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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 11 juin
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant organisation
provinciale (d’Huart)
3) Projet
de loi portant organisation judiciaire. Compétences en matière criminelle, nombre
des conseillers des cours d’appel et des juges des tribunaux de première instance
et proposition d’ajournement (Fallon, Jullien,
Destouvelles, Leclercq, Barthélemy, (+haute cour militaire) Gendebien, Leclercq, d’Elhoungne, Devaux, H. de Brouckere, Leclercq, Lebeau, Fleussu), nombre des conseillers
des cours d’appel (Raikem, Lebeau,
Destouvelles, Raikem, Fallon, H. de Brouckere, Gendebien, Fleussu, Van Meenen, Barthélemy, Dumont, Lebeau, Fallon,
Liedts, de Roo, Fallon,
Gendebien, Lebeau, Liedts, H. de Brouckere, Van Meenen, Lebeau, Dumortier, H. de Brouckere, Destouvelles, Lebeau, Bourgeois, Dumortier, Jullien), nombre des juges des tribunaux de première
instance (Jullien, H. de
Brouckere, Lebègue, Bourgeois,
Lebeau, Destouvelles, Jaminé, Raikem), nombre des
conseillers de la cour de cassation (Barthélemy, Leclercq, H. de Brouckere, Barthélemy, Destouvelles, Helias d’Huddeghem, Destouvelles,
Barthélemy)
4) Projet de loi organisant le premier ban de
la garde civique (notamment modification du mode de nomination des officiers et
organisation d’une armée de réserve) (Evain)
5) Interpellation relative aux négociations
diplomatiques et à l’enlèvement de M. Thorn (d’Hoffschmidt,
de Muelenaere)
6) Projet de loi organisant le premier ban de
la garde civique. Urgence de la loi (A. Rodenbach, de Muelenaere, H. Vilain XIIII,
d’Huart, F. de Mérode, Delehaye, Dumortier, Jaminé, Jullien, Gendebien, Fleussu)
7) Mesures prises contre l’épidémie de choléra
(Delehaye)
8) Interpellation relative aux négociations
diplomatiques (Dumortier, de
Muelenaere)
9) Mesures prises contre l’épidémie de choléra
(de Theux)
(Moniteur belge n°164 et 165, des 12 et 13
juin 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A une heure la
séance est ouverte.
M. Dellafaille procède à l’appel nominal. Quarante-neuf membres sont
présents.
La séance est un
moment suspendue. De nouveaux membres arrivent et l’assemblée est en nombre
suffisant pour délibérer.
M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal. La rédaction en est
adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques présente sommairement l’objet des pétitions adressées
à la chambre ; elles sont renvoyées à la commission spéciale.
M. de Nef demande
un congé de quinze jours.
- Accordé.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION PROVINCIALE
M. d’Huart. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre.
Messieurs, la section centrale a terminé son travail sur l’organisation
provinciale. (Non ! Non !)
Plusieurs voix. - Cette organisation ne pourra avoir lieu que l’année
prochaine.
M. d’Huart. - Je demande que la section centrale soit invitée à
se réunir pour examiner le projet de loi sur l’organisation provinciale. Nous
ne pouvons nous séparer sans avoir délibéré sur cette loi. Les provinces sont
sans représentants ; les assemblées de provinces sont actuellement illégales,
inconstitutionnelles ; elles ne peuvent durer plus longtemps. Je demande en
outre que le projet d’organisation provinciale ait la priorité sur toutes les
lois, et même sur la dernière loi présentée par le gouvernement sur les
décorations. Il est nécessaire que les conseils provinciaux s’assemblent,
qu’ils puissent présenter leurs vues. Je soumets ces observations à vos
méditations, et, je le répète je demande que la section centrale s’occupe de
cette loi.
M. le président. - La section centrale s’est réunie pour examiner le
projet de loi sur l’organisation provinciale ; elle a cessé cet examen ;
j’essaierai bien de la réunir de nouveau ; mais je ne sais pas s’il sera
possible de donner la priorité de discussion à cette loi qui demande un travail
préparatoire très long.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE
Discussion des
articles
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation
judiciaire.
Articles 40 à 42
La chambre en est
restée à l’article 40 ainsi conçu :
« En matière
civile, les cours d’appel ne peuvent jugés qu’au nombre de sept conseillers.
M. le président. - Il y a plusieurs amendements proposés et plusieurs
orateurs inscrits.
M. Fallon.
- J’ai un amendement à proposer. Je demande que les articles 41 et 42 du projet
de la section centrale soient remplacés par les deux articles suivants :
« Art. 41. En
matière criminelle, les arrêtés des mises en accusation ne pourront être rendus
que par six conseillers ; et en cas de partage le prévenu est mis en
liberté. »
« Art. 42.
Les cours d’appel ne sont plus chargées du service des cours d’assises ni des
appels attribués aux tribunaux des chefs-lieux de province en matière
criminelle. »
Je proposerai en
outre de remplacer les articles 46 et 47 du projet de la section centrale par
deux autres dispositions.
Je demanderai
qu’une section du tribunal de première instance connaisse des affaires criminelles
attribuées aux cours d’assises et aux appels des jugement des matières
correctionnelles rendus par les tribunaux de province, y compris celui de
chef-lieu.
Cette section du
tribunal de première instance serait composée de 5 juges y compris le président.
M. le président. - La parole est à M. Fallon pour présenter le
développement de sa proposition.
M. Bourgeois. - Je demanderai qu’un de MM. les secrétaires lise les
amendements afin qu’on puisse suivre plus facilement l’exposé des motifs.
M. le président. - Voici la proposition de M. Fallon :
« Je propose
de remplacer les articles 41 et 42 du projet par les deux articles suivants :
« Art. 41. En
matière criminelle, les arrêtés des mises en accusation ne pourront être rendus
que par six conseillers.
« En cas de
partage le prévenu est mis en liberté. »
« Art. 42. Les
cours d’appel ne sont plus chargées du service des cours d’assises ni des
appels des juges des tribunaux des chefs-lieux de province en matière
correctionnelle. »
« Et
d’intercaler entre les articles 46 et 47 du projet les deux articles suivants :
« Art. 47.
Une section du tribunal de première instance siégeant au chef-lieu de chaque
province connaît des affaires criminelles qui étaient attribuées aux cours
d’assises et des appels des jugements rendus en matière correctionnelle par
tous les tribunaux de la province, y compris le tribunal du chef-lieu.
« Art. 48.
Cette section est composée de cinq juges y compris le président qui, en matière
criminelle, y remplit toutes les fonctions qui sont attribuées pas les lois et
règlements existants aux conseillers des cours qui étaient désignés pour
présider les assises. »
M. Fallon.
- Les débats auxquels la chambre s’est livrée dans la dernière séance pour
trouver une combinaison de nature à rétablir l’uniformité dans le jugement des
appels de police correctionnelle, prouvent que l’on est tout au moins d’accord
qu’il existe dans cette partie de l’administration de la justice une anomalie
choquante que l’on ne peut trop tôt se hâter de faire disparaître.
Cependant cette
anomalie n’est pas la seule qu’il importe de faire cesser. Il en est une autre
non moins absurde qu’il est à désirer de voir abattre du même coup.
Je veux parler de
cet autre système impérial qui rend ambulante une partie des cours d’appel, qui
prive l’accusé de la liberté jusqu’à ce qu’un juge d’assises vienne sur le
terrain pour assister à examiner s’il est innocent ou coupable, et qui, comme
dans les matières correctionnelles, fait juger le même crime, là par un
tribunal de première instance et ici par une chambre de la cour.
On ne peut se
dissimuler qu’un semblable régime est en révolte évidente et contre le droit
public et contre le droit constitutionnel. Si, comme on l’a fait remarquer
plusieurs fois, les juridictions et la compétence des tribunaux sont d’ordre
public ; de quelque manière que cet ordre soit réglé, soit par le droit
constitutionnel, soit, à son défaut, par le droit public, il est toujours une
vérité de principe que l’on ne peut contester, c’est que chaque habitant du
territoire constitutionnel a droit d’être régi par le même droit public, c’est
qu’il ne peut y avoir inégalité dans la condition des justiciables, suivant
telle ou telle localité, et que le droit public, comme la liberté, doit être le
même pour tous quel que soit le lieu du domicile.
Or, remarquez,
messieurs, combien cette vérité est violée sous l’empire de notre constitution
qui veut l’égalité devant la loi, une égale répartition de la justice et qui
proscrit tout genre de privilèges
Les cours d’appel
sont une émanation toute populaire du pouvoir électoral, tandis que les juges
de première instance sont au libre choix du pouvoir exécutif. Ajoutez à cela
que sous le rapport des lumières, de l’expérience et de la maturité de
jugement, la garantie n’est pas la même d’un côté comme de l’autre, et voyez si
nous pouvons tolérer plus longtemps que, par le motif seul d’une différence de
localité, le même délit ou le même crime soit jugé ici par une cour, et là, par
un tribunal de première instance ; ici par un pouvoir populaire, et là par un
pouvoir royal.
Il faut donc
s’empresser de faire cesser un état de choses aussi hostile à notre nouveau
droit politique, et, puisque nous sommes à l’ouvrage, il faut chercher une
combinaison propre à rétablir l’uniformité sur-le-champ, si nous pouvons le
faire sans réviser pour le moment la législation criminelle, ni sans séparer
actuellement la justice criminelle de la justice civile.
Les amendements
proposés ont pour objet de faire décider par une chambre de la cour, sont
généralement soit au gré des prévenus, les appels correctionnels rendus par les
tribunaux d’arrondissement ; mais ces amendements ne rétablissent l’uniformité
et l’égalité de justice que pour la matière correctionnelle et non pour la
matière criminelle.
Ils présentent,
d’ailleurs, certains inconvénients ; le premier à raison des frais de
déplacement des témoins et surtout des témoins à décharge, et le second à
raison de certain embarras de procédure, pour le cas où le jugement concerne un
plus ou moins grand nombre de prévenus.
Ces inconvénients
ne sont toutefois pas aussi sérieux qu’on paraît se le figurer. On peut les
diminuer par des modifications, et du reste, quels qu’ils soient, ils ne seront
jamais aussi graves que l’injustice qu’il s’agit de faire cesser est
révoltante.
Si donc je propose
à mon tour un amendement, ce n’est nullement pour chercher à reculer le but que
mes honorables collègues veulent atteindre, mais bien pour marcher avec eux, en
plaçant à ce but un double avantage, celui de frapper tout à la fois l’anomalie
correctionnelle et criminelle.
Pour cela faire,
j’ai pensé à une combinaison en sens inverse, c’est-à-dire à faire cesser
l’intervention des cours dans les appels de police correctionnelle, comme dans
le jugement des matières criminelles, et si je ne me suis pas trompé, je pense
avoir trouvé le moyen de tout concilier sans rien changer au code d’instruction
jusqu’à la révision de la législation judiciaire.
