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Congrès national de Belgique
Séance du lundi 18 juillet 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

(Présidence de M. Raikem, premier vice-président)

La séance est ouverte à une heure. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Non-renouvellement du bureau et de sections

M. le président – L'ordre du jour est le renouvellement du bureau. (Non ! non ! c'est inutile.) Les pouvoirs du bureau sont expirés. (M. B., 20 juill.)

M. le vicomte Desmanet de Biesme – Je propose de maintenir le bureau tel qu'il est composé. (Appuyé ! appuyé !) (M. B., 20 juill.)

M. le président met aux voix la proposition de M. le vicomte Desmanet de Biesme : elle est adoptée à la presque unanimité. (P. V.)

M. Van Meenen – Je propose aussi que les sections du mois de juin soient continuées pour le mois de juillet. (P. V.)

- Cette proposition est adoptée. (P. V.)

Projet de décret sanitaire

Présentation

M. Barthélemy, ministre de la justice – Messieurs, je viens appeler un instant votre attention sur un objet de la plus haute gravité et de la plus grande urgence. Plus de cent navires sont sortis de la Belgique, et un grand nombre d'entre eux sont, à ce qu'on dit, infectés du choléra-morbus ; plusieurs de ces navires se sont déjà présentés devant le port d'Ostende, d'où ils ont été repoussés, non en vertu des lois sanitaires qui n'existent pas, mais en vertu du simple droit naturel qui permet à chacun de repousser de pareils fléaux. Cela cependant ne suffit pas ; il faut encore des dispositions pénales contre ceux qui jetteraient sur nos côtes des marchandises infectées ; en un mot, il faut rendre une loi sur la police sanitaire, car, d'après un rapport de jurisconsultes, que j'ai en main, nous sommes sans dispositions législatives à cet égard. Le gouvernement français nous a fait demander officiellement quelles mesures nous avions adoptées pour nous préserver de la contagion ; dans le cas où nous n'en aurions pris aucune, il considérerait la Belgique comme pays suspect. Dans ces circonstances, en l'absence de toute loi, et dans le cas d'urgence où nous nous trouvons, nous avons cru ne pouvoir mieux faire que de voir ce qu'on a fait en France et en Angleterre. De ce dernier pays, les renseignements ne nous sont pas encore parvenus. En France, on est régi par une loi de 1822, rendue par les chambres à l'occasion de la fièvre jaune. C'est cette loi que je viens vous proposer d'adopter ; cela peut être considéré comme ce qu'il y a de plus sage, quand on est pressé.

(Ici l'orateur donne lecture de la loi de 1822 sur la fièvre jaune, et il en propose l'adoption.) (M. B., 20 juill.)

- Ce projet est renvoyé à l'examen d'une commission (page 576) nommée par le bureau, du consentement de l'assemblée. (P. V.)

M. le président nomme membres de la commission chargée d'examiner le projet de décret sanitaire : MM. Defacqz, Barthélemy, de Tiecken de Terhove, Charles Rogier et d'Hanis van Cannart. (P. V.)

- Le congrès décide qu'il s'occupera de la discussion de ce projet dans la séance de ce soir. (P. V.)

- M. Raikem cède le fauteuil à M. Destouvelles, second vice-président. (M. B., 20 juill.)

Fixation de l'ordre des travaux du Congrès

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une proposition qui a été déposée sur le bureau :

« Je propose de s'occuper de suite de l'état de la législation sur la presse et de l'établissement du jury, tant en matière criminelle que pour les délits politiques et de la presse. »

Signé : RAIKEM. abbé DE SMET, vicomte VILAIN XIIII, GOETHALS, ANDRIES, LE BÈGUE. (M. B., 20 juill.)

M. le président – M. Raikem a la parole pour développer sa proposition. (M. B., 20 juill.)

M. Raikem – Messieurs, je crois devoir appeler votre attention sur l'état de la législation en matière de presse et sur l'établissement du jury.

En même temps que le grand homme présentait son Code pénal au corps législatif, il enchaînait la presse par un décret impérial ; les dispositions de ce Code ne pouvaient donc guère s'appliquer aux délits politiques qui peuvent se commettre par la voie de la presse.

Après la chute du grand empire, la presse recouvra une plus grande somme de liberté. Mais on sentit aussitôt que les dispositions du Code pénal de 1810 étaient insuffisantes.

En France, on voulut d'abord rendre vie à d'anciennes ordonnances, qui avaient été abolies par les lois de la révolution. Les cours et tribunaux furent partagés sur la question de savoir si elles avaient recouvré leur force législative. Toutefois, la cour de cassation ramenait naturellement la jurisprudence à cette uniformité qui est l'un des bienfaits des institutions modernes.

Enfin la législature s'occupa de la presse, et en France et dans le ci-devant royaume des Pays. Bas.

Dans ce dernier royaume, deux lois principales ont été publiées après avoir reçu l'assentiment des États-Généraux : la loi du 16 mai 1829 et celle du 1er juin 1830.

