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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 17 octobre 1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif à l’organisation des
cours et tribunaux (Jonet)
3) Rapports sur des pétitions relatives
notamment à l’indemnisation de victimes des événements de la révolution à
Bruxelles (Gendebien, de
Robaulx, Jonet, Gendebien, Osy) et dans les polders, aux pensions de légionnaires
d’empire (Corbisier, Gendebien,
Coghen)
4) Projet de loi relatif aux conseils
provinciaux (de Nef, Devaux)
5) Projet de loi autorisant le gouvernement à
lever un emprunt par anticipation de la contribution foncière (Leclercq, Lardinois)
6) Projet de loi relatif au conseil des mines
(+conseil d’Etat) (Gendebien, Seron,
(+mines de fer) Fallon, Pirmez, Gendebien, Desmanet de Biesme, Fallon, Leclercq, de Robaulx)
(Moniteur belge n°126, du 19 octobre 1831)
(Présidence de M. Destouvelles.)
La séance est ouverte
à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Lebègue fait l’analyse de
plusieurs pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
Le même donne ensuite
lecture de deux lettres. Par l’une, la cour supérieure de justice de Bruxelles
annonce qu’elle ne pourra pas faire parvenir à la chambre ses observations sur
le projet d’organisation judiciaire, à l’époque fixée du 21 courant.
La deuxième lettre
fait connaître que M. Pirson assistera, à compte de mardi, aux séances de la
chambre, d’où une assez grave maladie l’a tenu éloigné depuis son élection.
PROJET DE LOI RELATIF
A L’ORGANISATION DES COURS ET TRIBUNAUX
M. Jonet donne quelques
explications pour justifier les retards apportés par la haute cour de justice
de Bruxelles dans l’examen du projet sur l’organisation judiciaire. Il rappelle
que c’est le 20 septembre qu’il fut décidé que le projet serait soumis aux
cours et tribunaux, et que leur avis devait être donné dans le mois. Ce n’est
que quinze jours plus tard que le projet a été imprimé et distribué aux membres
de la cour supérieure de justice : par conséquent, le délai d’un mois, qui
avait été accordé pour recueillir les observations des cours et tribunaux, a
été diminué de moitié. Il convient dès lors d’assigner un termes plus éloigné
que le 21 courant, afin que les tribunaux aient le temps de terminer leurs
observations et de les adresser à la chambre. L’honorable membre demande, en
conséquence, que le délai soit prorogé jusqu’au 4 novembre.
- La chambre,
consultée par M. le président, proroge le délai jusqu’au 5 novembre.
_______________
M. de Woelmont,
député d’Hasselt, admis dans la dernière séance, prête serment.
M. Corbisier présente le rapport
de plusieurs pétitions, au nom de la commission chargée de les examiner.
« Neuf
propriétaires de Bruxelles, dont les maisons ont été incendiées par les
Hollandais dans les journées de la révolution, demandent qu’il soit ouvert au
budget un crédit qui permette de payer le montant de l’estimation de ces
immeubles au cours côté par le gouvernement. »
Selon M. Gendebien,
dit le rapporteur, ces propriétaires se seraient engagés à rebâtir leurs
maisons avec le montant de l’estimation ; je dois déclarer que la pétition ne
contient nullement cet engagement.
La commission vous
propose le renvoi au ministre de l’intérieur, avec invitation de fournir à la
chambre des renseignements.
M. Gendebien. - Je n’ai jamais eu
connaissance de la pétition ; mais plusieurs propriétaires, signataires de
cette pétition, se sont présentés chez moi, et m’ont donné l’assurance formelle
que l’argent qu’ils recevraient serait employé à rebâtir de suite.
M. de Robaulx. - Avant d’examiner
si l’indemnité sera entièrement à la charge du gouvernement, je voudrais qu’on
connût le montant des indemnités réclamées, car des pertes ont été éprouvées à
Bruxelles, à Anvers, dans d’autres localités ; et, comme il s’agit peut-être de
grever le budget de plusieurs millions, il est nécessaire d’agir avec
circonspection, surtout au moment où nous allons voter un nouvel emprunt de
douze millions. Le renvoi pur et simple au ministre préjugerait le principe de
l’indemnité. Eh bien ! sans examiner si cette indemnité doit être partielle ou
entière, j’opposerai toujours aux pétitionnaires que jamais le principe
d’indemnité n’a été jugé, et qu’il n’a même pas été posé.
J’admets le renvoi, à
la condition que la chambre n’entend pas décider par ce fait la question de
l’indemnité, et que M. le ministre nous fera connaître le montant des
indemnités.
M. Jonet fait observer que
les conclusions de la commission sont conformes à l’opinion de M. de Robaulx,
et qu’elles ne préjugent rien quant au principe de l’indemnité.
