Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 juin
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi portant abolition de la
peine de mort (H. de Brouckere, Jaminé,
Liedts, H. de Brouckere)
3) Projet de loi portant organisation de la
garde civique et d’une armée de réserve (Destouvelles,
d’Huart, Seron, Leclercq)
2) Projet
de loi portant organisation judiciaire.
a) Cours d’appel :
Ministère public (Barthélemy, Lebègue,
Destouvelles, Van Meenen,
Barthélemy, Ch. de Brouckere,
Leclercq, Raikem, Legrelle, Helias d’Huddeghem, Lebègue, Destouvelles, Legrelle, Lebeau, Lebègue, Raikem, Lebeau,
Mesdach, Raikem), mode de
nomination des greffiers et commis-greffiers (H. de
Brouckere, Leclercq, Mesdach,
Liedts, Destouvelles, d’Elhoungne, H. de Brouckere,
Mesdach, Raikem, Barthélemy, Gendebien), mode
de présentation des conseillers par les conseils provinciaux (Raikem,
Dubus, d’Elhoungne, Dubus, Legrelle, Devaux,
Lebègue, de Roo, Mary,
H. de Brouckere, Devaux, Gendebien, Lebègue, Devaux, Leclercq, Devaux, Van Innis, Devaux, Leclercq), composition des
chambres réunies de la cour de cassation et des cours d’appel (Bourgeois, Destouvelles, d’Elhoungne, Bourgeois)
b) Tribunaux de première instance. Circonscription (C. Rodenbach, Dewitte, de Terbecq, Dewitte, H. de Brouckere, Destouvelles,
de Terbecq, Raikem, d’Elhoungne, Raikem, Devaux, Destouvelles, Dewitte, Bourgeois, Destouvelles, Leclercq, Raikem, d’Elhoungne)
(Moniteur belge n°173, du 21 juin 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A midi et demi on
procède à l’appel nominal.
M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
présente l’analyse des pétitions adressées à la chambre.
PROPOSITION DE LOI PORTANT ABOLITION DE LA PEINE
DE MORT
M. le président. - Messieurs, la proposition déposée hier par M. H. de Brouckere a été
renvoyée dans les sections. La première rejette la lecture. La seconde section
autorise la lecture, en demandant que la discussion de la prise en
considération ait lieu dans la prochaine session. La troisième section demande
que la lecture soit renvoyée à la session prochaine. La quatrième section
autorise purement et simplement la lecture. La cinquième est d’avis que pour le
moment la proposition ne doit pas être développée. La sixième demande
l’ajournement de la lecture.
Il
résulte de là qu’une seule section autorise la lecture.
M. Jaminé. - Mais la deuxième autorise aussi la lecture. Il est
vrai qu’elle demande que la discussion de la prise en considération n’ait lieu
que dans la session prochaine.
M. Liedts. Il n’y a pas qu’une seule section qui autorise la
lecture, il y en a deux.
M. le président. - M. de Brouckere a la parole pour lire sa
proposition.
M. H. de Brouckere. - M. le président, voulez-vous me l’envoyer ?
M. Lebègue., l’un des secrétaires, fait lecture de cette
proposition ; elle est conçue dans les termes suivants :
« Projet de
loi :
« Léopold,
Roi des Belges, à tous présents et à venir, salut :
« Considérant que,
dans l’impossibilité de procéder dans un bref délai à la révision de la
législation pénale, il est urgent d’en faire disparaître les peines qui ont
cessé d’être en harmonie avec nos mœurs, qui sont contraires à l’humanité et à
la justice, ou dont l’exécution est devenue impossible ;
« Considérant
qu’il importe cependant de laisser subsister dans les peines une graduation qui
permette de punir chaque crime selon sa gravité ;
« Nous avons,
de commun accord, etc.
« Art. 1. La
peine de mort, celle de la déportation, la flétrissure et la mutilation,
mentionnée, dans l’article 13 du code pénal, sont abrogées.
« Art. 2. La peine
de mort est remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité.
« Art. 3.
Dans tous les cas on les lois actuellement en vigueur prononcent cette dernière
peine, elle est remplacée par celle des travaux forcés pour un temps qui ne
pourra excéder trente années ni être moindre de quinze.
« Art. 4.
Dans tous les cas où les lois prononcent la déportation ou les travaux forcés à
temps, cette dernière peine est appliquée pour un temps qui ne pourra excéder
quinze aunées ni être moindre de cinq.
« Art. 5.
L’arrêté-loi du 30 janvier 1815 (publié le 31 juillet suivant) reste en
vigueur, mais seulement pour les cas prévus par l’article précédent. »
« Art. 6.
Sont et demeurent abrogées les dispositions de l’article ... de la loi
monétaire du … modifiant les articles 132, 133 et 134 du code pénal auxquels
s’appliquera la présente loi.
« Art. 7. La
présente loi n’est point applicable aux crimes militaires en temps de
guerre. »
M. H. de Brouckere. - Il y a plusieurs projets qui doivent être discutés
par l’assemblée et qui sont très urgent ; je demanderai en conséquence la
permission de présenter le développement de ma proposition dans quinze jours ;
alors la plupart des lois auront été soumises à l’assemblée.
Si aucun membre de
la chambre ne s’opposait à la proposition, fort de plusieurs antécédents, je
demanderais que la prise en considération fût décidée immédiatement. Quant à
moi, je ne puis développer ma proposition qui ne mériterait pas au recours
d’être prise en considération.
M. le président. - On demande à présenter le développement
d’aujourd’hui en 15.
M. H. de Brouckere. - A condition que la proposition sera prise en
considération.
M. Jullien
et M. Lebeau. - Ce n’est pas possible.
M. le président. - La proposition sera développée dans 15 jours.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DE LA GARDE
CIVIQUE ET D’UNE ARMEE DE RESERVE
M. le président. - La parole est à M. le rapporteur de la section
centrale sur le projet de loi relatif à la formation d’une armée de réserve.
M. Destouvelles monte à la tribune. Il s’exprime en ces termes. - Messieurs, le
désarmement général si longtemps annoncé ne s’effectue pas.
L’attitude
guerrière des puissances du Nord semble présager de nouvelles luttes.
Leurs nombreuses
phalanges s’ébranlent.
L’armée hollandaise
campe près de nos frontières.
Les protocoles se
traînent lentement. Le traité du 15 novembre reste sans exécution.
La Belgique ne
peut voir avec indifférence ces mouvements qui s’opèrent autour d’elle, et se
reposer exclusivement sur la diplomatie du soin de ses intérêts les plus chers,
de son indépendance et de ses libertés.
Les chambres ont
naguère fait connaître au Roi la pensée du pays. S. M. l’a comprise.
Le contingent de
l’armée, fixé à 80,000 hommes par la loi du 30 décembre 1831, est tout entier
sous les armes.
20,000 gardes
civiques sont organisés et en activité.
La Belgique compte
donc en ce moment 100,000 combattants prêts à entrer en campagne.
Quelque imposantes
que soient ces forces, le gouvernement vous demande l’autorisation de former
une armée de réserve. Une réserve, vous a dit le ministre directeur de la
guerre, est une des conditions essentielles d’une bonne organisation militaire
tant pour l’attaque que pour la défense.
Le projet de loi
qui vous a été présenté et l’exposé des motifs qui l’accompagne ont été
examinés dans vos sections.
Le principe de la
formation d’une armée de réserve a été unanimement admis. Mais le mode de sa
composition a trouvé de nombreux contradicteurs. Les articles 1er et 3
particulièrement n’ont pas reçu un accueil favorable.
La question
d’inconstitutionnalité a été soulevée et vivement discutée. En effet, l’article
premier du projet primitif porte que l’armée de réserve sera prise parmi les
hommes qui composent actuellement le premier ban de la garde civique. Par
l’article 3 le gouvernement réclame la faculté de conserver ou de remplacer à
son gré les officiers, sous-officiers et caporaux. Or, l’article 122 de la
constitution attribue aux gardes les nominations des titulaires de tous les
grades jusqu’à celui de capitaine au moins, sauf les exceptions jugées
nécessaires pour les comptables. On ne peut, néanmoins, méconnaître que
l’article 122, pris dans un sens trop absolu, entraînerait de graves
inconvénients, lorsque les gardes civiques sont mobilisés et mis en activité.
Car, outre qu’une partie des titulaires choisis par les gardes peut laisser à
désirer les connaissances militaires indispensables en temps de guerre, un
personnel trop nombreux surcharge le trésor de frais inutiles.
En ce moment, par
exemple, dans la ligne il y a un officier pour 38 hommes, et dans la garde
civique, un sur 23. En réorganisant les bataillons, en portant les compagnies
au complet de 100 à 150 hommes, conformément à la loi du 30 décembre 1830, on
obtiendrait une meilleure organisation et on ferait cesser des dépenses
onéreuses pour l’Etat. La section centrale appelle l’attention du gouvernement
sur cet important objet.
Le nouveau projet
qui va vous être soumis, en substituant le rappel de 30,000 hommes sur les
classes de la milice non encore libérées à la mise en activité de 50,000 gardes
civiques, place le gouvernement, par rapport aux hommes rappelés, dans la même
position où il se trouve relativement à l’armée de ligne.
L’inconstitutionnalité reprochée au premier projet est écartée. Les intentions
manifestées dans vos sections sont remplies. Pour vous mettre à même d’en
acquérir la certitude, je vais résumer leurs observations sur les articles
premier et 3. Les autres n’ont donné lieu qu’à de légers changements de
rédaction.
(Suit ce résumé, nous repris dans la présente
version numérisée. Le rapporteur continue ensuite ainsi :)
Trois nouvelles
rédactions de l’article 3 ont été successivement mises aux voix et rejetées.
Cependant la section a ordonné qu’elles seraient consignées dans son
procès-verbal pour être mises sous les yeux de la section centrale. Ces
diverses rédactions se rapprochant quant au fond, de celles qui ont été
présentées par les autres sections, il semble inutile de les résumer.
La section
centrale a invité le ministre de la guerre à venir partager ses travaux. II
s’est empressé de répondre à cette invitation. Conjointement avec lui, elle a
cherché les moyens de satisfaire à la demande du gouvernement. La nouvelle
rédaction adoptée par la section centrale, et dont j’aurai l’honneur de vous
donner lecture, paraît atteindre ce but.
Le gouvernement,
en proposant la levée d’une armée de réserve de 50,000 hommes, y comprenait les
20,000 gardes civiques du premier ban qui sont en ce moment d’activité.
Le nouveau projet
ne touche pas à ces 20,000 hommes. Il les fait seulement entrer en ligne de
compte pour arriver aux 50,000 déjà demandés. Mais comme ils sont organisés et
en activité, il ne les soumet pas aux dispositions de la nouvelle loi. Celle-ci
ne concerne que les 30,000 hommes à appeler à la défense de la patrie.
D’après les lois
sur la milice, les miliciens restés disponibles ne sont pas libérés du service
militaire, tant que les classes auxquelles ils appartiennent n’ont pas été
définitivement congédiées.
Les classes de
1826 à 1831 sont en ce moment sous les armes. Tous ceux qui font partie de ces
classes sont donc à la disposition du gouvernement, et en les appelant il
n’aggrave pas les obligations que leur impose la législation de 1817 et 1820
sur la milice.
L’article premier
du nouveau projet autorise la levée de 30,000 miliciens, qui, réunis avec les
20,000 gardes civiques, formeront le chiffre de 50,000 hommes.
L’article 2, pour
composer la réserve, appelle les miliciens disponibles sur les classes de 1826
à 1831.