Ces lois n'ont été révoquées par aucun acte du pouvoir législatif. Sont-elles demeurées en leur force et vigueur, ou bien ont-elles été abrogées par le fait même de la révolution ? C'est une question grave qui peut partager les cours et les tribunaux. Et dans ce moment vous n'avez pas même le bienfait d'une cour de cassation unique et propre à ramener la jurisprudence à l'uniformité.

Jusqu'à la nouvelle organisation judiciaire, deux cours indépendantes l'une de l'autre jugent également en cassation. Et, en définitive, il peut arriver qu'elles soient partagées sur la question que je viens de soulever. Il est donc urgent que le congrès la décide.

Vous me direz que la nouvelle organisation judiciaire ne peut plus tarder ; quelques mois encore... Je ne puis pas attendre. Les lois dont je vous parle, dans l'état actuel des choses, peuvent trop prêter à l'arbitraire, et je crains l'arbitraire, quelque courte que soit sa durée.

Toutefois, je l'avoue, je ne le craindrais pas autant, si nous jouissions du bienfait de l'institution du jury. Avec le jury, je ne crains pas même l'application de la loi du 1er juin 1830. Et si nous avions eu le jury, nous n'aurions pas été témoins des abus scandaleux qu'on a voulu faire de cette loi dans le principe de sa promulgation.

Hâtons-nous donc de nous occuper d'objets aussi importants et dont l'urgence est palpable. N'eussions-nous que quelques heures, il faudrait les y consacrer. L'intérêt de l'État et celui des citoyens le réclament. Si nous ne pouvons à l'instant changer le système des lois existantes, nous pouvons en corriger les défectuosités les plus sensibles : nous pouvons surtout rétablir une institution qui rassurera les citoyens, en leur donnant la garantie du jugement de leurs pairs.

Mais, je vous en conjure, ne laissons pas dans l'incertitude l'existence de la législation elle-même. Ne le perdez pas de vue : on peut en abuser pour opprimer les citoyens, et la malveillance peut également en faire un abus dont les suites seraient désastreuses. Les tribunaux seront sans force, parce qu'ils ne pourront s'appuyer avec confiance sur la loi, qui doit être la seule règle de leurs décisions. Il leur faut donc des règles fixes, et non des règles de plomb que l'on puisse faire (page 577) plier au gré du caprice. Il faut aux citoyens la garantie que ces règles ne seront appliquées que lorsque le fait qui donnera lieu à leur application aura été reconnu par des hommes pris dans les diverses classes de la société, et dont la décision sera regardée comme celle de la société même.

Je propose donc de s'occuper de suite de l'état de la législation sur la presse, et de l'établissement du jury, tant en matière criminelle que pour les délits politiques et de la presse. (M. B., 20 juill.)

M. Le Bègue demande que l'on s'occupe de la discussion du projet sur le jury qui a été présenté depuis plusieurs jours, et qui a été renvoyé à une commission. (M. B., 20 juill.)

M. Raikem – Je demande qu'une commission soit nommée pour la révision de la législation en matière de presse, et que cette commission propose au congrès la question de savoir si les lois sur la presse, du 16 mai 1829 et du 1er juin 1830, sont encore obligatoires, ou si elles nécessitent des changements. (E., 20 juill.)

- La proposition de nommer une commission est mise aux voix et adoptée. Le bureau est chargé de désigner les membres de la commission. (P. V.)

M. le président – Voici les noms des membres dont se composera la commission chargée d'examiner l'état de la législation en matière de presse : MM. Raikem, Van Meenen, le chevalier de Theux de Meylandt, Trentesaux, Brabant, Destriveaux et Jottrand. (M. B., 20 juill.)

M. Jottrand – Des motifs de convenance m'obligent à prier l'assemblée de me dispenser de faire partie de la commission. M. B., 20 juill.)

M. le président – Je désignerai M. Le Bègue en remplacement de M. Jottrand.

Il s'agit maintenant de fixer la discussion sur l'institution du jury. (M. B., et E., 20 juill.)

M. Van Meenen – Il y a eu une commission nommée ; elle a fait son travail, et c'est par suite de ce travail qu'a été distribué le projet qui est sous les yeux des membres du congrès. (E., 20 juill.)

M. Le Bègue confirme l'existence de la commission, et estime qu'on peut s'occuper dans la séance de demain de la loi sur l'institution du jury. (E., 20 juill.)

M. Helias d’Huddeghem dit qu'il y a un projet de décret différent du travail de la commission. (J. F., 20 juill.)

M. Raikem – Le projet distribué a été fait en grande partie sur le travail de la commission. (J. F., 20 juill.)

M. le comte Duval de Beaulieu déclare qu'il est bien pénétré de la nécessité du rétablissement du jury et de l'urgence de cette mesure, mais il croit en même temps que cette matière est trop importante pour n'être pas mûrement examinée et approfondie. Le peu de jours d'existence qui restent encore au congrès ne lui semblent pas suffisants pour élaborer un projet sur le jury. Il pense qu'on en devrait laisser le soin à la législation à venir. (M. B., 20 juill.)