M. Gendebien. - Messieurs, s’il
s’agissait de déclarer aujourd’hui que tous ceux qui ont éprouvé des pertes par
suite de la révolution dussent être indemnisés, je n’hésiterais pas à me
décider pour l’affirmative, dût la moitié de la nation être obligée
d’indemniser l’autre moitié ; car, entre concitoyens, les pertes et les
bénéfices doivent être supportées en commun. Je demande donc qu’un crédit soit
ouvert, précisément parce que j’ai la conviction que plusieurs propriétaires,
en rebâtissant de suite, vont donner du pain aux ouvriers, qui bientôt en
manqueront, lorsque surtout nous entrerons dans la saison rigoureuse de
l’hiver. Si on tarde à statuer sur cette pétition, il ne sera plus temps de
s’en occuper dans six semaines ; car alors le principal but sera manqué, en ce
sens que l’on ne pourra plus s’occuper de constructions, puisque la nouvelle
saison s’oppose à la bâtisse.
M. Osy. - Je crois que ce
n’est pas le moment de nous occuper du fond de la question ; cependant je ne
m’oppose pas au renvoi au ministre ; mais je fais observer que, dans les
différents budgets provisoires, nous avons voté une allocation de 300,000
florins pour les plus nécessiteux, et que dans cette somme, 200,000 florins ont
été accordés à la ville de Bruxelles, tandis qu’Anvers, qui a souffert beaucoup
plus, n’a pu mettre à la disposition des Anversois que 80,000 florins. Je
demande que le renvoi ne préjuge rien sur la question de principe. Nous verrons
plus tard ce qu’il convient de faire.
- La chambre ordonne
le renvoi au ministre de l’intérieur, avec invitation, de faire un rapport et
de donner des renseignements.
_______________
M. Corbisier. - « Les
bourgmestres des communes de Lillo, de Stabrouck, Sandvliet et Beerendrecht, et
les habitants de ces ces communes, mettent sous les yeux de la chambre l’affligeant
tableau des maux causés par la rupture de la digue principale de Lillo. »
Les pétitions
demandent des secours en numéraire pour subvenir à leurs pressants besoins,
puisqu’ils ont été obligés d’abandonner leurs fermes inondées. Ils demandent, en
outre, la construction d’une digue à peu de distance de la brèche de la digue
principale.
Le gouvernement, dit
M. le rapporteur, a déjà fait renforcer sur ce point une contre-digue ; et,
quand à l’autre objet de la pétition, la commission propose le renvoi au
ministre de l’intérieur, avec demande de renseignements.
- Ces conclusions
sont adoptées.
_________________
M. d’Elhoungne
demande la parole pour
une motion d’ordre. Il rappelle que, d’après le règlement, il est convenu qu’un
feuilleton des pétitions sera distribué aux chambres avant le rapport sur les
pétitions, et il s’étonne que cette disposition réglementaire soit négligée.
M. le président. - Le règlement n’est pas encore imprimé. Il ne
sera distribué qu’après-demain, et ses dispositions seront exécutées.
M. Corbisier. - Messieurs, les légionnaires de Mons
demandent le paiement régulier de la pensée attachée à leur décoration, et la solde
de l’arriéré de cette pension depuis 1814. Ils invoquent un précédent qui leur
paraît favorable : c’est l’arrêté du 18 mars dernier, rendu par le régent, et
relatif aux membres de l’ordre de Guillaume. Les pétitionnaires rappellent
ensuite l’existence de valeurs immobilières qui avaient été affectées au
paiement des pensions des légionnaires. La commission propose le renvoi à M. le
ministre des finances.
M. Gendebien. - J’appuie la
réclamation des anciens membres de la légion d’honneur. C’est une dette sacrée
pour la patrie. On a payé les membres de l’ordre de Guillaume, et on leur a
même payé l’arriéré. La mesure me paraît équitable ; mais elle me choque au
dernier point quand je vois le refus obstiné qu’on fait aux légionnaires, non
seulement de l’arriéré qu’ils réclament, mais encore de leur pension, refus qui
me paraît inconcevable depuis que nous vivons sous un régime plus juste ; et
remarquons-le bien, ce n’est pas l’aumône, ce n’est pas un morceau de paix que
vous demandent les pétitionnaires ; mais ils veulent qu’on leur rende compte
des biens qui ont été affectés à la légion d’honneur. Parmi ces biens, il en
existe encore qui n’ont pas été altérés ; quant à ceux qui ont été vendis, ils
doivent être le sujet d’une répétition à exercer contre la Hollande. Je demande
donc que le ministre fasse un rapport sur la pétition qui vous est présentée,
et que, lors de la conclusion d’un traité définitif entre la Belgique et la
Hollande, on n’oublie pas de régler le point relatif à l’existence des biens
dont je signale l’existence.
M.
le ministre des finances (M. Coghen) informe la chambre qu’il s’occupe, au sujet des
réclamations des légionnaires, d’un travail qu’il espère lui soumettre avant
peu de temps.
- Le renvoi au
ministre des finances est ordonné.
PROJET DE LOI RELATIF
AUX CONSEILS PROVINCIAUX
M. de Nef demande que les membres de la commission
chargée de l’examen de la loi sur les conseils provinciaux veuillent bien
présente prochainement leur rapport, puisque les conseils doivent être
convoqués avant la fin de l’année. L’honorable membre voudrait au moins
connaître les motifs du retard apporté par la commission dans la conclusion de
son travail.
M.
Devaux
croit que ce serait au ministre, qui lui-même a nommé cette commission, que
devrait s’adresser l’observation de M. de Nef.
