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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 janvier 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 517) M. Ansiau procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Plusieurs habitants de Bruxelles déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand relative au projet de loi sur l'enseignement agricole. »

« Même adhésion d'autres habitants de Bruxelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Quelques habitants de Gand demandent qu'il y ait autant d'écoles vétérinaires, d'agriculture et d'horticulture dans les provinces flamandes que dans les provinces wallonnes ; que l'enseignement y soit donné dans la langue maternelle, et que si, pour l'une ou l'autre branche de l’enseignement, on n'établissait qu'une seule école pour tout le pays, les élèves reçoivent les leçons dans la langue parlée dans leurs provinces. »

« Même demande d'autres habitants de Gand. »

« Même demande d'habitants de Waereghem. »

- Même décision.


« Le sieur Delhaye, ancien jaugeur mesureur, demande une pension. »

- Renvoi à la commusion dos pétitions.


« Les commissaires de police de Charleroi, Beaumont, Chimai, Gosselies et Thuin, demandent un supplément de traitement du chef des fonctions de ministère public qu'ils remplissent près le tribunal de simple police. »

- Même renvoi.


« Plusieurs fermiers, cultivateurs, marchands de bestiaux gras et commerçants à Weithen, demandent que les artistes vétérinaires non diplômés soient admis à continuer l'exercice de leurs fonctions. »

- Même renvoi.


« Par dépêche du 18 janvier, M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre un exemplaire de la première et de la deuxièmelivraison du recueil spécial des brevets d'invention publié en exécution de l'article 20 de la loi du 24 mai 1854. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« La commission royale d'histoire transmet à la Chambre 110 exemplaires du n°2 du tome VI de ses bulletins. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Mascart, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif aux jurys d’examen

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi relatif aux jurys d'examen.

Ce projet de loi est accompagné de l'exposé des motifs et des documents destinés à le faire apprécier par la Chambre.

Vu l’importance et surtout l'urgence de ce projet, j'ai l'honneur de prier la Chambre de bien vouloir en prescrire l’examen aussitôt que possible. Les pièces dont la Chambre doit avoir connaissance sont préparée pour l’impression et pourront être distribuées immédiatement.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l’impression et la distribution, et le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi de délimitation des communes de Liége, Grivegnée, Herstal et Jupille

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai également l'honneur de déposer un projet de loi relatif à la délimitation des communes de Liége, Grivegnée, Herstal et Jupille.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et distribué. La Chambre le renvoie à l'examen d’une commission qui sera nommée par le bureau.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 56

M. le président. - La discussion continue sur l'article 56.

Divers amendements oui été présentés au littera C par M. le ministre de l'intérieur, et par Coomans et Osy. La section centrale propose aussi un changement au littera B. Elle (page 517) demande une réduction de 28,300 fr., ce qui entrainerait la suppression des mots « concours et exposition. » Je suppose que M. le ministre ne se rallie pas à cette proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.

Je pense, messieurs, qu'il est convenable de nous occuper d'abord du littera B : « Concours et expositions, subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ».

La somme demandée par le gouvernement est de 48,300 fr. La section centrale a réduit ce chiffre à 20,000 fr. D'après les explications qui ont été données par la section centrale dans son rapport, cette réduction de crédit a été motivée par cette considération que l'on voulait supprimer les expositions et les concours.

La section centrale, messieurs, a été amenée à cette réduction par suite de ce que je puis appeler un malentendu.

La section centrale suppose que le gouvernement organise des concours et des expositions ; et que c'est dans ce but qu'il demande un crédit de 48,500 fr.

Messieurs, c'est une erreur, le gouvernement ne se mêle en rien des concours qui sont organisés par les sociétés agricoles, et il ne se mêle en rien des expositions.

La seule exposition que le gouvernement ait faite est celle de 1848 qui a été organisée à la faveur d'un crédit spécial voté par les Chambres.

Ainsi, messieurs, je vous prie de tenir pour constant que le gouvernement ne crée et ne dirige aucune espèce de concours ni d'exposition. Toutes les exportions qui se font en Belgique se font directement par l'initiative des associations agricoles, ce qui est bien différent, et ces associations agricoles demandent et obtiennent du gouvernement un subside pour les aider à couvrir en paille les frais que leur occasionnent les concours et les expositions ; voilà la seule intervention du gouvernement en cette matière.

Voici maintenant comment se décompose la somme de 48,500 fr. demandée par le gouvernement.

D'abord les concours de bestiaux gras établis par quelques villes, notamment par les villes de Flandre et par la ville de Liège. Ces concours, qui produisent d'utiles résultats, sont ordinairement encouragés par l'Etat au moyen de légers subsides, et ces subsides se montent à environ 7,000 fr. Il reste donc à peu près 40,000 fr. à partager entre les différentes sociétés agricoles à titre de subsides.

Maintenant, messieurs, pour que vous puissiez bien apprécier quelle est l'importance de ces sociétés et des subsides qui leur sont accordés, voici quelques renseignements de fait qu'il importe de bien connaître.

Les sociétés agricoles en Belgique sont au nombre de 107. Il en est 82 qui s'occupent exclusivement d'encouragement agricoles, qui organisent des concours et des expositions.

Ces 32 associations ont organisé, en 1854, 57 expositions ou concours utiles à l'agriculture. C'est à ces sociétés, quand elles organisent des concours, que les subsides sont accordés.

Maintenant, messieurs, ne croyez pas que les subsides accordés par le gouvernement couvrent en totalité les frais que ces sociétés sont obligées de faire. Voici le chiffre de la dépense générale que les concours ont occasionnée aux sociétés. Elles ont dépensé, en 1854, pour l'objet dont je viens de parler, la somme de 138,000 fr., ce qui prouve que la plus grande partie de la dépense est faite directement par les sociétés elles-mêmes, puisque l'Etat n'intervient, au maximum, que pour 40,000 francs répartis entre 84 sociétés.

Maintenant, messieurs, voulez-vous connaître l'importance des sociétés au point de vue du nombre de leurs membres ? Celles qui existent aujourd’hui comptent comme membres effectifs 9,000 personnes s'occupant activement des intérêts de l'agriculture.

Eh bien, si vous adoptiez la proposition de la section centrale tendant à faire descendre le crédit de 40,000 fr. à 20,000 fr., voici quel en serait le résultat. Les concours de bestiaux gras, dont l'utilité ne peut échapper à personne, puisqu'ils influent directement sur la qualité de la viande de boucherie, si rare aujourd'hui, ces concours absorbent 7,000 fr. Il resterait donc 15,000 fr., à peu près, à répartir entre 84 sociétés agricoles, ce qui donnerait à chacune 120 à 150 fr., au maximum.

Or, je le demande, est-il possible de songer à accorder un subside de cette minime importance à des sociétés qui s'occupent d'un intérêt si général que les sociétés agricoles ?

Permettez-moi encore une réflexion à propos de ces subsides. On dit généralement dans cette enceinte que le gouvernement doit se retirer de toute entreprise qui peut être laissée aux soins de l'industrie privée, et qu'il ne doit donner ses encouragements à une industrie quelconque que dans des cas exceptionnels. Or, c'est précisément l'application de ce système, qui est bon, selon moi, et que vous recommandez au gouvernement, qui est mis en pratique en favorisant partout la formation de ces comices qui renferment en eux-mêmes les éléments de toutes les satiétés agricoles existant en Belgique.

Et c'est quand l'esprit d'association commence à se développer sur une grande échelle, c'est alors qu'on voudrait empêcher le gouvernement de continuer à favoriser cette tendance par des subsides un peu convenables, et à venir en aide à cet esprit d'association privée, (page 518) jusqu'au moment où le gouvernement pourra s'abstenir d'intervenir dans ces sortes d'intérêts, et abandonner les sociétés particulières à leurs propres ressources. Mais ce temps n'est pas encore venu ; il s'agit de faire comprendre aux hommes qui s'occupent d'agriculture qu'en réunissant leurs ressources individuelles, ils peuvent parvenir à obtenir de grands résultats. Bientôt, je l'espère, ce but sera atteint.

Je crois avoir justifié la demande du crédit de 48,300 fr., et je dis en terminant que si le crédit devait être réduit à 20,000 fr., il vaudrait mieux le supprimer entièrement.

-La Chambre décide qu'elle votera l'article par litléras ; ainsi la discussion ne porte en ce moment que sur le littera B.

M. Osy. - Messieurs, la section centrale a proposé, par parité de voix, la réduction du chiffre, parce que, d'après le libellé du littera B on devait supposer que le gouvernement pouvait encore, comme anciennement, vouloir faire des concours et des expositions.

M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire que le gouvernement n'a jamais fait d'exposition. C'est une erreur : il a fait une exposition à Bruxelles ; nous avons même dû de ce chef voter des crédits supplémentaires. Pour ma part, en présence des explications qui ont été données par M. le ministre, je ne refuse pas le vote du chiffre de 48,300 fr. ; je suis persuadé que M. le ministre actuel ne fera pas d'expositions ni de concours ; mais nous devons avoir la garantie que d'autres ministres ne reviendront pas au système qu'on a suivi autrefois et dont nous ne voulons pas, et sous ce rapport je demande tout bonnement au libellé un petit changement de rédaction qui mettra tout le mnonde d'accord.

Le littera commence par ces mots : « concours et expositions », ce qui suppose que vous pouvez en faire, ensuite vient : « subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ».

Je demande que l'on commence par le mot « subsides », de cette manière le gouvernement pourra donner des subsides pour les concours et expositions et des encouragements aux sociétés agricoles, et nous serons certains que l'engagement du gouvernement de ne pas organiser de concours et d'expositions, sera tenu et que son intervention se bornera à des subsides.

Je propose donc de rédiger le libellé de la manière suivante : « Subsides pour concours et expositions, encouragements aux sociétés et aux comices agricoles. » Je crois que M. le ministre s'y ralliera.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'en fais aucune difficulté.

M. le président. - Le chiffre de 48,300 fr. du projet du gouvernement n'a été rejeté en section centrale que par suite d'un partage de voix.

M. Rousselle, rapporteur. - Messieurs, je voulais présenter l'observation que vient de faire l'honorable président, c'est que le rejet du chiffre de 48,300 fr. n'avait été prononcé que par parité de voix ; trois membres avaient voté pour ce chiffre et trois l'avaient rejeté. Mais il y a une réserve que la section centrale a adoptée à l'unanimité ; elle est consignée au rapport dans les termes suivants :

« La section centrale appelle l'attention du gouvernement sur l'utilité qu'il y aurait de répartir l'allocation entre les diverses provinces, qui organiseraient elles-mêmes les concours et expositions avec l'aide des sociétés, des comices agricoles et des communes. »

Le but de cette observation, dont l'apprécialion est abandonnée au gouvernement et que la section centrale a faite sans en proposer la mention au budget, est d'éviter que le ministre ne doive partager entre tous les comices agricoles la somme allouée pour subsides, d'épargner un travail de détail au département de l'intérieur, et d'arriver par la diminution du travail à une économie sur les frais d'administration générale.

