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d’intention
« Jules Malou (1810-1870) », par le
baron de TRANNOY
(Bruxelles,
Dewit, 1905)
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(page
296) Les élections de 1854 avaient rendu la majorité aux conservateurs.
Cependant le ministère libérai se maintint jusqu’au 22 mars 1855. Il semblait,
après l’échec du Cabinet de Brouckere, que le pouvoir dût être offert à la
majorité. Il n’en fut pas immédiatement ainsi.
Les premières démarches en vue de
constituer une administration furent faites auprès de membres considérables de
la gauche (Le 30 mars 1855).
Ces démarches ne pouvaient avoir de succès.
A vrai dire, les chefs reconnus de la
majorité conservatrice n’étaient guère désireux de recueillir la succession de
M. de Brouckere, et le Roi ne paraissait pas disposé à les y appeler.
« Au commencement des combinaisons
ministérielles, écrivait Mgr Malou à son frère (MM. Delfosse
et Lebeau furent sollicités d’accepter le pouvoir),
j’avais une crainte (page 297) assez vive qu’on ne vous entraînât sur le
banc ministériel sous prétexte de patriotisme. Mais, ensuite, la situation
parlementaire m’a paru claire par rapport à vous. Si
Aussi bien les catholiques
apprirent-ils sans surprise que la mission de constituer un ministère avait été
confiée à celui de leurs hommes politiques qui était le plus connu pour la
modération de ses tendances, à M. Pierre de Decker.
Nul ne s’était élevé avec plus
d’éloquence que le nouveau chef du Cabinet contre les théories qui voulaient
que les partis se fissent exclusifs et que le gouvernement lui-même s’attachât
à un parti. Il était convaincu que la division des citoyens en deux camps
nettement tranchés et irréconciliables serait funeste à
Sa foi enthousiaste en l’union
l’avait entraîné, nous l’avons vu, jusqu’à traiter le ministère de Theux-Malou
d’anachronisme et de défi.
Dans une nouvelle brochure sur l’Esprit
national et l’esprit de parti, il avait, en 1852, à l’invitation de Malou,
rompu encore une lance pour la défense de l’unionisme.
Les idées qu’il avait si éloquemment
proclamées dans ses écrits, M. de Decker était
fermement résolu à les réaliser.
Nombreux d’ailleurs étaient les
hommes politiques, dans le parti conservateur surtout, qui avaient gardé pour
l’union les plus ardentes sympathies. « Le Roi, dit M. Juste, avait une grande
estime pour M. de Decker et ses convictions
unionistes fortement prononcées. »
Certains catholiques cependant ne
voyaient pas sans une juste appréhension arborer l’étendard pâli de
l’unionisme. Ils envisageaient avec crainte les conséquences d’une politique de
capitulation et redoutaient de voir s’émousser encore davantage la faible
énergie des conservateurs.
Le 30 mars, le ministère était
constitué, et le jour même, Mgr Malou écrivait à son frère :
« On me dit à l’instant que le
Roi a fait appeler Vilain XIIII, de Decker et
Mercier. Nous aurons donc ce ministère de demi-dieux, comme disait M. Guizot.
Mais nous devons prendre garde que, par esprit de conciliation, il ne nous
administre amicalement les doses préparées dans la pharmacie (page 299)
de MM. Rogier et Frère. Si le ministère a du courage, il se fera une bonne
position ; mais s’il entreprend l’œuvre impossible de contenter tout le monde
et de s’effacer en tout, il vivra très peu de temps. Si M. de Decker veut satisfaire la gauche en matière de charité, il
aura contre lui toute la presse catholique. J’ose le lui prédire.
Les collaborateurs dont s’entoura M.
de Decker étaient, comme lui, des unionistes
convaincus. Plusieurs d’entre eux,, MM. Dumon,
Mercier, Alphonse Nothomb, étaient considérés comme appartenant au parti
libéral.