Il est pas donné
suite à cet incident.
M.
Leclercq fait, au nom de la section centrale, un rapport sur
la loi d’emprunt ; il est proposé l’adoption avec divers amendements que nous
ferons connaître.
M.
Lardinois demande l’impression et la distribution du rapport
pour demain, afin de commencer dès demain la discussion.
M. le président. - La longueur du rapport me permet de douter
qu’il puisse être imprimé pour demain. Je vous propose de remettre la
discussion à après-demain. (Réclamations.)
- Ici une discussion
s’engage sur la nécessité de remédier à la lenteur des impressions, sur le mode
dont le bureau devrait se servir pour faire imprimer.
Quelques observations
sur ce sujet, présentées par M. Lebègue, M. Destouvelles, M. Lebeau, M. Liedts et M. de Robaulx amènent pour solution le besoin de s’en
remettre au bureau du soin de faire les impressions avec le plus d’activité
possible.
M. le président. - Le bureau ne négligera aucune des
observations qui viennent d’être faites, et le rapport de M. Leclercq sera
imprimé et distribué de manière à ce que la discussion de ce rapport puisse
être demain à l’ordre du jour
M. Gendebien présente sur la loi sur les mines le rapport de
la section centrale, qui conclut à l’adoption de la loi avec quelques
modifications que nous ferons connaitre.
La discussion s’ouvre
immédiatement sur l’ensemble du projet.
M.
Seron
prononce un long discours, dans lequel il signale les nombreux abus consacrés
par les lois existantes. Il s’élève surtout avec force contre celle de 1810,
qu’il signale comme l’œuvre du despotisme, et il conclut au rejet de la loi
proposée.
M. Fallon. - Messieurs, la Belgique
est riche en substances minérales. Leur exploitation fournit d’immenses
produits à l’industrie nationale et à la consommation.
L’économie de cette
branche importante de l’administration réclame la plus sérieuse attention.
Il était de l’intérêt
général que ces richesses nationales ne restassent pas stériles.
Presque partout la
féodalité les avait soumises à sa puissance, et les seigneurs, plus jaloux de
leurs intérêts territoriaux qu’attentifs à l’intérêt général, disposaient de la
mine sans discernement et sans économie.
La révolution
française permit de sortir d’un semblable régime, et elle en saisit l’occasion.
Mais, il faut le dire
à regret, la législature française, qui est encore la nôtre sur cette matière,
est loin d’être parfaite. Elle a donné lieu aux plus graves abus, aux
injustices les plus évidentes.
Alors qu’il fut
question de créer cette législation, le code civil existait, et il avait bien
plutôt rappelé qu’érigé en loi cet axiome : « La propriété du sol emporte
la propriété du dessus et du dessous. »
Deux principes
étaient ainsi en présence : l’un qui consolidait la propriété de la mine dans
les mains du propriétaire du sol, et l’autre qui réclamait, en faveur de
l’intérêt général, que les richesses nationales ne restassent pas improductives.
Il fallait concilier
ces principes, et il était impossible de le faire sans froisser l’un d’eux.
La mine ne s’exploite
pas comme les fruits de la superficie ; elle parcourt grand nombre de
propriétés, et après s’être perdue sur un point, elle se retrouve souvent à une
distance plus ou moins rapprochée.
En laissant à chaque
propriétaire du sol le droit de l’exploiter dans son fonds, le but était
manqué.
L’un des
propriétaires ne l’eût pas plutôt atteinte qu’elle lui eût échappé à la limite
de son voisin ; et si celui-ci se fût refusé à concourir avec celui-là pour la
poursuivre, les dépenses faites pour la découvrir fussent restées
infructueuses.
Espérer que tous les
propriétaires des terrains dans lesquels la mine avait fait son lit et s’était
développée, se fussent souvent entendus pour l’exploitation en commun, était
chose peu probable, la plupart d’entre eux n’ayant pas les capitaux nécessaires
à l’entreprise, ou ne voulant pas en courir les chances.
Il fallait donc
exproprier la mine pour cause d’utilité publique, et c’est ce que l’on fit par
la loi du 22 avril 1810, en la mettant à la disposition du gouvernement, qui la
concède à son gré et sans que le propriétaire du sol puisse, en cette qualité,
jouir d’aucune préférence, ce qui, soit dit en passant, n’est pas déjà très
juste.
La conséquence de
cette exploitation était naturellement que le propriétaire du sol devait être
tout au moins indemnisé de ce dont on le dépouillait dans l’intérêt général. ;
et l’on crut avoir tout fait en disant qu’il aurait, sur le produit de la mine
concédée, un droit qui serait réglé par l’acte de concession.
Un mois auparavant,
le 8 mars, on s’était occupé de la loi générale sur les expropriations pour
cause d’utilité publique. Le principe que le droit de propriété devait se
soumettre à l’intérêt général avait été érigé en loi. Mais, d’un autre côté,
pour assurer au propriétaire la juste indemnité qui lui était due, il avait été
déclaré qu’à défaut de pouvoir la déterminer amiablement avec les agents de
l’administration, elle serait réglée par l’intervention des tribunaux.
