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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 27
janvier 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative à la restitution
aux fabriques d’église et aux établissements de bienfaisance des biens célés du
domaine (Brabant, Dubus, Ullens)
3) Projet de loi accordant des crédits
provisoires au budget du département de la guerre pour l’exercice 1832 (Legrelle, Ch. de Brouckere)
4) Rapports sur des pétitions relatives
notamment à l’indemnisation des victimes des événements de la révolution (d’Elhoungne, Delehaye, H. de Brouckere, Van Meenen),
aux lois sur la milice (Leclercq), à un cumul des
fonctions de secrétaire communal et de commissaire de police (Angillis, C. Rodenbach, A. Rodenbach, Delehaye, H. de Brouckere, Jullien), au
financement des cultes (Thienpont, H. de Brouckere), aux droits sur les eaux-de-vie et à
l’impôt sur les distilleries (Jamme, Brabant),
aux droits sur les tulles (de Haerne, H. de Brouckere), à la liberté de l’enseignement dans
l’enseignement moyen, au jury d’assises (A. Rodenbach,
Van Meenen, Raikem), à
l’expropriation de maisons à Anvers par les autorités militaires (Verdussen)
(Moniteur
belge n°29, du 29 janvier 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à midi et demi.
M. Lebègue fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Lebègue analyse les pétitions, qui sont renvoyées à la
commission.
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE A LA restitution aux fabriques d’eglise
et aux etablissements de bienfaisance des biens celes du domaine
M.
Brabant présente à la
chambre les développements de la proposition qu’il a faite, de concert avec
plusieurs autres membres, sur les biens des fabriques.
M. le
président. - Quand la
chambre a ajourné les développements de la proposition jusqu’à ce jour, elle a
laissé intacte la question de savoir à quelle séance aurait lieu la discussion
sur la prise en considération.
M. Brabant. - Je demande
que cette discussion soit renvoyée au premier jour libre de la semaine
prochaine.
- Après un long
débat, la chambre fixe la discussion sur la prise en considération à mardi
prochain.
M. Dubus développe ensuite une autre proposition collective,
et relative aux biens des établissements de charité.
- La discussion
sur la prise en considération est également ajournée à mardi prochain.
M. Ullens. - Je demande l’impression de ces deux discours. (Appuyé !)
- Sur
l’observation faite par M.
Brabant qu’il est inutile
d’imprimer le sien, parce que tous les développements de la question se trouvent
dans un mémoire distribué à chacun des membres par les fabriques, la chambre
ordonne seulement l’impression et la distribution des développement de M.
Dubus.
PROJET DE LOI ACCORDANT
DES CREDITS PROVISOIRS AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE
1832
La suite de
l’ordre du jour est la discussion du projet de loi tendant à accorder un
nouveau crédit provisoire à M. le ministre de la guerre pour le mois de
février.
M. Legrelle déclare que
la commission du budget de la guerre, en accordant un nouveau crédit, n’a
entendu aucunement préjuger les allocations faites aux intendants militaires.
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). - Mais c’est tout clair ; tout le monde comprend
parfaitement cela.
- On procède à
l’appel nominal sur l’article unique et le considérant du projet de loi. Il est
adopté par 72 voix contre 3. Les opposants sont MM. De Robaulx, Gendebien et
Seron.
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
M. le
président. - L’ordre du
jour appelle ensuite le rapport des pétitions.
M. Delehaye, premier rapporteur. - « Les régences de Liége et de Mons demandent
que les indemnités à la charge des communes, du chef des pillages et
dévastations exercés pendant le cours de la révolution, constituent une dette
de l’Etat. »
La commission
propose le dépôt au bureau des renseignements, et le renvoi au ministre de
l’intérieur.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que les
pétitionnaires réclament une loi qui ait un effet rétroactif. Quant à moi, je
pense que le principe de non-rétroactivité des lois est si sacré, qu’il nous
est impossible de prendre leur demande en considération ; car, sous ce rapport,
c’est une proposition monstrueuse. Je crois donc que la chambre doit passer à
l’ordre du jour.
M. Delehaye. - Je partage l’avis du préopinant
sur la non-rétroactivité des lois ; mais je ferai observer que nous ne prenons
pas la pétition en considération, en proposant le renvoi qui a été ordonné pour
toutes celles du même genre ; c’est seulement pour qu’il soit pris sur toutes
une même résolution.
