Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 décembre
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative aux droits sur
les fers (Zoude)
3) Projet de loi relatif aux tarifs de la poste
aux lettres (Duvivier)
4) Projet de loi autorisant l’aliénation d’un
pont domanial à Gand
5) Projet de loi relatif aux redevances sur les
mines
6) Projet de loi portant modification des droits
d’enregistrement et de greffe. Organisation
monétaire, droit de timbre des journaux (Liedts)
7) Proposition de loi relative aux droits des
légionnaires de l’empire (Corbisier)
8) Projet de loi relatif aux tarifs de la poste
aux lettres (Duvivier)
9) Projet de loi portant le budget des voies et
moyens pour l’exercice 1833. Discussion générale. A : contribution
foncière (notamment surtaxe dans les Flandre et Anvers) ; B :
situation générale des recettes et des dépenses, niveau général des
impôts ; C : retard dans la reddition des comptes ; D :
nécessité d’une réforme du système des impôts (A (de Nef),
B et C (Donny), B et D (Seron, de Roo), C et B (d’Elhoungne), D
et B (A. Rodenbach), D (de Foere),
réplique générale (Duvivier, Mary),
traité des 24 articles (Dumortier, Duvivier), A et révision du cadastre (Meeus,
Duvivier, d’Elhoungne, Duvivier, Dumortier, Gendebien, Thiry, Meeus,
Dumortier, d’Elhoungne, Thiry)
(Moniteur belge
n°, du décembre 1832)
(Présidence de M. Fallon., vice-président.)
M. Liedts
fait l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en
est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Liedts
expose l’objet des pétitions adressées à la chambre.
________________
M. Raikem, président de la chambre, écrit pour
demander un congé. Le congé est accordé.
________________
M. Liedts
donne lecture de l’arrêté suivant :
« Léopold, etc.
« Sur la proposition de notre ministre des
finances,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Les sieurs Faider (Charles), administrateur de
l’enregistrement des domaines ; Delfosse (Félix), administrateur des postes ;
Thiry (Eugène), inspecteur-général du cadastre ; Delannoy, inspecteur-général
ad interim, des fonctions d’administrateur des contributions directes, douanes,
d’accises, sont nommés commissaires à l’effet de soutenir à la chambre des
représentants et au sénat la discussion des budgets et des lois destinées à
modifier le système financier.
« Notre ministre des finances est chargé de
l’exécution du présent arrêté.
« Donné à Bruxelles, le 4 décembre 1832.
« Léopold. »
_______________
Un message du sénat annonce qu’il a adopté, dans sa
dernière séance, le projet de loi relatif à la perception des deux tiers de la
contribution de 1833, sur les rôles de 1832.
________________
Il est arrivé au bureau le procès-verbal des élections
de Tournay. Ce procès-verbal est renvoyé à la commission de vérification des
pouvoirs des membres nouvellement élus.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX DROITS SUR LES FERS
M. le président.
- La parole est à M. Zoude pour lire une proposition de loi qu’il a déposée sur
le bureau et dont les sections ont autorisé la lecture.
M. Zoude
donne lecture de son projet qui a pour but de protéger les usines belges en
modifiant le tarif des douanes sur l’importation des fers étrangers.
- La chambre entendra vendredi le développement de
cette proposition.
PROJET DE LOI RELATIF AUX TARIFS DE LA POSTE AUX
LETTRES
M. le ministre des finances (M. Duvivier) prend la parole pour présenter un projet de loi
réglant en francs et centimes la perception des taxes de l’administration de la
poste aux lettres. - Messieurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous
présenter est destiné à fixer en francs les tarifs de la taxe des lettres et
paquets dont le transport est attribué à l’administration des postes.
L’introduction du nouveau système monétaire rendant
une pareille loi nécessaire, le gouvernement a cru devoir saisir cette occasion
pour simplifier les bases de la fixation des taxes, et réunir les différentes
dispositions qui doivent concourir à en fixer le taux dans toutes les
circonstances qui peuvent se présentes..
Les tarifs actuellement en vigueur ont été établis d’après
les lois françaises, modifiées par plusieurs ordonnances du gouvernement
précédent, et ils sont, pour ainsi dire, consacrés par un long usage.
Le nouveau projet de loi, tout en le maintenant dans
la plupart des cas, présente plusieurs avantages que je vais avoir l’honneur de
vous signaler succinctement.
(La suite de ces
développements, ainsi que le texte du projet de loi, intégrés dans le Moniteur,
n’est pas reprise dans la présente version numérisée.)
PROJET DE LOI AUTORISANT L’ALIENATION D’UN PONT
DOMANIAL A GAND
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai encore deux projets de loi à déposer sur le
bureau de la chambre :
1° Un projet de loi tendant à autoriser la ville de
Gand à aliéner le pont domanial dit de la pêcherie, moyennant le prix de dix
mille florins, payables en dix années.
PROJET DE LOI RELATIF AUX REDEVANCES SUR LES MINES
2° Un projet de loi portant interprétation de la loi
relative aux redevances sur les mines, cette loi étant directement appliquée
dans les diverses provinces.
- La chambre donne acte de la présentation des lois à
M. le ministre et ordonne qu’elles seront imprimées et distribuées.
PROJET DE LOI PORTANT MODIFICATION DES
DROITS D’ENREGISTREMENT ET DE GREFFE
M. Liedts.
- Messieurs, le projet de loi qui vous a été soumis sous le titre de :
« Projet de loi en exécution de la loi monétaire pour la perception en
francs au lieu de florins, » et qui traite un peu de tout, sans oublier les
journaux et les conservateurs des hypothèques, a donné lieu à plusieurs
observations dans les sections, observations dont je vais avoir l’honneur de
vous présenter l’analyse.
Quelques sections, les 1ère, 2ème, 4ème et 6ème, ont soulevé une question
préjudicielle sur l’inopportunité du projet. Elles ont été d’avis que la loi
n’était point nécessaire. La 6ème section a été plus loin ; elle a pensé que le
projet était non seulement inutile, mais même nuisible : inutile, parce qu’il
ne fallait pas recourir à une nouvelle loi pour assurer l’exécution de la loi
monétaire du 5 juin 1832, un simple règlement d’administration générale, pris
en vertu de l’article 67 de la constitution, devant suffire ; nuisible, parce
qu’il ne tend qu’à compliquer nos lois financières déjà si compliquées, et
ajouterait, sans aucun but raisonnable, une pièce de plus à cet amas confus de
lois où la mémoire et la raison se perdent également.
La 6ème section ajoute, et cette opinion est partagée
par toutes les autres sections, que pour remplir le vœu du n°3 de l’article 139
de la constitution, il faut admettre une révision complète de nos lois
financières, et ne pas s’occuper de ces changements qu’on présente sous le
titre de modifications, qu’on glisse dans notre dédale des lois financières,
qui ne tendent souvent qu’à embrouiller le système, sans utilité pour les
contribuables et sans grand profit pour le trésor.
La section centrale a cru devoir s’arrêter à ces
considérations générales, qui lui ont paru mériter toute son attention,
Elle a d’abord posé en principe qu’on doit considérer
toute loi particulière dans ses rapports avec le système général, et voir si
elle entre nécessairement dans son plan, pour contribuer à la perfection de
l’ordre que l’on veut établir.
Or, le projet, tel qu’il fut soumis à la chambre, loin
de contribuer à la perfection de notre système financier, n’ajouterait que
quelques difficultés nouvelles placées sans ordre ni méthode, aux difficultés
déjà existantes.
La section, de toutes voix, s’est ralliée à l’opinion
des sections et elle a cru devoir éloigner du projet tout ce qui n’est pas
strictement nécessaire pour concourir à l’exécution de la loi monétaire.
La section a pensé qu’il serait prudent de ne pas
toucher aux lois sur l’enregistrement, greffe et hypothèques, timbres et
successions, jusqu’à la révision complète de ces lois ; car, avec la prétention
de vouloir remédier à des abus, on ne fait souvent qu’introduire des abus
nouveaux, et à force d’étayer, de pallier, on parvient à former une espèce de
labyrinthe inextricable, qui pourrait convenir aux agents du fisc, mais qui
ferait le désespoir du contribuable.
Quant à la première question soulevée par quatre
sections, c’est-à-dire, qu’un règlement d’administration générale pourrait
suffire pour assurer l’exécution de la loi monétaire, la majorité de la section
centrale n’a pas partagé cette opinion. Elle doit faire remarquer que, pour la
perception des droits dans les douanes surtout, il y a souvent une grande
quantité d’unités à multiplier. L’impôt, qui est fixé en cents et florins,
devra être réduit car centimes et francs ce qui doit produire un nombre
considérable de fractions.
On suppose un nombre d’aunes et de fractions d’aune, à
autant de cents par aune ; il est évident que la réduction de l’impôt en centimes
ou francs et centimes donnera des fractions pour chaque unité sujette à
l’impôt. Le calcul de ces fractions prendrait un temps considérable a
l’employé, multiplierait les opérations des vérificateurs et inspecteurs, et
causerait des pertes aux contribuables. Dans cet état de choses, la section a
pensé que, pour y remédier autant que possible, il fallait adopter une base
uniforme pour la conversion des florins en francs ; or, comme cette base pour
la perception des droits fixes, doit nécessairement s’écarter un peu de la
proportion établie par la loi monétaire, dès lors une nouvelle loi devient
indispensable pour opérer ce léger changement, qui, au reste, ne sera que
provisoire en attendant la révision de nos lois financières.
D’après ces considérations, la section centrale
propose, pour la perception de tous les droits fixes, de remplacer le
demi-florin par le franc, avec une augmentation de six pour cent pour la
différence monétaire, de manière que le florin, qui est maintenant calculé à
raison de 2 fr. 11 c. 64/100 sera calculé à raison de deux francs douze
centimes. C’est dans cette vue qu’elle a l’honneur de vous proposer, messieurs,
de commun accord avec M. le ministre des finances, une nouvelle rédaction du
projet qui vous a été soumis. Elle a l’espoir que, pour le moment, ce nouveau
projet remplira le but que le gouvernement s’était proposé en vous présentant
le premier, et que, tout en maintenant les droits du trésor, il procurera aux
contribuables plus de facilité pour calculer et établir leurs impôts
Vous remarquerez, messieurs, que par le paragraphe 2
de l’article 8 de la loi du 3 janvier 1824, les salaires des conservateurs des
hypothèques ont été augmentés de toute la différence du franc au demi-florin.
L’article 4 du projet qui vous est soumis replace les conservateurs, quant à
leurs salaires, sous les dispositions du décret du 21 septembre 1810. Ce retour
aux anciennes dispositions ne peut que plaire aux contribuables.
« Léopold.
« Vu l’article 26 de la loi monétaire du 5 juin
1832 ;
« Art. 1er. Jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu
autrement, la quotité des droits et amendes fixes, établie en florins des
Pays-Bas, sera réduite à raison de deux francs par florin ; le total en sera
majoré de 6 p. c. pour différence monétaire.
Art. 2. Les droits et les amendes proportionnels
seront liquidés à raison d’autant de francs pour cent francs qu’il est stipulé
de florins pour cent florins, et pour les moindres sommes dans la même
proportion.
« Art. 3. La perception des droits proportionnels
d’enregistrement, de greffe et d’hypothèques, suivra les sommes et valeurs de
20 en 20 francs, inclusivement et sans fractions.
« Art. 4. Les salaires des conservateurs des
hypothèques seront perçus conformément au décret du 21 septembre 1810.
« Art. 5. La conversion en francs du montant des
pensions de toute nature payées par le trésor ou à charge de la caisse de
retraite pour les employés du département des recettes, se fera en forçant les
fractions du franc en faveur des pensionnés.
« Fait en section centrale, au palais de la
Nation, le 8 décembre 1832. »
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX DROITS DES
LEGIONNAIRES DE L’EMPIRE
M. le président.
- L’ordre du jour appelle à la tribune M. Corbisier pour présenter le
développement de la proposition de loi qu’il a déposée sur le bureau.
M. Corbisier.
- Messieurs, dans votre séance du 19 mars dernier, lors de la discussion du
chapitre 4 du budget de la dette publique, j’eus l’honneur de présenter à la
chambre un amendement ayant pour objet de faire payer, par le trésor public,
les pensions dont les légionnaires belges jouissaient avant 1814.
Cet amendement, dont personne ne contesta la justice,
ne fut combattu que parce qu’il parut intempestif à quelques membres de l’assemblée,
qui pensèrent ne devoir point adopter incidemment une proposition dont on ne
pouvait d’abord connaître toutes les conséquences. Cette considération fit
demander que l’amendement, converti en projet de loi, fût soumis aux formalités
prescrites par le règlement, et cette opinion ayant prévalu, la question
préalable fut prononcée.
