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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16
janvier 1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
protestation du conseil d’administration de la société générale et proposition
de créer une commission spéciale (d’Elhoungne)
2) Démission d’un membre de la chambre (de Woelmont)
3) Proposition de loi relative aux avocats près la cour de cassation (de Brouckere)
4) Projet de loi tendant à conférer une épée
d’honneur au général Gérard (Dumortier)
5) Projet de loi tendant à céder un pont de
l’Etat à la ville de Gand. Aliénation domaniale et abolition d’un droit de
passage sur ledit pont (Dellafaille)
6) Projet de loi modifiant la loi sur les
concessions de mines
7) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, aux polders et à l’écoulement des eaux dans les Flandres (wateringue
d’Isabelle) (Van Hoobrouck, Gendebien),
à la destitution d’un officier de la garde civique pour soupçon d’orangisme (Gendebien, de Brouckere), à
l’indemnisation d’une victime des événements révolutionnaires de septembre et
d’un combattant de septembre (Stas) (Gendebien, Rogier, Gendebien, Rogier), à l’indemnité d’un maître de postes (A. Rodenbach, Duvivier, de Brouckere, Coghen, A. Rodenbach, Dubus, Duvivier, d’Elhoungne), à
l’impôt sur le sel (Osy, d’Elhoungne,
Donny, de Brouckere), à
l’impôt des distilleries (d’Elhoungne, A. Rodenbach, Duvivier, Dumortier, d’Elhoungne,
(+impôt sur la bière) Zoude), au refus d’accorder à un
étranger un mandat public communal (échevin) (d’Hoffschmidt,
de Brouckere, Rogier, de Brouckere, Dubus, Donny)
8) Vérification des pouvoirs des membres
nouvellement élus. Elections contestées de Tournay (Goblet)
(Dumortier)
(Moniteur belge
n°18, du 18 janvier 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques,
à une heure, fait l’appel nominal. La chambre est en nombre pour délibérer.
La séance est ouverte.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en
est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques
fait connaître l’objet de plusieurs pièces adressées à la chambre. Parmi ces
pièces, on remarque une pétition de la société générale pour favoriser
l’industrie.
Plusieurs membres.
- Lisez cette pétition ! La lecture ! la lecture !
M. d’Elhoungne. - Comme la banque est un de ces établissements qui exercent une grande
influence sur le crédit commercial, il importe à l’assemblée de connaître sa
pétition et le motif de sa demande.
M. Jacques
donne lecture de la pétition. Elle est conçue en ces termes :
« Messieurs,
« La chambre des représentants, dans le cours de
la discussion des voies et moyens pour l’exercice 1833, a entendu de graves
allégations contre la société générale pour favoriser l’industrie nationale,
relativement à sa situation envers le trésor de l’ancien royaume des Pays-Bas.
« Cette société a été représentée comme redevable
envers l’Etat de sommes considérables.
« La société générale, établissement libre et
indépendant, ayant constamment concouru de tous ses moyens au bien général du
pays, ne peut pas être indûment considérée comme détentrice de fonds
appartenant à l’Etat. Les gouverneur et directeurs de cette société croient
donc devoir prier la chambre de vouloir bien nommer, dans son sein, une
commission spéciale d’enquête, chargée d’examiner la situation actuelle de la
société générale vis-à-vis de l’ancien royaume des Pays-Bas. Ils s’engagent dès
à présent à donner à cette commission tous les renseignements propres à faire
connaître exactement cette situation, et à jeter le plus grand jour sur toutes
les questions qui s’y rattachent.
« Les gouverneur et directeurs de la société
générale prient la chambre des représentants d’agréer l’expression de leurs
respects.
« Signé Meeus, Devaux, de Saive, Rittweger,
Caroly, Engler, Opdenberg, F. Basse et Greban. »
________________
Parmi les pièces adressées à la chambre, on remarque
encore une pétition des électeurs de Liége contre les dernières élections qui
ont eu lieu dans cette cité.
Les procès-verbaux des élections de Liège sont transmis
à la chambre par M. le ministre de l’intérieur.
- MM. Morel-Danheel et J. Vanderbelen s’excusent, sur
l’état de leur santé, de ne pouvoir partager aujourd’hui les travaux de leurs
collègues.
DEMISSION D’UN MEMBRE DE LA CHAMBRE
M. le baron de Woelmont adresse à la chambre la lettre suivante :
« Messieurs,
« Mes affaires particulières et des occupations
qui réclament chez moi ma présence continuelle, ou peu s’en faut, me mettent
dans l’impossibilité de suivre les séances de la chambre des représentants avec
l’assiduité que ses travaux réclament. ; je me trouve donc forcé, M. le
président de vous adresser par la présente ma démission des fonctions de
député, que les électeurs de mon arrondissement avaient bien voulu me confier,
et dont je leur témoigne ici ma reconnaissance bien sincère ; j’ose espérer que
vous voudrez bien prévenir M. le ministre de l'intérieur afin qu’il puisse
aviser à mon remplacement, et vous prie de trouver ici, de même que tous mes
honorables collègues, l’assurance, etc. »
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX AVOCATS PRES LA COUR
DE CASSATION
M. le président.
- Une proposition a été déposée sur le bureau par M. de Brouckere, elle sera
renvoyée dans les bureaux pour savoir si la lecture en sera autorisée.
PROJET DE LOI TENDANT A CONFERER UNE EPEE D’HONNEUR AU
GENERAL GERARD
M. le président.
- Le sénat a envoyé à la chambre un projet de loi tendant à donner une épée
d’honneur à M. le maréchal Gérard, général en chef de l’armée du Nord.
Faut-il soumettre ce projet aux sections ou à une
commission ?
M. Dumortier.
- Nous sommes arrivés à l’époque du renouvellement des sections ; il
faudra nous réunir en sections pour en nommer les présidents et secrétaires ;
nous pourrons en même temps examiner le projet de loi.
- La chambre, consultée, renvoie le projet à une
commission.
Cette commission, désignée par le bureau, est composée
de MM. Fallon, Desmet, Dubus, Mary et d’Huart.
M. le président.
- Quand désire-t-on s’occuper de la loi ?
Plusieurs membres.
- Immédiatement ! Immédiatement !
D’autres membres. - Demain !
demain ! Le projet de loi n’est pas à l’ordre du jour !
- La majorité renvoie la discussion de la loi à la
séance de demain.
PROJET DE LOI TENDANT A CEDER A LA VILLE DE GAND UN
PONT DE L’ETAT
M. le président.
- La parole est à M. le rapporteur de la section centrale chargée de l’examen
du projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à céder à la ville de Gand
le pont domanial dit de la Pêcherie.
M. Dellafaille. - Messieurs, votre section centrale m’ayant confié le soin de vous
faire son rapport sur le projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à
céder à la ville de Gand le pont domanial de la Pêcherie, je viens, en acquit
de ma tâche vous rendre compte de l’examen auquel ce projet a été soumis.
Cinq sections seulement ont été représentées à la
section centrale, le rapporteur de la quatrième, nommé trop tard, n’a pu
prendre part à ce travail.
Toutes les sections ont admis le principe du projet.
La section centrale a partagé leur avis et pensé qu’une aliénation qui doit
avoir pour résultat l’abolition d’un péage essentiellement onéreux au sein
d’une ville populeuse et manufacturière ne pouvait être considérée que comme un
acte très sage de la part d’un gouvernement plus jaloux des intérêts du peuple
que de ceux du fisc.
Ce principe admis, il ne pouvait s’élever de
difficultés que sur les conditions auxquelles s’est soumise la valle de Gand,
conditions exprimées dans un rapport que mentionne l’exposé de motifs annexé au
projet de loi, mais qui, par oubli sans doute, n’a point été mis sous vos yeux.