Dans l’état actuel
de cette législation, les affaires criminelles de toute une province, où ne
siège pas une cour d’appel, sont jugées par une section du tribunal de première
instance du chef-lieu présidée par un conseiller de la cour.
Je ne vois pas
d’abord pourquoi, si cela convient à sept provinces, cela ne conviendrait pas
aux trois autres provinces où siégeait les cours. Sans doute que les tribunaux
de première instance de Liége et de Bruxelles peuvent tout aussi bien être
chargés d’un service que les tribunaux de Namur et de Mons.
C’est là un
premier retour à l’uniformité qui, à coup sûr, ne présente aucun inconvénient.
Je ne vois pas non
plus d’inconvénient, et je n’aperçois même que de l’économie, à charger le
président du tribunal du chef-lieu des fonctions qui sont attribuées au
conseiller délégué pour les assises . puisqu’il arrive souvent, en fait, qu’il
en remplit les fonctions et qu’il les remplit quelquefois beaucoup mieux que
lui. Il suffit, pour cela, de bien choisir les présidents des tribunaux des
chefs-lieux de province et d’y attacher le traitement d’un conseiller.
Les cours n’étant
plus privées tous les trois mois de plusieurs de leurs membres pour un temps
plus ou moins long, elles n’auront pas besoin d’un personnel aussi nombreux. Le
service ne s’en fera que plus régulièrement et l’on fera disparaître cette
conception impériale qui n’avait d’antre motif que de faciliter au besoin au
pouvoir exécutif, par des présidents de son choix, le moyen d’influencer la
justice criminelle et de se fourrer partout.
Une section du
tribunal du chef-lieu étant ainsi organisée pour les affaires criminelles, et
c’est ce qui a déjà lieu dans sept provinces, je ne vois pourquoi on ne la
chargerait pas à plus forte raison des appels correctionnels de tous les
tribunaux de la province et même du tribunal du chef-lieu.
Il ne serait pas
nécessaire d’augmenter pour cela le personnel de ces tribunaux, si je puis en
juger du moins par celui de Namur où il y a neuf juges.
Cinq juges formant
la chambre criminelle et en même temps la chambre des appels correctionnels, il
en reste quatre et, comme vous savez, il n’en faut que trois pour les matières
de police correctionnelle en première instance.
On peut charger
cette chambre correctionnelle d’une partie des affaires civiles telles que les
homologations, les rectifications, les expropriations, les ordres, les
interrogatoires, les enquêtes, etc.., et avec les six juges restant, on peut
aisément subvenir au service des autres matières civiles.
Comme je viens de
le dire, je ne sais ce qui se passe ailleurs, mais je puis assurer que le service
marcherait aussi très facilement et très régulièrement à Namur, sans que les
juges soient même trop occupés.
S’il en était
autrement ailleurs, on pourrait augmenter le personnel sans augmenter les
frais, puisque cette combinaison permettrait de diminuer le personnel des
cours.
Cette combinaison
a cependant aussi un inconvénient, c’est que les appels des jugements
correctionnels du chef-lieu rendus par trois juges seraient portés devant cinq
autres juges de la même compagnie, et que l’esprit de corps est toujours à
craindre.
Mais il faut
cependant remarquer que cet inconvénient est bien moindre que celui où une
chambre de la cour jugeait en cassation les arrêts rendus par une autre chambre
du même siège.
C’était là un
inconvénient grave parce que l’arrêt de la chambre de cassation était souverain
et sans remède, tandis qu’ici le jugement sur appel correctionnel peut être
déféré à la cour de cassation.
Au surplus,
puisqu’il y a inconvénient à chacun des systèmes proposés, il m’a semblé que la
question n’était plus que de choisir le moindre et c’est ce qui m’a enhardi à
soumettre également une combinaison à votre jugement.
Du reste, comme
vous voyez, messieurs, je ne propose rien de neuf ; je ne touche pas aux lois
de la procédure, je ne fais que rassembler ce qui existe pour y mettre de
l’uniformité.
C’est là l’objet
de nos vœux. La combinaison que je propose semble y satisfaire sans innovations
proprement dites et elle aura encore cela d’avantageux que, lorsqu’il s’agira
de l’organisation définitive, on aura pu juger par expérience, s’il convient
qu’au chef-lieu de chaque province, il y ait une section, sous telle
dénomination qu’on trouvera bon de lui donner, qui restera chargée des affaires
criminelles et des affaires correctionnelles en degré d’appel.
M. le président. - Les amendements sont-ils appuyés par cinq membres
?
Plusieurs membres, se levant. - Oui ! oui !
M. le président. - MM. Gendebien, Lebeau, Devaux, Ch. de Brouckere,
H. de Brouckere doivent être entendus successivement sur les amendements qu’ils
ont proposés.
M. Lebeau. - C’est par erreur que l’on m’a inscrit.
M. le président. - La parole est à M. Gendebien. (Aux voix ! aux voix !)
M. Jullien. - Il faut que la discussion ait lieu sur tous les
amendements.
M. Destouvelles. - Il faudrait que les amendements de M. Fallon
fussent imprimés et distribués. Ces amendements forment tout un système
nouveau.
M. Leclercq. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
J’ai l’honneur de
proposer à la chambre :
1° d’ajourner les
amendements de MM. Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, Devaux et Fallon, jusqu’à
la révision des lois en vigueur sur l’organisation judiciaire ;
2° de nommer une
commission de sept membres à l’effet de procéder à cette révision, et de
préparer un projet de loi, qui règle d’une manière complète l’organisation
judiciaire.
Messieurs, je la
fais cette proposition, sans pour cela retirer le projet de loi qui est l’objet
de la discussion. La constitution dans ses articles 135, 136, 139, impose à la
législature deux sortes de travaux bien distincts. Par les articles 135 et 136
elle prescrit aux chambres législatives de déterminer, dans la première
session, le mode de nomination des membres de l’ordre judiciaire et
d’organiser la cour de cassation ; par
l’article 139 elle prescrit au pouvoir législatif de faire des lois sur
l’organisation judiciaire. Vous voyez là deux dispositions bien différentes.
Dans la seconde aucun terme n’est fixé pour la révision des lois sur l’ordre
judiciaire ; dans la seconde, le délai est déterminé par la durée de la première
session, de la session actuelle. Cette distinction est tout à fait dans la
nature des choses. Les auteurs de la constitution ont bien senti que si dans la
première session, on pouvait s’occuper de la nomination des juges, de leur
inamovibilité, de l’organisation de la cour de cassation, on ne pouvait pas
faire une loi complète sur l’organisation judiciaire, qui est l’une des lois
les plus compliquées et les plus étendues que l’on puisse porter. Quand la
section centrale s’est réunie, elle voulait exécuter ce que prescrivait
l’article 139 ; mais à l’instant même se sont élevées dans son sein des
questions nombreuses et importantes, et entre autres, les question soulevées
par les amendements proposés ; elle a senti que si l’on voulait discuter toutes
celles qui sont relatives à l’organisation judiciaire, on ne pourrait en finir,
ou bien, que travaillant précipitamment, on ne produirait qu’un projet
défectueux. Elle a donc été forcée de se borner à l’institution de la cour de
cassation et à donner l’inamovibilité des juges. Tel est l’objet du projet
présenté. Il ne s’occupe pas des questions d’organisation judiciaire. Par les
amendements proposés on détruit le système adopté par la section centrale ; on
rentre dans l’examen de l’organisation judiciaire.
Si vous délibérez
sur d’autre questions que celles que nous vous soumettons, il faut examiner
d’autres questions, revenir sur d’autres dispositions éparses dans un grand
nombre de lois ; il faut enfin améliorer l’organisation judiciaire et les
améliorations possibles sont nombreuses.
Voilà dans quelle
voie on veut vous faire entrer. Je vous l’ai déjà dit, lorsque la première fois
j’ai pris la parole dans cette discussion, je vous ai dit : vous allez suivre
une autre marche que celle qui est indiquée, ou vous allez faire une très
mauvaise loi sur l’organisation judiciaire ; ou bien, abandonnant le travail à
cause de sa longueur, vous n’exécuterez pas les articles 135, 136.
C’est
par ces considérations que je propose de revenir au système de la section
centrale et que je demande la nomination d’une commission qui, dès aujourd’hui,
commencerait son travail pour préparer un projet de loi complet sur
l’organisation judiciaire.
L’ajournement
présente un inconvénient fort léger. Depuis 30 ans la justice a été rendue avec
l’organisation telle qu’elle existe, elle a été rendue promptement et bien,
nous pouvons encore attendre jusqu’à la session prochaine.
M. le président. - Y a-t-il cinq membres qui appuient la proposition
d’ajournement qui est faite ?
- Presque tous les
membres présents se lèvent.
M. Barthélemy. - Je ne vois pas la nécessité de changer la marche
que nous avons adoptée ; malgré le nouvel amendement nous pouvons la suivre.
L’honorable orateur
vient de dire qu’il est impossible de faire, dans cette session, une bonne loi
sur l’organisation judiciaire. A coup sûr, si on devait tout revoir jusqu’aux
justices de paix et à leur compétence, assurément il aurait raison. Mais dans
ce que l’on a proposé jusqu’à présent il n’y a rien que de simple et de bien
coordonné avec ce que l’on doit établir pour organiser promptement la cour de
cassation.
La question de
cette cour a présenté la question du nombre des juges, et cela nous a conduits
à savoir comment on jugera en appel et en première instance. Nous pouvons
décider aujourd’hui sur tous ces points et nous pouvons décider la question
agitée par M. Fallon. Cette proposition est la même que celle que j’avais faite
au congrès. J’avais proposé de composer les cours criminelles avec deux
sections de première instance, et j’appelais cela aussi une loi d’organisation
judiciaire. Demander que la justice criminelle se rende au chef-lieu de chaque
province, est une proposition que vous pouvez discuter comme une autre. Si vous
admettez ce point, deux autres amendements vont tomber et vous n’aurez plus
qu’à déterminer le nombre des membres de la cour de cassation.
Le travail sur l’organisation judiciaire a été si
péniblement élaboré qu’il ne vous reste plus réellement qu’à savoir si la
justice criminelle sera rendue par les tribunaux sous l’intervention d’un
membre de la cour d’appel, ce qui se fait déjà dans plusieurs provinces. Vous
avez vos juges d’instruction et l’accusation aura lieu devant les cours d’appel.
L’accusation étant faite, vous renvoyez devant le jury et le jury est présidé
dans chaque chef-lieu de province par le tribunal de première instance. Je ne
comprends pas que l’on puisse soulever d’autres questions, et je ne vois là
rien que de très simple.
M. Gendebien. - Messieurs je ne me dissimule pas la difficulté
qu’il y a d’improviser en législation. J’admettrais donc volontiers la
proposition de M. Leclercq, si dans cette session on voulait décider que les
militaires auront, comme les autres citoyens, une haute cour d’appel. Si la
proposition de M. Leclercq ajourne la question relative aux tribunaux
militaires, je serai obligé d’en voter le rejet
M. Leclercq. - Ma proposition a pour but de se renfermer dans le
cercle tracé par les articles 135 et 136 de la constitution.
