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2e édition. Louvain, Vanlinthout et Peeters, 1861, 3 tomes
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TOME 1
(page 310) Pendant que les premiers symptômes d'une lutte intérieure, exagérés par la presse étrangère, alarmaient les amis et encourageaient les ennemis de la révolution de Septembre, notre jeune royauté reçut du gouvernement français un gage éclatant d'affection et de confiance.
Dès le début de l'insurrection, les regards
des Belges s'étaient tournés vers
Cet espoir ne tarda pas à se réaliser. Le 9 Août 1832, le roi des Belges épousa la princesse Louise-Marie-Thérèse-Caroline-Isabelle d'Orléans, fille aînée du roi des Français.
Le caractère de
Avant de monter sur le trône des Belges,
Léopold avait été deux fois l'hôte de la famille d'Orléans. Au mois de Juin
1826, quittant sa résidence de Claremont pour se
rendre en Allemagne auprès de sa mère, il traversa
Cette fois encore, il reçut au sein de la noble et belle famille de Louis-Philippe l'accueil que lui méritaient son rang et son caractère. Les deux princes avaient appris à se connaître en 1816, pendant le séjour de la famille d'Orléans à Twickenham. L'un et l'autre avaient vaillamment combattu sur les champs de bataille; l'un et l'autre voyaient dans le gouvernement représentatif, loyalement appliqué, la garantie la plus efficace du repos, de la prospérité et du progrès des nations modernes. Celte communauté de sentiments et de vues avait établi entre Louis-Philippe et Léopold une amitié sincère et durable.
On dit que, dès cette seconde entrevue, l'illustre visiteur avait jeté (page 312) les yeux sur la princesse Louise, alors âgée de dix-huit ans; on ajoute que ces sentiments n'étaient pas un mystère pour Louis-PhiIippe, et que dès lors l'union de son auguste fille avec le prince Léopold fut résolue (Note de bas de page : Cette allégation se trouve dans tous les écrits qui furent publiés en 1850, à l'occasion de la mort de la reine).
Quoi qu'il en soit, après que Léopold fut monté sur le trône des Belges, son mariage avec une fille du roi des Français entrait à tous égards dans les vœux de la nation à laquelle il venait d'unir ses destinées. Nous l'avons déjà dit : l'instinct populaire avait compris que l'alliance des deux royautés issues des commotions révolutionnaires de 1830 devait être cimentée par les liens de la famille. L'opinion publique était tellement préparée à ce résultat, les vœux du roi et du peuple étaient si bien d'accord, que la nouvelle de l'heureuse issue des négociations fut accueillie sans surprise: tous les amis de l'indépendance nationale attendaient l'assentiment du roi des Français comme une consécration définitive de la révolution de Septembre.
Les cérémonies requises s'accomplirent au château de Compiègne.
A huit heures du soir, le mariage civil fut
célébré dans le cabinet du roi, par le baron Pasquier, président de
Une vaste salle du château avait été
convertie en chapelle. Ce fut là, à neuf heures du soir, que l'évêque de Meaux
donna aux augustes (page 313) époux
la bénédiction nuptiale. L'émotion de la reine et des princesses, déjà vivement
provoquée par la pensée d'une séparation prochaine, se manifesta par des larmes
abondantes, lorsque le prélat fit entendre quelques-unes de ces paroles à la
fois touchantes et graves dont le sacerdoce catholique a seul conservé le secret.
S'adressant directement au roi Léopold, l'évêque lui dit: « En présidant, au
nom de l'Église, à la cérémonie religieuse qui doit consacrer cette auguste
alliance, qu'il nous soit permis de rester étranger à toutes les louanges comme
à toutes les considérations humaines dont elle est naturellement le digne et
important objet. D'autres pensées occupent notre esprit; et ces pensées,
recueillies dans nos livres sacrés, conviennent davantage à la sainteté de nos
fonctions et répondent mieux aussi sans doute à l'attente de cette royale
assemblée. - Avec quelle complaisance, en effet, dans ce moment solennel et
imposant, nous aimons à rappeler en nous-même et à retracer ici l'image céleste
de cette femme forte dont l'Esprit-Saint s'est plu
lui-même à consacrer la mémoire et à publier l'éloge! Nul mérite n'est
comparable au sien, dit l'Écriture, et tous les trésors de l'univers et tous
les sceptres du monde n'en sauraient égaler le prix et la valeur. L'heureux
époux qui en est favorisé jouit dans sa douce société d'une paix profonde et
d'une joie sans mélange. Sûr de son affection et de sa fidélité, il se repose
sur elle avec une sécurité entière des soins de sa famille. Toujours à la
hauteur de sa situation, on la voit porter dans toutes ses démarches une
noblesse et une dignité qui se soutiennent également dans la dépendance du
devoir et dans la supériorité du rang: obéir avec majesté, commander avec
réserve, suivre la loi et la donner, servir à la fois de spectacle et
d'exemple. - Bonne et généreuse, elle écoute avec un tendre intérêt le récit de
toutes les misères, et ses abondantes largesses deviennent l'inépuisable
ressource de tous les malheureux. Revêtue de force et de beauté, la loi de la
clémence est sans cesse sur ses lèvres, et l'éclat de ses vertus, qu'elle
s'efforce en vain de cacher, trahit son humilité aux yeux de tout le monde et
rejaillit jusque sur son époux. Magnanime enfin, et d'une humeur toujours
égale, on la verra tranquille et calme dans la mauvaise comme dans la bonne
fortune; elle sera, au déclin de la vie, et à l'approche même de son dernier
moment, comme elle était dans ces jours brillants où, parée (page 314) de ses ornements de fête,
elle recueillait avec une joie modeste les louanges de son époux, les caresses
de ses enfants et les applaudissements de tout son peuple. - Voilà, Sire,
quelques-uns des traits de cette femme incomparable, que
Immédiatement après l'accomplissement de la cérémonie catholique, la famille royale et les assistants se rendirent dans une salle du château, où un pasteur protestant de Paris donna aux augustes époux la bénédiction nuptiale selon le rite luthérien.