(Note du
webmaster : La suite du rapport est uniquement consacrée à l’établissement du
coût de la cession. Compte tenu de son intérêt anecdotique, elle n’est pas
reprise dans la présente version numérisée. Le rapport se poursuit ainsi : )
D’ailleurs, ce n’est plus même un objet de revenu que
cède le gouvernement, mais bien un droit improductif ; car, depuis la
révolution, la perception de la taxe a cessé de fait.
Déjà sous l’ancien gouvernement cette taxe avait donné
lieu à beaucoup de murmures, et le peuple ne s’y soumettait que parce qu’il ne
voyait pas le moyen de s’en affranchir. Plus d’une fois, même dès ce temps-là,
la police a dû intervenir pour faire respecter les droits des adjudicataires.
Lorsque la révolution a éclaté, au milieu des désordres inséparables d’une
commotion politique, il a fallu renoncer à cette perception qui depuis est
diminuée, abrogée de fait et qui, après un laps de plus de deux ans, ne
pourrait être rétablie qu’en prêtant main forte aux commis et peut-être qu’en
employant des voies de rigueur également répugnantes et dangereuses.
Par l’exposé de ce fait, il est évident, messieurs,
que la perte est du côté de la ville de Gand qui sacrifie, dans l’intérêt de
ses habitants, un fond dont elle ne tirera aucun intérêt, tandis que le
gouvernement, après avoir joui pendant plusieurs années d’un revenu assez
considérable de 1,764 florins, pour une mise du fond de 22,896, percevra encore
aujourd’hui une somme de 10,000 fl. pour une propriété devenue non seulement
improductive, mais onéreuse. Une autre observation qui ne vous échappera pas,
messieurs, c’est que la suppression de ce péage, en facilitant les
communications entre deux parties importantes de la ville, augmentera
nécessairement la valeur de propriété et le nombre des constructions dans un
quartier qui ne demande que des débouchés et auquel la proximité du bassin
donnera une vie nouvelle aussitôt que la paix aura ranimé les spéculations commerciales
et industrielles, et que par conséquent ce sacrifice momentané procurera dans
la suite au trésor un avantage dont il est juste de tenir compte.
Quant au taux de l’intérêt de divers termes de
paiement, le gouvernement, acceptant purement et simplement les propositions de
la régence de Gand, content à le fixer à 4 p. c. par an. La 5ème section
demande que cet intérêt soit élevé de 4 à 5. Votre section centrale n’a pas cru
que, l’aliénation jugée utile et le prix trouvé convenable, il valut la peine
d’élever une difficulté sur une condition aussi secondaire. La somme totale des
intérêts que la ville de Gand devra payer au gouvernement selon le taux proposé
se monte à 2,200 fl. A raison de 5 p. c., elle s élèverait à 2,750, différence
de 550 fl. en dix ans ou de 55 fl. annuellement, une année compensant l’autre.
Un objet aussi minime n’a point semblé exiger une modification aux conditions
convenues.
Par les motifs ci-dessus énoncés, votre section
centrale a l’honneur de vous proposer l’adoption du projet de loi avec
l’amendement suivant :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à
faire céder à la ville de Gand la propriété incommutable du pont domanial dit
la Pêcherie, sis en ladite ville, près la porte de Bruxelles, moyennant le prix
de dix mille florins, payable en dix ans, par termes de mille fl. »
PROJET DE LOI MODIFIANT LA LOI SUR LES CONCESSIONS DE
MINES
M. le président.
- Il y a à l’ordre du jour un projet de loi concernant les redevances
proportionnelles sur les mines.
La section centrale a modifié le projet du
gouvernement. M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à la proposition de
la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je me réunis à la proposition de la section
centrale.
Ce projet est ainsi conçu :
« Léopold,
« Vu l’article 28 de la constitution ;
« Vu les décrets du congrès des 28 décembre 1830
(Bulletin officiel, n°30) et 25 juin
1831 (Bulletin officiel, n°162) ;
Vu l’article 35 de la loi du 21 avril 1830 (Bulletin des lois, n°), et le décret
impérial du 6 mai 1811 (Bulletin des lois,
n°)
Considérant qu’il s’est élevé, relativement à
l’assiette de la redevance proportionnelle sur les mines, des doutes qu’il
importe de lever par une interprétation législative ;
« Nous avons, de commun accord avec les chambres,
décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. L’assiette de la redevance
proportionnelle sur les mines, exercice de 1831, sera fixée d’après les produits
de l’année précédente, conformément audit décret du 6 mai 1811.
« Mandons, etc. »
- Ce projet ne donne lieu à aucun débat. L’article
unique est adopté ainsi que l’exposé des motifs. L’ensemble de la loi est
soumis à l’appel nominal, et adopté à l’unanimité des 52 membres présents. En
conséquence, la loi sera envoyée au sénat.
M. le président.
- On me fait remarquer que le projet de loi relatif aux oppositions aux demande
en maintenue de concession ou d’exploitation de mines est urgent ; je prie la
commission chargée d’en faire un rapport de hâter son travail.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
La suite de
l’ordre du jour est un rapport de la commission des pétitions.
M. Zoude, rapporteur de cette commission, est appelé à la tribune. - « Par pétition en
date du 13 novembre 1832, le directeur des wateringues du Capitalen-Dam et
d’Isabelle adresse un mémoire relatifs à l’écluse de mer de la wateringue
d’Isabelle. »
Les observations contenues dans ce mémoire ont paru
devoir mériter l’attention de la chambre, d’autant plus que vous savez,
messieurs, que ces polders non seulement, mais enfin la majeure partie de ceux
de la Flandre zélandaise sont des propriétés belges d’immense valeur que les Hollandais
ont peu d’intérêt à ménager, et qu’en invoquant la sécurité de leurs moyens de
défense, ils profiteront avec empressement de la moindre occasion pour leur
faire le plus de mal possible. C’est ainsi qu’ils en agissaient déjà lorsqu’il
existait quelque sympathie entre les deux nations, témoin les excès dont les
Flandres se rappellent encore le souvenir avec effroi, comme le dit le mémoire.
D’après ces antécédents, nous avons tout à redouter de
cette rancune haineuse qui portera longtemps le gouvernement de la Hollande à
nous faire sentir tous les effets de son dépit concentré contre la
reconnaissance solennelle de notre indépendance et de la liberté de l’Escaut, à
laquelle sans doute il sera contraint d’abord.
D’après ces considérations, votre commission a
l’honneur de vous proposer le renoi de ce mémoire au ministre des affaires
étrangères pour qu’il en fasse l’objet de ses méditations les plus sérieuses
lors des négociations particulières à entamer avec la Hollande.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, la pétition qui vous est soumise est du plus haut intérêt
; elle soulève une de ces questions importantes sur lesquelles vous aurez plus
d’une fois à vous prononcer dans le cours de cette session. Permettez-moi donc
de vous exposer en peu de mots la fâcheuse position où se trouve placée depuis
deux ans cette partie de Flandre connue sous le nom de polders belges.
Vous savez, messieurs, qu’il existe dans ces deux
provinces un immense territoire qui a été successivement enlevé à la mer par
l’intrépide industrie de nos ancêtres ; il a fallu des prodiges de patience et
de génie, non seulement pour reculer ainsi les bornes de l’Océan, mais pour
procurer de voies d’écoulement à ce terrain, place lui-même sous le niveau de
la mer. Vous comprendrez, messieurs, que dans cette lutte contre les éléments,
les efforts individuels n’auraient pu suffire.