M. H. de Brouckere. - J’avoue que je ne suis pas
d’accord avec M. d’Elhoungne ; je ne vois pas comment la loi que réclament les
pétitionnaires serait rétroactive. Mais ce n’est pas le moment de discuter
cette question. D’ailleurs, toutes pétitions qui avaient le même objet ont été
renvoyées au ministre de l’intérieur, et déposées au bureau des renseignements
; il n’y a pas d’inconvénient à prendre une décision semblable pour celle-ci.
M. Van Meenen dit qu’en adoptant même les conclusions des pétitionnaires, la loi
qu’ils réclament ne rétroagirait pas contre celle de vendémiaire an IV. Du
reste, il ne voit aucune difficulté à admettre les conclusions de la
commission.
- Elles sont mises
aux voix et adoptées.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Noël Flamant, à Maulde, milicien
de 1829, et le sieur F. Fondriau, se plaignent de ce que l’autorité militaire
ne s’est pas conformée, à leur égard, aux articles 101 et 102 de la loi du 8
janvier 1817. »
La commission
propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Leclercq. - Les pétitionnaires se sont-ils adressés d’abord au
gouvernement ? S’ils ne l’ont pas fait, je demande l’ordre du jour ; car ce
n’est que dans le cas où il y aurait déni de justice que la chambre devrait
prendre une décision.
M. Delehaye avoue qu’il ne résulte pas des pièces envoyées par
les pétitionnaires qu’ils se soient adressés au gouvernement, mais il insiste
pour le renvoi au ministre de l’intérieur.
- La chambre,
consultée, passe à l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Devos, chirurgien-aide-major au
deuxième bataillon de la garde civique, à Rumbeck, signale un cumul exercé dans
la commune par le sieur Destoop. »
La commission
propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Angillis. - La pétition n°311, dont vous
venez d’entendre le rapport par l’organe de M. Delehaye, a été dictée par la
haine et la vengeance ; c’est l’œuvre d’un homme atrabilaire : cet homme,
messieurs, dont les désirs sont plus forts que la raison, a voulu être
assesseur de la commune ; il n’a obtenu qu’une seule voix ; et on conçoit que
ce fut la sienne. Depuis cette époque, il ne cesse de faire des pasquinades
contre la régence en général, et chaque membre en particulier. Je connais le
dénonciateur et le dénoncé ; j’ai fait en peu de mots le véritable portrait de
l’un ; je ne ferai pas celui de l’autre, il serait trop flatteur. Je dirai
seulement que le sieur Destoop a constamment rendu de grands services à la
cause de la liberté, et non sans de grands dangers pour lui. Il était mon secrétaire
lorsque je fus bourgmestre ; en 1825 on me destitua, le sieur Destoop eut le
même sort ; cependant on lui laissa sa place de commissaire de police. Il est
l’auteur de la première pétition contre les griefs ; il a écrit dans le Catholique plusieurs articles, pour
faire connaître les erreurs et les empiétements de l’ancien gouvernement.
La nouvelle
régence, librement élue par le peuple et à laquelle j’ai donné sincèrement mon
vote, l’a nommé secrétaire à l’unanimité des voix. Ses supérieurs diront qu’ils
remplit ses fonctions avec zèle et talents, et, si un jour la nation décrétait
des récompenses pour ceux qui ont préparé l’opinion publique à secouer le joug
hollandais, certainement, je viendrais réclamer une bonne part pour l’homme qui
est l’objet de la dénonciation. Je prie donc la chambre de passer à l’ordre du
jour.
M. C. Rodenbach. - Je crois devoir, messieurs,
rejeter les conclusions de la commission des pétitions et demander l’ordre du
jour. Je partage l’opinion de mon honorable collègue M. Angillis, concernant la
non-incompatibilité de la place de commissaire de police, place donnée par le
gouvernement, et celle de secrétaire de commune, qui est en quelque sorte une
émanation indirecte des élections populaires. Je conçois et je reconnais
l’incompatibilité des places de receveur et de secrétare de commune,
puisqu’elle est établie par une loi ; mais je n’admets pas l’incompatibilité
des emplois de commissaire de police et de secrétaire de commune, parce que la
loi qu’on a citée dans la dénonciation n’a jamais été publiée dans ce pays.
