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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 octobre 1831
Sommaire
1) Projet de loi autorisant le gouvernement à
prélever un emprunt par anticipation de la contribution foncière et de la
contribution personnelle (Bourgeois, Olislagers, Verdussen, Duvivier, Devaux, Fallon, Osy, Goethals,
Osy, d’Elhoungne, Coghen, Leclercq, Seron,
de Theux, (+contribution foncière et surtaxe des
Flandres) Lebègue, Gendebien,
(+surtaxe des Flandres) (Helias d’Huddeghem, Dellafaille, Jaminé), Gendebien, Verdussen, Fallon, Coghen, Lebeau,
Duvivier, Osy, Leclercq,
Devaux, Osy, Leclercq,
de Theux, Legrelle, Dumont, Devaux, Verdussen,
Coghen, d’Huart, d’Elhoungne, Jamme, de Robaulx, Leclercq, Gendebien, Coghen, (+contribution
foncière et surtaxe des Flandres) (de Terbecq, Coghen, de Robaulx)
2) Motion d’ordre relative à l’état des
négociations diplomatiques (traité des 24 articles) (Gendebien,
de Muelenaere)
3) Rapport sur une pétition relative à
l’exclusion de l’armée de certains officiers volontaires (Jonet,
Gendebien, Rogier, H. de Brouckere, de Robaulx,
Legrelle, Gendebien, Legrelle, F. de Mérode, Gendebien, Rogier, de Robaulx)
(Moniteur belge n°128, du 21 octobre 1831)
(Présidence de M. Destouvelles.)
La séance est ouverte
à 11 heures.
M. Dellafaille lit le procès-verbal
qui est adopté.
M.
Lebègue analyse quelques pétitions. Elle sont renvoyées à
l’examen de la commission.
MM. Pirson et Mesdach
prêtent serment.
L’ordre du jour est
la continuation de la délibération sur le projet de loi relatif à l’emprunt.
PROJET DE LOI RELATIF
A L’EMPRUNT PAR ANTICIPATION
Discussion des
articles
La discussion est
ouverte sur l’article 6.
M. Bourgeois, M.
Olislagers, M. Verdussen, M. Duvivier, M. Devaux et M. Fallon
présentent successivement des amendements sur la dernière partie de l’article.
Après quelques
observations qui sont faites sur ces amendements, M. Osy demande la parole
pour une motion d’ordre, et il s’exprime ainsi. - Je demande que tous les
auteurs des amendements se retirent pour s’accorder entre eux sur une
rédaction, et que cette rédaction soit ensuite présentée à la chambre.
- Cette proposition
est adoptée.
Les auteurs des
amendements sortent de la salle, et la discussion continue sur les articles 7
et suivants.
Articles 7
à 14
Les articles 7, 8, 9,
10, 11, 11, 12, 13 et 14 sont adoptés sans discussion en ces termes :
« Art. 7. Les
receveurs adresseront aux redevables des avertissements du montant de leur
cotisation, et ce sans frais. »
« Art. 8. A
chaque paiement de l’emprunt, les receveurs délivreront, sous le nom des
prêteurs, des récépissés provisoires de sommes égale à celles qui auront été
versées.
« Les récépissés
provisoires seront considérés comme effets au porteur. Ils indiqueront les
cotes respectives qu’ils représentent, et ne pourront valoir que pour le
montant réel de ces cotes. »
« Art. 9. Les
récépissés provisoires seront échangés du 1er avril 1832 au 30 juin suivant,
dans l’arrondissement où ils ont été délivrés, par les agents que désignera le
pouvoir exécutif, contre des obligations du trésor de 500, 100, 50, 25 et
10florins chacune.
« Les
obligations du trésor seront soumises au visa de la cour des comptes ; elles
sont aussi considérées comme effets au porteur. »
« Art. 10. Les
agents chargées des échanges seront autorisés à recevoir en espèces le
supplément nécessaire pour compléter e montant d’une obligation. Si les
intéressés le préfèrent, il leur sera délivré de nouveau récépissé pour
compléter le montant de ceux qui seront convertis en obligations. »
« Art. 11.
Aucune réclamation ne sera admise contre l’assiette de l’emprunt que pour
autant qu’elle soit fondée sur une erreur matérielle, sur l’inobservation des
dispositions de l’article 2, ou sur une réclamation antérieure présentée du
chef de la contribution foncière ou la contribution personnelle.