La communauté d’intérêt et de péril a donné naissance
à ces grandes associations connues sous le nom de wateringues, qui se
régissaient par des administrations particulières. Ces associations étaient
parvenue par leur zèle, et au moyen de nombreuses écluses, placées sur toute la
lisière des Flandres, à assurer à ce pays magique son étonnante prospérité.
Lors de la révolution belge, toutes ces localités s’y
étaient associées avec le plus vif enthousiasme. Le drapeau tricolore avait
flotté sur la plupart des tours de la Flandre zélandaise, et la Belgique de
septembre ne connaissait dans ces parages d’autres limites que celles que la
nature y avait profondément tracées ; mais lorsque le ministère a cru devoir se
jeter dans les voies diplomatiques, la possession de la Flandre zélandaise lui
est devenue onéreuse. Peut-être a-t-il cru y voir un obstacle aux négociations
qu’il lui tardait d’entamer et ce pays a été successivement envahi par les
troupes hollandaises, sans qu’il n’ait rien fait pour s’y opposer, sans qu’il
ait même protesté contre cette indigne violation de l’armistice, mendié par la
Hollande et solennellement garanti par les cinq puissances.
Il ne nous sera peut-être jamais donné de pénétrer les
arcanes de la politique qui dominait alors le gouvernement ; mais nous serons
longtemps à déplorer les funestes conséquences de son apathie. Toutes les écluses
de situation qui déchargeaient à marée basse les eaux non seulement des
polders, mais encore de tout le nord de la Flandre, que la pente naturelle du
terrain y amène, sont aujourd’hui au pouvoir des Hollandais ; et cet ennemi
barbare, sous prétexte d’une légitime défense, alors que nous n’avions pas même
les moyens de résister à ses attaques, a profité d’une victoire trop facile
pour inonder tout ce pays, et consommer ainsi son système de destruction et de
ruine envers une contrée jadis si florissante.
Toutefois, messieurs, le hasard a conservé à la
Belgique une seule de ces nombreuses écluses, celle d’Isabelle, pour laquelle
les pétitionnaires invoquent votre intervention ; cette écluse a été construite
sous la domination française, qui avait réuni ces pays sous une même
administration, conformément au besoin de leurs habitants. Si l’on ne tenait
aucun compte des changements immenses que les atterrements de la mer ont opérés
depuis quarante ans dans cette contrée, cette écluse se
trouverait placée sur la partie hollandaise, tout au plus à 100 mètres des
frontières que la conférence a faites à la Belgique ; en exécution des 24
articles, cette écluse était cédée à la Hollande : il est certain que cette
session deviendrait pour ce pays, la source des plus affreuses calamités. Toute
cette lisière des Flandres n’ayant aujourd’hui d’autre écoulement que par cette
écluse, il a fallu faire depuis deux ans des travaux immenses, creuser d’autres
canaux de dérivation, établir de nouvelles écluses intérieures, enfin
bouleverser tout le systeme de situation établi depuis tant d’années. Ainsi,
messieurs, si cette dernière ressourre était enlevée à cette contrée, jugez
dans quelle affreuse position elle se trouverait placée ; 60,000 arpents des
meilleures terres de l’Europe, et la superficie de 8 à 10 villages,
deviendraient la proie des eaux ; et la Belgique éprouverait un dommage de plus
de 50 millions de francs.
Je demande le renvoi de la pétition au ministre de
l’intérieur. (Appuyé ! appuyé !)
M. Gendebien.
- Messieurs, je pense qu’il ne faut pas se borner au renvoi de la pétition au
ministre des affaires étrangères, il conviendrait de la renvoyer aussi au
ministre de l’intérieur.
M. Van Hoobrouck. - C’est ce que je demande.
M. Gendebien.
- Il conviendrait de la renvoyer au ministre de l’intérieur avec demande
d’explications.
Les conclusions de M. le rapporteur, de M. Van
Hoobrouck et de M. Gendebien sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition en date du 19 novembre 1832, le sieur Lejeune, à
Gand, lieutenant au premier ban mobilisé de la garde civique, se plaint d’avoir
été destitué injustement et demandé l’intervention de la chambre pour être jugé
par un conseil de guerre. »
Le pétitionnaire convient dans son mémoire
justificatif qu’il a été dégradé à cause de sa présence dans une réunion où on
fit tout autre éloge que celui de la révolution et des révolutionnaires. Il
ajoute que c’est par égard pour la société dont il faisait partie, qu’il ne
s’est pas opposé aux toasts portés à nos ennemis.
Votre commission considérant que le gouvernement a le
droit non seulement, mais encore qu’il est de son devoir, de veiller à ce que
les officiers de l’armée apportent du dévouement à l’ordre choses établi par la
révolution ;
Considérant en outre qu’à l’époque de sa demande, le
pétitionnaire n’a pas justifié de s’être adressé à l’autorité compétente pour
obtenir sa remise de jugement devant un conseil de guerre, que les actes
purement administratifs sont étrangers à la chambre ; par ces motifs, votre
commission a l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.
M. Gendebien.
- Messieurs, le pétitionnaire demande l’intervention de la chambre, à l’effet
d’être renvoyé par-devant un conseil de guerre. Il est évident que le
pétitionnaire ne se serait pas adressé à la chambre, s’il ne s’était pas
d’abord adressé au ministre de la guerre. Quant à moi, je sais personnellement
qu’il a fait une demande au ministre : il me l’a montrée.
Il me semble que nous devons écouter un citoyen qui
demande à être jugé par ses pairs, et l’on ne doit pas être étonné que nous
réclamions le renvoi du mémoire au ministre de la guerre. Le crime que l’on
reproche au pétitionnaire c’est de s’être trouvé dans une assemblée où l’on a
mal parlé de la révolution et des révolutionnaires ; si c’est là en effet son
crime, il n’est pas capital car nous connaissons des hommes qui ont déclaré
hautement qu’ils détestaient la révolution et les révolutionnaires, et qui
n’ont pas été destitués pour cela ; au contraire. (On rit.)
M. Zoude. - Dans les pièces communiquées à la commission, il
n’est pas question de demande faite au ministre de la guerre. Il est vrai que
M. Lejeune a adressé à la chambre une nouvelle pétition dans laquelle il parle
de cette demande ; mais la commission des pétitions ne s’est pas trouvée saisie
de l’examen du nouveau mémoire.
M. de Brouckere. - Le gouvernement doit écarter de son service toute personne dont les
sentiments lui sont suspects ; mais il a un autre devoir bien plus sacré à
remplir, c’est de respecter la constitution et les lois ; or, je demande à M.
le rapporteur dans quelles lois il a trouvé qu’il appartenait au ministre de la
guerre de destituer un officier de la garde civique nommé par voie d’élection ?
Je regarde la destitution du pétitionnaire comme une infraction aux lois et
c’est par ce motif que nous ne pouvons pas passer à l’ordre du jour, et nous
devons renvoyer la pétition au ministre de la guerre avec demande
d’explications.
M. Zoude.
- L’officier n’est pas destitué ; il est mis en disponibilité. Il est arrivé de
nouvelles pièces à la chambre, mais le rapport sur la première pétition était
terminé.
M. de Brouckere. - Attendons le rapport sur les nouvelles pièces ; ajournons la
décision jusqu’à ce que la commission soit en mesure de faire un rapport sur la
seconde pétition.
- L’ajournement mis aux voix est adopté.
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Stas, cabaretier à St-Josse-ten-Noode, demande l’intervention
de la chambre pour lui faire obtenir le paiement de l’indemnité à laquelle il a
droit pour pertes et dommages essuyés dans les journées de septembre. »
Le sieur Stas a déjà exposé, en juillet dernier, le
tableau de la situation malheureuse dans laquelle il s’est trouvé par suite des
journées de septembre.