- La discussion est close.

« Littera A. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture : fr. 28,500. »

- Adopté.

« Littera B. Subsides pour concours et expositions ; encouragements aux sociétés et aux comices agricoles : fr. 48,300. »

- Adopté.

M. le président. - La discussion est ouverte sur le littera C, et les amendements de MM. le ministre de l'intérieur, Coomans et Osy.

M. Rodenbach. - Messieurs, depuis plusieurs années j'ai obtenu du ministère de l'intérieur différentes sortes de graines de légumineuses et autres. Depuis plusieurs années aussi, j'en ai obtenu une centaine de sortes de pommes de terre. Je les ai distribuées à la campagne où est ma résidence et à des personnes qui prétendent être agronomes. Je dois déclarer que ces essais ont rarement réussi. On a distribué l'année dernière de la graine de navets et d'une soixantaine d'autres sortes de légumes ; soi-disant dans le but de protéger la culture maraîchère. Les produits que l'on en a obtenus étaient très inférieurs à ceux que l'on récolte au moyen de la graine du pays.

Je crois, messieurs, que l'on a eu la main malheureuse dans ces achats. Le fait est que le résultat ne répond pas du tout à l'attente. Je pense donc que le gouvernement doit renoncer à ces distributions de graines.

Je comprendrais beaucoup mieux que les étrangers vinssent prendre des pommes de terre et des graines de légumes en Belgique ; car il est reconnu qu'avant la maladie c'était dans notre pays et en Hollande que l'on trouvait les meilleures pommes de terre de l'Europe.

Il est également reconnu que c'est chez nous qu'on trouve les meilleurs légumes. Ce n'est peut-être pas seulement à la graine qu'est due cette supériorité, mais aussi à notre climat humide, qui convient si bien à la culture des légumineuses. Je citerai parmi ces derniers les carottes et les petits pois. Nulle part on n'en trouve de qualité supérieure aux nôtres. Pourquoi, dès lors, aller chercher à l'étranger des graines d'espèces inférieures à celles que nous cultivons ?

Puisque j'ai la parole, je dirai aussi deux mots des instruments aratoires.

Lorsque les fabricants de toiles et les filatures de lin et d'étoupe ont besoin d'une mécanique nouvelle, ils s'adressent en Angleterre ; ils déposent un cautionnement en demandant l'exemption du droit d'entrée, généralement on obtient cette exemption et lorsque la machine est entrée le cautionnement est remboursé.

Nos fabricants d'instruments aratoires peuvent aussi en faire venir de l'étranger et obtenir l'exemption des droits.

Messieurs, ces distributions que fait le gouvernement nuisent à l'industrie privée ; elles nuisent à nos fabricants. Nous avons dans les Flandres, et notamment à Thielt, des fabricants d'instruments aratoires qui ont du talent et qui font venir de l'étranger des modèles nouveaux. Généralement aussi ces modèles nouveaux se trouvent à notre musée où l'on peut aller en prendre le dessin. Vous avez aussi dans le pays, et notamment à Bruxelles, des marchands de graines, qui en font un commerce très considérable. Les distributions que fait le gouvernement froissent l'intérêt de nos fabricants et de nos marchands ; elles nuisent à l'industrie particulière.

Je crois que le moment est réellement venu de sortir de l'ornière ou le gouvernement s'est engagé ; et qu'il doit renoncer à cette manie de vouloir tout faire et surtout de faire ce qui ne vaut pas mieux que ce qui se faisait pcécédemment.

Je voterai donc en faveur de l'amendement de l'honorable M. Osy.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je viens justifier aujourd'hui le chiffre de 31,200 fr. qui est porté au littera C. de l'article 56.

Hier on a beaucoup parlé de graines et d'autres objets qui se rapportent à ce crédit de 31,200 fr. Mais on s'est très peu compris, par le motif que les amendements dont cet article a été l'objet étaient improvisés et que je n'avais pas à la main les documents propres à éclairer la Chambre sur l'emploi détaillé de ce crédit.

Je viens accomplir cette tâche, et je pense que la Chambre n'aura, pas de peine à comprendre la nécessité de maintenir le crédit en entier.

Voici de quelle manière s'emploie cette somme de 31,200 fr.

D'abord une partie est affectée à des souscriptions, à titre d'encouragement, aux ouvrages traitant de matières agricoles. La dépense varie de 5,000 à 6,000 fr.

En 1854, elle a été de 5,700 fr. ; en 1853, de 06700 fr. Elle change d'après le nombre des ouvrages qui paraissent.

Le second objet qui trouve sa place dans ce crédit, c'est celui des achats d'instruments aratoires ; le chiffre varie dc 2 à 3 ou 4 mille francs suivant les années. En 1854, il a été de 2.000 fr., en 1853, de 3,032 fr.

Le troisième objet est relatif à l'achat de graines. Les graines entrent dans ce crédit pour une somme de 5,000 à 6,000 fr., suivant les années. Dans les années antérieurs à 1853, la somme a été beaucoup moindre encore, et j'en expliquerai les motifs.

Le quatrième objet est relatif aux achats d'ouvrages sur l'agriculture, aux souscriptions à des journaux agricoles pour la Bibliothèque du conseil supérieur d'agriculture. Ici, on n'emploie qu'une somme de 1,200 à 1,300 fr.

En cinquième lieu viennent les frais d'impression de tous les documents, rapports et autres pièces qui intéressent le service des commissions d'agriculture et les comices agricoles.

En sixième ordre, nous avons l'industrie séricicole. Celle-ci est entrée dans le crédit pour une somme de 8,000 fr. en 1853, et de 5,000 fr. en 1854.

Enfin la bibliothèque rurale figure dans ce crédit. Elle y est entrée en 1854 pour une somme de 6,900 fr. et en 1853, pour 4,800 fr.

Vous voyez donc qu'il y a une très grande variété d'objets qui tous se rapportent soit à l'agriculture pratique, soit à l'enseignement agricole que nous cherchons à répandre dans des proportions très modestes dans nos campagnes.

Pour en revenir aux graines, vous voyez qu'elles n'entrent que pour une somme très faible dans le crédit général, 4,000 à 5,000 fr. Je vais maintenant répondre à quelques faits particuliers qui ont été articulés hier contre l'emploi du crédit dont il s'agit.

L'honorable M. Coomans, notamment, a dit qu'il avait distribué des graines du gouvernement et qu'on les a trouvées de qualité si mauvaise que personne n'en a plus voulu. Je crois que la mémoire de l'honorable M. Coomans l'a mal servi dans cette circonstance. Il n'est pas à ma connaissance qu'il ait jamais demandé de graines provenant du gouvernement. (page 519) Je crois parfaitement savoir à quelle source l'honorable M. Coomans a puisé pour obtenir les graines qu'il a eues, et je sais que cette source en a fourni aussi à quelques autres personnes qui se sont plaintes de la qualité de ces graines. Mais l'honorable M. Coomans reconnaîtra sans doute que ce n'est pas du gouvernement que sont venues les graines qu'il a reçues.

M. Coomans. - Je ne lui en ai jamais demandé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pour éclairer la Chambre sur ce point, je dirai qu'il arrive très rarement qu'on fait au gouvernement des demandes de graines, et que les seules demandes qui lui ont été faites proviennent des membres de cette Chambre. Le public ne vient pas demander des graines ; il s'adresse dans les campagnes aux commissions d'agriculture ou aux comices agricoles. Le gouvernement n'a donc pas beaucoup à s'en occuper.

J'entre dans ces explications, parce qu'on a cherché à jeter de la défaveur sur un service que je crois être très important. Ce n'est pas pour le plaisir du gouvernement qu'on demande des crédits de cette nature, c'est uniquement parce que, de l'avis de personnes compétentes, le gouvernement a cru qu'il faisait une chose utile au pays.

L'honorable M. Orts a dit qu'on vendait 1 franc le paquet des graines distribué par le gouvernement. C'est encore un fait erroné. Le gouvernement fait ses distributions avec une telle parcimonie qu'il n'est pas possible qu'on en obtienne un paquet qui aurait une valeur de 1 fr.

L'honorable M. de Steenhault a dit aussi qu'il avait eu des graines si mauvaises qu'il n'en voulait plus.

Il est possible que les graines remises à l'honorable membre n'aient pas été de bonne qualité.

Il peut en être des graines que reçoit le gouvernement comme d'autres graines. Mais pour tranquilliser l'honorable membre, je lui dirai que dans le canton auquel il appartient, on a une tout autre opinion des encouragements que distribue le gouvernement par cette voie. Voici notamment comment s'exprime le rapport du comice agricole de Lennick-Saint-Quentin auquel appartient l'honorable M. de Slernhault : (L'orateur donne lecture de ce passage.)

Messieurs, je puis opposer cette déclaration à l'opinion de quelques personnes qui pensent que le gouvernement a généralement la main malheureuse quand il fait des commandes de graines nouvelles à l'étranger. Sans doute, le gouvernement peut quelquefois être trompé, mais est-il au monde une maison de commerce qui puisse garantir en tout temps la bonne qualité de ses graines ? Je puis, si on le désire, déposer sur le bureau une foule de rapports qui expriment une opinion entièrement semblable à celle du comice du canton qu'habite l'honorable M. de Steenhault.

Messieurs, c'est à cette distribution de graines qu'on doit l'introduction en Belgique, sur une grande échelle, d'un froment anglais dont j'ai dit un mot hier et qui produit 3 à 4 hectolitres de plus, par hectare, que le froment ordinaire. (Interruption.) L'interruption n'est pas fondée. Je ne prétends pas que le gouvernement ait inventé, ce froment, mais je dis que le gouvernement a contribué à le répandre dans nos campagnes.

M. de Naeyer, rapporteur. - C'est une chose connue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On connaît tout en Belgique ; mais quand le gouvernement n'aide pas, les bonnes choses restent fort longtemps à l'étranger sans venir dans le pays.

C'est encore à l'initiative du gouvernement que l'on doit l'introduction en Belgique de bonnes plantes fourragères.

M. de Naeyer, rapporteur. - Cela est connu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Mais je le répète, tout est connu. Le lin est connu aussi ; est-ce que le gouvernement ne distribue pas de la graine de lin dans le but d'améliorer nos cultures ? (Interruption.) Tout ce qui tend à augmenter la production mérite l'attention de la Chambre. C'est ainsi qu'en jugent nos comices agricoles qui sont certainement bien compétents pour s'occuper des intérêts de l'agriculture.

Messieurs, en temps ordinaire, les achats de graines nouvelles ne dépassent pas 1,500 à 1,600 fr. ; si l'année dernière ils ont atteint 4,000 à 5,000 fr., j'en ai expliqué la cause, mais d'ici à peu de temps ces achats se réduiront à une somme très modique.

