande au budget de
l’intérieur, chapitre VII, lettre C, l’allocation spéciale d’une sommé de fr.
39,043 38 c., qui forment, suivant l’évaluation des ingénieurs, la moitié de
l’import de l’entretien des traverses des villes pour les routes de première
classe, proportion qu’il a paru équitable de prendre pour base fixe : ceci
cependant, messieurs, sauf à maintenir les droits acquis par des entreprises
particulières, faites dans l’intérêt général, et qu’il est d’une saine
politique d’encourager, ou à les indemniser conformément aux actes de
concession.
La route de la Vesdre qui lie Liége avec
Aix-la-Chapelle, en traversant Chaudfontaine, Verviers, Eupen, et qui a donné
la vie en quelque sorte à près de dix lieues d’un pays intéressant et
jusqu’alors à peu près inaccessible, sera du nombre. Je me réserve de faire
valoir en temps les titres des concessionnaires à une juste exception.
Votre commission a l’honneur de vous proposer,
messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur, et,
pour les détails à consulter au besoin, son dépôt au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Yernaux, à Charleroi, ex-employé à
l’administration des ponts et chaussées, demande à être réintégré dans ses
fonctions. »
Le pétitionnaire reconnaît lui-même que c’est par
suite des réductions opérées sur les sommes demandées au budget de l’exercice
1832, que le ministre de l’intérieur a dû réformer une partie du personnel
attaché au service des ponts et chaussées. S’il a droit à une pension, la loi
est là ; ce n’est qu’en cas de déni de justice qu’il peut s’adresser à la
chambre, dont l’intention n’est pas sans doute de réclamer des exceptions, et
moins encore de conférer des emplois. Par ces motifs, votre commission a
l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
________________
M. Davignon, rapporteur. - « La dame veuve P. Lauwers, à Bruxelles,
demande une pension, son mari ayant été jusqu’à sa mort guichetier civil et
prévôt militaire. »
La pétitionnaire réclame une pension qu’il ne peut
dépendre de la chambre de lui faire obtenir. Elle n’établit pas qu’elle y ait
droit en vertu d’une loi quelconque. Ce serait donc un privilège auquel nos
institutions s’opposent. En conséquence, la commission a l’honneur de vous proposer
l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
________________
M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Lallemant, gendarme pensionné à
Virton, demande que la chambre obtienne pour lui qu’il cumule sa pension
française avec celle qui lui a été accordée par arrêté du roi. »
Le pétitionnaire réclame la faveur d’un cumul que nos
lois n’admettent pas. Ce qu’il nomme pension française est de même à charge du
pays ; il voudrait jouir de la solde de retraite dont il avait été gratifié en
1813, et qui lui a été payé jusqu’à sa rentrée au service en 1819. Maintenant
qu’il l’a définitivement quitté, on lui paie une pension de 91 florins des
Pays-Bas, la seule que le règlement alloue, à ce qu’il paraît. Une exception ne
peut être faite, malgré tout l’intérêt que peuvent inspirer et sa bonne
conduite et ses anciennes blessures. La commission a l’honneur de vous proposer
l’ordre du jour.
- La chambre adopte l’ordre du jour.
M. Davignon, rapporteur. - « Les directeurs et propriétaires du polder
Clara, dans la Flandre orientale, demandent à participer aux fonds alloués par
la loi du 6 octobre 1831, pour faire face aux dépenses nécessitées par les
réparations des digues et polders aux deux rives de l’Escaut. »
Il paraît, messieurs, que ces terrains, qui sont dans
la Flandre zélandaise, font partie du territoire hollandais, du moins d’après
les limites fixées par le traité du 15 novembre. S’il y a incertitude, ou
contestation, ce sera matière à une haute question de propriété, qui devra,
lors des négociations auxquelles donneront lieu certains articles du traité,
être soumise à la diplomatie. Si celle-ci y met toute la célérité et la
bienveillance dont elle a fait preuve, les intéressés peuvent s’armer de
patience ; elle leur sera nécessaire autant qu’à nous, qui sommes réduits à
gémir sous le poids de la mauvaise volonté bien évidente de remplir des
engagements sacrés, contractés envers nous à la face de l’Europe et dont
l’accomplissement est encore attendu avec anxiété.