Son fils, percé de coups, jeté parmi les morts dans
une sablonnière à Schaerbeek, lui-même arraché sanglant des bras de sa famille,
et traîné dans les prisons d’Anvers, après avoir vu sa maison livrée à la
dévastation la plus complète et, pour achever la série de ses malheurs, il se
trouve à la veille d’être exproprié, s’il ne l’est déjà.
Accueillant sa première pétition, vous en avez ordonné
le renvoi au ministre de l’intérieur, qui fit procéder immédiatement à une
autre enquête, dont le résultat fut de constater que la perte du réclamant
s’élevait au moins à 30,000 fr. ; et cette enquête lui valut un nouveau secours
de 600 fl. ; il en avait eu précédemment 2,200.
Votre commission, qui sait que la situation financière
du pays ne vous a pas permis de voter des fonds suffisants pour cicatriser
toutes les plaies de la révolution, aurait conclu à l’ordre du jour, si cette
manière d’accueillir les plaintes du malheur ne répugnait aux sentiments d’humanité
de la chambre. C’est pourquoi elle a l’honneur de vous proposer le renvoi pur
et simple de cette pétition au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien.
- Messieurs, il est trop tard ; la ruine du sieur Stas est consommée. Il avait
deux maisons qui lui coûtaient 27,000 florins, dont il a été exproprié ; et
aujourd’hui il se voit réduit à une extrême misère ; il n’est même pas certain,
en se levant le matin, d’avoir du pain pour lui, pour son fils, encore moribond
aujourd’hui de plusieurs blessures qu’il reçut lors de la révolution de
septembre, ni pour sa femme et ses deux filles. Il est temps, messieurs, qu’on
prenne une décision convenable, et qu’on ne repousse plus les hommes qui ont
tout perdu dans la révolution par des fins de non-recevoir et des chicanes. Le
premier devoir du gouvernement qui doit tout à cette révolution est de prendre
des informations sur la valeur des réclamations qui s’élèvent de ce chef, et
d’arriver ensuite à une décision. Si, depuis deux ans et demi, une mesure
quelconque avait été arrêtée à l’égard du sieur Stas, il n’en serait peut-être
pas arrivé à l’état malheureux où il se trouve aujourd’hui.
Je propose donc le renvoi de
la pétition au ministre de l’intérieur avec demande d’explications, et j’espère
qu’il s’entourera de tous les renseignements nécessaires. Les personnes les
plus probes, les plus respectables, les plus désintéressées, ont reconnu les
droits du sieur Stas, ils ont même donné des attestations écrites. Eh bien, il
n’en est pas moins réduit à une profonde misère, lui qui a été traîné dans les
prisons et dont le fils a été laissé pour mort dans une sablonnière à
Schaerbeek. Voilà comme on récompense les hommes de septembre, tandis qu’on
souffre que d’autres élèvent chicane sur chicane auprès de la cour des comptes
à l’effet de faire grossir leur traitement déjà considérable. Il est vraiment
étonnant qu’on tolère une pareille chose de la part d’hommes qui sont
grassement salariés, et que l’on refuse justice aux malheureux qui ont tout perdu
par suite de la révolution.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si l’on désire renvoyer la pétition au ministre de
l’intérieur pour avoir des explications, je me crois dès à présent à même de les
donner aussi satisfaisantes que je pourrais le faire plus tard. Le sieur Stas,
qui a entretenu assez souvent de lui la chambre et plus souvent encore le
ministère, n’est pas cependant du nombre de ceux qui ont le plus à se plaindre.
On ne conteste pas ici l’évaluation de ses pertes, qui l’a été ailleurs et dans
la commune même qu’il habite ; on suppose ces pertes d’un total de 30,0000
francs. Eh bien, sur cette somme de 30,000 francs, le sieur Stas a reçu à
plusieurs reprises 2,800 florins, ce qui fait à peu près 20 p. c. du montant de
ses pertes.
Messieurs, lorsque vous recommandez au gouvernement de
venir au secours des victimes de la révolution, il est bon de lui tenir compte
des nécessités dans lesquelles vous l’avez placé vous-mêmes. Or, rappelez-vous
que la somme mise à notre disposition pour cet objet, est seulement de 300,000
florins. C’est avec cette somme qu’il faut faire face à des pertes évaluées à 7
millions de florins, ce qui donnerait à peu près 3 p. c. en supposant la somme
répartie proportionnellement entre tous les perdants dont le nombre est estimé
à 9,000. Ainsi la position du sieur Stas, qui, je le reconnais, est
malheureuse, est encore favorable par rapport aux autres, puisque pour le plus
grand nombre de perdants, l’indemnité ne peut aller au-delà de 5 à 6 p. c. ; la
sienne est de 14 p. c. de plus.
Voilà, je crois, des renseignements qui sont de nature
à apaiser la pitié que le pétitionnaire est parvenu à exciter chez M.
Gendebien. L’honorable député a dit que le sieur Stas avait souffert, lui et
son fils. Eh bien ! si ce fils a été blessé lors de la révolution, nous avons
une commission de secours, dont personne ne contestera l’impartialité et la
générosité. Qu’il s’adresse à cette commission, et je ne doute pas qu’elle ne
vienne au secours de sa famille.
Quant au renvoi de la pétition
au ministre de l’intérieur, je pense qu’il ne servirait qu’à éveiller de
nouvelles prétentions que le gouvernement ne pourrait satisfaire, à moins que
la chambre ne mette à sa disposition les fonds nécessaires.
Je suis fâché qu’à cette occasion on ait fait allusion
à certains fonctionnaires que l’on a représentés comme employant tous les
moyens pour faire grossir leurs traitements. Je serais bien aise pour ma part,
et je crois qu’il en est de même pour mes collègues, de savoir si cette
accusation s’adresse à des chefs de
l’administration. L’honorable membre a trop de franchise pour refuser de
s’expliquer à cet égard.
M. Gendebien.
- Je persiste à demander le renvoi de la pétition à M. le ministre de
l’intérieur, pour qu’une bonne fois les malheureuses victimes de la révolution
sachent à quoi s’en tenir. On vous a parlé, messieurs, d’une évaluation montant
à 7 millions de florins pour les pertes qui ont été entraînées par la révolution.
D’abord je crois cette évaluation exagérée ; mais à coup sûr toutes les
prétentions concernant ces 7 millions ne sont pas aussi fondées, aussi liquides
pour le servir de l’expression didactique, que celle du sieur Stas. Il en est
qui peuvent rester en souffrance, parce qu’elles appartiennent à des personnes
millionnaires : mais le pétitionnaire se trouve dans une position toute
particulière. C’est à cause de cela que j’insiste pour le renvoi, afin qu’elle
rappelle à M. le ministre de l'intérieur qu’il y a des victimes de la
révolution dont on n’a pas accueilli les réclamations. Ce n’est pas à lui que
j’en fais reproche, car il y a peu de temps qu’il est au ministère ; mais je
désire qu’il ait la pétition sous les yeux, pour qu’à l’avenir on ne puisse
prétexter cause d’ignorance.
Quant à l’interpellation que
m’a faite M. le ministre, je crois qu’il serait inutile d’y répondre, attendu
qu’elle ne concerne pas les chefs de l’administration. Mais pour que tout le
monde soit prévenu, je déclare que c’est de M. Lehon, notre ambassadeur en
France, que j’ai entendu parler, et que je me propose de revenir sur ce point
lors de la discussion du budget. Il est averti dès à présent, et il pourra
envoyer sa défense à la chambre ou venir se défendre lui-même.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne puis consentir au renvoi demandé par M.
