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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 29 juin
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant organisation judiciaire . Second vote des articles.
Incompatibilité et dispense (Raikem), amende en cas de
pourvoi téméraire devant la cour de cassation (Van Meenen,
Raikem, Jullien, Raikem, Gendebien, Raikem, Gendebien). Vote sur
l’ensemble
3) Projet de loi portant un crédit supplémentaire au budget du
département de la guerre pour l’exercice 1832. Etat des négociations
diplomatiques, citadelle d’Anvers et/ou situation du trésor (Osy,
Coghen, Ch. de Brouckere, Osy, Coghen, Ch.
de Brouckere, Gendebien, de
Muelenaere, Evain)
4) Projet de loi sur les mines, notamment sur les mines de fer (Seron, Raikem, Poschet,
Seron, Pirson, Gendebien, Taintenier, Seron), composition du conseil provisoire des mines (Devaux, Barthélemy, Devaux, Gendebien, de Theux), concessions de maintenue (Mary,
de Robaulx, Barthélemy, Devaux, Raikem, Lebeau,
Raikem)
5) Projet de loi portant création d’un ordre honorifique civil (ordre de
Léopold), notamment nécessité de soumettre à une réélection le parlementaire
décoré (Dumortier)
6) Projet de loi fixant le traitement des membres de l’ordre judiciaire
7) Projet de loi autorisant le gouvernement à faire des concessions de
routes et de canaux (de Robaulx)
(Moniteur belge n°183, du 1er juillet 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A midi et demi on
procède à l’appel nominal.
M. Liedts fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en est
adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques fait connaître l’objet des pétitions adressées à la
chambre ; elles sont renvoyées à la commission spéciale.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE
Second vote des articles
Articles 54 à 56
M. le président. - Messieurs, l’ordre du jour est la suite de la
discussion du projet de loi sur l’organisation judiciaire.
En place de l’article
54 amendé, M. le ministre de la justice (M.
Raikem) propose de mettre
la rédaction suivante :
« Les membres
actuels des cours et tribunaux de première instance, des justices de paix, des
parquets et des greffes qui ne réunissent pas les conclusions voulues par les
lois, ou entre lesquels il existe des incompatibilités quelconques, pourront,
s’il y a lieu, obtenir des dispenses du Roi. »
- Cette rédaction
est adoptée sans discussion.
Les articles 55 et
56 sont également adoptés sans discussion.
« Art. 57.
Provisoirement et jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, l’arrêté du 15
mars 1815 sera suivi dans toutes ses dispositions qui ne sont pas contraires à
la présente loi.
« La disposition
de l’article 46 dudit arrêté est abrogée, même quant aux pourvois antérieurs,
et en cas de cassation l’affaire renvoyée devant une autre cour ou un autre
tribunal.
« Quand la
cour de cassation rejettera un pourvoi, elle condamne le demandeur à payer au
défendeur une indemnité de 150 francs. »
M. Van Meenen. - Dans le premier paragraphe je voudrais qu’au lieu
de « sera suivi, » on mît « continuera d’être suivi. »
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Remarquez que vous établissez une cour de cassation, que le règlement de 1815
a été fait pour la cour de Bruxelles ; c’est par un arrêté du congrès qu’il a
été étendu à la cour de Liége avec quelques modifications. Pour une institution
nouvelle, « sera suivi, » convient mieux que « continuera d’être
suivi. »
D’après le
règlement de 1738 il y avait une indemnité en faveur de celui qui était attaqué
quand le demandeur succombait ; elle était de 75 francs quand l’arrêt ou le jugement
attaqué avait été rendu par défaut, et de 150 francs quand il avait été rendu
contradictoirement. Je crois que cette disposition doit être remise dans la
loi, et je vais rédiger un article en conséquence.
M. le président. - Voici l’amendement : « En cas de rejet du
pourvoi la cour de cassation condamnera à payer au défendeur une indemnité de
150 fr. lorsque l’arrêt ou le jugement aura été rendu contradictoirement, et
une indemnité de 75 fr., si l’arrêt ou le jugement a été rendu par
défaut. »
M. Jullien. - Au lieu de diminuer l’amende contre le demandeur,
il faudrait l’augmenter. Vous n’avez plus la chambre des requêtes, qui
repoussait les pourvois téméraires ; elle les rejetait sans que la partie s’en
doutât. En 1738, l’indemnité était de 150 fr., aujourd’hui cette somme n’a plus
la même valeur.
La partie adverse
est obligée de choisir un avocat pour répondre au mémoire du demandeur ;
croyez-vous que 75 fr. ou 150 francs seront une somme capable de l’indemniser ?
Augmentez l’indemnité : il faut que celui qui a obtenu arrêt en forme de chose
jugée puisse dormir sur cet arrêt, et que si on l’attaque, il soit réellement
indemnisé. Je pense qu’il faut que le minimum de l’indemnité soit au moins de
150 francs.
M. le ministre de la justice
(M. Raikem).
- Sans doute que l’absence de la section des requêtes peut entraîner des frais
pour le défendeur. Ce que je propose existe maintenant en France ; c’est ce qui
se pratique devant la cour de Liège. C’est l’honorable M. Jonet qui m’a appris
que cela ne se pratiquait pas devant la cour de Bruxelles.
Je crois qu’il y a
des raisons pour établir des différences entre les deux indemnités ; un arrêt a
pu être rendu par défaut par la négligence d’un avoué, parce qu’un huissier
aura, comme on dit, soufflé un exploit, etc. Il faut dans ce cas traiter la
partie plus favorablement que si elle avait été entendue.
M. Gendebien. - J’ai un amendement à proposer ; j’en avertis la
chambre.
- L’amendement de
M. le ministre de la justice est mis aux voix et admis.
M. Gendebien. - Aux termes de l’article 5 du règlement de 1738, le
demandeur en cassation est obligé de payer une amende de 150 fl. au trésor pour
le cas où il a échoué. Je n’ai jamais bien compris pourquoi on voulait
maintenir cette amende. Autrefois on disait que se pourvoir contre un arrêt
rendu par les gens du roi, c’était manquer de respect à l’autorité royale ; ce
motif ne saurait exister maintenant. Pourquoi faire payer une amende à un
citoyen qui fait des frais pour établir une jurisprudence et éviter de nouveaux
procès à l’avenir ? Il est utile à ses concitoyens, et vous voulez le punir. Je
crois que nous avons pris le contre-pied de ce qu’il fallait faire.
Le demandeur en
cassation peut avoir perdu son procès en appel à une seule voix ; son pourvoi
peut également n’être repoussé qu’à une seule voix, et vous voulez le punir
comme un homme de mauvaise foi : cela est impossible. Je concevrais une amende
décernée contre le plaideur dont la mauvaise foi serait évidente ; alors
laissez-en l’application aux magistrats.
Je demande que
l’amende soit réduite au quart, ou au tiers, si on ne veut pas faire de
distinction entre les plaideurs.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- On vous a représenté l’amende comme punissant l’injure faite à l’autorité
royale ; tel n’en est pas l’objet. Elle est établie afin qu’il n’y ait pas de
pourvoi téméraire. Ces amendes sont si peu dans l’intérêt du pouvoir, que sous
la république il y avait une amende de 60 fr. ; on a même élevé les amendes
pour qu’il n’y ait pas de pourvois téméraires.
L’amende, sous ce
point de vue, me paraît d’autant plus utile qu’il n’y a pas de section des
requêtes.
Il y a des amendes
dans d’autres cas ; il y en a quand on se pourvoit par la voie de requête
civile. L’amende n’est-elle pas acquise au trésor quand on échoue ? La
consignation est restituée quand l’arrêt est cassé. Je crois que cette amende
telle qu’elle a été établie par la loi est un frein salutaire qu’il faut
conserver.
Je ferai
d’ailleurs remarquer qu’il s’agit de mesures transitoires.
Si on a mis une
disposition relative à l’indemnité dans l’article 57, c’est parce qu’il y avait
différence de jurisprudence entre la cour de Bruxelles et celle de Liége.
M. Gendebien. - Le ministre ne m’a pas bien compris. Quand j’ai
parlé du motif de l’amende, j’ai dit que c’était par une espèce d’insulte faite
à l’autorité royale qu’on l’avait établie ; je sais bien que nous avons des
idées plus saines.
D’après la loi de
1790 l’amende était de 70 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Non pas ; elle était de 150 fr.
M. Gendebien. - On dit que l’amende est pour arrêter les pourvois
téméraires. En France on a eu recours à tous les moyens pour écarter les
pourvois ; cela se conçoit : l’étendue des juridictions est telle que si l’on
n’avait pas eu d’obstacles, il y aurait eu encombrement. Ici il en est
autrement ; laissez l’accès facile.
Du reste je me
suis acquitté d’un devoir de conscience ; la chambre prononcera.
Je demande que
l’amende soit abolie.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’amende est au profit du trésor, pour le cas où
l’on échoue, et de plus il y a indemnité pour le défendeur. A Liége cette
pratique est suivie. S’il n’y avait pas d’amende ni d’indemnité il y aurait des
pourvois dénués de fondement.
La chambre ferme
la discussion.
- L’amendement de
M. Gendebien est rejeté.
M. Gendebien. - Je demande que l’amende combinée au profit du
trésor soit réduite de moitié.
L’article 57 est
adopté avec l’amendement M. le ministre de la justice.
Les autres
articles de la loi sont adoptés sans débats.
Vote sur l’ensemble du projet
On procède à
l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
58 membres ont
voté l’adoption ; 18 ont voté contre. 3 se sont abstenus.
La chambre adopte,
et la loi sera envoyée au sénat.
Ont voté pour :
MM. Barthélemy, Berger, Bouqueau de Villeraie, Bourgeois, Brabant. Coghen,
Cols, Coppieters, Davignon, Delehaye, Dellafaille, W. de Mérode, de Muelenaere,
de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, Destouvelles, de Terbecq, de Theux,
Devaux, Dewitte, d’Hoffschmidt, Dubus, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Goethals,
Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jacques, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Poschet,
Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Thienpont, Ullens,
Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verhagen, Ch.
Vilain XIIII, H. Vilain XIIII,
Vuylsteke, Zoude, Taintenier.
Ont voté contre :
MM. Coppens,
Corbisier, Ch. De Brouckere, H. de Brouckere, de Haerne, Desmet, Domis, Dumont,
Gendebien, Jullien, Lefebvre, Mesdach, Osy, Seron, Van Innis, Van Meenen,
Watlet et de Woelmont.
Se sont abstenus :
MM. de Robaulx, Leclercq et de Gerlache.
M. de Robaulx. - La constitution fait un devoir à la première
législature de porter une loi sur l’organisation judiciaire ; je n’ai pu
rejeter celle qui était présentée ; cependant je n’ai pu voter pour parce que
je la trouve mauvaise dans ses détails, et surtout parce qu’on a rejeté de la
cour de cassation la chambre des requêtes, que je regarde comme un rouage
nécessaire.
M. Leclercq. - Je me suis abstenu, parce que d’une part je ne
voterai jamais en faveur d’une loi qui n’inspire pas le respect pour la
justice, et autorise l’arbitraire ; telle est surtout la nature de la
disposition qui confère au pouvoir exécutif la faculté illimitée de disposer à
son gré du siège de tout magistrat. D’autre part, m’étant abstenu de voter la mesure
dont je viens de parler, il y aurait inconvenance si je votais contre.
M. de
Gerlache. - Ce sont les mêmes motifs qui m’ont déterminé à ne
pas voter sur l’article 49 ; n’ayant pas voté alors, je ne puis voter actuellement.
Je regarde la loi comme frappée d’un vice radical par l’admission de cet
article ; cependant, comme vous devez porter une loi sur l’organisation
judiciaire dans cette session, je n’ai pas cru devoir voter contre.
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE
AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1832
La chambre passe à
la délibération du projet de loi portant allocation d’un crédit de cinq
millions de florins au ministère de la guerre.