M. Gendebien. - La loi sur l’organisation des tribunaux militaires
est une loi séparée qui sera sous doute présentée dans la session prochaine ;
mais je veux établir le principe de l’appel devant une haute cour. -
M. d’Elhoungne. - Je partage l’opinion de M. Leclercq relativement au
danger qu’il y aurait de mettre la main sur toutes les parties de notre
législation sur l’organisation judiciaire ; mais tout en abondant dans le sens
de l’orateur, je ne puis admettre la seconde partie de sa proposition.
Il demande la
nomination d’une commission spéciale chargée de préparer un projet de loi
générale portant modification sur toute la législation criminelle. Messieurs,
la nomination d’une pareille commission n’est pas dans les attributions de la
chambre.
Chacun de nous a
la faculté de proposer tout projet de loi qu’il croit dans l’intérêt du pays ;
mais instituer une commission pour remplacer en quelque sorte le droit qui nous
appartient individuellement, ce serait un abus qui tendrait à dépouiller les
représentants d’une prérogative constitutionnelle. Après que vous aurez élu une
commission, je vous demande si vous n’enlevez pas dans le fait aux membres de
la chambre la faculté de présenter un projet de loi qui aurait un objet
semblable à celui de votre commission.
Une commission
aurait encore l’inconvénient de décharger le gouvernement de l’un de ses plus
importants devoirs, celui d’aviser aux moyens d’améliorer la législation.
Quand on serait
une fois entré dans la voie des commissions spéciales, quel en serait le
résultat ? Ce serait d’empêcher le gouvernement et les membres de cette chambre
de s’occuper de tout travail sur les lois ; on se reposerait sur la commission
pour l’accomplissement de ce devoir.
Les commissions
remplissent rarement le but de leur création. Vous savez combien leur travail
est long. Une commission prise dans le sein de l’assemblée offre deux graves
inconvénients. Si elle s’assemble pendant la session, elle empêche les députés
qui la composent de prendre part à nos délibérations et de remplir un devoir
constitutionnel, de remplir le mandat qui leur a été confié par les électeurs.
Si la commission s’assemble après la clôture de la session, je vous le demande,
après neuf, dix mois de travaux législatifs, pourront-ils faire encore de
nouveaux sacrifices, rester loin de leurs famille ?
La nomination
d’une commission est comme vous voyez impossible et dangereuse. Je ne vois pas
l’utilité de l’innovation proposée. Si la chambre est appelée à discuter les
lois et à les améliorer, je ne pense pas qu’il fût dans ses attributions de
préparer tout un système de législation. Si le gouvernement pense que
l’instruction criminelle exige de grandes modifications, c’est à lui à s’en
occuper ; si les ministres eux-mêmes ne peuvent pas se livrer à ce travail
c’est au gouvernement à aviser au moyen de suppléer à leur insuffisance.
Je sais que les
ministres sont aujourd’hui tellement surchargés de travaux qu’ils ne peuvent
prendre le soin de réviser les lois ; mais ils doivent savoir à qui ils peuvent
confier ce soin.
Savez-vous
pourquoi nos sessions se prolongent ? C’est que les projets que nous discutons
n’ont pas été assez élaborés : on devrait appeler sur les lois les lumières
d’une discussion publique avant de nous les soumettre. Les lois n’atteignent le
degré de perfection qu’elles exigent que par des réflexions mûries, non
seulement par les chambres, mais encore par la conscience publique qui a
d’autres organes que les représentants.
Je demanderai la
division de la proposition. Et tout en votant l’ajournement de la discussion de
toutes les questions et de tous les amendements qui se rattachent à l’article
41, je voterai contre la nomination d’une commission pour la discussion du
projet de loi sur l’instruction judiciaire criminelle.
M. Devaux. - Les propositions d’ajournement sont toujours
séduisantes ; cependant elles ne résolvent rien. Je ne crois pas qu’il faille
s’occuper en ce moment d’une organisation judiciaire complète ; mais il faut en
faire une partie et une partie définitive. Il faut régler le personnel des
tribunaux et leurs juridictions. Or, vous ne pouvez pas faire cela sans entrer
dans l’examen des questions qui ont été soulevées.
En nous occupant
de la cour de cassation, nous avons vu la nécessité de nous occuper d’autres
questions. Je défie qu’on résolve la question du personnel de cette cour sans
entrer dans celle du personnel des autres tribunaux.
Je sais qu’il y a
grand danger à improviser un système ; mais celui-ci n’est pas improvisé ; il a
été examiné pendant huit mois ; il a été soumis aux cours, aux tribunaux. On
convient que toutes les questions ont été agitées au sein de la section
centrale. Si les amendements sont mal coordonnés, on pourra ajourner la seconde
lecture à huit jours, quinze jours, afin de donner le temps de pouvoir mettre toutes
les parties en harmonie les unes avec les autres.
Outre la nécessité
d’organiser définitivement le personnel, vous allez vous trouver dans la
nécessité de faire du provisoire.
Si
tout ce qui concerne les tribunaux de première instance et les cours d’appel
était provisoire, quand vous aurez rendu les juges inamovibles, que ferez-vous
des conseils ou des juges superflus, lors d’une organisation définitive ?
Si vous ne décidez
pas d’une maniéré définitive ce qui concerne le personnel des tribunaux, il vous
sera impossible d’établir votre organisation provinciale ; en replongeant toute
l’organisation judiciaire dans le provisoire, vous replongez l’organisation
provinciale dans l’indéfini ; faisons du définitif ; ne faisons du définitif
que partiellement ; organisons le personnel des cours et tribunaux,
bornons-nous là. Nous n’improvisons pas, parce qu’il y a longtemps que tout a
été examiné.
M. H. de Brouckere. - Je partage l’opinion de l’honorable orateur que
vous venez d’entendre, il est certain que nous avons à discuter pour l’article
137 de la constitution, à organiser la cour de cassation. Déterminons-en le
personnel.
Un des amendements
tend à faire organiser provisoirement les cours criminelles ; qu’arrivera-t-il
? C’est qu’il sera ensuite extrêmement difficile de faire des modifications
après avoir décidé que les magistrats sont manière définitive, dont faire
aujourd’hui cette organisation définitive.
Quant à
l’amendement que j’ai proposé et que la proposition de M. Leclercq tend à
écarter, il est extrêmement simple. Il avait pour but de déférer l’appel des
tribunaux de première instance dans certains cas aux cours d’appel.
Cet
amendement en entraînait un autre, qui aurait aussi détruit une anomalie et une
injustice.
Nous avons neuf
cours d’assises ; eh bien, sur les neuf cours d’assises, trois cours composées
d’une manière et six d’une autre. Dans certaines provinces elles sont composées
d’un conseiller de la cour d’appel et de quatre juges de première instance ; mon
amendement avait pour but de composer les chambres d’appel de police
correctionnelle de la même manière.
Je me soumettrai
cependant à la proposition de M. Leclercq.
M. Leclercq. - Vous voyez
que ce que j’ai annoncé se confirme de plus en plus : voilà un nouvel
amendement, et j’apprends qu’un de nos collègues va en proposer un autre. Un
amendement en appelle toujours un autre, c’est ainsi que d’amendements en
amendements nous ferons une loi tellement compliquée qu’à raison de la
précipitation il n’en résultera rien de bon.
On a dit que le
personnel de la cour de cassation pouvait être fait sous les amendements.
Cependant pour le former il faut examiner à combien de membres elle rendra
arrêt ; combien de fois elle pourra être appelée à prononcer sur la même
question ; quel nombre de conseillers devront siéger la seconde fois. Voilà des
questions importantes qu’il faut décider avant d’établir le personnel de la
cour de cassation.
On
demande si l’on pourra changer le. personnel provisoire, du personnel des cours
et tribunaux. Mais la loi que vous faites n’est pas dans la constitution ; vous
pourrez la changer par une autre loi.
On dit que vous ne
pourrez pas organiser les provinces si l’organisation judiciaire n’est pas
effectuée ; mais cet inconvénient existerait quand même vous adopteriez les
amendements, parce que la circonscription judiciaire n’est pas faite, ne peut
pas se faire, et que l’organisation provinciale en dépend.
Vous voyez donc,
messieurs, que les objections que l’on fait à ma proposition n’ont pas de
fondement.
M. Lebeau. - Les inconvénients que l’on vient de signaler sont
inhérents à toute espèce de discussion.
Le droit de
présenter des amendements appartient aux membres de cette assemblée, et il
serait étonnant qu’on ne pût faire usage de ce droit, à cause de quelques
petits embarras qu’il causerait à la section centrale. Si nous ne pouvons pas
présenter des amendements aux projets de la section centrale, il faudrait aller
tout bonnement aux voix quand on nous a lu son travail. Nous sommes aujourd’hui
dans la position où nous sommes toujours, et nous ne devons pas reculer devant
la difficulté que présente la solution de quelques questions de détail.
On dit que nous ne
pouvons procéder à l’organisation provinciale sans avoir organisé les
juridictions ; je ne le pense pas, mais je crois qu’on ne peut organiser les
cours d’appel sans avoir prononcé sur l’amendement de M. Devaux. Si vous ôtez
aux cours d’appel les appels de police correctionnelle et les affaires
criminelles, vous pouvez diminuer le personnel des cours d’appel : il faut donc
décider cette question maintenant.
Que feriez-vous
l’année prochaine du superflu des cours si vous nommez trop de conseillers ?
Quels seront les conseillers que vous ferez entrer dans les cours criminelles,
si tant est que vous formiez des cours criminelles ? Voyez les inconvénients
que présentera l’ajournement des amendements.
La proposition de
M. Leclercq doit d’ailleurs, comme on nous l’a fait observer, être divisée.
La
première partie tend à l’ajournement ; je ne m’oppose pas à cet ajournement
puisque je m’étais rallié au projet de la justice centrale.
Mais quant à la
révision des lois sur l’organisation judiciaire, je ferai observer que ce qui a
fait obstacle à la présentation d’une loi sur cette matière, c’est ce qui
concerne les règles de compétence et l’on sent aisément que les règles de
compétence ne pourraient être déterminées qu’en révisant les codes aux termes
de l’article 139 de la constitution. Il faudrait donc réviser le code
d’instruction criminelle avant de réviser les lois sur l’organisation
judiciaire : ce travail doit nécessairement être très long.
Il me semble qu’on
peut se borner à adopter la première partie de la proposition.
M. Fleussu. - Je demande la division.
M. le président. - La première partie de la proposition est relative
à l’ajournement des amendements de MM. Ch. et H de Brouckere, Devaux et Fallon.
M. Fleussu. - L’ajournement sur tous les amendements.
M. Lebeau. - Présents et futurs. (On rit.)
M. le président. - La seconde partie de la proposition est relative à
la nomination d’une commission de 7 membres pour préparer un projet de loi
portant révision de l’organisation judiciaire.
- La première
partie, concernant l’ajournement des amendements est mise aux voix et adoptée.