Gendebien dans le sens dont il a parlé ; car il en résulterait que le ministre
étant en quelque sorte mis en demeure pourrait être accusé d’un déni de
justice. Les explications que j’ai données montrent que ce renvoi n’aboutirait
à rien, et je m’y oppose.
M. Gendebien.
- J’ai demandé le renvoi à M. le ministre de l'intérieur pour qu’il se rappelle
les victimes de la révolution auxquelles on refuse justice. Voilà pourquoi je
réclame ce renvoi, et je désire même que la pétition reste tous les jours sur
sa table, afin qu’il ne l’oublie pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le ministre de l’intérieur oublie si peu les
victimes de la révolution qu’un projet sera présenté à la chambre pour que ces
victimes soient indemnisées convenablement ; et je compte sur M. Gendebien pour
m’appuyer dans cette circonstance.
M. Gendebien.
- D’après cette explication que M. le ministre aurait dû nous donner d’abord,
il m’importe peu quelle décision l’on prendra. Je n’insiste pas sur ma demande.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix
et adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur J. Scheys, cabaretier à Bruxelles, demande que 1a chambre
ordonne la liquidation de l’indemnité qui lui-revient du chef de pertes et
dommages essuyés par lui en septembre 1830, afin de pouvoir payer ses
créanciers et ses contributions. »
Le pétitionnaire réclame une somme de 1,900 florins
pour compléter l’indemnité du pillage qu’il a essuyé dans les journées de
septembre. Votre commission croit devoir vous faire remarquer qu’il a déjà
perçu près du tiers de la perte qu’il réclame, tandis qu’il est nombre d’autres
victimes qui n’ont reçu que des sommes proportionnellement beaucoup moindres.
Dans cet état de choses, votre commission vous exprime
le regret de ne pouvoir appuyer cette demande par un renvoi au ministre de
l’intérieur mais elle a l’honneur de vous en proposer le dépôt au bureau des
renseignements, pour qu’il y soit pris égard quand l’état des finances le
permettra un jour.
- La chambre ordonne le dépôt au bureau des
renseignements.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Un grand nombre d’habitants propriétaires des communes de
Steene, Mariakerke, Breedene et Sandvoorde, situées près de la forteresse
d’Ostende, demandent à être indemnisés des pertes que leur a fait éprouver
l’inondation opérée en 1815 pour empêcher l’ennemi d’entrer dans
Ostende. »
La commission, se fondant sur ce que la réparation des
dégâts commis dans l’intérêt général incombe aux deux divisions du royaume
d’alors, propose de renvoyer la pétition au ministre des relations extérieures,
pour qu’à l’époque des négociations avec la Hollande il en fasse tel usage que
de raison.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur P. Maeckelberg, maître de la poste aux chevaux, à
Rousbrugge, demande une indemnité annuelle, ne pouvant se soutenir dans ce
poste. »
Il a paru à votre commission qu’il n’appartenait pas à
la chambre de s’immiscer dans la question des bénéfices plus ou moins élevés
dont peuvent ou doivent jouir les maîtres de poste ; que, d’ailleurs, il était
toujours libre à un employé qui ne se croit pas suffisamment salarié de
renoncer à son emploi.
Par ces motifs, votre commission à l’honneur de vous
proposer l’ordre du jour.
M. A. Rodenbach. - Je m’oppose à ce que l’on passe à l’ordre du jour sur la pétition du
maître de poste de Rousbrugge, par les motifs que j’ai allégués il y a environ
un mois, lorsque MM. les commissaires du Roi se trouvaient ici présent. J’ai
demandé la révision de la législation des postes, à cause des abus auxquels
elle donne lieu, abus dont M. l’administrateur est convenu lui-même. J’ai
demandé si les maîtres de postes pouvaient exiger des propriétaires de
diligences 25 cents par cheval. Comme M. le ministre des finances a promis de
s’occuper d’une nouvelle loi, je propose que la pétition lui soit renvoyée.
M. Zoude, rapporteur. - Je ferai remarquer que le pétitionnaire n’invoque aucun droit.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas lu entièrement la pétition du maître
de poste de Rousbrugge, mais il m’a semblé, d’après ce que j’en ai entendu,
qu’il réclamait la pension qui lui est allouée, ainsi qu’à tous les maîtres de
postes, aux termes de la loi du 15 ventôse an XIII, et que le gouvernement ne
paie pas.
M. Zoude
donne lecture de la pétition entière pour montrer que le réclamant ne parle en
aucune manière de pension.
M. A. Rodenbach. - L’indemnité que réclame le pétitionnaire, c’est
précisément la pension à laquelle il a droit. Pension ou indemnité, c’est
toujours de l’argent qu’il demande ; il n’y a que les termes qui changent.
Mais, indépendamment de cela, la pétition contient des détails très
intéressants dont le ministre pourra s’éclairer pour la nouvelle loi dont il
doit s’occuper. J’insiste donc pour qu’elle lui soit renvoyée.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je ne m’oppose pas à ce que la pétition me soit
renvoyée à titre de renseignements pour les modifications à introduire dans la
législation des postes ; mais ce n’est réellement que sous ce rapport qu’on
peut le faire, car il est un fait certain, c’est que dans l’état actuel la
législation ne permet pas de satisfaire à la demande du pétitionnaire.
M. H. de Brouckere. - Je pense comme l’honorable M. Rodenbach qu’il
s’agit ici d’une demande d’argent. Mais c’est justement pour cela que j’appuie
l’ordre du jour proposé par la commission. Si nous accueillons de pareilles
demandes, nous en serons inondés. Le maître de la poste de Rousbrugge ne se
plaint pas qu’on ait violé la loi à son égard, il ne se plaint pas d’avoir
inutilement réclamé auprès du gouvernement. Nous ne devons donc pas intervenir.
S’il trouve que sa place ne soit pas assez lucrative, qu’il donne sa démission,
et beaucoup d’autres personnes se présenteront pour le remplacer.
Quant au point de savoir si les maîtres de postes peuvent
encore percevoir le droit de 25 cents par cheval, c’est une question qui est
loin d’être résolue. Elle a été portée devant les tribunaux ; mais les maîtres
de diligences n’ont pas payé ce droit depuis deux ans.
M. Coghen. - Lorsque le pétitionnaire s’est adressé a moi àomme
ministre des finances, je n’ai pu accueillir sa demande, parce qu’il ne
figurait au budget aucune allocation qu’on pût y appliquer. Le relais de
Rousbrugge est peut-être défavorable, parce qu’il y a peu de passages mais,
s’il ne présente pas d’avantages au maître de poste, celui-ci peut donner sa
démission.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai si la loi du 15 ventôse an XIII, qui alloue des
pensions de 3 à 500 francs aux maîtres de postes, est abrogée. Si, comme je le
pense, elle ne l’est pas, il est inique de refuser le paiement de ces pensions.
La loi, si elle n’est pas abrogée, impose des engagements qu’il faut remplir.
M. Coghen. - Je ferai observer que la disposition, invoquée par l’honorable
membre, a été remplacée par le droit de 25 cents par cheval dont il a parlé.
M. A. Rodenbach. - En France les maîtres de postes touchent ce droit et en outre la
pension. Or, c’est la même loi pour les deux pays : je ne vois pas d’où
viendrait cette différence.
