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« Révolution belge de 1828 à
1839. Souvenirs personnels », par Louis DE POTTER (Bruxelles, Meline, Cans et compagnie, 1839)
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Exil. - M. de Polignac nous refuse un
asile. - Publication par le gouvernement de ma correspondance avec M. Tielemans. - Ma lettre à M. Van de Weyer à ce sujet.
(page 85) Il ne nous restait
plus qu'à fixer le lieu où nous irions passer les années de notre exil. Tous
d'accord nous choisîmes la France, où j'avais de nombreux amis, où nous
pouvions compter sur un accueil fraternel, et d'où nos rapports avec notre pays
eussent pu être journaliers. Mais comme le gouvernement lui-même nous faisait
entendre que nous serions refusés par le ministère Polignac, je m'adressai
directement au chef de ce ministère pour demander notre admission, promettant
sur l'honneur que nous ne nous mêlerions en rien des affaires des Français. M.
de Polignac ne répondit point ; mais l'ami qui s'était chargé de ma lettre me
fit savoir que les ordres étaient donnés pour nous repousser aux frontières.
Charles X, congréganiste bigot par haine pour la liberté, ne voulait pas de
nous qui étions en (page 86) butte
aux persécutions de Guillaume, intolérant anti jésuite par la même haine.
Tellement l'union entre gens qui veulent la même chose, liberté ou despotisme,
est naturelle, quels que soient d'ailleurs leurs principes et leurs
convictions.
Au défaut de la Prusse, où le séjour à Aix-la-Chapelle, par exemple, nous
aurait parfaitement convenu, mais dont le gouvernement nous ordonna de chercher
un asile ailleurs, nous songeâmes à la Suisse, pour laquelle nous obtînmes des
passeports qui portaient par la Prusse, avec le seul visa du consul des
cantons helvétiques : notre ministre de la justice nous avait fait assurer que
tout était convenu avec le gouvernement prussien, dont par conséquent
l'autorisation nous était inutile.
Avant de raconter les détails du voyage d'exil, j'ai encore à placer ici
quelques circonstances qui me concernent particulièrement. Trois jours après la
condamnation aux assises, parut en deux gros volumes in-8° ma correspondance
avec M. Tielemans, dont tous les passages injurieux
ou crus tels avaient été imprimés en caractères italiques et quelquefois en
grandes majuscules. Cela seul eût suffi à déceler Libri, qui recourait ordinairement à ce moyen typographique
pour rendre ses pensées plus piquantes et les faire mieux remarquer.
Heureusement que (page 87) cet
indice était inutile ; car tout le monde savait que personne en Belgique ne se
serait prêté à une action aussi indigne, même pour obéir à M. Van Maanen et pour plaire au roi. J'ai dit ce qu'était la
correspondance : cela me dispense de qualifier les hommes assez démoralisés et
assez lâches pour la jeter en pâture à la malignité qu'ils espéraient trouver
dans le public. Il en fut tout autrement. Ces hommes n'inspirèrent que
l'indignation et le dégoût ; plusieurs personnes même prirent l'engagement d'honneur
de ne pas se rendre complices du gouvernement en lisant une seule page de la
correspondance, et les confesseurs catholiques en imputèrent la lecture à
péché. Les journaux firent remarquer que l'édition Libri
ayant été faite pendant le procès, la condamnation en vertu de laquelle la
correspondance demeurait acquise au parquet, avait évidemment été dictée au
tribunal par la cour, et que les juges avaient eu l'infamie d'obéir. Pour nous,
notre devoir était tout tracé : MM. Tielemans et Bartels se joignirent à moi pour dénoncer au roi et aux
chambres l'abus qui avait été fait de nos papiers ; chambres et roi demeurèrent
muets. J'avais déjà en mon seul et privé nom, et avant même que la
correspondance parût, publié une Lettre à M. Sylvain Van de Weyer (23 mars)
pour dire franchement ce que cette (page
88) correspondance était dans la réalité, ce qu'étaient son but, sa forme,
ce qu'elle contenait, enfin pour faire tomber les calomnies que les hommes du
gouvernement répandaient dans le public afin de m'y susciter des ennemis. Je
niai les mensonges, je ne cachai point les vérités dont j'acceptai la
responsabilité sans rougir, ne chargeant le gouvernement que de celle de la
publicité que mes lettres, par leur nature et leur contenu, n'avaient jamais
été destinées à avoir. Cette lettre
et l'avant-propos dont M. Van de Weyer la fit précéder, avaient détruit,
même avant que le gouvernement eût livré mes papiers aux curieux, tout l'effet
qu'il en attendait.