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2e édition. Louvain, Vanlinthout et Peeters, 1861, 3 tomes
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TOME 1
(page 319) La funeste campagne des dix jours n'avait que trop dévoilé les lacunes, les incohérences et les vices de notre organisation militaire.
C'était en vain qu'une partie de la nation, cédant aux illusions d'un patriotisme peu raisonné, avait attribué le désastre à la trahison des chefs. Au moment de la retraite du prince d'Orange, le personnel et le matériel de l'armée laissaient immensément à désirer.
Tous les pouvoirs avaient commis des fautes.
Le Congrès national avait marchandé les subsides avec une parcimonie excessive.
Privé d'expérience, manquant de traditions administratives, mal renseigné sur
les besoins réels des troupes, le département de
Nos troupes étaient à la fois insuffisantes,
indisciplinées, mécontentes et mal organisées. Le désordre était tel que le
nouveau ministre de
(page
320) Ce fait seul suffisait pour prouver que
Fallait-il envoyer une partie de nos
officiers dans, les bureaux de l'administration française, pour leur faire
acquérir lentement les connaissances qui manquaient à leurs compatriotes'?
Était-il préférable de charger nos diplomates de recueillir à l'étranger les
renseignements et les documents nécessaires, en laissant aux lumières de
l'administration belge le soin d'en tirer profit? L'un et l'autre de ces moyens
eussent été praticables en temps ordinaire, au milieu d'une paix profonde,
quand les tâtonnements et les essais successifs n'entraînent qu'une perte de
temps et d'argent facilement réparable. Mais telle n'était pas la situation de
Pressés par l'urgence des circonstances, le
roi et ses ministres crurent qu'il fallait imiter l'exemple de l'Amérique et de
Le gouvernement de Louis-Philippe répondit au
vœu du roi Léopold avec un empressement qui lui vaudra à jamais la
reconnaissance des Belges. Les généraux Evain, Deprez, Bellard, Grundler,
Picquet et Nempde reçurent l'ordre d'entrer momentanément au service de
La position de ces militaires fut promptement
régularisée. Une loi du 22 Septembre 1831 autorisa le roi à prendre au service
belge tel nombre d'officiers étrangers qu'il jugerait nécessaire ou utile pour
le bien de l'armée. Cette fois le gouvernement ne rencontra plus les clameurs
et les résistances qu'un projet analogue du Régent avait soulevées au sein du
Congrès. Les événements avaient fait entendre leur voix éloquente. A
(page
322) Mais le ministre de
Dès le 19 Août, au moment où les régiments
hollandais occupaient encore une partie de notre territoire, un arrêté royal
supprima les divisions territoriales créées par le gouvernement provisoire et
prescrivit la réorganisation de l'armée sur des bases nouvelles (Note de bas de
page : Voici les principales dispositions de
cet arrêté royal. - «Toute l'infanterie de l'armée sera répartie en trois
divisions, et chaque division en deux brigades. Les brigades se composeront de
deux régiments d'infanterie de ligne, et il sera en outre attaché un régiment
de chasseurs à pied à chaque brigade impaire (art. 4). - La cavalerie formera
une division, qui se composera de deux brigades de cavalerie légère et d'une
brigade de grosse cavalerie. Chaque brigade de cavalerie légère sera composée
d'un régiment de chasseurs à cheval et d'un de lanciers (art. 5). - Les deux
bataillons de tirailleurs de l'armée régulière seront incorporés dans le
deuxième régiment de chasseurs à pied; le premier bataillon des tirailleurs de
l'Escaut, dans le premier régiment de chasseurs à pied; le deuxième bataillon
des tirailleurs de l'Escaut et le bataillon des tirailleurs de
Il fallait avant tout écarter des rangs de l'armée active les éléments hétérogènes qui s'y étaient glissés sous l'administration du Régent et du gouvernement provisoire.
La gendarmerie avait été appelée au service actif; au commencement d'Août elle avait rejoint l'armée. Cette mesure ne produisit aucun des résultats qu'elle avait fait espérer. Réunis à la hâte, composés d'hommes qui avaient perdu l'habitude du service actif, commandés par des officiers peu familiarisés avec les manœuvres de cavalerie, ces escadrons furent à peu près inutiles pendant la campagne. M. de Brouckere rendit la gendarmerie à son service ordinaire; il se contenta d'ordonner la formation de trois escadrons de guerre, organisés de manière à pouvoir entrer en campagne au premier signal du ministre. Ces trois escadrons (page 323) étaient destinés à former, avec un régiment de cuirassiers, une brigade de grosse cavalerie (Arrêtés royaux du 19 Août et du 6 septembre 1831 (Bemelmans, t. III, p. 69, n°34))
Un arrêté du Régent, en date du 9 Avril 1831, avait enlevé à leur service les gardes forestiers du Luxembourg, pour les réunir en compagnies de tirailleurs. Cet appel, fait dans un moment de danger extrême, ne pouvait être transformé en mesure permanente. L'absence prolongée des gardes avait amené des conséquences déplorables; dans quelques communes, la dévastation des forêts était passée en habitude au point qu'il fallut déployer un appareil militaire pour y mettre un terme. Un arrêté royal du 18 Août 1831 renvoya les gardes à leurs fonctions habituelles.