M. Dubus. - Je m’oppose à l’ordre du jour. Pour établir
l’ordre du jour, on a considéré qu’il ne s’agissait que d’un intérêt
particulier et l’on a perdu de vue l’intérêt général. On a dit que si le maître
de poste perdait, il était libre de donner sa démission. Mais si sa demande est
fondée en fait, si la place qu’il occupe est onéreuse, il arrivera que
lorsqu’il aura donné sa démission, personne ne voudra le remplacer. Or,
l’intérêt général exige que le service des postes ne soit interrompu sur aucun
point. D’ailleurs, la pétition peut fournir des renseignements utiles sur les
vices de la législation actuelle. Il est reconnu que le droit de 25 cents par
cheval procure à certains maîtres de postes des produits scandaleux, tandis que
certains autres n’ont pas même leur nécessaire. Il est urgent de mettre fin à
un pareil état de choses. Je m’oppose donc à l’ordre du jour et j’appuie la
proposition faite par M. Rodenbach de renvoyer 1a pétition au ministre des
finances. J’en demande en outre le dépôt au bureau des renseignements.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - J’ai dit
moi-même que je ne voyais aucun inconvénient au renvoi de la pétition comme
renseignement. Elle sera examinée, et si elle peut servir à réformer quelques
abus, on en profitera.
M. d’Elhoungne. - Ainsi que l’a dit M. de Brouckere, il s’agit ici d’argent, et renvoyer
la pétition au ministre des finances, c’est appeler son attention sur une
demande tendante à obtenir de l’argent. Or, je vous demande si ce que contient
la pétition mérite d’être payé par nous. Je pense qu’il serait contraire à la
dignité de la chambre de se rendre l’avocat de tous ceux qui réclameraient des
indemnités.
On dit que la pétition a une autre portée, et qu’il
s’agit de réformer des abus de la législation sur les postes ; mais le
réclamant demande-t-il l’abrogation de la loi ? Non, seulement il veut
participer au gâteau. Vous voyez donc qu’il ne peut être question de renvoyer
sa pétition au ministre des finances, et j’appuie l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Viane Chatteleyn, saunier à Rousbrugge, adresse à la
chambre des observations propres à l’éclairer, lors de la discussion du projet
sur les sels. »
Le pétitionnaire demande à la chambre de vouloir bien
s’occuper de suite d’une nouvelle loi sur le sel. Il adresse plusieurs
observations sur la hauteur qui, surtout depuis l’augmentation du timbre
collectif et des additionnels du syndicat, a fait cesser en grande partie le
commerce d’exportation en France.
Il estime qu’une diminution de
3 à 4 florins par cent kil. serait avantageuse au trésor et au commerce.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le dépôt
de cette pétition au bureau des renseignements, où elle pourra être consultée
lors de la discussion de la loi sur la matière.
M. Osy. - Cette pétition m’a été désignée comme une
pièce très intéressante. J’en demande le renvoi à la section centrale qui
s’occupe de la loi sur le sel.
M. d’Elhoungne. - J’appuie le renvoi proposé par l’honorable M. Osy, mais je ferai
remarquer que la section centrale chargée de la loi sur le sel est devenue
incomplète par suite de la nouvelle organisation judiciaire. Je me souviens que
MM. Destouvelles et Serruys en faisaient partie, et ils devraient être
remplacés.
M. Osy.
- Il me semble que les sections de l’année dernière n’existant plus, le bureau
pourrait nommer ces deux membres. (Non !
non !)
Plusieurs membres font remarquer que les deux sections de l’année
dernière, dont les rapporteurs manquent à la section centrale, devront en
nommer de nouveaux.
M. Donny.
- Si j’ai bien compris la marche qu’on se propose de suivre, il me semble que
l’on convoquera les sections de l’année précédente pour nommer deux rapporteurs
qui feront partie de la section centrale. Mais une grande partie de l’assemblée
a été renouvelée cette année. Par conséquent les nouveaux membres ne pourront
concourir à ce choix.
M. H. de Brouckere. - Si la section centrale était complète, les
nouveaux membres ne pourraient y prendre part. Donc il faut que le remplacement
ait lieu par les membres alors existants.
II serait encore bien plus régulier de s’en remettre
au bureau pour la nomination des représentants des sections.
- Le double renvoi proposé par la commission et par M.
Osy est adopté.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Berré, à Malines, adresse a la chambre un projet de loi
tendant à supprimer l’administration des accises en Belgique. »
L’auteur de la pétition propose de remplacer tous les
droits d’accises par un impôt sur l’orge qu’il croit devoir être employée
exclusivement à la fabrication de la bière, du vinaigre et du genièvre.
Il évalue la récolte de cette céréale à 4 millions
d’hectolitre ; la quantité du reste en serait constatée par expert sur le
terrain même, et la hauteur de l’impôt serait établie par celle du chiffre que
le ministère voudrait obtenir des accises.
Dans ce système toutes les fabrications de boissons
seraient libres, l’administration des accises supprimée, etc.
Ce mémoire pouvant être consulté lors de la révision
des lois financières, votre commission a l’honneur de vous en proposer le dépôt
au bureau des renseignements ; et maintenant que votre commission de finances
est organisée, je proposerai aussi que le renvoi lui en soit fait.
- Ce double renvoi est mis aux voix et adopté.
M. Zoude, rapporteur. - « Un grand nombre de négociants en gros, de Liége, demandent une
disposition transitoire à introduire dans le projet sur les distilleries, qui
les mette à l’abri des conséquences du décret du 4 mars 1831. »
Les négociants en gros, de Liége, demandent à la chambre
d’insérer dans la nouvelle loi sur les distilleries une disposition portant que
les eaux-de-vie en crédit permanent au 1er mars 1831 seront prises en charge à
raison de 8 fl. par baril.
Cette demande est appuyée par l’exposé de tous les
moyens employés inutilement jusqu’ici auprès du ministre des finances, et pour
lesquels ils espèrent un meilleur accueil à la chambre.
Votre commission, sans entrer
dans la question de la recevabilité de l’impôt par la marchandise on par son
producteur, estime que ce mémoire mérite un mûr examen ; en conséquence elle a
l’honneur de vous en proposer le renvoi au ministre des finances, et le dépôt
de son double au bureau des renseignements
M. d’Elhoungne. - Je dois m’opposer au renvoi demandé par un motif très simple, c’est
qu’on demande à la législature une disposition nouvelle pour faire cesser
l’effet d’une loi antérieure ; c’est-à-dire, on demande ce qu’il y a de plus
monstrueux en législation, une loi rétroactive. Ce simple exposé suffit pour
montrer qu’il faut passer à l’ordre du jour.
M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion de mon honorable collègue M.
d’Elhoungne, que dans la nouvelle loi sur les distilleries il ne faut point de
dispositions transitoires en faveur des entrepositaires de Liége ; mais il
convient que le ministre nous présente un projet de loi à part sur cet objet,
attendu que ce sont les chambres qui interprètent les lois. D’ailleurs,
messieurs, dans le projet des distilleries dont la chambre est saisie, on ne
peut pas s’occuper des questions en litige depuis environ deux ans. Au surplus,
je pense que l’administration a eu grandement tort d’accorder un sursis et de
n’exiger provisoirement, de ces négociants entrepositaires, que les deux tiers
du droit, c’est-à-dire 8 florins au lieu de 12, par hectolitres de genièvre. Si
un pareil privilège était sanctionné, ce serait une violation manifeste de
l’article 112 de la loi fondamentale qui coûterait à l’Etat au moins 2 millions
de francs ; car tous les distillateurs et entrepositaires belges auraient le
droit incontestable de réclamer, par voie de justice, 4 florins par hectolitre
de spiritueux fabriqué et entreposé, à cette époque, dans le royaume. Si le congrès
n’avait pas commis un anachronisme législatif en supprimant les crédits
permanents et en les remplaçant par des crédits à terme, nous n’aurions point
dû nous occuper, pour la troisième ou quatrième fois, de la réclamation non
fondée des négociants entrepositaires de Liége.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Je pense qu’il
a déjà été suffisamment prouvé que le ministère n’a pas négligé d’examiner les
réclamations qui ont été faites, puisqu’il a déposé ici, après les avoir fait
imprimer, et les consultations sur la matière, et un rapport très étendu. Je
pense donc d’après cette explication qu’on adoptera l’ordre du jour proposé par
M. d’Elhoungne.
M. Dumortier.
- La partie de la pétition qui demande une loi rétroactive ne doit certainement
pas être accueillie, mais au moment où l’on s’occupe d’une nouvelle loi sur les
distilleries, il me semble qu’il serait inconvenant de l’écarter tout entière
par un dédaigneux ordre du jour. Il est reconnu que les entreposeurs de
liquides sont forcés, pour faire leur commerce, de faire venir des esprits de
grains étrangers et ne peuvent vendre en concurrence ceux du pays Je crois que
l’on pourra tirer des renseignements utiles de la pétition, et je demande
qu’elle soit déposée au bureau des renseignements.