La section
centrale propose de n’accorder que quatre millions quatre cent mille florins.
M. Osy. - Messieurs, M. le ministre des affaires étrangères
se refusant de nous donner communication des pièces diplomatiques, je me suis vu
forcé de refuser mon vote à la loi pour la levée des 30 mille hommes pour une
armée de réserve ; car de la manière que l’on conduit nos affaires étrangères
depuis l’acceptation des 24 articles, nous ne pouvons avoir une confiance
aveugle dans les paroles du ministère, et pour ma part les mystifications qui
se succèdent et les fautes continuelles qu’on fait me rendent de plus en plus
méfiant, et je suis très décidé à ne plus imposer de nouveaux sacrifices à la
nation, sans que les demandes soient appuyées d’actes et non de paroles.
N’oublions pas la
confiance que nous avons eue dans les paroles d’un ancien ministère, qui ne
nous ont pas seulement coûté beaucoup, mais nous ont menés à des sacrifices
énormes et qui ne sont pas encore finis ; car le refus de la Hollande à
accepter les 24 articles et le peu d’empressement des puissances à faire
exécuter le traité, nous font craindre que nous sommes à la veille de devoir en
faire de nouveaux ; aussi, pour prévenir autant que possible le mal que je
prévois, à chaque occasion qui se présentera, je vous entretiendrai de la
marche funeste de nos affaires ; et le refus du ministère de nous donner
communication du 65ème protocole et des notes de M. Goblet, même en comité
général, me fait craindre qu’on ne nous tende un piège sans s’en douter
peut-être, et ainsi par maladresse comme celui de la ratification
conditionnelle de la Russie ; et si nous n’avertissons pas le ministère, il
continuera à faire faute sur faute, surtout si on va ajourner les chambres ou
même clôturer la session, sur quoi j’ai demandé inutilement des explications.
Aussi longtemps que nous serons réunis, MM. les ministres ne réussiront pas à
m’imposer silence, soit en interprétant le règlement ou ayant recours à
l’article 68 de la constitution.
L’article 68 ne
s’applique qu’à des traités à faire ; mais, pour nos affaires extérieures, le
décret du 1er novembre, lors de l’adoption des 24 articles, fixe le devoir du
ministère, et il est formellement interdit de négocier que pour l’exécution du
traité, mais seulement qu’après que la Hollande se sera mise dans la même
position que nous, c’est-à-dire d’avoir accepté le traité.
Si maintenant le
ministère a demandé à la conférence qu’avant de négocier, on doit évacuer le
territoire, ou s’engage de fait à négocier, et je pourrais vous prouver, le
traité en mains, que si le gouvernement ne s’écarte pas du traité, il n’y a
d’autres négociations possibles que pour son exécution, mais qu’il ne peut pas
y avoir de changements par l’intermédiaire de la conférence.
A Anvers, il doit
y avoir une commission pour régler la navigation des eaux intérieures, et pour
fixer de commun accord avec nous le pilotage et le balisage de l’Escaut ; ces
points sont trop importants pour être abandonnés à des négociations avec la
conférence, et doivent être traités par des personnes au fait de nos besoins
commerciaux ; car sans cela, avec ce que demande la Hollande, vous verriez
établir de tels droits pour la navigation du Rhin et de l’Escaut, qu’ils
équivaudraient à leur fermeture pour Mons.
Vous voyez donc
que si la Hollande n’accepte pas le traité en même temps qu’elle évacue le
territoire, que nous allons entrer dans de nouvelles négociations
interminables, et en attendant nous devrons continuer à supporter tous ces
frais énormes de guerre et tenir sous les armes une grande partie de notre
jeunesse, car nous allons avoir sur pied au-delà d’un homme sur 30 habitants.
A Utrecht on doit
former une autre commission pour exécuter notre obligation de payer
annuellement à la Hollande 8 millions 400,000 florins, et d’opérer le transfert
de cette somme en notre grand-livre, d’assister à la liquidation du syndicat et
de toucher le boni s’il y en avait. Si cet objet est aussi remis à la
conférence, on trouvera moyen de vous faire capitaliser la dette, ce qui
pourrait vous coûter au moins 4 à 5 millions de plus par an : outre ce
sacrifice, vous perdriez les moyens coercitifs pour faire exécuter même dans
des temps éloignés toutes les autres stipulations du traité, dont on vous a
tant entretenu, lors de la discussion des 24 articles.
La Hollande
demandant que nous soyons obligés de payer aussi bien le mali que de toucher le
boni du syndicat, vous sentez bien, comme je l’ai toujours dit, qu’il y aura
certainement un solde défavorable, qui, d’après mon calcul, peut aller à une
forte somme de 40 à 50 millions de florins.
Finalement, à
Maestricht on doit former une troisième commission pour les limites, tandis que
si vous négociez pour cet objet, on saura bien trouver moyen de vous arracher
les 50 villages sur notre territoire traversé par le canal de Wilhselmswaart,
de vous faire consentir à un échange du restant du Luxembourg, qui ne vous est
pas encore adjugé d’après les ratifications prussiennes et autrichiennes, en
vous faisant sacrifier tout l’arrondissement de Hasselt et le restant du
Limbourg. D’après moi ce serait une perte énorme pour la Belgique, car les
Hollandais seraient non seulement aux portes d’Anvers et de Gand, mais même à
celles de Liége et pas très éloignés de la capitale.
D’après cet exposé,
vous voyez, messieurs, que si le ministère a demandé seulement l’évacuation du
territoire, sans insister positivement sur l’acceptation pure et simple, et
préalablement, par la Hollande des 24 articles, et seulement des commissions
d’exécution dans les susdites trois villes, on va vous entraîner dans des
négociations interminables, et par lassitude et par le désir de repos et
d’indépendance, quand même on saura vous mener à des sacrifices, dont je viens
de vous faire le tableau.
Maintenant
avez-vous assez de confiance dans le ministère, pour ne insister sur la
production d’actes, et que ses paroles vous suffisent ? Je me conformerai à la
majorité, mais après avoir rempli mon devoir, d’avoir attiré votre attention
sur la crainte de nous voir reportés dans la voie des négociations, qui pour
moi sont synonymes de sacrifices, je le veux bien, mais je n’y prêterai pas la
main, et ne voulant pas faire supporter des charges inutiles à la nation, je
voterai encore contre le projet de loi en discussion, même si je resterai seul
de l’opposition.
Je n’insisterai
plus sur la production d’aucun acte diplomatique, mais le silence du ministère
me prouvera qu’il ne veut pas nous éclairer pour nous mener ou se laisser mener
par la conférence, et celle-ci obtiendra son but de nous faire atteindre
l’hiver, sans aucun acte d’hostilité, et arrivés au mois de novembre, nous
serons de fait menés au mois d’avril, et d’ici là il peut y avoir bien des
événements en Europe, et qui rempliront le désir des trois puissances, de ne
jamais voir consolider la Belgique et tenir la France dans l’incertitude et
comme je vous l’ai dit lors de la discussion des 24 articles, d’abattre ainsi
la révolution française et la nôtre, et de faire passer la manie à ceux qui
voudraient suivre notre exemple. Vous voyez, messieurs, que le meilleur moyen
d’y parvenir, c’est la diplomatie, et qu’elle a beaucoup plus d’effet que les
armes ; et notre gouvernement, d’après mon opinion, travaille peut-être, sans
s’en douter, tout à fait dans le sens de la Sainte-Alliance ; je ne m’en suis
jamais caché.
Vous savez,
messieurs, que j’ai toujours regretté la révolution ; mais maintenant qu’elle
est faite, je me soumets à l’ordre des choses actuelles : vous me trouverez
toujours sur la brèche pour rendre l’existence de la Belgique la plus prospère
possible, et je crois en avoir donné ici souvent des preuves et rendus tous les
services qui dépendaient de moi ; mais au-delà des 24 articles, son existence
n’est pas possible, et si nous nous en écartons, nous nous attirerons les plus
grands malheurs.
Vous avez pour
vous le droit et la garantie pure et simple de deux puissances ; laissez-leur
l’embarras de nous faire avoir notre droit et leurs promesses, nous étant soumis
à toutes leurs exigences ; elles ont le même intérêt que nous de nous voir
consolider d’une manière heureuse et prospère ; mais pour leur éviter des
embarras, que votre complaisance n’aille pas jusqu’à faire de nouveaux
sacrifices en faveur de la Hollande.
Je crois bien que
le gouvernement a l’intention de ne pas en faire ; mais la route tortueuse
qu’elle a de nouveau prise depuis les ratifications des trois puissances l’y
mène insensiblement ; c’est pour cela que nous devons être la sentinelle avancée
pour le prévenir des faux pas qu’il fait.
Je vous laisse à
juger, messieurs, si c’est bien parlementaire d’un ministre, comme M. de
Muelenaere l’a fait avant-hier, de venir rapporter ici des conversations
particulières d’un député, de parler en même temps de certains journaux, de
vouloir confondre l’opinion de ceux-ci avec ce qu’il peut avoir appris de ces
conversations. Au moins s’il citait exactement (car ce n’est pas avec lui que
ces conversations ont eu lieu) ; on vous aurait dit qu’il y a quelques jours on
croyait que la Hollande, tout en refusant l’acceptation des 24 articles, en
demandant la garantie à la conférence de changer les articles 9, 12, 13 et
autres (notez que changer et négocier est une différence notable), pourrait
consentir à l’évacuation du territoire.
D’après ce que je
vous ai dit, convenez que si c’est ainsi que nous aurons notre territoire, cela
finirait par nous coûter très cher en argent, territoire et honneur, et je
crains que la note de M. Goblet est dans le sens d’offres de nouvelles
négociations après l’évacuation, et que c’est la véritable raison pour quoi on
ne veut pas nous communiquer les notes remises à la conférence ainsi que le
protocole 65 et toutes ses annexes ; je crois bien qu’ils ne se trouvent pas
dans les archives du ministère, mais voilà près de 3 semaines qu’ils ont vu le
jour, et ayant pu se procurer par une puissance amie une annexe, on aurait bien
pu avoir les autres si on avait voulu, et si on avait trouvé intérêt à rien
nous cacher. Si je voulais profiter comme M. le ministre de conversations
particulières, je pourrais vous en dire bien davantage ; mais je n’imiterai pas
son exemple et je ne parlerai jamais que des pièces officielles ou de ce qui
sera dit à la tribune.
Effectivement
depuis quelques jours se répand le bruit que la Hollande refuse les demandes de
la conférence. Mais ce refus pourrait amener peut-être de la part de la France,
mais je ne pense pas de l’Angleterre, quelques mesures contre la Hollande ;
mais vous sentez que la Hollande tâchera de l’éviter ; je crois que les
journaux n’ont été instruits qu’à demi, et que la Hollande a fait, en même
temps qu’elle aura refusé d’accepter les 24 articles, une offre qui désarmera
la France, mais qu’il n’avancerait pas nos affaires ; c’est de remettre la citadelle
en mains tierces (à l’Angleterre), à condition que, comme le demandent les
ratifications russes, on changera les articles 9, 12, 13 et autres (notez bien
la différence entre changer et négocier.) Je crois que voilà le véritable sens
de la réponse du roi de Hollande ; j’ai cru vous en parler pour pouvoir
apprécier où les négociations vont nous mener, avant l’acceptation pure et
simple des 24 articles par la Hollande.
Vous vous
rappelez, messieurs, que depuis le mois de février j’ai fait la proposition, et
elle a reçu l’accueil le plus favorable des chambres et de la nation, de
déclarer à la conférence que si la Hollande n’accepte pas les 24 articles qui
nous ont été imposés, et qu’on s’est engagé de faire exécuter, nous déduirions
à dater du 31 janvier les dépenses de notre armée, sur le pied de guerre, sur
les sommes à payer à la Hollande, qui se montent pour cette année, et depuis le
1er novembre 180, à la somme de 18 millions de florins.