Des arrêtés du 8 et du 12 Avril 1831 avaient
créé neuf bataillons de tirailleurs francs. Ces volontaires s'étaient montrés
braves, mais dépourvus de toute notion de discipline militaire. Leur mutinerie permanente
avait donné aux troupes de ligne le plus funeste exemple. Dans les
cantonnements comme dans les marches, les tirailleurs avaient rarement respecté
les ordres de leurs chefs; ils préféraient suivre en liberté les suggestions
les plus dangereuses de l'esprit révolutionnaire. Après la déroute de l'armée
de
Ces mesures s'étaient accomplies sans rencontrer des résistances sérieuses. Il n'en fut pas de même de celles que nous allons rapporter.
Les enquêtes ordonnées par le ministre avaient amené des révélations étranges sur les antécédents et le caractère d'un nombre considérable d'officiers subalternes. Les uns étaient dépourvus de toute instruction militaire, les autres étaient indignes de porter l'épaulette.
Au milieu de l'effervescence des passions
révolutionnaires, des banqueroutiers et même des échappés des prisons
hollandaises s'étaient parés des insignes de l'officier belge. Ce n'est pas tout:
dans plusieurs corps, le nombre des officiers était à peu près double de celui
fixé par les règlements de l'arme. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, (page
324) au moment de l'invasion, le 12e régiment, organisé à l'aide de corps
francs et composé de 1200 hommes, comptait 139 officiers au lieu de 43 qui
devaient figurer dans ses cadres (Note de bas de page : Discours du ministre de
Aux
termes de l'article 124 de
Pour ces derniers, M. de Brouckere se montra sévère, mais juste, Il plaça dans l'armée régulière tous ceux qui, à côté d'antécédents honorables, pouvaient se prévaloir d'une instruction réelle. A ceux qui, sans posséder les connaissances requises, montraient des dispositions favorables, il accorda un délai pour se préparer aux examens requis pour leur grade. Mais il fut sans pitié pour l'incapacité notoire, et surtout pour les hommes indignes de revêtir l'uniforme national.
Après avoir procédé de la sorte à l'égard des officiers non brevetés, il sollicita des Chambres l'autorisation d'agir efficacement à l'égard des autres. Une loi du 22 Septembre accorda au gouvernement les pouvoirs nécessaires. Outre les officiers qui, six mois après la promulgation de la loi, n'auraient pas fait preuve de connaissances suffisantes, le roi fut autorisé à destituer tous ceux qui se livraient notoirement à l'ivresse ou au libertinage, tous ceux qui avaient contracté par leur inconduite des dettes excédant les appointements d'une année, tous ceux qui se permettaient publiquement dés voies de fait de nature à compromettre l'honneur de l'uniforme, en un mot, tous ceux qui se montraient dépourvus de dignité personnelle (Note de bas de page : Quand les faits prévus par la loi se présentaient, l'officier commandant, après avoir consulté le chef de bataillon ou d'escadron et le plus ancien officier du grade de l'inculpé, était tenu de faire son rapport au ministre. Le ministre envoyait les pièces à l'auditeur militaire de la province où l'inculpé était en garnison. L'auditeur communiquait tous les documents au conseil de Guerre; celui-ci émettait son avis, et le roi statuait ensuite sur un rapport du ministre. - Si l'inculpé était officier supérieur, le rapport était fait au ministre par les généraux de brigade et de division; le ministre consultait la haute cour militaire, et le roi statuait comme dans le cas précédent. - La loi n'était votée que pour le terme d'un an).