Aujourd’hui que je peux déterminer toute la portée de
ma motion, je viens, messieurs, la renouveler sous une autre forme et réclamer,
pour les légionnaires belges, non pas une faveur, mais un acte de rigoureuse
équité.
Les renseignements que le ministère de l’intérieur a
fournis à la chambre sur le nombre, sur les différents grades, sur les dates de
nomination de ces légionnaires, m’ont permis de préciser à peu près la hauteur
de l’allocation qui, pour cet objet, devrait être annuellement portée au budget
de l’Etat. Il résulte des divers tableaux déposés au greffe qu’au mois d’avril
de cette année on comptait 465 régnicoles décorés de la légion d’honneur,
savoir 447 chevaliers, 17 officiers et un commandeur. Mais tous n’ont pas droit
à la dotation affectée à cet ordre ; ceux dont le brevet est antérieur au 3
avril 1814 peuvent seuls y prétendre. Les décorations accordées
postérieurement, sauf quelques-unes délivrées par l’empereur pendant les cent
jours, sont purement honorifiques, tant pour les membres qui n’appartiennent
pas à l’armée que pour les officiers de tous grades, jusqu’à celui de
sous-lieutenant inclus.
Comme ceux de France, les légionnaires de Belgique se
trouvent donc divisés en deux catégories, et l’on voit, en compulsant les
tableaux dont je viens de parler, que 283 de ces derniers doivent jouir de la
pension Ce sont 275 chevaliers et officiers. La pension des chevaliers montant
à 250 fr., et celle des officiers à 1,000 fr. par an, une allocation annuelle
de 76,000 fr. environ suffirait pour acquitter une dette que, sans doute,
messieurs, vous considérerez comme étant essentiellement nationale.
Je ne me dissimule pas quelle prévention défavorable
peut, dans les circonstances actuelles, accueillir une proposition qui tend à
ajouter une charge nouvelle aux charges déjà si lourdes qui pèsent sur le pays
; mais cette prévention, j’espère la vaincre. Les besoins de certains
légionnaires sont si pressants, leurs droits sont si bien fondés, leur longue
résignation mérite tant d’égards, que je n’ai pas hésité un seul instant à
plaider ici leur cause.
L’arrêté du régent, du 18 mars 1831, est un précédent
que j’invoque avec d’autant plus de confiance à l’appui de cette cause, qu’il
énonce implicitement ce principe que « l’Etat doit maintenir les pensions
militaires acquises par d’anciens services rendus aux gouvernements qui ont
précédé le gouvernement actuel. » Ce principe a été reconnu depuis par les
ministres du Roi ; il a, je crois pouvoir le dire, été reconnu également par la
chambre.
Certes, les Belges qui ont obtenu la décoration de la
légion d’honneur avant le 3 avril 1814,
peuvent en réclamer l’application avec bien plus de raison que les chevaliers
de l’ordre militaire de Guillaume. Cet ordre, en effet, n’a jamais joui
d’aucune dotation, n’a jamais eu de fonds spéciaux destinés à payer le
traitement de ses membres.
L’ordre de la légion d’honneur, au contraire, fut doté
d’abord de propriétés considérables, puis de rentes inscrites au grand-livre de
la dette publique de France. La liquidation de ces rentes, pour ce qui
concernait les légionnaires belges, rentrait dans la liquidation générale, qui
eut lieu en vertu de la convention du 20 novembre 1815.
Si le chef du royaume des Pays-Bas s’est emparé, au
profit du trésor, du produit de cette liquidation, s’il a cédé au syndicat
d’amortissement les biens de la légion d’honneur situés en Belgique, qui
n’avaient pas été vendus sous l’empire, l’Etat doit incontestablement
aujourd’hui une restitution à ceux qui ont ainsi été si étrangement dépossédés.
Cette restitution, messieurs, ne vous sera pas demandée en vain : vous ne
voudriez pas vous rendre complices d’une spoliation si contraire aux termes de
l’article 26 du traité de paix de 1815, et vous vous empresserez de réparer une
des plus criantes injustices qui aient été commises sous le gouvernement
précédent.
C’est dans ce but, messieurs, que j’ai rédigé la
proposition dont vos sections ont autorisé la lecture.
L’article premier du projet de loi qui fait la matière
de cette proposition pose le principe qu’à l’avenir les pensions des Belges
membres de la légion d’honneur doivent être payées par l’Etat.
L’article 2 indique les conditions exigées des
titulaires pour obtenir ce paiement.
L’article 3 ouvre un crédit supplémentaire au budget
de la dette publique pour l’année courante, afin de pouvoir acquitter le
montant de ces pensions pour les exercices de 1831 et 1832 et pour le dernier
trimestre de 1830.
Je crois qu’il convient de faire remonter les effets
de cette loi au moins à l’époque qui a vu notre régénération politique
consommée.
Cette époque doit être signalée pour nos légionnaires
par une restitution qu’ils rangeront avec raison parmi les bienfaits de la
révolution,
C’est pourquoi, messieurs, je propose d’adopter à leur
égard une disposition analogue à celle de l’article 2 de l’arrêté que j’ai déjà
cité plus haut, et que le régent a rendu pour faire payer les traitements
attachés à l’ordre militaire fondé par l’ancien gouvernement.
L’article 4 et dernier du projet ne préjuge rien sur
la question des arriérés, et interdit toute réclamation de ce chef, jusqu’à ce
que la liquidation du syndicat d’amortissement ait été terminée.
Je soumets avec confiance ce projet à votre équité, et
j’ose espérer, messieurs, que vous voudrez bien le prendre en considération.
Je dépose sur le bureau une copie de l’arrêté du
régent du 18 mars 1831, qui n’a pas été inséré au journal officiel, et un
tableau résumant en quelques chiffres le relevé des listes qui reposent au
greffe, et qui ont servi à établir mes calculs. Je crois ces calculs exacts.
- La chambre prend la proposition en considération
sans débat et renvoie devant les sections.
PROJET DE LOI RELATIF AUX TARIFS DE LA POSTE AUX LETTRES
La suite de l’ordre du jour est le rapport de la
section centrale sur la loi monétaire.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, il conviendrait que la loi sur les
services des postes fût renvoyée promptement devant les sections ; et je
supplie les sections de vouloir bien s’en occuper dans le plus bref délai
possible, attendu que, comme la loi monétaire, il est utile qu’elle soit portée
avant la fin du mois. (Oui ! oui !)
M. Liedts.
- La section centrale avait nommé M. Angillis pour son rapporteur ; cet
honorable membre est retenu chez lui par une indisposition.
Il m’a chargé de faire lecture de son travail, à moins
que la chambre ne veuille m’en dispenser. (L’impression
! l’impression et la distribution !)
- L’impression est ordonnée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS
POUR L’EXERCICE 1833
Discussion générale
M. le président.
- L’ordre du jour est la discussion du budget des voies et moyens.
La discussion générale sur ce budget est ouverte.
M. de Nef.
- Messieurs, je ne viens plus m’opposer au prélèvement des nouveaux centimes
additionnels qui nous sont demandés par le projet de loi en discussion ;
quelque grande que soit cette nouvelle charge, j’aime mieux voir employer nos
propres ressources plutôt que de recourir à des emprunts, qui devraient tôt ou
tard être remboursés, et qu’on ne pourrait peut-être contracter dans les
circonstances actuelles qu’à des conditions très onéreuses pour le trésor.
Cependant, pour ce qui concerne l’augmentation sur la
contribution foncière, je dois réclamer pour la province d’Anvers, non pas une
faveur, mais un véritable acte de justice.
En attendant l’achèvement du cadastre, vous avez
accordé pour 1832 aux deux Flandres une diminution de 5 p. c. sur la
contribution foncière ; j’avais alors réclamé la même diminution pour la
province d’Anvers, mais elle fut refusée par une très faible majorité contre
mon attente et celle de mes commettants.
Convaincu, comme je le suis, de toute la justice de
cette réclamation, j’ai cru qu’il était de mon devoir de la renouveler
aujourd’hui à l’occasion du projet de loi qui vous est soumis.
En obtenant pour 1833 la même réduction que celle qui
a été accordée pour 1832 aux deux Flandres, la province d’Anvers, en grande
partie, loin d’obtenir une faveur, restera encore grevée plus que toutes les
autres provinces du royaume, eu égard aux revenus.
C’est surtout pour les contrées formant le district de
Turnhout que je puis, à raison de mes connaissances locales, garantir avec
assurance l’exactitude des faits que j’avance.
Dans ce pays, le terrain est presque partout tellement
ingrat que ce n’est qu’à force d’engrais qu’on peut parvenir à y avoir des
récoltes possibles ; et, d’un autre côté, ce sont précisément ces engrais que
le cultivateur ne peut se procurer qu’à grands frais, étant éloigné des villes
populeuses, et privé de moyens faciles de communication.
Il résulte de là, ou bien que les produits sont
presque nuls ou bien que leur valeur est en grande partie absorbée par les
frais de culture.
Par une fatalité inconcevable, ces observations
pourtant si simples et si décisives n’ont jamais été prise en considér4ation,
et la province est restée surtaxée au point que dans certaines communes la
contribution foncière vient enlever au propriétaire 25 p. c. de son revenu
annuel.
J’ajouterai encore un dernier fait, qui démontre
combien l’inégalité est généralement sentie ; c’est que, plus d’une fois, des
personnes habitant la province d’Anvers vers les frontières du Limbourg ont
préféré aller faire des acquisitions dans cette dernière province, afin de ne
pas devoir porter annuellement au trésor environ le quart de leurs revenus, ce
qui leur arriverait en faisant des acquisitions au lieu de leur domicile.
Je pourrais encore ajouter à cela ce que j’ai déjà dit
en d’autres occasions, et invoquer tout ce que la Campine a souffert depuis
deux ans par les logements militaires et les sacrifices de toute espèce ; mais
je pense que les faits que je viens de vous détailler parlent assez haut pour
justifier complétement ma demande, sans qu’il soit besoin de recourir à aucun
autre genre de considérations.
On m’objectera peut-être que le travail du cadastre,
touche à sa fin et fera disparaître les inégalités que je viens de signaler :
je sais qu’à la session dernière, lors d’une discussion sur le même objet, M.
le ministre des finances donna alors l’assurance que le cadastre serait achevé
en 1834 ; mais, outre que l’expérience nous a souvent démontré que les
promesses ne peuvent pas toujours recevoir leur exécution, faut-il donc
attendre encore deux années entières ou davantage, lorsqu’il s’agit de la réparation
de l’injustice la plus révoltante ?
Songez enfin, messieurs, que
depuis plus de 30 ans cette iniquité pèse sur la Campine, et qu’à raison des
sommes immenses qu’elle a payées de ce chef, elle pourrait à bon droit
prétendre à un dégrèvement encore plus considérable, Eh bien, d’après le projet
de loi que nous discutons en ce moment, et si vous différiez d’accueillir ma
réclamation, non seulement l’injustice ne serait pas réparée, mais vous en
créeriez une deuxième, puisque les nouveaux centimes additionnels, étant
proportionnels seront naturellement d’autant plus onéreux que le droit
principal qui leur sert de base le sera davantage.
Ces considérations, messieurs, me paraissent plus que
suffisantes pour m’autoriser à demander avec instance que la majoration des
centimes additionnels soit réduite pour la province d’Anvers ou que du moins
cette province soit mise sur la même ligne avec les deux Flandres, me
réservant, d’après cela, de voter contre le projet, si ma demande venait à ne
pas être admise.
M. Donny.
- Messieurs, pour juger le projet de loi qui vous est soumis, il faut
l’examiner sous un double rapport : il faut discuter d’abord le montant des
ressources que ce projet tend à faire entrer dans les caisses de l’Etat ; il faut
ensuite examiner si chaque branche des revenus publics est convenablement
appelée à verser sa quote-part au trésor.
L’examen du premier point doit se faire plus
spécialement dans l’intérêt de l’Etat ; l’examen du second, plus spécialement
dans l’intérêt des contribuables, Je me bornerai pour aujourd’hui à l’examen du
premier point. Le second trouvera naturellement sa place lorsqu’on discutera
les divers articles de la loi.
Messieurs, il est un principe, je ne dirai pas
seulement d’économie politique, mais encore de simple bon sens, principe que
vous reconnaîtrez tous avec moi, c’est que les impôts doivent être en
proportion des dépenses auxquelles ils sont destinés à faire face ; ou, pour
revenir plus spécialement à l’objet qui nous occupe, il faut, d’après ce
principe, qu’une loi de voies et moyens soit en proportion avec les besoins de
l’Etat qu’elle est appelée à couvrir.