A plusieurs
reprises, nous avons déjà demandé, insisté, auprès de M. le ministre des
affaires étrangères pour la communication des notes remises à ce sujet à la
conférence. Mais on s’y est également constamment refusé, et je pense que cette
affaire est également très peu avancée, comme dans les dernières communications
diplomatiques, nous avons vu cette faible expression : « Que si la
Hollande n’évacue pas le territoire, on pourrait autoriser la Belgique de
retenir ses frais de guerre sur la dette à payer. »
Vous voyez que
c’est nullement positif et que cette grave question pour nos finances reste
comme tout le reste dans le vague ; cependant notre demande est de la plus
stricte justice, et avec de la persévérance et de la fermeté, le gouvernement y
serait parvenu.
Maintenant,
messieurs, je vais établir les calculs pour vous prouver que si nous restons
armés jusqu’à la fin de l’année, et si nous devons payer à la Hollande les 18
millions de florins, nous aurions, outre l’emprunt de 48 millions, un déficit
de 30,600,000 florins.
Budgets de la
guerre : fl. 29,554,378 ;
Dette publique,
dotations, affaires étrangères et justice : fl. 49,351,080 ;
Finances : fl.
5,741,570 ;
Intérieur : fl.
4,450,300.
Total : fl.
89,098,328.
Déficit de 1831
(crédit ouvert à la guerre) : fl. 2,000,000 ;
Supplément à la
guerre : fl. 2,600,000 ;
Idem : fl.
5,000,000.
Total : fl.
9,600,000.
Ensemble : fl.
98,608,328.
Voies et moyens :
fl. 32,000,000 ;
Premier emprunt de
24 millions, à produit : fl. 17,000,000 ;
Deuxième emprunt
de 24 millions, évalué : fl. 19,000,000.
Total : fl.
68,000,000.
Déficit : fl.
30,698,320.
Le
déficit de 30 millions de florins ferait, au cours de 80 p. c. en cas
d’emprunt, une nouvelle charge de 38 millions ; en ne payant pas les 18
millions à la Hollande, nous aurons encore un déficit de 12,600,000 fl.
Ainsi, vous voyez,
messieurs, que nous ne pouvons pas voter le nouveau crédit avant que le
ministre des finances nous indique comment il pourra y faire face ; car quelle
imprudence peut-être, à la veille de la guerre, d’avoir pour toute ressource
des projets d’emprunts en portefeuille !
Pour moi, je ne
pourrai pas prendre une pareille responsabilité sur moi. Si vous n’avez pas la
guerre, en voulant continuer à négocier, il est inutile de lever 30,000 hommes,
et de dépenser 5 millions.
Je demandera à M.
le ministre des finances de quelle manière il compte couvrir le déficit de fl.
12,600,000, si l’excédant des recettes ne peut y prévoir, ou s’il a d’autres
mesures à nous proposer. Je crois, comme bons administrateurs, nous devons
avoir des informations sur nos ressources financières, avant d’ouvrir de
nouveaux crédits au ministère de la guerre.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, je me bornerai à répondre aux chiffres
de l’honorable préopinant.
D’abord il a parlé
d’un déficit de l’année dernière. Dans le rapport de la section centrale sur le
budget et lors de la discussion du budget, on a parlé d’un déficit assez
effrayant ; lorsque j’ai répondu à ce rapport, j’ai montré que le déficit
n’avait rien d’effrayant et qu’il pourrait monter tout au plus à un million.
Depuis ce moment les écritures relatives à l’emploi des allocations accordes
ont été avancées à un tel point que l’on peut voir clairement qu’il n’y a pas
déficit sur l’exercice de l’année 1831 ; il m’est même agréable de pouvoir
annoncer qu’il y aura excédant pour cet exercice.
Vous avez décidé
une levée de 30,000 hommes pour concourir à faire respecter l’indépendance de
la Belgique ; la conséquence nécessaire du vote de cette loi est le vote d’un
crédit. Ce sera aux voies et moyens d’y pourvoir.
Le
trésor est dans un état tel qu’il peut remettre à d’autres moments à s’occuper
des moyens de faire face au crédit : d’abord le budget des voies et moyens
dépasse les prévisions pour 1831 et les dépassera beaucoup plus encore pour
1832. Les recettes surpasseront 35 millions.
Une économie faite
par suite de la marche administrative que j’ai suivie pour le trésor, en
retardant l’emprunt qui reste à faire de 24 millions, en faisant par
anticipation l’amortissement de 12 millions empruntés, s’élève au moins de 2
millions de florins. Il y a d’autres économies à prévoir. Et si nous ne sommes
pas forcés de payer intégralement la Hollande, ce qui j’espère bien aura lieu,
car les allocations demandées, au lieu d’être prises sur les voies et moyens,
seraient balancées par ce que nous aurions dû payer à la Hollande.
Dans tous les cas,
le déficit ne pourra jamais s’élever à plus de 18 millions ; je le répète, si
on ne paie rien à la Hollande, il n’y aura pas déficit ; et si on paie, le
déficit ne s’élèvera qu’à 18 millions.
M. Ch. de Brouckere. - Messieurs je ne fais nullement dépendre mon vote
sur la loi des explications qu’on peut donner sur les voies et moyens, quand
j’ai voté sur l’armée de réserve (et je n’ai voté qu’après bien des réflexions,
car je croyais l’armée assez forte), je me suis attendu à voter pour une loi de
subsides ; mon intention était d’abord de voter contre la levée d’hommes, mais
je n’ai pas voulu, dans une affaire aussi importante, et prévoyant l’avenir,
avoir des reproches à me faire. En accordant les trente mille hommes dans la
supposition où le gouvernement en aurait besoin, je me suis décidé en même
temps à accorder l’argent.
Le ministre des
finances vient de donner des explications ; elles sont bonnes à recueillir. Il
a dit qu’il n’y aurait pas de déficit ; je demande que la chambre prenne acte
de cette déclaration.
S’il y a déficit,
a-t-il ajouté, il sera juste de 18 millions, somme égale à celle qu’il faut
payer à la Hollande. Mais ce n’est pas là un déficit ; car, du jour où vous
avez payé, vous négocierez bien plus facilement l’emprunt ; jusque-là je
demande qu’on prenne acte de ce qu’a dit le ministre.
Moi
je dis qu’il y a un déficit. On a fait des économies, je le veux bien ; on en a
fait pour 2 millions : le déficit est de 10 ou 12 millions. Vous en avez encore
un autre : vous êtes autorisés à faire un emprunt de 48 millions ; vous n’en
avez emprunté que 24 millions ; si la guerre est déclarée demain, irez-vous
solliciter pour placer votre emprunt ? Je dis que vous aurez un déficit
considérable, de peut-être 18 millions sur le contrat de 24, et voilà avec quoi
nous ferions la guerre.
Voilà ce que je
voulais dire, parce qu’il faut penser à l’avenir.
J’insiste sur le
ministère des finances, parce que ce ministère n’est pas comme un autre ; dans
les autres ministères on en sort comme on veut ; mais il est impossible qu’un
homme d’honneur qui arrive au ministère des finances ne s’assure pas qu’il a
trois ou quatre mois devant lui ; il ne peut quitter le portefeuille sans
assurer le sort de la nation, sans quoi ce serait un ministre coupable de
trahison.
M. Osy. - Je vois avec plaisir que les recettes de 1831
surpassent les prévisions. Du déficit de 12 millions que j’ai signalé, j’en
déduis deux millions ; reste donc un déficit de 10 millions.
Supposons que les
voies et moyens surpasseront aussi les prévisions en 1832, restera toujours un
déficit de 8 millions.
Aussi longtemps
que l’emprunt reste en portefeuille, il reste un déficit de 27 millions. Si
l’on demande des hommes, le ministre doit être éclairé sur les conséquences de
ses demandes ; nous sommes en conscience obligé de lui dire la route où il nous
mène. M. le ministre doit voir si avec 27 millions en papier il pourra faire la
guerre.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- Je puis répondre aux deux préopinants que l’état du trésor est tellement
assuré que je n’ai aucune inquiétude et que je quittera le ministère en
laissant à mon successeur de quoi marcher. Jusqu’ici je n’ai donné à personne
l’occasion de pouvoir dire que je ne quitterai pas le ministère comme un homme
d’honneur doit le faire.
M. Ch. de Brouckere. - Je dis les choses comme elles sont : il y a
toujours un déficit de 2 millions. (chiffre à vérifier sur le papier).
M. Gendebien. - Sans avoir une foi bien robuste dans les programmes
du ministère, les antécédents me sont une garantie que ses paroles ne sont pas
vaines. Lorsque la première fois le ministre est entré au ministère des
finances, il n’y avait rien au trésor ; quand il l’a quitté, il y avait trois
millions huit cent mille francs. Je ne crois pas qu’il prenne des engagements
téméraires à la face de la nation.
Je n’ai pas une
foi aussi robuste à l’égard de notre situation politique. Le ministère est
entraîné sans le savoir par les événements qu’on aurait pu conjurer il y a
longtemps, que le ministère actuel aurait pu conjurer, lui qui depuis 10 mois
est aux affaires.
On vous a dit,
messieurs, que l’Angleterre pourrait bien venir prendre possession de la
citadelle d’Anvers. Il y a sept semaines que je vous ai annoncé que c’était le
point le plus menaçant pour nous.
Et ne croyez pas
que j’ai jeté des paroles au hasard ; j’avais de bonnes raisons pour
m’expliquer ainsi.
Il y a deux mois à
peu près que j’ai reçu les mêmes avertissements. C’est depuis la fin de
décembre 1830, ou depuis janvier 1831, qu’on s’est occupé de ces projets. Je
regarde comme traître au pays tout ministre qui consentirait à l’évacuation de
la citadelle d’Anvers, pour la faire occuper par l’Angleterre.
La France ne
permettrait pas… Prenez-y bien garde, la France y consentira du jour où un
partage médité depuis longtemps pourra s’exécuter. J’en ai parlé depuis
plusieurs semaines. Si vous continuez à tergiverser, c’est la France et
l’Angleterre qui couperont le nœud gordien ; elles donneront une part à la
Hollande, l’Angleterre aurait Anvers, on donnerait la rive droite de la Meuse à
la Prusse, ainsi que la partie allemande du Luxembourg, et la France prendrait
le reste. On a eu ce dessein en janvier 1831, et surtout en mars. Lorsque le
projet de semi-restauration n’a pu s’exécuter, on est venu au partage.
Eh bien, en supposant qu’on ait abandonné ce projet, je crains
aujourd’hui qu’on ne prenne la citadelle d’Anvers, et quand l’Angleterre y
sera, on ne l’en débusquera pas aussi facilement que le roi Guillaume.
Je pense que dans
une telle position le ministère ne peut se dispenser d’éclairer nos consciences
s’il ne peut éclairer la nation sur sa position. Je l’engage donc à nous dire
une fois, non publiquement (nous ne voulons pas ébruiter nos affaires, nous
savons qu’elles ne sont pas dans un tel état qu’on puisse les montrer au grand
jour), mais qu’il nous dise en comité général ce qu’il faut faire dans
l’intérêt du pays.
On ne peut pas
exiger de nous une confiance d’aveugles. On ne peut pas se refuser à des
communications données en comité général. Aucun motif politique ne peut
violenter nos consciences.
Je suis décidé à
ne pas voter l’allocation, si je n’ai pas les éclaircissements demandés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, je ne disconviens pas qu’à une certaine
époque, déjà bien éloignée, quelques puissances aient pu concevoir des projets
analogues à ceux dont vient de vous parler l’honorable préopinant ; mais je
pense qu’aujourd’hui ces projets ne doivent plus inspirer aucune inquiétude à
la nation et que leur exécution me semble devenu impossible.
Quant à moi, je
déclare sur l’honneur que jusqu’à présent je n’ai pas entendu parler du projet
de remettre la citadelle d’Anvers à une puissance, quelle qu’elle fût.
