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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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D. L’ASSOCIATION NATIONALE.

 

VII. « L’Association patriotique a sauvé la révolution »

 

(page 193) Tous les hommes sensés, tous les hommes de bonne foi ont reconnu et proclamé la nécessité et les heureux résultats de l’action tonte patriotique de l’Association, vraiment nationale dans son but et dans ses résultats. 

Nous croyons utile de reproduire l’appréciation spontanée de la Cour de France sur l’Association et sa victoire du mois de mars 1 831.  M. Le Hon écrivait confidentiellement au Régent, de Paris, le 2 avril :

« On a été effrayé ici des désastres déplorables de Bruxelles et de Liége. Mais on est satisfait et rassuré par le triomphe du parti national. Vous pouvez compter sur le soutien actif et énergique de la France en cas d’agression ou de tentative de restauration. J’ai enfin obtenu, sur ces points, une résolution formelle et irrévocable. Le Roi, le Président du Conseil et le maréchal Soult me l’ont affirmé à plusieurs reprises.... »  (Voir Histoire du Régent, page 127). 

Dix jours après l’interprétation et l’approbation spontanée de la Cour de France, l’Association fut l’objet d’une attaque violente du comte Sébastiani, ministre des Affaires Etrangères. Le ministère  (page 194) français, inquiet des progrès de l’Association nationale française,  effrayé des relations sympathiques et déjà très actives entre l’association française et l’association belge, effrayé surtout des relations de celle-ci avec l’armée française en garnison à la frontière, résolut de combattre l’association française (Au mois de mars 1831, s’était constituée, à Metz, une association dite nationale, dont le but avoué était d’assurer l’indépendance du pays et d’empêcher la restauration des Bourbons. Elle s’était en réalité donné pour mission de porter au pouvoir les hommes du « mouvement » et avait pris, rapidement, une grande extension) et de tuer ou au moins de discréditer l’association belge par l’insulte, le sarcasme et la calomnie. 

Le 12 avril, M. Sébastiani, du haut de la Tribune du Corps législatif, dit en parlant de l’Association belge :

« Une Association traînant à sa suite le meurtre, le pillage, y domine le gouvernement... « 

A cette audacieuse et infâme calomnie, plusieurs députés répondirent avec énergie : MM. Mauguin, Lamarque (le général), Odilon Barrot et de Tracy. 

« Il y a quelque imprudence, dit M. de Tracy, à traiter, avec tant de dédain, et peut-être avec tant de légèreté, une nation voisine qui, travaillée par les intrigues les plus perfides et au moment de tomber entre les mains de ses ennemis, éprouve un élan national. »

 Le Corps législatif, comme la Cour de France, a donc fait une juste appréciation du mouvement préparé par l’Association, au mois de mars 1831 C’est, a dit la Cour de France, le triomphe du parti national; c’est, a dit avec bien d’autres M. de Tracy, un élan national qui a conjuré les intrigues les plus perfides. 

Le Congrès belge a fait la même appréciation. 

Les cours de Vienne et de Berlin comprirent l’Association et apprécièrent le mouvement national et sa victoire ; elles n’hésitèrent pas à déclarer qu’elles ne souffriraient pas qu’un prince fût imposé à la Belgique par la force. 

L’Angleterre se ravisa bien vite : son gouvernement vira de bord promptement ; il avait deux candidats, le premier, le prince d’Orange le second, le prince Léopold de Saxe-Cobourg. Le premier ayant été vaincu, repoussé le 24 mars au Waux-Hall, Ponsonby qui avait ses instructions doubles, mit aussitôt en avant le prince Léopold. (Voir la lettre de Vandersmissen du 24 avril 1832.) 

La Hollande, tous ses hommes d’Etat, le Roi Guillaume, le (page 195) Prince d’Orange lui-même, ont si bien apprécié l’Association et sa victoire,  qu’ils renoncèrent à toute tentative, à toutes intrigues nouvelles. 

La Conférence de Londres (y compris Talleyrand !) qui avait autorisé la tentative du Prince d’Orange et l’avait favorisée, par son représentant Ponsonby et par d’autres intrigants, la Conférence tout entière apprécia la victoire de l’Association et comprit son attitude et sa force. 