« Les
réclamations ne dispenseront pas de l’acquittement de l’emprunt aux époques
prescrites. »
« Art. 12. On
suivra, dans l’instruction des réclamations mentionnées à l’article qui précède
la même marche qu’à l’égard des contributions qui servent de base à l’emprunt,
sauf toutefois qu’elles devront être présentées au plus tard quinze jours après
la date de l’avertissement, et que la décision sera prise par la commission
permanente du conseil provincial dans le mois qui suivra leur réception. »
« Art. 13. Les
privilèges du trésor public pour le recouvrement de l’emprunt sont les mêmes
qu’en matière de contributions directes. »
« Art. 14. Les
poursuites s’exerceront d’office à la diligence des receveurs, sans autorisation
préalable, en commençant par la contrainte qui sera décernée contre les
retardataires, cinq jours après l’expiration de chaque terme. »
M. Goethals propose, par un
article additionnel que les receveurs percevront les cotes de l’emprunt
moyennant le quart de leur remise ordinaire.
Quand tous les
citoyens font des sacrifices, dit l’honorable membre, il est juste que les
fonctionnaires en fassent aussi.
M. Osy propose de mettre :
« moyennant la moitié. »
M. d’Elhoungne. - L’amendement ne
peut être pris en considération par un motif très simple, c’est que les
perceptions extraordinaires, au lieu d’être profitables aux percepteurs, leur
sont au contraire onéreuses, parce que ces agents du pouvoir ne touchent pas
une remise fixé, mais d’après l’échelle de leur recette, de sorte que plus la
recette augmente, plus le tantième diminue.
- Sur les
observations de M. le ministre des finances (M. Coghen), M. dElhoungne, M. Leclercq et M. Seron, qui s’opposent à l’amendement, il est rejeté
et, d’après la proposition de M. de Theux, cet amendement est
remplacé par l’article 12 de la loi du 21 avril sur le dernier emprunt, ainsi
conçu :
« Pour les frais
de perception, les versements seront considérés comme suppléments de
contribution. »
Cet article formera
l’article 15 de la loi.
Article additionnel
M.
Lebègue. - Messieurs, lors de la discussion de l’article
premier du projet de loi, il a été fait par plusieurs honorables membres,
auxquels j’ai eu l’honneur de me rallier, une proposition dont la justice était
irréfragable, puisqu’elle se vérifiait sur des chiffres, et que d’ailleurs le
gouvernement l’avouait, et que personne dans cette assemblée, n’a eu une
objection à y faire. Cette proposition était basée sur l’un des principes les
plus sacrés de la constitution, l’égalité de tous, et l’exclusion de privilèges
en fait d’impôts. Les Flandres ont réclamé cette égalité à l’égard des autres
provinces depuis nombre d’années ; mais leur juste demande a toujours été
écartée sur la vaine promesse d’une péréquation prochaine. Néanmoins la
surtaxe, reconnue par tout le monde, reste sans cesse la base de toutes les
contributions et des emprunts fonciers, et ruine les petits propriétaire de ces
provinces. Si ce n’était qu’une fois, si ce n’était même, dans des moments
difficiles, qu’une fois annuellement qu’ils eussent à subir cette surtaxe, on
la passerait, on l’envisagerait comme un sacrifice à la chose publique, sans
prendre égard à ceux que font ou ne font pas les provinces voisines ; mais
c’est pour la troisième fois, endéans une année, et toujours à la décharge des
autres provinces, que les Flandres sont requises de payer une contribution
aussi injuste. Non, messieurs, la chose est devenue impossible, il faut enfin
que justice se fasse, avec d’espérer de nouveaux sacrifices.
L’amendement,
tendant sinon à obtenir cette péréquation, du moins à frayer la route qui doit
y conduire, a été rejeté ; je connais trop les antécédents de la chambre pour
le reproduire ; mais c’est au gouvernement maintenant à savoir comment il
obtiendra pour ses objets les suffrages des deux plus belles provinces du
royaume, qui ont des droits à faire valoir, et qui ne réclament pas de faveurs.
Ces provinces ont envoyé parmi nous 22 mandataires, dont aucun, certes, n’est
chargé de sanctionner ici la surtaxe de ses mandats. Quant à moi, je le dis à
regret, mais je le dois ; malgré mon intention formelle de soutenir le
gouvernement par tous les moyens équitables qui sont en mon pouvoir, je ne pourrai
donner mon assentiment au projet en discussion jusqu’à ce qu’un répartition
plus juste à l’égard de la Flandre nous soit présenter.