Dans toutes les
négociations qui ont eu lieu, dans toutes les correspondances, dans toutes les
conversations particulières, il n’a été question que d’un projet, c’état de
remettre la citadelle à la Belgique.
Au surplus, je
regrette vivement de ne pouvoir aller au-devant des vœux de la chambre. Je n’ai
jamais été sobre de communications quand j’ai pu en faire, et je les ai
toujours faites avec une entière franchise ; mais, quant aux pièces dont
l’honorable M. Osy m’a demandé la communication, je déclare (i le sait, car il
paraît savoir quelque chose de plus que moi) qu’elles ne sont pas en ma
possession, et qu’ainsi il y a impossibilité de ma part de les présenter à la
chambre.
L’honorable M. Osy
m’a fait un reproche pour avoir abusé d’une conversation particulière. Depuis
longtemps je n’ai pas eu de conversation avec lui. Les propos auxquels j’ai
fait allusion ont été tenus dans des lieux publics, si les rapports qu’on a
faits sont exacts. Ces rapports ont été les mêmes venant de différentes personnes.
Au reste, il est
incontestable que si, aujourd’hui, une puissance quelconque pouvait encore
avoir des projets hostiles envers la Belgique, la loi que vous avez votée hier,
et le crédit qui en est la conséquence immédiate, sont les plus sûrs moyens de
faire avorter de tels desseins ; et que toutes les négociations ultérieures ne
peuvent jamais s’entendre, d’après les actes de la conférence, que de
négociations de gré à gré, directes, entre la Hollande et la Belgique ; de
manière que si la Belgique n’adopte pas les propositions qui lui seraient
faites, elle sera toujours en droit d’exiger l’exécution du traité du 15
novembre, tel qu’il a été présenté.
- La chambre ferme
la discussion.
M. le président. - A l’article premier du projet ainsi conçu : « Un crédit de
5,000,000 fl. est ouvert sur l’exercice courant, au département de la guerre,
pour l’habillement et l’équipement des 30,000 hommes qui doivent former la
réserve de l’armée, et pour la solde, l’entretien et les masses de ces 30,000
hommes pendant les cinq derniers mois de l’année, » la section centrale a
proposé une réduction de 600,000 fl.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - Le gouvernement a consenti
à cette réduction, d’après les ressources qui se trouvent en magasin en effets
d’habillement et d’équipement, et parce qu’il sera possible de faire des
économies pendant les trois mois que les troupes de la levée resteront en
garnison pour leur instruction.
- L’article
premier est adopté.
« Art. 2. Il
formera un chapitre spécial des dépenses du département de la guerre, et son
montant sera proportionné au nombre d’hommes qui seront levés et à la durée du
temps qu’ils resteront sous les armes. »
- Cet article est
adopté sans discussion.
On procède à
l’appel nominal sur l’ensemble ; le projet est adopté par 73 voix contre 4.
M. Gendebien s’est
abstenu.
Ont voté pour :
MM. Barthélemy, Berger, Boucqueau de Villeraie, Bourgeois, Brabant, Coghen,
Cols, Coppens, Coppieters, Corbisier, Davignon, Ch. De Brouckere, H. de
Brouckere, Fallon, de Gerlache, de Haerne, Delehaye, Dellafaille, W. de Mérode,
de Muelenaere, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, de
Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumont, Duvivier,
Fleussu, Goethals, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jacques, Jonet, Lardinois,
Lebeau, Leclercq, Lefèbvre, Legrelle, Liedts, Mary, Mesdach, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirson, Poschet, Raikem, Raymaeckers, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Thienpont, Taintenier, Ullens, Vandenhove,
Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Verdussen, Vergauwen, Verhagen, H. Vilain
XIIII, Vuylsteke, Watlet et Zoude.
Ont voté contre :
MM. Seron, Osy, Jullien et de Robaulx.
M. Gendebien. - Je me suis abstenu par les raisons que j’ai déjà
énoncées il y a deux jours.
PROJET DE LOI SUR LES MINES
Discussion générale
M. le
président. - Le troisième
projet à l’ordre du jour est celui sur les mines.
M. Seron. - Messieurs, les observations que je crois devoir
vous soumettre sont uniquement relatives aux mines de fer que possède cette
partie du royaume située entre la Sambre et la Meuse, à portée de la commune que
j’habite ; territoire à la vérité peu étendu, mais où ces mines sont si
abondantes et de si bonne qualité, qu’elles fourniraient, comme je l’ai déjà
dit dans une autre occasion, à tous les besoins d’une contrée aussi peuplée que
la France.
Quand, immédiatement
après la publication de la loi du 21 avril 1810, la demande d’une concession
fort importante eût été adressée au gouvernement impérial par un sieur Debehr
de Givet, les maîtres de forges se réunirent pour la faire rejeter et leurs
démarches ne furent pas infructueuses. Alors convaincus, disaient-ils, que
toutes les mines du pays sont des mines d’alluvion, ils ne concevaient pas
qu’on pût y faire l’application de la loi nouvelle. Mais depuis que sous le
gouvernement du roi Guillaume, des concessions ont été accordées, ces messieurs
sont divisés d’opinion. Ceux qui en ont demandé et qui ont eu l’avantage d’en
obtenir trouvent juste de les garder, mais ne voient pas la nécessité qu’on en
retire de nouvelles. Leurs confrères qui en ont demandé et n’en ont pas obtenu,
soutiennent qu’on ne pourrait sans injustice leur refuser celles qu’ils
assurent leur avoir été promises par l’ancien gouvernement. Enfin, les maîtres
de forges qui n’en ont ni obtenu ni demandé pensent qu’on n’aurait jamais dû en
accorder à personne.
Pour moi,
messieurs, je regarde ces derniers comme les plus raisonnables, car les
concessions de mines de fer sont inutiles. Vos commissions en ont ainsi jugé à
l’unanimité, et les faits le démontrent invinciblement.
1° Malgré une
exploitation continue, considérable, extrêmement ancienne, ainsi que
l’attestent les masses énormes de scories que l’on rencontre notamment dans les
bois du pays, le minerai y abonde sur tous les points. Partout on le trouve à
une petite profondeur. Pour en opérer l’extraction, il suffit de procédés
simples, peu coûteux, en usage depuis des siècles.
2° Avant le régime
des concessions, les fourneaux ont toujours été suffisamment alimentés, le
minerai leur a été constamment fourni à un prix modique. C’est ce
qu’affirmaient tous les maîtres de forges dans les pétitions et mémoires par
eux présentés au gouvernement français.
3° Depuis que le
gouvernement néerlandais les a prodiguées à la faveur et à l’intrigue, nulle
part on n’a vu le concessionnaire exécuter les travaux d’art que les ingénieurs
et lui-même disaient indispensables. Partout on a continuée et l’on continue
encore le mode ancien d’exploitation. Cependant malgré l’agrandissement du
commerce, malgré l’augmentation de la fabrication et la multiplication des
mines, on n’a pas vu qu’elles manquassent de matières premières. Au contraire,
des masses de minerai restent invendues quoique offertes à vil prix : preuve
que toucher à la loi de 1810, en suspendre l’exécution, ce ne serait pas, quoi
que disent certains maîtres de forges amateurs de concessions, jeter le trouble
et l’inquiétude dans la forgerie et l’exploitation des mines de houilles, ni
organiser un « système de gaspillage. » Et certes il est à croire que
si ces messieurs devenaient concessionnaires à leur tour, ils se conduiraient
comme font les concessionnaires actuels, c’est-à-dire que, malgré leurs beaux
projets et leurs grands mots, ils laisseraient continuer l’extraction du
minerai par les exploitations qu’ils appellent « mesquines et morcelées
maintenant existantes, » en faisant payer fort cher aux mineurs les
permissions qu’ils daigneraient leur accorder.
4° Enfin, des
pétitionnaires qui ne sont ni concessionnaires, ni maîtres de forges,
s’adressant à la chambre, ont tenu ce langage : « Voulez-vous avoir la preuve
que les concessions sont inutiles ? Ordonnez que les concessionnaires
remplissent les conditions auxquelles on les leur a accordées. Il n’en est pas
un seul, soyez-en sûrs, messieurs, qui n’y renonce à l’instant. » Ainsi
s’exprimait entre autres la commune de Morialmé, et aucune voix, que je sache,
ne s’est élevée pour démentir cette assertion décisive.
Mais les
concessions ne sont pas seulement inutiles, elles sont encore nuisibles ; elles
dépouillent le propriétaire de la surface d’un droit précieux, dont l’intérêt
général n’ordonne pas le sacrifice ; elles portent préjudice au commerce en
faisant augmenter, dans certains cas, le prix du minerai et, par suite au
consommateur lui-même en élevant le prix du fer fabriqué, ce que j’ai démontré
dans un premier discours, prononcé à cette tribune en 1831. Elles ruinent,
elles transforment en véritables ilotes de nombreux extracteurs réduits à
obtenir par prière la permission de travailler.
L’impitoyable
concessionnaire ne l’accordera pas s’ils ne consentent à se laisser pressurer à
son gré. Ainsi, quand le minerai est de bonne qualité, il exige qu’on le lui
livre an prix qu’il a lui-même fixé ; il le refuse si la qualité ne lui
convient pas. Dans tous les cas, les mineurs lui paient en numéraire ou en
nature, à son choix, une redevance proportionnée à la quantité de minerai
qu’ils ont tiré de la terre. Le voilà donc érigé en véritable seigneur féodal,
percevant à titre gratuit, sans souci, sans travail, sans mise de fonds, sans
indemniser, du moins jusqu’à présent, le propriétaire de la surface, un cents
sur des terrains, sur des produits auxquels le bon sens et la justice disent
qu’il n’a aucun droit. En un mot, les concessions de mines de fer sont un abus
uniquement profitable à des spéculateurs avides, dont plusieurs même sont
étrangers à la forgerie. Le commerce et le public en soufflent, loin d’en tirer
aucun avantage.
Veut-on faire
cesser le mal ? Veut-on mettre d’accord tous les maîtres de forges ? Il en est
un moyen bien simple, c’est d’annuler les concessions accordées
jusqu’aujourd’hui. On le pourrait d’autant mieux que les concessionnaires
n’ayant rempli aucune des conditions auxquelles ils s’étaient soumis, peuvent
raisonnablement être déclarés déchus de leurs droits. C’est d’abolir en outre,
en ce qui concerne les mines de fer seulement, la loi d’avril 1810, et de
remettre en vigueur les dispositions beaucoup plus sages, plus populaires de la
loi de juillet 1791. Je ne dis rien des mines de houille à l’égard desquelles
je n’ai que des notions très imparfaites.
En
attendant que votre nouvelle commission vous présente le travail dont vous
l’avez chargée (et Dieu veuille qu’elle s’en occupe bientôt !) je propose
d’ajouter au projet de loi maintenant en discussion un article ainsi conçu :
« Provisoirement et jusqu’à ultérieure disposition il ne sera accordé
aucune concession de mines de fer. » Cette disposition n’allongera pas
beaucoup le projet et ne le rendra pas moins clair. En vain m’objectera-t-on
qu’elle est virtuellement renfermée dans l’article 3. Je prévois que le
gouvernement va être assailli d’une foule de demandes, et je crains, je
l’avoue, qu’on ne parvienne à surprendre sa religion ; je crains l’abus qu’on
pourrait faire encore de cet article 3 ; je crains que de nouvelles faveurs
répandues sur les articles qui n’ont besoin de rien, ne rendent encore plus
pénible la condition de la classe laborieuse qui manque du nécessaire.