Quatre jours après, le roi et la reine des Belges prirent le chemin de leur royaume. Depuis la frontière jusqu'au château de Laeken, leur voyage fut une longue marche triomphale. Cette fois encore, le public officiel ne fut pas seul à prodiguer ses félicitations et ses hommages. Le peuple des villes avait chaleureusement secondé les efforts de ses magistrats, et le peuple des campagnes, ayant à sa tête les autorités civiles et ecclésiastiques, se pressait aux bords de la route et faisait retentir les airs de ses joyeuses et énergiques acclamations.
Bientôt la jeune reine fut appelée à figurer dans l'une des fêtes les plus imposantes qui aient marqué les premiers jours de la monarchie nationale.
Le 28 Mai 1831, le Congrès avait décidé que des drapeaux d'honneur seraient remis à toutes les communes qui, pendant les journées de Septembre, avaient envoyé des secours aux combattants de la capitale. Au milieu des embarras causés par l'organisation administrative du pays, l'intervention diplomatique de l'Europe, le choix du chef de l'État et l'invasion de l'armée hollandaise, ce vœu de l'Assemblée constituante avait été momentanément perdu de vue. Il ne se réalisa que le 27 Septembre 1832.
Le gouvernement avait voulu que la remise
des drapeaux eût lieu sur la place Royale. C'était là que le premier sang avait
coulé pour la cause de l'indépendance nationale; c'était là encore que le
premier roi de
(page
316) Une vaste estrade se trouvait adossée à l'église de Saint-Jacques. Au
centre, un pavillon somptueux, dont le dôme était couvert de trophées et de
bannières tricolores, abritait le trône royal. De chaque côté du trône, une
large galerie, surmontée d'une tribune, était réservée aux sommités de la
magistrature, de l'administration et de l'armée. Deux statues représentant
Placée au-dessus du dôme du pavillon royal,
appuyée sur un lion, entourée des écussons des provinces et de drapeaux aux
couleurs nationales, la statue colossale de
A midi, les délégués des communes, précédés
des blessés de Septembre, gravirent les degrés de l'estrade, aux
applaudissements d'une foule immense pressée sur la place, aux balcons, aux
fenêtres et jusque sur les toits des hôtels environnants. Un instant après,
l'enthousiasme fut au comble, lorsqu'on vit arriver la jeune reine, accompagnée
du duc d'Orléans et précédée d'un groupe de cent sous-officiers de la garde
civique et de l'armée portant les drapeaux décernés par la munificence
nationale. Au moment où la reine parut à la tribune de droite avec son auguste
frère et sa suite, les acclamations des spectateurs rappelèrent l'élan
patriotique des plus beaux jours de
Les cris de Vive
Reçu au pied de l'estrade par
Après avoir écouté ce discours, le roi
s'avança sur le devant de l'estrade, et dit d'une voix haute et ferme: «
J'éprouve une vive satisfaction de pouvoir prendre part en personne à une
solennité dont la législature a décrété la célébration. Les événements dont ce
jour est l'anniversaire ont consacré l'indépendance de
Se plaçant alors en avant du trône et ayant
à sa droite le ministre de l'Intérieur, le roi remit successivement les
drapeaux d'honneur aux communes désignées par le Congrès national (Note de bas
de page : Voici la liste de ces communes, telle
qu'elle se trouve au Moniteur : Aerschot, Alost, Andennes, Anderlecht, Ans-et-Glain,
Anvers, Arlon, Ath, Bastogne, Binche, Boitsfort,
Boom, Bouillon, Braine-l'Alleux, Braine-le-Comte,
Bruges, Bruxelles, Charleroy, Châtelet, Courtray, Couvin,
Diest, Dinant, Dison, Dour, Enghien, Ensival, Fayt, Fleurus, Fontaine-l'Évêque, Gand, Gembloux, Genappe, Gheel, St-Ghislain,. Gosselies, Grâce-Montegnêe, Grammont, Grez-Doiceau,
Hal, Hasselt, Herenthout, Hermée, Herselt, Herstal,
Herve, Héverlé, Hodimont,
Huy, Ixelles, Jemmappe, Jemeppes,
Jodoigne,
Nous n'avons rapporté que les paroles
guerrières de M. Gendebien. Après la distribution des drapeaux, une autre
harangue belliqueuse fut adressée au roi par le major Kessels,
parlant au nom des blessés de Septembre. - Quelques heures plus tard, un
banquet fut offert aux blessés sous les arcades du palais de justice).
M. Gendebien avait dit au roi: « Sire, n'hésitez pas à donner le (page 318) signal du combat. » Ces paroles étaient l'expression fidèle des désirs de la nation. A l'arrivée et au départ du cortége royal, les cris Guerre! Guerre! s'étaient constamment mêlés aux acclamations des citoyens et des troupes.
Depuis quatre mois,
Cette fois, nous sommes heureux de le dire, les cris de guerre étaient autre chose que de vaines bravades. L'armée belge, complétement réorganisée, avait atteint un effectif de plus de 100,000 hommes. Sa discipline, son organisation et sa force numérique permettaient d'espérer la victoire. Nous allons en fournir la preuve.