Ces dispositions
ont sur le premier projet un double avantage. Elles font disparaître
l’inconstitutionnalité ; elles appellent des hommes encore soumis à la milice,
mais que les circonstances avaient permis de laisser jusqu’aujourd’hui dans
leurs loyers. Ces classes de 1830 et 1831 n’auraient pas fait partie de l’armée
de réserve, si elle eût été exclusivement composée des gardes civiques du
premier ban. Cependant, les miliciens de ces classes n’ont pas encore accompli
leur 21ème année, et généralement ils n’ont formé aucun établissement ; le
service militaire ne les a point encore atteints, tandis que les autres
classes, tant de l’armée de ligne que des gardes civiques, ont déjà passé
plusieurs années sous les drapeaux. La chambre appréciera ces puissantes
considérations.
L’article 3 a pris
la population pour base de la répartition ; et, afin de ne pas surcharger les
cantons dont la garde civique est en activité, il les exempte de concourir à la
formation de la réserve. Cette exemption est un acte de stricte justice.
Les articles 4, 5,
6, 7, 8, 9 et 10 ne concernent que des mesures d’exécution conformes, sauf
quelques légers changements apportés aux lois sur la milice.
Les articles 11 et
12 sont relatifs aux remplaçants ; l’article 11 exempte celui qui a fourni un
remplaçant actuellement servant dans l’armée de ligne. Sans porter atteinte,
par une disposition rétroactive, à des contrats passés de bonne foi sous
l’empire d’une législation qui les autorisait, ou reproduire cette odieuse
fiction française qui faisait rester les mêmes individus sous deux drapeaux, là
personnellement, ici par son remplaçant, la section centrale ne pouvait écarter
des actes légalement consommés.
L’article 12
reconnaît les droits consacrés par la loi du 22 juin 1831.
Les articles 11 et
12 préviennent toutes les plaintes, respectent tous les droits acquis.
Les sections n’ont
pas été d’accord sur l’époque à déterminer pour que les publications de mariage
dispensent ceux qui les auront requises de concourir à la réserve. Elles ont
respectivement adopté des termes plus ou moins rapprochés de la présentation du
projet communiqué à la chambre le 11 juin.
L’article 13 fixe
la première publication au 10 juin ; il exige que le mariage soit célébré dans
le délai de 30 jours.
Cette disposition,
au premier aspect, pourra paraître vigoureuse. Mais elle a été jugée
indispensable pour prévenir les fraudes, et ces unions simulées dans le seul
but de se soustraire à la loi, et qui traînent après elle de tardifs repentirs,
et sont souvent la source de troubles et de désordres.
Les articles 14 et
15 se rattachent à des mesures d’exécution.
Les causes qui
nécessitent l’augmentation de l’armée venant à cesser, la réserve sera
licenciée.
Le droit de
conférer les grades dans l’armée appartient au Roi ; ce droit est établi par
l’article 66 de la constitution. Ceux que S. M. aura accordés aux officiers de
la réserve ne pourraient leur être conservés après la paix sans surcharger le
trésor d’une dépense qui aggraverait la position des contribuables.
Le renvoi des
officiers de la réserve dans leurs foyers est la conséquence du licenciement de
cette partie de l’armée.
Vous remarquerez,
messieurs, la différence qui existe à cet égard entre les officiers de ligne et
ceux de la réserve.
Cependant la patrie
ne saurait sans ingratitude refuser d’acquitter la dette de la reconnaissance
envers les blessés, les veuves et orphelins. Ils jouiront des mêmes pensions
allouées à l’armée régulière.
Les dispositions
des articles 16, 17 et 18 complètent ainsi un projet dont la prompte exécution
donnera à la Belgique une attitude imposante.
Le pays,
messieurs, a fait au maintien de la tranquillité européenne de nombreux et
pénibles sacrifices ; il est temps qu’il en reçoive le prix. C’est pour le
recueillir qu’il fait un nouvel effort ; le meilleur moyen d’accélérer la
conclusion de la paix est de se préparer à la guerre. La Belgique est armée.
(Suit le texte du projet, non repris en cet
endroit de la présente version numérisée.)
M. le président.. - Le projet sera imprimé et distribué demain.
M. Destouvelles. - Nous devons dire que le gouvernement s’est rallié
au projet.
M. le président. - A quand la discussion ? (Demain ! demain ! Après-demain ! après-demain !)
La question et de
savoir si d’ici à demain on aura le temps d’examiner la loi.
M. d’Huart. - S’il est possible que le projet soit distribué demain,
on peut en commencer la discussion demain car chacun de nous l’a examiné.
M. Seron. - Demain il
nous sera impossible d’examiner le projet de loi avant d’arriver ici en séance.
C’est une plaisanterie ! C’est que vous n’avez pas envie de l’examiner.
M. Leclercq. - Ce projet est tout nouveau, personne ne l’a examiné
: il s’agit de 50 mille hommes ; il faut remettre la discussion à après-demain.
- La discussion
est renvoyée à après-demain.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE
Discussion des
articles
Article 34
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du projet de loi sur l’organisation judiciaire.
« Art. 34. Il
y a près de chaque cour un procureur-général et quatre substituts, dont deux
portent le titre d’avocats-généraux. »
M. Barthélemy. - Messieurs, d’après la différence des travaux des
diverses cours, vous saurez ce que vous avez à accorder à chacune d’elles ;
c’est en conséquence de cette différence de travaux que je demanderai pour
Bruxelles et Liége un procureur-général et 3 substituts, et pour Gand un
procureur-général et un substitut ; et je vais établir que cela est suffisant
pour le service.
Mais,
indépendamment de cette preuve, comme je suis occupé à signaler des abus, j’en
vais signaler un grave qui existe dans l’administration de la justice.
En 1814 on avait
un ministre de la police ; on a réuni ce ministère à celui de la justice ; avec
le ministre de la police on avait des commissaires, ils ont été supprimés, et
l’on a converti les procureurs-généraux en commissaires de police, et dès lors
ils ont cessé de faire le service du parquet. Autrefois nous avions dans les cours
des procureurs généraux qui ne dédaignaient pas les travaux du parquet. C’est
ainsi que nous avons eu des Merlin, des Daniels et des Beyts ; mais depuis
1814, les procureurs-généraux ont fait la police ; ils ont tous formé leurs
parquets en petits ministères ; ils out eu chacun un secrétaire et des commis,
dont les traitements sont au budget. Quant à un secrétaire je conçois bien
qu’ils peuvent en avoir besoin, mais relativement aux commis ils pouvaient s’en
passer ; des jeunes avocats en grand nombre ne demanderaient pas mieux que de
faire la besogne gratis, afin de parvenir à être classés dans les tribunaux
inférieurs. Quoi qu’il en soit, vous avez dans chaque parquet une espèce de
petit ministère de la police ; cet état ne peut durer, et les parquets doivent
rentrer dans leurs fonctions. Les procureurs-généraux doivent se faire honneur
d’assister aux audiences et de traiter des questions de jurisprudence ; ils
doivent se faire honneur de suivre la carrière parcourue par Dagnesseau, et qui
a immortalisé tant de grands magistrats.
Mais ce n’est pas
en faisant de la police obscure dans un cabinet qu’on peut acquérir cette
gloire.
En proposant,
comme j’ai l’honneur de le faire, pour les cours de Liège et de Bruxelles un
procureur-général et trois substituts, et pour la cour de Gand un
procureur-général et un substitut, vous voyez que vous avez de quoi faire le
service de quatre chambres dans les cours les plus occupées. Mais à Bruxelles
et à Liége il n’y a que trois chambres fixes dont les trois substituts feront
le service ; le procureur-général peut s’attacher à une section civile, s’il le
veut, et alors deux substituts s’attacheront à l’autre section civile et à la
chambre des appels de police correctionnelle. Cela peut s’exécuter de cette
manière-là ; il n’y en avait pas davantage autrefois. C’est depuis que les
substituts se sont abstenus de faire le service près des tribunaux qu’on en a
augmenté le nombre : voilà des abus que vous pouvez réprimer aujourd’hui ;
c’est le moment opportun. Si vous conservez un trop grand nombre d’employés, il
vous sera difficile d’en diminuer le nombre quand vous voudrez corriger
l’ensemble de l’administration.
Vous
avez reconnu qu’il y avait à Gand un tiers de besogne de moins que dans les
autres cours, et quand vous lui donnez un procureur-général et un substitut,
c’est bien assez.
Voilà mon
amendement, je l’enverrai écrit si l’on veut.
J’oubliais de dire
que, dans l’ancien régime, il n’y avait qu’un procureur-général et un substitut
au grand conseil.
M. Lebègue. - Mais je ne vois pas dans l’amendement la
reproduction de ce que je trouve dans l’article 34 ; cet article parle des
avocats-généraux.
M. Destouvelles. - On
distingue dans les cours les avocats-généraux et les substituts du parquet :
les avocats-généraux portent la parole à l’audience ; les substituts sont
chargés du service intérieur du parquet et particulièrement de la chambre des
mises en accusation.
Je crois que les
membres du parquet sont réduits à un trop petit nombre par l’amendement ; car
quoique le procureur-général porte la parole, non pas tous les jours, ce qui
est impossible, parce qu’il est une espèce d’administrateur général qui dirige
le parquet, qui correspond avec le ministre de la justice, et même avec le
gouvernement, on ne peut le forcer à tenir continuellement l’audience. Il ne
doit porter la parole que dans les grandes occasions, dans les questions
d’Etat. L’assujettir à de fréquentes audience, ce serait le distraire de ses
plus graves occupations ; il a une administration judiciaire, si je puis
m’exprimer ainsi. Deux avocats-généraux et deux substituts sont absolument
nécessaires.
M. Van Meenen. - Je prends
la parole dans une affaire qui en quelque sorte me concerne ; je prie cependant
la chambre de ne voir dans mes observations que des vues de bien public.
Je puis rassurer
l’honorable M. Barthélemy ; le procureur-général ne fait plus de police
administrative ; il fait ce qu’il doit faire, il dirige la police judiciaire
qui est sous sa surveillance. Or, cette direction de la police judiciaire
entraîne la nécessité pour le procureur-général d’avoir une correspondance très
active avec tous les procureurs du Roi.
Voilà d’abord un
point sur lequel il est constant que la correspondance du procureur-général est
une chose essentielle. Car notez bien que dans les circonstances actuelles où les
liens de la police sont relâchés par l’absence des commissaires de police, il
en résulte que la police judiciaire éprouve des tiraillements, des chocs, ce
qui rend les correspondances et plus fréquentes et plus embarrassées.
M. Barthélemy
rappelle les exemples de Daguessau, de Merlin, de Douai, de Daniels, qui ne
dédaignaient pas de porter la parole dans les audiences : je ne sais pas si un
M. Barthélemy connaît des procureurs généraux qui dédaignent de porter la
parole dans les circonstances graves, mais je puis lui certifier que je n’en
connais aucun qui dédaigne cet honneur : quant à moi je ne l’ai pas aussi
souvent que je le désire.
Le
procureur-général a une correspondance administrative intérieure ; il a une
correspondance qui doit être suivie avec la plus grande attention et la plus
grande sollicitude. Toute difficulté qu’éprouve un procureur du roi se reflète
au parquet ; c’est du procureur-général qu’il attend la direction à imprimer à
toute la police judiciaire.
Je ne crois donc
pas que l’amendement de M. Barthélemy puisse être adopté, je ne le crois pas
pour toutes les considérations qu’il a fait valoir et qui toutes sont déniées
par les faits ; elles supposent une absence complète de toute notion sur ce qui
constitue le travail d’un procureur-général.