Quant à la
composition du conseil provisoire des mines, je désirerais qu’elle fût telle
que la proposait votre première commission dans son rapport du 22 février
dernier, ou du moins qu’il y entrât quatre jurisconsultes au lieu de trois, car
je crains aussi une majorité qui pourrait se composer d’un sénateur, d’un
représentant concessionnaires, ou aspirant à le devenir, conséquemment juges
dans leur propre cause, et de deux géologues grands partisans de concessions,
bien que ces messieurs n’ignorent pas le mal qu’elles ont fait, et qu’elles
font encore.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je dois vous soumettre quelques
observations sur le discours que vient de prononcer l’honorable préopinant ; je
pense que les inconvénients qu’il a signalés ne peuvent s’appliquer à l’objet
compris dans le projet de loi. L’objet de ce projet est bien précis. Voici ce
que porte l’article 3 : « Ce conseil ne pourra disposer que sur les
demandes en maintenues de concessions anciennes faites en vertu et conformément
aux dispositions de l’article 53, de la loi du 21 avril 1810. » Et cet
article 53 se rapporte aux anciens exploitants, qui n’ont pas observé la loi de
1791. Voici la teneur de cet article :
« Art. 53.
Quant aux exploitants de mines qui n’ont pas exécuté la loi de 1791, et qui
n’ont pas fait fixer conformément à cette loi les limites de leurs concessions,
ils obtiendront les concessions de leurs exploitations actuelles conformément à
la présente loi ; à l’effet de quoi les limites de leurs concessions seront
fixés sur leurs demandes, ou à la diligence des préfets, à la charge seulement
d’exécuter les conventions faites avec les propriétaires de la surface, et sans
que ceux-ci puissent se prévaloir des articles 6 et 42 de la présente
loi. »
Vous
voyez que dans le projet il ne s’agit nullement de concessions postérieures à
la loi de 1810. Il ne s’agit pas nous plus d’accorder des concessions
nouvelles. L’expression « ne pourra » qui se trouve dans l’article,
rend toute concession nouvelle impossible et si le conseil s’arrogeait le droit
d’en faire, la concession serait nulle et de nul effet ; le conseil ne pourra
délibérer que sur les maintenues en concession ; s’il rendait une décision sur
tout autre chose, sa décision serait d’une nullité absolue ; ceux qu’elle
léserait pourraient se refuser à l’exécuter, ils formeraient opposition à la
concession, et les tribunaux ne pourraient se dispenser de l’accueillir.
Dans ses termes et
telle qu’elle est rédigée, la loi ne consacre qu’un acte de justice,
puisqu’elle sanctionne des droits acquis antérieurement même à la loi de 1791.
Il ne s’y agit donc pas de droits nouveaux, mais de droits acquis ; et de tels
droits, nés sous quelque législation que ce soit, sont toujours respectables et
doivent être respectés par les lois postérieures. Il était nécessaire de
pourvoir promptement au maintien de droits trop longtemps tenus en suspens ;
c’est ce que fait le projet, et la chambre doit s’empresser de l’adopter.
M. Poschet. - Messieurs, je reconnais avec l’honorable M. Seron
l’inconvénient qu’il y aurait dans de nouvelles concessions de mines ; mais je
dois relever une erreur dans laquelle il est tombé. Il nous a dit que lorsque
le gouvernement hollandais avait voulu faire de nouvelles concessions, les
maîtres de forges s’étaient divisés ; c’est une erreur. Ils se sont tous
prononcés contre toute concession. Dans tous les temps les maîtres de forges se
sont attachés à en faire ressortir les inconvénients, et ils n’en ont jamais
reconnu la nécessité ni pour eux ni dans l’intérêt public. Si plus tard les
maîtres de forges se sont divisés, c’est quand certains d’entre eux ont cru
avoir assez de protection pour obtenir des concessions pour eux-mêmes.
M. Seron. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je
suis bien aise que M. Poschet ait trouvé à propos de vous donner ces
explications, car elles confirment pleinement tout ce que j’avais avancé. Ce
n’est, dit-il, que quand certains maîtres de forges ont voulu des concessions
pour eux, qu’ils se sont divisés. Je le sais bien ; et c’est ainsi que M.
Poschet et M. Cartier d’Yves, sénateur, en ont demandé et obtenu. (Hilarité générale.)
M. Poschet, vivement. - Les maîtres de forges n’ont demandé des
concessions que quand des propriétaires et des spéculateurs l’avaient déjà
fait. Ils ne pouvaient s’exposer à tomber sous leur dépendance.
M. Barthélemy. - Tout cela est hors de la question.
M. Pirson. - Pas du tout ; c’est bien là la question.
M. Gendebien. - Messieurs, d’après les longs développements dans
lesquels je suis entré lors de la première discussion, qui fut elle-même fort
longue, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’y rentrer aujourd’hui, et je
pense qu’en deux mots je pourrai prouver à l’honorable M. Seron que l’article
qu’il propose est inutile. S’il y tient cependant, je consentirai à son
adoption parce que je ne vois d’autre inconvénient que son inutilité.
Remarquez, messieurs, que l’article 3 du projet borne les dispositions que
pourra prendre le conseil des mines aux seules demandes en maintenue des
concessions anciennes faites en vertu de l’article 53 de la loi de 1810 ; et
nulle autre catégorie n’y est comprise. La loi de 1810 est divisée en deux
parties : l’une ne traite que des mines de houille, l’article 53 se trouve dans
cette partie ; l’autre est relative aux minerai et aux tourbes, et l’article 53
n’a aucun trait à ces matières.
Il est donc
impossible d’arriver par aucune espèce d’analogie à concéder une mine de fer
quelconque en vertu du projet. Il ne s’agit ici que de confirmer les
concessions antérieures à la loi de 1810, et je défie qu’on me cite une seule
concession de mines de fer faite dans le pays avant 1810. Ainsi, sous tous les
rapports, il me semble que les scrupules de M. Seron doivent disparaître, et il
doit être convaincu de l’inutilité de son amendement.
M. Taintenier. - Messieurs, les observations présentées par M.
Seron sont de nature à faire une impression favorable sur les personnes qui
seront appelées à composer le conseil des mines ; mais je pense qu’elles ne
peuvent être d’aucun poids dans la discussion actuelle, et que les scrupules de
l’honorable membre sont poussés à l’excès. M. Gendebien vient de démontrer que
le projet n’avait pas le moindre trait aux mines de fer, et l’article 3 le
démontre invinciblement. Vous avez dans cet article la négative « ne
pourra » qui prouve que si le conseil des mines faisait d’autres
concessions que celles dont parle l’article 53 de la loi de 1810, la concession
serait nulle de droit et de fait.
Au fond, le projet
est de la plus grande justice, car il confirme des droits dont on ne pouvait
plus longtemps paralyser l’exercice.
M. Seron. - J’avais cru nécessaire de proposer mon amendement,
parce que je pensais que dans l’article il pouvait s’appliquer à des mines de
houille et aux mines de fer. L’article 3 ne s’explique pas à cet égard.
Plusieurs voix. - Il n’y a pas de concessions de mines de fer.
M. Seron. - Je craignais que les maîtres de forges
n’entreprissent de faire revivre une ancienne charte appelée la charte des
ferrons, et ne se prétendissent anciens concessionnaires ; mais, d’après les
explications de M. le ministre de la justice, je retire ma proposition.
- On demande la
clôture ; elle est mise aux voix et prononcée.
Discussion des articles
Article premier
M. le
président donne lecture de
l’article premier, ainsi conçu :
« Jusqu’à ce qu’il
y soit autrement pourvu, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 1834, les
attributions confiées au conseil d’Etat par la loi du 21 avril 1810 seront
exercées par un conseil nommé par le roi et composé d’un membre choisi par
chacune des deux chambres, de trois jurisconsultes et de deux
ingénieurs. »
M. Devaux. - Messieurs, il y a dans le projet deux dispositions
que je ne peux pas admettre. La première est celle de l’article premier. J’ai
lu avec quelque attention les discussions qui ont eu lieu au sénat et qui ont
amené la rédaction nouvelle ; il m’a semblé que ce que le sénat voulait, c’est
que les propriétaires fussent représentés dans la commission. A cet effet ils
ont pensé qu’il convenait d’y faire entrer un membre du sénat et un membre de
la chambre des représentants. C’est là, messieurs, une disposition que je ne
saurais admettre. Je ne dirai pas que la disposition est anticonstitutionnelle,
car je trouve que nous sommes en général trop faciles à apercevoir des
inconstitutionnalités là où il n’en existe pas ; mais je dirai qu’elle est
irrégulière, peu exécutable, et même peu convenable. Je vais vous dire sur
quels motifs je fonde mon opinion ; ils me conduiront à vous présenter un
amendement. Je ne crois pas qu’une loi puisse imposer de nouvelles charges à un
membre de la représentation nationale. Les électeurs nous ont envoyés ici pour
les représenter, pour y faire des lois et pour y défendre les intérêts du pays,
et nous n’y sommes pas venus pour autre chose. Je crois que, hors le temps de
la session et même hors de la chambre, il n’y a plus de représentants, et nos
fonctions expirent sur le seuil de ce palais.
De deux choses
l’une : en nommant un membre de cette chambre au conseil des mines, c’est une
charge qu’on lui impose ou un privilège qu’on lui accorde. Si c’est une charge,
c’est augmenter celle que nous ont donnée les électeurs, et elle est assez
grande et assez importante pour ne pas en assumer d’autre. De privilège, nous
n’en voulons pas davantage. Qu’en sera-t-il d’ailleurs de ces membres après la
session, et dans le cas où les chambre seraient dissoutes ? Ils ne seront plus
membres de la chambre, ils ne pourront plus faire partie de la commission. De
là, l’irrégularité de la disposition.
Je dis qu’elle est inexécutable, et de deux
choses l’une encore : ou ces fonctions seront gratuites, ou elles seront
rétribuées. Dans le premier cas, c'est une charge que vous imposez à ces
membres ; dans le second, comme le gouvernement, aussitôt qu’il nomme un membre
de la chambre à des fonctions salariées, le soumet à une réélection, celui qui
sera nommé et qui acceptera, cessera à l’instant d’être membre de la chambre,
et la disposition de la loi ne pourra être exécutée.
Ce n’est pas tout
; si tous les membres d’une des chambres refusent de faire partie du conseil,
que devient ce projet ? et s’ils ne refusent pas, où les prendra-t-on ? Les
membres qui ont intérêt dans les mines se récuseront ; les autres n’auront pas
de connaissances en cette matière. Vous voyez à quelles difficultés pourrait
donner lieu ce projet.
Un sénateur avait
proposé de nommer des membres de conseils provinciaux pour faire partie du
conseil, on fit observer que le siège de la commission devant être à Bruxelles,
ce serait enlever les conseillers des états à leur fonctions. La raison était
péremptoire ; mais cela aurait dû amener le sénat à adopter un autre expédient,
celui de faire élire partie de membre du conseil par les états députés des
provinces qui ont des mines de houille. Je crois que cette proposition aurait
été favorablement accueillie.
J’ai dit aussi que
la disposition me paraissait peu convenable en effet, dans un projet qui ne
nous a pas été présenté par un troisième pouvoir et que les chambres ont fait
elle-même : est-il convenable que les chambres placent ainsi quelques-uns de
leurs membres ? Il me semble que cela est contraire à la dignité de la
représentation nationale.
Par
ces considérations je voterai contre la disposition, et je proposerai la
suivante : « Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu, et au plus tard
jusqu’au 1er janvier 1834, les attributions confiées au conseil d’Etat par la
loi du 21 avril 1810 seront exercées par un conseil de sept membres.
« Trois membres de
ce conseil seront nommés par le Roi, savoir deux jurisconsultes et un
ingénieur.
« Les
députations des états des provinces de Liége, du Hainaut, de Namur et de
Luxembourg nommeront chacune un membre. »
Je crois que par
ce moyen on atteint le but que s’est proposé le sénat, sans rencontrer les
inconvénients que j’ai signalés. Cette disposition offre une garantie plus
grande que celle du projet, puisque le gouvernement ne nomme que la minorité du
conseil. (Appuyé ! appuyé !)