Pour juger si une loi de voies et moyens remplit cette
condition, si elle est en proportion avec les besoins, il faut nécessairement
avant tout connaître quels sont ces besoins ; il faut, en d’autres termes,
discuter, arrêter le budget des dépenses. Et pour discuter le budget des
dépenses, il convient d’avoir sous les yeux les données que l’expérience des
exercices précédents a nécessairement dû fournir ; en d’autres termes, il faut
avoir sous les yeux les comptes des exercices des années précédentes.
Ainsi, d’abord discussion des comptes des exercices
précédents, ensuite discussion du budget des dépenses ; en troisième lieu,
discussion de la loi des voies et moyens. Telle est, messieurs, la marche
naturelle, la seule marche rationnelle que nous puissions suivre dans l’espèce
de règlement financier qui doit annuellement se faire entre la nation d’un
côté, et le gouvernement, considéré comme l’économie de la nation, d’autre
part.
Messieurs, je pense que jusqu’ici ma manière de voir
est partagée par l’universalité des membres de cette chambre ; mais quand je
vais plus loin, quand je veux appliquer ces principes généraux, sur lesquels on
est d’accord, à la loi que nous avons devant les yeux, une foule d’objections
se présentent. Je vais en passer quelques-unes en revue.
D’abord on me dira : La marche dont vous parlez est
certainement une marche régulière ; vous voulez commencer par une loi des
comptes pour passer aux budgets des dépenses, et n’en venir au budget des voies
et moyens, qu’après avoir arrêté le budget des dépenses ; mais les comptes,
vous ne les avez pas. Il est vrai que vous avez le droit de compter sur la
promesse contenue dans le discours du trône ; vous avez droit d’espérer qu’au
premier jour, ces comptes vous seront remis ; mais, en attendant ce premier
jour, vous arrivez au 31 décembre, et vous n’avez pas le temps d’examiner ces
comptes. Ainsi, inutile de vous y arrêter.
Et quant à ce qui est du budget des dépenses, vous
avez un projet de loi présentant un budget sommaire, justifié par quelques
considérations générales. Quoiqu’il en soit, eussiez-vous tous les documents
nécessaires ; eussiez-vous les renseignements que vous seriez dans le cas de
prendre près du gouvernement, vous n’auriez pas encore le temps nécessaire pour
discuter ce budget des dépenses avant la fin de l’année ; inutile donc de le
demander ; ne demandez pas l’impossible. Vous allez être réduits à n’examiner que
les voies et moyens. Si vous voulez en agir autrement, si vous voulez insister
et rejeter cette loi jusqu’à ce qu’on vous ait donné les comptes, vous
renverseriez l’Etat : au 31 décembre la perception des revenus publics va
cesser ; les crédits alloués au gouvernement expirent ; ainsi, le premier
janvier on ne recevra plus rien, et toute la machine va crouler.
Je pense n’avoir pas affaibli l’objection, je vais y
répondre.
Si l’on veut mettre comme limite à vos discussions le
31 décembre ou le 1er janvier 1833 certainement vous n’avez pas le temps
nécessaire pour suivre la marche régulière que la matière exige ; mais,
messieurs, où est-il écrit que la fin de l’année doit être la fin de nos
discussions ? Cette limite qu’on veut vous poser, ne vous appartient-il pas de
la reculer plus loin ?
Le temps est-il le seul élément qui vous manque pour
suivre la marche régulière ? Eh bien, cet élément n’est-il pas à votre
disposition ? Si les 20 jours qui nous restent de cette année ne sont pas
suffisants qu’on prenne un mois, qu’on en prenne deux ; mais faisons un ouvrage
dont nous n’ayons pas à rougir, et ne travaillons pas en aveugles.
Et quant aux entraves dont on a parlé, c’est une
crainte chimérique : qu’est-ce qui nous empêche de commencer l’année 1833 comme
nous avons commencé l’année 1832 ? Qu’est-ce qui nous empêche d’accorder pour
les premiers mois de 1833 les mêmes crédits accordés pour les premiers mois de
1832 ?
En supposant cette allocation faite, le gouvernement
marchera avec facilité ; il marchera au commencement de 1833 comme il a marché
au commencement de 1832 ; il marchera avec plus d’aisance encore, car vous
n’avez pas perdu le souvenir de ce que vous avez accordé il y a quelques jours,
l’allocation de dix millions. Ainsi vous n’avez pas de raison de ne rien
examiner.
Je passe à un second argument, et celui-là je le
trouve développé dans le rapport de la section centrale. Avant de le peser, je
vais, messieurs, me permettre de dire quelques mots sur notre situation
financière, telle que je la conçois.
Nos dépenses ordinaires vont s’élever pour 1833 à 83
millions. Indépendamment de cette dépense-là, nous aurons, a-t-on dit, à
pourvoir aux dépenses extraordinaires de l’armée, et pour lesquelles il sera
demandé de nouvelles ressources.
A défaut de renseignements fournis par le gouvernement
sur le montant des besoins extraordinaires de 1833, je m’en réfère à un rapport
fait dans une séance précédente par une de vos commissions. Ce rapport porte
que la dépense extraordinaire de l’armée peut être évaluée à six millions par
mois. De ces six millions, il y en a deux qui sont déjà compris dans le budget
des besoins ordinaires ; il en reste donc quatre à couvrir ; ces quatre
millions par mois forment la somme de 48 millions par an. Et pour peu qu’il se
joigne à cette dépense extraordinaire quelques autres besoins extraordinaires,
nous aurons un budget de 50 millions à ajouter au budget ordinaire de 83
millions ; ce qui fait qu’en 1833 nous ferons face à une somme totale de 130 à
140 millions.
Nous situation financière établie de cette manière,
j’en viens à l’argument de la commission.
Elle dit : Puisqu’en 1833 vous aurez à payer une
totalité de 130 à 140 millions, que risquez-vous d’allouer dès à présent au
gouvernement, et même sans examen préalable, une somme de 83 millions ? Ce ne
sera là qu’un à compte, qui est loin d’épuiser les sommes que vous aurez à
allouer.
Voici ce que je réponds.
D’abord, il me semble extrêmement dangereux de
contracter l’habitude de régler ainsi les besoins ordinaires avec les besoins
extraordinaires ; si on suit cette marche, il n’y a plus besoin de distinction
entre les deux espèces de besoins ; il n’y a plus de budget ordinaire.
Ensuite, l’argument ne prouve rien, parce qu’il prouve
trop ; car si, parce que nous aurons à payer 130 à 140 millions en 1833, nous
devrions admettre aveuglément un budget ordinaire de 83 millions, nous devrions
par la même raison admettre aveuglément, et toujours aveuglément, un budget de
100, de 120 millions, s’il plaisait au gouvernement de nous en présenter un
semblable : cependant, si l’on vous présentait un budget de 120 millions,
comment, en votant des dépenses aussi élevées, parviendriez-vous à trouver les
ressources nécessaires pour les couvrir ?
Il vous faudrait ajouter des centimes additionnels aux
impôts, c’est-à-dire que vous devriez créer des impôts nouveaux, ou tripler,
quadrupler quelques-uns de ceux qui existent,
Si un pareil projet vous était présenté, aucun de vous
n’y donnerait sa voix ; vous reculeriez devant les conséquences de cette
demande ; vous devez reculer également devant la conséquence de l’argument qui
vous est fait.
Il est un autre argument qui m’a été communiqué par un
des membres de l’assemblée ; il m’a dit : le gouvernement fait un usage utile
des fonds qui sont laissés à sa disposition ; il y a des excédents des recettes
sur les dépenses.
La fluctuation de notre dette publique lui permet de
faire des bénéfices remarquables, et ces bénéfices tournent au profit du trésor
; ne craignez-vous donc pas de lui allouer une somme qu’un examen ultérieur
prouvera peut-être trop forte ? Car l’excédent sera utilement employé.
Je ferai d’abord observer que cet argument suppose
trois choses.
Il suppose qu’il y a un gouvernement, un ministère ;
en second lieu, que ce ministère jouisse de la confiance absolue de la chambre
; en troisième lieu, que ce ministère restera au timon des affaires pendant
toute l’année 1833. Mais, loin que ces conditions soient remplies, nous n’avons
pas même la première de ces conditions ; nous n’avons pas de ministère ; nous
n’avons pas de ministres ; ainsi l’argument pèche par la base.
Ce n’est pas tout. Ce bénéfice, que le gouvernement
fait par des espèces d’opérations de bourse, tourne, il est vrai, au profit du
trésor ; mais, messieurs, il me semble à moi, qu’il tourne bien plus au profit
de la postérité de la génération actuelle : il diminue le montant de nos
dettes, et cette diminution profitera à nos enfants, à nos petits-enfants et
non à nous-mêmes. Il me semble que la génération présente a déjà assez fait de
sacrifices depuis trois ans, en hommes, en argent, en prospérité, en repos,
pour qu’elle puisse léguer à la postérité le soin de supporter les dettes que
nous laisserons, puisqu’elle recueillera les fruits de ce que nous avons semé.
Ce n’est pas tout encore. Il est une troisième
considération avec laquelle je veux combattre cet argument ; et cette
considération me semble d’un poids plus grand que les précédentes. Si le
gouvernement avait dans son trésor, on avait dans ses revenus ordinaires les
ressources nécessaires pour se livrer à une opération de bourse, je pourrais
regarder l’opération comme irrégulière, et au fond je n’y verrais pas grand mal
; mais on veut que vous vous imposiez de nouvelles charges ; on veut que vous
alliez prendre dans la poche du malheureux un franc afin que le trésor s’en
serve pour diminuer un peu nos dettes. Cette manière d’opérer vous semblera peu
compatible avec la justice ; et vous verrez que l’argument ne mérite aucune
attention.
Dans une des séances précédentes, un honorable membre
a fait un argument que peut-être la discussion nous ramènera et que, sous ce
rapport, je vais aborder. On nous a dit : il faut donner au gouvernement le
plus d’appui possible, et il faut le lui donner en partie par cette
considération qu’il est important pour nous de prouver à l’Europe que nous
voulons soutenir notre gouvernement.
Messieurs, quant à ce qui est de donner à l’Europe les
preuves de nos bonnes intentions, je répondrai à l’honorable membre que je ne
partage pas sa manière de voir. Eu égard à la population de l’Europe, il me
semble que ceux qui, dans les pays étrangers, veulent bien fixer leur attention
sur nos débats parlementaires, doivent être en très petit nombre ; et dans ce
petit nombre je fais encore une distinction. J’y vois des gens sensés, qui se
donnent la peine d’examiner une question avant de la juger ; j’en vois d’autres
qui jugent sans se donner cette peine ; et quant à ces dossiers, quelle que
puisse être leur position sociale ou politique, vous trouverez sans doute que
leur opinion doit nous être aussi indifférente que leurs personnes.
Quant à la partie éclairée de l’Europe dont l’estime
peut nous être précieuse, nous serons certains de l’avoir, du moment que nous
remplissons nos devoirs et que nous les remplissons avec dignité.
Si, à cet égard, je ne partage pas l’opinion de
l’honorable membre, je partage son opinion quand il dit que nous devons appuyer
le gouvernement.
Oui, nous devons l’appuyer, c’est pour nous un devoir.
Nous devrons prêter appui aux ministres lorsque nous en aurons.
Messieurs, toutes les observations que je viens de
passer en revue ne m’ont donc pas fait varier dans ma manière de voir ; et si
le gouvernement s’était contenté des ressources dont il a joui cette année ;
s’il avait dit : Laissez-nous la perception du même impôt, accordez-nous les
mêmes crédits pour les services ordinaires, et pour ce qui est extraordinaire,
nous le joindrons au crédit extraordinaire de l’armée ; nous aviserons aux
moyens de satisfaire à des besoins aussi immenses… J’aurais pu lui donner
l’appui de mon vote ; mais on veut que nous établissions de nouveaux impôts,
une nouvelle charge ; or, je ne voterai jamais une nouvelle charge qu’à moins
que je ne voie de mes yeux la nécessité de l’impôt.
Que le gouvernement me fasse
voir par les comptes des exercices précédents, par l’examen du budget des
dépenses, par tous les documents, que les impôts qu’il demande sont
nécessaires, je céderai devant la nécessité ; si elle n’est pas justifiée,
je refuserai. Je sais bien que mon examen sur la nécessité d’un impôt, que ma
conviction, plus ou moins grande, de cette nécessité ne peut alléger le poids
du fardeau que le contribuable aura à supporter ; je sais que le contribuable
paierai également, soit que je suis convaincu, soit que je ne sois pas
convaincu ; mais, quant à nous, l’impôt change de nature quand elle n’a à
supporter que le poids de la nécessité.