Dans cette position,
messieurs, ne pouvant rien préjuger sur un objet de cette importance, ne
pouvant appuyer une demande d’indemnité sans être assurés que cela n’a pas lieu
pour des dévastations faites par l’ennemi sur son propre territoire, votre
commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de la pétition au ministre de
l’intérieur.
M. Dumortier.
- La pétition dont il s’agit n’est pas du nombre de celles qui nous arrivent en
masse ; elle est d’une bien autre importance. On a privé la Flandre zélandaise
de toute espèce de canal, d’about à la mer, de toute espèce de débouché pour
ses eaux intérieures.
Le Clara polder, dont il s’agit dans la pétition, a
été conquis par les Belges sur la mer, partie dans les limites de la Belgique
et partie dans les limites de la Hollande. Je crois que cette pétition doit
être prise en très sérieuse considération par le ministre, à qui l’on doit même
demander des explications. Il est d’une très haute importance pour la Belgique
que ce polder lui appartienne tout entier, et ne soit pas coupé en deux.
Je désirerais savoir si le
gouvernement fait toutes les démarches nécessaires pour le conserver. Il n’y a
qu’une seule écluse, celle d’Isabelle, pour communiquer avec les eaux
maritimes. Si nous sommes privés de cette écluse, il s’ensuivra que nous
n’aurons plus de débouchés pour nos eaux intérieures. La conférence avait
d’abord compris le Clara polder et l’écluse dans le territoire belge, parce
qu’elle avait procédé d’après les limites de 1790, qui allaient jusqu’à la mer
; mais, sachant ensuite que c’était un terrain conquis sur la mer, elle a dû
revenir sur la question. Il s’agit de savoir si les Flandres occupent un point
de contact avec les eaux maritimes, et si elles ont un débouché pour leurs eaux
intérieures. Je demande que le ministre soit invité à donner des renseignements
sur ce point.
M. Davignon.
- Je n’ai pas attendu l’interpellation de l’honorable M. Dumortier, pour
demander des renseignements à M. le ministre de l’intérieur sur la pétition.
Voici ceux qu’il m’a communiqués :
« Sur les réclamations du Clara-polder, la
direction du Clara-polder demande le remboursement des sommes qu’elle a
employée à la fermeture de la brèche faite dans la digue de mer par les
Hollandais.
« Il est à observer sur cette demande 1° que le
Clara-polder est compris dans le terrain assigné à la Hollande, et que ces
sommes, qui seraient accordées à la direction, seraient en résultat consacrées à
la conservation d’un territoire étranger.
« 2° Que le Clara-polder, fùt-il belge, n’aurait
aucun droit au remboursement de ses avances. Il suffit, pour s’en bien
convaincre, de jeter les yeux sur le décret impérial du 11 janvier 1811 qui
contient les bases du régime des polders.
Il résulte de l’ensemble de ce décret que les terrains
sont exclusivement grevés de toutes les dépenses nécessitées par leurs ouvrages
de défense.
« Le décret cité porté : Art. 5. Le revenu des
polders et même la valeur du fonds sont affectés par privilège à toutes les
dépenses d’entretien, réparation et reconstruction des digues.
« Ce principe est développé dans les articles
suivants :
« D’après l’article 10, le gouvernement peut
poursuivre l’expropriation du polder pour obtenir le remboursement des sommes
avancées par lui pour travaux exécutés d’office.
« 3° Que les fonds accordés pour les polders ne
sont pas destinés à être répartis, à titre d’indemnité, entre les directions
respectives.
« La législature n’a eu en vue que les coupures
de Lillo et de Burcht ; elle a pensé qu’il fallait pourvoir à la conservation
de deux provinces, qu’il fallait arrêter les conséquences de désastres qui
menaçaient la navigation de l’Escaut. Les travaux à exécuter étaient d’une
telle importance que l’on pouvait craindre que les directions des polders
envahis par les eaux ne parviendraient pas à les établir convenablement.
« L’Etat est intervenu par ses ingénieurs et avec
les fonds du trésor, mais dans un intérêt général, et non dans l’intérêt privé
des propriétaires de telle ou telle localité.
« La loi invoquée par la direction du
Clara-polder fait la réserve expresse des droits du gouvernement au
remboursement de ses avances ; on n’a donc pas entendu accorder une indemnité.