M. Barthélemy.- Je m’oppose à l’amendement, par une première raison
; c’est que le projet est de la plus grande urgence pour ceux qui ont des
droits acquis depuis longtemps et qui ne peuvent les exercer. Et à quoi se
borne le projet ? A confirmer dans leurs concessions ceux qui en sont en
possession depuis et même avant l’année 1791. Je ne sais pas trop pourquoi le
sénat a ajouté tant d’importance à la composition de la commission : je pense
qu’il ne connaissait pas très bien de quoi elle aurait à s’occuper. Pour moi je
crois qu’on aurait pu se contenter de toute commission, quelle qu’elle fût,
même du ministre de l’intérieur, parce qu’il ne s’agit que de consacrer des
droits que tout le monde reconnaît, qu’on ne peut pas ne pas reconnaître, et
contre lesquels il ne peut s’élever d’opposition. En un mot il n’est question
que de régulariser des titres pour que les possesseurs puissent vendre,
aliéner, hypothéquer leur propriété. En conséquence, vu le peu d’importance de
la chose et la nécessité de prononcer sur des droits acquis depuis longtemps en
souffrance, je crois que nous pouvons passer par-dessus les considérations de
doctrine exposées par le préopinant.
Dans huit jours de
temps on pourra expédier, j’en suis certain, toutes les demandes existantes
actuellement au ministère de l’intérieur ; on nous a dit, je crois, qu’il n’en
existait qu’une, les autres étant encore à La Haye. Il n’y a donc pas de raison
pour s’occuper à prévoir le cas de dissolution des chambres et les autres inconvénients
qu’on a fait valoir. Il y aura toujours assez de membres des chambres résidant
à Bruxelles, pour que les travaux du conseil des mines n’en souffrent pas. En
résumé, à cause de l’urgence de la loi, je sacrifie l’opposition que j’aurai
faite comme l’honorable préopinant, et je voterai pour le projet.
M. Devaux. - C’est précisément parce que la loi est urgente
qu’il faut faire en sorte qu’elle puisse marcher ; je ferai remarquer qu’il ne
s’agit pas, en attendant la révision de la loi de 1810, d’une affaire de 3
mois, mais que nous devrons l’attendre jusqu’en 1834, et, d’après la manière
dont nous travaillons à la confection des lois administratives, vous pouvez
prévoir quand se fera ou plutôt quand ne se fera pas la révision. Il est fort à
craindre qu’en 1834, au premier janvier, elle ne soit pas encore faite, et nous
serons probablement obligés des porter une loi pour proroger les pouvoirs du
conseil des mines. Sous ce point de vue la chose n’est plus aussi peu importante
qu’on vous l’a dit : vous vous rappelez que l’article 3 du projet a déjà été
rejeté une fois par la chambre des représentants. Cet article dit qu’il n’y
aura plus aucune concession nouvelle jusqu’à la révision de la loi ; vous
l’avez, je le répète, rejeté une fois. Si vous persistez à croire qu’il ne faut
pas suspendre cette branche d’industrie et qu’il faut accorder des concessions
à qui en demandera, vous rejetterez encore cet article, et dès lors le conseil
des mines se trouvera investi d’un pouvoir très important.
La composition que
je propose est de nature à contenter tout le monde, elle présentera même plus
de garantie que l’ancien conseil d’Etat, et il ne faut pas craindre que le
sénat ne l’approuve pas, car je suis certain que si on avait songé à lui
proposer de faire élire les membres du conseil par les états députés, au lieu
de nommer des conseillers provinciaux, il se serait empressé de consacrer cette
disposition.
M. Gendebien. - Messieurs, je ne conçois réellement pas comment on
peut vouloir suspendre plus longtemps des droits acquis, à prétexte que l’on
pourrait empêcher de nouvelles exploitations de s’établir. Mais d’abord,
pourvoyez définitivement aux droits des anciens propriétaires, afin qu’ils
aient la propriété incommutable qu’ils avaient avant les lois françaises. Vous
pourvoirez après aux droits des concessions nouveaux, si vous voulez.
On s’est plu à
accumuler difficultés sur difficultés, pour vous prouver que la loi est
inexécutable. Je ne crois pas, vous a-t-on dit, que la loi puisse imposer de
nouvelles charges à un député. Mais, s’il les accepte ces nouvelles charges,
que vous importe ? Mais s’il refuse ? Il faudrait supposer que sur 102 membres
de cette chambre, il n’y en aura pas un qui accepte : croyez-vous que cela soit
possible ? Et quant au sénat, comme c’est de lui qu’est émanée la disposition,
il n’est pas à craindre qu’un de ses membres n’accepte ces fonctions. Je ne
conçois réellement pas comment on peut se creuser l’esprit pour arriver à un
infiniment petit de cette espèce.
Mais en cas de
dissolution des chambres, dit-on, qu’arrivera-t-il ? Ce qu’il arrivera ? C’est
que les membres cesseront de faire partie du conseil des mines. Les élections
nouvelles auront lieu, et le roi choisira de nouveaux membres parmi les
nouveaux députés, compléter le conseil.
Mais supposez
qu’aucun n’accepte. Cette objection ne mérite pas même d’être réfutée.
Si les fonctions
sont payées, dit-on encore. Eh bien ! ce député se soumettra à une réélection,
et si elles ne sont pas payées, l’objection disparaît ; et voilà les raisons
par lesquelles on avait prétendu prouver que la loi était inexécutable. On vous
a parlé de la disposition transitoire, de l’article, dont l’effet, se
prolongeant, restreindrait les concessions à celles déjà obtenues, et
empêcherait d’en faire de nouvelles ; n’ayez rien à craindre de ce côté, les
nouveaux concessionnaires ne se présenteront pas bien vite. On n’a pas beaucoup
d’empressement aujourd’hui, et notre industrie n’est pas assez brillante pour
qu’on aille jeter d’immenses n’empêche à de nouvelles entreprises ; et pour les
consommateurs, tranquillisez-vous : les exploitations actuellement existantes
se chargeraient de fournir des charbons à toute la Belgique, moyennant des
travaux préliminaires de 18 mois ; et il y aurait de quoi décupler et centupler
la production sans avoir recours à des concessions nouvelles.
Du reste, si
l’honorable membre a de si grands scrupules pour les intérêts des
concessionnaires à venir, qu’il propose demain une loi tendant à régler un mode
pour faire de nouvelles concessions, mais qu’il n’empêche pas de rendre justice
à ceux qui ont des droits acquis. Je croirais abuser des moments de la chambre
que d’insister davantage, et je suis certain que vous n’hésiterez pas à rejeter
l’amendement qui vous est proposé.
M. de Robaulx. - Est-ce que M. Devaux demande qu’on puisse faire des
concessions nouvelles ?
M. Gendebien. - Il se fonde sur ce que, parlant de l’article 3, on
ne pourra pas faire de concessions nouvelles, et sur ce que, d’après son
projet, on pourrait les faire en toute confiance.
En
maintenant l’article 3, vous ne faites que maintenir ce qui existe. En l’absence
de la loi, les anciens propriétaires peuvent exploiter ; la confirmation n’est
que pour donner aux anciens propriétaires la faculté d’aliéner, et
d’hypothéquer.
Rejeter l’article
3, ce serait refuser de reconnaître les droits acquis. Mon intention n’est pas
de porter atteinte aux industriels. (Aux
voix ! aux voix ! La clôture !)
- La chambre ferme
la discussion.
L’article 3 est
mis aux voix et adopté.
On procède à
l’appel nominal sur l’ensemble du projet. Il est adopté par 49 voix contre 7.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, messieurs, la composition de la
commission me paraît réunir tous les éléments désirables à l’effet de remplir
le but qu’on se propose : d’une part les lumières et l’indépendance de ses
membres donneront toute garantie aux intéressés, et d’autre part la mission du
conseil étant restreinte aux concessions antérieures à la loi de 1810, l’abus
n’est pas à craindre : il me semble que quand déjà cette discussion a occupé
tant de séances de la chambre, il faut éviter de donner lieu à de nouvelles
discussions en renvoyant le projet au sénat, avec des amendements qui
pourraient être rejetés de nouveau et rendre la loi impossible. Il y a urgence
d’en finir dans l’intérêt des anciens exploitants, et je pense que, pénétrés de
la justice de leurs droits, vous n’hésiterez pas à adopter le projet tel qu’il
vous a été soumis.
- La clôture sur
l’article premier est prononcée.
Les amendements de
MM. Devaux et Seron sont successivement mis aux voix et rejetés.
L’article premier
est adopté.
Article 2
L’article 2 est
ensuite adopté sans discussion en ces termes : « Ce conseil nommera son
président et son secrétaire, et ne pourra délibérer qu’au nombre de cinq
membres au moins.
« Les délibérations
du conseil seront soumises à l’approbations du roi. »
Article 3
« Art. 3.
(Voyez-en le texte plus haut dans le discours du M. le ministre de la justice.)
M. Mary. - La disposition de l’article 3 tendrait à donner un
privilège aux propriétaires des mines ; eux seuls avaient le droit d’exploiter.
Si on découvrait des mines autres que les houilles, on ne pourrait pas les
exploiter ; la loi empêcherait de faire leur exploitation. Nous sommes riches
de productions minérales, et personne ne pourrait en tirer parti ? C’est la
fable de l’avare et de son trésor. Notre industrie n’est pas tellement
florissante que nous devions abandonner les richesses des entrailles de la
terre.
Depuis 1791 on
exploite des houilles pour lesquelles on demande des maintenues de concession ;
il sera difficile de donner des maintenues de concession sans joindre une
extension d’exploitation, parce que les filons concédés ne sont pas tous bien
authentiques. Nous devons éliminer l’article admis par le sénat, mais qui n’a
pas été admis sans une très forte opposition.
Adoptons les
autres articles.
M. de Robaulx. - Nous avons discuté très longuement les principes de
la loi de 1810, et vous avez décidé que le fond de la question serait renvoyé à
une autre législature et à la révision de la loi de 1810.
Faut-il de
nouvelles concessions ? Mais poser cette question, c’est rentrer dans la
discussion qui a été ajournée.
Il n’y a pas de
corps constitué pour rendre justice dans le cas où le conseil d’Etat pouvait le
faire ; qu’a-t-on fait ? On a nommé une commission pour le remplacer, et on
attend que le conseil spécial qui a été chargé d’examiner la loi de 1810 vous
présente son rapport.
Je demande que
l’on s’occupe uniquement de la formation de la commission qui suppléera le
conseil d’Etat.
M. Barthélemy. - Ce qu’a dit l’honorable M. Mary est hors de la
question en discussion. Les concessionnaires exploitent parce qu’ils en ont la
jouissance ; ce n’est pas pour continuer d’exploiter qu’ils demandent la
maintenue, c’est pour pouvoir aliéner, hypothéquer leur propriété. (Aux voix ! aux voix !)
M. Devaux. - Messieurs, si vous voulez voter une loi par
lassitude, je crois que vous devez aller aux voix. Cependant il serait étonnant
que la chambre, ayant rejeté l’article, l’adoptât maintenant.
On dit qu’il ne
faut pas rentrer dans le fond de la discussion ; et bien, raison de plus pour que vous rejetiez
l’article : M. Mary et moi, nous disons : laissons la loi de 1810 telle qu’elle
est, jusqu’à révision complète.
On craint de
manquer de combustibles ; c’est pour cela qu’on donne des maintenues aux
concessionnaires qui peuvent quadrupler, centupler leurs exploitations.
Je doute qu’il en
soit ainsi : quoi qu’il en puisse être, je demande le rejet de l’article dans
l’intérêt des industriels, dans l’intérêt de ceux qui veulent établir de
nouvelles houillères.
Pourquoi les
exclure jusqu’en 1834 ? Les anciens propriétaires de mines ont un monopole.
L’intérêt des anciens propriétaires est qu’il n’y ait pas de nouvelles mises.