Quant
à la question de savoir si vous augmenterez ou vous n’augmenterez pas le nombre
total des membres du parquet, c’est une question à part. Je ne sais pas si en
établissant trois cours au lieu de deux, on peut vouloir diminuer le nombre des
magistrats ; tout ce que je sais c’est qu’en établissant des cours, il faut
donner les magistrats indispensables pour faire le service.
Je dirai qu’à
Bruxelles, un procureur-général et quatre substituts, donc deux exerçant les
fonctions d’avocat-général, il n’y a rien de trop.
Voilà, Messieurs,
les observations que je croyais utile de vous soumettre.
M. Barthélemy. - On vous a dit que le procureur-général avait une
espèce d’administration à diriger ; et M. Van Meenen, vient de vous déclarer
que le procureur-général correspondait avec les procureurs du roi de son
ressort ; eh bien calculons le travail. Il y a trois procureurs du roi en
Brabant, trois dans le Hainaut, trois dans la province d’Anvers ; cela fait 9
correspondants pour le procureur-général de Bruxelles.
Pour faire cette
correspondance, il s un secrétaire très habitué à ce genre de travail et un
secrétaire payé par le budget. Je crois même qu’à Bruxelles il y en a deux… (Non ! non !) Au moins il y en a un… Ce
secrétaire connaît la marche des affaires, il rédige toutes les lettres, et M.
le procureur général n’a qu’à signer. (On
rit.) Cela ne peut donc empêcher M. le procureur-général de tenir les
audiences.
Sa principale
affaire, son premier devoir, est de tenir les audiences, et tous les magistrats
que j’ai connus se sont fait honneur d’y assister. Les membres du barreau vous
diront que MM. Beyts et Daniels y assistaient, leurs successeurs s’en sont
abstenus depuis qu’on leur a donné la police. Ou nous assure qu’ils ne l’ont
plus ; tant mieux.
Le
mal s’était étendu jusqu’au procureur du Roi de Bruxelles ; ce procureur du Roi
avait un substitut dans son parquet ; il y venait à onze heures pour
correspondre avec le directeur de police Knyl et il s’en allait à une heure. Je
ne mettrai pas les pieds à l’audience.
C’est actuellement
le moment de faire cesser tous les abus. Le procureur-général à une
correspondance avec 9 procureurs du Roi je le veux bien ; il leur écrit à
chacun une fois par semaine et voilà tout le travail. (On rit.)
M. Ch. de Brouckere. - Le parquet est composé d’un procureur-général, de
quatre avocats-généraux, de quatre substituts ; on propose de réduire le nombre
des membres à cinq, c’est-à-dire à un procureur-général, deux avocats-généraux
et deux substituts. Il est impossible, comme le fait observer M. Van Meenen, de
marcher sans cela.
En effet, il y
aura trois chambres qui occuperont trois membres du parquet ; le quatrième sera
employé aux assises. Quand il ne sera pas aux assises, il aidera un de ses
collègues et notamment celui qui est chargé du service des mises en accusation,
qui sera obéré de travail, les affaires criminelles de neuf arrondissements
devant lui passer par les mains.
Il restera un
membre du parquet qui ne sera attaché à aucune chambre spécialement ; ce sera
le procureur-général. Il siégera quelquefois, il portera la parole dans les
affaires d’une haute importance, mais il est impossible qu’avec le grand nombre
d’affaires qu’il a à diriger, il puisse être attaché à une chambre quelconque.
S’il
n’y avait pas un des cinq membres du parquet qui ne fût pas attaché à une
chambre, on ne pourrait pas remplacer ceux qui se trouveraient empêchés.
Messieurs, le
procureur-général a une correspondance avec bien d’autres fonctionnaires que
les procureurs du Roi, et à ceux-ci il a souvent non une lettre, mais cinq, six
et sept lettres par jour à écrire, des lettres très longues et qui exigent
beaucoup de travail.
Je demande pour
Bruxelles et pour Liège un procureur-général deux avocats-généraux, deux
substituts.
J’ignore si pour
Gand on pourra diminuer le personnel du parquet.
M. le président. - La parole est à M. Leclercq.
M. Leclercq. - J’y renonce
si la chambre est suffisamment éclairée.
M. Helias
d’Huddeghem. - Je demande la
parole.
M. le président. - Alors M. Leclercq va parler.
M. Leclercq. - Je n’ai renoncé à la parole qu’autant que la
chambre croirait ne pas devoir continuer la discussion.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem). - On vous a fait observer que le projet de la section
centrale, conforme à celui du gouvernement quant à l’article 34, ne présentait
pas un personnel trop nombreux pour Bruxelles et pour Liége.
Relativement à
Gand je ne sais pas si ce personnel ne serait pas trop considérable. Comme on a
réduit le nombre des conseillers de cette cour, je ne m’opposerai pas à ce que
le parquet soit également réduit. Cependant je ne pense pas que l’on puisse
proposer autre chose que la réduction d’un substitut.
M. Legrelle. - Je demande
la suppression d’un substitut à Gand ; c’est un sous-amendement que j’ai
l’honneur de faire.
M. Helias
d’Huddeghem. - A Gand il
faudra au moins deux chambres civiles, une chambre des appels de police correctionnelle,
laquelle tiendra les assises ; si un substitut ne pouvait pas remplir ses
fonctions, il faudrait le remplacer par un conseiller ; mais les conseillers
que vous avez votés sont très peu nombreux, il n’y en a que 15 ; le
remplacement serait impossible. Conservez donc au moins le personnel du
parquet.
M. Lebègue. - Les assises ne durent que huit jours dans les
Flandres : à Gand elles occupent tout au plus pendant trois ou quatre semaines
; voilà des faits qu’on ne peut contester. La réduction demandée est possible.
M. le président. - Je vais mettre aux voix les amendements de M.
Barthélemy.
« 1° Je
propose pour les cours de Bruxelles et de Liége un procureur-général et trois
substituts. »
L’amendement est rejeté.
« 2° Je
propose pour la cour de Gand un procureur-général et deux substituts. »
L’amendement
de M. Legrelle, par lequel cet honorable membre demande pour Gand un procureur
général et trois substituts, est mis aux voix et adopté.
M. Destouvelles. - L’amendement est adopté, mais il est incomplet,
parce qu’il faut savoir combien de substituts prendront le nom
d’avocats-généraux, et combien garderont le titre de substituts.
M. Legrelle. - Il s’agit ici de deux avocats-généraux et d’un
substitut.
M. Lebeau. - Un seul avocat-général suffit.
M. Lebègue. - M. Legrelle
a dit que son intention était qu’il y eût deux avocats-généraux.
M. Legrelle. - Non ! non !
M. Lebègue. Mais la proposition a été combattue par M. le
ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Je n’ai pas parlé de l’objet qu’on vient de mentionner ; je n’ai pas proposé
deux avocats-généraux : dans le projet du gouvernement, la cour de Gand avait
trois substituts, et l’un d’eux devait porter le titre d’avocat-général.
M. le président. - On va mettre aux voix s’il y aura deux avocats-généraux ou s’il n’y
en aura qu’un.
M. Lebeau. - On ne peut pas mettre aux voix une question
complexe ; mettez aux voix s’il y aura un avocat-général.
- La chambre
consultée décide qu’il n’y aura qu’un avocat-général à la cour de Gand et deux
substituts.
M. Mesdach. - Est-il dans l’intention de la section centrale que
ce soient les plus anciens eu grade qui prennent le titre d’avocats-généraux,
ou bien si ce sont les substituts actuellement en fonction, qui passent de
droit avocats-généraux ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Un article de la constitution dit que le Roi nomme
et révoque les agents du parquet ; c’est donc au Roi à fixer leur rang.
M. le président. - L’article 34 est maintenant ainsi conçu :
« Il y a près
de la cour de Bruxelles et de Liége un procureur-général et quatre substituts,
dont deux portent le titre d’avocats généraux.
« Il y a près
de la cour de Gand un procureur-général et trois substituts, dont un porte le
titre d’avocat-général. »
- L’article mis
aux voix est adopté.
Article 35
« Art. 35. Il
y a près de chaque cour un greffier, nommé directement par le Roi, et des
commis-greffiers, dont le nombre est, d’après les besoins du service, fixé par
le gouvernement.
« Les commis-greffiers
sont nommés par le Roi sur une liste triple de candidats, présentée par le
greffier. »
M. H. de Brouckere. - Messieurs, d’après le projet de la section
centrale, la nomination des commis-greffiers, qui est laissée au Roi, se ferait
sur une liste triple de candidats présentée par le greffier, de manière que la
cour n’interviendrait en rien pour la nomination du commis-greffier. Je crois
qu’une disposition pareille aurait de très mauvais résultats.
Je ne sais si mon
amendement aura du succès, je crains qu’il n’en ait pas parce que M. le
ministre de la justice le combattra ; cependant je n’en désirerai pas moins
qu’il soit inséré dans la loi.
Messieurs, il
arrive très souvent que des hommes qui conviennent au greffier pour être ses
commis ne conviennent nullement à la cour.
Il est cependant à
désirer que les membres des cours qui sont obligés de travailler
continuellement avec les commis-greffiers, n’aient pas pour collaborateurs des
hommes qui ne leur conviennent pas, et qui peut-être ne sont pas faits pour
travailler avec eux. Tel est l’inconvénient dans lequel vous allez tomber en
laissant la présentation des commis-greffiers aux greffiers exclusivement.
On dira que la
nomination des commis n’est pas dévolue aux greffiers, que c’est le Roi qui
nomme ; mais, messieurs, on sait à quels moyens on a recours pour faire
prévaloir son candidat ; on l’accole à deux individus qu’il est impossible de
choisir.
Il est d’autant
plus urgent que les cours interviennent dans la nomination des commis-greffiers
que la nomination des greffiers en chef est laissée au choix du gouvernement.
Je
sais très bien ce que vont dire ceux qui s’opposeront à mou amendement : ils
diront que pour la cour de cassation on a déjà admis que les commis-greffiers
seraient nommés par le Roi, sur la présentation de candidats par le greffier,
et qu’il faut conserver de l’harmonie dans les dispositions d’une loi. Vous
vous souvenez, messieurs, que j’ai réclamé contre cette disposition ; malgré
son adoption, mes observations ne m’en paraissent pas moins exactes, et je
persiste dans mon amendement.
M. le président. - Voici l’amendement de M. H. de Brouckere :
« Les
commis-greffiers sont nommés par le Roi sur une liste triple de candidats
présentés par le greffier et approuvée par la cour. »
M. Leclercq. - D’après l’amendement qui vous est soumis, le
greffier n’aurait plus qu’un simple avis à donner.
Cependant, d’après
les lois en vigueur, le greffier et solidairement responsable des faits de tous
les commis-greffiers. La conséquence de la législation c’est que le greffier
doit intervenir dans leur nomination, ou bien la loi est souverainement injuste
: on ne peut être responsable d’hommes à la nomination desquels on n’a pas
concouru.
Vous
avez déjà reconnu ce principe pour la nomination des commis-greffiers de la
cour de cassation. La responsabilité des greffiers des cours d’appel est encore
plus grande.
Les dommages et
intérêts auxquels ils seraient tenus pour les fautes de leurs commis sont plus
considérables que pour la cour de cassation, car les actes en appel sont plus
nombreux et ils sont plus exposés.