Il est peu concevable
que, alors qu’il y avait tout au plus un mois qu’on avait cru devoir accorder
cette juste garantie au propriétaire exproprié, on commençât déjà par ne pas en
faire l’application au propriétaire du sol exproprié de la mine, puisqu’ici on
lui refusa tout accès aux tribunaux, en attribuant exclusivement à la partie
administrative le droit de fixer l’indemnité tout comme il lui plairait
Vous prévoyez déjà,
messieurs, quelles furent les conséquences d’une semblable déviation du
principe.
En laissant à
l’administration le soin de fixer l’indemnité par l’acte même d’une concession,
la loi du 21 avril voulait, en termes exprès, que cette indemnité fût fixée
« sur le produit de la mine. »
Eh bien ! voici ce
qui arriva. Au lieu de la fixer sur le produit de la mine, le gouvernement
français et celui qui lui succéda trouvèrent bon de ne pas la fixer autrement
que sur la contenance de la superficie du sol concédé. Ils firent plus que
cela, ils la fixèrent d’une manière tout à fait dérisoire.
Apprenez, messieurs,
qu’il est peu de concessions où l’indemnité du propriétaire fût portée au-delà
de 4 à 5 cents par bonnier de superficie.
Je sais que, pour
chercher à expliquer cette double violation de la loi, on pourra dire que,
lorsqu’on concède la mine, il n’est pas possible de savoir ce qu’elle pourra
produire, et qu’il fait bien dès lors établir le calcul de l’indemnité sur une
autre base que celle de la loi.
Mais je vais aisément
au-devant de cette objection, dont je trouve la réfutation dans la loi même.
Le concessionnaires
n’est pas tenu seulement à indemniser le propriétaire du sol ; le gouvernement
ne s’est pas oublié, et, en conséquence, la loi lui impose en outre de payer à
l’Etat deux autres redevances annuelles, savoir : une redevance fixe de 4 fl.
75 1/2 par milles carrés de l’étendue de la concession, et une seconde
redevance à déterminer sur le produit de la mine, et qui peut être portée à 5
p. c. de son produit net.
La circonstance qu’au
moment de la concession le produit de la mine est inconnu n’a donc pas été
considérée comme formant obstacle à l’assiette de l’indemnité due au trésor sur
le produit effectif de la mine ; il n’y avait par conséquent aucun motif
raisonnable pour ne pas établir de la même manière, et ainsi que le voulait
expressément la loi, l’indemnité due au propriétaire du sol à tant pour cent du
produit réel.
Je m’attends bien que
l’on pourra m’objecter que ce sont là des griefs qui devront être pris en considération
lors de la révision de la loi, que ce n’est pas le moment de s’en occuper, et
qu’enfin il y a urgence à délivrer des concessions.
Mais d’abord je
réponds que l’urgence de délivrer des concessions n’est nullement démontrée ;
qu’on s’en est bien passé depuis un an ; que les débouchés pour nos charbons
sont encore obstrués ; que notre forgerie a dû réduire considérablement ses
travaux, et que les concessions existantes sont beaucoup plus suffisantes à la
consommation intérieure.
J’ajoute que s’il y a
urgence, c’est celle d’empêcher que la loi soit plus longtemps violée.
Le moyen est fort
simple, c’est celui qui me paraît le plus conforme aux principes de justice et
d’équité : c’est d’agir précisément en sens opposé au projet ; c’est d’empêcher
qu’il soit délivré de semblables concessions, avant que la législature ait pu
livré de nouvelles concessions, avant que la législature ait pu apporter à la
loi existante les améliorations nécessaires pour éviter qu’il soit fait, du
droit de propriété, un abus aussi révoltant.
Outre cette
considération, applicable à toutes les concessions en général, il en est de
spéciales à la mine de fer.
La loi du 21 avril
renfermait une législation particulière sur la mine et le minerai de fer,
c’est-à-dire sur la mine de fer en filons et sur celle dite d’alluvion.
Le minerai de fer
pouvait s’exploiter par le propriétaire du sol sans concession, et il n’était
astreint à aucune redevance envers l’Etat.
Comme il était
toutefois important aux besoins de l’industrie, non pas pour l’exportation,
puisque la mine de fer n’était guère de nature à pouvoir être exploitée, mais
bien pour l’alimentation de la forgerie, qu’elle dût exploitée en quantité
suffisante à la consommation des hauts fourneaux, la loi donna aux maîtres de
forges le droit de l’exploiter lorsque le propriétaire du sol ne voulait pas
l’exploiter lui-même.
Ces dispositions de
la loi de 1810, qui n’étaient que la reproduction du système déjà établi dans
la loi de 1791, avaient satisfait à toutes les exigences.
Sous le gouvernement
français, c’est-à-dire pendant plus de vingt ans, la loi avait reçu son
exécution à la pleine et entière satisfaction des propriétaires et des maîtres
de forges, et il en fut de même pendant presque tout le cours du gouvernement
précédent.
Ce ne fut que dans
les dernières années du règne de Guillaume que la fiscalité, en surtout la
faveur, vinrent révolutionner cet état de choses.