Je vous ai fait connaître, messieurs, l'emploi du crédit de 31,000 fr. vous pouvez juger par cet emploi de l'impossibilité d'admettre l'amendement de l’honorable M. Coomans, qui veut en retrancher une somme de 12,000 fr. parce qu'il ne croit pas à l'utilité des distributions de graines. Si ces distributions devaient cesser, ce ne serait pas 12,000 fr. ce serait 1,500 à 1,600 fr. qu'on économiserait de ce chef. Quant aux autres objets compris dans le crédit de 31,000 fr., l'utilité en est incontestable.

Ainsi les instruments aratoires qui absorbent la faible somme de 3,000 à 4,000 fr. sont envoyés aux comices agricoles pour qu'ils les donnent en prix aux concours et qu'ils les fassent connaître aux cultivateurs. Cette mesure exerce une très heureuse influence sur l'agriculture.

Je ne dirai plus qu'un mot, messieurs, de l'industrie séricicole. Les encouragements accordés à cette industrie ont produit de très bons résultats. On a distribué dans une seule province jusqu'à 300,000 plants de mûriers ; cette culture tend à se répandre dans toute la Belgique, et d'année en année elle donne des résultats de plus en plus satisfaisants.

M. le président. - Je crois que M. Coomans s'est rallié hier à l'amendement de M. Osy.

M. Coomans. - Oui, M. le président.

M. le président. - De manière que la réduction de 12,000 francs porterait à la fois sur les distributions de graines et sur les achats d'instruments aratoires.

M. Boulez. - Messieurs, je partage l'opinion de plusieurs membres de la Chambre, que les résultats obtenus par l'intervention du gouvernement dans la distribution des fournitures de graines, sont quelquefois insignifiants ; il y en a de bonnes, mais souvent ces graines sont vieilles et de mauvaise qualité, et elles ne lèvent pas ; presque toujours la distribution se fait tardivement, lorsque les cultivateurs n'ont plus de terres disponibles pour les y semer. Comme président d'un comice agricole, chaque année j'ai reçu des graines, et j'ai été obligé, presque toujours, de faire préparer des terres pour les semer moi-même, afin d'avoir le moyen de faire connaître au président de la commission provinciale d'agriculture le résultat de leurs qualités et de leurs mérites. D'après mes convictions, l'avantage que l'agriculture a obtenu n'est pas compensé par le sacrifice que le gouvernement s'impose annuellement pour la fourniture de ces graines, et, sans aucun doute, l'industrie privée trouvera toujours le moyen de se procurer les variétés de graines les plus avantageuses à sa culture.

Il n'en est pas de même pour les machines aratoires perfectionnées ou nouvelles.

Les cultivateurs, avant de se procurer les machines qui leur sont inconnues, veulent s'assurer de leur utilité et de leurs qualités, et ce n'est qu'au bout d'un temps assez long et des expériences pratiques qu'ils se décident à en faire l'acquisition. Je suis convaincu que le gouvernement peut être encore très utile à l'industrie agricole en fournissant des machines aratoires nouvelles, et des machines à faire des drains. Le crédit qu'il demande pour cet usage étant de peu d'importance, je désire, pour ma part, le maintenir ; et je ne puis concevoir comment quelques membres de cette Chambre veulent s'opposer à ce que l'agriculture reçoive de l'Etat quelques subsides qui lui sont favorables ; cette industrie qui contribue pour une si large part aux charges du pays ! Et lorsqu'il s'agit de faire d'énormes sacrifices pour la capitale ou pour d'autres villes, ces dépenses trouvent toujours dans cette enceinte de nombreux défenseurs.

J'adopterai le chiffre de 31,200 fr. proposé par la section cenlralc pour l'achat de machines aratoires nouvelles, pour les bibliothèques rurales ainsi que pour la fourniture des machines à faire des drains.

M. de Steenhault. - Messieurs, comme le littéra G concerne plusieurs objets différents, je crois qu'il importerait de voter par division, car il y a de membres qui voteront telle partie du crédit et qui repousseront telle autre partie. Si la Chambre adoptait cette manière de voir, je me bornerais à répondre un mot à M. le ministre, sauf à reprendre la parole s'il s'agissait plus tard des instruments aratoires.

D'abord, messieurs, lorsque, dans la séance d'hier, j'ai parlé des semences, je n'ai pas critiqué la distribution des graines, en général ; j'ai demandé seulement que le gouvernement mît une certaine circonspection dans cette affaire et qu'il eût soin de ne distribuer que des graines nouvelles, ou au moins, peu connues, mais qu'il ne distribuât point des graines qu'on trouve chez tous les marchands grenetiers.

M. le ministre me répond aujourd'hui que dans le canton de Lennick, la chose est différemment appréciée. Il a cité un document émanant du comice agricole de Lennick. Faisant moi-même partie de ce comice, je crois connaître assez bien sa manière de voir, et je ne pense pas qu'il soit jamais entré dans ses intentions de demander la distribution de graines connues, mais uniquement des graines de variétés nouvelles et avantageuses à cultiver ; appréciant toute l'importance de la cullure maraîchère aux environs d'une grande ville, il espérait obtenir ainsi des nouveautés dont la culture serait plus favorable, plus avantageuse ou plus facile. Puisque M. le ministre m'a mis personnellement en cause, je dirai ce qui en est.

J'ai demandé deux fois de la graine, une fois, je pense, il y a deux ans, et l'autre fois cette année-ci. Il y a deux ans j'ai eu de la graine de différentes variétés de navets pour la grande culture, et je dois dire que je n'ai pas réussi ; j'ai eu des navets plus que médiocres. Cette année j'ai encore une fois demandé des navets, des rutabagas et une collection de plantes de jardinage ; j'ai tout cultivé avec le plus grand soin. Quant aux navets, ils étaient destinés à la grande cullure et j'ai récolté des navets tout au plus gros comme des navets de table, malgré les soins les plus particuliers. Les rutabagas étaient tout à fait ordinaires. En ce qui concerne la culture maraîchère, je n'ai absolument rien eu qu'on ne puisse se procurer, même en qualité supérieure, chez tous les marchands.

Voilà, messieurs, pourquoi j'ai engagé le gouvernement à se borner dorénavant à distribuer des graines nouvelles ou peu connues, car j'ai la conviction, et qui plus est, l'expérience que cette distribution de graines, telle que nous l'avons eue jusqu'à présent, ne fait que nuire au gouvernement dans l'esprit des populations pour tout ce qu'il fait ou entreprend en matière d'agriculture.

(page 520) Quant aux instruments aratoires, messieurs, je demanderai la parole tout à l'heure. (Interruption.) Alors, je continuerai maintenant.

Il est, messieurs, des convictions qu'il est très difficile de faire pénétrer dans une assemblée, parce qu'elles reposent sur des faits et que les faits ne peuvent pas être connus de tous les membres de cette assemblée.

Je crois que si la Chambre voulait bien s'en rapporter à ceux de ses membres qui, habitant la campagne, sont tous les jours en rapport avec les cultivateurs, tous viendront vous témoigner du peu d'empressement que mettent les cultivateurs à adopter les nouveaux modes de culture, les nouveaux instruments aratoires, quels que soient les avantages qu'ils puissent en obtenir. Je me rappelle, pour ma part, toute la difficulté que j'ai eu à faire adopter chez moi le coupe-racine. C'est cependant là un instrument qui, sans compter qu'il constitue une économie notable de journées de travail et préserve de bien des accidents, est des plus simples. Le premier maréchal venu peut le fabriquer, il ne s'agit que de quelques lames et d'une vieille roue hors de service.

Si le cultivateur ne touche pas la plaie du doigt, s'il n'a pas toutes les garanties possibles, jamais il ne consentira à adopter un instrument nouveau. Il faut qu'il le voie fonctionner et plus d'une fois.

Parmi les honorables membres qui s'opposent au crédit, il en est qui ne veulent pas non plus des écoles d'agriculture ; ils sont contraires aussi à la distribution des instruments aratoires nouveaux ou peu connus ; mais je les prie de vouloir bien me dire comment ils entendent faire progresser l'agriculture. L'industrie progressera-t-elle par elle-même ? Si elle doit progresser par imitation, il faut qu'elle ait quelque chose à imiter, et toutes les localités sont-elles assez heureuses pour posséder des cultivateurs intelligents et fortunés qui consentent à faire immédiatement des sacrifices pour l'achat d’instruments souvent coûteux ?

On a comparé le cultivateur à l'industriel ; mais il n'y a pas d'analogie à établir entre l'industriel et le cultivateur. Comment voulez-vous que le cultivateur isolé à la campagne, qui n'est en rapport avec aucune grande ville, comment voulez-vous qu'il puisse avoir connaissance des nouvelles inventions, des instruments nouveaux ?

En admettant même qu'il en ait entendu parler, comment voulez-vous qu'il puisse les apprécier, et croyez-vous qu'il s'en ira inconsidérément faire l'acquisition d'un instrument qu'il n'a pas vu fonctionner ? Veuillez ne pas perdre de vue qu'il y a une foule d'instruments qui sont applicables dans un terrain et qui ne le sont pas dans un autre. Derechef je ne demanderais qu'une seule chose, je voudrais que le gouvernement ne donnât pas les instruments, mais qu'il les prêtât dans les localités où leur emploi peut être utile.

Quant à l'industriel, il est sans cesse en rapport avec les villes ; la concurrence, souvent effrénée, est son guide et son aiguillon.

Elle lui indique naturellement le chemin à suivre, les procédés et les instruments nouveaux dont il lui est avantageux de se servir. Un procédé nouveau, une découverte en industrie est partout d'une application certaine, tandis qu'en agriculture il est loin d'en être ainsi.

Je demande de nouveau aux honorables membres qui repoussent à la fois et la distribution des instruments aratoires et les écoles d'agriculture, comment ils entendent faire progresser l'agriculture ? Si vous l'abandonnez à elle-même, croyez-le bien, messieurs, les progrès ne seront que bien lents, bien insensibles, et cependant la population est à qui augmente rapidement et qui nous avertit de ne rien négliger pour augmenter la production.

Le crédit dont je m'occupe en ce moment est peut-être un des plus utiles de tous ceux qui figurent au chapitre de l'agriculture ; je ne comprends vraiment pas que des membres, prenant texte de quelques observations faites à propos de la distribution de graines, veuillent supprimer le crédit destiné aux instruments aratoires.

Je crains bien que la Chambre ne cède en ce moment à l'un de ces entraînements auxquels elle a cédé dans d'autres circonstances.

Je n'ai pas l'honneur de siéger depuis bien longtemps dans cette enceinte ; mais au moins ai-je eu l'occasion de remarquer qu'à certaines époques, presque périodiques, nous subissons en quelque sorte l'empire d'une mode, et nous nous trouvons devoir combattre un cheval de bataille quelconque.