M. Gendebien. - Messieurs, dans la
séance d’hier j’ai dit que j’adoptais la première base du projet, c’est-à-dire
de la base de la contribution foncière, et que je repoussais la seconde, celle
de la contribution personnelle. Aujourd’hui je sens la nécessité d’engager mes
concitoyens à faire de nouveaux sacrifices ; je les supplie de faire quelques
sacrifices en argent pour sauver le pays. La nature des communications que j’ai
reçues hier est telle, que je regarde comme nécessaire de faire tous nos
efforts pour repousser les attaques d’un ennemi déloyal. Je déclare donc que
j’ai changé d’opinion depuis hier, et, si l’on avait encore quelque crainte de
voir abuser de la loi, je crois que l’on peut avoir
confiance dans M. le ministre des finances, dans la modération et la sagesse de
cet homme qui n’a pas hésité à prendre l’administration du trésor au moment de
la révolution, alors que nous n’avions qu’un florin 37 cents en caisse et pour
tout trésor. (On rit.) Je suis
convaincu qu’il réalisera toutes les promesses qu’il a faites et qu’il m’a
réitérées hier en particulier.
M. Helias
d’Huddeghem demande que le ministre fasse disparaître, au budget
prochain, l’inégalité de l’impôt qui pèse sur les deux Flandres.
M. Dellafaille monte à la tribune
pour développer son opinion à cet égard ; mais il en descend sur l’observation
de M. Jaminé,
qui fait remarquer que la chambre est occupée maintenant de la discussion des
articles, et qu’on ne peut développer son opinion sur l’ensemble du projet.
Article 6
En ce moment, les
auteurs des amendements, qui s’étaient retirés pour s’accorder sur une
réduction de l’article 6, rentrent dans l’enceinte.
M. le président fait connaître cette rédaction en ces termes :
« Art. 6. La
seconde partie de l’emprunt sera répartie entre la moitié des contribuables les
plus imposés au rpôlede la contribution personnelle, au marc le florin de leurs
cotes respectives.
« Si
la division des contribuables au moitié ne pouvait s’effectuer d’une manière
exacte, à cause de l’inégalité des cotes intermédiaires, les contribuables que
ces cotes concernent contribueront par parts égales dans l’emprunt, à raison
seulement du montant de cotes nécessaires pour compléter la moitié des plus
imposés.
« Si un seul
contribuables se trouve dans cette position intermédiaire, il ne contribuera
dans l’emprunt que pour la moitié de sa cote.
« Cette
portion de l’emprunt est exigible le 15 décembre prochain.
« Les rôles
seront arrêtés et rendus exécutoires par les gouverneurs. »
M.
Gendebien propose de mettre : « Si un seul
contribuable se trouve dans cette position intermédiaire, il ne contribuera pas à l’emprunt. »
M.
Verdussen combat cet amendement.
M.
Gendebien le retire.
- L’article 6 qui
précède est mis aux voix et adopté.
M. Fallon propose un article additionnel
ainsi conçu : « Dans les communes où les rôles de la contribution
personnelle se trouvent divisés par sections, la répartition sera établie sur
la moitié des contribuables les plus imposés dans la commune, et non dans
chaque section en particulier. »
M.
le ministre des finances (M. Coghen) s’engage à donner des ordres pour que la
répartition soit ainsi faite ; il affirme, du reste, qu’il l’a toujours entendu
ainsi.
M.
Lebeau
appuie l’amendement parce que, quelle que soit la bonne volonté de M. le
ministre, il regarde cet amendement comme indispensable dans la loi, pour
éviter tous les doutes de la part de ceux qui sont chargés de l’exécuter.
- L’article
additionnel de M. Fallon est adopté et forme la dernière partie de l’article 6.
Article 15 (devenu
article 16)
On passe ensuite à la
discussion de l’article 15 du projet de loi, qui devient l’article 16.
M. Duvivier propose de le
remplacer par l’amendement suivant :
« Les bons de
l’emprunt seront compris comme numéraire dans les caisses publiques pour droits
et contributions, qui ne seront exigibles qu’après le 30 juin 1832.
« Les récépissés
non échangés pourront valoir en paiement desdits droits et contributions, mais
seulement dans les bureaux où ils ont été délivrés. »
M. Osy et M.
Leclercq appuient cette rédaction.
M. Devaux. - Je ne puis
admettre cet amendement, parce qu’il change tout le système de la loi.
Remarquez bien, messieurs, que l’année prochaine nous pourrions nous trouver
encore dans l’embarras. Supposez la paix la plus avantageuse pour la Belgique,
toujours est-il que nous aurons à payer non seulement une partie de la dette
pour 1832, mais encore l’arriéré. D’un autre côté, pourront-nous désarmer ?
Croyez-vous qu’il sera bien prudent de renvoyer nos troupes pour faire des
économies, quand la Hollande ne désarmera pas ? Vous voyez donc qu’il peut y
avoir de nouveaux besoins, et, au lieu de forcer le trésor à faire les emprunts
en juillet et en janvier, il vaut mieux que ces deux emprunts se fassent
ensemble en janvier.
