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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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A. LES PRODROMES DE LA RÉVOLUTION.

 

XXI. L’inaction de la Commission de Sûreté détermine  Gendebien et Ducpetiaux à constituer la Réunion centrale

 

(page 263) Ainsi que je l’ai déjà dit, la Commission de Sûreté n’avait aucune initiative ; loin de tirer parti de la dictature que nous donnait notre mandat « par tous les moyens possibles », elle se bornait à quelques mesures d’ordre et de sécurité. 

Je dis à Ducpetiaux avec qui j ‘étais constamment en relations « Il ne suffit pas de déplorer l’inaction de la commission, il faut la mettre en demeure d’agir, il faut la déborder, il faut la remplacer par quelque chose d’homogène, n’importe quoi. » Ducpetiaux proposa une Société patriotique, un club, par exemple. « Ce mot pourrait effrayer, lui dis-je, donnez-lui un nom quelconque mais pas celui-là. »

Ducpetiaux avec son activité infatigable, organisa, le même jour, une réunion qui prit le nom de Réunion centrale. — Elle sauva la révolution, ou y contribua au moins pour une bonne part. J’annonçai à Ducpetiaux que j ‘avais rendez-vous avec De Potier à Lille, pour le 20 septembre ; que j’espérais le décider à rentrer en Belgique; que nous arriverions à Bruxelles le 22 ou le 23;  qu’un gouvernement provisoire serait proclamé à son arrivée, qu’il serait composé de De Porter, de Merode, Van de Weyer et moi, que cette autorité serait, comme toutes les autres, impuissante, s’il n’y avait unité d’action ; que, par conséquent, il fallait faire table rase à l’Hôtel de Ville. 

Je lui recommandai le secret le plus absolu, parce que, lui dis-je, De Potter doit arriver ici comme le Deus ex machina, afin d’augmenter son prestige. Le secret est aussi nécessaire pour éviter les obstacles qu’on pourrait opposer à notre arrivée. 

J’ajoutai qu’avant de partir nous constituerions un gouvernement provisoire composé de de Merode, Van de Weyer et moi, lequel ne serait proclamé qu’à mon retour et pour le cas où De Potier refuserait de rentrer en Belgique, Van de Weyer, vous et moi sommes seuls dans le secret, qui ne sera communiqué à de Merode qu’au moment de mon départ. 

Le jour du départ de nos députés, c’est-à-dire dès le 7 septembre, on m’avait offert la dictature ; je la refusai ; je ne me sentais pas les épaules assez solides pour porter un pareil fardeau. Je proposai à M. Teichmann, ingénieur des ponts et chaussées, de partager le fardeau ; il se serait chargé des affaires de la guerre, de la défense de Bruxelles et de tout ce qui a rapport aux travaux publics. Il me demanda vingt-quatre heures de réflexion; puis il refusa. Je fus par là autorisé, à ma grande satisfaction, à persister dans mon refus. 

(page 264) Mon ami, l’excellent Lesbroussart, ayant appris qu’on avait songé à créer un dictateur et qu’on avait jeté les yeux sur moi, vint me demander si j’étais disposé à accepter la dictature ? 

Sur ma réponse négative, il me serra la main et me dit « J’en suis bien heureux, car quelqu’amitié, quelqu’estime que j’aie pour vous, je vous tuerais. » Il tira un poignard de sa poche et ajouta « Ce poignard aurait fait deux victimes. Ce n’est pas le dictateur que j’aurais tué, mais la dictature. Je suis persuadé que vous avez toutes les qualités pour sauver la patrie, mais les dictateurs ne vivent pas longtemps, et après vous, un intrigant (un Monk) pourrait s’emparer de la dictature et tuer ou vendre la révolution. » 

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