« Le Clara-polder avait
moins d’importance par sa position géographique ; il est parvenu par ses
propres ressources à fermer la bréche de la digue ; l’intervention du
gouvernement eût été sans objet à son égard.
« Le remboursement qui lui serait accordé ne
pourrait être envisagé que comme indemnité ; or, la question des indemnités qui
pourraient être dues pour pertes essuyées par suite des événements de la
révolution est encore pendante ; on ne peut accéder aux demandes du
Clara-Polder sans la résoudre indirectement en sa faveur. »
M. Dumortier. - Je persiste dans la proposition que j’ai faite
tout à l’heure. Il me semble que la lecture que vient la donner M. le
rapporteur prouve la nécessité d’avoir des explications positives, non pas tant
sur la question d’indemnité que pour savoir si le gouvernement a pris les
mesures convenables afin que le Clara-polder appartienne à la Belgique.
Ce n’est pas ici un intérêt de localité. Dans le
moment où la Hollande fait tous ses efforts auprès de la conférence, il faut
que nous fassions aussi quelque chose pour la Flandre zélandaise. Si le
gouvernement avait senti le besoin d’un débouché pour l’écoulement des eaux
intérieures, il aurait fait cette demande depuis longtemps. J’insiste donc pour
que la pétition soit renvoyée au ministre de l’intérieur, avec demande
d’explications.
M. Davignon. - Votre commission, messieurs, a tout à fait abondé
dans le sens de M. Dumortier, sur l’intérêt que nous avons à conserver le Clara-polder
; mais elle a senti que c’était une question diplomatique.
M. A. Rodenbach. - Je demande que la pétition soit aussi renvoyée au ministre des
affaires étrangères.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je voudrais qu’il fut donné lecture de la
pétition, car il me semble que M. Dumortier lui donne une extensiond qu’elle
n’a pas. Les auteurs de cette pétition ne demandent point que le Clara-Polder
reste à la Belgique ; ils demandent seulement à être indemnisés de leurs
dépenses.
Je ne crois pas qu’on puisse,
à cette occasion, élever la question de ce que peut faire le gouvernement
relativement à la propriété de ce polder. Les renseignements que j’ai procurés
à M. le rapporteur démontrent que le gouvernement ne pourrait pas satisfaire à
la demande d’indemnité des pétitionnaires, sans s’écarter du décret de 1811 qui
contient les bases du régime des polders, sans s’écarter des intentions de la
chambre elle-même.
Si, en me renvoyant la pétition, on entendait
m’engager à restituer aux propriétaires du Clara-Polder les fonds qu’ils ont pu
employer dans leur intérêt, je serais obligé de demander une allocation
spéciale, ou du moins une extension aux fonds votés pour la réparation des
digues, lesquels fonds ne devaient s’appliquer qu’à la rive gauche et la rive
droite de l’Escaut.
Quant à la question diplomatique, Ce n’est pas à moi
qu’elle doit être renvoyée, mais au ministre des affaires étrangères.
M. de Theux. - Il y a eu des négociations, de la part de M. le
ministre des affaires étrangères, dès le mois d’octobre 1831, relativement au
Clara-Polder. Voici ce que je lis dans un discours qu’il a prononcé au sénat
dans la séance du 5 octobre 1831 :
L’orateur donne lecture de ce discours ainsi conçu :
« La sollicitude du gouvernement belge n’a pas été
moins vive pour le Clara-Polder que pour les autres ; mais lorsque nous étions
d’accord pour ainsi dire sur ce point, et quand nous étions prêts à faire
réparer les coupure de ce polder, une nouvelle difficulté fut élevée de la part
de la Hollande : elle déclara que, par sa position particulière, le
Clara-Polder faisait partie de son territoire, soit qu’anciennement il lui eût
appartenu réellement, soit qu’il eût été joint à ces provinces par alluvion. Le
gouvernement hollandais ayant donc considéré le Clara-Polder comme étant sur
son territoire, n’a pas voulu que les réparations fussent faites ni sous la
direction d’ingénieurs belges, ni par des ouvriers belges. Il a prétendu
qu’aucun Belge n’avait le droit de mettre le pied sur son territoire et que par
conséquent nous n’avions pas à nous en mêler, parce que, s’il trouvait les
réparations utiles, il les ferait lui-même.