Ce furent naguère les incompatibilités parlementaires.

Plus tard ce fut le jour des économies quand même.

Plus tard encore nons eûmes les droits sur les céréales, et tout récemment la libre entrée.

Je vous laisse juges de ce que tout cela a produit.

Aujourd'hui nous avons l'intervention exagérée de l'Etat.

Je crains bien, messieurs, que vous ne dépassiez le but que vous voulez atteindre.

Je déclare, quant à moi, que si le subside affecté à ce dernier objet n'était pas admis, je déposerai un amendement pour en demander le transport au chapitre de la voirie vicinale ; de plus, je déposerai un autre amendement tendant à supprimer à l'article « Musée de l'industrie », l'achat de modèles qu'on ne jugerait sans doute pas plus nécessaires à l'industrie qu'on n'aurait jugé les instruments aratoires utiles à l'agriculture.

M. Dumortier. - Messieurs, lorsqu'il ne s'agissait hier que d'un changement de rédaction du libellé du littera, j'avoue que j'écoutais avec assez d'indifférence les observations que présentait M. le ministre de l'intérieur ; mais maintenant que la discussion s'engage sur l'article en lui-même, sur la question de savoir s'il faut l'adopter ou le rejeter, je n'hésite pas à me lever pour combattre l'article entier. Il s'y trouve une seule dépense qui rencontre des sympathies dans cette enceinte ; c'est celle qui est relative aux instruments aratoires. La somme annuelle que le gouvernement consacre à cet objet est de 2,000 à 3,000 fr. En supposant qu'il fallût admettre ce dernier chiffre, je me demande si ce chiffre de 2,000 à 3,000 francs doit nous faire voter une dépense de près de 32,000 fr. ; il resterait encore une somme inutile de près de 30,000 fr.

Mais, pour en finir avec les instruments aratoires, je prendrai la confiance de faire à la Chambre une remarque : c'est qu'il existe au Musée de l'industrie à Bruxelles un local où sont et doivent être déposés les instruments aratoires modèles achetés en Angleterre ; chacun peut venir en prendre inspection et en faire exécuter d'après le modèle. C'est donc un double emploi de demander à cet article des fonds pour l'achat d'instruments aratoires, alors qui nous votons des crédits pour achat d'instruments modèles à déposer au Musée de l'industrie.

Maintenant que nous dit M. le ministre de l'intérieur ? Que les mêmes instruments sont distribués aux comices pour être donnés en prix ; mais ce n'est pas sur ce littera que la dépense doit être prise ; elle doit être prélevée sur le littera précédent, ainsi libellé : « Concours et expositions ; subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles. »

Si ce sont des instruments-modèles, le budget y pourvoit par l'allocation affectée au Musée de l’industrie ; si c'est un cadeau aux comices, le budget y pourvoit encore par l'article que vous venez de voter : c'est donc un double emploi.

Voyons maintenant une autre disposition que renferme cet article.

D'abord je remarque que dans l'énumération donnée tout à l'heure par M. le ministre de l'intérieur, une grande partie du crédit est absorbée par des impressions. Ce sont des achats d'ouvrages s'élevant à 1,500 fr. ; ce sont les frais d'impression des comices, et l'on ne nous en a pas donné le chiffre ; c'est la Bibliothèque rurale, dont la dépense s'élève à 6,900. ; ainsi l'article des impressions absorbe à lui seul une dizaine de mille francs environ par an.

Je voudrais bien savoir ce qu'on fait avec toutes ces impressions. Connaissez vous l'existence de cette Bibliothèque royale, pour laquelle vous dépensez près de 7,000 fr. ? Comment peut-on utilement dépenser chaque année 7,000 fr. ? On ne peut pas toujours dire du nouveau sur l'agriculture ; l'agriculture est une science faite. Il y a donc là encore des dépenses complètement abusives. Quant aux frais d'impression des comices, l'article que vous venez de voter peut pourvoir à cette dépense.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il s'agit de documents, de règlements et de rapports utiles qu'on envoie aux communes.

M. Dumortier. - Voilà donc encore dix mille francs non justifiés.

Vient la question des graines. Toutes les personnes qui ont reçu des graines du gouvernement sont unanimes pour déclarer que la culture de ces graines, loin de constituer un progrès, constituerait pour l'agriculture et pour la culture maraîchère un temps de recul. La Belgique, dit-on constamment, est progressive, et maintenant elle ne le serait pas puisqu'il faudrait lui distribuer des graines. On vient de tous côtés chercher des exemples de culture chez nous, et nous ferions venir des objets de culture que nos pères avaient eu la sagacité d'écarter.

On a dépensé 4 à 5 mille fr. en achats de graines de lin, n'est-ce pas le comble de la déraison que le gouvernement se faisant le distributeur de graine de lin ? Chacun sait que la graine de lin doit être renouvelée ; mais chaque année les négociants d'Anvers font venir des milliers de tonnes de graine de lin ; vous faites venir de la graine pour faire concurrence à l'industrie qui alimente l'agriculture. Quels sont les favorisés qui obtiennent gratuitement ce que d’autres doivent acheter ? C'est du favoritisme. Tout cela doit disparaître du budget.

J'aborderai maintenant une autre question ; celle de l'industrie séricicole pour laquelle on dépense chaque année de 5 à 8 mille francs. Je crois qu'ici plus que partout ailleurs nous devons faire disparaître l'article du budget. L'industrie séricicole ne figure au budget que depuis dix ans ; autrefois il y avait l'industrie sétifère, voici comment cette dépense avait été introduite dans notre budget.

Sous le gouvernement hollandais un Italien nommé Beramendi s'est mis dans l'idée d'introduire en Belgique la culture des vers à soie ; à l'en croire nous allions devenir un nouveau comtat d'Avignon, nous allons avoir des vers à soie dans le pays. Le gouvernement l'avait autorisé à fonder un établissement modèle, il le fonda à Meslin-Lévèque. Le sieur Beramendi avait donné lieu à de grands griefs ; quand le roi Guillaume disparut de notre scène politique, on fit disparaître également le sieur Beramendi. Un honorable citoyen reprit rétablissement de Meslin-Lévêque ; chaque année une somme assez forte fut portée au budget pour l'industrie qu'on appelait alors sétifère.

Dans le commencement, beaucoup de dames et beaucoup de messieurs s'en occupaient ; c'était un passe-temps fort agréable. Il y avait à Uccle une belle propriété appartenant à l'Etat, où on fit une pépinière de mûriers, et on distribua des plants de mûriers ; vous avez entendu qu'on en avait distribué jusqu'à 500 mille pieds par an ; la Belgique devait posséder 7 millions et demi de pieds de mûriers.

M. Vilain XIIII. - Si la gelée n'était pas venue.

M. Dumortier. - Alors c'est à recommencer chaque année.

(page 521) La Chambre s'est fatiguée de payer chaque année des subsides considérables pour une industrie qui ne prenait pas et qui ne pouvait que servir de passe-temps à quelques oisifs. Cette industrie ne prenait pas et ne pouvait pas prendre parce que les gelées font mourir les mûriers, et que notre pays, sujet aux orages par son voisinage des mers, n'est pas susceptible de se livrer à l'éducation des vers à soie. Le gouvernement avait beau distribuer des pieds de mûriers, les choses en étaient toujours au même point et le même chiffre reparaissait chaque année au budget.

De nombreuses réclamations s'élevèrent ; pour y faire droit, on abandonna par une loi, à un prix très bas, la propriété d'Uccle où se trouvait, la pépinière ; on croyait que c'était un cadeau qu'on faisait, qu'on donnait pour un prix très vil une propriété qui valait beaucoup plus, c'était l'honorable M. Verhaegen qui émettait cette opinion, je regrette qu'il ne soit pas présent. Le gouvernement a pris alors l'engagement de ne plus demander à l'avenir d'allocation pour l'industrie sétifère, mais après, vous avez vu paraître l'industrie séricicole. Voilà l'histoire de cet article du budget.

Il n'y a eu qu'un changement de mots, les choses sont restés les mêmes, malgré les déclarations du gouvernement.

Je crois qu'il faut en finir avec ce système. Notre industrie agricole n'est plus ce qu'elle était dans les premières années de la révolution. Peu de personnes s'occupaient alors des progrès de l'agriculture ; je comprenais que le gouvernement voulût donner l'impulsion aux progrès dont elle était susceptible, mais aujourd'hui que l'impulsion est donnée, que le progrès se fait non pas par le gouvernement, mais malgré le gouvernement, malgré les mauvaises graines qu'il distribue, il est inutile de voter 32 mille francs pour que le gouvernement continue son action.

Je vous ai démontré qu'on ne doit rien au propriétaire de l’établissement de Meslin-Lévêque, qu'il doit fournir les plants de mûrier qu'on lui demande, c'est une des conditions de la vente qu'on lui a faite de la pépinière. Quant à la Bibliothèque rurale, le gouvernement ne doit pas se faire marchand de petits livres et faire concurrence aux libraires. Quant à la graine de lin, elle est répandue dans tout le pays. Je crois avoir démontré que les instruments aratoires, dont la distribution rencontre des partisans et peut être fort utile, ne figurent dans l'allocation que pour la minime somme de deux mille francs, ce n'est pas pour une dépense annuelle de deux mille francs qu'il faut voter un crédit de 32,000 francs.

La Chambre fera bien de supprimer tout le crédit. L'industrie agricole marche, comme je l'ai dit, non pas avec l'aide du gouvernement, mais malgré le gouvernement ; les comices agricoles, les commissions d'agriculture et toutes les distributions du monde n'y ont rien fait ; elle marche parce que l'esprit en général est en progrès, que le père de famille cherche à améliorer sa situation, l'agriculteur par sa culture, comme l'industriel par son industrie.

Voilà comment le progrès s'opère ; une première impulsion peut être nécessaire, mais une fois cette impulsion donnée, continuer à porter des subsides au budget, c'est un véritable abus.

M. de Mérode. - Je voulais dire quelques mots en faveur de la distribution d'un certain nombre de graines qui pourraient être propagées dans le pays par l'intervention du gouvernement. Mais d'après ce qu'a dit honorable M. de Steenhault que l'essai qu'il a fait de ces graines distribuées par le gouvernement n'a rien produit de bon, il me serait impossible d'admettre la proposition du gouvernement. Je serai obligé de rejeter cette partie de la dépense.

M. Osy. - Pour ma part, j'admets ce qu'a dit l'honorable M. de Steenhault en terminant son discours. Comme lui je veux l'augmentation de l'allocation accordée à la voirie vicinale, qui est l'encouragement le plus efficace que l'on puisse donner à l'agriculture. Mais comme je ne veux pas d'augmentation au budget, je suis obligé d'admettre des réductions.