Quant
à moi, messieurs, j’adopte l’article du projet de loi primitif ; c’est une
mesure sage, entière ; si vous ne le votez pas, vous n’aurez qu’une
demi-mesure, et vous vous serez engagés dans une fausse voie. Je demande donc
que l’article primitif soit mis en délibération. (Appuyé.)
M. Osy propose d’ajouter :
« Les récépissés au-dessous de 10 florins, non échangés, seront admis
comme numéraire dans les caisses publiques, à dater du 1er juillet 1832, pour
doit et contributions à partir de cette époque. »
M. Leclercq répond aux arguments de M. Devaux, et persiste
dans son opinion sur l’amendement de M. Duvivier.
M. de Theux, M.
Legrelle, M. Osy et M. Dumont présentent de nouvelles observations sur
l’amendement.
M.
Devaux
répond à M. Leclercq, et dit qu’il faut prévoir l’avenir. Il vote pour
l’article primitif du projet.
M.
Verdussen propose un amendement, qui n’est pas appuyé.
M. le ministre des finances (M. Coghen) dit qu’il aurait
préféré que les bons ne fussent remboursables qu’en 1834, parce que le
gouvernement a besoin d’argent pour soutenir une armée nombreuse.
M. de Theux rejette la seconde
partie de l’amendement de M. Osy.
M.
d’Huart vote pour.
- La discussion sur
les amendements est close.
La proposition de M. Devaux,
qui consiste à maintenir l’article primitif du projet, est d’abord mise aux
voix.
L’épreuve
est douteuse, on procède à l’appel nominal. 42 membres se prononcent pour la
proposition, 45 contre ; elle est rejetée.
L’amendement de M
Duvivier est mis ensuite aux voix.
M. de Theux demande la division.
Le premier paragraphe
est adopté avec un sous-amendement de M. d’Elhoungne, qui consiste à
mettre après les mots : »pour droits et contributions, » ceux-ci :
« dont l’échéance et l’exigibilité seront postérieures au 1er juillet
1832. »
Le second paragraphe
est ensuite mis aux voix et adopté.
L’article 16, ainsi
modifié, est également adopté.
M.
Jamme
propose un article additionnel, par lequel il demande que la première partie de
l’emprunt ne soit pas exigible du chef des propriétés dévastées par suite des
émeutes populaires, et que la seconde ne soit pas non plus exigible en ce qui
concerne les portes et fenêtres.
M. de Robaulx dit qu’il ne conçoit pas comment on exigerait
l’impôt sur des portes et fenêtres qui n’existent plus.
M.
Leclercq fait observer que les propriétaires dévastés ont été
obligés de payer, parce qu’ils étaient portés sur le rôle de contributions de
janvier, et qu’il en serait de même.
M.
Gendebien. - Je propose d’ajouter à l’article 2 ces mots :
« par suite des événements politiques. » Cela remplirait le but de M.
Jamme.
Après une légère
discussion, cette proposition est adoptée ; l’article 2 demeurera ainsi conçu :
« La première
partie de l’emprunt ne sera pas exigible du chef des propriétés détruites ou
submergées par suite de la guerre ou d’autres événements politiques. »
M.
le ministre des finances (M. Coghen) propose un article additionnel ainsi conçu :
« La loi
deviendra obligatoire le troisième jour après sa promulgation. »
Cet article est
adopté et forme le 17ème de la loi.
M. de Terbecq. - Avant de passer au vote sur la loi, je
demande que M. le ministre des finances se prononce d’une manière définitive
relativement aux deux Flandres.
M.
le ministre des finances (M. Coghen) répond qu’il convient encore que les deux
Flandres soient surchargées, mais qu’il peut seulement promettre de faire tous
ses efforts pour y remédier.
M. de Terbecq demande que cette
réponse soit consignée au procès-verbal.
M.
de Robaulx s’y oppose.
- Cette proposition
n’a pas de suite.
Vote sur l’ensemble
du projet
On procède à l’appel nominal
sur l’ensemble du projet ; il est adopté par 70 voix contre 18.
Voici les noms des
opposants :MM. Domis, Milcamps, Lebègue, Jullien, Vergauwen, Jacques,
d’Hoffschmidt, d’Elhoungne, Liedts, Thienpont, Verhagen, de Haerne, Coppieters,
Delehaye, A. Rodenbach, Seron, Helias d’Huddeghem et de Robaulx.
M.
Gendebien. - Je demande la parole. Puisque M. le ministre
des affaires étrangères est présent, je l’invite à nous dire quand il jugera à
propos de nous faire un rapport sur les négociations diplomatiques. Je crois
qu’il est nécessaire que nous soyons bientôt fixés sur notre sort, et que la
nation sache bientôt quels efforts elle sera encore obligée de faire pour
repousser avec énergie son ennemi acharné.