Celui qui est
responsable doit choisir l’agent dont il répond. Voilà ce qui a déterminé la
section centrale et ce qui vous déterminera sans doute vous-mêmes à adopter ta
mesure indiquée dans le projet de loi.
M. Mesdach. - On a reproché à la section centrale d’être trop stationnaire
; moi je lui reproche de faire trop d’innovations. Il est fâcheux qu’elle se
soit laissée entraîner au désir de changer une mesure qui existe depuis
quarante ans.
D’après la
législation d’août 1790, celle de vendémiaire an IV, auxquelles il n’a pas été
apporté de changements par la législation, de ventôse de l’an VIII, et d’avril
1810, les cours nommaient les commis-greffiers. Cela n’a été changé qu’en 1824,
par le roi Guillaume, qui a dit dans un arrêté que la nomination des commis
greffiers serait sanctionnée par le roi. Cependant la nomination des
commis-greffiers a continué d’être faite sans l’autorisation du roi. Cet arrêté
était inconstitutionnel et irrégulier, il faut proscrire ce régime des arrêtés
; et cependant que propose-t-on aujourd’hui ? On propose de donner au pouvoir
la nomination des commis, sur la présentation du greffier : vous n’aurez que
des hommes indignes.
A la cour de
Bruxelles une nomination de commis a eu lieu il y a quelques mois. Le greffier
présenta une liste de candidats ; elle ne convenait pas ; on lui dit
d’augmenter sa liste, et alors il y eut une nomination faite par 20 suffrages
sur 22 votants.
Par la proposition
de la section centrale la cour ne sera pas consultée.
Je dois vous dire
ici toute ma pensée. Je suis ennemi de toute disposition qui tendrait à donner
à un seul individu le droit de présenter des candidats. Un individu est sujet
aux caprices ; il peut avoir ses passions ; mais des corps de magistrats n’en
ont point. Messieurs, quand j’avais l’honneur d’exercer les fonctions de
procureur du Roi à Anvers, j’ai souvent reconnu le danger de donner à un seul
la présentation des candidats.
Je
me suis trouvé dans la fâcheuse nécessité d’employer toute mon influence pour
empêcher qu’un forçat gracié, qui avait été condamné pour crime de concussion,
pour crime de faux, d’attentat à la liberté individuelle, ne fût nommé juge. Ce
que j’avance est la vérité. Un membre qui siège à côté de moi peut vérifier la
chose.
Il a dans son
parquet toutes les pièces relatives à cette affaire.
Je dirai avec
d’autant plus de confiance mon opinion qu’elle est partagée par les cours de
Bruxelles et de Liége ; qu’elle est réclamé par le barreau et que de toutes
parts on demande le maintien de ce qui existe depuis 40 ans.
M. Liedts. - L’honorable M. Leclercq a déjà développé les motifs
qui ont fait adopter l’article 35 par la section centrale. Je désire seulement
répondre à la seule objection qu’on ait faite. Ce sera, dit-on, le greffier qui
en réalité fera la nomination de ses commis-greffiers car il présentera, outre
le candidat qu’il voudra faire réussir, deux autres candidats visiblement
incapables, et de cette manière, il fera nommer qui il voudra. La cour verra
ainsi siéger dans son sein des hommes qui seront peut-être incapables on
indignes de sa confiance. Messieurs, cette crainte est bien futile ; le
greffier étant seul responsable des actes de ses commis-greffiers, il a le plus
grand intérêt à ne présenter que de bons candidats : s’il en faisait nommer qui
n’eussent ni capacité ni probité, c’est lui qui en souffrirait. Que si contre
toute probabilité, le greffier introduisait dans la cour des sujets indignes
d’y siéger, remarquez, messieurs, que le greffier est lui-même révocable, et
que la cour pourrait dans ce cas provoquer auprès du gouvernement la
destitution du greffier. Ces deux garanties, savoir la responsabilité du
greffier d’une part et sa révocabilité d’autre part, me rassurent complétement.
M. Destouvelles. - Je dirai peu de mots pour relever une erreur qu’on
vient d’émettre. On a dit que c’était par les lois françaises que la cour
nommait les commis-greffiers ; cependant l’article 55 de la loi de juillet 1810
porte que le greffier fera admettre au serment le nombre des commis-greffiers
nécessaires au service de la cour impériale. Ainsi c’est le commis-greffier qui
choisit les commis, seulement il les présente au serment.
Les
commis-greffiers ne sont pas nommés à vie ; ils sont révocables, et si un
commis-greffier ne présentait pas les conditions requises, la cour trouverait
bien le moyen de déterminer le greffier qui, lui, a intérêt à vivre en bonne
harmonie avec les magistrats, à faire une autre présentation au roi.
Dans l’article 58
de ce même décret du 6 juillet 1810, vous trouvez des dispositions qui prouvent
évidemment que le choix des commis appartient au greffier.
Et
comment voudrait-on lui ravir ce droit, lorsqu’aux termes de l’article 27 de la
loi, le greffier est solidairement responsable des dommages et intérêts
résultant des contraventions, délits ou crimes dont ses commis se seraient
rendus coupables dans l’exercice de leurs fonctions.
Quant à
l’opposition qui pourrait naître entre la cour et le greffier, elle n’est pas à
redouter. Le greffier a le plus grand intérêt à ne pas être hostile envers la
cour. Si les commis ne convenaient pas, ils seraient bientôt révoqués.
Le premier motif
qui a fait déférer la nomination des commis-greffiers au Roi, a été très bien
déduit par M. Liedts : foi doit être ajoutée aux actes signés par les
commis-greffiers ; leurs actes ont un caractère d’authenticité ; ils doivent
donc être nommés par le Roi, qui seul peut donner ce caractère aux officiers
ministériels.
M. d’Elhoungne. - L’honorable auteur de la proposition a senti que la
commis-greffier doit en quelque sorte être l’homme qui a obtenu l’assentiment
de la cour près de laquelle il prête son ministère. Il est indubitable que la
nomination de ces agents doit appartenir, quant à la présentation, au greffier,
puisque le greffier est responsable de tous les faits de sa gestion.
Je pense que
l’objection faite, que le commis doit être nommé par le Roi, afin d’imprimer à
ses actes un caractère d’authenticité, n’est pas fondée : les fonctions de
greffier sont de telle nature qu’il faut qu’il prête son ministère à
différentes parties du même tribunal ; ne pouvant être partout, il a fallu lui
adjoindre des agents légaux ; mais comme la responsabilité ne peut se partager,
on a regardé le commis comme un simple agent du greffier. Si le titulaire n’a
pas la nomination, il doit avoir au moins la présentation.
Mais il importe
que le commis-greffier ne soit pas désagréable aux membres de la cour. Cela est
évident.
Alors donnez la
nomination du commis-greffier, non au Roi mais aux tribunaux eux-mêmes,
puisqu’ils ont un droit de censure à exercer sur le choix du commis, car il
leur importe d’avoir des hommes qui possèdent leur confiance. Quant au
gouvernement, il est dans l’impossibilité d’exercer aucune influence utile dans
la nomination de cet agent.
En France, jusqu’à
ce jour, les commis n’ont pas été salariés par le trésor. C’est le greffier qui
les salarie, c’est lui qui les paie ; par conséquent c’est à lui qu’en doit
appartenir la présentation. Ici ils sont salariés par le trésor ; cet abus ne
s’est glissé que sous un gouvernement qui cherchait à se faire craindre.
La
responsabilité qui pèse sur le greffier exige que les commis ne soient que ses
agents ; c’est à lui à pourvoir à leur traitement. Si l’on trouve que cette
charge est trop onéreuse au greffier, on peut le soulager en augmentant son
traitement.
Je
voudrais que les greffiers eux-mêmes fussent à la nomination des tribunaux
auxquels ils sont attachés, car il importe à une bonne administration de la
justice qu’on ne donne pas aux juges un greffier qui n’aurait pas leur
approbation.
Je demanderai que
le commis soit nommé directement par la cour sur la présentation du greffier ;
c’est dans ce sens que je suis adhérent à la proposition de M. H de Brouckere.
M. H. de Brouckere. - Je retire mon amendement et me rallie à celui de M.
Mesdach.
M. Mesdach. - Un honorable membre vient de dire que la
présentation appartenait au greffier. Je ne conteste pas ce point ; au
contraire, je dis que la loi de 1790 le dit. On cite un décret de 1810 ; ce
décret porte que le greffier présentera les candidats au serment ; ce décret
était organique et faisait un changement à la législation de 1790.
L’article 24 de la
législation du 18 août 1810 dit positivement que le greffier présentera les
commis ; mais à qui les présentera-t-il ? Au tribunal. Il n’y a aucune loi qui
ait donné la nomination au Roi.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Les présentations des commis, d’après le projet de
la section centrale sont faites par le greffier : il est responsable de ses
commis, c’est donc lui qui a le plus grand intérêt ou le seul intérêt à avoir
de bons commis-greffiers et c’est à l’intérêt qu’il faut se fier pour la bonté
des présentations ; c’est donc avec raison que l’on a déféré la présentation au
greffier.
Cela n’empêche pas
que si les présentations ne conviennent pas aux cours et tribunaux, on peut
révoquer les commis-greffiers.
Je ne sais pas où
l’on a pu trouver que les commis-greffiers auraient été nommés par les cours ou
les tribunaux. On a cité la loi de 1790 et celle de l’an IV ; ces lois disent
que les commis-greffiers seront révoqués par les cours et tribunaux ; c’est
qu’alors les juges étaient nommés pour cinq années par voie d’élection.
En 1790, les
élections se faisaient par le peuple. En l’an IV, nous avions des assemblées
primaires qui nommaient les électeurs ; et les électeurs les juges pour cinq
ans. Et sous cette administration purement républicaine, je crois qu’alors les
tribunaux pouvaient nommer les commis. Mais actuellement je crois que les
nominations doivent être faites par le roi.
Par
l’article 4 de la loi en discussion, vous avez un antécédent Le Roi nomme
directement le greffier de la cour de cassation ; et il nomme les
commis-greffiers sur la présentation d’une liste dressée par le greffier. Je
crois que c’est agir conformément à ce que vous avez fait.
On a invoqué la
législation française ; on a invoqué le décret de 1810 ; d’après ce décret le
greffier présentait les commis au serment. C’est que les commis-greffiers
n’étaient pas à cette époque salariés par l’Etat et qu’ils l’étaient par le
greffier. Je ne sais pas si c’est le meilleur mode d’avoir de bons commis, je
ne le crois pas ; mais enfin puisqu’ils sont salariés par l’Etat, ils doivent
être nommés par le Roi. (Aux voix ! aux
voix !)
M. Barthélemy. - Le
gouvernement a fait des commis-greffiers de grands seigneurs : pour les
encourager davantage (c’est sous le régime précédent que cela a eu lieu), le
gouvernement s’est chargé de payer MM. les commis : qu’est-il arrivé ? c’est
que tous les jours ils demandent davantage.
Quand le greffier
était chargé de les payer, le travail se faisait avec beaucoup d’économie. On
les admettait seulement au serment parce qu’on ne voulait pas avoir le premier
venu.
Actuellement et
greffier et commis-greffier tout est grassement rétribué, et à Bruxelles, le
greffier est mieux rétribué que le premier président de la cour. (Bruit.)
M. Gendebien. - Je ne ferai pas la proposition que les
commis-greffiers soient nommés par les tribunaux ; mais je déclare protester
contre la nomination donnée au Roi, afin que mon silence ne soit pas une
approbation.