M. de Decker
« se flattait d’obtenir l’appui des libéraux qui, sous le Cabinet de M. de
Brouckere, s’étaient détachés de la gauche pour appuyer le ministère. Il
croyait, écrit M. de Garcia (D. DE GARCIA DE
Le ministre des affaires étrangères,
vicomte Vilain XIIII, était - nous citons le mémo auteur - « un esprit fin et
délié, aux résolutions parfois fermes et aux allures énergiques, mais
essentiellement primesautier et manquant, par conséquent, de consistance
politique. Les autres ministres, à l’exception de M. Mercier, qui avait été
ministre des finances, n’étaient pas connus. L’un d’eux, M. Nothomb, devait se
montrer bientôt, par son talent, digne du nom qu’il porte. Aussi devint-il
promptement le but constant d’attaques les plus grossières et les plus injustes
du libéralisme. »
Malou prêta volontiers au Cabinet
unioniste formé par son ami de Decker l’appui de son
autorité et de sa (page 300) parole. Il demeura fidèlement à ses côtés,
s’inclinant, parfois avec regret, devant les exigences de la politique d’union,
tant qu’il eut l’espoir d’arriver par elle à une solution de la question
primordiale des fondations charitables.
Lorsqu’il acceptera la charge de
rapporteur du projet de loi sur les établissements de bienfaisance, ce sera
avec l’arrière-pensée de rallier les libéraux modérés à un projet transactionnel.
Ces espérances s’effondreront en mai
1857 et, avec elles, la foi de Malou en l’unionisme.
(page 300) M. de Decker était à peine entré en
possession du pouvoir, lorsque surgit, à l’université de Gand, un incident qui
eut dans le pays une vive répercussion.
Quelques étudiants catholiques, à la
tète desquels se trouvait M. Guillaume Verspeyen,
avaient protesté contre les tendances antichrétiennes de l’enseignement donné
dans cet établissement de l’Etat par le professeur Brasseur. L’enquête ouverte
par le conseil académique établit que ces protestations étaient justifiées.
L’incident n’en resta pas là.
L’affaire Brasseur passionna le pays ; elle occupa aussi le Parlement, où se
posa une question toujours vive : Comment, dans l’enseignement de l’Etat,
sauvegarder à la fois l’indépendance doctrinale des maîtres et le respect des
convictions de leurs élèves ?
Quelle allait être l’attitude du
ministre de l’intérieur en présence de ce conflit ?
« On m’inspire des inquiétudes sur
l’attitude de notre (page 301) excellent de Decker
dans l’affaire de M. Brasseur à l’université de Gand, écrivait à son frère Mgr
Malou (Le 4 janvier 1856).
Il est certain que, si le ministère ne montre pas ici une certaine énergie, il
excitera un profond mécontentement chez les bons catholiques et dans le clergé.
»
A
« Il n’y a pas, disait-il, de
principes absolus qui puissent servir de direction dans cette partie de
l’administration. Il n’y a que des cas d’application pratique, qui sont laissés
à l’appréciation du gouvernement. Les professeurs ont pour premier guide leur
raison, leur conscience ; ils sont responsables devant le gouvernement, qui a
le droit de surveiller leur enseignement et de sévir contre eux lorsqu’ils
abusent de la liberté relative qui doit leur être laissée. Les ministres, à
leur tour, relèvent de leur conscience ; ils sont constitutionnellement
responsables devant les Chambres et devant le pays des décisions qu’ils
prennent à l’égard des professeurs des universités de l’Etat » (Annales
parlementaires, 22 janvier 1856).
Personnellement, M. de Decker réprouvait les thèses erronées du professeur
Brasseur. « Comme catholique, déclarait-il, je me suis senti froissé par
ces propositions. »
Mais le langage du ministre devait, à
son avis, être différent de celui de l’homme privé. Il voulut être à la fois
prudent et constitutionnel.
(page 302) La droite
parlementaire se déclara satisfaite. De la presse catholique s’élevèrent des
protestations : « Les contradictions fourmillent dans le discours de M. de Decker, lisait-on dans
Les mandements épiscopaux de Malines,
Gand, Tournai et Bruges signalèrent les dangers que présentait la fréquentation
de cours professés dans un esprit hostile. L’évêque de Bruges parla de
l’enseignement universitaire avec la netteté et la franchise qui lui étaient
coutumières
« L’université libre de Bruxelles,
disait-il, a affiché le drapeau de l’impiété... S’opposer de toutes les
manières possibles à l’influence du principe religieux, telle est l’action de
l’université de Bruxelles et telle est la fin que se sont proposée ses
fondateurs.
« Cet établissement est, chacun
le sait aujourd’hui, l’émanation d’une société secrète, qui se cache dans
l’ombre et se couvre de mystère... Les choses en sont venues au point qu’un
chrétien ne peut plus prendre part à cette œuvre sans tomber dans une espèce
d’apostasie...