M. Leclercq. - Je retire la seconde partie de ma proposition.
Article 41
M. le président. - Nous allons revenir à l’article 41. Il est ainsi
conçu : « En matière correctionnelle, les arrêts ne peuvent être rendus
que par six conseillers. En cas de partage le prévenu est acquitté. »
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je renouvellerai l’amendement que j’ai annoncé. Je
demande que l’on an change rien aux appels de police correctionnelle à ce qui
existe actuellement, de ce que le nombre de cinq de juges ou de conseillers
soit maintenus pour ces appels. Je ne vois aucun motif pour faire des
changements.
En première instance, vous avez décidé que vous jugeriez au nombre
impair de trois juges ; le nombre de cinq juges en appel me paraît alors offrir
des garanties suffisantes et je crois qu’on doit les maintenir.
M. Lebeau. - L’amendement de M. le ministre de la justice est la
suppression de l’article 41, et par l’adoption de cet amendement, il faudrait
modifier l’article 40 : effacer les mots : « en matière civile, » et
mettez 5 au lieu de 7.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Mettez le
nombre fixe de 5 juges.
M. Destouvelles. - La section centrale a cru que la majorité d’un seul
juge en pouvait entraîner la condamnation d’un prévenu qui aurait été acquitté
à l’unanimité en première instance, car sur 5 juges la majorité est 3, nombre
égal aux juges de première instance qui auraient déclaré l’innocence. Les deux
juges d’appel qui votent l’acquittement, réunis aux trois juges de première
instance, fait un total de votes pour l’innocence qui surpasse dans une
proportion trop considérable les trois juges qui condamneraient : tels sont les
motifs qui ont dicté l’article 41, quand il y a partage entre les six juges, il
y a lieu à l’absolution. C’est à vous de peser les considérations qui ont déterminé
la section centrale.
On dit qu’en
matière civile nous avons voté 5 juges pour l’appel, et par ce motif l’on
demande 5 juges pour l’appel en matière correctionnelle ; mais j’espère qu’on
reviendra sur cette disposition quand on reviendra sur l’ensemble de la loi.
De nouveaux
arguments montreront combien la décision prise serait dangereuse.
M. le ministre de la justice
(M. Raikem).
- En demandant que le nombre des juges pour rendre arrêt ou jugement en matière
criminelle ou correctionnelle soit fixé à cinq, je ne demande que le maintien
de ce qui existe et je ne vois pas que le mode de juger actuellement en police
correctionnelle présente des difficultés sérieuses.
On a présenté une
probabilité pour combattre ma proposition. Un prévenu acquitté par cinq juges
serait condamné par trois. Ce cas est rare. Ce n’est pas pour les cas
extraordinaires qu’on fait les lois. C’et en se plaçant dans les cas ordinaires
qu’on doit en méditer les dispositions.
Quant
à ce qui a été dit relativement à la décision prise relative au nombre des
conseillers qui jugeront dans les appels en matière civile, je ferai observer
que, quoiqu’on puisse revenir sur cette décision, elle doit néanmoins servir de
base actuellement.
M. Fallon.
- Pour marcher d’une manière conforme à la décision que nous venons de prendre,
je crois que nous devons ajourner l’article 41.
Plusieurs membres. - L’ajournement de l’article 41 serait plus logique.
M. H. de Brouckere. - Si nous ne voulons pas être inconséquents, nous
devrons en effet rejeter l’article 41, qu’est-ce que l’art. 41 ? C’est un
amendement de la section centrale, tendant à changer ce qui existe ; changement
sans nécessité.
On veut améliorer,
mais l’amendement qu’à fait valoir le rapporteur de la section centrale est-il
bien fort ? Non, messieurs.
Il se pourrait,
dit-on, qu’un individu acquitté par trois juges, fût condamné en appel par
trois juges contre deux ; et qu’ainsi le condamné aurait eu en tout cinq juges
pour l’acquittement, et seulement trois contre. L’amendement de la section
centrale fait-il disparaître l’inconvénient ?
Prenons
six juges en appel, le prévenu ne peut être condamné qu’à la majorité de 4 voix
contre 2 ; il a été acquitté par 3 juges en première instance ; en tout il aura
donc eu 5 juges en sa faveur, et il n’en aura eu que 4 contre lui et cependant
il sera condamné par un nombre inférieur de juges à celui des juges qui a
reconnu l’innocence.
Laissons les
choses comme elles sont.
J’appuie la
proposition de M. le ministre de la justice, pourvu qu’on mette dans l’article
41 que les juges du chef-lieu ne pourront prononcer sur les appels de police
correctionnelle qu’au nombre de cinq juges.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il n’y a aucune espèce d’analogie
entre la disposition présentée par la section centrale, et la proposition faite
d’écarter les amendements.
On a écarté les
amendements parce qu’il s’agissait de juridictions, matière très délicate et
très difficile, et à laquelle on ne peut toucher sans remanier la législation
spéciale tout entière. Mais ici il ne s’agit que de savoir s’il y aura un juge
de plus ou de moins.
Pour répondre au
rapporteur de la section centrale on a essayé de retourner son argument : on
pourrait se laisser prendre à cette manière de raisonner.
Une personne est
acquittée en première instance par 3 juges ; en appel elle obtient encore deux
juges qui lui sont favorables en tout 5 juges pour l’acquittement...
M. H. de Brouckere. Eh bien ! Il sera condamné par la minorité !
M. Gendebien. - Il est vrai, je n’y prenais pas garde. Mais il n’en
est pas moins exact de dire que l’accusé a une garantie de plus en appel, et à
cet égard il me semble qu’il n’y a pas lieu à hésiter. Je vote l’adoption de la
proposition de la section centrale.
M. Fleussu. - Indépendamment des motifs donnés par M. le ministre
et par plusieurs préopinants pour le maintien de l’ordre des choses actuel, il
est une observation péremptoire, résultant de l’article 214 du code
d’instruction criminelle. Aux termes de cette disposition, les juges du
tribunal de première instance du chef-lieu de province, faisant les fonctions
de juge d’appel en matière correctionnelle, peuvent
s’ils trouvent que le délit est de nature à mériter une peine afflictive ou
infamante, décerner un mandat d’arrêt et renvoyer le prévenu devant le fonctionnaire
compétent. Qu’arriverait-il, si par suite de l’instruction, la chambre des
mises en accusation renvoyait le même individu devant la cour d’assises ? Qu’il
serait difficile de composer cette cour si les appels correctionnels doivent
être jugés par 6 juges. Si 6 ont déjà connu de l’affaire en qualité de juges
d’appel, ils ne peuvent en connaître comme membres de la cour d’assises. Il ne
reste donc que trois magistrats disponibles, et ce nombre de juges, joint au
conseiller délégué, ne suffit point pour former la cour d’assises.
Il faudrait ou
déléguer plusieurs conseillers ou assumer un juge suppléant. Cet inconvénient
disparaît en écartant l’amendement de la section centrale.
M. Van Meenen. - Nous venons d’ajourner tous les amendements ;
prononcer sur l’article 41, ce serait préjuger que nous les avons rejetés, ce
qui n’est pas. Laissons les choses dans l’état où elles sont ; supprimons par
conséquent l’article 41.
Plusieurs membres. - Il faut supprimer aussi l’article 40.
M. Van Meenen. - Si l’on persistait à discuter les articles 41 et
40, je dirai que l’amendement de M. le ministre de la justice n’est pas
admissible : on a prouvé que le nombre de 5 juges ne peut subsister en appel de
police correctionnelle.
Il n’y a que six
cas possibles dans les décisions des juges. Je n’entrerai pas dans le détail de
ces cas ; j’en présenterai le tableau à la chambre ; elle verra qu’il y a
condamnation quoique le nombre des juges qui déclare l’innocence soit plus
grand que le nombre des juges qui déclare la culpabilité, et qu’il y a même
deux cas où il y a condamnation à parité de juges pour et contre.
M. Barthélemy. - J’appuie la proposition de M. le ministre de la justice.
Si vous augmentez le nombre des juges en appel, vous serez entraînés à des
dépenses plus grandes.
Vous considérez
l’intérêt des prévenus ; c’est fort bien, mais il faut aussi considérer
l’intérêt de la société. Il importe pour la société que les délits soient
réprimés. Retournez l’argument en envisageant les besoins sociaux et vous
trouvez que, dans certaines circonstances, quoique six juges aient prononcé la
condamnation, il y aura acquittement par le suffrage de 4 juges seulement, ou
par la minorité.
Les questions
philanthropiques que l’on invoque, les calculs que l’on fait, ne mènent à rien.
Il faut rendre justice, il faut la rendre promptement dans l’intérêt de la
partie et dans celui de la société. La cour d’appel, prononçant à la majorité,
présente une garantie suffisante.
M. Dumont. - Quoique l’on dise contre la philanthropie, cela ne
m’empêchera pas de rechercher les plus grandes garanties pour les prévenus. La
proposition de la section centrale exigera peut-être 3 conseillers de plus dans
le royaume.
Je conçois qu’en
matière civile, on veuille un nombre impair de juges, parce qu’il faut
absolument une décision ; le partage ne saurait exister ; mais en matière
correctionnelle, le partage n’est pas à redouter, puisqu’il y a un principe qui
lève toute difficulté : « dans le doute, on acquitte. »
Je désire qu’il y
ait 6 conseillers, je veux la majorité de 4 contre 2 pour prononcer les
condamnations.
Les peines
criminelles sont assez fortes pour que l’on prenne des précautions semblables à
celles que l’on prend au criminel. Vous savez que dans certains cas la majorité
des juges doit se réunir à la majorité
des jurés pour qu’il y ait condamnation.
M. Lebeau. - Ce n’est pas de l’augmentation de trois conseillers
seulement qu’il s’agirait, car les tribunaux de première instance des
chefs-lieux jugent aussi les appels de police correctionnelle et il faudrait
augmenter leur personnel aussi bien que celui des cours. Ils votent au nombre
de cinq juges comme les cours royales ; si on décide que les appels
correctionnels seront jugés par six juges, il faudra bien les mettre à même
d’exécuter la loi ; à moins qu’on ne fasse une exception pour eux, ce qui ne
serait pas raisonnable. Car de deux choses l’une, ou le principe que l’on
propose est bon, et alors il faut l’admettre partout, ou il est mauvais et dans
ce cas il ne faut l’admettre nulle part. Or, en première instance vous n’avez
pas admis le système de parité, puisque trois juges seulement prononceront les
jugement.
Je ne vois pas pourquoi on l’adopterait ailleurs, et
pourquoi on exigerait plus de garanties en appel qu’en première instance, ce
serait non pas un système, la chose ne mérite pas ce nom, mais une anomalie
choquante. Je crois donc que vous devez maintenir le statu quo et renvoyer à la
session prochaine l’article 41, car c’est encore un amendement, aussi bien que
sur ceux lesquels vous avez prononcé l’ajournement.