De puissants
solliciteurs s’en mêlèrent ; un ministre même, chargé par état de cette branche
d’administration, figure en nom personnel dans la distribution des concessions,
et l’innovation fut consommée, et la mine de fer fut concédée.
Les ingénieurs
français avaient reconnu qu’en Belgique la mine de fer n’était qu’une mine
d’alluvion, qui, par conséquent, n’était pas concessible. On trouva bon de dire
qu’ils s’étaient trompés, et, pour écarter d’ailleurs toute discussion sur ce
point, on s’arma du prétexte que notre minerai de fer ne s’exploitait pas à
ciel ouvert, qu’il y avait bure et galeries ; et que dès lors le gouvernement
pouvait les concéder.
Les propriétaires
eurent beau se plaindre de l’injustice ; les maîtres de forges de la Meuse
eurent beau invoquer l’ancienne concession souveraine ; ils eurent beau
demander d’être renvoyés devant les tribunaux pour y faire valeur leurs
oppositions ; ils eurent beau enfin appeler l’attention du gouvernement sur une
mesure qui allait devenir funeste à un grand nombre de maîtres de forges, ils
ne furent pas écoutés : la faveur obtient quelques concessions, et, au moment
où notre révolution éclata, il n’existait plus dans la province de Namur un
coin de terre dont la concession n’étaient demandée concurremment par les
propriétaires du sol, les maîtres de forges et par des spéculateurs.
Il y avait
encombrement de ces demandes, et c’est là probablement ce qui a éveillé la
vigilance du ministre de l’intérieur.
Je rends justice à
son désir de vider ses cartons et de se soustraire à de nombreuses
importunités.
Mais, si ces cartons
ne doivent être vidés que de la même manière qu’ils l’ont été sur la fin du
règne précédent, c’est-à-dire en dénaturant l’économie de la loi sur le minerai
de fer, et en continuant à n’accorder au propriétaire du sol qu’une indemnité
illusoire, qu’une indemnité calculée sur l’étendue de la superficie, tandis que
la loi veut qu’elle soit établie sur le produit même de la mine, il est
préférable sans doute de satisfaire, avant tout, au besoin qui s’est fait
généralement sentir de réviser la législation sur les mines.
Veuillez faire
attention, messieurs : si, ce qu’on ne peut contester, cette révision est
réellement un besoin, la mesure proposée doit nécessairement être ajournée, et
cela par une raison fort simple.
Les demandes en
concession, sur lesquelles on désire pouvoir statuer sur-le-champ, sont
tellement nombreuses, qu’elles enveloppent pour ainsi dire tout le sol minéral
de la Belgique ; de manière qu’après les avoir expédiées par une mesure
provisoire, la révision de la législation sur cette manière deviendra
parfaitement inutile, puisqu’il ne restera plus rien à concéder, et que les
injustices commises deviendront irréparables.
Ce n’est pas ainsi
que nous pouvons faire droit aux diverses pétitions, restées en souffrance, qui
ont été présentées au congrès par les administrations municipales de diverses
communes d’entre Sambre et Meuse, et nommément de la commune de Frire, où il
paraît être démontré évidemment que, si l’on accorde les concessions dont il
s’agit, on réduira à la mendicité de nombreuses populations.
Je désire, messieurs,
que ces diverses considérations puissent vous déterminer à ajourner toute
discussion sur le projet proposé ; s’il en est autrement, elles serviront
peut-être à appeler l’attention de M. le ministre de l'intérieur sur les
demandes qui sont dans ses mains, et à prévenir les abus que j’ai signalés.
Dans l’incertitude de
la résolution que vous allez prendre, je crois devoir réclamer encore un
instant votre attention sur le système même du projet, qui ne me paraît pas
offrir des garanties suffisantes pour la solution des graves et importantes
questions que soulèveront la plupart des demandes en concession qui seront à
expédier.
Ainsi que nous l’a
dit M. le ministre, la loi du 21 avril 1810, décrétée sous l’empire de la
constitution de l’an VIII, voulait que les demandes en concession fussent
préalablement soumises au conseil d’Etat ; et alors le conseil d’Etat était une
magistrature indépendante, en matière administrative contentieuse, et alors
aussi il n’y eut pas d’exemple qu’une concession eût été accordée par le chef
de l’Etat, au mépris de la décision du conseil.
En passant sous
l’empire de la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, cette garantie fut
déjà considérable affaiblie, puisque le nouveau conseil d’Etat ne formait plus
qu’un bureau consultatif ; et alors aussi il arriva plusieurs fois que, contre
son avis, le chef de l’Etat accorde des concessions.
Revêtir aujourd’hui
le conseil des ministres des attributions du conseil d’Etat de l’an VIII,
c’est, me semble-t-il, se relâcher encore plus de cette garantie.
Sans doute, si le
personnel du ministère actuel n’était susceptible d’aucune mutation plus ou
moins prochaine, je trouverais, pour ma part, d’amples apaisements dans la
mesure proposée ; mais les personnes passent, et les institutions restent.
Or, je le demande, changez
le personnel du ministère, non seulement de manière à ce qu’il ne s’y trouve
plus des hommes qui méritent autant notre confiance, mais de manière qu’il n’y
ait plus ni jurisconsultes, non capacités familières avec le régime et la
législation des mines, et voyez si, dans ce cas donné, ce ne sera pas le plus
souvent le ministre de l’intérieur qui jugera tout seul.