- Un grand nombre de
membres qui avaient quitté leurs places y retournent précipitamment.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Messieurs, les pièces auxquelles le
préopinant fait allusion n’ont été communiquées à moi que ce matin. Elles sont
assez volumineuses, et je dois avoir le temps de les examiner. Toutefois,
j’espère pouvoir faire un rapport à la chambre demain ou après-demain.
M.
Gendebien. - Je demande que ce rapport ait lieu demain ;
le temps presse, il faut que chaque citoyen sache le sort que l’on destine au
pays. D’ici au 25, il n’y a que 5 jours ; demain il n’en restera plus que 4 ;
il ne faut pas attendre le dernier moment ; j’insiste pour que le rapport ait
lieu demain. (Appuyé ! appuyé !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Il m’est impossible de prendre un engagement
à cet égard. Vous savez que le Roi est absent, les pièces n’ont été mises sous
ses yeux que ce matin ; il s’en occupe en ce moment. Le conseil des ministres
doit s’assembler dans peu d’instants ; ce n’est qu’après le conseil que je
saurai ce que j’ai à faire. On sent que je dois prendre les ordres du Roi :
toutefois il ne tiendra pas à moi que le rapport n’ait lieu demain. (Bien ! bien !)
RAPPORT SUR UNE
PETITION
M. Jonet, rapporteur de la
commission des pétitions, fait un rapport sur la pétition des officiers du
12ème régiment de chasseurs.
Les
pétitionnaires se plaignent d’avoir été renvoyés par M. le ministre de la
guerre. Ils demandent : 1° qu’une commission soit nommé par le ministre de la
guerre pour examiner le travail de réorganisation fait par le colonel Vandenroeck,
à la suite duquel ils ont été mis de côté ; 2° que la commission décide quels
sont ceux qui doivent être réintégrés dans l’armée ; 3° que ceux qui, après
l’examen, ne seraient pas réintégrés, reçoivent leur démission honorable, avec
une juste indemnité, si on ne les admet pas à jouir de la demi-solde ; 4° enfin
que chaque reçoive la solde de son grade, en attendant la décision du ministre.
La commission propose
le renvoi au ministre de la guerre, avec invitation de faire un rapport sur son
contenu le plus tôt qu’il pourra.
M.
Gendebien.- Messieurs, j’appuie le renvoi au ministre de
la guerre. Je dirai peu de mots pour motiver mon vote. Les circonstances où
nous nous trouvons sont trop graves pour que je veuille élever une discussion
qui pourrait dégénérer en question personnelle.
Plusieurs des
pétitionnaires sont venus me trouver ; déjà ils avaient insisté dans plusieurs
journaux sur un point qu’ils m’ont prié de mettre sous les yeux de la chambre :
c’est qu’après avoir pris tous les renseignements possibles, ils se sont
convaincus qu’aucun des officiers n’a été marqué, comme l’avait dit M. le
ministre assez légèrement. Je n’en dis pas davantage pour le moment, parce que
je me propose de voir le ministre de la guerre aujourd’hui ou demain pour
appuyer auprès de lui les réclamations des pétitionnaires, afin de prouver que,
dans ma carrière politique, je ne suis efforcé toujours de faire rendre à
chacun la justice qui lui est due, et que je n’ai jamais cherché à faire du
bruit.
Je dois cependant
mettre sous les yeux de la chambre une observation qui répond à ce que nous a
dit ici M. le ministre. Il n’est malheureusement que trop vrai qu’après la
réorganisation de l’armée, il ne s’est trouvé que 600 soldats volontaires pour
200 officiers. Mais quand les volontaires furent incorporés dans le 3ème
chasseurs, on en comptait 3,089 commandés par 195 officiers. C’était au 31
mars, lors de l’arrêté du régent. Encore faut-il retrancher de ce nombre 8
chirurgiens, 5 porte-drapeaux et 14 musiciens, qu’on avait compté dans le
chiffre des officiers. A ces 3,089 soldats, il faut ajouter le corps des
chasseurs de l’Escaut qui en comptait 550 ; en tout 950, qui, ajoutés aux
3,089, donnent un total de 4,039 hommes. Vous voyez, messieurs, que le nombre
de soldats excédait relativement le nombre d’officiers qui les commandaient.
Je
me bornerai à ces observations, quoique je puisse profiter de cette occasion
pour relever bien d’autres erreurs avancées par M. le ministre de la guerre.
L’orateur répète
qu’il verra le ministre demain ou après-demain, et il terminant en approuvant
les conclusions de la commission.