Un autre établissement,
poursuivait-il, qui, par la protection gouvernementale dont il jouit, doit
inspirer moins de défiance aux parents et qui, par les sommes énormes dont il
dispose, peut attirer un plus grand nombre d’élèves dans son sein, n’offre guère
moins de dangers aujourd’hui aux (page 303) familles catholiques que
l’université de Bruxelles. Je parle de l’université de Gand...
« Nous conjurons les pères de
famille de bien se convaincre des dangers que présente pour leurs enfants un
enseignement supérieur qui n’est pas sincèrement chrétien... C’est par un
sentiment d’affection pour eux et pour leurs enfants que nous leur donnons ces
conseils. Le Seigneur voit la pureté de nos intentions, et ce ne sera désormais
plus à nous qu’il pourra imputer la perte des jeunes gens catholiques que des
doctrines impies et erronées entraîneront dans l’abîme de l’impiété et du
vice. »
Pie IX adressa à l’évêque de Gand un
bref (8 avril 1856), louant une « mesure si prudente et si sage » et exhortant
les évêques belges à « redoubler d’attention, de soins et d’efforts pour
employer tous les moyens afin que les ravages de cette peste effroyable
n’infectent et ne détruisent pas leur troupeau ».
De son côté, le ministre de
l’intérieur envoya une circulaire aux administrateurs des universités de Gand
et de Liége pour les inviter à recommander aux professeurs de « s’abstenir dans
leur enseignement de toute attaque directe contre les principes essentiels des
cultes pratiqués en Belgique ».
Cet avis ministériel fut diversement
apprécié : les libéraux y virent une satisfaction donnée aux évêques ; certains
journaux catholiques signalèrent que le programme universitaire de l’année
précédente n’avait subi aucun changement et crurent y découvrir une pensée
malintentionnée du gouvernement à l’endroit de l’épiscopat. (Voir
Louis HYMANS, Histoire populaire du règne de
Léopold 1er, p. 234). Des commentaires ultérieurs
parurent indispensables.
(page 304) L’affaire Brasseur
occupa une seconde fois
Malou prononça un de ses plus habiles
discours. Son embarras était vif : défendre l’évêque de Bruges, Cicero pro fratre suo, était délicat ;
soutenir que
Le député d’Ypres contesta d’abord à
la gauche le droit de s’en prendre aux mandements. Les évêques n’étaient-ils
pas libres d’émettre leur opinion ?
« Sommes-nous devenus ici
« Nous discutons les mandements.
Est-ce là respecter les droits qui résultent de la séparation des pouvoirs ?
« Tout le monde a reconnu,
l’honorable M. Verhaegen lui-même, dans le manifeste lu à l’ouverture des cours
de l’université de Bruxelles, que les évêques avaient usé d’un droit, et il y a
un axiome qui dit : Qui use de son droit ne fait de tort à personne.
« Mon honorable ami, M. Orts,
nous a beaucoup parlé d’un (page 305)
asile ouvert par la tolérance (l’université libre de Bruxelles) à la
discussion de toutes les doctrines...
Mais, si l’honneur de l’université
libre est d’avoir élevé une tribune à la libre discussion, les évêques sont
belges, il me semble ; ils ont aussi le droit d’émettre leur opinion en matière
religieuse et, je le répète, ils n’ont pas fait autre chose. » (Annales
parlementaires, 6 novembre 1856).
Malou démontrait ensuite que si, dans
le clergé ou la presse catholique, il y avait eu quelques divergences dans la
manière d’apprécier la circulaire ministérielle, il y avait aussi sur les bancs
de la gauche des opinions très diverses sur le point de savoir jusqu’où un
professeur peut aller dans la liberté de son enseignement. « On a beau
amonceler mille hypothèses, de manière à embrouiller la question, on reviendra
naturellement à cette règle de notre droit civil, qui est la raison écrite,
comme on l’a dit, à cette règle si simple, que le mandataire doit agir selon
l’intérêt de son mandant ; et quand il fait le contraire, quand il agit
contrairement ou en fraude, le mandat peut être révoqué. » Or, le professeur
est le délégué du ministre de l’intérieur, qui lui-même représente l’Etat.