Comme le disait fort
bien M. Tielemans dans son message au congrès du 7 février 1831 : « En
matière de mines, des connaissances spéciales, une instruction théorique et
pratique des exploitations, sont indispensables, même pour appliquer la
législation ; et les richesses que la Belgique possède en mines de toute espèce
sont d’une telle importance, que les hommes appelés à remplacer le conseil d’Etat
doivent être capables comme légistes, exploitants, etc., de juger en
connaissance de cause les affaires qui seront soumises à leur examen. »
A ce message était
joint un projet de loi qui avait pour objet de faire remplacer le conseil
d’Etat par un conseil périodique, composé de deux exploitants, d’un
jurisconsulte, et de trois ingénieurs, présidés par le ministre de l’intérieur.
Cette
combinaison me paraît préférable par le double avantage qu’elle procure.
Elle n’abandonne pas
exclusivement au pouvoir exécutif la solution des questions contentieuses de la
plus haute importante que soulèvent souvent les demandes en concessions, et
elle organise le conseil de manière à y conserver toujours des capacités
spéciales.
Je ne m’arrête pas
davantage sur ce point, puisque je suis d’avis que c’est bien plutôt à réviser
cette branche importante de notre législation que nous devons nous empresser de
nous occuper, et non à faciliter les moyens de perpétuer de graves abus qui
seront irréparables.
M. Pirmez - Messieurs, on vous
propose d’établir un conseil des mines, revêtu, en ce qui concerne cette partie
de l’administration, des mêmes attributions que le conseil d’Etat.
Le conseil d’Etat,
qui appartient plutôt à la monarchie pure qu’à un gouvernement libéral, est à
peine tombé qu’on se hâte de vouloir le relever et lui rendre la partie la plus
importante de ses attributions. Le projet de décret confère à six personnes le
droit de disposer, sans contrôle, des principales richesses du pays et de la
fortune d’un grand nombre de citoyens.
Si l’on proposait
encore, à cause de l’urgence, de créer un conseil chargé uniquement de la
police des mines, de la surveillance et de la direction des travaux, rien ne
serait mieux sans doute : mais, messieurs, gardez-vous d’investir un conseil
quelconque des attributions exorbitantes du conseil d’Etat ; gardez-vous
surtout de lui donner le pouvoir de concéder les mines : en peu de temps, le
mal qu’il ferait serait irréparable, et la législation plus libérale, que le
pays a droit d’attendre sur cette matière arriverait trop tard pour y remédier.
Or, grâce à la lenteur hollandaise du défunt conseil d’Etat, il reste encore
beaucoup de mal à faire, et par conséquent à éviter. Une infinité d’affaires
importantes étaient pendantes, lorsque la révolution est venue en interrompre
le cours.
En instituant ce
conseil, vous ressusciteriez la loi de 1810, paralysée depuis notre révolution,
loi qui convenait à merveille au despotisme administratif de l’empire, mais qui
certainement n’est pas dans nos mœurs constitutionnelles ; vous abandonneriez
au gouvernement les masses énormes de richesses enfouies dans la terre, qui,
dans quelques provinces, valent plus que la surface même : et, en les livrant au gouvernement, vous les livrez à
l’intrigue, aux cabales et à toutes les manœuvres dont la cupidité ne rougit
jamais, quelque honteuses qu’elles soient.
Messieurs, ce conseil
des mines serait une cour éminente, investie du droit de prononcer en dernier
ressort dans les affaires les plus importantes, de distribuer arbitrairement,
et sans en rendre compte à personne, des propriétés immenses. On sent qu’on a
le droit d’exiger, dans la formation du personnel de ce corps, au moins
quelques garanties de lumières et d’impartialité. Ici je me plais à dire que le
conseil actuel des ministres offre celles que l’on peut demander ; mais ce ne
sont pas des garanties celles qui ne sont appuyées que sur les personnes, c’est
dans les institutions qu’il faut les placer ; or, on ne nous offre aucune garantie.
Dans cette loi de 1840, qui est d’un autre temps, d’un autre régime, où tout
est de bon plaisir, ne dirait-on pas qu’on a pris à tâche d’éviter ce qui
pourrait rappeler, le moins du monde, un système représentatif, l’élection et
la publicité ?
Messieurs, j’admets
que le conseil des ministres sera toujours composé d’hommes intègres,
incorruptibles, qu’il sera animé d’un ardent amour pour le bien ; je veux lui
reconnaître les meilleures intentions du monde. Mais ne sera-t-il pas lui-même
circonvenu d’intrigues ? Chargé seul de la multitude d’affaires de ce genre
auxquelles une industrie active donne naissance, pourra-t-il tout voir par ses
propres yeux ? Et les agents, les commis qu’il sera forcé d’employer, ne
seront-ils pas sujets à l’erreur, accessibles à la corruption ?