Il est indécent
que les corps les plus respectables ne puissent pas nommer leurs greffiers et
commis-greffiers avec lesquels ils ont de fréquentes relations. Songez aux abus
qui peuvent résulter de ces nominations données au pouvoir ? C’est qu’on peut
attacher près des tribunaux de véritables espions…
Une voix. - Non ! non !
M. Gendebien. - Nous avons eu des exemples de commis-greffiers qui
étaient le fléau des cours... Les mêmes abus amènent les mêmes résultats !
Je proteste contre
la nomination des commis par le roi, afin que mon silence ne soit pas
approbatif. Maintenant vous ferez espionner vos cours si vous le voulez, cela
m’est bien égal.
- La chambre ferme
la discussion.
M. le président. - Deux amendements restent à mettre en délibération
; ce sont ceux de MM. d’Elhoungne et Mesdach.
L’amendement de M.
d’Elhoungne est le premier mis aux voix.
Il est ainsi conçu
:
« Les commis
greffiers sont nommés par les cours sur une liste triple présentée par le
greffier. »
- Deux épreuves
par assis et levé donnent des résultats douteux.
On procède à
l’appel nominal.
En voici le
résultat :
36 membres ont
répondu oui. 33 membres ont répondu non. L’amendement est adopté.
Ont voté pour :
MM. Berger, Taintenier, Bourgeois, Coppieters, Corbisier, Dautrebande, H. de
Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Dellafaille, de Roo, Desmet, d’Hoffschmidt,
d’Huart, Fleussu, Gendebien, Jaminé, Jonet, Jullien, Lardinois, Lebègue,
Leclercq, Lefebvre, Legrelle, Liedts, Mary, Mesdach, Osy, Raymaeckers, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Thienpont, Vanderbelen, Van Meenen, Vergauwen.
Ont voté contre :
MM. Barthélemy, Boucqueau, Brabant, Cols, Coppieters, F. de Mérode, W. de
Mérode, de Muelenaere, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux,
Dewitte, Dubus, Dumortier, Goethals, Helias d’Huddeghem, Jacques, Lebeau,
Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Polfvliet, Poschet, Raikem, Ullens,
Vandenhove, Verdussen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet, H. de Gerlache.
M. Brabant.
- Je me suis trompé dans l’appel nominal ; j’ai dit non, parce que je croyais qu’il
s’agissait de donner la nomination des commis-greffiers au roi.
M. le président. - La réclamation est sans objet. L’amendement est
adopté.
L’article 35 sera
maintenant conçu en ces termes :
« Il y a près de
chaque cour un greffier nommé par le roi, et des commis-greffiers, dont le
nombre est, d’après les besoins du service, fixé par le gouvernement.
« Les
commis-greffiers sont nommés par les cours, sur une liste triple présentée par
le greffier. »
- Cet article
ainsi rédigé est mis aux voix et adopté.
Article 36
« Art. 36. En
exécution de l’article 99 de la constitution, l’ordre de présentations des
conseils provinciaux, aux places de conseillers qui deviennent vacantes, est
réglé de la manière suivante :
« Cour de Bruxelles
:
« Le conseil
provincial d’Anvers présente à sept places, ceux du Brabant et du Hainaut,
chacun à neuf.
« La première
présentation appartient à la province du Hainaut, la seconde à celle du
Brabant, la troisième à celle d’Anvers, et ainsi alternativement, jusqu’à la
21ème présentation inclusivement.
« Les quatre
dernières présentations sont faites alternativement par la province du Hainaut
et du Brabant, en suivant le même ordre qui vient d’être indiqué.
« Cour de
Gand :
« Le conseil
de la Flandre orientale et celui de la Flandre occidentale présentent chacun à
onze places.
« Ils
exercent ce droit alternativement.
« La première
présentation appartient à la province de la Flandre orientale.
« Les trois dernières
nominations sont exclusivement attribuées à cette province.
« Cour de
Liége :
« Le conseil
provincial de Liége présente à dix places, celui de Namur à six, celui du
Limbourg à cinq, et celui du Luxembourg à quatre.
« La première
présentation appartient à Liége, la deuxième à Namur, la troisième au Limbourg,
la quatrième au Luxembourg.
« Cet ordre
est suivi jusques et y compris la 16ème présentation.
« La 17ème
est attribuée à Liége, la 18ème à Namur, la 19ème au Limbourg, la 20ème à
Liége, la 21ème au Luxembourg.
« Les quatre
dernières présentations sont faites par le conseil provincial de Liége. »
Sur cet article,
M. le ministre de la justice présente l’amendement suivant :
« Cour de
Bruxelles :
« Le conseil
provincial d’Anvers présente à six places, ceux du Brabant à sept places et
celui du Hainaut à huit.
« La première
présentation appartient à la province du Hainaut, la seconde à celle du
Brabant, et la troisième à celle d’Anvers, et ainsi alternativement, jusqu’à la
18ème présentation inclusivement.
« La 19ème et
la 21ème présentation appartiennent à la province du Hainaut, la 20ème à celle
du Brabant.
« Cour de
Gand :
« Le conseil
de la Flandre orientale présente à dix places, celui de la Flandre occidentale
à huit.
« Ils
exercent alternativement ce droit jusqu’à la 16ème présentation.
« La première
présentation appartient à la province de la Flandre orientale.
« Les trois
dernières présentations lui appartiennent également.
« Le conseil
provincial de Liége présente à neuf places, celui de Namur à cinq, celui du
Limbourg à quatre, et celui du Luxembourg à trois.
« La première
présentation appartient à la province de Liége, la seconde à celle de Namur, la
troisième à celle de Limbourg, la quatrième à celle de Luxembourg.
« Cet ordre
est suivi jusques et y compris la 12ème présentation. La 13ème appartient à la
province de de Liége, la 14ème à celle de Namur, la 15ème à celle de Limbourg,
la 16ème à celle de Liége, la 17ème à celle de Namur.
« Les quatre
dernières présentations sont faites par le conseil provincial de Liége. »
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Messieurs, l’amendement que je propose est calqué sur l’article du projet de la
section centrale ; toute la différence qui existe entre eux, vient de ce que la
section centrale ayant d’abord proposé que les cours fussent composées de 25
membres, l’article 36 avait été rédigé en conséquence ; aujourd’hui qu’il n’y
aura plus que 21 conseillers à Liège et à Bruxelles, et un nombre encore
moindre à Gand, il a fallu faire une réduction proportionnée. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dubus. - Je demande la parole. Messieurs, je remarque que,
d’après l’amendement de M. le ministre de la justice, le conseil provincial
d’Anvers aura la présentation pour six places de conseillers, celui du Brabant
sept, et celui du Hainaut huit. On n’a pas indiqué la base de cette nouvelle
répartition. Dans une des dernières séances, on nous a fait remarquer que
l’élément de la population n’est pas le seul qu’il faille consulter pour la
composition des cours, mais qu’il faut encore avoir égard à l’importance des
causes judiciaires fournies par chaque province. Si on ne consultait que l’élément
de la population, la répartition serait déjà singulièrement favorable à la
province d’Anvers ; car, d’après la proportion des populations respectives de
chacune des trois provinces, Anvers ne devrait avoir la présentation qu’à cinq
places, tandis qu’on lui en accorde six, et le Hainaut devrait en avoir neuf,
tandis qu’on ne lui en accorde que huit.
Si à présent vous
consultez le nombre et l’importance des causes fournies par chaque province, vous
verrez que celle du Hainaut l’emportera. On vous l’a déjà dit à une autre
séance ; les causes qui viennent du Hainaut sont très compliquées ; elles
exigent une longue instruction, de longues plaidoiries ; une chambre civile ne
suffit pas à l’expédition des causes de cette seule province. Vous aurez à
Bruxelles deux chambres civiles ; une seule devra s’occuper exclusivement des
procès de la province du Hainaut, l’autre des procès des provinces d’Anvers et
du Brabant, en sorte, qu’à elle seule, la première donnera à la cour autant de
travail que les deux autres ; il y aurait donc lieu à augmenter plutôt qu’à
diminuer le chiffre de la province du Hainaut. D’après ces raisons, je
proposerai un amendement ainsi conçu :
« Le
conseil provincial d’Anvers présente à cinq places ; celui du Brabant à sept,
et celui du Hainaut à neuf.
« La première
présentation appartient à la province de Hainaut, la seconde à celle de
Brabant, la troisième à celle d’Anvers, et ainsi alternativement jusqu’à la
15ème présentation, inclusivement.
« Les quatre
présentations suivantes sont faites alternativement par les provinces de
Hainaut et de Brabant en suivant le même ordre qui vient d’être indiqué.
« Les deux
dernières nominations sont attribuées à la province de Hainaut. »
M. d’Elhoungne. - Le projet a été calculé sur la population ; les
réductions proposées par le ministre ont été calculées sur la même base, et le
résultat en est cependant plutôt avantageux que préjudiciable au Hainaut, car
il est à remarquer qu’on retranche un sur sept à Anvers, tandis que dans le
Hainaut on ne retranche que un sur neuf ; tout l’avantage est donc de son côté
pour la différence qui se trouve entre un septième et un neuvième. On ne veut
pas cependant se contenter de ce résultat, et on voudrait déduire les autres
provinces pour maintenir à neuf celle du Hainaut. Je crois, messieurs, que le
rapprochement que je viens de faire suffit pour vous prouver l’injustice de
cette demande, et pour que vous accordiez la préférence au projet ministériel.
M. Dubus. - Je m’étonne, messieurs, qu’en puisse dire que la
province du Hainaut aura trop d’après l’amendement, et que celle d’Anvers
n’aura pas assez. J’ai dit que la population seule ne devait pas être prise
pour base de la répartition, et qu’il fallait tenir aussi compte du nombre et
de l’importance des affaires ; en me répondant, l’honorable membre n’a tenu
compte que de la population : veut-on n’avoir égard qu’à cet élément ? Je le
veux bien. La population totale des trois provinces s’élève à 1,516,000
habitants ; celle d’Anvers n’en compte que 355,000 ; donc d’après la juste
proportion, il ne reviendrait pas cinq places sur vingt-et-une à la province
d’Anvers.
M. Legrelle. - Messieurs, je ne conteste pas les calculs de
l’honorable préopinant ; je n’ai en ce moment aucun moyen de le contredire ;
mais je crois que ce n’est pas seulement au chiffre de la population qu’il faut
avoir égard, mais encore au nombre des causes et à leur importance, et sous ce
rapport je crois que la province d’Anvers mériterait au moins qu’on la mît sur
la même ligne que les deux autres provinces. Comparez l’importance des causes
fournies par le Hainaut avec celles qui viennent d’Anvers, et vous verrez de
quel côté est l’avantage. Je ne vous parlerai pas, messieurs, de l’importance
de son port, de sa prééminence commerciale sur toutes les autres villes du
royaume, je me contenterai seulement de vous affirmer qu’en adoptant
l’amendement de M. le ministre, non seulement on ne fait pas trop pour la
province d’Anvers, mais qu’on ne fait pas même assez. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président lit l’amendement de M. Dubus ; il est mis aux voix et rejeté.
- La première
partie de l’amendement de M. le ministre de la justice, relative à la cour de
Bruxelles, est ensuite adoptée.