M. Rogier. - Messieurs, j’ai
beaucoup regretté de ne m’être pas trouvé à la séance où fut discutée la
pétition des officiers du 12ème chasseurs ; je me serais fait un devoir de
prendre, comme je le devais, la défense des pétitionnaires, qui auraient
mérité, ce me semble, un peu plus d’indulgence de la part de ministre ; non que
je défense tous les officiers renvoyés, je sais qu’il y a des distinctions à
faire ; mais on a usé d’une brusquerie peu équitable à l’égard d’un certain
nombre, et c’est de ceux-là que je viens prendre la défense.
Quand, à la suite
d’événements récents, on a vu la désorganisation de l’armée, on a été frappé
surtout de l’indiscipline qui régnait dans les régiments, et on s’en est pris
aux jeunes officiers qui y avaient été nouvellement introduits. Je ne connais
pas les pétitionnaires ; mais parmi eux il en est un dont le nom m’a frappé. Celui-là, messieurs, n’est pas un
homme du lendemain, c’est un homme du jour et même de la veille. Trois semaines
avant la bataille de Bruxelles, il était venu dans cette ville avec la cocarde
liégeoise, car c’est d’un Liégeois que je parle. Ce jeune homme, après avoir
vaillamment combattu pendant les journées, a servi depuis, constamment, dans un
grade bien modeste, celui de sous-lieutenant. Eh bien ! il a été frappé
impitoyablement et renvoyé sans solde, ni traitement aucun.
J’ai cru, messieurs,
que je devais chercher les causes de ces destitutions, et une chose m’a frappé
dans les renseignements que j’ai pris. Au nombre des motifs de destitution de
ces officiers, on en trouve de la force de celui-ci : « comme n’étant bon
à rien. » Et ce motif frappe sur un home qui a été assez bon pour se
battre et pour se faire cribler de blessures. Un deuxième motif est celui-ci :
« ne connaissant rien ; » un troisième : « raisonneur ; »,
un quatrième : « médisant. » (Murmures.)
Peut-être l’officier supérieur qui a fait destituer ce dernier avait été exposé
à ses mauvais propos ; mais de bonne foi, quelque large qu’on suppose la loi
militaire, quelque arbitrairement qu’on puisse l’appliquer, est-il permis de
destituer un officier quand on n’a d’autre reproche à lui faire que celui
d’être médisant ?
Remarquez, messieurs,
que je ne parle pas ici d’officiers qui n’ont obtenu que des brevets
provisoires, mais d’officiers qui avaient été brevetés dès le mois d’octobre.
Sans doute, il en est parmi ces officiers qui n’avaient pas une éducation
militaire parfaite. Je suis trop jeune pour savoir comment en 1814 fut
organisée l’armée hollandaise ; mais je suppose bien qu’alors, comme
maintenant, il se glissa dans l’armée des officiers inexpérimentés qui durent
plus tard se former au service.
C’est l’effet de
toute révolution de placer certains hommes plus haut qu’ils n’étaient
auparavant, et de les élever même à une position pour laquelle d’abord ils ne
semblent pas faits. Mais qu’on s’en rapporte à eux : par respect pour
eux-mêmes, pour le rang qu’ils ont acquis, pour leur propre dignité, ces
gens-là se forment bientôt. C’est là, messieurs, un des résultats les plus
remarquables de notre révolution. Des hommes qui, jusque-là, avaient vécu dans
une position modeste, se sont trouvés élevés aux postes les plus éminents ; ils
avaient acquis ce droit pour leurs services ; je ne sais s’ils y ont gagné en
bonheur ; mais enfin c’est un fait. Pourquoi ne verrait-on
pas dans la carrière militaire ce qu’on a vu dans le civil ? Les officiers dont
vous vous plaignez acquerront avec un peu d’habitude, et par leurs nouvelles
relations, tout ce qui leur manque. Craignait-on pour la discipline, en les
conservant dans les régiments où ils étaient ? On aurait pu les disséminer, les
faire passer dans d’autres corps, et là, sous les yeux d’officiers moins
familiers avec eux et plus sévères, ils auraient acquis l’amour de la
discipline, les connaissances qui leur manquaient, et les bonnes manières,
puisqu’on semble les exiger d’eux.
Je ne prends pas la
défense de tous les officiers en masse ; je sais qu’il s’était introduit dans
l’armée des hommes qui n’avaient jamais figuré dans les journées de septembre
et, s’il est telle conclusion qui mérite l’approbation de tous les bons
patriotes, il en est beaucoup qui ne sauraient être approuvées ; c’est pour
cela que j’appuie le renvoi au ministre de la guerre.