Nous sommes bien
aveuglés par l’habitude, si nous ne voyons pas combien ce pouvoir
discrétionnaire, attribué à l’administration, répugne à nos institutions
actuelles. Il ne nous faut plus de ces ténébreux tribunaux où tout se faisait
dans l’ombre, parce que leurs œuvres ne pouvaient supportent le grand jour. Il
nous faut un tribunal ou un conseil dont les séances soient publiques, devant
lequel les plaidoiries aient lieu oralement ; car la publicité déjoue les
cabales ; elle intime le magistrat prévaricateur, et l’opinion publique, qui
juge en dernier ressort, est un frein puissant pour celui qui n’en trouve pas
dans sa conscience.
Et qu’on ne m’accuse
pas de défiances, de soupçons injustes. La loi, qui ne connaît pas les
personnes, ne peut être trop prudente ; elle ne peut entourer les propriété de
trop de garanties. D’ailleurs, je le demande à ceux qui ont quelque expérience
de ces sortes d’affaires, ne trouvent-ils pas dans le passé que des motifs de
sécurité pour l’avenir.
Avant la première
révolution française, lorsque les mines faisaient partie du domaine du roi, il
était assez naturel qu’elles devinssent l’apanage des favoris. Aujourd’hui
l’acte de concession est plus important, car il dépossède le propriétaire du
sol qui, selon la raison, et selon le code civil, est aussi propriétaire du
dessus et du dessous. Il est vrai que cette expropriation n’a lieu que moyennant une indemnité ; mais
l’indemnité qu’on accorde ordinairement est tellement dérisoire (quatre ou cinq
cents par bonnier) qu’elle est nulle, car elle ne s’exige et ne se paie jamais.
On exproprie donc gratuitement, et, si l’on considère combien en général sont
précieuses ces richesses souterraines, on conviendra qu’elles ont droit à
quelque protection légale, et qu’elles ne doivent pas être laissées à la merci
de quelques agents du gouvernement.
Messieurs, je ne veux
point combattre le système des concessions ; je les crois utiles dans l’état
actuel de la société, où l’intérêt privé n’est pas encore fort éclairé, et où le
droit d’user et d’abuser, laissé au propriétaire dans toutes les circonstances,
pourrait causer un grand préjudice au commerce et à l’industrie. Je voudrais
seulement qu’elles ne fussent plus abandonnées au pouvoir administratif ;
qu’une procédure plus simple, plus patente et moins éloignée des formes de la
procédure ordinaire, rendît la fraude et la faveur plus rares, et que le
principe sacré de la propriété ne fût jamais immolé qu’à l’intérêt public, au
lieu de l’être, comme il arrive presque toujours, à l’avidité de quelques
spéculateurs.
Avant donc de
remettre en vigueur la législation sur les mines, il faut y introduire les
améliorations dont elle est susceptible, que l’expérience a démontrés
nécessaires ; car on a beau alléguer l’urgence ; il est préférable de n’avoir
pas de législation spéciale sur cette matière, et de rester quelque temps dans
le droit commun du code civil, que de voir renaître encore l’arbitraire de la
loi de 1810.
Il est surtout
nécessaire que la législation soit réformée en ce qui concerne les mines de
fer, pour lesquelles il ne devrait plus être accordé aucune concession ; car
ici il est même de l’intérêt général que le propriétaire de la surface ait,
comme sous la loi de 91, de préférence à tout autre, le droit d’exploiter les mines
qui se trouvent dans son fonds.
En effet, messieurs,
en Belgique, les mines de fer ne présentent pas ce prolongement régulier de
filons qui permet d’embrasser dans une seule exploitation une grande étendue de
terrain, et qui nécessite de grands frais pour la construction de puits et de
galeries ; le minerai se trouve, pour ainsi dire, jeté confusément à la surface
de la terre, formant tantôt des amas considérables, tantôt n’offrant que des
filons presque imperceptibles. Comme il ne faut pas de travaux d’art, tout
petit propriétaire exploite sa mine avec le même succès et avec plus d’activité
et de zèle peut-être que le concessionnaire opulent. Eh bien ! le gouvernement
a concédé des communes entières, sans s’apercevoir que le bienfait accordé à
l’un est la ruine de cent autres.
Messieurs, le
gouvernement ne verra jamais le petit propriétaire ; car le petit propriétaire
(dans les campagnes surtout) ne sait pas se produire, ni rédiger des pétitions
; il ignore la marche à suivre pour faire valoir ses droits, et il n’a point
d’amis à la cour. En vain la mine qu’il a découverte, qu’il exploitait à la
sueur de son front dans des temps moins favorables, et qui pouvait alors à
peine nourrir sa famille, lui promet-elle aujourd’hui un avenir meilleur ; en
vain se croit-il sur le point de recueillir les fruits de ses longs et pénibles
travaux. Il suffit que cette mine convienne à un homme en faveur, pour qu’elle
lui soit impitoyablement enlevée ; car un gouvernement ne sait rien refuser à
l’intrigue, pas même le bien du pauvre.
Ce n’est, il est
vrai, que par une application abusive de la loi de 1810 que ces spoliations ont
lieu ; car telle est l’abondance du minerai, que le mode d’exploitation actuel,
loin d’être devenu impossible ou sur le point de le devenir, peut durer des
siècles encore, sans nécessiter l’établissement de grands puits et de galerie ;
mais il suffit que la loi de 1810 soit, dans son application, funeste à une
classe nombreuse et intéressante de la société, pour que vous vous gardiez bien
de la tirer de l’impuissance où elle est de nuire.