M. Seron.
- Messieurs, je ne prends pas la parole pour plaider les intérêts de ma
province, ni de mon district, ni de mon village ; je ne veux m’occuper que de
ceux de la nation.
Après quatre emprunts successifs, y compris l’appel,
fait sans succès au patriotisme des riches, et qui produisit à peine 200,000
fl. au lieu de 5 millions qu’on en attendait, le ministère vient avouer un
déficit et demander de nouveaux secours extraordinaires.
Mais, sans doute, il sait que les emprunts de 12 et de
10 millions, répartis sans discernement sur les contribuables de toutes les
classes, ont eu le grave inconvénient d’atteindre les plus pauvres, de les
mettre dans la nécessité de vendre à vil prix, à 40, à 50 p. c. de perte, les
obligations du premier emprunt pour acquitter le second, et les obligations du
second pour acheter du pain, et d’enrichir ainsi, à leurs dépens, des
spéculateurs voraces dont le nombre augmente avec la misère publique.
Il sait à quelles condition onéreuses pour le pays a
été contracté l’emprunt dit de 48 millions, et il ne peut ignorer qu’en
empruntant toujours à de pareils intérêts, les nations, comme les particuliers,
se ruinent et finissent par faire banqueroute. Il sort donc de cette voie
dangereuse ; il demande : 1° une addition de 40 p. c. à la contribution
financière ; 2° une autre addition de 13 p. c. à la contribution personnelle’ ;
3° le rétablissement du droit de patente au taux fixé par les lois des 21 mai
1819 et 6 avril 1833.
Du reste, bien qu’il promette des améliorations pour
l’avenir, il ne propose, quant à ces deux dernières contributions, aucun
changement au mode d’assiette imaginé par la fiscalité néerlandaise et demeuré
en vigueur malgré la révolution et de nombreuses réclamations qu’on peut dire
fondées sur la raison et la justice.
Si, en même temps, le gouvernement nous fournissait
des documents et des détails propres à faire connaître, année par année, le
produit des recettes et l’emploi qu’on en a fait, je me sentirais porté, je
l’avoue, à adopter la première partie de sa proposition.
Car, il faut en convenir, et je l’ai dit plus d’une
fois sans qu’on daignât m’entendre, la contribution foncière est, de tous les
impôts, celui dont l’augmentation offre le moins de difficultés ; elle est
proportionnelle aux revenus ; elle ôte peu à celui qui a peu.
Tant qu’elle n’excède pas le cinquième du revenu
imposable, c’est-à-dire la portion du produit net que la dîme seule, sans la
taille, enlevait aux terres et aux prairies, elle est supportable, elle prend
l’argent où il est ; et, avec l’addition proposée, il est probable qu’en
général, du moins, elle serait encore au-dessous de cette proportion.
Mais, ce ne sera jamais de mon consentement que sera
maintenue cette contribution personnelle compliquée, à bases qui produisent de
doubles, de triples, de quadruples emplois, inutilement vexatoires dans son
mode d’assiette, chef-d’œuvre d’absurdité, comme je crois l’avoir prouvé
suffisamment en différentes occasions, et qu’on va rendre plus odieuse encore
au peuple par une augmentation de 13 p. c. En vérité, je ne puis comprendre
pourquoi le gouvernement semble tenir à la conservation d’un pareil impôt.
Est-ce à cause de ses produits ? Mais on peut en obtenir d’aussi considérables
au moyen d’un mode de répartition plus conforme à la raison et à l’équité.
D’ailleurs, il est certain que si la contribution personnelle rapporte beaucoup
dans les villes, les produits en sont presque nuls dans les campagnes. J’ai
vérifié que, dans tel arrondissement, composé en presque totalité de communes
rurales, elle n’a donné, en 1831, qu’une somme de 21,657 florins, tandis que
l’ancienne contribution personnelle et mobilière et celle des portes et
fenêtres réunies s’y élevaient, en 1822, à 39,282 florins, ce qui offre un
excédant de plus de 17 trente-neuvièmes. Encore n’existait-il alors aucun impôt
somptuaire, aucune taxe en raison des domestiques et des chevaux. Et à qui
profite la diminution ? Singulier privilège ! Elle profite à une foule de gens
très capables de payer à l’Etat, à titre de cote personnelle, la valeur de
trois journées de travail, outre la taxe des portes et fenêtrés, et qui,
maintenant, sont quittes envers lui au moyen de quelques centimes de
contribution foncière, parce que la valeur locative de leur habitation ne va
pas à 20 florins ; comme si dans les villages, où les loyers sont à vil prix,
la plupart de ceux qui jouissent de l’exemption n’étaient pas plus aisés et
plus imposables qu’une foule d’habitants des villes payant pour la maison
qu’ils habitent une location de 100 ou de 150 florins par année.
Je n’adopterai pat non plus la proposition relative aux
patentes, impôt non moins odieux que la contribution personnelle et dont j’ai
également signalé les vices, en détail, dans plusieurs occasions. Comment
tolérer un système qui, entre autres abus, frappe chaque profession d’une taxe
particulière, et laisse à l’arbitraire des agents du fisc (car dans la réalité
les répartiteurs ne sont rien) le soin d’arranger comme il leur plaît la classe
dans laquelle les patentables doivent être rangés.
Je sais bien qu’on nous fit observer à l’égard des
patentables que ceux dont les opérations ont diminué d’importance, ont pu se
faire ranger dans les classes inférieures à celles qu’ils occupaient, comme on
nous a dit, en parlant de ceux qui paient la contribution personnelle,
« qu’un espace de deux années permettrait à chacun de se placer en raison
de ses revenus actuels » : d’où la conclusion qu’il n’y a nul inconvénient
à laisser subsister en 1833 ces deux impôts tels qu’ils existent aujourd’hui.
Comme je ne trouve ni dans la loi du 21 mai 1819, ni dans celle du 28 juin 1822,
aucune disposition d’après laquelle il soit loisible au commerçant ou au
contribuable de s’imposer en raison de ses bénéfices ou de ses facultés,
j’avoue ingénument que je ne comprends rien à ces paroles de M. le ministre.
On me demandera ce que je substituerais aux deux
impôts contre lesquels je m’élève. Messieurs, je l’ai déjà dit dans cette
enceinte, « je ne voudrais pas courir les chances toujours incertaines de
l’application d’une théorie nouvelle, » qui effraie si fort M. le
ministre. Je m’emparerais d’un système tout fait et dont l’expérience a
démontré la bonté. Je remettrais en vigueur, quant aux patentes, la loi du 1er
brumaire an VII, sauf à augmenter les droits comme on l’a fait en France, si
les besoins de l’Etat l’exigeaient. Alors, du moins, les taxes ne seraient plus
livrées à l’arbitraire, le patentable verrait clairement dans le tarif ce qu’il
doit payer ; il ne serait imposé que pour sa principale profession. Les rôles
se formeraient du dépouillement dressé par le bourgmestre de chaque commune, et
ne seraient pas l’ouvrage des employés du fisc. Je remplacerais l’impôt de
quotité connu sous le nom de contribution personnelle, et qu’a établi la loi du
28 juin 1822, par une contribution personnelle et mobilière, conformément à la
loi du 5 nivôse an VII, en y ajoutant, s’il était nécessaire, une taxe à raison
des voitures suspendues et des domestiques attachés à la personne. Enfin je
percevrais, à raison des portes et fenêtres, une contribution graduée suivant
la population des communes, et de laquelle je trouverais les bases dans la loi
du 4 frimaire an VII et autres subséquentes. En un mot, je ferais ce que le
ministère lui-même aurait dû proposer il y a deux ans. N’avons-nous pas fait
revivre le jury et le système monétaire de la France ? Ne sommes-nous pas à la
veille de rendre aux poids et mesures les noms qu’elle leur a donnés et
auxquels l’ancien gouvernement avait substitué des dénominations ridicules et
absurdes ? Pourquoi ne pas ressaisir également comme notre bien, si elle est
bonne, si du moins elle est préférable à ce que nous avons, une législation
financière qui fut longtemps la nôtre, et dont, l’abolition a excité et excite
encore les regrets de ceux qui ne voyaient pas avec indifférence fouler la
classe moyenne des contribuables, la plus nombreuse, et, sans contredit, la
plus saine partie de la société ?
Qu’on ne m’objecte pas les délais qu’entraîneraient
l’assiette et la répartition de la contribution personnelle et mobilière : car,
au moyen des mémoriaux administratifs qui se trouvent dans tous les communes,
il serait facile d’avoir incontinent des renseignements précis sur le
contingent que chacune d’elles supportait en 1822 et de fixer, sur ce
contingent, celui de 1833. Cela fait, les répartiteurs procéderaient à la
répartition entre les contribuables et à la formation de la matière sommaire.
Immédiatement après, les rôles seraient confectionnés dans les bureaux du
directeur des contributions, rendus exécutoires par la députation des états
provinciaux et mis en recouvrement. Pour peu que le gouvernement y tînt la
main, toutes ces opérations pourraient être achevées dans l’espace de trois
mois. Celles de la formation d’un rôle des patentes et d’un rôle des portes et
fenêtres, beaucoup plus simples, le seraient en bien moins de temps.
Mais comme, en attendant, il faut que l’Etat vive, je
lèverai, à partir du1er février prochain, 3 douzièmes du montant des rôles des
patentes et de la contribution personnelle de 1832, sauf à précompter aux
contribuables, lors de la perception des cotes définitives, le montant des
cotes provisoires par eux acquittées.
Enfin je conseillerai de
nouveau à MM. les ministres, qui prennent ordinairement l’initiative en matière
d’impôts, de proposer à la chambre le rétablissement du droit de 2 p. c.,
conformément à la loi du 22 frimaire an VII, sur le prix des ventes de bois et
de récoltes sur pied, réduit à un demi p. c. par une loi de mai 1824. L’Etat y
gagnera des produits assez considérables. Ce sera d’ailleurs un acte de
justice. N’est-il pas révoltant de voir les ventes de récoltes et de coupes de
bois qui appartiennent presque toujours à des riches ne supporter que le quart
du droit d’enregistrement qui se perçoit sur les guenilles d’un pauvre diable
exécuté dans ses meubles ?
Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire sur le
discours de M. le ministre des finances. Dieu veuille que je n’aie pas encore
une fois prêché dans le désert ! En tout cas je me consolerai par l’idée que je
n’ai rien avancé qui ne fût d’accord avec la vérité, et que j’ai rempli un devoir
tracé par mon mandat.
M. de Roo.
- Messieurs, je ne trouve pas que l’on doive s’extasier, en présentant un
nouveau budget qui porte une augmentation de plus de 7 millions non compris le
pied de guerre pour lequel on nous promet un supplément de 72 millions, ou 6
millions par mois, de ce que l’on est parvenu, moyennant un emprunt surpassant
les 100 millions, sur lequel, grâce à la bonne négociation, nous faisons une
perte d’environ les 28 millions de capital, et en ne comptant par les
38,090,000 de francs qui restent dus à la Hollande ; nous sommes parvenus,
dis-je, à éteindre les dettes de l’année passée.
Heureux sommes-nous, nonobstant l’imprévoyance de nos
ministres, que les fonds parvenus à l’Etat ont surpassé de 14 millions leur
attente. Ils en réclament un bill d’indemnité, et moi je n’y vois qu’impéritie,
qu’un faux calcul qu’on a tâché de rectifier dans le budget actuel : je
conviens qu’il est impossible de prévoir le produit à quelques milliers de
francs près, voire même un, deux à 3 millions ; mais 14,000,000, cela surpasse
les bornes. Il faut convenir que nous allons en tâtonnant, que nos hommes
d’Etat ne sont pas encore à la hauteur de leur fonction.
Je ne reçois donc pas avec plaisir, comme le présente
le ministre des finances, un budget ordinaire avec une augmentation de
7,415,703 francs sur celui de l’année passée, sans les crédits extraordinaires
que l’on proposera en sus ; et notamment lorsque, pour couvrir cette
insuffisance, on nous propose d’augmenter les contributions foncières de 40 p.
c., le personnel de 16 et les patentes de 25.
D’abord, quant à la contribution foncière, elle porte
déjà plus qu’elle ne peut porter, et l’on ne fait pas attention que la plus
grande partie sont de petits propriétaires qui n’ont que cette ressource pour
vivre, dont les biens sont souvent grevés, et qui, s’ils sont industriels,
paient déjà la patente et en outre la contribution personnelle ; vous frappez
donc trois fois le même individu ; et celui qui des capitaux immenses en circulation,
qui à peine a une maison à lui, et le plus souvent qu’il loue, souvent même un
quartier, celui-là vous ne l’atteignez pas.