Nous pouvons rejeter le littera. Pour ka distribution des graines, nous sommes d'accord. Pour les instruments aratoires, il y a double emploi avec les instruments de cette nature déposés au Musée. S'il y a à l'étranger des instruments nouveaux, le gouvernement pourra les faire venir et les placer au Musée. Je crois donc que nous pouvons supprimer les 31,200 fr. montant du crédit porté à ce littera. Je voterai en ce sens.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne dirai qu'un seul mol sur la distribution des graines, c'est pour opposer à l'opinion d'un seul membre qui prétend avoir mal réussi dans ses essais l'opinion de tous les comices agricoles qui demandent à continuer ces essais. Ainsi vous aurez à choisir entre cette opinion généiale, et les opinions individuelles qui se font jour dans cette Chambre.

Quant aux instruments agricoles, c'est une erreur de prétendre qu'il y a double emploi au budget. Les instruments aratoires déposés au Musée de l’industrie servent de modèles. Les instruments aratoires qu'on donne aux comices agricoles et qui absorbent 2 à 3 mille francs servent à encourager les travaux agricoles.

M. Dumortier. - C'est l'objet de l'article précédent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'objet de l'article précédent, c'est un subside à l'agriculture. Ce subside n'est pas considérable, il est indépendant de l'encouragement consistant dans la distribution d'instruments aratoires.

Quanta l'industrie séricicole, l'encouragement consiste en une prime de 2 fr. 10 par kilog. de cocons. Ces primes se sont élevés, en 1855, à 2,286 francs. Elles donnent lieu généralement à une dépense de 4,000 à 5,000 fr. Cette industrie a produit de bons résultats.

M. Coomans. - Nous ne les connaissons pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Parce que vous ne vous en occupez pas. Mais il faut consulter ceux qui sont au courant de ces matières. Si l'article est supprimé, on aura fait une misérable économie. Mais l'intérêt du pays doit passer avant toute autre considération.

M. Faignart. - D'après les propositions qui vous sont faites, il paraît qu'on veut supprimer tout le littera montant à 31,200 fr. Le littera comprend différentes sommes avec des destinations diverses, notamment pour la distribution de graines et d'instruments aratoires.

Je ne partage nullement l'opinion émise dans cette Chambre que la distribution des graines n'a rien produit. Je sais que l'on n'a pas toujours obtenu les résultats qu'on en attendait. Mais il faut tenir compte du terrain où on les a déposés et de la manière dont on les y a déposés.

Quant aux instruments aratoires, je pense que la Chambre ferait chose très nuisible à l'industrie agricole, si elle supprimait la distribution d'instruments aratoires types, qui doivent être répandus en Belgique. Si le gouvernement n'a pas de crédit, il devra se dispenser d'introduire dans l'agriculture des instruments aratoires nouveaux, inconnus en Belgique. Tous ceux qui ont été introduits ont produit d'excellents résultats. Je ne pense pas qu'on les ait contestés. Je m'étonne donc qu'on propose la suppression de cette partie du crédit.

On dit qu'il faut supprimer tout le littera ; il me semble qu'on démolit très facilement. Ce qui a été fait jusqu'ici ne mérite pas tant de critiques.

On dit : l'agriculture est dans la voie du progrès ; elle pourra marcher d'elle-même. Elle pourra marcher jusqu'à un certain point. Mais je ne connais pas de cultivateur assez prodigue de sa fortune pour acheter des instruments aratoires en Angleterre et les propager dans le pays.

On dit : les industriels le font. Mais ils réclament des subsides, et l'on veut enlever à l'agriculture le modeste subside dont elle a besoin.

Je tiens peu à la distribution des graines. J'en ai reçu ; jamais je n'en ai eu qui n'aient pas levé. J'en ai eu de bonnes ; j'ai eu des espèces connues dans le pays ; j'en ai eu qui ne l'étaient pas,

Il y a quelque temps, on ne connaissait pas dans le Hainaut un grand nombre de plantes légumineuses qui ont été propagées dans cette province par l'intervention du gouvernement ; mais on peut se les procurer ; on connaît la source où puisait le gouvernement. Je ne verrais donc pas d'inconvénient à ce que l'on supprimât la distribution des graines.

Il n'en est pas de même pour les instruments aratoires. Il faut que quelqu'un fasse venir les instruments nouveaux. Je m'oppose donc à la suppression du crédit de 31,200 francs. La Chambre ne pourrait en avoir que du regret.

Si l'on juge convenable de diminuer le crédit de la somme affectée à la distribution des graines, je ne m'y oppose pas. Maïs quant à la suppression du crédit pour les instruments aratoires, je vous assure que je ne puis voter pour la suppression de ce chiffre sans craindre de compromettre les intérêts de l'agriculture.

M. le président. - Voici un amendement déposé par M. de Steenhault :

« Achats d'instruments aratoires, bibliothèques rurales, dépenses diverses : fr. 6.000. »

D'après les amendements qui se produisent, il faudra voter par division sur chaque objet compris au littera C.

La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Si je suis le dernier inscrit, je ne veux pas prolonger la discussion, je puis me rasseoir.

M. Julliot. - Messieurs, lorsque la bibliothèque rurale dont il s'agit a paru, j'en ai acheté quelques volumes. En lisant ces volumes, il me semblait que j'avais déjà lu cela. J'ai fait des recherches dans l'un et l'autre de ces ouvrages, et j'ai trouvé que souvent ces livres bien écrits étaient des commentaires français sur des articles contenus dans des aimanachs flamands qu'on vendait 20 ou 25 centimes. J'ai cessé mes achats parce que cela ne m'apprenait rien du tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On peut faire sur ces ouvrages de très agréables plaisanteries. Mais ceux qui les lisent sérieusement dans nos campagnes ne sont pas de cet avis, et si l'on vous mettait sous les yeux le tableau de ces impressions et le succès qu'elles ont obtenu chez nos agriculteurs, vous seriez désabusés. Ce sont des ouvrages sérieux, écrits pour les intelligences auxquelles ils s'adressent, dans une forme simple et claire et dont tout le monde a fait l'éloge, même à l'étranger.

- La clôture est demandée et prononcée.

M. le président. - Nous procéderons par division. Je mets d'abord aux voix la question de savoir si l'on maintiendra dans le littera les mots : « achat de graines ».

- La Chambre décide que ces mots sont supprimés.

M. le président. - Je mets aux voix la question de savoir si l'on maintiendra l'achat d'instruments aratoires nouveaux.

- L'appel nominal est demandé.

En voici le résultat :

61 membres prennent part au vote.

34 répondent oui.

27 répondent non.

(page 522) En conséquence, la Chambre décide que les mots « achats d’instruments aratoires nouveaux » seront maintenus.

Ont répondu oui : MM. de Haerne, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Pitteurs, de Renesse, de Steenhault, de Theux, Devaux, Faignart, Lambin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mercier, Moreau, Rousselle, Tack, Tesch, Van Renynghe, Veydt, Visart, Ansiau, Boulez, Calmeyn, Coppieters ‘t Wallant, Dautrebande et Delfosse.

Ont répondu non : MM. de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, de Liedekerke, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Dubus, Dumon, Dumortier, Goblet, Jacques, Julliot, Landeloos, Malou, Osy, Pirmez, Rodenbach, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Brixhe et Coomans.

M. le président. - Nous allons maintenant voter sur les mots « bibliothèques rurales ».

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je dois faire observer à la Chambre qu'il y a pour cet objet des engagements avec les libraires.

M. Vilain XIIII. - M. le ministre vient, an moment du vote, changer complètement la question. S'il y a des engagements avec les libraires, il est certain qu'il faut les respecter. Mais votons sur le principe, sauf les engagements pris avec les libraires.

M. Tesch. - Il faut toujours voter un chiffre quelconque, car si on rejetait purement et simplement l'allocation pour la Bibliothèque rurale, je ne sais pas comment M. le ministre pourrait remplir les engagements dont il vient de parler.

M. Dumortier. - Messieurs, nous avons à vous demander si nous continuerons à porter au budget une allocation pour la Bibliothèque rurale. Votons sur cette question, et si elle est résolue négativement M. le ministre proposera un chiffre pour faire face aux engagements contractés. Il est inutile de créer des embarras dans l'opinion des membres lorsque tout le monde reconnaît l'inutilité de la dépense dont il s'agit.

M. Rousselle, rapporteur. - On dit, messieurs qu'il existe des engagements ; mais nous ne faisons qu'un budget annal ; par conséquent s'il y a des engagements pris, il faut évidemment un poste au budget, qui permelie au ministre de remplir ces engagements.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la Bibliothèque Rurale s'imprime par volume et le gouvernement prend des engagements avec le libraire pour fournir la feuille d'impression à prix réduit, afin qu'on puisse distribuer ces volumes à bon marché dans les campagnes. Maintenant, quand un ouvrage se présente et que le gouvernement le trouve utile, on le livre au libraire pour le faire imprimer.

Il y a de ces ouvrages qui sont en voie d'impression ; comme l'allocation de ce crédit n'a jamais fait difficulté, le gouvernement a cru pouvoir prendre des engagements sur le crédit ordinaire de 1855. Je ne puis dire jusqu'à quel point ce crédit est engagé, mais le gouvernement devra, pendant l'exercice actuel, avoir à sa'disposition une somme quelconque pour faire face aux engagements pris. Si le gouvernement est averti par la discussion que le crédit ne sera plus accordé l'année prochaine, il prendra ses mesures en conséquence, mais pour l'exercice 1855 il est indispensable qu'il puisse disposer d'une certaine somme.

M. Vilain XIIII. - Je comprends très bien les explications que donne M. le niinislie de l'intérieur ; je comprends à merveille qu'il ait déjà pris des engagements pour l'impression de certains livres en 1855 ; mais si nous votons le crédit actuellement sans explications, M. le ministre payera sur ce crédit les engagements pris pour cette année, et il prendra des engagements pour 1856 ; alors quand le budget de 1856 viendra, on nous dira de nouveau qu'il y a des engagements pris. Cela peut aller ainsi pendant un siècle ; il n'y a pas de raison pour que cela s'arrête.

Ainsi, messieurs, volons le principe sous réserve des engagements pris par le gouvernement.

M. le président. - Voici comment je propose de poser la question :

« Les engagements pris étant respectés, y aura-t-il un fonds pour la Bibliothèque rurale ? »

- La question, ainsi formulée, est mise, aux voix par appel nominal et résolue négativement par 33 voix contre 28.

Ont répondu oui : MM. de Baillet-Latour, de Moor, de Pitteurs, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Dubus, Faignart, Goblet, Lambin, Lange, Laubry, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Moreau, Rousselle, Tesch, Van Iseghem, Veydt, Visart, Ansiau, Boulez, Calmeyn, Coppieters 't WalIant, Dautrebande et Delfosse.