M. le président lit la deuxième partie, qui concerne la cour de Gand.
M. Devaux. - Messieurs,
je demande que les deux provinces des Flandres nomment chacune à neuf places
alternativement. Comme on l’a dit tout à l’heure, il ne faut pas seulement se
régler sur la population ; et d’ailleurs ici, cette base serait injuste encore,
car la différence dans le nombre des présentations dépasse la différence
proportionnelle de la population des deux provinces. Si on compare le nombre
des causes fournies par chacune d’elles, on verra que la Flandre orientale en
fournit 140 et la Flandre occidentale 138. La différence
est seulement d’un vingtième. Or, la différence entre les deux populations
n’est pas tant s’en faut d’une fraction aussi minime. Remarquez d’ailleurs, que
dans cette cour, vous n’avez pas en présence des conseillers de trois ou quatre
provinces, et il pourrait arriver que, par esprit de localité ou de
camaraderie, les conseillers de la province qui aurait la majorité,
s’entendraient au préjudice de l’autre province toutes les fois qu’il s’agirait
de faire quelque nomination ; et en cas de nomination d’un président ou d’un
vice-président, il serait à craindre que cet esprit, je ne dirai pas
d’inimitié, mais de rivalité qui a toujours existé entre les deux provinces ne
se manifestât encore, et ne trouvât sans cesse dans cet état de choses un
nouvel élément. Je ne ferai pas valoir l’avantage qui a déjà été accordé à la
Flandre orientale par l’établissement de la cour à Gand, ce serait cependant
une assez puissante considération, mais je crois en avoir assez dit pour
démontrer la justice qu’il y a à établir l’égalité entre les deux provinces.
M. Lebègue. - Messieurs, quoi qu’en dise l’honorable préopinant,
il est certain qu’en vertu du principe même qui fixe les droits des électeurs, il
faut tenir compte ici de la différence qui existe entre les deux provinces.
Nous pouvons à ce sujet partir avec certitude des dispositions contenues dans
la loi électorale ; on y trouve 23 députés envoyés au corps législatif par la
Flandre occidentale, 27 par la Flandre orientale. Or cette proportion, établie
sur la population, est-elle gardée relativement à la présentation des
conseillers à la cour d’appel ? On ne saurait en douter, d’après la simple
position de la règle proportionnelle suivante : 8 est à 10 comme 23 est à 28
plus une fraction. Ce qui égale de très près le nombre des députés, 23 d’un
côté, 27 de l’autre ; tandis que si sous adoptez le chiffre de 9 contre 9, vous
trouverez que si la Flandre occidentale n’a que 23 députés, la Flandre orientale
n’en devrait également avoir que 23 au lieu de 27, ou bien diviser également
entre les deux provinces le nombre total de tous leurs députés.
M.
de Roo. - Messieurs, la proportion entre les deux provinces,
d’après la proportion de la population, n’est pas de 8 à 10, mais de 9 à 10. On
a invoqué la loi électorale, mais on n’a pas dit que dans cette loi, pour
arriver au nombre exact des députés, il a fallu négliger une fraction de 20,000
âmes. Il ne s’agit d’ailleurs ici, comme on vous l’a fait remarquer que de deux
provinces, et si vous accordez l’avantage à Gand, la Flandre orientale
l’emportera toujours, et vous n’aurez jamais un président ou un vice-président
appartenant à la Flandre occidentale.
M. Mary. - Je crois,
messieurs, que l’un des éléments à consulter est la population, mais que ce
n’est pas le seul, et à cet égard, je ne peux qu’appuyer l’amendement présente
par l’honorable M. Devaux. Il existe une différence entre la population de la
Flandre orientale et celle de la Flandre occidentale ; la différence est au
préjudice de cette dernière ; je le sais, mais il est à remarquer que vous avez
placé la cour à Gand. Or les présentations ne se feront pas seulement par les
états provinciaux, mais encore par la cour. Il est bien certain que cette
dernière sera toujours portée pour se compléter à choisir parmi les membres du
barreau, qu’elle connaîtra, les ayant sans cesse sous les yeux ; et il est
évident que son choix sera fait au préjudice de la Flandre occidentale ; le
moins que vous puissiez faire pour balancer ces désavantages, c’est de donner
un nombre égal de nominations aux deux provinces.
M. H. de Brouckere. - Je ne viens ni appuyer ni combattre l’amendement de
M. Devaux ; mais je vais vous soumettre deux observations, qui pourront
peut-être calmer les inquiétudes des préopinants. De ce que le conseil d’une
province a un plus grand nombre de présentations à faire qu’un autre conseil,
ii ne s’en suit pas nécessairement qu’il y aura toujours à la cour un plus
grand nombre de conseillers de cette province. En effet, lorsqu’un conseiller
vient à mourir, ce n’est point la province à laquelle il appartenait qui a
droit à la présentation, mais celle dont le tour est arrivé, d’après l’ordre
établi par l’article que nous discutons ; ainsi, si la mortalité est plus
grande parmi les conseillers de la Flandre orientale, par exemple, il pourra
très bien arriver que la Flandre occidentale ait à la cour un plus grand nombre
de membres. Il est à remarquer, en second lieu, que le roi peut nommer un des
candidats présentés par la cour, et la cour n’est pas tenue à prendre ses
candidats dans une province plutôt que dans une autre, de manière qu’en
résultat la proportion à établir ici entre ces provinces n’est pas aussi
importante qu’on semble le penser.
M. Devaux. - Ce que vient de dire M. de Brouckere prouve
précisément en faveur de mon amendement ; car dans le cas de décès des
conseillers de l’une ou l’autre province, le hasard sera toujours entre elles
dans le rapport de 8 à 10, et comme l’a dit M. Mary, la cour elle-même
concourant à la présentation des candidats, les chances seront toujours pour la
Flandre orientale. En accordant un nombre égal de présentations, tout sera égal
entre les deux provinces, il n’y aura plus pour l’une d’elles d’influence
exclusive.
M. Gendebien. - Je demande aussi, messieurs, que les nominations
doivent être faites en nombre égal par les deux provinces, si les membres de la
cour de Gand étaient en nombre pair, je crois qu’il y aurait justice d’accorder
une nomination de plus à la Flandre orientale ; mais le nombre étant pair, il
n’est pas possible de lui en attribuer moins de deux de plus, et la différence
est trop forte. Songez que déjà la ville de Bruges, qui cependant avait
quelques droits, a été déshéritée du privilège d’être le siège de la cour. Ne
faisons pas une seconde injustice à son détriment. L’équité exige que les deux
provinces aient un nombre égal de nominations, ce sera encore un moyen
d’éteindre les rivalités existantes entre les deux provinces.
M. Lebègue. - Il ne s’agit par seulement d’une différence de
vingt mille âes, comme on l’a dit, mais de quatre fois quarante mille âmes, si
on s’en rapporte à l’amendement qu’on vous propose, et qu’on abandonne les
bases qui ont servi à la loi électorale. J’ajoute que la rivalité dont on parle
n’existe que dans l’imagination des orateurs qui vous en ont entretenu.
M. le président. donne une nouvelle lecture de l’amendement de M.
Devaux.
- Cet amendement
est mis aux voix et adopté.
On passe à la
troisième partie de l’amendement de M. le ministre de la justice, relative à la
cour de Liége ; cette troisième partie est adoptée sans réclamation.
M. Devaux. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je
voudrais savoir si on a l’intention de faire ce qu’on a fait par cet article.
Il me semble que ceci doit être fait pour la première nomination. Mais je crois
que dans la suite quand le conseiller appartenant a une province sera décédé,
la nomination devra appartenir à cette province. (Non ! non !) Sans cela, il est tout à fait inutile de séparer ainsi
les dispositions de cet article. Par exemple, on accorde à la province d’Anvers
six nominations ; si un des conseillers de la province meurt, il faudra que la
nomination soit faite par elle. (Nouveau
signe de dénégation.) Je conçois que pour la première fois cela se passe
ainsi ; mais pour les nominations subséquentes, je ne le conçois pas. Je
demande donc si la section centrale a eu des motifs pour régler ainsi les
choses.
M. Leclercq. - Il me semble que le préopinant a raisonné dans un
tout autre esprit que celui de l’article et de la constitution. Il semblerait
résulter de son raisonnement que la constitution a eu pour but de faire
administrer la justice par voie de représentation ; or, ce n’est pas l’esprit
de la constitution. D’abord la première pensée du congrès et de la section
centrale avait été de charger, les corps judiciaires de faire eux-mêmes les
présentations ; on les considérait comme les plus capables de faire les
meilleures présentations. Cependant, après mûre réflexion, on a craint l’esprit
de népotisme, on a pensé que si un tribunal était mauvais, ses présentations
seraient mauvaises, et pour corriger cet abus possible, on a conféré au sénat
et aux conseils provinciaux le droit de faire les présentations. Il résulte de là
que l’on ne doit pas diviser les nominations, de manière que toujours chaque
province ait le même nombre de conseillers.
M. Devaux. - Le préopinant fait le procès à la loi elle-même,
car quel besoin avions-nous de déterminer le nombre de places pour chaque
province si ce nombre ne doit pas toujours être le même ? Remarquez ce qui
va arriver s’il en est autrement. Vous voulez que le Hainaut ait huit
nominations parce que votre intention est que la représentation de cette province
soit plus considérable que celle des autres. Supposez maintenant qu’il meure
quatre ou cinq conseillers nommés par le Hainaut : cette province se trouvera
peut-être dix ans, peut-être davantage, avec trois conseillers. Est-ce là ce
que vous avez voulu ?
M. Jaminé. - M. le président, quel article discutons-nous ?
M. le président. - Nous ne discutons sur rien, l’article est adopté,
et il n’y a aucune proposition de déposée. (On
rit.)
M. Devaux. - Nous discutons sur quelque chose, puisque j’ai
demandé en quel sens on avait entendu l’article. Du reste, je vais rédiger une
proposition.
M.
Van Innis.
- Je ferai remarquer que la constitution donne la nomination au roi et que les
conseils provinciaux n’ont que le droit de présentation. Or il ne s’agit pas
maintenant de la nomination des conseillers, mais de la présentation des
candidats. Est-il possible d’astreindre les conseils provinciaux à ne présenter
que des candidats appartenant à la province ? Non sans doute, car sans cela il
faudrait aussi astreindre le roi à nommer toujours les candidats de la province
qui manquerait de conseillers. II faudrait encore astreindre les conseils provinciaux
à ne présenter que des candidats de leur
province. Or ce n’est pas, je crois, ainsi qu’on peut l’entendre. (Aux voix ! aux voix !)
M. Vergauwen. - Aux voix : sur quoi ? Sur rien.
M. Devaux. - Je n’ai pas eu le temps de rédiger une proposition,
je la rédigerai plus tard, on peut passer outre.
M. Leclercq. - Plus tard on aura perdu de vue la discussion.
M. Devaux. - Chaque membre de la chambre a le droit de faire
telle proposition additionnelle que bon lui semble.
M. Leclercq. - Je le sais, mais comme la discussion était ouverte
maintenant sur ce point, et qu’elle est close (Elle n’est pas close !), faire une proposition demain, c’est faire
une chose tout à fait inutile.
M. Devaux. - La chambre jugera.
M. le président. - Il faut voter sur l’ensemble de l’article 36.
- Cet article est
mis aux voix et adopté.
Articles 37 à 42
« Art. 37.
Lorsqu’une place de président ou de conseiller devient vacante, il est procédé
à la formation de la liste de présentation ou à la nomination, suivant le mode
établi par les articles 7, 8, 10 et 14. »
- Adopté.
« Art. 38. Le
procureur-général et les conseils provinciaux observent, chacun en ce qui les
concerne, les dispositions des articles 9, 11 et 12. »
- Adopté.
« Art. 39.
Les listes de présentation sont rendues publiques conformément à l’article
13. »
- Adopté.