D’où provient-il donc que c’est toujours la même
assiette d’impôt qui souffre de l’augmentation ? N’a-t-on pas dit mainte et
mainte fois que le sucre, le café, le tabac et autres objets de luxe, et qui ne
sont pas de première nécessité, pourraient être utilement et légèrement
imposés, sans que personne n’en souffre, et que tous paieraient volontiers ?
Mais non, ce serait trop difficile ; mais la prévoyance de toutes nos
spécialités en finances ne va pas si loin de pouvoir nous dire, ou assurer, à
quelques millions près, où cela pourrait nous conduire ; ils préfèrent calculer
plus sûr, en imposant le fonds d’une manière injuste.
L’agriculture ne souffre pas, dit-on. Il y a eu une
bonne moisson cette année, et voilà une raison apodictique, péremptoire. Il
faut imposer l’agriculture, la sueur du fermier ; mais l’on ne considère pas
que l’année prochaine, voire même cette année, deux, trois années de suite, ces
mêmes agriculteurs pourraient perdre tout le bénéfice de la récolte précédente,
ce qui est tout à fait aléatoire et chanceux.
Et qu’on ne perde pas de vue que ce ne sont pas les
grands cultivateurs, qui sont en petit nombre, qu’on atteint ; mais les petits,
ceux qui forment la majorité, et qui ne moissonnent que pour leur ménage, qui
consomment le tout pour leur propre entretien, et qui ne paient leur fermage
(et ici la contribution tombera spécialement sur le fermier) que du produit de
la fabrication des toiles et autres objets qui sont actuellement en stagnation
complète. Et ceux-ci se trouvent en quantité, notamment là où la plus grande
injustice existe dans la répartition de cette contribution, que l’on augmente
de 40 p. c., où l’on accumule injustice sur injustice.
Non, représentant d’un tel pays, jamais je ne pourrai
donner mon vote pour sanctionner une injustice aussi palpable.
Elle n’est que temporaire,
dit-on ; mais une injustice temporaire n’est pas moins une injustice, et dans
l’état actuel des choses, il n’y a guère de différence entre le temporaire, le
continuel, le provisoire et le définitif.
L’on me dispensera, j’espère, de prouver que les
Flandres et la province d’Anvers paient 10 p. c. de plus dans la contribution foncière
que les autres provinces ; cela a été établi à l’évidence dans les discussions
actuelles et dans celles de l’année passée, lorsque nous avons obtenu un faible
dégrèvement de 5 p. c. en nous promettant une rectification complète pour cette
année avec l’achèvement du cadastre, ce qui est encore à arriver, et dont je ne
vois pas la possibilité, si l’on suit la marche que l’on a suivie jusque
maintenant.
Pour ces motifs, je voterai contre.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, je croirais faire injure à l’assemblée que de mettre un
instant, en doute la nécessité de pourvoir au service public, qui certainement
viendrait à manquer à partir du 1er janvier prochain, si la législature ne
suppléait pas, au moyen d’une mesure provisoire, à l’imprévoyance du ministère.
Mais tout en reconnaissant cette nécessité, je suis loin d’en conclure qu’il
faille adopter le projet de loi qui est maintenant en discussion.
En effet, de quoi s’agit-il ? Il s’agit tout uniment
d’assurer le service public, tant sous le rapport des dépenses que sous le
rapport des recettes, jusqu’au moment où la législature aura, en parfaite
connaissance de cause, réglé définitivement le budget des voies et moyens. Or,
quelle est la voie la plus simple pour atteindre ce but ? C’est de maintenir
l’état actuel des choses, c’est d’autoriser le gouvernement à percevoir les
taxes actuellement existantes pendant un espace déterminé, et de lui ouvrir les
crédits dont il a besoin pour subvenir aux dépenses pendant le même laps de temps.
Pour justifier cette opinion, messieurs, je n’ai pas
besoin de faire de grands efforts. Je me bornerai à rappeler que telle est la
marche qui a été suivie chez nous sous le gouvernement précédent quand par la
même imprévoyance, les états-généraux se sont vus plusieurs fois dans
l’impossibilité de régler le budget de l’année avant le 1er janvier ; que c’est
ainsi qu’on procède en France depuis la restauration et qu’on l’a fait non pas
seulement une fois, mais peut-être dix ou douze fois, tant sous le gouvernement
actuel que sous le règne de la branche aînée des Bourbons. Sous le ministère
Villèle, que certainement personne ne sera tenté de traiter de démolisseur,
sous le ministère Villèle lui-même, qui avait à sa dévotion les trois cents,
jamais on n’a eu l’effronterie de venir présenter aux chambres un budget des
voies et moyens définitif aussi longtemps que le budget des dépenses n’était
pas réglé ; et chaque fois qu’il y eut impossibilité de régler le budget des
dépenses avant le premier janvier de l’exercice suivant, on est venu présenter
des projets de lois tendant à obtenir des crédits provisoires et à maintenir
l’état de choses existant pendant un espace de temps déterminé.
La section centrale, qui a été chargée de l’examen du
projet de loi en discussion, l’a adopté par des principes tout opposés. Je me
bornerai à citer les différents motifs qu’elle a allégués pour justifier son
opinion à cet égard. Je lis dans le rapport qui nous a été présenté en son nom
:
« La majorité de votre section centrale reconnaît,
avec la 6ème section, combien en des temps ordinaires une telle marche serait
irrégulière et peu rationnelle ; mais elle trouve, avec celle-ci, que l’on peut
se départir d’un principe rigoureux en ce moment, pressés que nous sommes par
le temps, puisqu’il reste peu de jours avant le 1er janvier. »
Or, conclure de cela qu’il faille, pour toute la durée
de l’exercice prochain, maintenir l’état de choses actuel, c’est forcer la
conséquence : celle-ci, messieurs, ne découle nullement des prémisses. Je
poursuis la citation :
« Ayant sous les yeux (la section centrale) les
propositions des divers ministères pour le budget des dépenses, ne pouvant nous
laisser aller aux décevantes espérances de faire face, même avec le budget des
recettes qui nous est soumis, aux frais extraordinaires que réclament le
maintien d’une armée nombreuse sur le pied de guerre et l’achat d’un matériel
considérable. »
Ici, vous l’entendez, messieurs, on déclare formellement
que les voies et moyens indiqués seront insuffisants pour couvrir les dépenses,
il faudra donc, après avoir fait nominalement du définitif, procéder plus tard
à l’achèvement de l’œuvre, au moyen de nouvelles lois pour subvenir au déficit
qui résulterait de l’exécution rigoureuse du budget des voies et moyens qu’on
vous présente maintenant. Cela prouve, messieurs, qu’il y a contradiction
évidente dans le raisonnement de la section centrale, et que ce serait une
absurdité que de proposer, comme définitif, un budget qui est reconnu
insuffisant pour couvrir les dépenses de l’exercice.
N’est-il pas plus simple de pourvoir aux besoins du
moment, par une loi qui est explicitement provisoire, comme elle le serait en
effet, même en lui imprimant la fausse dénomination de définitive ?
Commençons donc par fournir aux besoins du moment,
sauf à régler plus tard et définitivement ce budget, non pas en aveugles, mais
après avoir eu tout le temps et tous les documents nécessaires pour le faire en
connaissance de cause. Vous voyez, messieurs, que nous arrivons ainsi à des
conséquences toutes différentes de celles de votre section centrale.
Je passe à l’examen d’un troisième motif du rapport.
« Nous avons unanimement pensé, avec la 5ème
section, que la loi d’une impérieuse nécessité, plus forte que nos désirs,
exigeait provisoirement le maintien du système financier actuellement en
vigueur. »
Je ne sais pas, messieurs, si la nécessité dont il est
question ici est généralement reconnue. Pour nous prononcer à cet égard, il faudrait
avoir sous les yeux les comptes de 1830 et de 1831, comptes que l’on nous a
promis sans cesse, que l’on disait être imprimés et qui cependant n’ont pas
encore été distribués ; il faudrait avoir réglé le budget des dépenses et
connaître notre situation financière sur laquelle nous sommes dans la plus
complète ignorance.
D’ailleurs n’y aurait-il pas moyen de subvenir aux
besoins du trésor d’une manière autre que celle qu’on vous propose par le
projet ? Car, remarquez-le bien, messieurs, ce n’est pas la continuation du
système financier actuellement en vigueur que ce projet a pour but ; on vous
propose de le maintenir, mais en augmentant de 16, de 25 et de 40 p. c. le
fardeau de certains impôts. Ce n’est donc pas le maintien pur et simple de ce
même système qu’on vous demande en réalité, mais un système modifié, aggravé.
Si les besoins de l’Etat exigent une aggravation de l’impôt, n’y aurait-il pas
moyen d’atteindre le but par d’autres moyens que ceux qu’on vous présente ? N’y
aurait-il plus d’autres objets qui seraient susceptibles de devenir matières
imposables, et même ne pourrait-on pas subvenir aux nécessités du trésor d’une
manière encore moins onéreuse à la nation ?
Qui de vous ne se souvient, messieurs, que nous avons
un compte à régler avec la banque ? Ce compte, on ne nous en parle plus depuis
longtemps. Eh bien avant de puiser dans la poche des contribuables, faisons
payer les débiteurs de l’Etat, et quand ces débiteurs se seront libérés, mous
verrons jusqu’à quel point nous pourrons autoriser les agents du fisc à venir
puiser dans la bourse des citoyens.
Remarquez-le bien, messieurs, le revenu du
propriétaire est imposé ; mais pourquoi le revenu du rentier ne l’est-il pas ?
Pourquoi celui qui jouit de 1,000 florins de rentes ne paie-t-il pas un liard
tandis que le propriétaire foncier qui retire le même revenu de ses
biens-fonds, se voit enlever depuis 6 jusqu’à 16 p. c. de son revenu ? Et qu’on
ne vienne pas nous dire que c’est là un genre de propriété qui se dérobe à
l’impôt. Quant aux établissements publics, il est facile de se procurer tous
les renseignements pour les connaître et les imposer.
Il en est de même pour ce qui concerne les rentes
hypothécaires. Indépendamment de l’avantage que le créancier hypothécaire et le
public retirent des conservations des hypothèques, le trésor peut encore y
puiser des renseignements pour atteindre ce genre de propriété et les revenus
qu’il donne, comme l’est la propriété foncière elle-même.
Mais on se plaît (et c’est un reproche que j’adresse à
plusieurs agents du fisc), on se plaît à maintenir ce système arbitraire, ce
système désastreux de l’ancien gouvernement ; système qui a été l’une des
causes de la révolution et qui a occasionné tous les maux sous lesquels la
nation se débat et dont elle n’entrevoit pas encore la fin.
Voici donc un autre motif mis en avant par la section
centrale, et qui ne soutient pas l’examen.
« Vos sections, messieurs (dit le rapport), ont
regretté de ne trouver que peu de développements dans le discours qui vous a
été présenté à l’appui du budget des voies et moyens. Une nomenclature générale
des impôts et leur chiffre présumé, voilà sur quoi a dû se porter leur travail.
D’après le vœu qu’elles avaient manifesté, nous avons cherché à nous entourer
de renseignements plus complets. »
Et c’est dans cet état de choses que vous commencerez
par décréter, pour tout l’espace de temps que la constitution vous permet de
voter l’impôt, le maintien d’un système désastreux, qui n’a pour partisans que
les agents du fisc ! Vous ferez plus encore, vous aggraverez une partie de ce
mauvais système, en improvisant des augmentations de taxe ! Je vous laisse à
juger, messieurs, s’il est possible qu’on soumette à une assemblée législative
un budget pareil, sans qu’il soit accompagné d’aucuns renseignements, que la
section centrale a dû chercher à suppléer à ce manque de renseignements
nécessaires pour se livrer à son travail, auquel d’ailleurs je rends toute
justice, vous iriez voter en aveugle un budget aussi subversif en matière de
finances que désastreux pour le pays ! Je ne pense pas qu’aucun des membres de
cette assemblée aura ce courage.
Il me semble que ces observations suffiraient pour
faire sentir à la chambre que le budget, tel qu’il a été présenté, ne peut pas
soutenir l’examen. Cependant, les besoins du gouvernement sont pressants, et il
n’entre dans l’idée d’aucun de nous de vouloir entraver sa marche. Personne
n’est capable d’adopter un parti qui ferait manquer le service public.
Mais rien n’est plus simple que de parer aux
inconvénients auxquels l’insouciance ministérielle nous a exposés, sans
cependant admettre le projet actuel. Pour cela que faut-il ? Il faut déclarer
que jusqu’à la promulgation d’une loi de voies et moyens, toutes les
contributions existantes seront perçues d’après la loi du 27 décembre dernier.
Mais il ne suffit pas de fournir des fonds au gouvernement, il faut qu’il en
puisse disposer ; car le trésor ne peut lui être ouvert que par la législature.