Si des particuliers ont l’idée d’ouvrir de nouvelles mines, il est absurde de
leur refuser cette faculté. Si le conseil d’Etat eût existé, il aurait maintenu
les anciennes concessions, il en aurait fait de nouvelles ; mettez-vous donc
dans la même position.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- On a dit que l’on demandait l’article 3 dans l’intérêt de l’industrie, et
maintenant on dit : Supprimez l’article 3 dans l’intérêt de l’industrie : il
faut d’abord se fixer sur l’état de la question.
L’absence du
conseil d’Etat empêche de statuer sur les anciennes concessions et sur les
demandes de nouvelles concessions. Les anciens concessionnaires ont des droits
acquis, tandis que les nouveaux font des démarches pour avoir des droits ; les
anciens concessionnaires se présentent donc avec bien plus de faveur ; je crois
que l’article doit être adopté puisque l’on ne peut trouver une combinaison qui
satisfasse tout le monde. En l’absence de cette combinaison, il est juste de
consacrer les droits incontestables des anciens propriétaires.
M. Lebeau. - A entendre M. le ministre de la justice, il semble
que ceux qui demandent la suppression de l’article 3 ont pour but de
méconnaître des droits acquis ; mais la suppression de cet article ne tend
nullement à porter atteinte à ces droits : le but que l’on se propose est de
renvoyer la loi au sénat ; et il est impossible qu’il ne se rende pas à
l’évidence.
Il est étonnant
que le ministre méconnaisse ce qu’il y a de respectable dans ce qui a été dit
sur cet objet, lors de la première discussion de la loi. Nous touchons au terme
de la session législative : quand les chambres reviendront, ce n’est pas de la
révision de la loi de 1810 qu’elles s’occuperont d’abord, elles auront à voter
les budgets, les lois des comptes ; en renvoyant les industriels à la révision
de cette loi, c’est aux calendes grecques qu’on les renvoie. Laissez-leur donc
la législation existante ; je ne puis admettre de privilège, de monopole.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ce n’est pas le ministre qui a voulu porter atteinte
à l’industrie. Si l’on peut trouver une combinaison qui remplace le conseil
d’Etat, qui puisse donner les mêmes garanties relativement aux concessions
nouvelles qui seraient faites, je suis prêt à l’adopter. .
- L’article 3 est
mis aux voix et adopté.
Ont voté pour :
MM. Barthélemy, Berger, Boucqueau, Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier,
Davignon, Ch. de Brouckere, Fallon, de Gerlache, Delehaye, Dellafaille, de
Robaulx, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, de Terbecq, de
Theux, Domis, d’Hoffschmidt, Dubus, Dumont, Fleussu, Gendebien, Goethals,
Hye-Hoys, Jullien, Leclercq, Lefebvre, Morel-Danheel, Osy, Pirson, Poschet,
Raikem, A. Rodenbach. C.
Rodenbach, Thienpont, Taintenier, Ullens Vandenhove, Vanderbelen, Van Meenen,
Vergauwen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke,
et Zoude.
Ont voté contre :
MM. Devaux, Jacques, Lebeau, Liedts, Mary, Seron et Serruys.
M. Milcamps s’est
abstenu.
M. le
président. - Je prie M.
Milcamps de dire quels sont les motifs de son abstention.
M. Milcamps. - Je me suis abstenu parce que je me trouve entre
deux écueils, celui de refuser la confirmation de droits acquis qu’on présente
comme urgents, et celui de faire une loi dans laquelle nous nous désignerions
nous-mêmes pour l’exécuter, ce qui me paraît constituer une véritable confusion
de pouvoir.
PROJET DE LOI PORTANT CREATION DE L’ORDRE
NATIONAL DE LEOPOLD
M. Dumortier, rapporteur, s’exprime en ces termes. - Messieurs, de tous les
temps, les distinctions honorifiques ont été l’un des plus puissants mobiles
des grandes actions et l’une des plus douces récompenses de la vertu. Décernées
avec sagesse, elles contribuent puissamment à relever l’éclat du mérite et à
stimuler le courage. Chaque pays, chaque nation a eu ses genres de récompenses.
Rome décernait des couronnes civiques et murales aux citoyens qui avaient rendu
des services signalés à la patrie ; une couronne de laurier ornait le front du
triomphateur. Les républiques de la Grèce décernaient des couronnes de chêne et
de laurier pour récompenser le mérite et la vertu.
Cet appel à
l’honneur, aux sentiments généreux des citoyens, produisait des effets
prodigieux dont l’histoire a conservé le souvenir. Ces récompenses étaient d’un
prix inestimable aux yeux des héros de l’antiquité qu’elles rendaient
invincibles ; aussi, lorsque Xerxès prétendit envahir la Grèce et corrompre ses
généraux avec de l’or : « Comment, dit Démarate, pouvez-vous prétendre
corrompre des gens qui se contentent d’une simple couronne de chêne ou de
laurier ? »
Dans les nations
modernes, les ordres de chevalerie ont succédé aux couronnes de l’antiquité.
Chaque nation a des ordres qui lui sont propres pour récompenser le mérite. La
Belgique aussi a eu le sien, le plus illustre de tous. L’ordre de la Toison
d’Or est une propriété nationale ; il a toujours été considéré comme inhérent à
la couronne de la Belgique, et ce n’est qu’à ce titre que l’Espagne et l’Autriche
se sont crues en droit de le décerner.
Le congrès n’a pas
voulu priver le pays de ce puissant véhicule, et dans les circonstances
actuelles il devenait nécessaire de créer un ordre pour stimuler le courage des
braves. C’est ce qu’a senti le gouvernement, en vous présentant un projet de
loi pour la création d’un ordre national.
Les sections se
sont unanimement prononcées pour la création d’un ordre militaire, dont la
nécessité est vivement sentie ; mais l’examen du projet de loi qui vous est
soumis a soulevé plusieurs graves et importantes questions : on a recherché
dans vos sections jusqu’à quel point la création d’un ordre civil était
compatible avec les articles 76 et 78 de la constitution ; on a recherche si,
même en écartant la question d’inconstitutionnalité, il était opportun
d’établir un ordre civil dans les circonstances actuelles. Les opinions ont été
partagées sur ces deux points.
Relativement à la
question de constitutionnalité, l’objection principale présentée dans toutes
les sections se tire de l’article 76 de la constitution, portant que le Roi
confère les ordres militaires en observant à cet égard ce que la loi prescrit.
Plusieurs sections ont pensé que cet article était limitatif et qu’il excluait
l’ordre civil. A l’appui de leur opinion, elles citent le rapport de la section
centrale du congrès sur le titre III, chapitre 2, de la constitution, qui leur
a paru devoir être considéré comme l’exposé des motifs de ce chapitre. Ce
rapport s’exprime en ces termes :
« Des
sections ont proposé d’attribuer au chef de l’Etat le droit de conférer les
titres de noblesse et les ordres civils et militaires. La section centrale a
partagé l’avis de ces sections, quant aux titres de noblesse, à la majorité de
huit voix contre trois. Relativement aux ordres de chevalerie, la section
centrale a adopté, à l’unanimité, leur avis quant aux ordres militaires, et
elle l’a rejeté, aussi à l’unanimité, quant aux ordres civils. »
Rapprochant ce
rapport de l’article 76 le la constitution, plusieurs membres se sont crus fondés
à établir que cet article était limitatif, et que dès lors l’établissement d’un
ordre civil était incompatible avec la constitution. Suivant eux le Roi n’ayant
(article 78) d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la
constitution et les lois portées en vertu de la constitution, et l’article 76
n’ayant formellement autorisé que la collation d’ordres militaires, la loi qui
créerait un ordre civil serait portée non pas en vertu de la constitution, mais
contradictoirement à la constitution. Suivant eux encore, à la suite des
scandaleuses distributions de l’ordre du Lion-Belgique pendant les dernières
années du roi Guillaume, le congrès aurait voulu, limitant le pouvoir royal,
opposer une barrière à de pareils abus qui n’ont pour résultat que d’exercer
une influence funeste sur l’indépendance des citoyens, et, par la suite du
temps, deviennent inévitablement un moyen de corruption accordé au pouvoir et
décerné le plus souvent à la servilité.
D’autres membres,
au contraire, ont cru que la création d’un ordre civil n’avait rien
d’inconstitutionnel. Ils fondent leur opinion sur ce que le rapport de la
section centrale du congrès n’est que l’opinion des membres qui la composent,
mais que les membres d’une assemblée délibérante ne prenant pas part à la
discussion, on ne peut juger de l’opinion de l’assemblée que par le vote
lui-même et le texte auquel il se rapporte. Dès lors, il n’y a pas de
présomption que l’opinion de la section centrale doive être envisagée comme
celle du congrès : dès lors encore, la question doit être jugée par ce qui se
trouve dans le texte de la constitution et non d’après ce qui ne s’y trouve
pas, et, comme tout ce qui n’est pas défendu est permis, il en résulte que la
constitution n’établit pas de prohibition d’un ordre civil. Argumentant d’après
ces principes, suivant eux tout ce qui résulte de l’article 76 de la
constitution, c’est que les ordres militaires sont conférés par le Roi, et
qu’on ne peut lui refuser une loi à cet effet. Mais pour ce qui est d’un ordre
civil, le silence de la constitution n’empêche pas qu’il est soit établi ;
seulement c’est à la loi de décider quel sera celui qui sera appelé à le
conférer.
Telles sont,
messieurs, les raisons alléguées de part et d’autre dans cette grave et
importante question. Il résulte du dépouillement des procès-verbaux des
sections, que dans quatre d’entre elles la majorité s’est prononcée pour la
constitutionnalité du projet, tandis que dans une seule la majorité a été d’un
avis contraire, et que dans la sixième les voix se sont également partagées.
Examinée dans
votre section centrale, cette question a donné lieu à de longs débats, jusqu’à
ce qu’enfin cinq membres contre deux se soient prononcés pour la
constitutionnalité d’un ordre civil.
Ce principe une
fois admis, restait à examiner la question d’opportunité.
Ici, plusieurs
membres ont estimé que le moment est fort mal choisi pour la création l’un
ordre civil.
A la suite des
révolutions, les distributions peuvent être guidées bien plus par l’esprit de
passion ou d’intrigue, que par les règles d’une sévère justice. D’après cela,
tout en admettant la constitutionnalité du projet, ils étaient portés à
demander l’ajournement de l’ordre civil.
En réponse à cette
objection, l’on a observé que la conclusion des traités et le futur mariage du
Roi rendaient nécessaire l’adoption du projet de loi. On conçoit en effet qu’il
est convenable de mettre le souverain à même de répondre à des usages
consacrés, et l’on a ajouté que plusieurs diplomates étrangers n’étant pas
militaires, la création de l’ordre civil devenait indispensable.
La question une
fois placée sur ce terrain, les sections ont examiné s’il ne conviendrait pas
de n’autoriser dans le royaume que la seule distribution de croix pour services
militaires, tout en laissant au Roi la faculté d’en décerner aux étrangers,
même non militaires. A cet effet une section avait proposé d’ajouter à
l’article 4 du projet le paragraphe suivant :
« L’ordre ne
peut être conféré aux régnicoles que pour services militaires. »
Cet amendement a été
longuement débattu dans votre section centrale. On a objecté qu’il était des
genres de mérite que la décoration civile peut seule récompenser, comme les
sciences, les lettres et les arts ; qu’il était utile et nécessaire de pouvoir
décorer les grands industriels qui travaillent pour la prospérité du pays.
Enfin trois voix
s’étant prononcées pour l’amendement, et trois voix contre, il n’y a pas eu de
résolution prise, et l’amendement a été écarté.
La première
section avait proposé un amendement ainsi conçu :
« La
décoration civile ne peut être décernée aux membres des chambres, des conseils
provinciaux et de l’ordre judiciaire, aussi longtemps qu’ils sont en
fonction. »
Le but de cet
amendement était d’éviter de mettre entre les mains du pouvoir une arme qui, en
portant atteinte à l’indépendance des mandataires du peuple et des magistrats,
peut avoir les plus funestes conséquences pour les libertés publiques ainsi
qu’une expérience récente l’avait démontré.