J’ajouterai que M. Destoop, qu’on a cru devoir dénoncer pour cumul, est un
homme d’un talent réel, d’un patriotisme éclairé. Les éminents services qu’il a
rendus à la cause de la révolution n’ont eu, jusqu’à présent, d’autre
récompense que la mince place de secrétaire de commune : récompense la plus
honorable sans doute, puisqu’elle est populaie, surtout à une époque où il y a
tant de passe-droits, et où on semble méconnaître les services rendus au nouvel
ordre de choses. Je pense, messieurs, que si les emplois publics étaient donnés
au mérité, à la capacité, M. Destoop de Rumbeck pourrait prétendre aux premier
emploi du pays.
J’insiste donc sur
l’ordre du jour, d’autant plus qu’un loi sur les abus du cumul doit être
soumise à la législation dans la session actuelle ou dans la session prochaine.
M. A. Rodenbach. - J’appuie l’ordre du jour, et je saisis cette occasion pour déclarer
à la chambre que M. Destoop de Rumbeck fut, pendant les quatre dernières années
du règne de Guillaume, l’un des plus redoublables adversaires des empiétements
du pouvoir déchu. Constamment il signala par la voie des journaux les
violations de la loi fondamentale, le régime des arrêtés et les abus de toute
espèce. Naguère encore, il croyait que du talent et du patriotisme suffisaient
pour obtenir un meilleur emploi. Il s’est détrompé depuis. C’est ici le cas de
dire qu’il n’y a pas de déshonneur à être injustement éconduit.
M. Delehaye. - J’aime à croire tout ce
qu’on a dit en faveur de M. Destoop ; mais il n’en reste pas moins vrai que la
loi du 24 vendémiaire an III, que j’ai citée dans mon rapport, et un décret du
18 octobre 1814, établissement formellement l’incompatibilité des fonctions de
commissaire de police avec celles de secrétaire des communes. Je ne crois donc
pas que la chambre puisse se dispenser de renvoyer la pétition au ministre de
l’intérieur.
M. H. de Brouckere. - Quand la commission s’est
occupée de cette pétition, elle n’a point décidé qu’il y avait incompatibilité,
mais qu’il y avait au moins doute. Voilà pourquoi elle a proposé le renvoi au
ministre de l’intérieur. Il y a encore une autre raison pour ce renvoi, c’est
que la pétition pourra servir de renseignement pour la loi sur le cumul, que
notre collègue M. C. Rodenbach nous annonce devoir être présentée dans cette
session.
M. Jullien déclare qu’il connaît M. Destoop, aux qualités duquel
il rend hommage, mais que la question est de savoir s’il y a cumul ou non. En
conséquence, le renvoi demandé est nécessaire.
- Après une double
épreuve, la chambre ordonne le renvoi au ministre de l’intérieur.
________________
M. Dumortier
demande ensuite la parole, et fait le rapport de la pétition des sieurs
Fleuraud et Cartier, capitaines du bataillon de tirailleurs, qui s’adressent à
la chambre pour obtenir la justice que M. le ministre de la guerre leur refuse.
Cette pétition avait été ajournée par la chambre jusqu’à la présente séance.
M. Dumortier
conclut, au nom de la commission, au renvoi au ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Poschet, deuxième
rapporteur. - « La régence
de Gyselbrecteghem demande que l’Etat se charge des pensions que la commune
paie à son curé. »
La commission
conclut à l’ordre du jour.
M. Thienpont combat cette conclusion, en s’appuyant sur l’article 117
de la constitution, et demande le dépôt au bureau des renseignements et le
renvoi au ministre de l’intérieur.
M. H. de Brouckere. - D’après ce qu’a dit M. le rapporteur, le
pétitionnaire ne se plaint pas que la loi ait été violée à son égard. La
commission a pensé qu’il devait d’abord s’adresser au gouvernement. Voilà
pourquoi elle a proposé l’ordre du jour.
M. Thienpont. - Mais c’est la régence de Gyselbrecteghem qui a
fait la pétition.
M. H. de Brouckere. - Peu importe, la régence ne
se plaint pas de la violation de la loi. Les motifs restent les mêmes.
- La chambre,
consultée, ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au
ministre de l’intérieur.
M. Poschet, deuxième rapporteur. - « Les distillateurs et négociants en
eau-de-vie indigène de Huy demandent : 1° à être admis à jouir d’un crédit
permanent comme sous l’ancien gouvernement ; 2° le rapport de la loi du 4 mars
dernier du congrès ; 3° à ne payer les droits qu’au taux fixé pour les
distillateurs et entreposeurs de Liége. »
La commission
propose le renvoi au ministre des finances.