Ont répondu non : MM. de Haerne, de Liedekerke, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Theux, Dumon, Dumortier, Jacques, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier. Osy, Pirmez, Rodenhach, Tack, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Vau Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Brixhe et Coomans.

- La Chambre passe au vote sur l'industrie séricicole.

Un appel nominal est réclamé. Il y est procédé.

60 membres répondent à l'appel.

4 répondent oui.

55 répondent non.

1 (M. Mercier) s'abstient.

En conséquence, la Chambre décide qu'il n'y aura pas d'encouragement au budget pour l'industrie séricicole.

M. le président. - M. Mercier qui s'est abstenu est prié de faire conuaître les motifs de son abstention.

M. Mercier. - L'industrie séricicole n'ayant pas fait beaucoup de progrès en Belgique, malgré les encouragements qui lui sont accordés depuis longtemps, je n'ai pas voté pour le crédit. D'un autre côté, je n'ai pu le repousser, parce que je pense qu'il résulte d'engagements pris en vertu d'une loi.

Ont répondu oui : MM. F. de Mérode, de Theux, Devaux et Coppieters 't Wallant.

Ont répondu non : MM. de Baillet-Latour, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Steenhault, Dubus, Dumon, Dumortier, Faignart, Goblet, Jacques, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Moreau, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Tack, Tesch, Thienpont, Trémouroux, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Dautrebande et Delfosse.

M. le président. - Il reste à voter sur les « dépenses diverses » qui figurent dans le littera.

M. Malou. - Si on vote les mots « dépenses diverses », sans le chiffre» je ne saurais ce que je ferais ; maintenant qu'on vient de voter sur les différentes subdivisions de l'article, je demande qu'on fixe des chiffres, et qu'on détermine, s'il y a lieu, un chiffre pour les dépenses diverses.

- Sur la proposition de M. le président. - la Chambre tient le littera en suspens et le renvoie à la section centrale, pour qu'elle se mette d'accord avec M. le ministre de l'intérieur, quant aux chiffres à fixer en conséquence des votes que la Chambre vient d'émettre.

M. le président. - Il y a encore un point à régler ; c'est la question de savoir si la distribution des instruments aratoires sera faite par l’entremise des commissions d'agriculture. La section centrale proposait de faire distribuer ces instruments par l'entremise des commissions d'agriculture et des comices agricoles ; le gouvernement consent à ce que les commissions d'agriculture soient chargées de cette distribution.

- La Chambre décide que la distribution des instruments aratoires sera faite par l'entremise des commissions d'agriculture.

Article 57

« Art. 57. Encouragements et subsides à l'enseignement professionnel de l'agriculture, de l'horticulture, etc. ; frais des conférences agricoles des instituteurs primaires : fr. 99,500. »

M. Coomans. - C'est une grosse somme qui est portée à cet article ; il s'agit de près de 100 mille francs. J'espère que M. le ministre prendra l'engagement de ne pas dépenser sur ce crédit plus qu'il ne sera absolument nécessaire pour maintenir debout, pendant deux ou trois mois, plusieurs établissements qui s'éteignent, faute d'autre aliment que celui du budget.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Aucun établissement ne s'éteint ; il n'y a d'éteints que ceux que le gouvernement a supprimés lui-même. Je ne sais quel intérêt on peut avoir dans cette Chambre à jeter du discrédit sur les établissements publics.

Les établissements d'enseignement agricole ont leur intérêt ; on pourrait bien s'abstenir de les critiquer jusqu'au moment où la loi qui doit les réorganiser sera mise en discussion. Ces écoles ne sont pas aussi mauvaises que voudrait le faire croire l'honorable M. Coomans.

Toutes modestes qu'elles sont, elles ont produit de bons résultats, il en est sorti des hommes capables qui font honneur à la Belgique, qui sont recherchés à l'étranger. Sachons honorer ce que nous avons. Ce que nous avons fait à titre d'essai a fourni de bons éléments pour permettre de faire une bonne loi sur la matière ; ces établissements n'eussent-ils rendu que ce service, ce seraient d'excellents jalons pour fixer votre opinion sur le système auquel il faudra s'arrêter.

J'en viens à l'enseignement agricole. Il figure au budget pour une somme de 94,300 fr. Cette somme jusqu'à présent avait figuré comme littéra dans un article global qui comprend beaucoup d'autres objets et qui s'élève à une somme beaucoup plus forte.

La dépense pour l'enseignement agricole a varié entre 106 et 114 mille fr. Mais à la faveur du système de division de l'article par littéra, on trouvait sur quelques autres services des économies pour venir en aide à la partie de l'article concernant l'enseignement professionnel.

Pour rentrer dans le système de la loi qui vous est soumise, le gouvernement a spécialisé le crédit de l'enseignement en un article de 94,500 fr. ; mais comme il est douteux que l'enseignement puisse être (page 523) réorganisé pendant cet exercice il est possible que la somme de 94,500 fr. ne suffise pas pour assurer le service.

Vous comprenez qu'ayant à entretenir un plus grand nombre d'écoles que celui indiqué au projet de loi, le crédit doit varier et s'élever en raison du nombre des écoles.

Si l'enseignement ne peut pas être organisé immédiatement, on devra continuer le régime établi pour les écoles actuelles.

Nous devrons alors demander un crédit supplémentaire, à moins que la Chambre ne préfère autoriser l'imputation du déficit éventuel sur l'excédant qui resterait disponible sur les articles précédents affectés à des services variables du même chapitre ou l'autorisation de prendre le complément sur les articles qui précèdent, comme on faisait autrefois sur les littera pour compléter la somme nécessaire pour le service.

M. Rousselle, rapporteur. - Messieurs, vous avez pu remarquer que le crédit demandé de 99,500 fr. se divise en deux parties : 94,500 francs pour l'enseignement professionnel et 5 mille francs pour les conférences agricoles.

La section centrale a pensé que dans l'état actuel des choses elle ne pouvait proposer aucune modification à ce chiffre qui a pour objet d'assurer le service de l'enseignement agricole suivant l'organisation actuelle.

La Chambre est saisie d'un projet de loi qui est à l'ordre du jour après le budget de l'intérieur. Il est évident que les décisions que la Chambre prendra lorsqu'elle discutera ce projet devront se formuler ultérieurement en chiffres.

Si les établissements décrétés ne doivent pas entraîner la dépense des 94,500 fr. l'excédant restera en boni. Si, au contraire, ils nécessitent une dépense supérieure, le ministre devra demander un crédit supplémentaire, voilà dans quel sens la section centrale propose l'adoption du chiffre de 94,500 fr. qui n'a pour objet que d'assurer le service tel qu'il existe, jusqu'au moment où la nouvelle loi sera mise à exécution.

M. Coomans. - M. le ministre de l'intérieur me blâme de l'avoir engagé à se borner à dépenser les sommes strictement nécessaires pour maintenir debout pendant deux ou trois mois des établissements dont plusieurs s'éteignent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne vous ai pas blâmé de cela. J'ai blâmé la défaveur que vous jetiez sur notre enseignement.

M. Coomans. - Alors, de quoi m'avez-vous blâmé ? Je n'ai pas dit autre chose.

Mais M. le ministre vient de les éteindre lui-même, les établissements en question, puisqu'il espère que les bases du projet qui nous est soumis seront adoptées. Quelles sont ces hases ? C'est qu'il n'y aura plus que trois écoles au lieu de douze.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il n'y en a qu'une de moins. C'est celle de Verviers.

M. Coomans. - Alors on en a éteint six à mon insu, car il y en avait douze naguère.

M. le ministre me donne à tort le conseil de respecter les établissements publics utiles.

Je les respecte tous : j'en respecte même forcément qui ne sont pas utiles. Mais je me préoccupe un peu de la question des impôts, dont on ne s'occupe pas assez. Il est toujours facile de démontrer l'utilité relative de certaines dépenses ; je reconnais même que l'Etat ne fait aucune dépense qui ne soit utile de l'une ou l'autre façon ; mais cela ne suffit pas pour légitimer une dépense ; quand l'Etat a des ressources très bornées comme les nôtres, quand le trésor est en déficit, quand il doit choisir entre un certain nombre de dépenses utiles et de dépenses nécessaires, il ne suffit plus, pour nous faire voter des dépenses, de prouver qu'elles sont utiles, il faut prouver qu'elles sont les plus utiles, et les plus nécessaires.

Or, j'attends l'honorable ministre au chapitre suivant relatif à la voirie vicinale. Je verrai s'il contestera l'utilité de l'augmentation de crédit que je proposerai à la Chambre : il ne le fera pas ; car il avait proposé lui-même l'allocation d'un subside annuel d'un million pour la voirie vicinale. Si je raisonnais comme lui au point de vue de l'utilité seulement, il devrait admettre toutes les sommes demandées pour la voirie vicinale. Mais il faut se borner, même pour les dépenses utiles.

C'est pour cela que je ne proposerai pas d'élever le crédit de la voirie vicinale au chiffre d'un million que M. le ministre proposait il y a deux ans.

Mais j'insiste sur ce point fondamental qu'il ne suffit pas qu'une dépense soit utile pour que nous la votions. Je proteste contre cette fausse conséquence de mes voles que je considérerais comme inutiles toutes les dépenses que je rejette.

Je vote contre quelques-unes avec regret. Mais je vote contre, parce que nous avons un meilleur emploi à faire des fonds de l'Etat, parce que nous devons renforcer le trésor public en diminuant les dépenses, et fortifier le gouvernement en réduisant les impôts.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois réellement que cette discussion n'est pas utile en ce moment.

Que veut-on ? Que demande l'honorable M. Coomans ? Je pense que nous sommes d'accord pour maintenir l'état actuel des choses jusqu'à ce que la loi soit changée.

M. Coomans. - Je n'ai pas demandé le contraire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On ne demande pas le contraire. Mais pour maintenir l'état actuel des choses, il faut maintenir le chiffre.

La seule observation que j'ai présentée est une mesure d'ordre, rien de plus : j'ai dit que si les 94,000fr. qui n'avaient jamais suffi pour l'enseignement agricole étaient insuffisants encore, il faudrait recourir soit à un crédit supplémentaire, soit à la faculté que j'ai indiquée d'imputer la dépense sur les articles 54, 55 et 56 comprenant des dépenses variables et sur lesquelles il est possible que des économies se réalisent. Je n'ai pas fait d'autre observation.

Je crois qu'il faut passer outre, admettre provisoirement le chiffre de 91.000 fr. jusqu'à ce que la loi ait changé les bases de l'organisation actuelle.

M. Dumortier. - Je dois m'élever contre la doctrine présentée par M. le ministre de l'intérieur que lorsqu'un crédit voté par la Chambre ne suffit pas, le ministre doit demander un crédit supplémentaire ou imputer l'excédant de la dépense sur d'autres articles. C'est la dérogation la plus grave aux principes constitutionnels.

Que porte la Constitution ! Que les Chambres arrêtent les dépenses, et votent les budgets.