M. d’Elhoungne se rallie à cette proposition.
- Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition en date du 18 novembre 1832, les sieurs Smets et
Cuvelier, inventeurs de la distillerie modèle, réclament contre une décision de
l’administration des accises qui leur impose le double droit sur les brasseries
et les distilleries. »
Les pétitionnaires exposent qu’après deux ans de
sollicitations, ils ont obtenu un brevet d’invention pour un nouveau procédé de
distilleries qui consiste d’abord dans l’emploi de cuves-matières pour obtenir
des trempes comme cela a lieu pour la fabrication des bières ; que les trempes
soumises à l’ébullition sont ensuite déposées dans des cuves de macération pour
y subir la fermentation suivant le mode ordinaire de distillerie ; mais que ce
procédé, fruit de longues et pénibles études et de recherches dispendieuses, n’aurait
pour résultat, disent les pétitionnaires, que la ruine de leur famille, si la
législature ne les protège contre la prétention du fisc.
En effet, les pétitionnaires se plaignent d’être
arbitrairement soumis au double droit de fabrication de bière et de genièvre :
Celui de bière, parce qu’ils font emploi de
cuve-matière, dont l’usage est indispensable pour leur nouveau procédé de
distiller, et celui de genièvre, parce que c’est le produit réel qu’ils
obtiennent.
L’administration paraît avoir envisagé ce nouveau
procédé comme donnant lieu à une production beaucoup plus considérable de
spiritueux qui détruirait l’équilibre entre les divers producteurs ; elle a
voulu le rétablir en frappant ce procédé du double droit de bière et genièvre,
et elle a invoqué l’article 112 de la constitution qui proscrit tout privilège
en matière d’impôt.
Si ses prétentions étaient admissibles, il faudrait
condamner notre industrie à rester stationnaire, il faudrait lui interdire à
jamais l’application des découvertes dont la chimie enrichit chaque jour le
domaine de nos connaissances.
Vous en disposerez autrement, messieurs, dans la
nouvelle loi de distillerie dont la discussion est prochaine sans doute.
Mais en attendant, comme les intérêts des pétitionnaires
sont gravement compromis, votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de ce mémoire au ministre des finances avec demande d’explications.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition en date du 20 novembre 1832, huit distillateurs
de Liége demandent que le projet de loi sur les distilleries présenté par
quelques membres de la chambre pendant la dernière session, soit de nouveau
soumis aux délibérations de la chambre. »
- Dépôt au bureau des renseignements sur les
conclusions de la commission.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition non datée, dix distillateurs de Bruges réclament
une nouvelle loi sur les distilleries. »
Les décisions que vous avez prises sur le projet que
la commission a eu l’honneur de vous soumettre étant de nature à satisfaire à
la haute impatience des pétitionnaires, votre commission a l’honneur de vous
proposer le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
- La proposition de la commission est adoptée.
_______________
M. d’Hoffschmidt, autre rapporteur de la commission des pétitions, est appelé à la
tribune. Il entretient la chambre des pétitions suivantes :
« Par pétition en date du 18 novembre 1832, le
sieur J. Degreef, de Haeren (Brabant), demande que son fils, marié le 4 juillet
1832 et incorporé dans l’armée de réserve en vertu de la loi du 4 juillet
dernier, soit renvoyé dans ses foyers, attendu qu’il ne pouvait avoir
connaissance de cette loi lorsqu’il a contracté mariage.
- La chambre passe à l’ordre du jour, ne pouvant
statuer sur cette demande.
________________
M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - « Par pétition en date du 18 novembre 1832, le
sieur T. Boon, ex-forestier royal, demande que la chambre lui fasse allouer la
pension à laquelle il a droit avec les arrérages depuis la cessation de ses
fonctions qu’il a exercées pendant 32 ans. »
L’objet de cette pétition sortant des attributions de
la chambre, votre commission, messieurs, vous propose de passer à l’ordre du
jour.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
________________
M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - « Par pétition en date du 26 octobre 1832,
les époux Ducobu, à Boussou, demandent que leur fils unique, dont le terme de
service dans la milice va expirer, soit rendu à sa famille, dont il est le
soutien. »
- La chambre, ne pouvant décider ces questions, passe
à l’ordre du jour.
M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - « Par pétition en date du 28 juin, le sieur
Manouvrier, à Roisin, réclame contre une décision de M. le ministre de
l’intérieur, qui tend à le priver de ses fonctions de premier assesseur de sa
commune, sous prétexte qu’il est né Français et non naturalisé.
Le pétitionnaire, Français d’origine, réclame
l’intervention de la chambre relativement à une décision du ministre de
l’intérieur, en date du 19 mai dernier, qui tend à le destituer de ses
fonctions d’assesseur de la commune de Roisin auxquelles il a été appelé, le 7
octobre 1830, par les suffrages des habitants de cette commune qu’il habite
depuis 16 ans.
Cette décision étant motivée sur ce qu’il est né
Français et non naturalisé, il la considère comme inconstitutionnelle en ce
qu’elle est interprétative de l’article 6 de l’arrêté du 8 octobre 1830, du
gouvernement provisoire, sous l’empire duquel il a été nommé, et qui rendait
éligibles aux fonctions municipales tous les citoyens âgés de 23 ans domiciliés
dans la commune, sans exiger d’autres qualités.
Il invoque encore l’arrêté du gouvernement provisoire,
date du 1er décembre 1830, qui a déclaré bonnes et valables toutes les
élections contre lesquels aucune réclamation n’avait été adressée dans la
quinzaine qui suivait la clôture du procès-verbal, et déclare qu’aucune
réclamation n’a été faite contre son élection dans le délai fatal fixé par cet
arrêté.
Il ajoute que, d’ailleurs, s’il n’est pas naturalisé,
ce n’est pas sa faute puisqu’il a adressé, le 28 juin 1831, une demande à M. le
Régent, tendant à obtenir la naturalisation, et qu’il a, depuis, réitéré cette
demande à Sa Majesté, en l’appuyant des pièces les plus honorables.
Il s’est élevé dans votre commission, messieurs, une
vive discussion sur l’objet de cette pétition ; l’un de ses membres avait
proposé de conclure à son renvoi à M. le ministre de l’intérieur avec demande
d’explications : il motivait ses conclusions sur ce que les dispositions de
l’article 6 de la constitution ne pouvaient avoir aucun effet rétroactif,
surtout si l’on suit textuellement les dispositions de cet article qui dit que
les Belges seuls sont admissibles aux emplois.
Or, il semble que
cette expression « admissible » ne peut s’appliquer qu’aux emplois
revêtus après la promulgation de la constitution.