Si nous ne lui donnions pas cette autorisation, autant
vaudrait laisser l’argent dans les mains des contribuables que de le laisser
enfoui dans les caisses de la trésorerie. Il faut donc ouvrir aux différents
ministères des crédits suffisants pour subvenir aux besoins du moment. Je pense
qu’en accordant à chacun de ces départements un crédit égal au quart de celui
qu’on lui a alloué pour l’exercice courant, on satisfera à toutes les
nécessités, à toutes les exigences raisonnables ; car je ne puis croire que le
travail du budget, quelque empressement que l’on mette à nous fournir tous les
renseignements qu’il réclame, exigera tout le trimestre de janvier, de sorte
que la durée de la loi à voter ne doit pas s’étendre au-delà de ce trimestre.
Je saisis cette occasion pour vous faire remarquer
avec quelle légèreté se fait le travail si difficile de la législation. Par une
loi toute récente, vous avez autorisé le gouvernement à percevoir par
anticipation les deux tiers de la contribution foncière sur les rôles de 1832.
Cette imposition ne devait pas former l’objet d’une loi spéciale ; elle trouvait
sa place naturelle dans la loi qui fixe les voies et moyens, et ouvre des
crédits provisoires pour les divers services.
Ainsi, on a débuté par vous présenter un fragment de
loi ; un second est en discussion, et l’on a oublié d’y comprendre un troisième
objet, également essentiel, également urgent : l’ouverture de crédits
provisoires pour les différents départements ministériels, pour morceler ce que
la nature des choses veut voir réuni en un tout.
Cette remarque fait ressortir la bizarrerie de la marche
du gouvernement dans la confection des lois : il travestit le travail
législatif en un véritable habit d’arlequin, composé de pièces de rapport. Ce
travail je le reconnais, pour rendre justice à tout le monde, est très
difficile.
Il est donné à très peu de
personnes de formuler une bonne loi, et je ne suis nullement surpris que parmi
les employés ministériels, il n’en est aucun qui soit capable de le faire.
Aussi longtemps que le gouvernement n’aura pas fondé un conseil d’Etat, je le
défie de vous présenter un projet de loi qui puisse obtenir l’assentiment de
ceux qui sont aptes à prendre part à la discussion d’une loi.
Aussi, messieurs, depuis deux ans sommes-nous placés
dans cette position de la convention qui, du jour au lendemain, enfantait des
décrets qui n’avaient d’autre caractère législatif que celui d’émaner d’un
corps institué pour confectionner des lois.
D’après les développements que je viens de donner,
j’aurai l’honneur présenter plusieurs amendements pour en finir en une fois de
toutes ces lois provisoires, et pour mettre le gouvernement en mesure de
marcher jusqu’à ce que nous puissions nous occuper avec maturité et en parfaite
connaissance de cause du budget définitif des voies et moyens.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, au lieu d’une majoration sur l’impôt personnel et les
patentes, j’aurais, à l’instar de la ville de Bruxelles, préféré le système des
emprunts, d’autant plus qu’il ne faut que 7,400,000 fr. Quelques jours eussent
suffi en Belgique pour se procurer cette somme.
En imposant trop le fermier, tous nos produits
agricoles augmenteront de prix, au point de diminuer leur exportation.
L’augmentation de l’impôt foncier empêche le bon marché de la vie animale.
Quand l’ouvrier paie cher le pain et la viande, l’étoffe qu’il confectionne
doit coûter plus cher.
Si nous voulons soutenir la concurrence à l’étranger,
et si nous voulons que la Belgique soit en même temps un pays agricole et
manufacturier, les vivres doivent être à bon marché.
Dans la dernière session, M. Coghen, alors ministre,
nous a affirmé que le budget de 1833 serait appuyé sur un nouveau système, que
l’inégalité des impôts disparaîtrait ainsi que la fiscalité hollandaise ; et à
la séance du sénat du 29 décembre, ce même ministre assurait que le café, le
thé et les bois étrangers seraient une grande ressource sur laquelle on pouvait
compter pour 1833.
On ne nous tient aucun compte de toutes ces promesses.
Les gouvernants devraient cependant savoir que les
fausses promesses irritent plus que les francs refus. La révision du système
financier est pour le gouvernement un devoir qui résulte de la constitution.
On peut supposer que les ministres n’avaient pas
l’intention de changer pour 1833 le système batavo-fiscal, puisque ce n’est
qu’en octobre dernier qu’ils ont demandé des renseignements aux directeurs,
inspecteurs et contrôleurs. Le gouvernement retarde autant que possible de nous
soumettre un nouveau système financier, que nous attendrons probablement aussi
longtemps que sous Guillaume, nous avons attendu l’organisation judiciaire. Le
ministre Duvivier, dans son rapport sur les voies et moyens, nous dit que
chaque Anglais paie une quotité d’impôt de plus de 80 francs, chaque Français
33 francs, chaque Hollandais 44 francs ; tandis que chaque Belge n’en paie que
22. Lors de la discussion du budget de 1832, j’ai eu occasion de dire à M. le
ministre que tous ces chiffres, toutes ces moyennes, sont presque toujours
inexactes, et diffèrent dans leur résultat suivant la source où on les puise.
Dans certains pays on ne perçoit point des centimes additionnels, et on
n’accorde point p. c. aux provinces, 5 p. c. aux communes, quelques pour cent
aux ministres, aux gouverneurs, etc. La plupart des statistiques ne tiennent
pas compte de toutes ces majorations. Il y a aussi des pays où l’on ne connaît
point les droits d’octroi. L’Angleterre est à peu près dans ce cas, puisqu’elle
ne paie qu’une bagatelle pour son town dues.
Si on ajoutait à notre moyenne de 22 francs les
charges communales et autres, je suis convaincu qu’on pourrait trouver à
Bruxelles et à Gand grand nombre d’habitants qui à fortune égale paient autant
qu’à Londres, car dans ces deux premières villes l’octroi s’élève
approximativement à 2,500,000 francs, ce qui fait déjà pour l’octroi seul une
moyenne de 13 francs. Je ne veux pas soutenir par mon argument que l’on paie
moins en Belgique qu’en France, en Hollande et en Angleterre ; j’entre
seulement dans ce détail, afin que dorénavant on ne tente plus à nous éblouir
par de pareils sophismes ministériels.
Vu notre état de guerre, le
chiffre de 83 millions n’est pas trop élevé ; mais on ne se bornera pas à cette
somme et bientôt on demandera aux contribuables d’autres sacrifices. Des
économies sont donc nécessaires.
Pour le moment je terminerai mes observations ; mais
quand on discutera article par article le budget qui nous est soumis, je
signalerai des abus iniques dans l’administration de la poste aux chevaux. Je
suspends mon vote jusqu’à ce que j’aie examiné les amendements que compte nous
proposer notre honorable collègue M. d’Elhoungne.
M. de Foere.
- Messieurs, c’est presque généralement admis que l’impôt doit être sagement
gradué sur le revenu. Cependant si vous appliquez ce principe à notre système
actuel de finances, il en résultera les anomalies les plus choquantes. Cette
introduction est d’abord évidemment attachée aux impôts appelés indirects,
autrement dits impôts sur la consommation, Personne ne soutiendra qu’une
famille qui a 300,000 francs de revenu consomme 600 fois plus de sel, de sucre
ou de genièvre qu’une autre qui ne jouit que d’un revenu de 500 fr. Je
n’insisterai pas davantage sur ce sujet l’énorme inégalité qui, en matière
d’impôts, pèse sur la consommation est passée en conviction.
La même anomalie ressort de l’impôt foncier tel qu’il
est établi aujourd’hui. Est-ce la grande propriété, sont-ce les gros revenus
qui paient cet impôt ? Evidemment non. C’est l’industrie agricole qui
l’acquitte. Les propriétaires que l’impôt foncier veut atteindre s’en
déchargent sur les fermiers. Le prix de la ferme reste le même. L’impôt direct
se trouva complétement éludé ; les revenus demeurent constamment intacts. Si
quelqu’un en doutait, il suffisait, pour sortir de son illusion, qu’il
consultât les bureaux des hypothèques. Là, il acquerrait la conviction que,
depuis 40 ans, les propriétés vendues ont été presque toutes acquises par la
grande propriété. Elle est parvenue à accumuler ses biens-fonds par
l’accumulation annuelle de ses revenus qui ont échappé constamment à l’action
du fisc, il puiserait aussi dans cette source la triste conviction que la
division des propriétés, cette véritable image de la prospérité d’un pays, a
disparu presque tout entière.
Ce vicieux système de finances convenait fort bien à
la Hollande. Le gouvernement de ce pays a toujours été oligarchique. Il a
constamment protégé la grande propriété, afin de mériter son appui dans sa
politique extérieure et intérieure. La classe moyenne a toujours éprouvé toutes
les rigueurs de ses impôts. Ce système financier ne peut convenir à un état
véritablement représentatif. Ses charges doivent être équitablement réparties
et graduées sur les différences que présentent les revenus de ses membres.
Cette répartition est d’autant plus juste que la grande propriété participe
plus largement à la protection et aux garanties de l’Etat.
C’est donc avec une extrême répugnance que je vois 40
centimes additionnels ajoutés à l’impôt foncier. J’aurais désiré que le
gouvernement eût fait peser cette surcharge sur les revenus des grands
propriétaires.
Ces observations préalables, messieurs, nous mènent à
la refonte nécessaire de tout notre système d’impôts. Le nouveau doit avoir
pour base l’impôt progressif sagement calculé sur les inégalités des revenus. Je
voudrais y voir figurer un impôt sur les rentes de l’Etat et sur les rentes
hypothéquées. On a objecté la difficulté et même l’impossibilité d’atteindre
ces revenus. Lorsque la discussion s’établira sur ce sujet j’essaierai de faire
voir la possibilité d’imposer les propriétaires de ces valeurs. Ensuite, il
faut que le gouvernement et la chambre introduisent dans les dépenses un esprit
d’ordre, de conduite et d’économie. Sans cet esprit, tout système nouveau de
voies et de moyens, quelque bon qu’il soit, ne sera jamais qu’un vrai
charlatanisme ; car, quel que soit le mode de recueillir les impôts, il faudra
toujours couvrir le budget des dépenses.
Il est urgent, messieurs, de mettre un terme aux
nombreuses entraves qu’éprouvent nos distilleries. Les mesures vexatoires, qui
entourent continuellement cette industrie, la gênent beaucoup dans ses
mouvements. C’est aller en sens inverse en matière de législation. L’Etat, loin
de contrarier l’action d’une industrie, doit la protéger. Il doit d’autant plus
cette protection aux distilleries qu’elles sont en connexité intime avec la
prospérité de l’agriculture. Il faut donc faire tomber ces odieuses entraves,
et diminuer de beaucoup l’impôt sur la fabrication du genièvre, comme seul
moyen de résister à l’appât de la fraude. Sans cette diminution, quelque
sévères que soient vos mesures de surveillance, vous n’empêcherez jamais la
Hollande d’introduire eu fraude une grande quantité de genièvre par les côtes
de la Flandre et le long de la frontière de la Flandre hollandaise. Les faits
l’ont prouvé sous le gouvernement autrichien,
Je ne suis pas, messieurs,
admirateur du système qui fait entrer les impôts par l’interposition des
fermiers. Cependant, outre l’exception du droit de barrières, j’en admets
encore une autre. Je voudrais que la poste aux lettres fût mise en ferme. Il
est très probable que ce mode produirait plus à l’Etat, et qu’en outre il y
gagnerait les frais d’administration. Les exactions des fermiers seraient
impossibles ; un même tarif ferait règle pour le fermier et pour le
contribuable. La garantie publique en serait aussi plus sûre. Les abus du
contreseing et de la violation du secret des lettres seraient atteints avec
plus de succès. Il est plus facile de traduire devant les tribunaux les
fermiers que les fonctionnaires publics. L’action contre ces derniers est
presque toujours illusoire.
Enfin, je remarque dans les voies et moyens un article
trop vaguement indiqué. La non-spécialité est pour moi l’équivalent de
l’arbitraire. Je désiré que le ministère spécifie l’article : « Recettes
diverses et accidentelles de l’Etat. » J’ai dit.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, j’aurais désiré que la discussion
générale eût pu se prolonger jusqu’à la fin de cette séance, afin d’avoir le
temps, d’ici à demain de répondre avec ordre et méthode aux diverses opérations
qui ont été faites. On conçoit, en effet, que sur des notes prises à la hâte et
à mesure qu’elles ont été présentées, je ne pourrai faire qu’une réponse plus ou
moins incohérente. J’aurais, au contraire, désiré pouvoir grouper ensemble les
observations générales, d’un côté, de l’autre les objections sur des objets
spéciaux, pour répondre séparément aux unes et aux autres. Cependant puisque la
discussion générale est sur le point d’être close (Non ! non ! On peut renvoyer à demain !), ce serait,
messieurs, m’obliger personnellement et me mettre à même de vous répondre d’une
manière plus satisfaisante.