C'est aux ministres à se renfermer dans les limites du budget ; tout ce qu'ils dépensent au-delà est une inconstitutionnalité qui engage sa responsabilité. La Chambre n'a été que trop bonne et trop longanime en tolérant ces abus.

Je conçois qu'il soit nécessaire de voter 94,000 fr. pour les écoles agricoles, jusqu'à ce que la loi ait été votée. Il est bien évident que la Chambre ne peut supprimer le chiffre nécessaire à une dépense existante aussi longtemps que la loi organique n'est pas faite. Mais là ne se borne pas l'article en discussion. Il y a un deuxième paragraphe, dont pour mon compte je ne reconnais nullement la nécessité ; il est ainsi conçu : « Frais de conférences agricoles entre les instituteurs primaires. » On dit que la somme dépensée pour ces conférences est de 5,000 francs.

Permettez-moi de le dire, il est impossible de trouver une plus folle dépense que cet encouragement à l'agriculture. Est-ce que, par hasard, vous allez vous imaginer que les instituteurs primaires, gens très respectables, sans doute, vont donner des leçons d'agriculture aux fermiers ? Cela ne sert absolument à rien C'est une véritable fantasmagorie. Je pense que nous devons supprimer cette dépense qui est de la dernière inutilité.

Ce sont des semblants en faveur de l'agriculture ; rien autre chose, semblants qui ne lui ont jamais servi, et ne lui serviront jamais à rien. Les instituteurs primaires doivent enseigner ce qui est dans le programme de l'école primaire ; mais ils n'ont aucunes notions d'agriculture. Je pense donc qu'il est utile de supprimer ce paragraphe. J'en demande la suppression et je propose de réduire le chiffre au chiffre demandé par le gouvernement pour le premier paragraphe

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est encore une de ces dépenses qui intéressent essentiellement l'agriculture. Vous ne la voulez pas ; on l'a voulue à toutes les époques. On a demandé qu'il fût donné, dans les écoles primaires, un enseignement agricole.

Ces conférences ont précisément pour objet de faire acquérir à peu de frais aux instituteurs les connaissances utiles dans les campagnes, pour qu'ils soient en état d'enseigner à greffer les arbres et de propager les méthodes les plus simples de l'agriculture.

Pour qu'ils les enseignent, il faut qu'on les leur apprenne dans ces conférences. Le meilleur moyen, dit-on encore, c'est de donner à l’enseignement un caractère pratique ; mais c'est précisément le but du deuxième littera de l'article en discussion.

M. de Mérode. - On a déjà bien de la peine à apprendre aux enfants, dans les écoles primaires, ce que comprend le programme. Mais quelles leçons d'agriculture voulez-vous donner à des enfants ? C’est plutôt aux parents qu'il faudrait les donner. Mais les instituteurs primaires n'en sont pas capables. Un homme ne peut pas tout faire : celui qui doit enseigner la lecture, l'écriture, l'arithmétique, la géographie et l'histoire ne peut enseigner l'agriculture. Il conviendrait donc de supprimer ces conférences.

M. Malou. - Je crois que la pensée de la Chambre, dans les votes qu'elle a émis, n'est pas douteuse. Le système de l'intervention du gouvernement, pris d'une manière large, lorsqu'il peut atteindre des résultats sérieux, n'est pas condamné par la majorité de la Chambre.

Ce que l'on condamne, si je comprends bien le sens des votes, c'est l'éparpillement des ressources de l'Etat par une foule de petites fissures, si je puis m'exprimer ainsi, et cela sans amener aucun résultat utile.

Eh bien, de quoi s'agit-il ici ? De 5,000 fr. à dépenser pour des conférences agricoles d'instituteurs primaires.

Ainsi, les instituteurs primaires qui sont chargés par la loi de l’enseignement d'enfants dont l'âge ne dépasse guère douze ans, de quoi sont-ils chargés encore, si cet article signifie quelque chose ? Ils sont chargés d'éclairer les campagnes, nous dit-on, d'enseigner l'agriculture, aux agriculteurs. Autant vaudrait les charger d'enseigner supplémentairement la théologie aux curés.

Evidemment, les agriculteurs, à l'égard des instituteurs primaires, sont instruits, beaucoup plus instruits que ne peuvent le devenir les instituteurs primaires par la science qu'ils puiseront dans ces conférences.

Je ne dirai qu'un mot relativement aux écoles d'agriculture. Comme mon honorable ami M. Coomans, je prie M. le ministre de (page 524) l'intérieur de ne faire, pour les écoles d'agriculture maintenues provisoirement, que la dépense strictement nécessaire. Après le vote de la loi qui est à l'ordre du jour, si je ne me trompe, immédiatement après le budget de l'intérieur, on pourra reconnaître si le crédit doit être augmenté ou s'il doit être diminué. Mais en attendant je crois qu'il est naturel que l'on ne fasse que la dépense rigoureusement nécessaire pour les institutions qui ne sont pas encore mortes en ce moment.

M. Veydt. - Rappelons-nous, messieurs, ce qui s'est passé. L'enseignement agricole fait partie des branches de l'enseignement donné dans nos écoles normales. Il a été reconnu utile, nécessaire même que ceux qui sont appelés à devenir des instituteurs dans les communes rurales aient des connaissances justes, positives en agriculture. Mais tous les instituteurs des campagnes ne sortent pas des écoles normales. Ceux qui sont en fonctions n'ont pas tous eu l'occasion d'acquérir des connaissances en agriculture ; il en est de fort instruits qui avaient à apprendre sous ce rapport. De là est née l'idée des conférences agricoles.

Lorsque j'avais l'honneur, il y a trois ou quatre ans, d'être rapporteur de la section centrale du budget de l'intérieur, la Chambre a reconnu qu'il y avait là une lacune à combler.

Il ne s'est pas agi de mettre les instituteurs à même d'enseigner l'agriculture, mais de donner, au moins, quelques éléments, quelques notions essentielles sur cette branche si importante des connaissances humaines. Ces premières notions peuvent être mises à la portée des enfants ; pour cela il faut que ceux qui enseignent les possèdent. Ensuite, ce n'est pas seulement aux enfants que l'instituteur peut servir de guide. Dans les leçons du soir, dans celles qui peuvent avoir lieu le dimanche, il a l'occasion de communiquer à des jeunes gens les connaissances qu'il a lui-même acquises dans les conférences. Peut-on sérieusement, messieurs, méconnaître l'utilité de celles-ci ? Certes le fruit quc le pays a recueilli vaut largement la modique somme qui y est consacrée.

Dans cette tendance, si évidente de la part de quelques uns de nos collègues, de vouloir faire table rase de toute intervention de l'Etat dans les choses que des associations particulières ou des individus pourraient faire, on va, suivant moi, beaucoup trop loin d'un coup.

Je saisis l'occasion de le dire, je ne suis pas partisan de la coopération du gouvernement à tout prix et pour toutes choses. Mais il ne faut pas non plus que le gouvernement s'abstienne quand il n'y a aucune initiative.

Il lui appartient de donner l'impulsion ; c'est son honneur, c'est son devoir. Il se présente des choses importantes où il existe des lacunes ; c'est à lui de les combler, ou d'indiquer comment on les comble. N'exagérons rien ; mais pour être justes, reconnaisr-ons, messieurs, que l'idée qui a donné naissance au modeste crédit de 5,000 francs, qui est combattu en ce moment, était bonne, et qu'il y a lieu de le maintenir encore. Telle est aussi la conclusion que j'espère que la Chambre adoptera.

M. de Steenhault. - Je crois, messieurs, que nous discutons une question prématurée. Cette somme de cinq mille francs, destinée aux conférences agricoles, peut devenir et peut être reconnue nécessaire par les membres mêmes qui en demandent la suppression, lorsque nous aurons discuté la loi sur l'enseignement agricole. Il y a pour l’enseignement agricole plusieurs systèmes en présence. Un de ces systèmes qui est longuement développé dans le rapport de la section centrale, et que, pour ma part, je n'approuve pas, rentre complètement dans cet ordre d'idées auquel répond le vote des 5,000 fr demandés.

Je ne préjuge rien et j'espère que ce système ne sera pas adopté par la Chambre ; mais si ce système prévalait, vous auriez eu grand tort de supprimer cette somme de 5,000 fr.

Je demande donc que la Chambre maintienne le chiffre pour une année encore. On verra ultérieurement ce qu'il y a à faire.

M. de Haerne. - Messieurs, je ne conteste pas l'utilité de l'enseignement agricole en général. Je ne conteste pas non plus l'utilité de donner aux enfants des notions relatives à l'agriculture dans les écoles primaires. Sous ce rapport donc et en principe j'abonde dans le sens des honorables préopinants qui défendent l'allocation.

Mais la question est de savoir s'il faut, dans l’enseignement primaire, une instruction spéciale d'agriculture ; s'il faut établir, dans les écoles élémentaires, une subdivision comprenant l'enseignement agricole. Je crois que c'est là une erreur, et une erreur qui se répand trop généralement aujourd'hui. On subdivise trop l'enseignement ; on l'éparpille et il en résulte que les jeunes gens, en voulant trop apprendre, apprennent tout mal, ou n'apprennent rien à fond ; c'est une question de méthode avant tout.

Je répète que certaines notions données à propos, relativement à l'agriculture, peuvent être très utiles et que par conséquent les conférences agricoles entre instituteurs sont bonnes. Nous ne répudions pas cet enseignement en tant qu'il se mêle accidentellement à l'instruction primaire. Mais comment peut-on atteindre ce but ? D'une manière très simple ; par la lecture de bons ouvrages ; il existe des traités de ce génie qui peuvent être consultés avec fruit par les instituteurs, afin qu'ils soient à même de rectifier les idées erronées des enfants et de leur donner des notions vraies et exactes sur l’agriculture.

Que l'on donne, dans l'enseignement primaire, des notions très simples sur l'agriculture comme sur d'autres branches, telles que l’histoire naturelle, la botanique, rien de mieux ; cela entre plus ou moins dans l'enseignement moyen et jusqu'à un certain point dans l'enseignement primaire. Mais quelle est l'erreur dans laquelle semblent verser d’honorables préopinants ? C'est de vouloir établir autant de branches spéciales qu'il y a de sciences, et donner à des enfants de sept à douze ans, les éléments de sciences, comme des sections particulières de l’enseignement primaire. Quelques-uns de ces éléments peuvent se fondre dans l'ensemble sous forme de lectures ou d'autres exercices.

Ainsi donc que les instituteurs s'occupent d'agriculture d'une manière spéciale dans leurs conférences ou ailleurs, cela convient ; mais qu'on n'en fasse pas une section de l'instruction primaire. Ce n'est que dans ce sens que je puis admettre le crédit en discussion.