Cette proposition a été combattue par la majorité de
la commission qui l’a rejetée, ayant trouvé légale la décision de M. le
ministre de l'intérieur qui destitue le sieur Manouvrier de ses fonctions
d’assesseur. En conséquence, elle vous propose, messieurs, de passer à l’ordre
du jour.
M. de Brouckere. - J’entends, d’après le rapport, qu’une discussion s’est élevée dans le
sein de la commission relativement à la pétition. Je trouve aussi, messieurs,
que la question qui est soulevée est très difficile à résoudre et, en même
temps, est de la plus haute importance ; car le pétitionnaire n’est pas seul
dans le même cas, et il dépendrait du ministère de destituer ceux qui sont dans
une position analogue. L’article 6 de la constitution dit bien que ce sont les
Belges qui sont seuls admissibles aux emplois civils ; mais la question est de
savoir si cet article est applicable aux assesseurs élus en vertu d’un arrêté
rendu avant que la constitution ne fût décrétée.
Par cet arrêté, pour pouvoir être élu dans
l’administration communale, il ne faut remplir que deux conditions, car il est
dit : « Tout citoyen domicilié dans la commune, et âgé de 23 ans, peut
être élu, etc... » Ainsi, l’arrêté ne demande pas qu’on soit Belge ni
naturalisé Belge. Le même arrêté indique la manière dont il faut s’y prendre
pour faire annuler les opérations électorales qui auraient été reconnues vicieuses
; il faut s’adresser au gouverneur de la province et signaler les vices dans
les 15 jours après l’élection ; passé ce terme, elle sera censée bonne et
valable.
Ainsi, il ne dépendait dans le
cas dont il s’agit ni du gouvernement, ni du gouverneur, de rien changer aux
élections, car ce délai est expiré.
Cependant près de deux ans après l’élection du
pétitionnaire, le ministre de l’intérieur a destitué ce fonctionnaire parce
qu’on s’est plaint qu’il était Français. Il y a ici une grave irrégularité : si
la chambre souffre que les ministres destituent les fonctionnaires, on les
autorisera à commettre les plus grands abus. Il y a beaucoup de fonctionnaires
élus en mars 1830 qui auraient beaucoup de peine à prouver qu’ils sont Belges.
Je demande que la pétition soit renvoyée au ministre de l’intérieur avec
invitation de nous faire un rapport à cet égard.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La pétition
du sieur Manouvrier est relative à un fait antérieur à mon entrée dans
l’administration ; cependant je peux donner des explications sur ce fait. Le
sieur Manouvrier est domicilié en Belgique depuis 1816 ; la question est de
savoir si par « citoyen » l’article de l’arrêté d’octobre 1830 du
gouvernement provisoire a entendu un citoyen belge ou un citoyen quelconque.
Plusieurs jurisconsultes et mon prédécesseur ont cru qu’il s’agissait d’un
citoyen belge. Alors le sieur Manouvrier ne remplissait pas les conditions pour
être membre de l’administration municipale.
La
constitution déclare que les Belges seuls sont admissibles aux emplois civils
et militaires. Le sieur Manouvrier peut-il être considéré comme citoyen belge ?
Voilà la question. Le ministre, pour la décider, n’a pas pris l’initiative ; on
lui a fait une demande, il a pris une décision ; il s’est servi de la latitude
accordée aux gouverneurs pour destituer les fonctionnaires ; il a pu user de
cette faculté.
Je ne m’oppose pas au renvoi de la pétition au
ministre de l’intérieur. Le gouvernement mettra la chambre à même de le faire sortir
de toutes ces difficultés qui naissent de ces dispositions -législatives
incomplètes.
M. de Brouckere. - Mais le droit de destituer est prescrit, et personne ne peut
destituer un élu du peuple sans droit. Quelle grande nécessité y avait-il à
destituer un fonctionnaire au moment où une nouvelle législation peut être
décrétée ? J’insiste pour le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur.
M. Dubus.
- Il me paraît que les raisons que l’on fait valoir pour renvoyer la pétition
au ministre de l’intérieur ne sont pas fondées. Selon le préopinant, on ne
pouvait destituer l’assesseur parce que le délai pour réclamer contre son
élection était expiré ; mais en cette matière il n’y a pas de prescription.
Les fonctions publiques
doivent être exercées par un Belge et non par un étranger ; un étranger qui,
par surprise, est pourvu, aux élections, des fonctions d’officier de
l’état-civil, ne peut les continuer quand l’erreur est reconnue : la nomination
est nulle dès son principe ; ce n’est pas une destitution qu’il faut prononcer,
il suffit de reconnaître que l’élection est radicalement nulle.
Les fonctions administratives ne peuvent être exercées
que par des Belges ; le mot « citoyen, » employé par l’arrêté, ne
s’applique qu’à ceux qui possèdent les droits de cité ; les étrangers n’ont pas
ce droit. Je n’ai aucun doute sur la solution de la question agitée, et c’est
parce que je n’ai aucun doute que j’appuie l’ordre du jour.
M. Donny.
- Je viens appuyer ce qu’a dit le préopinant, en donnant lecture de l’article 7
du code civil : « L’exercice des droits civils est indépendant de la
qualité de citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se conserve que conformément à
la loi constitutionnelle. » D’après cela, il me semble clair qu’un
Français établi en Belgique ne peut être considéré comme citoyen belge.
- L’ordre du jour mis aux voix est adopté à une grande
majorité.
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M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - « Par pétition sans date, l’administration
communale de Celles-Molembaix demande à la chambre d’écarter la pétition qu’une
partie des habitants du hameau de Molembaix lui adressèrent pour former une
commune séparée de Celles. »
La pétition des habitants de Molembaix à laquelle
celle dont j’ai l’honneur de vous faire rapport s’oppose, ayant été renvoyée
par décision de la chambre pendant la dernière session à M. le ministre de
l’intérieur, votre commission pense, messieurs, qu’il convient de prendre la
même mesure relativement à celle-ci, et vous en propose en conséquence le
renvoi à ce ministre.
VERIFICATION DES POUVOIRS DES MEMBRES NOUVELLEMENT
ELUS
M. Dumortier.
- Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, nous avons eu
beaucoup de peine à nous trouver en nombre suffisant pour délibérer ; nous ne
devons donc pas restreindre le nombre total des membres de cette assemblée,
Cependant, votre commission de la vérification des pouvoirs à plusieurs
rapports à nous présenter : elle a un rapport à faire sur les élections de
Liége, sur celle de M. Goblet et sur d’autres encore ; il serait important de
s’en occuper.
J’ai vu aujourd’hui dans le Moniteur que les électeurs de Tournay sont convoqués pour le 31
janvier, par suite d’une vacance au sénat, causée par un décès. Comme
l’élection de M. Goblet est contestée, et qu’il serait possible qu’elle fût
annulée, il faudrait que la commission nous présentât ses conclusions sur cette
élection très prochainement afin que les électeurs de Tournay ne soient pas
réunis deux fois de suite pour procéder à deux élections, s’il y avait lieu.
Plusieurs membres.
- Le rapporteur de la commission de vérification des pouvoirs est absent.
D’autres membres. - M.
Nothomb peut le remplacer.
La séance est levée un peu avant quatre heures
Membres absents à la séance : MM. Angillis, Boucqueau,
Brabant, Coppieters, Dams, Dautrebande, Davignon, Deleeuw, F. de Mérode, W. de
Mérode, de Muelenaere, de Robaulx, de Roo, de Tiecken, Domis, Dubus, Dumont,
Fleussu, Fortamps, Helias, Jaminé, Jullien, Lardinois, Nothomb, Poschet,
Raymaeckers, Seron, Speelman.