«Cependant, comme le Clara-Polder appartient en grande
partie, sinon tout entier, à des propriétaires belges, de nouvelles instances
furent faites à la conférence, et, par l’intermédiaire de sir Adair et de M. le
général Belliard auprès de la cour de La Haye, après bien des pourparlers, le
gouvernement hollandais autorisa le
général de Kock à s’entendre avec les propriétaires des polders pour faire
faire les réparations, en stipulant qu’elles ne pourraient se faire que sous la
direction d’ingénieurs hollandais, et par des ouvriers hollandais.
« Quelle que fût la sollicitude du gouvernement belge
pour les propriétaires de ce polder, il nous a été impossible de vous présenter
un projet de loi à ce sujet, attendu qu’il aurait fallu faire des estimations
des dégâts, des plans et des devis pour faire connaître la dépense présumée
toutes choses impossibles à réaliser, puisque le gouvernement hollandais ne
veut pas permettre à un Belge de mettre le pied sur ce qu’il considère comme
faisant partie de son territoire.
« Moi-même, ayant été consulté par plusieurs
propriétaires du Clara-Polder, je leur ai conseillé de s’entendre avec le
général de Lock par l’intermédiaire du général Belliard et de sir Adair ; on
s’’est en effet entendu : une adjudication a eu lieu, et les travaux
s’exécutent avec activité.
« Ces travaux faits, restera la question de savoir si
les propriétaires de ce polder n’ont pas droit à être traités comme les autres.
Vous savez que les travaux à faire sont de deux sortes. Les uns doivent être
faits aux digues de mer, et ceux-là sont à la charge du gouvernement ; les
autres sont des travaux à faire aux digues intérieures, et en temps ordinaires
ils devraient être à la charge des propriétaires des terrains.
« Dans l’état actuel des choses,
il n’était pas possible de procéder de cette manière. Il est impossible, on le
sait, de réparer les digues de mer, à moins qu’on ne se débarrasse
préalablement des eaux intérieures ; il faudrait donc commencer par les eaux
intérieures. Mais, pour cela, il fallait obtenir le consentement des
propriétaires ; il eût fallu les convoquer, les mettre d’accord : tout cela eût
exigé des délais qu’il n’était pas prudent d’attendre. Le gouvernement a donc
cru se mettre à la place des propriétaires, et, agissant comme negotium gestor,
vous proposer de faire faire les travaux qu’auraient dû faire faire les
propriétaires eux-mêmes, parce que si on eût attendu jusqu’au 15 novembre,
époque des eaux les plus dangereuses, la dépense aurait été certainement
décuplée, et peut-être vingt fois plus forte.
« Si cependant, plus
tard, ces frais n’étaient pas récupérés à la charge des directions des polders
ou des propriétaires, il me semble que, par principe de justice, il faudrait
indemniser les propriétaires du Clara-Polder. »
M. Coppens. - Je ferai observer que ce n’est pas seulement le
Clara-Polder qui souffre des inondations, mais les terrains qui se trouvent
derrière. C’est sans doute pour cela que M. Dumortier a fait sa proposition,
car si l’écluse nous est enlevée, il est impossible que les eaux intérieures
soient écoulées ; elles s’étendent maintenant à 3 lieues sur notre territoire.
M. Jullien. - Je comprends qu’il est très difficile au ministère
de prendre des mesures pour que le Clara-Polder nous appartienne s’il ne nous
appartient pas. Mais ce n’est pas là la question. M. Dumortier a demandé le
renvoi proposé par la commission avec demande d’explications, et M. A.
Rodenbach a demandé en outre le renvoi au ministre des affaires étrangères. Eh
bien, c’est cela qu’il s’agit de discuter. Quant à moi j’appuie le double
renvoi. Les détails dans lesquels on est entré sur une autre question sont
prématurés.
M. Davignon. - Pour les renseignements j’ai déjà fait connaître
ceux que m’a fournis M. le ministre de l’intérieur. Quant à la question de
propriété du Clara-Polder, il n’en est nullement question dans la demande des
pétitionnaires. Ils se bornent seulement à dire qu’ils n’ont pas cessé d’être
unis d’intérêt et d’affection pour la Belgique.