(page 325) C'était en vain qu'une partie de la presse, qui avait conservé les allures révolutionnaires, critiquait les ordres du ministre et lui attribuait la pensée odieuse d'exercer des actes de vengeance occulte sur les combattants de Septembre; c'était tout aussi vainement que des interpellations parfois irritantes lui étaient adressées au sein des Chambres. Puisant dans le sentiment de ses devoirs le courage et l'énergie nécessaires, M. de Brouckere bravait la haine des uns et les résistances des autres, attendant avec impassibilité le jour où le pays tout entier lui rendrait une justice, tardive peut-être, mais complète. Courageux, ferme, actif, âpre au travail, il se distinguait au plus haut degré par l'inflexibilité intelligente que réclamait alors le poste éminent que la confiance du roi lui avait assigné. Il avait pris d'ailleurs toutes les précautions nécessaires pour éviter les méprises. Non content d'instituer une commission d'examen réunissant les garanties désirables de lumières et d'impartialité, il avait chargé le directeur du personnel d'entendre toutes les réclamations et de vérifier tous les titres; de plus, il consacrait lui-même à une seconde vérification tous les moments qui n'étaient pas absorbés par ses travaux ordinaires.
L'équipement et l'armement des troupes
réclamaient, au même degré, l'attention du département de
Les vêtements distribués avant la campagne
laissaient beaucoup à désirer. A l'arrivée du prince d'Orange, la levée de 1831
n'avait pas encore revêtu l'uniforme. D'autres corps n'avaient reçu que les
objets de petit équipement. Ces besoins s'étaient accrus par suite de
l'indiscipline des compagnies qui avaient été aux prises avec les troupes
hollandaises. A l'armée de
(page
326) Ici encore l'administration de
D'autres actes non moins importants datent de cette époque.
Au moment de la reprise des hostilités, l'armement de l'infanterie était loin de se trouver en rapport avec les exigences de la situation. Malgré ses efforts, l'administration précédente n'avait pas réussi à se procurer les fusils nécessaires. La fabrication indigène s'était montrée insuffisante, et les marchés conclus avec l'étranger étaient restés sans exécution ou n'avaient procuré que des armes défectueuses.
Cet état de pénurie et de gêne s'était encore empiré par les désastres du mois d'Août. Une partie des armes avait passé aux mains de l'ennemi; mais, au milieu du désordre causé par la dispersion des volontaires et de la garde civique, un nombre bien plus considérable de fusils avaient été détournés de leur destination légale. Des mesures énergiques étaient indispensables. .
Une loi du 7 Octobre 1831 obligea tout détenteur à faire, dans le délai de huit jours, la déclaration des armes de guerre qu'il avait en sa possession, sous peiné d'une amende de cinquante florins (fr. 105-82) et d'un emprisonnement au maximum de six mois. Tous les officiers de police judiciaire furent autorisés à pratiquer des visites domiciliaires et à saisir les armes appartenant à l'État. La vente de ces armes fut défendue sous des peines sévères. On prit même des précautions contre la négligence ou la mauvaise volonté des membres de la magistrature. Tout fonctionnaire qui, à la suite d'une réquisition du gouverneur, du procureur du roi ou du commissaire d'arrondissement, refusait de procéder aux visites domiciliaires, devenait passible d'un emprisonnement de six jours à six mois et d'une amende de vingt-cinq à cinquante florins (Art. 7 de la loi).
(page 327) Grâce à ces mesures et à quelques marchés promptement conclus et loyalement exécutés, M. de Brouckere fut plus heureux que ses prédécesseurs. Deux mois lui suffirent pour se procurer 59,746 fusils d'un bon modèle. Les armes défectueuses de l'infanterie de ligne furent échangées, et l'on put enfin compléter l'armement de la garde civique.
Tout le matériel de l'armée subit une réforme analogue. De nombreux chevaux furent achetés pour le service de l'artillerie, de la cavalerie et du train des équipages. On construisit des caissons et des affûts de campagne; on se procura les voitures nécessaires pour la formation de parcs de réserve; on établit de nombreux dépôts de munitions, et le nombre des bouches à feu attelées fut porté de soixante-six à quatre-vingt quatorze. Chaque régiment de cavalerie fut augmenté de deux escadrons (Voy., pour l'artillerie, le Recueil adminisrtif de Bemelmans, t. III, p. 7 et suiv.; pour la cavalerie, t. III, p. 36 et suiv.)
Mais on ne se contenta pas de pourvoir l'armée des armes, des munitions et des vêtements que réclamaient ses besoins; son instruction fut l'objet d'une sollicitude également prévoyante.
Les ministres du Régent n'avaient pas compris la nécessité de faire camper les troupes. Cette faute fut promptement réparée. Dès le 25 Septembre, 20,000 hommes étaient réunis dans un camp établi aux portes de Diest. L'établissement de ce camp au milieu de l'automne avait nécessité des dépenses et causé des embarras considérables; mais les dangers de la situation avaient rendu toute hésitation impossible. Plusieurs régiments n'avaient jamais manœuvré réunis; l'esprit militaire avait besoin d'être énergiquement stimulé; l'armistice allait expirer, et l'honneur national exigeait impérieusement qu'on ne fût pas une seconde fois pris à l'improviste.