M. Jamme. - Messieurs, la pétition des
distillateurs et des négociants d’eau-de-vie indigène de la ville de Huy a,
sous presque tous les rapports, les mêmes objets pour but que trois pétitions
que les distillateurs et les entrepositaires de la ville de Liége ont
adressées, une au régent et les autres au ministre des finances. Ces pétitions
sont du plus grand intérêt. Je désire vous donner quelques éclaircissements sur
celle de la ville de Huy dont il est ici question ; ces éclaircissements sont
applicables à celles de la ville de Liége sous beaucoup de rapports.
La pétition des
distillateurs de la ville de Huy peut se diviser en trois points :
1° Le
rétablissement du crédit permanent pour les droits d’accises sur les boissons
distillées à l’intérieur ;
2° L’abrogation de
la loi du 4 mars 1831 sur les distilleries ;
3° La réclamation
contre le privilège en matière d’impôt, en violation de l’article 112 de la
constitution.
A l’époque de la
révolution , les distilleries étaient sous le régime de la loi de 1822 ; une
longue et nuisible expérience avait signalé tous les vices de ce régime.
Le gouvernement
provisoire fit paraître, le 17 octobre, un arrêté qui, par des dispositions
dont on ne peut concevoir les motifs, facilita la fraude au lieu de l’empêcher,
et la facilita à tel point que le distillateur qui, par principe ou par
crainte, n’eût pas voulu frauder, fut obligé d’opter entre le parti de former
sa distillerie et celui de frauder pour pouvoir supporter la concurrence.
Le 4 mars dernier,
le congrès national, après une courte délibération, beaucoup trop courte pour
porter la lumière sur une matière généralement peu connue, arrêta une loi
provisoire qui, sans obvier à aucune des vices de l’arrêté du gouvernement
provisoire, établit incontestablement un privilège en faveurs des distillateurs
aux dépens des entrepositaires et qui, loin de s’opposer à la fraude, la rendit
plus facile encore en établissant la libre circulation, et consacra le principe
injuste de la rétroactivité en changeant le crédit permanent des
entrepositaires en crédit à ferme obligé.
C’est, messieurs,
sous le régime de cette loi, à la fois désastreuse pour l’industrie, pour le
commerce régulier et pour le trésor ; sous cette loi qui a organisé la fraude
et contre laquelle on réclame de toutes parts, qu’une des branches les plus importantes
de notre industrie languit et prive le trésor d’un revenu important, que
j’élève, sans craindre d’être taxé d’exagération, à plus d’un million de
florins.
La nouvelle loi
qui nous est promise sera basée, j’espère, sur des principes d’économie politique
et d’équité, qui, dans leur ensemble, pourront satisfaire aux deux premiers
points de la demande des pétitionnaires de Huy ; mais, messieurs, le troisième
point de leur réclamation se lie intimement avec le fond de toutes les
réclamations des entrepositaires de Liége, et se trouve, en quelque sorte,
indépendant de la nouvelle loi.
Je vais essayer,
messieurs, de vous donner quelques éclaircissements sur cette question, dont
vous apprécierez facilement toute l’importance ; mais vous savez que toutes les
lois sur cette matière sont compliquées et difficiles à concevoir.
Il faut, d’abord,
établir clairement la différence qu’il y avait, antérieurement au 4 mars, entre
le distillateur et l’entrepositaire à crédit personnel.
Le distillateur,
si toutefois il n’était en même temps entrepositaire, comme cela lui était
facultatif, avait un compte de ses prises en charge, dont la liquidation
s’opérait à des termes déterminés par la loi, tandis que l’entrepositaire
n’avait pas de termes fixés pour le paiement et ne pouvait être tenu à payer le
droit que quand il fournissait à la consommation. Le produit des distilleries,
mis au crédit permanent d’un entrepositaire, ne devait rien encore ; il était
censé ne pas exister.
Sous le régime de
la loi du 22 août 1822, on payait le droit très fort de 12 fl. en principal par
hectolitre de spiritueux, à 10 degrés. On sollicita du gouvernement provisoire
une réduction de droit ; il prit alors l’arrêté du 17 octobre 1830, par lequel,
au lieu de diminuer le droit, il diminua la prise en charge du distillateur, en
sorte que cette disposition, dont je viens de démontrer tout le vice, établit
réellement pour le distillateur une réduction de 4 fl. Environ par hectolitre,
sans compter la réduction qu’il parvenait à faire encore par la fraude, que les
autres dispositions de cet arrêté rendaient plus facile.