Votre section
centrale n’a point partagé cet avis, et elle a écarté l’amendement à la
majorité de cinq voix contre une. Suivant elle, exclure les membres de
chambres, des conseils provinciaux et de l’ordre judiciaire, c’est exclure
l’élite de la nation, c’est tuer l’ordre dès sa naissance. Si les représentants
du peuple et les juges ne peuvent pas résister aux attraits d’une décoration
sans s’exposer à la corruption, qui donc sera incorruptible ? Si l’homme décoré
est libre, il illustre l’ordre et le relève dans l’opinion publique ; s’il ne
l’est pas, il portera sur sa poitrine la marque de sa servilité.
Telles sont,
messieurs, les raisons qui ont décidé la majorité de votre section centrale à
écarter l’amendement de la première section. Mais elle a cru cependant que,
pour éviter une influence qui peut dégénérer en corruption, il convenait le
soumettre à une réélection tout membre des chambres qui accepte l’ordre pour
motifs civils. A la majorité de quatre voix contre deux, elle a l’honneur de
vous proposer un article pour atteindre ce résultat. Dans cet article elle n’a
soumis à une réélection que les membres des chambres décorés pour motifs
civils, parce qu’il lui a paru qu’il n’était pas juste de soumettre à une
réélection ceux qui auraient obtenu l’ordre pour faits militaires.
Plusieurs sections
ont demandé que le brevet stipulât la nature des motifs pour lesquels l’ordre
est décerné, et que toute nomination ne puisse avoir lieu que par arrêté royal,
inséré textuellement au Bulletin des lois.
Votre section centrale a cru voir dans cette proposition une garantie contre
les abus, et elle l’a admise à l’unanimité.
La dénomination de
l’ordre a été aussi diversement envisagée par vos sections. La première, la
seconde et la quatrième section ont admis à la majorité des voix, la
dénomination proposée d’ « Ordre de l’Union. » La cinquième et
la sixième ont demandé que l’on substituât celle d’ « ordre de
Léopold ; » enfin, dans la troisième section, quatre voix se sont
prononcées pour le titre d’ « Ordre Léopold » et un pareil nombre
pour celui de « Lion-Belgique. »
Votre section
centrale s’étant partagée entre ces trois propositions, la majorité a penché
pour la désignation d’ordre Léopold, et l’article premier a été rédigé en
conséquence. En adoptant cette désignation, votre section centrale n’a
nullement été guidée par des motifs d’adulation ; mais il lui a paru que le Roi
étant le chef d’une dynastie nouvelle dont le souvenir se confond avec la
révolution, il convenait de consacrer ce fait historique, en attachant à
l’ordre national le nom de l’élu du peuple belge.
L’article a été
admis sans observation,
Une section a
proposé un amendement à l’article 3 ; elle aurait désiré que l’on adjoignît aux
quatre classes dont l’ordre se compose une classe d’agrégés, ainsi que cela
avait lieu pour l’ordre du Lion-Belgique. Cette proposition a été écartée à
l’unanimité par votre section centrale ; elle a cru que par la création de
cette cinquième classe, on introduisait une distinction qui semble réprouvée
par le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, et qui jetterait une
défaveur sur les classes inférieures de la société auxquelles on paraît vouloir
consacrer la dénomination d’agrégés.
La deuxième
section avait demandé que les grades de l’ordre national ne pussent être
obtenus par des Belges que successivement, en sorte que l’on ne pourrait
devenir officier de l’ordre qu’après avoir été chevalier, et ainsi des autres
grades. Votre section centrale estime qu’il est trop facile d’éluder une
semblable disposition, et elle l’a en conséquence écartée.
L’article 4 a été
admis avec cette modification que les nominations auront lieu par arrêté royal
inséré au Bulletin des lois, en
énumérant la nature des motifs pour lesquels l’ordre est décerné.
Un nouvel article
5 impose la réélection aux membres des chambres qui accepteraient l’ordre pour
motifs civils.
L’article 5 du
projet, qui deviendra l’article 6, a été adopté à l’unanimité, sauf que l’on a
substitué les mots « arrêté royal » à ceux « règlement
d’administration publique. »
L’article 6 du
projet (maintenant article 7) institue une pension de cent francs, en faveur
des militaires d’un grade inférieur à celui d’officier, et statue que cette
dépense sera annuellement portée au budget de l’Etat.
Une section a demandé
s’il ne conviendrait pas de limiter le nombre des militaires à décorer avec
pension ; une autre a proposé d’en retrancher le second paragraphe ; une autre
enfin a demandé que la pension de l’ordre puisse se cumuler avec toute autre
pension militaire.
Relativement à la
première proposition, il a paru à votre section centrale qu’à la veille d’une
guerre, il était impossible de limiter le nombre des militaires à décorer avec
pension. D’ailleurs, le soldat n’intrigue pas, et lorsque par une action d’éclat
il obtient la croix des braves, il est hors de doute qu’il a bien mérité de
jouir de la pension qui y est attachée.
Cette
considération a porté votre section centrale à maintenir le deuxième paragraphe
de l’article. Il faut que le soldat qui a obtenu la décoration, ait une
certitude que la pension ne lui sera pas enlevée. D’ailleurs le budget n’étant
qu’une loi d’application, il convenait dans une loi spéciale de poser le
principe de manière à ne pas mettre en question chaque année la pension des
braves qui ont versé leur sang pour la patrie.
Quant à la
proposition relative au cumul de la pension avec toute autre pension militaire,
votre section centrale a estimé qu’elle devait être admise, mais aussi elle a
pensé que, conformément au vœu exprimé par la plupart des sections, cette
pension devait cesser dès que le militaire acquerrait le rang d’officier dans
l’armée. On conçoit en effet qu’il eût été disparate de voir certains officiers
décorés avoir droit à une pension, tandis que d’autres en seraient privés.
L’article 7 du
projet ministériel porte que « la qualité de membre de l’ordre se perd et
les prérogatives attachées sont suspendues par les mêmes causes que celles qui
font perdre ou qui suspendent les qualités ou les droits du citoyen belge,
d’après les dispositions des lois en vigueur. »
Cette disposition
a soulevé la question de savoir si, lorsque l’on cesse d’être Belge, en vertu
de l’article 17 du code civil, on perd, par cela même, la qualité de membre de
l’ordre. Votre section centrale n’a pu le croire ; il lui a paru que
l’intention de l’auteur de l’article avait été d’atteindre celui qui serait
puni par les lois pénales, et non les cas prévus par l’article 17 du code
civil. Elle observe qu’aucun serment n’étant attaché à l’acceptation de l’ordre,
il serait absurde de penser que ceux qui l’ont acquis pour services rendus au
pays, se trouveraient par là inféodés au territoire de la Belgique. En
conséquence nous vous proposons une nouvelle rédaction de cet article dans le
sens des observations qui précèdent.
Une section a
demandé qu’il soit ajouté au projet de loi un article additionnel portant que
les ordres du Lion-Belgique et de Guillaume sont abrogés et ne pourront être
portés en Belgique.
A l’appui de sa
demande elle observe que, bien que la collation de ces ordres fasse partie de
la prérogative royale établie par la loi fondamentale du ci-devant royaume des
Pays-Bas, les lois qui les établissent n’ont pas cessé d’être lois du royaume,
et qu’ainsi les titulaires seraient encore en droit de les porter. La section
centrale n’a pas cru pouvoir admettre l’article proposé, qui semble porter
atteinte à des droits acquis ; mais elle a cru qu’afin d’éviter les rixes et
contestations qui pourraient survenir par suite du défaut de disposition
législative à cet égard, il convenait d’insérer un article tendant à empêcher
de porter les ordres de Guillaume et du Lion-Belgique, sans l’autorisation du
Roi.
Une section avait
exprimé le vœu que l’on insérât une disposition tendant à autoriser le
gouvernement à échanger les diplômes de Guillaume contre ceux de l’ordre de
Léopold.
En effet,
messieurs, il y a cette différence entre l’ordre de Guillaume et celui du
Lion-Belgique, que, tandis que ce dernier est devenu impopulaire par les
scandaleuses distributions faites pendant les dernières années du gouvernement
précédent, l’ordre de Guillaume, au contraire, n’était généralement accordé que
pour services réels, et lorsqu’un Belge obtenait cette décoration, on sait
comment il devait l’avoir méritée. Il paraît donc juste que le gouvernement
puisse changer les diplômes de cet ordre contre ceux de l’ordre nouveau,
d’autant plus que le nom et le ruban de l’ordre de Guillaume représentent des
idées répudiées par la volonté nationale et proscrites par le congrès. Mais
votre section centrale a pensé que le gouvernement était naturellement investi
de ce droit et qu’il était inutile de le formuler dans la loi.
En conséquence, la
section centrale a l’honneur de vous proposer par mon organe le projet de loi
dont la teneur suit :
« Léopold,
Roi des Belges, etc.
« Art. 1er.
Il est créé un Ordre national, destiné à récompenser les services rendus à la
patrie.
« Il porte le
titre d’ordre de Léopold.
« Art. 2. Le
Roi est grand-maître de l’Ordre.
« Art. 3. L’Ordre se divise en quatre
classes.
« Les membres
de la première portent le titre de grand-cordon ;
« Ceux de la
seconde, celui de commandeur ;
« Ceux de la
troisième, celui d’officier ;
« Ceux de la
quatrième, celui de chevalier.
« Art. 4. Les
nominations de l’ordre appartiennent au Roi.
« Aucune
nomination ne peut avoir lieu que par arrêté royal, précisant les motifs pour
lesquels l’ordre est décerné. Cet arrêté devra être inséré textuellement au Bulletin des Lois.
« Art. 5.
Sera soumis à une réélection, tout membre des chambres qui accepte l’ordre avec
un autre titre que pour motifs militaires.
« Art. 6. La
devise de l’ordre est la même que celle du pays : L’Union fait la force. Les statuts intérieurs et la forme de la
décoration sont déterminés par un arrêté royal.
« Art. 7.
Tout militaire d’un grade inférieur à celui d’officier, et qui est membre de
l’ordre, jouit d’une pension annuelle, inaliénable et insaisissable de cent
francs.
« Cette
pension n’est pas incompatible avec une pension acquise avec un autre titre.
Elle cessera si le militaire est promu au grade d’officier dans l’armée.
« Il est
porté chaque année, au budget, une somme affectée à cette dépense, ainsi qu’aux
autres frais relatifs à l’ordre.
« Art. 8. La
qualité de membre de l’ordre et la pension qui y est attachée se perdent ou
sont suspendues par les mêmes causes qui, d’après les lois pénales, font perdre
ou suspendent les droits de citoyen belge.
« Art. 9. La
décoration d’aucun autre ordre que celui créé par la présente loi ne peut être
portée par des Belges sans l’autorisation du Roi. »
La chambre ordonne
l’impression et la distribution du projet de loi et de ses motifs ; elle en
fixe la discussion à lundi.
PROJET DE LOI FIXANT LE TRAITEMENT DES MEMBRES
DE L’ORDRE JUDICIAIRE
M. le ministre de la justice (M. Raikem) présente ensuite un projet de loi tendant à fixer le
traitement des membres de l’ordre judiciaire.
_ La chambre
ordonne l’impression et la distribution du projet.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A FAIRE
DES CONCESSIONS DE ROUTES ET DE CANAUX
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). présente un projet de loi tendant à définir et à régler
les droits du gouvernement à faire des concessions de routes, canaux, etc.,
moyennant un péage.
(suite et fin au Moniteur belge n°184,
si le supplément n’est pas trouvé. La suite de ce Moniteur est : )
M. de Robaulx demande le
renvoi de ce projet à une commission, parce qu’il est très urgent, tant pour
faire cesser des doutes qui se sont élevés que pour procurer du travail à la
classe ouvrière et activer l’industrie.
M. le
président annonce qu’il
convoquera les sections pour demain, afin d’examiner de suite ce projet.
La séance est
levée à quatre heures un quart.