M. Fallon.
- Je demande à faire une motion d’ordre. J’ai demandé l’ajournement de
l’article, je crois qu’il faut mettre cet ajournement aux voix.
M. Liedts. - L’honorable préopinant se trompe lorsqu’il dit que
si l’article est adopté, il occasionnera une augmentation de personnel dans les
tribunaux de première instance. En effet, ce n’est que dans les chefs-lieux des
provinces que des tribunaux de première instance jugent les appels
correctionnels ; or, outre qu’il y a des juges suppléants pour compléter le
nombre de 6, rien ne s’oppose à ce qu’on emprunte un juge à la chambre civile.
Mais, dit
l’honorable préopinant, pourquoi exiger plus de garanties en appel qu’en
première instance. C’est encore une erreur, car la majorité requise en premier
ressort est de deux voix contre une ; or, la proportion de deux à une ne
diffère pas beaucoup de celle de quatre à deux.
Si l’on veut
ajourner l’article 41 uniquement parce qu’il introduit une innovation, on fera
la même motion sur plusieurs autres articles. Messieurs, l’honorable M.
Gendebien vous l’a déjà dit, il n’y a aucune analogie entre la motion d’ordre
faite par M. Leclercq et celle que M. Fallon vient de faire.
Pourquoi
la section centrale n’a-t-elle pas introduit dans le projet de loi ni le
système de M. de Brouckere, ni celui de M. Devaux, quoiqu’elle reconnaît les
vices existants dans la législation actuelle sur l’administration de la justice
criminelle et correctionnelle ? Parce qu’elle a reconnu que ces systèmes,
quoique bons en eux-mêmes, auraient nécessité des changements dans la
législation qui s’y rattache, et que la révision des codes lui a paru devoir
précéder tout changement semblable.
Mais cela n’a pas
empêché la section centrale d’adopter dans le projet les innovations qui
étaient des améliorations, sans entraîner le bouleversement de la législation
actuelle ; et l’innovation contenue dans l’article 41 est de ce nombre. Je
voterai donc contre l’ajournement de l’article 41.
M.
de Roo. - Messieurs, je crois qu’il serait absurde d’adopter
l’article 41 et de décider que six juges seraient nécessaires pour juger les
appels de police correctionnelle, tandis que nous avons décidé qu’il n’en
faudrait que cinq en matière civile. En police correctionnelle il ne s’agit
guère que de questions de fait toujours assez faciles à résoudre, tandis que
les questions de droit les plus ardues d’où dépendent souvent la fortune
entière dès plaideurs sont soumisses aux chambres civiles ; et cependant
celles-ci ne jugeraient qu’à cinq juges, tandis que les autres jugeraient à six
: cela est impossible à admettre. J’appuie l’ajournement de l’article.
M. Fallon.
- J’ai fait, je le répète, une motion d’ordre, pour l’ajournement ; je demande
qu’il soit mis aux voix.
M. le président. - Veut-on que je mette aux voix l’ajournement ?
Une voix. - Mais c’est précisément là-dessus que la discussion
est ouverte.
M. le président. - En effet, pour savoir s’il y a lieu à
l’ajournement, il faut bien le discuter.
Plusieurs membres. - Aux voix l’ajournement.
M. Gendebien. - Je demande la parole contre l’ajournement. On a dit,
messieurs, pour s’opposer à l’adoption de l’article, qu’il faudrait trois
conseillers de plus, un à chaque cour ; je l’admets ; mais vu le nombre des
membres dont les cours seront composées, on n’aura pas besoin d’en nommer un de
plus. Il est certain qu’on ne composera pas les cours de 15 conseillers
seulement, il y en aura quelques-uns de plus pour parer aux cas d’empêchement,
pour la présidence des assises, etc., et on en trouvera toujours assez pour que
la chambre correctionnelle soit au complet. Il faudra, dit-on encore, des juges
de plus dans les tribunaux de première instance. Non parce que là il y a 9
juges et des suppléants en assez grand nombre pour pouvoir faire le service
sans nommer un juge,de plus.
Un honorable
membre a dit que l’on ne pouvait pas juger certaines affaires aux assises et
voici pourquoi : les tribunaux de chef-lieu sont composés de 9 juges, 6
siégeant en appel pour les affaires correctionnelles ; : il pourra arriver que
la chambre correctionnelle, découvrant que le délit a été mal qualifié et se
trouve de nature à mériter une peine afflictive et infamante, sera obligée de
renvoyer le prévenu devant la chambre de mise en accusation, laquelle le
renverra devant la cour d’assises. L’objection, comme on voit, repose sur un
cas extrêmement rare, car il sera bien rare qu’on ne s’aperçoive qu’en appel
que le prévenu s’est rendu coupable d’un crime et non pas d’un délit. Mais
enfin, ce cas rare, rendra-t-il le jugement devant les assises impossible ? Eh
non ! car il y aura des suppléants pour remplacer les juges qui auront déjà
connu de l’affaire. Un autre membre a dit qu’il serait absurde de faire juger
les affaires correctionnelles par 6 membres, tandis que 5 suffiraient pour les
affaires civiles. Il y a une grande différence entre la fortune et l’honneur
d’un citoyen. Je ne sais pas comment l’entendent les autres, mais pour ma part
j’aimerais cent fois mieux perdre ma fortune que de voir mon honneur flétri par
une condamnation.
N’oublions pas
d’ailleurs que les tribunaux correctionnels peuvent prononcer la peine de 5
années de prison, et 5 années de privation de liberté sont pour bien des gens
une chose plus cruelle que la perte de la fortune. Je pense, messieurs, que ce
peu d’observations suffiront pour vous faire sentir que ce n’est pas sans
raison qu’on demande un peu plus de garantie pour les prévenus de délits
correctionnels, que pour les simples plaideurs au civil ; je pense donc que
c’est le cas d’aller aux voix sur l’article 41. (Aux voix ! aux voix !)
-
La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.
M. le président met aux voix l’ajournement prononcé par M. Fallon.
- Après l’épreuve
et la contre-épreuve, M. le président déclare qu’il est rejeté.
M. Lebeau. - Je ne le pense pas, l’épreuve est douteuse.
M. Liedts. - Renouvelez l’épreuve.
M. le président. - Le bureau déclare qu’il n’y a pas de doute. On va
maintenant voter sur l’amendement de M. le ministre de la justice.
- On procède à
l’épreuve et à la contre-épreuve.
M. le président. - L’amendement est admis.
Plusieurs voix. - Non ! non ! L’appel nominal.
M. le président. - Si la chambre le désire, on va procéder à l’appel
nominal. (Oui ! oui !)
- On procède à
l’appel nominal ; en voici le résultat. Votants, 57, pour 31, contre 26.
L’amendement est
adopté.
MM. Devaux, Fallon
et d’Hoffschmidt se sont abstenus.
M. le président prie les honorables membres d’expliquer les motifs de
leur abstention.
M. Devaux. - Je me suis abstenu parce que par suite de la
décision prise par la chambre, je ne comprends plus la portée de cet artice ;
je ne sais jusqu’à quel point il peut influencer le reste du projet et la
législation actuelle ; tout cela est maintenant pour moi enveloppé dans une
espèce d’obscurité, et je dois attendre pour me prononcer que la lumière se
fasse.
M. d’Hoffschmidt. - J’ai été obligé de m’absenter pendant une partie
de la discussion, j’ai dû m’abstenir de voter.
M. Fallon. -
Je n’ai pas voté parce que je n’ai pas voulu préjuger la question.
M. le président. - Voici donc comment sera conçu l’article 41 :
« En matière correctionnelle, les arrêts ne peuvent être rendus que par
cinq conseillers.
« En cas de
partage… »
Plusieurs voix. - Cette partie de l’article disparaît ; le cas de
partage n’est plus possible.
M. le président. - C’est
juste.
M. Liedts. - Il faut ce
me semble réunir l’article 40 et l’article 41.
M. H. de Brouckere.- J’appuie cette proposition. Alors les deux articles
n’en feraient qu’un ainsi conçu : « Les cours d’appel ne peuvent juger
qu’au nombre de cinq conseillers. » Comme le nombre est égal au civil et
au correctionnel, il est inutile de faire de cela deux dispositions.
M. Van Meenen. - Nous devons voter sur l’article 41, quoique
l’amendement ait été admis et non pas sur l’article 40, à moins qu’on ne
remette en question ; dans ce cas seulement on pourrait voter sur les deux
articles ensemble.
M. le président. - Je vais faire voter sur l’article 41.
M. Lebeau. - J’avais pensé qu’on pouvait réunir les articles 40
et 41, mais après mûre réflexion, je crois que nous devons les laisser séparés,
parce que certaines personnes pourraient vouloir lors du vote de la loi
demander que la chambre civile jugeât au nombre de 7 juges, et la chambre
correctionnelle au nombre de 5, comme cela se fait maintenant.
M. Dumortier.
- Pour ce qui est de la chambre civile nous avons décidé la question à la dernière
séance. Je voudrais bien savoir comment M. Van Meenen entendrait que nous y
revinssions.
M. H. de Brouckere. - Le motif donné par l’honorable M. Lebeau ne
s’oppose pas à ce qu’on adopte ma proposition. Je pense, moi, qu’il faudrait
que la chambre civile fût composée de sept conseillers, et je demande la
réunion des deux articles, parce que cette réunion est conséquente avec ce que
nous avons décidé. Si sur le vote de la loi, on demande que la chambre civile
soit composée de 7 membres et la chambre de police correctionnelle de 5, et que
la chambre adopte cette proposition, il sera bien facile d’en faire deux
paragraphes.
M. Destouvelles. - L’article 40 a été voté avant-hier, c’est une
affaire consommée, du moins quant à présent. Tout à l’heure nous avons voté
l’article 41, c’est encore une affaire consommée. Mais les articles 40 et 41
pourront être l’objet de discussions ultérieures, lors du vote définitif de la
loi, il faut donc les laisser séparés jusque-là, sauf à adopter alors une
rédaction définitive. Il me semble que l’on doit laisser entiers les éléments
du vote partiel pour que les choses soient intactes quand, en vertu de
l’article 45 du règlement, nous reviendrons là-dessus au moment du vote
définitif.
M. Lebeau. - C’est indifférent.
M. Bourgeois. - Il est inutile de faire deux articles ; il serait
tout simple, après l’article 40 de dire : « Il en sera de même en matière
correctionnelle. »
M. le président. - Je vais mettre l’article 41 aux voix.
- En ce moment, M.
le ministre, directeur de la guerre, est introduit.
M. Dumortier.
- On ne vote pas deux fois sur le même article.
M. Jullien. - On n’a voté que sur l’amendement. Il faut voter
encore sur l’article. Qu’avez-vous fait en votant l’amendement ? Vous avez
décidé que les affaires correctionnelles seraient jugées par 5 juges au lieu de
6. Maintenant, votez sur l’ensemble de l’article, car il est possible qu’en
n’en veuille pas ; moi, par exemple, je voterai contre l’article, comme j’ai
voté contre l’amendement.