L’arrêté du 17
octobre mit aussitôt l’entrepreneur, qui toujours payait 12 fl., dans
l’impossibilité de supporter la concurrence des distillateurs, en mains
desquels passa ainsi tout le commerce de spiritueux.
On conçoit
facilement que cette disposition vicieuse a créé matériellement et de la
manière la moins incontestable, un privilège en faveur des distillateurs.
Un bon nombre des
entrepositaires souffrirent d’abord cet état de stagnation dans leurs affaires,
et quelques-uns, ne pouvant rester inactifs, furent obligés de réaliser leur
magasin à grande perte, et de subir toutes les fâcheuses conséquences de
l’injuste privilège.
Les choses restèrent
dans ce mauvais point jusqu’au 4 mars ; l’entrepositaire n’étant tenu à payer
qu’en fournissant à la consommation, ne pouvant fournir, il ne payait pas.
Mais au 4 mars
survint cette loi informe, irréfléchie et enlevée comme par surprise ; cette loi,
qui par un effet rétroactif a ravi à l’entrepositaire le bénéfice du crédit
permanent que lui assurait la loi du 26 août 1822, ; sur la foi de laquelle il
avait entreposé des spiritueux, certain qu’il croyait être de n’être jamais
obligé d’en payer le droit qu’au jour de la mise en consommation et au taux du
droit audit jour.
Cette loi changea
le crédit permanent en crédit à terme obligé : on arrêta le compte de
l’entrepositaire, on fit le bordereau de ce qu’il devait pour les spiritueux
entreposés au taux élevé de 12 florins, et on divisa le total en quatre
paiements égaux, à effectuer de trois mois en trois mois… Il ne resta alors à
l’entrepositaire trompé par la loi, obligé de payer, sans s’y attendre, un
droit exorbitant qui l’empêche de réaliser, qu’à réclamer vivement contre
l’injustice et les vices de cette loi.
Ainsi, messieurs,
malgré la bienveillance des autorités qui ont partagé le pouvoir depuis notre
révolution, par une fatalité digne de remarque et qui démontre le mal que peut
produire l’intérêt particulier, dans son infatigable activité, le mauvais
système qui régissait nos distilleries, sous le gouvernement hollandais, n’a
fait qu’empirer chaque fois que l’on a voulu y porter la main.
A la fin de juin,
l’administration supérieure, à la modération et aux vues conciliantes de
laquelle je dois rendre justice, poussée à bout par les pressantes et justes
réclamations de tous les entrepositaires de Liége et par la volonté ferme
qu’ils témoignaient de s’opposer par toute voie légale aux vues et aux
fâcheuses conséquences de la loi du 4 mars ; l’administration supérieure,
dis-je, fit parvenir au receveur les deux tiers du premier trimestre échu : ces
deux tiers représentaient 8 florins par hectolitre, taux auquel les
entrepositaires demandaient que le droit dût réduit.
A cette époque les
entrepositaires de Huy, qui n’avaient pas été aussi pressants que ceux de Liége
dans leur réclamation, bien qu’ils sentissent comme eux tout le vice et
l’injustice de la loi, ont dû effectuer le paiement des termes échus de leur
crédit, au taux de 12 florins. Ils apprirent alors que les entrepositaires de
Liége n’avaient encore payé que 8 fl. ; et, considérant les paiements effectués
à Liége comme définitifs, ils viennent aujourd’hui, s’appuyant sur l’article
112 de la constitution, se plaindre du privilège fait à leur préjudice en
faveur des entrepositaires de Liége. Mais ils ignorent que maintenant le
receveur de Liége réclame les troisièmes tiers des deux trimestres échus, et le
paiement intégral du troisième.
En sorte,
messieurs, que les entrepositaires de Liége prouvent, à l’évidence, que des
vices de la loi du 4 mars il est résulté un privilège à leurs dépens et en
faveur des distillateurs de Liége ; et les entrepositaires de Huy démontrent
qu’il y a privilège en faveur des entrepositaires de Liége, à leur préjudice.
En voyant les
choses au fond, vous jugerez que l’une et l’autre de ces plaintes sont fondées.
Je demande donc le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, en
l’invitant à fournir des renseignements sur des intérêts d’une aussi grande
importance. Il y a d’autant plus d’urgence, que je suis informé que les
entrepositaires de Liége sont décidés à former opposition légale pour les
paiements qui restent à faire, et que ceux de Huy ont déjà formé cette
opposition.