M. Dumortier. - Je m'occupe fort peu du point de savoir si la Chambre a voté ou n'a pas voté, il y a deux ans, la dépense que je combats. La question n'est pas là. La question est de savoir si cette dépense est, oui ou non, nécessaire ; j'ajouterai même si elle est, oui on non, utile. Or, je crois que non seulement elle n'est pas nécessaire, mais qu'elle n'est pas même utile.

Je suppose pour un instant, ce qui n'est pas, que l'instituteur primaire doive donner un enseignement agricole à des enfants qui n'ont pas dix ans et qui n'y comprendront rien. Qu'arrivera-t-il ? C'est que cet enseignement fera partie de l'enseignement qu'il doit donner. Mais ce n'est pas un motif pour avoir des conférences agricoles d'instituteurs entre eux.

Vous avez déjà, en vertu de la loi sur l'instruction primaire, des conférences d'instituteurs, qui sont organisées et pour lesquelles vous votez une somme au budget. Pourquoi faire une nouvelle dépense pour d'autres conférences ?

C'est un double emploi souverainement inutile et je dirai même ridicule.

J'entends dire que les instituteurs donneront des leçons aux fermiers. Il faut avoir une bien pauvre idée des fermiers et des connaissances pratiques qu'ils possèdent, pour s'imaginer qu'ils iront chez le maître d'école du village pour apprendre l'agriculture ; ils s'en garderont bien.

C'est donc une dépense inutile que vous faites. Tout cela, c'est un gaspillage des fonds de l'Etat ; tout cela, c'est du tapage inutile ; ce sont de vaines manifestations de services prétendus rendus à l'agriculture, et nous ferons bien de les supprimer.

Je suis d'avis qu'il faut encourager l'agriculture dans les choses qui lui sont utiles. Mais je regarde comme la dépense la plus inconcevable, celle que l'on fait pour ces conférences agricoles. Ces conférences agricoles ne peuvent aboutir à rien, exactement à rien. Comment ! les instituteurs iront enseigner l'agriculture à des petits enfants de dix ans ? Mais y pensez-vous ? Messieurs, l'enseignement de l'agriculture, pour être bien donné, est un enseignement qui est en quelque sorte universitaire, c'csi un enseignement d’un ordre tout à fait supérieur, et vous vous imaginez que vous allez donner cet enseignement à de petits enfants. Mais qui donne l'enseignement de l'agriculture aux enfants ? C'est le père, c'est la mère, c'est le fermier qui donne l'enseignement à ses enfants. Le surplus est une chose complètement inutile ; et ce qui est plus inutile encore, ce sont ces conférences d'instituteurs Je vous demande ce que peuvent dire entre eux une demi-douzaine de maîtres d'école occupés à conférer sur lagriculture ?

Moi je ne le devine pas. Je conçois fort bienq ue des fermiers, se trouvant réunis, confèrent sur leurs intérêts, comme je conçois que des banquiers confèrent sur leurs intérêts ; mais je ne comprends pas qu'un maître d'école donne des leçons d'agriculture aux fermiers ni des leçons de banque aux banquiers.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je me rallie en très grande partie aux observations présentées par les honorables MM. Veydt et de Haerne. Je pense qu'on a perdu un peu de vue le véritable caractère de ces conférences agricoles qui nous occupent en ce moment. Il a été reconnu dans la loi sur l'enseignement primaire, qu'il est bon, utile que les instituteurs établis dans les campagnes possèdent certaines connaissances agricoles ; c'est évidemment dans ce but que des cours d'agriculture ont été annexés aux écoles normales de l'enseignement primaire.

Or les conférences qui font l'objet de cette discussion n'ont d’autre objet que de compléter et de développer les connaissances que les instituteurs ont déjà puisées dans les écoles normales, surtout en les appliquant aux localités dans lesquelles ils sont établis.

Maintenant, messieurs, ces connaissances agricoles en quoi doivent-elles servir aux instituteurs ? Est ce pour établir une espèce de section agricole dans l’école primaire ? Aucunement, messieurs, ce serait absurde.

On n'enseigne pas l'agriculture proprement dite à des enfants de. 10 ou 12 ans, il faut, pour comprendre cet enseignement, une plus grande maturité de raison ; mais de cette manière les instituteurs seront mis à même de donner à l’enseignement primaire une certaine tendance agricole, de familiariser les enfants avec l'appréciation des faits qui se passent dans l'agriculture ; en un mot, de préparer leur esprit à recevoir plus tard un enseignement plus substantiel. Ainsi, par exemple, en enseignant l'arithmétique, l’instituteur, s'il est au courant de fait agricole, pourra faire de nombreuses applications aux opérations usitées dans l'industrie rurale et faire pénétrer ainsi dans l'esprit de ses élèves des notions exactes sur les faits qui devront occuper leur activité lorsqu'ils seront parvenus à un âge plus avancé.

(page 525) On a reconnu l'utilité de donner aux enfants de la campagne des livres de lecture traitant des matières relatives à la vie agricole ; eh bien ces livres seront souvent une lettre morte pour les enfants si l'instituteur, étant en quelque sorte étranger aux choses de l'industrie rurale ne peut en faire sentir le véritable sens et rectifier les idées fausses que ces lectures pourraient faire naître dans l'esprit de ses élèves ; il y a plus, les instituteurs versés dans la science agricole pourraient encore donner des leçons d'agriculture, non pas, à la vérité, aux fermiers proprement dits, mais aux adultes, âgés de 15 à 20 ans qui sont déjà employés dans l'industrie rurale et qui viendraient puiser dans ces leçons l'explication raisonnée des phénomènes qui se passent chaque jour sous leurs yeux ; on imiterait ainsi avec fruit, à la campagne, ce qui se pratique dans plusieurs villes pour l'enseignement industriel.

Voilà, messieurs, sous quels rapports je pense que le crédit peut être considéré comme utile, et je dirai même comme nécessaire pour vulgariser parmi les populations rurales, les notions d'une agriculture raisonnée.

M. Rousselle, rapporteur. - L'honorable membre vient de développer les raisons que je voulais présenter, et il l'a fait beaucoup mieux que je n'aurais pu le faire. Je renonce donc à la parole.

M. Dumortier. - i cela était si utile que le dit l'honorable M. de Naeyer, il faudrait un subside beaucoup plus fort. On demande 5,000 francs, vous avez 2,500 communes, c'est tout juste 2 francs par commune.

M. Devaux. - Messieurs, ce débat est vraiment affligeant. Il semble que le mérite de l'instituteur soit l’ignorance. On vient de dire qu'il faudrait faire beaucoup plus que ces conférences ou ne rien faire du tout ; mais ignore-t-on qu'on fait plus ? Cet enseignement qui se propage dans les conférences, se donne à tous les élèves instituteurs dans les écoles normales primaires. Les conférences dont il s'agit sont un supplément à cette instruction des écoles normales. Les écoles normales la donnent aux instituteurs futurs, les conférences aux instituteurs actuellement en fonctions qui ne l'ont pas reçue antérieurement.

Quel mal peut-il y avoir à ce qu'un instituteur ait quelques notions d'agriculture ? Avons-nous donc rétrogradé depuis la loi sur l'instruction primaire ? N'a-t-on pas reconnu dans cette loi l'utilité des « notions scientifiques applicables aux usages de la vie » ? Quel mal y a-t-il à ce que les instituteurs se réunissent autour d'un homme capable de leur donner des notions d'agriculture ? Il est vraiment affligeant de voir combattre un subside de 5,000 fr. qui reçoit une telle destination. Si vous vouliez vous informer de ce qui se fait dans la pratique, on vous dirait que ces conférences excitent beaucoup d'intérêt, que beaucoup d'instituteurs sont avides de cette instruction dont ils reconnaissent l'utilité, et se transportent à plusieurs lieues de distance pour la recevoir. Ne fissent-ils que la propager dans quelques communes, ce serait encore une mesure très utile.

Le moindre progrès, le moindre préjugé vaincu en agriculture n'a-t-il pas des résultats tels pour la société, que ce serait une dérision de les mettre en balance avec une allocation de 5,000 fr. ?

Propager l'instruction agricole, c'est faire ce que fait toute l'Europe civilisée, ce que nous avons fait nous-mêmes. Ne revenons pas sur des mesures aussi utiles, aussi sages, aussi inoffensives.

Je demande que cette discussion cesse et qu'on vote l'allocation.

M. de Mérode. - Je voudrais bien qu'on ne vînt pas toujours nous accuser de vouloir maintenir l'ignorance dans les populations lorsque nous ne demandons pas mieux, au contraire, que de voir répandre l'instruction. Il ne s'agit pas de savoir si nous sommes favorables à l'ignorance, il s'agit de savoir si la dépense proposée est utile oui ou non. Supposer que nous voulons maintenir l'ignorance, c'est une injure, et l'honorable membre n'a pas le droit de nous adresser cette injure. Nous aimons la lumière et l'instruction tout autant que lui.

J'ai parlé tout à l'heure contre ces 5,000 fr., pourquoi ? Parce que je n'ai vu jusqu'à présent aucun résultat des conférences dont il s'agit. L'honorable M. Dumortier vient de faire remarquer qu'il s'agit de 2 fr. par commune ; quelle grande instruction voulez-vous obtenir d'une pareille dépense ? Il y aura peut-être une leçon par an. Mais si l'instituteur a reçu l'enseignement agricole à l'école normale, il aura appris là plus qu'il ne pourra apprendre pendant toute sa vie avec une leçon par an. On dit que c'est inoffensif, que c'est bénin ; mais cela me paraît plus que bénin, et c'est pourquoi je n'en veux pas. Ce n'est nullement que je veuille l'ignorance.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable comte de Mérode se trompe quand il suppose que les conférences agricoles doivent se tenir dans toutes les communes du royaume.

Ces conférences se tiennent au chef-lieu du canton où les instituteurs se réunissent pour entendre les leçons données soit par l'inspecteur cantonal, soit par toute autre personne capable. C'est une chose qui n'a jamais donné lieu à aucune plainte. Les indemnités qu'on peut accorder sont modiques, mais elles suffisent pour permettre de répandre dans les campagnes des notions qui, quoi qu'on en dise, sont indispensables.

« Littera a. Encouragement et subsides à l'enseignement professionnel de l'agriculture, de l'horticulture, etc. : fr. 94,500. »

- Adopté.

La Chambre passe au vote sur le littera b : « Frais des conférences agricoles des instituteurs primaires. »

On réclame l'appel nominal. Il y est procédé.

53 membres seulement y prennent part.

En conséquence, M. le président déclare que la Chambre n'est plus en nombre.

Pièces adressées à la chambre

Rapport sur la situation du service des défrichements de la Campine

M. le président fait connaître que M. le ministre de l'intérieur a adressé à la Chambre 110 exemplaires d'un rapport de M. Magis, ingénieur en chef, directeur du service des défrichements de la Campine sur la situation de ce service.

-Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.

La séance est levée à 4 heures et un quart.