Jetons maintenant un regard sur un autre élément de la force publique dont l'administration du Régent n'avait pas su tirer un parti convenable.
Nous avons dit que le premier ban de la garde civique n'avait pas même reçu un simulacre d'organisation, lorsque les colonnes d'avant-garde de l'armée hollandaise se montrèrent en vue de Louvain. Commandée par des chefs dépourvus des notions les plus élémentaires du noble métier des armes, fractionnée en bataillons agissant (page 328) pêle-mêle et sans lien commun, mal armée, inquiète, indisciplinée, abandonnée à elle-même, la garde avait été un embarras plutôt qu'une ressource. Si l'on excepte quelques bataillons qui conservèrent une attitude énergique, son apparition sur le champ de bataille n'avait produit d'autre résultat qu'une perte assez considérable d'armes, d'objets d'équipement et de munitions de guerre.
Le successeur du baron de Failly sut profiter
de cette leçon sévère. Au lieu d'attendre la reprise des hostilités pour
prendre son parti, il appela au service actif tous les bataillons qui lui
semblaient offrir les conditions requises. D'accord avec son collègue de
l'Intérieur, il évita les conflits et simplifia les opérations en se chargeant
seul de l'organisation, de l'armement et de la mobilisation des gardes. Dès le
1er Octobre 1831,10,000 hommes avaient quitté leurs foyers, et ce nombre était
presque doublé au commencement de Novembre. Une partie des gardes étaient
employés au service de garnison, mais le plus grand nombre occupait la ligne de
défense des Flandres, peu propre à l'action de la cavalerie. Tous les
bataillons faisaient le service actif avec zèle, et plusieurs pouvaient
rivaliser d'instruction avec l'infanterie de ligne. On leur avait distribué des
armes de bonne qualité, et les vêtements étaient fournis par l'Etat (Note de
bas de page : D'après la législation de l'époque,
les gardes indigents devaient être habillés aux frais de leurs communes; les
antres étaient tenus de s'habiller à leurs frais. Le gouvernement se trouva
dans l'impossibilité de suivre cette règle. M. Ch. de Brouckere en donna la
raison dans son rapport à
Tous
ces travaux n'étaient pas restés sans récompense. Lorsque, le 23 Novembre
Chacun des douze régiments d'infanterie de
ligne avait été porté à 5,800 hommes répartis en quatre bataillons et un dépôt,
celui-ci étant organisé de manière à former les recrues et à débarrasser les
bataillons de guerre des hommes impropres au service de campagne. Nous avions
de plus trois régiments de chasseurs à pied, comptant chacun 2,900 hommes,
divisés en trois bataillons de guerre et un dépôt. L'artillerie, renforcée dans
la même proportion, avait vu porté son effectif de 4,670 à 6,160 hommes. La
cavalerie comptait 5,200 soldats parfaitement équipés et exercés, en y
comprenant les trois escadrons de guerre fournis par la gendarmerie. Un
magnifique bataillon de sapeurs se trouvait à la disposition des officiers du
génie. Un corps de partisans, composé d'hommes déterminés, était en voie
d'organisation et possédait déjà un noyau de 500 hommes (Note de bas de
page : Un arrêté royal du 20 Octobre 1831
avait prescrit la formation d'un corps de partisans divisé eu six compagnies de
1514 hommes. Un arrêté du 18 Février suivant autorisa le ministre de
L'organisation administrative avait pris l'aspect le plus satisfaisant. L'intendance et le service de santé, dont l'organisation vicieuse avait été la source de tant de complications et de souffrances, étaient établis sur des bases nouvelles. Les états-majors, en partie composés d'officiers français, étaient à la hauteur de leur mission. Les vivres étaient abondants et se distribuaient avec une régularité qui ne laissait rien à désirer. Les subsistances et les munitions étaient assurées pour l'éventualité de l'entrée en campagne.
Dans le placement des corps, les leçons de
l'expérience n'avaient pas davantage été perdues de vue. Disséminées le long des
frontières du Limbourg et de la province d'Anvers, les armées de l'Escaut et de
Tel était l'état des choses à la fin de Novembre 1831. La discipline avait remplacé l'insubordination révolutionnaire; l'action d'une hiérarchie respectée s'était substituée au caprice et à la mutinerie des subalternes; l'ordre et l'économie avaient pris la place du gaspillage; la confiance et l'esprit militaire avaient succédé à l'abattement causé par la déroute de l'armée de Daine.