Je
n’ajouterai qu’une dernière réflexion qui prouve à quel point le droit de 12
florins, imposé aux entrepositaires, n’est pas le droit que paie réellement le
distillateur, c’est que l’article 3 de la loi du 4 mars, qui traite du
remboursement à faire du droit, lors de l’exportation, n’élève ce remboursement
qu’à 8 florins.
Voilà, sans doute,
une manière fort neuve d’encourager l’industrie. L’entrepositaire qui aura payé
le droit de 12 florins, s’il exporte, on lui en remboursera 8 seulement.
Je fais
itérativement la demande de voir enfin présenter à notre délibération une loi
sur la matière, qui soit conforme aux vrais intérêts de l’industrie et qui
mette la chambre à même de frapper de nullité la loi du 4 mars dernier, dans
laquelle, en très peu d’articles, l’intérêt particulier est parvenu à faire
consacrer les erreurs les plus grossières en économie politique et tous les
vices auxquels l’arbitraire et le privilège pouvaient donner lieu ; cette loi
si peu digne de l’époque, qui n’a été que le fruit de la suggestion, de la
précipitation et de l’erreur.
M.
Brabant appuie cette
proposition, qui est adoptée.
M. Poschet, deuxième rapporteur. - « Le sieur J.-J. Devreux, natif de Batry
(Luxembourg) et fabricant de tulles à Sedan, sollicite la prohibition des
tulles anglais, ou une augmentation de droits jusqu’à 20 p. c. »
Le rapporteur
propose le renvoi à la commission d’industrie.
M. l’abbé de Haerne. - Je m’oppose à ce renvoi, par le motif qu’en matière
d’industrie, il faut toujours chercher l’intérêt et le bien-être des masses.
Or, si vous adoptez la proposition de la commission et que la conséquence soit
la prohibition des tulles anglais, vous provoqueriez de la part de l’Angleterre
des représailles funestes pour le commerce de nos dentelles, qui sont un moyen
d’existence pour les Flandres. Si vous prohibez leurs tulles, les Anglais
prohiberont vos dentelles, et vous plongerez ainsi dans la misère une foule de
citoyens.
M. H. de Brouckere fait observer qu’en proposant le renvoi, la
commission n’a entendu aucunement approuver la demande des pétitionnaires.
- Le renvoi à la
commission d’industrie est adopté.
________________
M. H. de Brouckere, troisième
rapporteur. - « Le
sieur J.-J. Thomas, à Samar (Namur),signale une violation de l’article 6 de la
constitution par l’introduction de jésuites français, come corps enseignant en
Belgique. »
Il est vrai que,
d’après l’article 6 de la constitution, les Belges seuls sont admissibles au
emplois ; mais, par une autre disposition, cette même constitution proclame la
liberté d’enseignement. Il en résulte que des Français peuvent enseigner en
Belgique aussi bien que les autres. En conséquence, la commission vous propose
de passer à l’ordre du jour.
- Adopté.
________________
M. H. de Brouckere, troisième
rapporteur. - « Le sieur
Alexandre, à Marche, ex-professeur au collège de Furnes, demande une indemnité
ou une pension. »
M. le rapporteur
appelle l’attention de la chambre sur cette pétition. Il raconte que le
pétitionnaire a perdu sa place de professeur, non point à cause de sa mauvaise
conduite ou de son incapacité, car il est porteur des certificats les plus
honorables ; mais parce que la régence de Furnes a jugé à propos d’introduire
dans le collège des ecclésiastiques. Le sieur Alexandre s’est adressé au
gouvernement. L’administrateur de l’instruction publique lui a répondu que le
pouvoir exécutif ne pouvait lui accorder, sans autorisation, l’indemnité à
laquelle il avait droit, mais qu’il pouvait présenter à la chambre une pétition
à cet effet.
En conséquence, la
commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des
renseignements.
- Ordonné.
M. H. de Brouckere, troisième
rapporteur. - « Les habitants
notables de Courtray adressent des observations contre le jury. »
La commission
propose le renvoi au ministre de la justice et au bureau des renseignements.
M. A. Rodenbach. - Il y a environ six semaines
que notre collègue, le procureur-général, nous a dit que le ministre de la
justice avait en portefeuille une loi transitoire, tendante à améliorer
l’institution du jury. J’invite, pour la troisième fois, M. le ministre de la
justice à nous soumettre ce nouveau projet tant désiré. J’insiste d’autant plus
pour qu’on nous le présente sur-le-champ, que, dans mon district, un cri
d’indignation s’élève parmi les jurés contre un séjour dans le chef-lieu de la
province, qui dure quelquefois plus d’un mois, et cela sans rétribution aucune.