- L’article 41
amendé est mis aux voix et adopté.
Article 42
« Art. 42.
Les dispositions de l’article précédent sont applicables aux tribunaux des
chefs-lieux de province, jugeant en degré d’appel. »
M. Jullien. - Cet article est inutile, puisque cela se fait ainsi
maintenant.
M. H. de Brouckere. - Cela n’est pas inutile, parce que s’il est vrai que
cela se fasse ainsi, il n’est pas interdit de juger en nombre supérieur, et
c’est ce que le projet ne veut pas. Il faut qu’on ne puisse juger qu’au nombre
fixe de 5 juges.
M. Jullien. - Va donc pour le mot « fixe. » (Hilarité.)
M. Lebègue. - Il faut expliquer clairement le sens de cet article.
Il faut dire : les dispositions de cet article sont applicables aux tribunaux
des chefs-lieux de province, jugeant en appel correctionnel.
M. Bourgeois. - En matière correctionnelle.
M. Jullien. - Jugeant correctionnellement en degré d’appel.
(Appuyé !)
M. Lebeau. - Ce sera sauf rédaction.
M. Destouvelles. - Jugeant les appels correctionnels.
M. Jaminé. - C’est plus simple.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Jugeant les appels en matière correctionnelle.
M. le président. - L’article se terminera ainsi : « jugeant les
appels correctionnels. »
- L’article ainsi
amendé est mis aux voix et adopté.
Article 21
On revient à
l’article 21 du projet, ainsi conçu : « Les arrêts (de la cour de
cassation) ne peuvent être rendus que par neuf conseillers y compris le
président. »
M. Barthélemy. - Je propose de substituer à cet article la rédaction
suivante :
« La cour de
cassation se compose d’un président, d’un vice-président et de 4 conseillers.
« Elle se
divise en deux chambres, l’une de neuf, l’autre de sept membres, siégeant à des
jours différents à fixer par son règlement de service.
« En cas
d’empêchement du président ou du vice-président, ils sont remplacés par les
doyens d’âge.
« En
cas de récusation ou d’empêchement des conseillers de l’une des chambres, ils
sont remplacés momentanément par les conseillers de l’autre chambre en suivant
l’ordre du tableau.
« La chambre
composée de neuf membres s’occupe particulièrement des pourvois en cassation en
matière civile et des questions de conflit d’attribution.
« Les autres
affaires sont portées à la chambre composée de sept membres.
« Le parquet
est composé d’un procureur-général et d’un avocat général. »
M.
Leclercq.
- L’amendement de l’honorable préopinant n’a pas seulement rapport à l’article
21, mais encore aux articles 19, 20 et 21. Il me semble que ce sont là des
matières absolument différentes. Avant de décider de combien de juges se
composera la cour de cassation, il faut décider à quel nombre de juges chaque
chambre jugera.
M. H. de Brouckere. - La chambre peut simplement prendre de l’amendement
de M. Barthélemy la partie qui tombe sur l’article 21, et ne discuter que
celle-là. M. Barthélemy propose deux chambres ; l’une de 9, l’autre de 7
conseillers. Dit-il de quelles affaires connaîtra la chambre de 9 conseillers ?
M. Barthélemy. - Des affaires civiles et des conflits d’attribution.
M. H. de Brouckere. - Il faut se borner à décider en ce moment à quel
nombre de juges on jugera et laisser la division des matières.
M. Barthélemy. - Il me semble, messieurs, qu’on peut déterminer le
nombre des membres dont se composera la cour de cassation à l’occasion même de
l’article 21. J’ai déjà eu l’honneur dans une précédente séance d’exposer à la
chambre combien d’affaires la cour de cassation aurait à juger par an. J’ai établi
qu’elle n’en aurait pas plus de cinquante et je n’ai été contredit par
personne. Au contraire, plusieurs conseillers et M. Bourgeois lui-même ont
pensé qu’il n’y en aurait pas davantage. En supposant que chaque affaire
occupât la chambre pendant deux jours, ça fera 100 jours par année pour les
affaires civiles. Quant aux autres affaires, elles n’occuperont pas l’autre
chambre autant de temps ; par conséquent les deux chambres feront seules le
service très aisément et pourront prendre largement trois mois de vacances. La
chambre civile pourra juger au nombre de 9 conseillers ; ce nombre ne sera pas
trop fort, bien qu’en appel on ait décidé qu’il suffirait de 5 conseillers,
parce que les questions où il s’agit de la violation de la loi, sont toujours
des questions de la plus haute importance et qui peuvent compromettre plus ou
moins la réputation de la cour qui a jugé. Il n’est pas fort agréable en effet
pour une cour de voir juger qu’elle a consacré une violation de la loi, et je
pense qu’il faut 9 conseillers pour réformer un arrêt au civil. Quant aux
autres affaires, excepté les conflits d’attributions qui sont toujours des
matières très graves, on pourra très bien se contenter de 7 conseillers.
En conséquence je pense qu’on pourra faire régulièrement le service avec
16 conseillers en tout, et qu’il n’est pas nécessaire d’en avoir plus parce
qu’on pourra faire un règlement qui réglera le travail de façon qu’une chambre
siège le lundi, et mardi, et l’autre le vendredi et le samedi. De cette manière
une chambre pourra emprunter en cas d’empêchement des conseillers à l’autre.
Cela sera nécessaire surtout la première année, parce que comme il est
vraisemblable que vous prendrez pour former la cour de cassation des magistrats
des cours existantes actuellement, il y en aura qui ayant connu des affaires en
appel seront obligés de se récuser. Ce n’est pas une raison pour augmenter le
nombre de 16 juges, à cause de la division du travail ; une chambre entrant
comme je l’ai dit le lundi et le mardi, et l’autre le vendredi et le samedi,
les membres des deux chambres pourront se suppléer réciproquement suivant
l’ordre du tableau, de manière que chacun soit de corvée à son tour. (On rit.)
M. Destouvelles. - A la cour de cassation de France, toutes les
chambres sont composées d’un même nombre de conseillers. Ici la chambre
décidera si elle veut qu’il en soit de même. Je me bornerai à faire sur
l’amendement de l’honorable M. Barthélemy une seule et unique réflexion. Et je
la prendrai dans l’article du projet de loi.
Voici quels en
sont les termes :
« Lorsqu’après
une cassation, le second arrêt ou jugement est attaqué par les mêmes moyens que
le premier, la cause est portée devant les chambres réunies, qui jugent en
nombre impair. » Lors donc qu’après une première cassation une cour
d’appel jugera dans le même sens et que l’affaire sera reportée devant la cour
de cassation, il faudra réunir les deux chambres. Si vous n’avez que 7
conseillers disponibles, il s’en suivra que 9 auront déjà connu de l’affaire,
et vous n’aurez à déverser qu’un moindre nombre, tandis qu’il est désirable que
l’affaire fût jugée pour la deuxième fois par des hommes dégagés de toutes
prévention. Je ne crois pas, messieurs, que d’une pareille combinaison il
puisse résulter ce que la loi a eu en vue. C’est rendre illusoire le second
arrêt que d’y appeler les neuf membres qui ont déjà jugé dans un sens en
présence de sept seulement qui n’auront pas encore connu de l’affaire.
M. Helias
d’Huddeghem. - Quand M.
Barthélemy était ministre de la justice, il avait dans son projet
d’organisation judiciaire proposé de faire siéger la chambre civile au nombre
de 11 juges, et la chambre criminelle au nombre de 9. C’était conforme à
l’article 32 de la loi de brumaire an IV. Je pense que la chambre ne verra pas
de motif à établir une différence entre le nombre des conseillers des deux
chambres, surtout si pour chacune on adopte le nombre de 9, qui forme le
minimum des conseillers dont se composent les chambres de la cour de cassation
de France.
M. le ministre de la justice
(M. Raikem).
- Le minimum en France est de 11.
M. Helias
d’Huddeghem. - Les cours de Liége
et de Bruxelles sont d’avis aussi que chaque chambre soient composées de 9
membres. Je pense que la chambre adoptera ce nombre pour lequel je voterai.
M. Destouvelles. - Je laisse la
chambre le soin de décider si d’après mon observation il est possible d’adopter
l’amendement. Mais je pense toujours que le nombre des conseillers doit être
égal dans les deux chambres, afin que dans le cas d’un second pourvoi on puisse
balancer le nombre des juges qui auront pris part au premier arrêt.
M. Barthélemy. - On a dit qu’en France les chambres de la cour de
cassation étaient toutes composées du même nombre de juges. Pour moi je les ai
vus siéger en nombres différents de 16, 13 et 11 conseillers. On a dit qu’ici
il était nécessaire que nos deux chambres fussent composées d’un nombre égal
dans le cas où un arrêt une fois cassé, l’affaire ne soit après un second arrêt
en cour d’appel reporté en cassation. Si l’on cherche tous les cas possibles
d’inconvénient, il est possible que vous n’ayez pas deux chambres en certain
cas. Car la première année surtout, il est possible que 7 juges ayant connu de
l’affaire en appel doivent se récuser, ce serait un inconvénient bien plus
grave que tous les autres. Au surplus, est-il bien décidé que l’affaire eût été
jugée une première fois à l’unanimité par les 9 conseillers, et n’est-il pas
possible qu’elle ne l’eût été que par 5 contre 4 ? Vous ne pourriez pas
composer votre cour, en prévoyant tous les cas possibles d’inconvénients, à
moins d’avoir une chambre en réserve la première année et même la seconde. Il
ne faut donc pas trop s’inquiéter à cet égard.
Il y a dans toute
affaire des inconvénients. Si au surplus, des difficultés inextricables se
présentaient, on y pourvoirait en recourant à la législature. Je ne m’opposerai
pas cependant à ce que le nombre des conseillers soit égal dans les deux
chambres, mais en ce cas encore le nombre de 16 vous suffira, en composant
chaque chambre de 7 conseillers en en gardant deux en réserve.
M. le président. - Cette discussion pouvant se prolonger, je crois
qu’il conviendrait d’accorder la parole à M. le ministre de la guerre, qui a
une communication à faire à la chambre. (Mouvement d’intérêt.)
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DU PREMIER
BAN DE LA GARDE CIVIQUE
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - Messieurs, le premier ban
de la garde civique est destiné, par les lois qui ont réglé son organisation, et
le mode de sa mise en activité de service, à concourir à la défense de la
patrie et au maintien de ses droits.
C’est dans ce
premier ban que l’armée de ligne doit trouver sa réserve, pour l’appuyer dans
ses opérations, soit agressives, soit défensives, et c’ets aussi dans une
formation mieux adaptée au service de cette milice citoyenne et tout animée
d’un excellent esprit, que la patrie trouvera des moyens énergiques de défense
et d’agression, si les circonstances nous obligent à recourir à ce dernier moyen,
pour assurer nos droits et notre indépendance.