La signification du vote que le
ministre réclamait était claire. « Le sens du paragraphe qui est proposé est
celui-ci : Nous approuvons la circulaire publiée par le ministre de
l’intérieur. Nous disons au ministre :
« Nous disons : Il est des
circonstances où vous devez agir ! lui laissant, du reste, la libre
appréciation des faits et, par conséquent, la responsabilité. Telle est la
signification (page 306) du paragraphe, il n’en a pas d’autre ; si nous
y introduisions un changement, nous dirions le contraire de ce que nous voulons
dire. »
Le but des libéraux n’était-il pas, en
réalité, de souligner, d’accentuer la polémique qui avait éclaté entre quelques
organes de la presse catholique, de diviser les catholiques en constitutionnels
et intolérants ou ultramontains, comme on allait bientôt les appeler ? Malou
déjouait cette manœuvre :
« Cette discussion doit avoir,
dit-on, pour conséquence la division de l’opinion conservatrice. Il va se
former un parti tory, un parti de mauvais esprit d’intolérance. Je voudrais que
les honorables membres qui aperçoivent de la division dans nos rangs pussent
espérer qu’il n’y en eût pas dans les leurs.
« Ainsi sur la question de
l’enseignement la gauche s’est divisée trois fois, les trois seules fois
qu’elle s’en soit occupée elle s’est divisée sur l’enseignement primaire, sur
l’enseignement moyen, à propos de la convention d’Anvers, et j’ai constaté
qu’elle est loin d’être homogène sur la question de l’enseignement supérieur.
« Je suis quelque peu embarrassé
lorsque j’emploie le mot de libéralisme, car lorsqu’on parle du mauvais esprit
d’intolérance, je ne puis m’empêcher de me souvenir de quelques discours de
l’honorable M. Verhaegen ; d’après lui, pour être libéral, il faut demander la
réforme de l’enseignement primaire, l’abrogation de la convention d’Anvers et
vouloir l’exclusion complète du clergé de toutes les écoles...
« En réponse à l’accusation
d’intolérance, je demanderai s’il y a une opinion sincère, consciencieuse, qui
admette le pour et le contre, car tout ce qui a été dit revient seulement à
proclamer l’intolérance dogmatique.
« Ainsi, l’honorable M.
Verhaegen est très intolérant à l’égard de l’Eglise catholique, autant que les
évêques sont dogmatiquement très intolérants quand ils déclarent que
l’enseignement donné dans les universités de Gand et de Bruxelles n’est pas
conforme au dogme catholique. »
Répondant aussi aux insinuations dont
il avait été personnellement l’objet, Malou désavouait la paternité de certains
articles qu’on lui avait faussement attribués.
« Messieurs, certaines
insinuations tendent à accuser telle ou telle personne, ou ses parents jusqu’au
deuxième degré inclusivement, d’être les auteurs de certains articles où l’on a
cru démêler dans nos rangs un très grand dissentiment, parce que deux journaux
des Flandres ont attaqué des actes de M. le ministre de l’intérieur.
« Dans tous les partis, il y a
des tempéraments différents. La presse a des nuances, elle a des allures
différentes, il n’en résulte aucun mal, lorsque de ces tempéraments différents
résulte une moyenne qui fait qu’une opinion marche sans courir au précipice (ce
qui est peut-être arrivé avant nous) et qu’on ne reste pas immobile. Il ne faut
pas s’étonner de cette différence de tempérament. Elle se produit dans tous les
rangs ; elle se produit chez vous, beaucoup plus que dans la presse
conservatrice. »
L’Adresse fut votée par vingt voix de
majorité.
Deux criminels, après avoir attenté à
la vie de Napoléon III, s’étaient réfugiés en Belgique, d’où ils n’avaient pu
être extradés. La loi belge interdisait, en effet, l’extradition pour délit
politique ou délit connexe à un fait politique.
Un projet de loi fut déposé dans le
but de ranger, parmi les faits pouvant autoriser une demande d’extradition, (page
308) l’assassinat, l’empoisonnement et le meurtre d’un souverain étranger
ou d’un membre de sa famille.
Dans la pensée du gouvernement, le
projet n’avait d’autre objet « que de faire disparaître le doute qui pourrait
exister sur la question de savoir si l’extradition peut être accordée lorsqu’il
s’agit d’attentat à la vie d’un souverain étranger, de même qu’elle le serait
si la victime de l’attentat était un simple particulier. » (Rapport
de la section centrale).