M. Van Meenen. - Notre collègue est dans l’erreur. Je n’ai pas dit
que le ministre de la justice eût en portefeuille un projet de loi sur le
jury, mais que moi et plusieurs jurisconsultes nous nous occupions de ce
projet. Il sera prêt d’ici à peu de temps.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) annonce, de son côté, que le gouvernement a nommé une
commission pour préparer un projet sur cette matière, et que plusieurs
honorables députés, entre autres M. H. de Brouckere, ont bien voulu l’éclairer
de leurs lumières. Il ajoute que le gouvernement sera à même, prochainement, de
présenter cette loi.
- Les conclusions
de la commission sont adoptées.
________________
La chambre a
renvoyé sans discussion, à la commission d’industrie, les pétitions :
« 1° Des
habitants de la commune d’Oosterzeele, qui demandent l’augmentation des droits
de sortie sur les lins. »
« 2° Du sieur
Téodore Cohudweyler, qui présente une requête contre les décisions dilatoires
de l’administration des contributions directes, relativement à l’emploi d’une
machine dans les distilleries, sous le nom de « distillation à la
manivelle. »
« 3° De sept
brasseurs de Bruxelles, qui demandent que, lors de la loi sur les distilleries,
la chambre prenne une mesure tendante à ce que les quantités à exporter soient
fixées à 20 barils au lieu de 40, et qu’elle ait lieu pour les exportations par
terre comme pour celles par eau. »
« 4° Et du
sieur J.- B. Cellier-Blumenthal, qui adresse à la chambre des observations sur
la loi des distilleries. »
Cette pétition est
renvoyée, en outre, au ministre des finances.
Au ministre de la
guerre :
« 1° Celle du
sieur Ch. Lacourt, ancien capitaine à Mons, qui demande une pension ou
l’arriéré de sa solde. »
« 2° Celle
des sieurs Meert et L.-A. Wuyts, d’Anvers, qui réclament le paiement de
l’estimation de leurs propriétés démolies par suite des travaux de défense du
camp retranché dans cette ville. »
Le ministre de la
guerre est invité à s’expliquer dans la quinzaine sur cette dernière pétition.
Cette décision a
été prise à la demande de M. Verdussen, qui a prononcé à ce sujet le discours suivant. - Messieurs,
il m’est douloureux d’avoir à élever la voix pour appuyer une réclamation qui
n’aurait jamais dû vous avoir été adressée, puisqu’elle ne tend qu’à obtenir le
paiement d’une dette qui n’aurait elle-même jamais existé si la constitution
n’avait pas été violée par l’autorité militaire. Les pétitionnaires sont ceux
dont, dans cette enceinte, j’ai déjà fait valoir les droits, il y a plus de
deux mois, lorsque la chambre s’est occupée, le 24 novembre dernier, du crédit
de 2,800,000 florins que M. le ministre de la guerre demandait à la nation pour
atteindre la fin de l’exercice de l’année 1831. C’est alors qu’après avoir
interpelé M. le ministre sur cette lésion de notre pacte fondamental, je lui ai
fait passer les pièces qui prouvaient que des habitants d’Anvers avaient été
privés de leurs propriétés, au mépris de l’article 11 de notre constitution,
sans que l’indemnité préalable leur eût été accordée. Indépendamment de la
réponse publique de M. le ministre, dont les journaux ont rendu compte, il m’a donné
personnellement l’assurance que la valeur de la maison dont j’avais parlé était
comprise dans le crédit qu’il demandait ; et cependant le crédit a été alloué,
et deux mois se sont écoulés, sans que le paiement ait été effectué, sans
qu’une violation manifeste de la plus sacrée de nos lois ait cessé d’affliger
et de scandaliser le public. Ceux-là même qui, par leur position, sont plus
particulièrement appelés à la faire respecter, peuvent-ils impunément la
transgresser et rester sourd aux réclamations des représentants de la nation,
qui viennent soutenir son inviolabilité ? Ou, peut-être, M. le ministre
s’appuiera-t-il sur le décret impérial du 24 décembre 1811, pour fouler aux
pieds nos garanties constitutionnelles, et, à l’aide de l’article 95 de ce décret,
nous soutiendra-t-il que l’existence des maisons envahies gênait la circulation
de son artillerie et de ses troupes ? Que, cédant à une impérieuse nécessité,
il a sacrifié à la suprême loi du salut des peuples, la loi suprême de la
nation belge ? Je me plais à croire qu’il ne le fera pas et qu’il n’oserait pas
le faire, quand même il le voudrait, lorsque, depuis longtemps, le crédit lui a
été ouvert au moyen duquel il devait faire face aux dépenses que les
circonstance sont malheureusement rendues nécessaires ; cependant, je désire
qu’il s’en explique nettement, et je demande, en conséquence, que la pétition
qui nous occupe lui soit renvoyée, avec demande de renseignements et
d’explications dans un temps limité, que je propose de fixer à quinzaine.