Les lois des 18
janvier et 29 décembre 1831 ont été exactement suivies jusqu’à ce jour, pour la
formation, l’organisation et la mobilisation des bataillons du premier ban de
la garde civique. Mais l’expérience a fait reconnaître des inconvénients dans
l’application de quelques-unes de leurs dispositions, et le gouvernement désire
les faire disparaître, en soumettant à vos déLibérations le projet de loi que
je suis chargé de vous présenter en son nom, et dont l’objet est de former une
armée de réserve disponible et bien organisée, en tirant le meilleur Parti
possible des immenses ressources que présente le premier ban des gardes
civiques, pour atteindre ce but essentiel et vraiment national.
La création et l’organisation
réellement militaire d’une armée de réserve a été l’objet des pensées du
gouvernement ; il a trouvé, dans l’existence actuelle du premier ban de la
garde civique, tous les éléments nécessaires à la bonne et prompte composition
de cette réserve.
C’est en
mobilisant une partie seulement des gardes civiques, qui composent aujourd’hui
le premier ban, que le gouvernement sera en mesure de former une véritable
armée de réserve, susceptible de rendre d’utiles services ; car autant il
entre, dans toute combinaison militaire, d’avoir une réserve, indépendante de
l’armée de ligne, autant il est dangereux et funeste d’appeler aux armes, et au
moment du danger, des masses entières d’individus sans instructions, et qui ne
sont pas pliés d’avance aux règles de la discipline militaire.
Mais en mettant
sous les armes la partie du premier ban de la garde civique, qui devra composer
la réserve de l’armée, le gouvernement désire éviter les inconvénients qui
résultent des dispositions des lois du 29 décembre et du 8 janvier 1831, et y
apporter les modifications dont l’expérience a fait sentir la nécessité.
La première de ces
lois qui règle le mode à suivre pour la mise en activité du premier ban de la
garde civique, impose au gouvernement l’obligation d’appeler successivement
sous les armes les bataillons et compagnies d’après l’ordre du tirage, qui
s’est effectué dans chaque province. Néanmoins l’article 7 de cette loi
l’autorise, dans les circonstances majeures et urgentes, à s’écarter de l’ordre
du tirage et de la proportion du nombre des gardes à fournir par province.
En usant de cette
faculté, le gouvernement ne s’en trouve pas moins dans l’indispensable
nécessité de faire peser très inégalement les levées qu’il peut ordonner par
province, puisque les bataillons sont formés par canton, et les compagnies par
commune, d’où il résulte qu’en désignant un bataillon quelconque, on lève tous
les hommes du premier ban dans le canton qui doit fournir ce bataillon, tandis
que le canton voisin n’en a pas un seul à fournir.
Cette inégalité de
répartition dans les levées ne peut manquer de donner lieu à de nombreuses
réclamations, et il est juste et naturel d’étendre ces levées à tous les
cantons de la province, pour avoir le nombre des hommes que cette province doit
fournir pour son contingent.
La force de chaque
compagnie et le nombre des compagnies par bataillon est très variable dans
l’organisation actuelle du premier ban, puisque la première dépend de la
population active de la commune, de l’âge de 21 à 30 ans, et que l’autre dépend
aussi du nombre de compagnies formées dans chaque canton, et qui diffère de
plus de moitié sur diverses localités.
II devient donc
impossible de donner une organisation uniforme à ces bataillons et l’uniformité
de composition est un des éléments les plus nécessaires à une bonne formation.
Le mode d’élection
des officiers, prescrit par la loi du 18 janvier 1831, appliqué à des troupes
qui ont besoin d’être instruites et exercées, et qui peuvent se trouver, dès
les premiers moments de leur formation, en présence de l’ennemi, serait un
inconvénient grave : il entraînerait les suites plus funestes, à la guerre,
sous le rapport du manque d’instruction et de discipline, et je n’hésite pas à
déclarer qu’en voulant conserver un pareil mode de nomination, il serait de
toute impossibilité de former une bonne réserve.
L’article 122 de
la constitution qui établit une garde civique, et fait élire par les gardes
leurs sous-officiers et officiers, jusqu’au grade de capitaine, ne peut être
applicable à une armée de réserve. Les hommes appelés à composer les corps qui
formeront cette réserve, organisée à l’instar des troupes de ligne, ne doivent
plus être soumis à un pareil mode, dont l’expérience a fait sentir les dangers.
Parmi les
officiers qui doivent leur nomination à l’élection dans des bataillons déjà
mobilisés et dans ceux qui n’ont pas encore été appelés au service actif, il
existe un très grand nombre d’excellents officiers, qui se sont appliqués à
leurs instructions, et qui sous ce rapport et celui de leur conduite et du bon
esprit dont ils sont animés, peuvent rivaliser avec ceux de l’armée de ligne ;
quelques-uns seulement ne sont pas reconnus aptes à conserver leurs emplois ;
ceux-là seuls ne seront pas employés dans leur grade, et nous demandons que le
gouvernement ait la faculté de choisir, parmi tous ceux qui seront reconnus
susceptibles de bien exercer leurs fonctions.
L’article 3 du
projet de loi comprend dans la réserve de l’armée, les bataillons du premier
ban qui sont mobilisés ; mais leur organisation doit être modifiée pour être
mise sur le même pied que celle des bataillons de ligne : l’intérêt du service
et du trésor le réclame également, et tous les officiers qui ont fait preuve
d’instruction et de bonne conduite seront maintenus dans leurs emplois, ou, en
cas d’excédant, placés dans les nouveaux bataillons à former.
Cette assurance
doit tranquilliser sur leur position, le très grand nombre d’officiers des
bataillons en activité qui, nous le disons avec satisfaction, ont acquis des droits
par leur bonne conduite et leur instruction, à conserver les emplois qu’ils
occupent actuellement.
L’article 6 règle
le mode d’appel des hommes qui devront composer la réserve de l’année, et c’est
celui qui nous a paru à la fois le plus juste et le moins sujet à réclamations.
Les articles 7, 8,
9, 10, 11 et 12 du projet de loi règlent les dispositions de détail de l’appel
et du remplacement ; elles sont, à peu de chose près les mêmes que celles qui
ont pour objet la milice nationale.
L’article 13 borne
la durée du temps de service des hommes de la réserve à celle de l’état de
guerre où nous nous trouvons.
Le gouvernement se
réserve par l’article 14 la nomination à tous les grades d’officiers, et il
prendra d’abord parmi ceux qui ont été élus par leurs concitoyens et qui
présenteront les garanties nécessaires pour bien remplir leurs fonctions : il
complétera les cadres par des officiers qui n’ont pu être placés dans ceux de
l’armée, par une partie de ceux qui sont en non-activité, et enfin par des officiers
de l’armée de ligne pour mettre dans chaque corps des officiers capables de
diriger leurs instructions, d’établir les règles de la discipline militaire, et
de surveiller les détails de l’administration.
Telles sont,
messieurs, les principales dispositions du projet de loi qui vous est soumis et
dont l’objet est d’organiser promptement une forte réserve, capable d’appuyer
les opérations de l’armée de ligne. C’est une des conditions essentielles d’une
bonne organisation militaire, tant pour l’attaque que pour la défense : cette
formation de la réserve n’est pas d’ailleurs une nouvelle charge imposée aux
citoyens, puisque le gouvernement ne demande la faculté de disposer que d’une
partie des gardes civiques du premier ban, qui, d’après les lois existantes,
pourraient être appelés en totalité sous les armes.
Une réserve ainsi
constituée deviendra l’émule de l’armée par son instruction et sa discipline,
comme elle l’est déjà par son courage, il n’y aura de différence entre elle et
la troupe de ligne, que dans les postes occupés ; toutes deux concourront avec
le même zèle et la même intrépidité à la défense de la patrie, et à la
consolidation définitive de son indépendance.
(Suit le texte du projet de loi, non repris
dans la présente version numérisée).
M. le président. - Le projet sera imprimé et distribué.
INTERPELLATION
RELATIVE AUX NEGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour faire une interpellation
à M. le ministre des affaires étrangères.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. d’Hoffschmidt. - Toutes les feuilles ont, il y a quelque temps,
entretenu le public d’un 61ème protocole, par lequel la conférence aurait
enjoint au roi Guillaume de remettre M. Thorn en liberté ; cependant ce
protocole, qui doit être daté du 29 du mois dernier, ne nous a pas été
communiqué par M. le ministre des affaires étrangères, malgré qu’il connaisse
toute l’importance que la nation entière attache à la réparation d’un acte qui
compromettrait sa dignité s’il restait plus longtemps impuni.
Je dis impuni, messieurs, car selon moi il ne suffit pas que le roi de
Hollande rende notre concitoyen à la liberté après l’avoir retenu pendant deux
mois dans un cachot, où il a été incarcéré en suite du guet-apens dont il est
victime ; aussi je m’attendais au moins à voir, dans le Moniteur, le résultat des mesures de représailles dont nous a parlé
M. le ministre lors de notre comité secret ; mais jusqu’à présent, aucune
mesure énergique à cet égard n’est parvenue à notre connaissance, et la dignité
nationale reste compromise, puisque le malheureux M. Thorn se consume dans les
prison d’un despote chassé, qui ne respire que réactions, et qui méprise les
injonctions d’une conférence qui ne sait que faire des protocoles qui finiront
par devenir la dérision du monde entier, s’ils ne sont une bonne fois suivis
d’une prompte exécution. Je demande donc à M. le ministre de l’extérieur qu’il
veuille bien communiquer à l’assemblée le protocole n°61, et à cette occasion
j’espère qu’il nous donnera l’assurance que le gouvernement saura à la fin se
faire rendre justice par la force des armes d’un attentat qui ne peut être
considéré que comme un acte d’hostilité, dans le cas très probable où ce
protocole serait, comme tous les précédents, méconnus plus longtemps par le roi
Guillaume.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Messieurs,
il me sera bien facile de répondre aux interpellations de l’honorable
préopinant. Quant au protocole n°61, je crois qu’il est connu de tous les
membres de la chambre. Au surplus, je ne verrais aucun inconvénient à ce qu’il
fût déposé sur le bureau et à ce qu’il fût imprimé et distribué aux membres.
Pour le surplus, je dirai que le projet qui vient de vous être présenté tend
précisément au but du préopinant. Le gouvernement est décidé à obtenir
réparation par tous les moyens à sa disposition, et après avoir pris
connaissance du projet, la chambre se convaincra de sa ferme résolution
d’obtenir la liberté de M. Thorn, et de reconquérir l’indépendance du pays.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je demande le renvoi immédiat du projet
aux sections. Il y a urgence de l’examiner. D’après ce que vient de vous dire
M. le ministre, et d’après ce que nous savons nous-mêmes, il est probable que
nous devrons tirer l’épée contre nos ennemis. Il se faut se mettre au plus tôt
en mesure de le faire ; l’organisation des 50,000 hommes qu’on demande est
nécessaire. (Appuyé !)
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’appuie la motion de l’honorable préopinant.
M. H. Vilain XIIII. - Je demande le renvoi du projet à une commission.
M. le président. - Le projet sera imprimé et distribué, on pourrait
s’en occuper immédiatement.