Tout le monde, en principe, était
d’accord : le régicide devait désormais, en Belgique, être réputé homicide et
traité comme tel. Mais, de l’avis d’un certain nombre de membres de
Le gouvernement refusa de se départir
de son interprétation ; M. Nothomb, ministre de la justice, soutint sans
défaillance un assaut qui fut vif et se prolongea sans mesure. Malou l’appuya
de sa compétence de juriste pénal :
« La section centrale nous dit
que l’extradition est une mesure exceptionnelle, odieuse, qui répugne à nos
mœurs ; c’est, en quelque sorte, porter atteinte à nos plus précieuses
libertés, c’est méconnaître l’antique réputation d’hospitalité de
Nous devons nous placer à un point de
vue tout opposé. (page 309) Lorsque la civilisation était plus
imparfaite qu’elle ne l’est aujourd’hui, le droit d’asile existait, l’impunité
existait ; à mesure que la civilisation s’est développée, l’impunité s’est
restreinte ; et, ne l’oublions jamais, ce n’est pas la justice qui est odieuse,
c’est le crime qui est odieux ; ce n’est pas la répression qu’il faut
restreindre, c’est l’impunité.
« On nous dit encore que nous
faisons une loi réactionnaire ! Messieurs, il y a vingt ans que nous entendons
ce mot réactionnaire comme seule raison de ceux qui n’en ont pas
d’autres.
« Si la loi a pour objet, comme
dans ma pensée elle a réellement pour objet, de restreindre l’impunité pour les
crimes qui portent atteinte à la morale universelle, appelez dix fois cette loi
réactionnaire ; moi, je l’appelle loi juste, morale, nécessaire, et je la vote
avec empressement.
« Le véritable but de la loi sur
les extraditions, c’est de donner une sanction à la justice, partout, sans
distinction de frontières.
« En ce sens, elle est
parfaitement légitime.
« Où est la limite où
l’extradition n’est plus légitime ? C’est lorsque le fait en vertu duquel on
demande l’extradition ne porte pas atteinte à la loi universelle de toutes les
nations civilisées, lorsqu’il porte atteinte à une forme politique variable ;
c’est, par exemple, lorsque nous avons devant nous un réfugié politique qui n’est
pas un assassin ; la victime d’un changement de gouvernement ; un homme, enfin,
à qui nous pouvons tous serrer la main.
« Je dis que la question se
présente dans ces termes-ci : Les tribunaux ont été divisés sur le point de
savoir si la loi était applicable lorsqu’un crime était connexe à un fait
politique et c’est ce doute auquel nous devons mettre une fin. »
D’après le système du rapporteur de
la section centrale, le crime de droit commun n’eût été considéré que comme
l’accessoire, lorsqu’il se serait rattaché à un fait politique.
(page 310) « Je ne sache
pas, disait Malou, qu’il y ait en droit pénal une classification de crimes
principaux et de crimes accessoires
« La distinction est fausse en
droit pénal, elle l’est encore davantage en morale ; elle est fausse en
législation, fausse en droit politique ; nulle part, ce principe n’a été
admis. »
Aussi adhère-t-il pleinement au
projet du gouvernement qui autorise l’extradition des personnes accusées
d’attentats politiques, lorsque ceux-ci ont le caractère de crimes de droit
commun.
« Cette loi votée, il sera simplement
déclaré qu’il n’y a pas en Belgique d’asile pour ceux qui font du poignard ou
du poison un moyen de succès politique. »
Une commission fut nommée dans
l’espoir de rallier
Le ministre de la justice refusa de
souscrire à cette transaction et Malou, au nom de la minorité de la commission,
revendiqua « l’honneur d’être son complice pour l’avoir sciemment et
matériellement aidé dans la perpétration de ce crime d’obstination ».
« S’il n’y a qu’une question de
rédaction entre nous, y a-t-il plus d’obstination, disait-il, de la part de
celui qui dit vingt fois oui, que de la part de celui qui dit vingt fois non
?... »
« Le gouvernement, faisait-il
remarquer fort judicieusement, lorsqu’il y a une loi sur les extraditions, doit
traduire cette loi en traité ; un traité, pour être quelque chose, doit
contenir une obligation ; or, qu’arrivera-t-il si vous avez à faire à un traité
d’après la rédaction qui (page 311) vous est proposée ? Quel
gouvernement étranger se soumettrait indifféremment aux décisions des chambres
des mises en accusation ? »
Le projet du gouvernement finit par
l’emporter ; plusieurs membres de la gauche, et non des moindres, s’étant
associés au vote de la droite.