M. le président. - Les articles 40, 41 et 42 ont déjà été votés.
Articles additionnels
M. le président. - Il y a deux amendements présentés par M.
Bourgeois, qui a la parole pour en développer les motifs.
M. Bourgeois. - Messieurs, en revoyant le projet de loi proposé par
la section centrale, j’ai cru m’apercevoir d’une lacune qu’il sera besoin de
remplir, tant au titre II des cours d’appel qu’au titre Ier de la cour de
cassation.
C’est pour y
parvenir, que j’ai l’honneur de proposer à la chambre les deux articles
additionnels suivants. Le premier à placer à la fin du titre II de l’appel,
ainsi conçu :
« Les
questions d’état et autres qui, aux termes des articles 22 du décret du 30 mars
1808 et 7 de celui du 6 juillet 1810, doivent être jugées par deux chambres
réunies, le seront par une seule chambre au nombre complet de sept membres.
« En cas
d’empêchement légitime d’un ou de plusieurs des membres dont cette chambre se
compose, ou si le nombre des membres dont elle est composée, était inférieur à
celui de sept, cette chambre sera complétée par des conseillers d’une autre
chambre, à la désignation du premier président. »
Le deuxième
article additionnel à placer au titre Ier de la cour de cassation serait ainsi
conçu :
« Les
pourvois en cassation contre des arrêts rendus dans les cas prévus par
l’article … de la présente loi, seront jugés par la chambre civile au nombre
complet de neuf membres.
« En cas d’empêchement
légitime d’une ou plusieurs des membres dont elle se compose, cette chambre
sera complété par d’autres conseillers, à la désignation du premier
président. »
Dans le système de
la loi d’organisation judiciaire que nous discutons, les lois et décrets
antérieurs, relatifs à la matière, restent provisoirement en vigueur.
L’article 22 du
décret du 30 mars 1808 statue que les contestations sur l’état-civil des
citoyens et les prises à partie (autres s’entend que celles contre une cour ou
un tribunal entier ou contre l’une de leurs chambres qui appartiennent
directement à la cour de cassation) seront portées aux audiences solennelles,
composées des deux chambres réunies.
Cet article porte
la même disposition pour les renvois après cassation d’un arrêt, mais il ne
s’en agit pas dans les articles additionnels que je propose, attendu que par
l’article 22 du projet la chambre a déjà décidé qu’en ce cas les cours d’appel
jugeraient par deux chambres réunies.
Mais en ce qui
concerne les questions d’état et les prises à partie, si l’on s’en tient au
prescrit dudit article 22 du décret de 1808 sans y porter altération, il en
résultera que dans nos cours d’appel, les contestations en ces matières devront
dès prime-abord être portées devant deux chambres réunies, composées de onze
membres au moins, puisqu’il a été admis que chaque chambre devait juger au
nombre fixe de cinq conseillers.
S’il y a pourvoi
en cassation contre un arrêt de cette espèce, il devra être porté devant la
cour de cassation, soit devant la chambre civile seule, soit devant les
chambres réunies. Les lois antérieures ni même les commentateurs que j’ai
presque tous consultés, ne disent rien de ce qui se pratique à cet égard à la
cour de cassation de France.
Mais dans l’une
comme dans l’autre supposition j’y vois le même inconvénient en Belgique, par
le nombre restreint des membres dont notre cour de cassation est composée.
Si le pourvoi doit
être porté devant une seule chambre jugeant au nombre fixe de sept, il en
résultera que sept conseillers connaîtront du pourvoi contre un arrêt rendu par
onze conseillers en appel, ce qui ne paraît pas rationnel.
Si, au contraire,
le pourvoi doit être porté devant les chambres réunies de la cour de cassation,
il en résulte que quinze membres au moins devront en connaître, et qu’ainsi
dans la supposition d’un second pourvoi contre un second arrêt d’appel après
cassation du premier, la cour de cassation devra en connaître une seconde fois
chambres réunies, et qu’il ne restera tout au plus, en admettant que le nombre
des membres de la cour fût complet et aucun légitimement empêché, qu’il ne
restera, dis-je, que quatre membres qui n’auront pas déjà connu de l’affaire et
qui pourraient se joindre aux quinze premiers.
Cet inconvénient
ne se présente pas en France, où la cour étant composée de 48 membres et un
premier président, et où, en supposant que la première fois les deux chambres
réunies eussent connu de l’affaire à la plénitude des membres qui les composent
et ainsi au nombre de trente-deux, il reste encore dix-sept membres pour juger
toutes les chambres réunies
La lacune que je
signale avait été prévue lors de l’arrêté du 9 avril 1814 sur la cassation
provisoire.
Le respectable
auteur de cet arrêté avait codifié les dispositions du décret du 30 mars 1808
en ce sens :
« Art. 8. Les
questions d’état et autres qui doivent être jugées par deux chambres réunies le
seront désormais par une seule chambre, renforcée de deux juges à la
désignation du premier président. »
« Art. 9. Les
pourvois en cassation contre les arrêts rendus dans le cas et d’après le
prescrit de l’article précédent seront portés devant les deux autres chambres
civiles, renforcées de deux juges à la désignation du premier président comme
ci-dessus.
« En cas de
cassation, ces deux mêmes chambres ainsi renforcées jugeront de nouveau le fond
par un nouvel arrêt, et sans recours ultérieur en cassation. »
Il est évident,
messieurs, que dans le nouveau système la cour de cassation ne connaissant plus
du fond le grand nombre des juges qu’exigeait ce dernier article, n’est plus
aucunement requis.
Je pense ainsi
avoir atteint le même but et le même renforcement relatif de juges nécessaires
pour connaître de ces genres d’affaires, par les dispositions additionnelles
que j’ai l’honneur de proposer.
En vain m’objectera-t-on
que les chambres n’ayant pas admis une chambre des requêtes, les arrêtés de
1814 et 1815 relatives aux pourvois devant les cours d’appel, ne seront pas
abrogés, comme le propose l’article 57 du projet.
J’admets que ceci peut être vrai quant à la forme de la procédure à
suivre en cassation, et que l’on sera obligé de substituer à cet égard audit
article un règlement calqué en quelque sorte sur les formes de procédures
prescrites par ces arrêtés.
Mais je ne peux
l’admettre en ce qui concerne la compétence relative des chambres en cassation
pour juger de divers pourvois : cette partie exige, me paraît-il, des
dispositions positives nouvelles qui doivent faire parue de la loi que nous
discutons.
M. Destouvelles. - Les articles additionnels présentés par l’honorable
préopinant forment tous un système nouveau sur lequel il serait fort dangereux
de se décider sans un mûr examen. Je demande l’impression non seulement des
deux articles, mais encore des motifs dont on les a accompagnés.
M. Bourgeois. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on les examine avant de
les discuter ; ils seront demain dans le Moniteur.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, il me semble que les deux articles
s’écartent tellement du projet et du but que nous nous proposons en le
discutant, que je crois parfaitement inutile d’en ordonner l’impression. Dans
le système du projet, on a seulement l’intention de pouvoir aux lacunes que nos
nouvelles institutions avaient opéré dans la législation existante. Les seules
questions propres à mettre nos codes en harmonie avec la constitution ont dû
être examinées et toutes les autres laissées à l’écart. Je sais que les
articles de l’honorable M. Bourgeois méritent toute l’attention de la
représentation nationale, mais par cela même, ce n’est pas aujourd’hui le
moment de nous en occuper, car tout le monde a reconnu qu’il était impossible
de cette session de s’occuper de la révision de la législation.
De
quoi s’agit-il dans les articles proposés ? De savoir comment se composeront
les chambres des cours appelées à juger les questions d’état. Mais, messieurs,
la loi actuelle y a pourvu ; on ne peut porter la main sur ses dispositions.
Nous devons les respecter et nous borner à combler les lacunes de notre
législation là où il en existe. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour.
M. Bourgeois. - Je conviens, messieurs, que le cas est prévu par les
décrets existants, et si ma proposition devait toucher en rien au fond de la
chose, certainement M. d’Elhoungne aurait raison de demander qu’elle fût
écartée par l’ordre du jour. Mais ma proposition n’a pour but que de faire
marcher le projet avec la composition restreinte de nos cours d’appel et de la
cour de cassation. Il est bien certain, comme je l’explique dans mes motifs,
qu’il est rationnellement impossible de faire marcher la composition actuelle
de nos cours, quand il s’agira de questions d’état, avec les décrets existants.
Je pense donc que l’honorable M. d’Elhoungne a mal compris le but de ma
proposition, et la chambre reconnaîtra, j’espère, qu’elle ne doit pas être
écartée par l’ordre du jour.
M. d’Elhoungne. - Puisque la proposition de l’honorable membre est motivée sur
l’insuffisance du personnel des cours composées d’après le projet actuel, je
retire ma motion. (L’impression ! l’impression i)
Une voix. - Ces articles seront dans le Moniteur.
M. Leclercq. Il faudrait les faire imprimer à part, car le
Moniteur ne nous parvient souvent qu’à 11 heures.
M. le président. - Les articles seront imprimés à part.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le titre III du
projet, intitulé : Des tribunaux.
« Art. 43. La
circonscription des tribunaux de première instance et de commerce, ainsi que
celle des justices de paix et des tribunaux de simple police actuellement
existants, sont maintenues jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu, lors de la
révision des lois sur l’organisation judiciaire. »
M. C. Rodenbach propose sur cet article : « Le nombre et les
sièges des tribunaux de première instance, de commerce et des justices de paix,
ainsi que leur circonscription respective, seront fixés par une loi, à porter
dans la prochaine session législative. »
M. Dewitte
en propose un autre en ces termes : « Les tribunaux de première instance,
de commerce, des justices de paix et de simple police, actuellement existants,
et leur circonscription actuelle, sont provisoirement maintenus. »
M. de Terbecq.
- Je demande la parole pour combattre la proposition de M. Rodenbach.
Plusieurs voix. - Laissez-le développer son amendement.
M. C. Rodenbach. - Des motifs d’intérêt public m’ont engagé à vous
présenter, conjointement avec mon honorable ami Eugène Desmet, une nouvelle
disposition pour remplacer l’article 43 du projet.
Je crois devoir
appeler l’attention de la chambre sur la nécessité de ne pas trop retarder la
circonscription des tribunaux. cette nécessité se fait particulièrement sentir
dans le district de St-Nicolas où les justiciables, pour se rapprocher de leurs
juges, sont obligés de parcourir, par des routes impraticables, de très grandes
distances.
La ville de
Termonde, située à l’extrémité de la juridiction du pays de Waes, est adossée
au Brabant, et se trouve par là très éloignée des polders dont les
communications avec le chef-lieu d’arrondissement judiciaire sont difficiles,
et ne peuvent se faire qu’à grands frais.
La population du
pays de Waes, dont la ville de St-Nicolas est le point central et le chef-lieu,
s’élève à 112 mille âmes.
L’étendue des
transactions commerciales et civiles de ce pays, la fraude exercée sur la
ligne, les frais énormes pour le trésor public dans les affaires criminelles et
correctionnelles, sont, messieurs, autant de considérations qui doivent porter
la législation à consacrer promptement le principe de quatre arrondissements
judiciaires dans la province de la Flandre orientale.
La
ville et le district de St-Nicolas sont en instance depuis quinze ans, pour
réclamer le tribunal qui leur a été injustement enlevé. Il est temps de réparer
dans ce pays les pertes essuyées par la révolution, et d’accorder les avantages
promis par le nouvel ordre de choses.