M. H. de Brouckere. - Je demande la
parole pour donner connaissance à la chambre de quelques mots que vient de
m’adresser celui qui se trouve à la tête de l’administration de la guerre. Il
me prie de vous exprimer le regret de ne pouvoir assister à la discussion ;
mais il en est empêché par de vastes occupations, et par une extinction de voix
qu’il a rapporté du camp de Diest. Il me prie en même temps de faire connaître
à la chambre qu'à la suite de la discussion sur la pétition des officiers du
12ème, ces officiers ont été soumis à un examen, et qui plusieurs injustices
qui avaient été commises ont été réparées. Quant aux officiers du 3ème régiment
de chasseurs, il existe un arrêté, d’après lequel les officiers renvoyés, et
qui se croiraient lésés, ont jusqu’au 1er novembre pour réclamer, soit en
produisant leur brevet définitif, s’ils en ont un, soit en se soumettant à un examen,
s’ils n’ont qu’un brevet provisoire.
M.
de Robaulx. - Je n’ai pas connu l’existence de ce arrêté ;
il n’a jamais été publié, je crois. Si je ne me trompe pas à cet égard, j’en
ferai un nouveau grief contre le ministre. On prend ainsi des arrêtés que l’on
conserve dans les cartons, et qui ne voient le jour que quand une pétition
force le ministre à les faire connaître. Ce n’est pas ainsi, je crois, que l’on
devait entendre la publicité.
J’appuie le renvoi
proposé par la commission, parce que les motifs qui ont fait prononcer le
renvoi de la pétition des officiers du 12ème sont les mêmes pour les officiers
du 3ème, qui, eux aussi, ont concouru à assurer la liberté de la Belgique ; et
cependant plusieurs d’entre eux sont dans un tel état de misère, que, quand ils
ne trouvent pas un abri chez un ami mieux partagé qu’eux du côté de la fortune,
ils sont obligés d’aller bivouaquer à l’endroit même où ils ont triomphé de nos
ennemis.
Je dois ici faire une
réflexion qui n’aura pas échappé à l’assemblée. C’est que ce n’est que sur les
officiers inférieurs qu’est tombé le poids de la colère ministérielle ; eux
seuls, d’après ce qui se passe, sembleraient être la cause de nos désastres ;
ainsi, s’il n’y a pas eu d’ensemble dans les opérations de l’armée ; si les
vivres, si tant d’autres choses ont manqué, c’est aux officiers inférieurs
qu’il fait s’en prendre. Ainsi les uns sont frappés impitoyablement, sans
solde, sans traitement, et réduits à la position la plus misérable ; les
autres, et ce sont les plus favorisés, sont soumis à un examen et, s’ils ne
savent pas la théorie, ils sont renvoyés à leur tour : en sorte que des hommes
qui ont bivouaqué tout l’hiver, à la barbe de l’ennemi, et qui ont été sans
capotes, sans chemises pour ainsi dire, sont renvoyés sans rémission. Ils n’ont
pas eu le temps d’apprendre la théorie par principes ; ils ne l’ont apprise que
par la pratique, en face de l’ennemi : ce n’est pas ce qu’il faut au ministre
de la guerre.
Je citerai entre
autres la brigade du général Mellinet, qui a passé tout l’hiver en présence de
l’ennemi, et qui a été ensuite renvoyée brutalement, au mépris de tous les
services qu’elle avait rendus.
Ce n’est pas à des
officiers inférieurs qu’il eût fallu faire subir des examens, c’est aux
officiers supérieurs ; à ceux-là seuls peuvent être attribués nos désastres. Si
on avait fait subir des examens à nos 40 généraux, vous en auriez vu surgir 3
ou 4 de bons, et ce sont ceux-là mêmes qu’on a disgraciés.
Je vous citerai comme
injustement congédié le major Schavaye, qui, après avoir été retenu longtemps
prisonnier par les ordres du nommé Van den Boeck, a été renvoyé sans solde ; et
on sait cependant la noble conduite de cet officier pendant la révolution et
depuis. Ainsi les hommes de septembre sont renvoyés sans appointements, avec
une simple lettre qui leur annonce qu’ils sont démissionnés.
On
ne vit jamais, messieurs, un tel mépris pour les services rendus. J’appuie donc
le renvoi propos par la commission. Espérons qu’on fera pour les pétitionnaires
ce que l’on a fait pour les officiers du 12ème.
L’orateur termine en
soutenu que les brevets délivrés par le général Nypels étaient des brevets
définitifs, et non des brevets provisoires, comme on l’a soutenu.
M. Legrelle demande le renvoi pur et simple au ministre de
la guerre. Il fait observer qu’éclairé par la discussion qui eut lieu sur la
pétition des officiers du 12ème, le ministre de la guerre leur a rendu la
justice qu’ils méritaient, et que l’on peut compter sur lui pour en faire
autant à l’égard des officiers du 3ème chasseurs.
M.