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Au ministre de
l’intérieur et au bureau des renseignements :
« 1° Celle du
sieur Louis Duvivier, à Liége, capitaine de la garde civique, qui demande la
révision de la loi sur les gardes civiques. »
« 2° Celle de
la régence de Durbuy, qui demande le report de l’article 94 de la loi du 8
janvier 1817, et de l’art. 27 de la loi du 27 avril 1820, sur la milice. »
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Au ministre de la
justice :
« 1° Celle
des administrations communales de Calloo, Burght et la Chage, qui demandent
que, lors de la nouvelle organisation judiciaire, le tribunal civil,
actuellement établi à Termonde, soit transféré à Saint-Nicolas. »
Cette pétition
est, en outre, renvoyée au bureau des renseignements.
« 2° Celle de
divers fabricants de Bruxelles, Malines et Wavre, qui signalent des abus dans
le confectionnement des équipements militaires dans les prisons. »
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Au ministre de la
guerre et au bureau des renseignements :
« Celle du
sieur Van Dael, chevalier de la légion d’honneur à Mons, qui réclame sa
pension. »
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A la commission
des mines :
« 1° Celle
des membres de plusieurs sociétés et propriétaires de charbonnage au couchant
de Mons, qui demandent que la chambre s’occupe par urgence de l’examen de la
loi présentée sur les mines. »
« 2° Celle
des habitants de Jumet intéressés dans des sociétés de charbonnages, qui
emandent le rapport de la loi du 21 avril 1810. »
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Au bureau des
renseignements :
« Celle du
sieur Gilbert père, de Bruxelles, qui demande une loi équitable sur le
déguerpissement. »
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Enfin, la chambre
passe à l’ordre du jour sur les pétitions :
« 1° Du sieur
Hebbelonck, de Gand, qui prie la chambre de statuer favorablement sur sa
dernière pétition. »
« 2° Des
sieurs Hedent et L. Hansez, à Chênée, qui demandent la restitution d’un droit
de consommation payé pour un bâtiment chargé de sel, qui a échoué. »
« 3° Du sieur
Fasimaix, qui rappelle sa pétition au congrès national, tendante à faire
liquider ses prétentions à charge des communes de Hylen et de Bevel. »
« 4° Du
chevalier Bodelet, à Girouvelle, qui réclame le paiement de sa solde forestière
arriérée. »
« 5° De la
dame Chamineton, qui renouvelle sa demande d’une loi qui autorise le classement
de son baume dans la nomenclature des remèdes radicaux. »
« 6° Du sieur
Andréas, à Tongres, qui réclame le paiement de sa solde arriérée. »
« 7° Du sieur
Duplos, instituteur à Liége, qui renouvelle sa demande d’une indemnité pour la
perte de son épouse dans l’émeute du 2 septembre. »
« 8° De la
régence de Nederbrakel, qui adresse à la chambre un duplicata de sa précédente
pétition. »
« 9° Du sieur
Ch. Gouffaux, de Bruxelles, qui demande le renvoi à qui de droit d’une pétition
adressée par lui au gouvernement provisoire. »
« 10° Du
sieur Louis Glorieux, qui adresse des observations sur la proposition de MM. de
Robaulx et Seron, relative à l’instruction publique. »
« 11° Du
sieur Geeraert, fermier de barrière, qui se plaint de ce que le tribunal de
Courtray ait acquitté des cultivateurs qui allaient chercher des engrais sans
payer le droit de barrière. »
« 12° Des
sieurs F. et J. Alix, fermiers de barrière, qui demandent une indemnité. »
« 13°Du sieur
Léon Maes, qui prie la chambre de rejeter du budget du ministre de l’intérieur
toutes les sommes qui y sont portées pour l’instruction publique. »
M. le président annonce qu’il n’y aura pas de séance publique avant
mardi.
La séance est
levée à 4 heures.