Ne croyez pas,
messieurs, que le riche concessionnaire exécute ces travaux d’art auxquels on
attache tant de prix ; il exploite à la manière de l’ancien propriétaire, car
il ne pourrait guère exploiter autrement. Il est même obligé, vu l’étendue des
concessions, de les abandonner aux anciens exploitants, moyennant une
prestation annuelle, une sorte de rente seigneuriale. Et c’est là ce que ose
appeler l’intérêt public ! Eh ! messieurs, qui ne voit que l’intérêt public a
été sacrifié dans tous les circonstances où il paraît être l’objet d’une vive
sollicitude.
L’intérêt public, qui
n’est après tout que la somme de tous les intérêts privés, s’oppose aux faveurs
et aux privilèges inutiles. L’intérêt public, lésé par les grandes
exploitations, demande qu’elles soient divisées, parce que la division des
propriétés produit l’aisance de tous, préférable à l’opulence de quelques-uns.
Enfin l’intérêt public réclame la libre concurrence en toutes choses, parce que
le bien ne peut naître du monopole.
L’auteur du projet a
lui-même senti que la loi de 1810 ne pouvait continuer à nous régir ; son
rapport nous annonce une révision de la législation sur les mines, et la mesure
qu’il nous propose d’adopter n’est, dit-il, que provisoire et pour satisfaire
aux exigences du moment. Messieurs, je ne saurais admettre des mesures
provisoires dont les effets subsisteront éternellement. S’il s’agissait d’une
loi de douane injuste, d’un impôt mal assis, on conçoit que, pressés par les
circonstances, vous pourriez temporairement donner vie à de pareils actes de
législation, parce que leurs mauvais effets immédiats cesseraient lorsque vous
révoqueriez ces actes ; mais vous ne pouvez, même pour un instant, faire
revivre la loi de 1810, parce que si, à l’abri de cette loi, un citoyen
s’empare injustement de la propriété de cent autres, vous ne réparerez pas
cette injustice en abrogeant postérieurement la loi.
Messieurs,
vous repousserez ce décret ; mais les discussions auxquelles il aura donné lieu
ne seront pas stériles ; elles provoqueront sans doute, hors de cette enceinte,
d’autres discussions entre les intérêts opposés ; et, dans cette lutte, où la
vérité se trouve aux prises avec le sophisme, la victoire ne peut demeurer
longtemps incertaine. La loi que vous donnerez au peuple belge sera digne de sa
révolution, qui a été faite contre tous les monopoles.
M. Gendebien. - Messieurs, s’il
s’agissait aujourd’hui de réviser la loi de 1810 et la loi de 1791 sur les
mines, je serais de l’avis des préopinants. Je suis complètement de leur avis
sur les abus relatifs aux concessions des mines de fer, et je ne me dissimule
pas l’abus scandaleux qui a été fait de cette loi sous l’ancien gouvernement.
Mais ce n’est pas la faute de cette loi ; car si ceux qui l’ont appliquée
l’avaient fait de bonne foi, il n’y aurait pas à s’en plaindre ; Je ne suis pas
d’avis que des concessions de mines ne soient jamais nécessaires ; je crois au
contraire qu’elle le sont dans plusieurs cas, qui sont au reste prévus par la
loi de 1810.
Ici l’orateur lit plusieurs articles de cette
loi, et fait suivre cette lecture de développements lumineux et d’un exposé de
faits sur la matière, pour prouver que la loi de 1810 ne mérite pas les reproches
qu’on lui fait et qu’il est nécessaire d’adopter le projet en discussion. Il
termine en annonçant que, lors de la discussion des articles, il proposera un
amendement propre à satisfaire toutes les exigences.
M. Desmanet de Biesme demande la lecture
immédiate de l’amendement.
M. Fallon appuie cette
demande, la connaissance de l’amendement pouvant influer sur la discussion
ultérieure.
M. le président donne lecture de l’amendement de M. Gendebien.,
ainsi que de deux autres proposés par MM. Seron et de Theux.
M.
Leclercq fait remarquer que les plus graves questions ont été
soulevées à propos du projet en discussion : ce sont des questions sur
lesquelles les meilleurs esprits sont divisés, et que l’on ne saurait discuter
ex abrupto. Il demande l’ajournement de la discussion, afin que l’on puisse s’y
préparer. En attendant, on ferait imprimer les amendements.
M.
de Robaulx demande le renvoi à une commission, qui serait
chargée d’examiner les amendements et de les concilier avec les lois
existantes, en attendant le moment de leur révision.
- Après un assez long
débat sur la question de savoir si la discussion sera ajournée et si une
commission sera nommée, l’assemblée se décide pour l’ajournement et pour la
nomination d’une commission.
M. le président désigne les membres dont elle sera composée ;
ce sont MM. Fallon, Pirson, Jonet, Leclercq, Seron, Gendebien, Bourgeois,
Dumont et Poschet de Chimay.
La séance est levée à
quatre heures et demie.