M. H. de Brouckere. - J’appuie la demande d’explications. S’il est vrai
que ce n’est pas seulement dans leur intérêt que les habitants du Clara-Polder
ont travaillé, mais aussi dans celui de la Flandre belge, il est très possible
qu’ils aient droit à une indemnité. C’est sous ce rapport, je crois, qu’on
demande des renseignements.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il est certain que les réparations des polders
supérieurs auront servi aux polders inférieurs, mais la question serait de
savoir jusqu’à quel point ils auront pu servir aux propriétaires belges ; c’est
ce qu’il sera très difficile d’évaluer.
L’honorable M. Coppens a dit que trois lieues du pays
étaient inondées…
M. Coppens.
- J’ai dit que l’écoulement ne se faisait pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il me semble que M. Coppens a dit que les eaux
inondaient trois lieues de l’intérieur du pays. Je crois que ce fait est
inexact, ou il faut alors que les hommes de l’art m’induisent en erreur à ce
sujet. D’après le rapport officiel qu’ils m’ont fait parvenir, il n’y a pas une
seule portion de notre territoire qui soit soumis à l’inondation. A la vérité,
il y a des propriétaires belges, vivant en Belgique et possédant des terrains
en Hollande, qui se sont plains des inondations. C’est là la cause de diverses
réclamations qua ont eu lieu, mais il n’en est pas moins vrai que ces
réclamations n’existent que sur le territoire hollandais : remarquez,
messieurs, que le gouvernement n’a pas d’autre intérêt que ceux des Flandres
elles-mêmes, mais il ne faut rien exagérer.
M. Coppens.
- Je prierai M. le ministre de vouloir bien, quand il en aura le temps, envoyer
quelqu’un pour constater le fait, et il verra que depuis l’écluse jusqu’au sas
de Gand il y a des endroits ou l’on a de l’eau jusqu’au genou. Dans ce moment
même un ingénieur y travaille.
- La chambre consultée renvoie la pétition au ministre
de l’intérieur avec demande de renseignements, et en outre au ministre des
affaires étrangères.
M. Davignon, rapporteur. - « Par pétition en date du 12 décembre 1832, le
sieur Prud’homme, cabaretier à Peruwelz, demande que la chambre lui permette
d’établir à ses frais, près sa demeure, un bac de passage sur le canal à
l’endroit dit le Large. »
On peut ajouter à cette pétition la suivante qui a le
même objet :
« Par pétition en date du 12 décembre 1832, le
sieur Frappart, marchand de charbon à Wiers, adresse la demande d’établir à ses
frais, près de sa demeure, sur le canal d’Antoing, un bac de passage à
l’endroit dit la Courbe. »
La commission propose le renvoi des deux mémoires au
ministre de l’intérieur.
M. Gendebien.
- Le pétitionnaire demande-t-il simplement la faculté d’établir un ponton, de
manière que d’autres puissent en établir également ?
M. Davignon.
- Il demande la faculté d’établir un ponton avec péage.
M. Gendebien. - Alors c’est un privilège exclusif. Je ne veux pas
que le pétitionnaire établisse un ponton sans rien recevoir. Ce qu’il faut bien
savoir, si sa demande est exclusive de toute demande semblable.
M. Davignon.
- Il offre 40 florins par année pour obtenir la concession.
M. Gendebien. - Dès l’instant qu’il peut y avoir du doute sur la
prétention du pétitionnaire, nous devons passer à l’ordre du jour.
Si la demande était pure et simple et telle que le
ministre pût accorder l’établissement d’un autre bac à côté du premier, nous
pourrions, dans l’intérêt public, ordonner le renvoi au ministre.
M. de Brouckere. - C’est une pétition faite dans un intérêt privé et non dans un
intérêt public, et je ne vois pas pourquoi nous le renverrions au ministre de
l’intérieur. Peu nous importe que le sieur Prud’homme ait un passage ou n’en
ait pas ; c’est une affaire d’intérêt personnel qui ne peut nous concerner.
M. Davignon.
- Comme la concession ne peut être donnée que par une mesure législative, la
commissios a cru devoir proposer le renvoi au ministre de l’intérieur, qui
jugera s’il y a lieu de proposer une loi.
M. A. Rodenbach. - Que le pétitionnaire s’adresse directement au
ministre.
M. Davignon.
- Il s est déjà adressé au ministre.