Je pense donc
qu’il importe qu’on nous présente une loi sur la circonscription judiciaire
dans la session prochaine. C’est un grief qu’il faut faire cesser de suite, si
on ne veut faire violence au principe de justice distributive. Attendre,
messieurs, l’exécution du traité des 24 articles, de la part du roi Guillaume,
c’est renvoyer la circonscription des tribunaux aux calendes grecques.
M. Dewitte. - Je demande la parole pour développer aussi mon
amendement. Messieurs, il est connu de tous les membres de la chambre qu’un
grand nombre de demandes lui ont été adressées pour l’établissement de nouveaux
tribunaux ou pour de nouvelles circonscriptions. Toutes ces demandes, à mesure
qu’elles ont été reportées, ont été renvoyées, par la chambre, à M. le ministre
de la justice, non pas pour qu’il mît à l’écart et n’en tînt aucun compte, mais
au contraire pour qu’il en fît l’objet d’un sérieux examen, et pour qu’il les
prît en grande considération quand le temps serait venu. Ces demandes ne sont
pas des demandes de faveur, mais des demandes de justice. Il est probable que
plusieurs d’elles seront trouvées assez bien fondées pour être accueillies. Si
aujourd’hui vous maintenez définitivement les tribunaux actuellement existants,
vous vous interdisez de faire droit à ces demandes, parce que vous ne pourrez
pas revenir sur la composition des tribunaux ni sur leur circonscription ; et
si vous vouliez y revenir, on vous arrêterait en vous disant que tout cela a
été définitivement fixé par l’article 43.
M. H. de Brouckere. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
M. de Terbecq.
- Laissez-moi répondre à M. Rodenbach. (Hilarité.)
M. H. de Brouckere. - Ma motion
d’ordre mettra fin à tout ce débat, et je la justifiera d’un seul mot. Insérer
dans la loi, comme on le propose, qu’à la session prochaine on fera une loi
pour régler la circonscription des tribunaux, est chose tout à fait inutile,
car il dépendra toujours de nous de faire ou de ne pas faire la loi.
D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls pour faire les lois, il faut aussi le
concours du sénat, celui du pouvoir exécutif, et nous ne pouvons les lier eux,
quand même nous pourrions nous lier nous-mêmes. Je demande donc que la chambre
passe à l’ordre du jour. (Appuyé !)
M. Destouvelles. - La question préalable !
M. de Terbecq.
- M. le président, j’ai demandé la parole.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole. (C’est inutile ! La question préalable !)
M. le président. - M. le ministre a la parole.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Je ne sais pas, messieurs, s’il y a lieu à adopter la question préalable,
mais je sais bien que l’on ne peut déterminer dans la loi l’époque fixe à
laquelle pourra se faire la circonscription des tribunaux ; mais je trouve que
l’article 43 va trop loin en postposant la circonscription à la réorganisation
judiciaire. Il me semble que cet article devrait se borner à dire : « La
circonscription, etc., sont maintenus jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu. »
(Appuyé ! appuyé ! La clôture !)
M. d’Elhoungne. - Je demande la parole. (Aux voix ! La motion d’ordre !)
M. le président. - Si on ne va pas aux voix sur la motion d’ordre, la
parole est à M. de Terbecq. (Aux voix !
aux voix !)
- La question
préalable sur les amendements de MM. Rodenbach et Dewitte est mise aux voix et
adoptée.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, je partage l’opinion de M. le ministre
de la justice sur le danger qui1 y aurait à subordonner la circonscription des
tribunaux de première instance à l’organisation judiciaire, mais je crois que
la propositions de M. le ministre de terminer l’article par ces mots :
« jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu » est sans objet, car il
dépendra toujours de la législature de faire ou de ne pas faire de loi sur
cette matière.
Je voudrais à mon
tour donner une autre rédaction à l’article. Il est à la connaissance de la
chambre que lorsque le gouvernement hollandais voulut proscrire la langue
française, il publia des arrêtés qui bouleversèrent totalement la
circonscription de certains tribunaux et cela en haine de la langue française.
Les arrondissements furent morcelés de manière à porter le plus grand préjudice
à l’administration de la justice, et par conséquent aux justiciables. Ce qui
est arrivé dans la province de Brabant, fournit un exemple frappant à l’appui
de ce que j’avance ; on détacha de l’arrondissement de Louvain des communes qui
n’en étaient qu’à deux lieues de distance, pour les réunir à l’arrondissement
de Nivelles. Il en résulte que les justiciables de ces communes doivent
traverser Louvain, et la ville de Bruxelles pour se rendre à Nivelles,
c’est-à-dire qu’ils sont obligés, pour aller trouver leur justice, de faire
huit ou dix lieues, tandis qu’ils pourraient la trouver à Louvain, c’est-à-dire
à deux lieues de leur domicile. Il en est arrivé de même pour des communes que
l’on a détachées de la justice de paix de Tirlemont pour les réunir au canton
de Jodoigne ; les habitants de ces communes aussi, sont obligés de traverser
pendant 8 mois de l’année la ville de Louvain, pour se rendre à Nivelles, parce
que, pendant huit mois, les autres chemins qu’ils pourraient prendre sont
impraticables. Cet ordre de choses a excité un grand nombre de réclamations.
Vous en avez vu passer sous vos yeux un grand nombre du temps du congrès
national. Je pense que le moment est venu d’y faire droit, et de faire cesser
un état de choses forcés, résultat de l’injustice de l’ancien gouvernement, et
qui n’a pas été une des moindres causes de la révolution. Voici l’amendement
que j’aurai l’honneur de proposer :
« La
circonscription des tribunaux civils et de commerce, ainsi que des justices de
paix et des tribunaux de police actuellement existants, est maintenue.
« Néanmoins,
à partir du 1er janvier prochain, les justices de paix et les arrondissements
dont la circonscription a été modifiée depuis le 1er octobre 1822, seront
rétablis tels qu’ils existaient à cette date. »
Par là, messieurs,
se trouvera rétabli un ordre de choses qui avait existé pendant 23 ans sans
donner lieu à aucune plainte, et on répondra aux réclamations nombreuses qui se
sont élevées.
Plusieurs membres. - Je demande la parole !
D’autres membres. - Mais d’abord l’amendement est-il appuyé ?
M. le président. - Y a-t-il cinq membres qui appuient l’amendement ?
- Personne ne se
lève.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole.
Plusieurs voix. - C’est inutile, l’amendement n’est pas appuyé.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande à dire un mot.
M. Jaminé. - Est-ce comme ministre ou comme député ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ce sera comme vous voudrez, vous avez la police de
l’audience.
M. le président. - M. le ministre à la parole.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Messieurs, il est incontestable qu’il y a des améliorations à opposer dans la
circonscription des tribunaux ; aussi ai-je dès longtemps demandé des
renseignements pour pouvoir faire et vous présenter un tableau général des
circonscriptions. Plusieurs de ces renseignements me sont parvenus, d’autres
m’arriveront prochainement, et j’aurais bien, j’espère, le moyen de vous
présenter le tableau. J’ai déjà fait remarquer précédemment qu’il était
impossible de faire la circonscription avant l’adoption définitive des 24
articles, parce qu’il est certain qu’après cette adoption il eût fallu
nécessairement modifier la circonscription. Je crois donc qu’à la prochaine
session, il sera possible de vous présenter un projet de loi sur ce point.
M. Devaux. - Messieurs, je voudrais savoir ce que nous votons en
adoptant cet article, et ce qui arrivera si plus tard on divise en deux
certaines arrondissements. Vous savez que d’après la constitution un juge ne
peut pas être déplacé sans son consentement. Je voudrais que la section
centrale nous donnât quelques explications à cet égard.
Je ne peux m’empêcher d’exprimer le regret que j’éprouve de voir que
toujours en en tout nous ne faisons que du provisoire, nous faisons aujourd’hui
du provisoire dans les tribunaux de première instance, cela va nous entraîner
dans un autre provisoire encore, pour l’organisation provinciale, parce que
vous savez qu’on se propose de faire que les arrondissements administratifs soient
les mêmes que les arrondissements judiciaires. Ainsi nous aurons des
arrondissements administratifs et des arrondissements électoraux provisoires.
Je sais bien qu’il
était impossible de faire du définitif pour deux provinces, mais on aurait pu
en faire l’objet d’une disposition particulière et régler définitivement la
circonscription des arrondissements dans toutes les autres. J’aurais encore
préféré une circonscription définitive même un peu vicieuse à un provisoire qui
finira on ne sait quand.
M. Destouvelles. - Messieurs, dans aucune province, les travaux
préparatoires pour la circonscription des arrondissements ne sont achevés. Ce
ne sont pas seulement les provinces du Limbourg et du Luxembourg qui ne peuvent
pas, à cause de leur position particulière, voir circonscrire leur
arrondissements, mais toutes les autres sont dans le même cas. Les embarras
peuvent être moindres, mais ils existent. Il est impossible de nous en tirer
pour le moment si nous voulons ménager les vrais intérêts de la justice et des
justiciables.
Quant à la
question du déplacement des juges, soulevée par l’honorable M. Devaux, dans le
cas où un arrondissement serait divisé pour en former deux, je n’hésite pas à
la résoudre affirmativement. Sans doute, d’après la constitution vous ne pouvez
pas déplacer un juge de son siège tant que ce siégé existe ; mais vous avez le
droit par une loi de supprimer un tribunal, et dans ce cas, il faut bien qu’un
juge se déplace s’il veut être employé.
Quant au changement
de rédaction proposé par M. le ministre de la justice, je n’y vois pas
d’inconvénient.
M. le président. - Voici un nouvel amendement de M. Dewitte, d’après lequel l’article
43 serait ainsi conçu :
« Les tribunaux
de première instance, de commerce, de justice de paix et de simple police,
actuellement existants, et leur circonscription actuelle, sont provisoires
maintenus. »
M. Dewitte. - Vous voyez que j’ajoute un seul mot, le mot
« provisoirement, » pour éviter toute équivoque. (Aux voix ! aux voix !)
Je demande à
ajouter deux mots pour développe mon amendement (bruit), deux mots seulement. J’ai voulu rédiger ainsi l’article,
parce qu’il me semble que de la rédaction de l’article de la section centrale,
on pourrait induire que la circonscription seule est provisoire et que les
tribunaux eux-mêmes ne le sont pas.
M. Bourgeois. - Est-ce qu’on entend que le personnel des tribunaux
est aussi provisoire ?
Voix nombreuses.
- Non ! non !
M. Destouvelles. - C’est précisément pour établir une distinction
entre le personnel des tribunaux et leur circonscription que l’article a été
rédigé ainsi.
M. Leclercq. - Le mot « provisoirement » est inutile si
on ajoute à l’article, « jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu. »
M. Dewitte. - Si on ajoute ces mots à l’article, je consens à ce
qu’on supprime le mot « provisoirement ». Je me rallie sous ce
rapport à l’amendement de M. le ministre de la justice. (La clôture ! la
clôture !)
-
La clôture est mise aux voix et adoptée.
L’amendement de M.
Dewitte est ensuite mis aux voix et rejeté.
L’article 43, avec
l’amendement de M. le ministre, est mis aux voix.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ces messieurs qui ont présenté des amendements ont
craint qu’on ne maintînt définitivement les tribunaux existants ; on pourrait
ajouter à l’article ces mots : « le siège des tribunaux et leur
circonscription. »
M. d’Elhoungne. - Il y a clôture, tout est consommé.
- L’article 43 est
adopté.
La séance est
levée à quatre heures un quart.