Elle renonça à la restauration et à la quasi-restauration de la famille d’Orange en Belgique. 

La Conférence avait exclu du trône de Belgique tous les parents et alliés des cours représentées à Londres.  Elle avait, sans aucun doute, pris cette résolution pour y faire arriver le prince d’Orange en le rendant nécessaire, inévitable.

Le prince d’Orange ayant été énergiquement repoussé par l’Association, la Conférence renonça à son candidat de prédilection ; elle renonça aussi à la résolution. qu’elle avait prise d’exclure, en sa faveur, les parents et alliés des cinq cours représentées à Londres ; ce qui rendit possible l’élection du Prince Léopold de Saxe-Cobourg que la France repoussait énergiquement, brutalement même, à la fin de 1830 et dans les premiers jours de 1831. Je ferai plus tard, des révélations importantes sur ce point et sur beaucoup d’autres. 

Par son organisation, par ses rapports multiples dans toute la Belgique, par son immense influence et son attitude énergique, l’Association rendit le courage et la confiance au roi Louis-Philippe et reconquit son appui et sa puissante protection que les intrigues de Talleyrand avaient altérés et convertis en une impudente autant que lâche adhésion au projet de restauration adopté par la conférence. 

L’Association changea le parti pris, les résolutions, les allures de la Conférence de Londres. 

Elle contraignit les puissances à la modération, â de salutaires réflexions. 

Elle sauva le Luxembourg de l’invasion imminente de la Confédération germanique. Elle neutralisa les proclamations belliqueuses et menaçantes du Duc de Saxe-Weimar qu’elle réduisit au silence. 

Elle purgea la Belgique des perfides intrigues et des intrigants qui avaient trop longtemps embarrassé la marche du gouvernement. 

Grâce à la victoire et à l’attitude de l’Association, les hommes appelés au second ministère, pour réaliser ce qu’on appelait la combinaison du Prince d’Orange pour éviter la restauration, se posèrent en hommes d’Etat, et M. Juste en a fait les courageux sauveurs de la Patrie, (page 190) les restaurateurs de l’ordre. L’irritation se calma tout à fait lorsque, sur les injonctions du nouveau ministère, les chefs de la garde civique et de l’armée eurent consenti à prêter immédiatement le serment de fidélité au Régent et d’obéissance à la Constitution. » 

M. Juste oublie que c’est l’Association, par l’intermédiaire de M. Gendebien, qui força le Régent et son nouveau ministère à recevoir le serment de la garde civique, le dimanche 27 mars, à 3 heures. 

M. Juste oublie que le Ministère était constitué dès le 24 mars il oublie que dix jours après sa constitution, les désordres n’étaient pas arrêtés, le calme n’était pas encore rétabli. Ce n’est donc ni par un coup de baguette, comme semble le dire M. Juste, ni par l’énergique intervention du ministère, que le calme se rétablit. 

L’Association, seule, par ses proclamations, par sa légitime influence, dissipa les graves soupçons de trahison qui avaient déterminé l’élan national. 

L’Association seule parvint à ramener la confiance et le calme. La confiance, non dans le gouvernement, mais dans le patriotisme et J ‘énergie de l’Association, qui venait de sauver la révolution et avait arraché la Belgique des mains de ses plus cruels et de ses plus hypocrites ennemis. 

En parlant des hommes appelés au second ministère du Régent, pour réaliser la combinaison du Prince d’Orange, je veux, je dois déclarer que j’en excepte M. Lebeau, parce qu’il m’a été affirmé, par des hommes dignes de foi, qu’il avait d’abord refusé le ministère des Affaires Etrangères parce qu’il ne partageait pas la défaillance du Régent et de  M. Sauvage. Ce n’est que par arrêté du 27 mars, qu’il fut nommé ministre. Date remarquable et mémorable, parce que c’est ce jour-là que la défaillance fut définitivement vaincue. 

Quoique et peut-être parce que j’ai été souvent et très longtemps en dissidence avec M. Lebeau, sur les péripéties les plus importantes de notre révolution, je me fais un devoir de lui donner sa part légitime de patriotisme, dans les graves événements du mois de mars 1831.