Ce fut avec une noble et légitime fierté que
M. de Brouckere rendit compte du résultat de sa persévérance et de ses veilles;
mais il eut soin de payer un juste tribut d'éloges aux hommes qui l'avaient
secondé dans l'accomplissement de sa tâche. « Je déclare, dit-il, devoir le
succès aux hommes que j'ai trouvés à la tête des différentes divisions du
ministère et à quelques capacités militaires qui ont bien voulu m'aider de
leurs conseils et de leur travail. S'il entrait dans les usages parlementaires
de citer des noms propres, je vous nommerais celui du général qui, dès les
premiers jours, n'a cessé de coopérer activement à tout ce qui a été fait de
bien, et qui allége encore aujourd'hui considérablement ma tâche: mais déjà son
nom est sur vos lèvres. » Ces derniers mots s'appliquaient au général
Evain, que nous trouverons bientôt lui-même à la tête du département de
(page
331) Ces efforts incessants, cette persistance courageuse, ces résultats
magnifiques obtenus par le chef du département de
Des réformes conçues sur une vaste échelle ne peuvent s'exécuter sans blesser les intérêts d’une multitude d'hommes qui profitent des abus et des dépenses qu'ils entraînent. Il en résulte naturellement une coalition de rancunes, de jalousies et de haines, qui tôt ou tard produit ses conséquences naturelles. Un vaste système de dénigrement s'organise autour de l'homme d'État assez courageux pour résister aux prières et aux adulations des uns, aux menaces et aux colères des autres; et bientôt une partie du public, à force d'entendre articuler les mêmes griefs, finit par croire à leur réalité. M. Charles de Brouckere ne tarda pas à en faire la triste expérience.
Revenus de la frayeur que leur avait causée
l'apparition des panaches hollandais à Tervueren , les journalistes reprirent
peu à peu les allures frondeuses qui avaient successivement découragé tous les
ministres du Régent. Déjà les injures remplaçaient les éloges qu'ils avaient
d'abord prodigués au jeune ministre de
Bientôt ces soupçons envahirent l'enceinte
de
Dans la séance du 20 Janvier 1832, un député
de Bruges, M. Julien, (page 332) fit
la proposition formelle de nommer une commission chargée d'examiner à quel
point les intérêts du pays avaient été lésés par le marché que le ministre
avait conclu avec le munitionnaire général Hambrouck. A l'entendre, ce marché
était irrégulier, illégal, absurde et scandaleusement onéreux au trésor public.
D'autres orateurs s'associèrent à ces récriminations, dans un langage on ne
peut plus blessant pour le chef du département de
Ces tristes débats se prolongèrent pendant
cinq séances. Comme toujours, M. de Brouckere tint tête à l'orage. Dans un
discours aussi lucide que complet, il rencontra et réfuta un à un tous les
arguments, toutes les accusations, tous les griefs produits par ses
adversaires; puis il s'écria, avec une émotion qu'il voulut en vain maîtriser:
« Citoyen, la conscience d'avoir bien fait me suffit; militaire, j'ai pour moi
le témoignage de tous les généraux de l'armée: c'en est assez pour me
dédommager des critiques les plus amères; mais, ministre, il m'importe de ne
pas rester plus longtemps dans une position fausse vis-à-vis de la
représentation nationale. Toute la question se réduit à savoir si j'ai conservé
ou perdu la confiance de
Il ne tarda pas à avoir un nouveau sujet de
plainte. Le budget de
Evain
avait parcouru la carrière la plus brillante. Honoré de la confiance et de
l'amitié de Napoléon 1er, colonel d'artillerie le 16 Février 1809, général de
brigade le 12 Avril 1815, lieutenant-général le 4 Janvier 1822, il avait pris
part à tous les travaux d'organisation militaire de l'Empire et de
Placé à la tête du département de
Au mois de Septembre
Au 1er Janvier 1832, cet effectif était de 87,000 hommes et de 8,900 chevaux.
Au l er Juillet suivant, l'effectif était de 93,000 hommes et de 9,500 chevaux.
A la fin d'Octobre, nous avions plus de 100,000 hommes sous les armes.
Ces chiffres, qui n'ont pas besoin de
commentaire, suffisent pour attester l'activité intelligente et l'impulsion
vigoureuse qui, depuis le départ du baron de Failly, avaient présidé aux
travaux du département de
On comprend sans peine que, dès le mois de
Septembre 1832, la nation, lasse des tergiversations de la diplomatie et ayant
repris confiance en elle-même, manifestât la volonté de recourir aux armes pour
mettre un terme à nos différents avec