Gendebien combat le renvoi pur et simple ; il demande que les
conclusions de la commission soient adoptées, afin que M. le ministre fasse un
rapport sur la pétition. Il ajoute :
On vous a cité un
nom, messieurs ; il faut que j’en parle à mon tour. On vous a parlé du major
Schavaye. C’est un des meilleurs patriotes de la Belgique. Il a abandonné, lors
de la révolution, la plus belle position possible. Il avait un établissement
parfaitement monté qui lui fournissait, non seulement des moyens honorables
d’existence, mais qui pouvait être pour lui une source de fortune. Eh bien ! il
a changé son atelier en arsenal ; il a fabriqué et fourni des cartouches aux
combattants, et, assisté de sa généreuse épouse, il a soigné chez lui 37
ouvriers blessés et 30 autres volontaires. Pour le récompenser, on l’a renvoyé
impitoyablement après 42 jours de détention arbitraire, et il est aujourd’hui
sur le pavé de Bruxelles, sans ressources, et réduit à implorer des secours de
sa famille. Et pour qui ? Je m’abstiens de le dire, messieurs ; mais, si l’on
m’y force, je parlerai.
A ce nom, j’en
ajouterai un autre, celui du sieur Duchêne, qui, par modestie, a refusé le
grade de major. Après plus de vingt ans de service, il demandait à entrer dans
la cavalerie avec le grade de capitaine ; il s’était conduit vaillamment
pendant la révolution. On l’avait renvoyé par suite de la pétition des
officiers du 12ème. Il a été obligé de subir un examen. Messieurs, cet examen a
été des plus brillants, et les officiers que le lui ont fait subir lui ont
rendu une justice éclatante.
Je ne parlerai pas du général Mellinet,
puisqu’il n’est pas au nombre des pétitionnaires ; mais je dirai que l’on a été
injuste envers lui. On a commencé par l’aigrir pour l’éloigner ensuite.
J’appuie le renvoi au
ministre. Je ne veux que justice pour tous, mais je la veux.
M.
Legrelle. - On convient que M. le ministre de la justice
a fait rendre justice aux officiers du 12ème. C’est une raison pour s’en
rapporter à lui dans cette circonstance.
M. F. de Mérode. - Tout à l’heure il a été dit que les brevets
délivrés par le général Nypels n’étaient pas des brevets provisoires mais des
brevets définitifs. Je dois dire la vérité à cet égard. Il n’a jamais été dans
l’intention du gouvernement provisoire de donner au général
Nypels le pouvoir de délivrer des brevets définitifs. A cette époque l’armée
était d’un jour à l’autre plus ou moins nombreuse. Aujourd’hui il y avait peu
de monde sous les armes, demain il y en avait beaucoup. Quand il y avait
beaucoup de soldats, il fallait beaucoup d’officiers pour les commander, et,
comme ce nombre variait d’un moment à l’autre, il fallait bien que quelqu’un
nommât des officiers. Cette charge fut donnée au général Nypels ; mais il n’eut
jamais le pouvoir de donner autre chose que des brevets provisoires.
Nous-mêmes, au gouvernement provisoire, nous avons signé un grand nombre de
brevets, sans renseignements sur les personnes qui les obtenaient, et tout cela
avec l’intention de soumettre ces brevets à une révision ultérieure.
M.
Gendebien fait observer que les brevets que l’on délivre
aujourd’hui sont conçus dans les mêmes termes que ceux délivrés par le général
Nypels. (Aux voix ! aux voix ! La clôture
!)
M.
Rogier
demande la parole.
- Les cris : Aux voix ! La clôture ! recommencent,
plusieurs membres quittent leur place.
M. le président. - Messieurs, ne vous retirez pas, nous ne
serons plus en nombre pour délibérer.
Plusieurs voix. - Mettez les
conclusions de la commission aux voix ; la discussion a été assez longue.
M.
Rogier. - Vous ne voulez donc pas savoir quelle est la
nature des brevets délivrés par le général Nypels ? (Aux voix ! aux voix !)
M.
de Robaulx. - Parlez ! parlez !
M.
Rogier
obtient enfin la parole. - Je dois déclarer, dit-il, que le gouvernement
provisoire n’a pas entendu que ces brevets fussent définitifs. A mesure qu’un
officier avec 20 ou 30 hommes à commander, on lui donnait un brevet. Mais ces
officiers eux-mêmes entendaient bien que ce n’était qu’un brevet provisoire.
Cela est si vrai que plus tard, beaucoup de ces officiers sont venus demander
que leur brevet fût rendu définitif, et que d’autres se sont contentés d’un
grade inférieur. (Aux voix ! aux voix !)
- Après un léger
débat sur la position de la question, elle est ainsi posée : Renverra-t-on la
pétition au ministre de la guerre ?
La question est résolue
affirmativement à une grande majorité.
La séance est levée à
3 heures.