Voix nombreuses. - A demain ! à demain !
M. Mary. - Il me
semble qu’il serait plus convenable que je ne fusse entendu qu’après M. le
ministre. Je pourrais, de cette façon, répondre à ses propres observations, ce
qui serait d’autant plus utile que j’ignore s’il adopte ou non les vues émises
dans mon rapport. (A demain ! à demain !)
M. l’abbé de Foere.. - Il n’est encore que 3 heures.
M. Dumortier.
- Nous ne sommes pas à l’heure ici ; il n’y a pas d’inconvénient à renvoyer à
demain, d’autant plus que moi-même j’ai des observations à présenter, et je
serai bien aise qu’on renvoie à demain. Cependant, puisque j’ai la parole, je
ferai une seule question à M. le ministre ; cette question est fort
essentielle. Le budget est-il calculé sur la Belgique telle qu’elle est existe,
ou sur la Belgique telle qu’elle est limité par le traité du 15 novembre ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le budget est basé sur la Belgique telle qu’elle
existera, je l’espère un jour, selon le traité du 15 novembre. (Bruit.)
M. Desmet.
- Nous ne l’espérons pas, nous.
M. Gendebien.
- Il va sans dire que c’est sur la Belgique des protocoles.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Malheureusement nous ne pourrons pas en avoir
d’autre.
M. Gendebien.
- Je disais cela pour compléter votre pensée.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je suis blessé autant que qui que ce soit de cette
dure nécessité.
M. Meeus. - Je
demande la parole.
Messieurs, j’avais demandé, dans une précédente séance
à M. le ministre des finances, qu’il voulût bien nous communiquer 1’état de
situation du cadastre ; cette communication est fort essentielle, car il est
désirable que nous puissions connaître la proportion qui existe sur l’impôt
foncier, de province à province, et si cela était possible, de canton à canton.
Je ne sais si cette communication a été faite, mais pour ma part je n’ai rien
reçu. Cependant si l’injuste répartition qui existe dans l’impôt foncier n’est
pas réparée, je déclare que je refuserai mon vote au budget, parce que dans mon
opinion nous n’avons pas le droit de surcharger de 40 pour cent des provinces
déjà trop imposées par la répartition actuelle, Il était facile, depuis deux
ans, si le gouvernement l’eût voulu, de faire disparaître cette inégalité. Une
commission des finances fut nommée l’an dernier par le Roi, j’avais l’honneur
d’en faire partie. Cette commission était chargée de préparer les éléments
nécessaires à une assiette nouvelle des impôts ; nous tombâmes tous d’accord
sur l’injuste répartition de l’impôt foncier ; mais à peine étions-nous
d’accord depuis vingt-quatre heures que M. le ministre des finances ne nous
convoqua plus, et depuis dix mois la commission ne s’est pas réunie. Les hommes
qui en faisaient partie étaient cependant des hommes expérimentés et réputés
les plus éclairés en matière de finances ; on a lieu de s’étonner qu’on ait
voulu se priver de leurs conseils : il semble, vraiment que le gouvernement ait
peur des lumières. (Mouvement.)
M. H. de Brouckere et autres. - C’est vrai ! c’est vrai !
M. Meeus.
- Il me semble, messieurs, qu’il serait très facile de mieux répartir l’impôt
foncier. Lorsqu’il fut établi par l’assemblée nationale, elle voulut qu’il
frappât également toutes les propriétés foncières. Eh bien, déterminez pour
tout le royaume un revenu fixe à la charge des biens-fonds. Voulez-vous qu’on
paie 10 p. c., 12 p. c. de revenu ? Dites-le, et après imposer chaque
propriétaire proportionnellement aux biens qu’il possède. Que chacun fasse la
déclaration de son revenu, que les fermiers disent ce qu’ils paient au
propriétaire ; une juste répartition remplacera l’inégalité qui existe
aujourd’hui. Pour ma part je peux prouver cette inégalité par des faits nombreux
et en laissant à part le cadastre. L’administration à la tête de laquelle je me
trouve placé possède, vous le savez, des biens considérables dans les diverses
parties du royaume. Eh bien, telle propriété qui donne annuellement un revenu
de 30 à 32 florins n’est imposée qu’à 2 florins par an, tandis que telle autre
qui ne rapporte que 8 à 9 florins de revenu est frappée de 3 florins d’impôt.
Je pourrais vous citer plusieurs autres exemples, si chacun de vous ne
connaissait pas lui-même des faits semblables. Or, ce cadastre si longtemps
promis, et d’où doit sortir un foyer de lumières, est, dit-on, destiné à faire
disparaître ces injustices. Mais on nous le cache soigneusement, et on nous le
cachera encore pendant deux ou trois ans. Tant que cet état de choses durera,
je ne consentirai pas à voter le budget. Je me réserve de développer plus au
long mon opinion dans la suite de la discussion.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, je n’entrerai pas dans tous les détails
où l’orateur est entré lui-même, au sujet des inégalités qui existent dans la
répartition de l’impôt foncier. Le gouvernement le sait, et le cadastre est
précisément destiné à remédier à toutes les inégalités. Mais je répondrai à
l’interpellation de l’honorable membre, à propos du désir manifesté par lui,
d’obtenir certains tableaux sur le travail du cadastre, comme renseignements.
Le jour même où l’honorable membre fit cette demande, je m’en suis entretenu
avec M. l’inspecteur-général du cadastre, et il m’a donné la preuve qu’il était
impossible, quant à présent, d’y satisfaire.
Il en développera les raisons lui-même après que
j’aurai parlé.
On parle constamment du
cadastre comme d’une chose dont on ne verra jamais la fin. Messieurs, lorsque
dans les précédents exercices on vous a demandé des fonds pour le cadastre, on
vous a promis que tels et tels travaux seraient faits à tel et tel jour. Ils
ont été faits au temps indiqué, il en sera de même pour ce qui doit être fait
dans l’année 1833, et, je suis heureux de pouvoir le dire à la chambre, les
travaux seront terminés dans l’année 1834 ; cependant encore à cette époque le
travail ne sera que provisoire, car les assemblées provinciales devront
intervenir dans le cadastre pour assurer l’exactitude de la répartition entre
les diverses parties du territoire.
Nous touchons donc au moment d’obtenir le résultat que
l’on demande. C’est dans l’année 1834 qu’il sera assuré ; je demande si pour un
laps de temps aussi court, et par le désir d’aller trop vite, il faut s’exposer
à de nouvelles injustices, par une répartition faite sur des bases vagues et
incertaines.
Je crois, messieurs, que ces explications suffiront,
et M. l’inspecteur-général du cadastre les complétera si la chambre le désire.
M. d’Elhoungne. - Je voudrais pouvoir partager, messieurs, l’opinion de M. le ministre
des finances, quand il annonce la fin prochaine des travaux du cadastre ; mais
pour me former une opinion contraire à la sienne, je n’ai qu’à me rappeler ce
qui s’est passé sous l’ancien gouvernement. En 1825, le travail du cadastre
commencé sous le gouvernement français était terminé. L’administration
cadastrale, voyant s’échapper de ses mains cette feuille sur laquelle elle
vivait depuis 1804, s’est étayée des défectuosités de son propre ouvrage, pour
demander que les travaux recommençassent ; le gouvernement accéda à cette
demande, et en effet les travaux furent recommencés en 1825. Où en est-on
aujourd’hui ? On a fait l’arpentage, on a distribué des bulletins, non pas des
bulletins de classement, ce qui est la chose la plus importante, mais de
simples bulletins d’arpentage. Quand le travail sur le terrain sera terminé, il
faudra instruire sur les réclamations qui s’élèveront contre l’arpentage,
contre le classement des propriétés. C’est alors que commenceront les
difficultés réelles du cadastre. Tout ce qui a été fait jusqu’ici était le plus
facile à faire ; c’est l’arpentage que l’administration fait seule, sans
contradiction et sans obstacle. Mais du moment où vous distribuerez les
bulletins de classement, s’élèveront des réclamations de tout genre, et je vous
laisse à juger combien de temps il faudra pour faire droit. Ce qui augmentera
les difficultés, c’est que, et ceci est de notoriété publique, l’administration
a employé une foule d’agents incapables. Cette vérité donnera la mesure des
réclamations qui vont s’élever.
On ne fait pas attention que depuis 1825, que les
opérations ont commencé sur le terrain, un tiers des propriétés au moins a
changé de maître. Il faudra peut-être un travail aussi long que celui qu’a
exigé l’arpentage, pour connaître les véritables propriétaires auxquels il faut
distribuer les bulletins de classement, pour les mettre en demeure de fournir
leurs contredits. Cette recherche est indispensable ; il n’y a pas, il ne peut
y avoir de cadastre sans cela. Or, quand il s’agit d’établir des impôts pour un
laps de temps aussi long, peut-on décider sur la demande d’une seule partie ?
L’administration n’a pas tenu note de mutations qui se
sont opérées ; combien de difficultés ne rencontrerait-elle pas pour trouver le
véritable propriétaire ? Je l’ai déjà dit, et je le répète, ces obstacles
feront que pendant de longues années encore le cadastre sera impraticable. Et
plus on examinera la chose de près, plus on se convaincra que la grande
précision qu’on a voulu apporter à sa confection fera précisément manquer le
but.
Je pense donc que le vœu émis par M. Meeus mérite
toute l’attention de l’assemblée, et qu’au lieu d’ajourner la réparation d’une
injustice qui dure depuis 30 ans, il est temps de s’occuper du remède non pas
pour faire une répartition nouvelle avec une précision rigoureuse et
mathématique, mais une répartition dont l’équité puisse se contenter.
J’ajouterai encore une observation : à peine
avons-nous entamé la discussion du projet ministériel que le ministre en
demande l’ajournement…
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - Je demande la
parole.
M. d’Elhoungne. - L’ajournement au lendemain pour le défendre contre les attaques dont
il a été l’objet. Il est assez singulier, messieurs, qu’une assemblée de 102
députés soit obligée de perdre ici son temps, de rester loin de sa famille et
de ses affaires, pour attendre le moment où un ministre sera prêt à lui
répondre. Cela prouve combien il est malheureux que le pays se trouve privé de
ministre ; car enfin, le renfort qu’on s’est donné pour discuter le budget, et
qui n’est que la petite monnaie du ministre des finances (on rit), prouve que
nous n’avons pas de ministre en cette partie. Au reste, l’absence de ministres
remonte de plus loin. Quand nous avions un cabinet, il se réduisait à quatre
membres, non compris le ministre de la guerre, qui s’occupe d’une spécialité,
d’une nécessité impérieuse en ce moment, mais qui est placé en dehors du
système politique, et je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi : vous en
savez la raison aussi bien que moi. Sur ces quatre ministres il n’y avait
réellement que le ministère de l’intérieur et celui de la justice qui fussent
occupés. Et quant aux deux autres, le ministère des relations extérieures, qui
est d’une si haute importance dans les circonstances où nous nous trouvons, et
le ministre des finances, qui n’est pas d’une importance moindre, n’étaient
occupées que par des intérimaires.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - Messieurs, je
dois répondre quelques mots à ce que vient de dire l’honorable préopinant. Je
n’ai pas reculé du tout devant l’obligation de donner des explications à la
chambre. J’ai dit seulement que je regrettais que la discussion ne se fût pas
prolongée jusqu’au moment de clore la séance, parce que cela m’aurait mis à
même de ne répondre que demain, et de mettre plus d’ordre et de méthode dans
une réponse qui doit être basée sur des notes prises au fur et à mesure que les
orateurs ont été entendus. Je crois que tous les membres de cette chambre me
rendront la justice (Oui !oui !) de
dire que c’est à cela que s’est bornée mon observation ; alors j’ai entendu
d’honorables membres demander le renvoi à demain. Je leur en témoigne toute ma
satisfaction, et je leur vote des remerciements pour cette demande (on rit), et je sais à quels honorables
amis je dois cette faveur ; mais, du reste, j’ai déclaré que j’étais prêt à
répondre. Il ne faut pas tronquer les faits.