M. de Brouckere. - Nous ne pouvons donner notre appui à une pétition sans savoir si la
demande est relative à l’intérêt public, si elle est fondée.
M. Dubus. - Je viens appuyer la conclusion de la commission.
L’établissement du canal d’Antoing a interrompu une
foule de communications, et cependant il est de l’intérêt des localités
qu’elles soient multipliées. D’un antre côté le rapporteur de la commission
nous dit que déjà les pensionnaires se sont adressés au ministre de
l’intérieur, lequel a répondu que l’autorisation ne pouvait être donnée que par
une mesure législative.
Mais, pour prendre la mesure législative, il faut
vérifier plus d’un fait ; la chambre ne peut convenablement prendre des
renseignements sur de semblable faits. Le ministre de l’intérieur est seul dans
la situation de se les procurer et d’après les documents qui lui
parviendraient, il pourrait présenter un projet de loi s’il y avait lieu. C’est
sous ce rapport que je demande le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. - Je ne m’oppose pas au renvoi des deux pétitions au
ministre de l’intérieur ; mais je demande qu’il soit bien constaté que c’est pour
obtenir des renseignements ultérieurs. Il ne faut pas que le ministre croie que
nous lui renvoyons les pétitions pour qu’il présente un projet de loi ; il faut
éviter les lois inutiles que nous rejetterions, il faut les éviter autant dans
l’intérêt de la dignité de l’administration que dans celui de la dignité de la
chambre.
M. de Brouckere. - Si c’est pour obtenir des renseignements qu’on renvoie les pétitions
au ministre de l’intérieur, je ne m’y oppose pas.
M. A. Rodenbach. - Si le bac est nécessaire, le ministre le fera
établir par adjudication publique ainsi que le veulent les lois, et non par une
concession particulière. Il est des cas où un ministre pourrait s’entendre avec
un particulier ; je ne le suppose pas maintenant ; mais je demande que les lois
soient exécutées et que dans l’intérêt public il y ait adjudication.
- Les deux pétitions sont renvoyées au ministre de
l’intérieur avec demande de renseignements.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole. Je veux faire observer que,
lorsque j’ai dit qu’il ne restait pas en Flandre de territoire inondé, il ne
faut pas entendre la partie de la Flandre qui concerne Anvers...
Des voix. - Non !
non !
M. Davignon, rapporteur. - « Par pétition en date du 18 décembre 1832,
le sieur G. Vernier, capitaine de cavalerie en non-activité à Tournay, dont la
précédente pétition par laquelle il demandait le paiement de sa pension des
Indes a été renvoyée à MM. les ministres de la guerre et des finances, se
plaint de ce qu’il n’a pas encore été fait droit à sa réclamation. »
En Hollande on ne paie la pension ordinaire, comme la
pension extraordinaire, que pour autant que le pensionné justifie qu’il ne
jouit d’aucun traitement ni d’aucune autre pension. Voici la copie littérale de
la disposition de l’arrêté du 28 février 1826, qui confirme ce que j’avance :
« Le paiement supplémentaire sera fait sur le
pied mentionné, aussi longtemps qu’il (le pensionné) aura sa résidence fixe
dans le royaume, après envoi, pour chaque paiement, d’un certificat de vie
délivré, par l’autorité communale de sa résidence, contenant en même temps
qu’il ne jouit d’aucun traitement militaire, ni civil, ni d’aucune pension,
etc. »
Le pétitionnaire jouit du traitement de capitaine de
cavalerie en non-activité, qui lui fournit des moyens d’existence honorables ;
conformément à l’arrêté du régent du 15 mars 1831, il a été payé sur le pied du
maximum de la pension affectée à son grade jusqu’au 11 décembre 1830, jour
auquel il a été remis en activité de service.
Le supplément de la pension des Indes qu’il réclame ne
peut donner lieu qu’à un rappel, à l’époque de la liquidation générale entre la
Belgique et la Hollande ; le cas est prévu et réglé dans l’article 2 de
l’arrêté précité.
La caisse de ces pensions est en Hollande ; rien ne
prouve qu’il existe encore des fonds disponibles pour l’acquittement de ces
pensions supplémentaires.