M. A. Rodenbach. - Après-demain, Mars avant Thémis. (On rit.)
M. d’Huart. - J’appuie la motion de M. Rodenbach, tout en
regrettant que le gouvernement se soit aperçu si tard que le projet lui était
nécessaire. Si ce n’est qu’aujourd’hui qu’il s’aperçoit que nous devons
reconquérir notre indépendance, et qu’il n’ait pas songé plus tôt à s’en
procurer les moyens, il est très blâmable. Je crois comme le préopinant qu’il y
a urgence à examiner le projet, et je demande qu’on s’en occupe sans retard.
M. F. de Mérode. - Le gouvernement n’a pas présenté le projet plus
tôt, parce qu’il a été très difficile de le rédiger et de le rendre
constitutionnel. (Hilarité.) Oui,
messieurs, il a été très difficile de rédiger un projet qui ne fût pas
contraire aux dispositions de la constitution et qui donnât, en même temps, au
gouvernement les moyens nécessaires pour atteindre le but qu’il se propose.
Plusieurs membres demandent le renvoi du projet aux sections, d’autres
à une commission.
M. Leclercq. - Les sections de ce mois n’ont pas encore été tirées
au sort.
M. le président. - Le jour est arrivé de le faire.
M. H. Vilain XIIII. - J’ai demandé le renvoi à une commission.
Plusieurs voix. - A une commission, ce sera plus tôt fait.
D’autres voix. - Non ! non ! Aux sections.
M. le président. - On va tirer les sections ; en attendant, on
suspendra la discussion de la loi judiciaire.
M. Van Meenen. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je
crois qu’il conviendrait de faire imprimer l’amendement de M. Barthélemy.
De toutes parts. - Il ne s’agit plus de cela.
M. Van Meenen. - Il serait à désirer que l’on imprimât l’amendement
de M. Barthélemy (hilarité) avant la
séance pour qu’on ait le temps de l’examiner.
M. le président. - Il sera imprimé demain avant 9 heures.
M. Delehaye. - Je demande la parole. (Bruit.)
Plusieurs voix. - Il faut mettre aux voix le renvoi aux sections ou à
une commission.
M. Delehaye. - J’ai demandé la parole pour une observation
essentielle. Messieurs, on vous a dit que le gouvernement avait été longtemps à
vous présenter le projet, parce qu’il était difficile de faire une loi qui ne
violât pas la constitution. Il paraît qu’il a mal réussi ; à la simple lecture,
il m’a paru tout à fait inconstitutionnel. (Ce
n’est pas le moment d’examiner cette question.) Permettrez, messieurs, je
n’entends pas traiter la question, mais mon observation est nécessaire, parce
que pour un projet comme celui qui vient de vous être présenté, dans lequel il
peut s’être glissé des inconstitutionnalités, il me semble que l’examen par les
sections convient mieux que son renvoi à une commission. Je demande donc le
renvoi aux sections afin que tous les membres de la chambre se fixent bien, et
sur le sens et sur l’esprit du projet. (Appuyé
!)
M. Dumortier.
- J’appuie de toutes mes forces la proposition de l’honorable M. Delehaye et
ses raisons sont péremptoires pour que les sections examinent elles-mêmes le
projet. Ce n’est pas ici le cas de nommer une commission pour aller plus vite,
car si pour faire la guerre nous devons attendre après l’organisation de
l’armée de réserve, nous ne sommes pas près d’en venir aux mains avec les
Hollandais. Cependant, messieurs, il n’est plus temps de tergiverser, la guerre
seule peut nous tirer de la position où nous sommes ; nous n’aurons la paix
qu’avec des baïonnettes, il faut marcher en avant (hilarité mêlée de quelques murmures ; interruption). Oui,
messieurs, les circonstances sont telles que nous ne devons espérer de solution
à nos affaires que par là. Ou vient vous dire qu’on a usé de représailles,
qu’on veut désormais obtenir des réparations par les armes, reconquérir notre
indépendance. Messieurs, on vous a dit cela vingt fois ; je
ferai, moi, d’autres interpellation à M. le ministre des affaires étrangères,
si la note dont M. Goblet a été chargé de faire la notification à la conférence
a été en effet notifiée. Je demande en outre s’il n’est pas arrivé d’autres
protocoles que celui sous le n°61. S’il en en est arrivé d’autres, je demande
qu’ils soient imprimés et communiqués à la chambre, et si la note de M. Goblet
a été remise, je ne vois rien qui empêche d’imprimer le tout ensemble et de le
faire distribuer aux membres. (Aux voix !
le renvoi aux sections !)
M. le président. - Je vais mettre aux voix le renvoi aux sections. (Bruit).
M. Jaminé. - Je demande la parole. Messieurs, je pensais tout à
l’heure comme M. Vilain XIIII que le projet devait être renvoyé à une
commission. Je sens, en y réfléchissant, que le projet a trop d’importance pour
ne pas être renvoyé aux sections et j’appuie aussi ce renvoi. (Aux voix ! aux voix !)
- Le renvoi aux
sections est mis aux voix et ordonné.
M. Delehaye. - Je demande
la parole pour faire une interpellation à M. le ministre de l’intérieur.
Messieurs d’après le budget… (Interruption.)
M. Jullien. - M. Dumortier a adressé des questions à M. le
ministre des affaires étrangères. Il me semble qu’on doit commencer par évacuer
d’abord ce point, avant de faire des interpellations à M. le ministre de
l’intérieur. Sans cela il est impossible qu’une discussion ait lieu avec
quelque ordre. Je n’aurais qu’à vouloir faire à mon tour des interpellations au
ministre de la justice, et ce sera à n’en plus finir. (On rit.)
M. Gendebien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, personne de vous ne se dissimule l’importance du projet qui vient
d’être présenté, ni la gravité des questions qu’il soulève ; tous nous
reconnaissons l’urgence qu’il y a à examiner le projet ; eh bien, je viens vous
proposer de suspendre nos délibérations en séance publique jusqu’à ce que le
projet ait été examiné en sections (Appuyé.)
- La proposition
de M. Gendebien est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Le projet sera imprimé pour 9 heures du matin, de
manière que les sections peuvent se réunir à 10 heures,
M. Fleussu. - Puisqu’il n’y a pas de séance publique demain, je
demande qu’on ne se réunisse en sections qu’à midi, pour que chacun puisse
avoir le temps d’examiner le projet chez lui. (Appuyé ! appuyé !)
M. H. Vilain XIIII. - Il faut tirer les sections au sort.
M. le président. - On va procéder au tirage.
INTERPELLATION
RELATIVE AUX MESURES PRISES CONTRE LE CHOLERA
M. Delehaye. - M. le président, j’ai demandé à faire une
interpellation à M. le ministre de l’intérieur… Il a été alloué par le budget
au ministère de l’intérieur, une somme pour les mesures à prendre contre le
choléra (on rit et on murmure) et
nous avons vu que les précautions prises ont été inutiles puisque le choléra
règne en plusieurs villes de la Belgique. Je
demanderai à M. le ministre s’il se propose de continuer à sacrifier ces
sommes pour la surveillance établie à la frontière. Ce serait vraiment abusif
s’il en était ainsi et les rigueurs exercées contre les voyageurs seraient sans
excuse, surtout si l’on continuait à les traiter comme on l’a fait jusqu’ici.
Je sais, par
exemple, que deux voyageurs ayant passé la frontière, étaient arrivés jusqu’ici
; eh bien, on les arrête et on les reconduit à la frontière étape par étape. Si M. le ministre déclare que son
intention est de continuer le système suivi jusqu’à ce jour, je verrai la
proposition que j’aurai à faire. En attendant, je demande qu’il s’explique, car
il me semble que toutes les sommes dépensées à la frontière devraient être
employées à secourir les malheureux frappés du choléra.
INTERPELLATION
RELATIVE AUX NEGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
M. Dumortier (vivement). - Je demande la parole pour
une motion d’ordre (Agitation
tumultueuse, M. le président agite la sonnette et réclame le silence).
Messieurs, j’ai adressé deux interpellations à M. le ministre des affaires
étrangères, et j’ai fait en même temps une proposition. Je demande d’abord que
M. le ministre me réponde et que l’on ne donne suite à l’interpellation de M.
Delehaye qu’après que celle que je soulève soit terminée ; car il est
impossible d’intervertir ainsi l’ordre des discussions (c’est juste !) : j’ai d’abord demandé l’impression du protocole
n°61 ; ensuite j’ai fait deux interpellations : j’ai demandé, 1° s’il n’était
pas arrivé d’autres protocoles et si l’impression pouvait en être faite. 2° si
la note de M. Goblet avait été remise à la conférence, oui ou non ; si la
conférence avait fait une réponse et si connaissance pouvait en être donnée à
la chambre. Je demande que M. le ministre s’explique.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Il sera bien facile de répondre aux demandes du préopinant. Indépendamment du
protocole n°61 il en existe deux autres, dont j’ai cru inutile de faire donner
communication à la chambre, ces documents étant connus, parce que les journaux
en ont donné un compte assez exact. Cependant je ne vois pas qu’il y eût de
l’inconvénient à les faire imprimer et distribuer. Quant à la note elle a été
remise, et j’en ai la preuve entre les mains. M. Goblet l’a remise
immédiatement après son arrivée à Londres et jour même où fut faite la
vérification de ses pouvoirs. Jusqu’à présent la conférence n’a pas répondu et
je crois qu’il serait contraire à tous les usages parlementaires de vous
communiquer la note avant qu’une réponse n’ait été faite. Aussitôt que la
conférence aura répondu je m’empresserai de lui communiquer et la note et la
réponse s’il y a lieu.
INTERPELLATION
RELATIVE AUX MESURES PRISES CONTRE LE CHOLERA
M. Jaminé. - Maintenant on peut revenir au choléra. (On rit.)
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la dépense n’est pas telle…
M. Dumortier,
interrompant le ministre. - Je demande la parole. (Agitation.) Je voulais dire que j’étais satisfait de la réponse de
M. le ministre des affaires étrangères. (Hilarité.)
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la dépense est tellement minime qu’elle
ne vaut pas la peine de fixer l’attention de la chambre. Quant aux mesures
prises aux frontières, je pense qu’elles cesseront incessamment. J’ai demandé
pour cela l’avis des conseils provinciaux, plusieurs députations me l’ont déjà
fait parvenir, je recevrai les autres incessamment et aussitôt une décision
sera prise sur cet objet.
M. le président. tire au sort les sections pendant cette opération,
tous les membres sortent de la salle.
- La séance est levée
à 4 heures. Il n’y aura pas séance publique demain.
Noms des membres
des représentants, absents sans congé à la séance du 11 juin : MM. Angillis,
Berger, Taintenier, Cols, Dautrebande, Davignon, Desmet, Domis, Vuylsteke,
Zoude, Dugniolle, Gelders, Lardinois, Legrelle, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson,
Polfvliet, Ullens, Vanderbelen, Verdussen, Ch. Vilain XIIII.