M. Dumortier.
- Je m’attendais à une réponse plus péremptoire de M. le ministre à la demande
de M. Meeus. Je demanderai à M. le commissaire du Roi à quel point se trouve le
travail d’arpentage et d’expertise du cadastre.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - Je demande à
dire deux mots avant que M. le commissaire du Roi ne réponde à cette
interpellation. C’est au sujet du blâme qu’on a déversé sur moi, pour m’être
fait appuyer des talents spéciaux des divers administrateurs des finances. Je
n’ai été mû et dirigé en cela par d’autres motifs que celui de ne pas laisser
la chambre manquer du plus petit détail dont elle aurait besoin dans cette
discussion J’ai connu trop de ministres en défaut pour avoir voulu me piquer
d’être trop bon ministre (hilarité) ;
je me suis donc dit : J’ai des hommes capables dans mon ministère ; je me ferai
appuyer par eux, afin que la chambre ait toutes les explications désirables, et
je me félicite tellement de cette mesure que je la ferai prendre chaque fois,
si je me retrouve encore dans une position semblable à celle où je suis
aujourd’hui.
M. Gendebien.
- Puisque M. Thiry va répondre à M. Dumortier, je lui ferai encore une question
; il répondra aux deux questions à la fois. M. Meeus a demandé qu’on nous
fournît le tableau des opérations cadastrales, on lui a répondu que cela
n’était pas possible. Je le prierai de dire pourquoi.
M. Thiry, commissaire du Roi.
- Messieurs, des observations qui ont été faites, je commencerai par répondre à
celle de l’honorable M. d’Elhoungne. Ces observations se réduisent à deux
principales : la première, c’est qu’en 1825, lorsque le système du cadastre fut
changé, le travail était presque terminé. Cette assertion n’est pas exacte, Une
partie seulement du travail était exécutée, et ce n’est pas l’administration
qui demanda qu’il fût recommencé afin de se perpétuer ; c’est le fait de la
réunion de la Belgique à la Hollande, comme j’ai eu l’honneur de le dire à la
chambre, lors de la discussion du budget pour l’exercice de 1832 ; c’est,
dis-je, le fait de la réunion de la Belgique à la Hollande qui amena la
nécessité de changer les bases du cadastre. Cette imputation est donc
entièrement dénuée de fondement.
La seconde observation de l’honorable membre porte sur
les prétendues inexactitudes de l’opération cadastrale ; inexactitudes qui, un
jour, par la communication aux propriétaires des bulletins de classement,
doivent, dit-il, donner lieu à une infinité de réclamations. Eh bien, je dirai
que non seulement l’arpentage est déjà communiqué dans presque toutes les
communes du royaume, sans qu’il y ait eu des réclamations nombreuses ; mais je
dirai de plus que dans deux provinces le cadastre est achevé et que les
bulletins d’arpentage, aussi bien que les bulletins pour les expertises, ont
été communiqués dans ces deux provinces, qui sont celles de Liège et de Namur ;
et dans presque toutes les communes on a adhéré purement et simplement au
résultat de l’expertise. Ainsi les sinistres prédictions de l’honorable orateur
ne se réaliseront pas : un fait que je vais citer le prouvera surabondamment. Le
conseil municipal d’une commune de la province de Namur avait réclamé contre
les opérations ; ayant eu connaissance de la réclamation, j’ai donné à
l’inspecteur provincial les instructions nécessaires pour qu’il vérifiât les
opérations. Il s’est rendu sur les lieux, il a examiné le travail dans tous ses
détails ; il s’est rendu ensuite auprès du conseil municipal, lui a soumis ses
observations ; le conseil municipal a pris connaissance des faits, et après une
mûre délibération, il a renoncé à sa réclamation. Je citerai la commune s’il le
faut ; c’est celle de Soumois. Ce qui est arrivé là s’est renouvelé dans une
commune de la province de Liège. Vous pouvez juger par là si les observations
que l’on a faites sont fondées, et vous acquerrez la conviction que le cadastre
atteindra le but qu’on s’est proposé.
Je passe maintenant à la demande qui nous a été faite
de la communication du tableau des opérations cadastrales. L’an dernier, pour
fournir ce tableau à la commission des finances qui devait s’occuper d’une
nouvelle assiette de l’impôt, je réunis tous les éléments nécessaires à sa
formation. Ce fut un travail immense et auquel, pendant 15 jours, tous les
employés du cadastre furent exclusivement occupés. Depuis lors, le gouvernement
ne se proposant pas de changer la base de la contribution foncière, je n’ai pas
fait faire de nouveau tableau. Mais dès le moment où on en a fait la demande
dans cette assemblée, j’ai fait demander des renseignements nécessaires dans
les provinces. Il sera cependant difficile de les obtenir dans un moment
surtout où les employés sont occupés à d’autres opérations. D’ailleurs ce
tableau ne serait que de peu d’utilité. Il n’offrirait que des résultats
provisoires, et ce n’est pas un résultat provisoire qui peut servir de base à
une répartition de l’impôt foncier. C’est sous ce point de vue que l’an passé
vous avez considéré ce tableau, et que vous vous êtes bornés à dégrever de 5
pour cent la contribution foncière pour les deux Flandres. Voilà ce que j’avais
à répondre aux diverses observations qui ont été faites.
On a demandé à quel point en
étaient les opérations du cadastre. J’ai la satisfaction de pouvoir dire, et au
besoin je suis à même de démontrer, qu’elles ont eu tout le degré
d’accélération possible. Reportez-vous, messieurs, à la discussion du budget
des dépenses voté l’an dernier. Là, vous verrez qu’on a alloué des fonds pour
le cadastre et on a indiqué les opérations qui seraient faites dans l’année
1832. Eh bien, ces promesses non seulement ont été remplies en entier, mais on
est allé au-delà ; non seulement tous les travaux sur le terrain ont été
terminés, mais les instructions concernant l’expertise ont été données de
manière à ce que cette opération avançât rapidement. Ainsi, loin de blâmer
l’administration du cadastre, on lui devrait des remerciements pour le
dévouement qu’elle a montré, et pour l’empressement qu’elle a mis à répondre
aux vœux exprimés par la représentation nationale.
M. Meeus.
- J’ai demandé la parole pour présenter une simple observation à M. le
commissaire du Roi : puisque l’année dernière les tableaux ont été fournis, il
doit y en avoir copie à l’administration ; or, nous nous contenterons d’une
copie ; ces documents éclaireront l’assemblée.
Ayant la parole, j’exprimerai de nouveau mon opinion.
Je laisserai de côté le cadastre. Supposons qu’il n’y en ait point ;
devons-nous rester dans le dédale d’injustices où nous sommes aujourd’hui ?
Est-ce qu’un ministre des finances qui veut réellement travailler et changer le
système de l’impôt ne peut pas trouver, en quelques mois, pour l’impôt foncier,
ce qui se pratique pour l’impôt personnel ? Vous demandez la valeur locative
d’une maison, on vous la dit ou vous la faites estimer ; pourquoi ne
forceriez-vous pas le fermier à déclarer la vérité ? Par suite de ce procédé,
vous n’auriez plus des différences de 30 à 40 p. c. d’une commune à une autre,
et on ne commettrait pas les injustices qui existent aujourd’hui. Si on voulait
s’en occuper, ce serait l’affaire de deux mois.
M. Dumortier.
- Il y a bien longtemps que l’on nous promet l’achèvement du cadastre. C’est
comme sous le roi Guillaume, dont les ministres assuraient que nous étions
toujours sur le point de voir terminer le cadastre. A l’époque du congrès, M.
de Brouckere, alors ministre des finances, promettait aussi la fin du cadastre,
et pour y arriver il demandait 24,000 florins. Lorsque la chambre des
représentants fut constituée, M. Coghen vint demander 318,000 florins, pour
supplément des frais d’expertise, et aujourd’hui on vient encore demander
300,000 florins pour les mêmes frais d’expertise. Ainsi, d’année en année on
demande toujours, et je ne sais pas quand cela finira.
Mais, dit-on, le cadastre a fait les plus grands
efforts ; il devrait recevoir les plus grands éloges de la part de la chambre.
J’ouvre le budget de l’année dernière et j’y vois : « S’il ne survient pas
d’obstacle imprévu, les travaux d’arpentage et d’expertise seront terminés dans
l’année 1832. » Eh bien, ouvrez le budget de 1833, on vous demande 300,000
florins pour les travaux d’arpentage et d’expertise. Je ne vois pas où cela
mène, sinon à une opération sans fin.
Je n’entends pas contester
l’utilité que beaucoup de personnes attendent du cadastre ; moi, je voudrais
que l’on déposât sur le bureau de la chambre un état des travaux du cadastre.
On demande une augmentation de l’impôt foncier ; dans quelques jours on
demandera peut-être d’autres impôts ; mais il est impossible de voter sans
voir, sans connaître ; c’est voter dans un sac ; et c’est ce que la chambre ne
peut admettre.
Lorsque la chambre fut appelée dernièrement à voter un
crédit spécial pour le déficit de 1832, plusieurs orateurs, entre antres MM.
Jullien, Angillis, demandèrent que l’on présentât les comptes : à ce moment-là
M. Coghen vint dire que les comptes étaient à l’impression ; le ministre des
finances ad interim nous promit que les comptes seraient distribués pour la
discussion du budget des voies et moyens ; nous voici à cette discussion, et
les comptes ne sont pas présentés. Cependant la discussion est essentiellement
connexe avec celle qui nous occupe ; il faudrait que nous eussions les comptes
sous les yeux. Un engagement a été pris il y a dix jours, pourquoi n’est-il pas
rempli ?
M. d’Elhoungne. - Dans sa réponse, M. le commissaire du Roi fait
remarquer que j’étais dans l’erreur en attribuant à l’administration du
cadastre le rejet des travaux qui avaient été poussés jusqu’à l’an 1825, afin
de recommencer l’opération ; que c’est à la réunion de la Belgique à la
Hollande qu’il faut attribuer ce rejet ; mais je ferai observer que la réunion
a eu lieu en 1815 et non en 1825. Je laisse à juger de la valeur de la réponse
de M. le commissaire du Roi.
Il est une autre observation qui peut encore servir à
apprécier les assertions de M. le commissaire du Roi. On demande le résultat du
travail du cadastre ; ce travail a été fourni l’année dernière à la commission chargée
de la révision du système des impôts ; mais cette année on dit que le travail
du cadastre a été considérable, on déclare en même temps qu’on ne peut fournir
de renseignements ; je vous laisse encore à juger si les travaux sont bien
complets et sont aussi avancés qu’on le dit, puisqu’on refuse de vous les
soumettre.
Il est encore une remarque que je dois signaler et où
M. le commissaire du Roi est en contradiction avec M. le ministre des finances.
Ce dernier a dit que, s’étant concerté avec le directeur du cadastre, il a
reconnu l’impossibilité de fournir les documents demandés par M. Meeus ; et
cependant M. le commissaire du Roi vient de déclarer qu’on pouvait présenter
les résultats du travail de l’administration cadastrale !
M. Thiry, commissaire du Roi.
- M. d’Elhoungne dit que la réunion de la Belgique à la Hollande a eu lieu en
1815, et que ce n’est qu’en 1815 qu’on a changé le système du cadastre ; depuis
1816 il est vrai que le cadastre a été continué dans les provinces
méridionales, d’après le système français ; ensuite on a voulu commencer le
travail dans les provinces septentrionales, et alors on a vu qu’on ne pouvait y
appliquer le système suivi jusqu’alors ; c’est de ce moment qu’on a changé de
système.
Quant à la demande de M. Meeus, j’aurai l’honneur de
faire observer que la répartition de l’impôt, d’après les déclarations des
fermiers, serait la plus mauvaise possible ; elle serait entachée de plus de
vices que celle d’aujourd’hui. Vous en avez la preuve par la contribution
personnelle.
C’est précisément parce qu’elle est fondée sur la
déclaration des propriétaires, sur un principe immoral qui met le contribuable
entre son intérêt et sa conscience, que les inconvénients que l’on veut éviter
se reproduiraient avec plus de force. Ce système a été essayé en France par
masse de culture, et l’expérience a prouvé qu’il fallait y renoncer, malgré une
dépense de 20 millions qui avait été faite. Ce n’est pas là une réponse de
théorie, c’est une réponse de pratique.
Je répondrai à M. Dumortier qu’il n’a pas lu la note
entière du budget de 1832, qu’il n’en a pas lu la fin ; à la fin de cette note
on indique les objets qui restent à faire.
Pour M. de Brouckere, quand il a été ministre des
finances, il n’a pas annoncé que le cadastre serait achevé en 1831. (A demain ! à demain ! à demain !)
- La discussion est continuée à demain.
Il est quatre heures et demie, la séance est levée.
Noms de MM. les représentants absents sans congé à la
séance de ce jour : MM. Angillis, Boucqueau, Brabant, Coppieters, de Muelenaere,
de Robaulx, de Theux, de Woelmont. Dumont, Jacques, Jaminé, van Hoobrouck,
Pirmez, Pirson, Poschet, Rogier.