S’il était question d’un
paiement anticipatif à faire à un homme dans le besoin, nous aurions considéré
comme un devoir de lui porter secours par un renvoi au ministre ; mais il
s’agit d’un cumul, que, pour être fidèles à nos institutions, nous ne pouvons
admettre.
L’inscription de la demande du pétitionnaire est faite
pour ce qui concerne sa pension des Indes ; on la fera valoir en temps : c’est
ce qu’il peut demander. Le ministre a dû le lui faire connaître ; on ne
pourrait donc qu’obtenir une répétition par un renvoi. C’est pourquoi votre
commission, messieurs, a conclu à l’ordre du jour.
M. Gendebien.
- Je désirerais savoir si le pétitionnaire entend réunir sa pension des Indes à
son traitement de non-activité ?
M. Davignon.
- Tel est le but de sa demande.
M. Gendebien. - Je suis très disposé à croire que ceux qui ont été
pensionnés pour avoir été aux Indes peuvent cumuler. Le service des Indes est
un service extraordinaire, un service très meurtrier, et pour lequel il y a des
dispositions spéciales. Le capitaine a un droit acquis à une pension ; si on
renvoyait la pétition en attendant liquidation avec la Hollande, ce serait
renvoyer aux calendes grecques ; on ne peut faire un semblable renvoi. Il est
probable que d’ici à longtemps il n’y aura pas de liquidation avec la Hollande.
Nous devons payer d’abord ce qui est dû ; nous ferons valoir vis-à-vis de la
Hollande les sommes que nous aurons avancées. La pension de ce militaire est la
récompense de services rendus aux deux pays ; il a donc des droits sur la
Belgique comme sur la Hollande ; nous discuterons avec la Hollande pour quelle
quotité nous devons contribuer à cette pension. Le malheureux qui a des droits
acquis ne peut être renvoyé aux calendes grecques ; il faut qu’il nourrisse sa
famille. Nous devons donc renvoyer le mémoire au ministre de la guerre, avec
demande d’explications.
M. Jullien. - Messieurs, je ne conçois pas trop les conclusions
de la commission.
Le pétitionnaire expose qu’il a fait déjà une demande
à la chambre, pour réclamer sa pension des Indes ; la commission nous dit que
cette pétition a été renvoyée aux ministres de l’intérieur et de la guerre : on
n’a pas répondu à cette pétition. Il me semble qu’il est raisonnable et juste
de renvoyer la seconde pétition aux ministres, afin qu’ils se donnent la peine
de répondre au pétitionnaire ; si vous n’ordonnez pas le renvoi, les ministres
pourront se croire dispensés de répondre aux pétitions qui leur sont renvoyées
: l’officier doit avoir une réponse ou des ministres ou de la chambre.
M. A. Rodenbach. - Le capitaine, demande-t-il une pension pour le
service des Indes, et un traitement du gouvernement belge.
M. Davignon.
- Il demande le cumul.
M. A. Rodenbach. - Les officiers ne cumulent pas. Les officiers qui avaient servi dans les
Indes, avaient une forte pension, mais sans cumul ; je connais un major
aveugle, qui ne reçoit que la pension des Indes ; il ne demande pas à être
cumulard. (On rit.) J’appuie la
proposition de M. Jullien et de M. Gendebien, en affirmant que, sous le précédent
gouvernement, les officiers ne demandaient pas à être cumulards, (On rit encore.)
M. Gendebien.
- La caisse spéciale des pensions inscrites est en. Hollande ; mais ce ne serait
pas là un motif pour refuser un supplément de pension au pétitionnaire.
Les fonctionnaires civils, quoique leur caisse soit en
Hollande, reçoivent sur des fonds que vous votez un supplément de pension ; les
services militaires dans les Indes, extrêmement meurtriers, méritent bien qu’on
prenne la même mesure pour les rémunérer. Je persiste à proposer le renvoi de
la pétition au ministre de la guerre avec demande d’explications. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
- L’ordre du jour est écarté.
Le renvoi au ministre de la guerre avec demande
d’explications est ordonné.
Il est quatre heures et demie.
Membres absents sans congé à la séance de ce jour.
MM. Angillis, Cols, Coppieters, de Bousies, de Foere,
de Muelenaere, de Robaulx, de Roo, d’Huart, Helias d’Huddeghem, Seron,
Speelman, H. Vilain XIIII.