M. Van de Weyer pense qu'il serait illusoire de s'occuper des lois sur la presse si on ne s'occupait en même temps d'une loi sur le jury. Le congrès ayant pris l'engagement de discuter la première, il faut nécessairement qu'il discute aussi la seconde. (M. B., 20 juill.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt combat l'ajournement proposé par M. le comte Duval de Beaulieu. (M. B., 20 juill.)

M. Cruts appuie les observations de M. Duval. Il trouve d'autant moins d'inconvénients à retarder de trois mois la loi sur le jury que les cours d'assises étant, d'après une loi récente, composées de six juges, il faut quatre voix contre deux pour prononcer une condamnation. L'honorable membre ajoute qu'il ne voit pas pourquoi on refuserait de prolonger de trois mois un état de choses qui dure depuis seize ans. Ce parti vaudrait mieux selon lui que de discuter une loi avec précipitation. (M. B., 20 juill.)

M. Brabant – Le pays a été dépouillé de l'institution du jury par un pouvoir de fait. C'est le prince souverain qui, en 1814, nous priva de cette garantie par un simple arrêté. Que propose aujourd'hui M. Raikem ? de rétablir les dispositions du Code d'instruction criminelle qui ont été pratiquées jusqu'en 1814, en y apportant les modifications exigées par nos nouvelles institutions. Jamais on ne s'est plaint de la loi de brumaire an IV sur le jury. Bonaparte, lors de la confection du Code d'instruction criminelle, dépouilla du droit de désigner les jurés, les magistrats élus par le peuple, qui jusque-là avaient fait cette désignation. Ce qu'on vous demande aujourd'hui, c'est d'attribuer cette faculté aux députations des conseils provinciaux, magistrats populaires, au lieu de faire faire cette désignation par des préfets, comme cela se pratique en France. Ces modifications n'ont pas besoin d'un long examen. Il ne suffit pas, messieurs, d'avoir consacré dans la constitution de beaux principes de liberté, il faut encore en garantir l'exécution. C'est un bienfait que le (page 578) peuple attend de vous, et que vous ne pouvez pas lui refuser sans laisser stériles les principes libéraux de la constitution. (M. B., 20 juill.)

M. Raikem, répondant spécialement à M. Cruts, lui fait observer qu'on n'improvisera rien en discutant la loi sur le jury, car cette loi, présentée depuis plus d'un mois, a été souvent l'objet de l'examen réfléchi de la commission qui est prête à présenter son travail. (M. B., 20 juill.)

M. d’Elhoungne – Il y a d'autant plus d'urgence de s'occuper de l'organisation du jury en même temps que de la loi sur la presse, que dans ce moment la législation sur cette matière ne pourrait pas recevoir son exécution : en effet, les juges dont les prévenus pour délits politiques et de la presse sont justiciables aux termes de la constitution, n'existeront pas tant que le jury ne sera pas institué. La législation sur la presse, séparée des moyens d'appliquer les dispositions, deviendrait donc complètement inutile. (E., 20 juill..)

M. le comte d’Arschot, répondant à M. Raikem, fait observer que le projet n'a pas été examiné en sections. (M. B., 20 juill.)

- Plusieurs voix – Il a été renvoyé à une commission. (M. B., 20 juill.)

M. Jottrand – Nous sommes réunis depuis plus de huit mois, et, à part la constitution, nous n'avons presque rien fait pour garantir au peuple les libertés dont nous avons posé les bases. On nous propose aujourd'hui des projets de finances, on en presse la discussion sous prétexte que le gouvernement a besoin d'argent ; mais le peuple a aussi besoin de liberté. Lorsqu'il s'agit de lois de finance, plusieurs membres se montrent fort disposés à les voter pour ainsi dire sans examen. S'agit-il de lois nécessaires au pays pour l'exercice de ses libertés, quoique ces lois soient plus faciles à faire que les lois de finance, on vient nous proposer des atermoiements. Je les repousse de toutes mes forces, et je demande que le congrès ne se sépare pas sans avoir voté les lois sur la presse et sur le jury. (Appuyé ! appuyé !) (M. B., 20 juill.)

M. le baron Beyts – D'autant plus que, par un arrêté, et par un arrêté sans considérants encore, on nous a enlevé le jury en 1814 ; et nous pourrions l'attendre longtemps, si nous nous séparions sans le réorganiser. Le roi Guillaume était un ennemi si déclaré de cette institution, que quand il était question de refaire le Code pénal, il disait : Laissez le jury de côté, et je vous abandonne, pour tout le reste, le soin de faire le Code comme vous l'entendrez. Je demande que la proposition de M. Raikem soit mise à l'ordre du jour de demain. (Appuyé !) (M. B., 20 juill.)

M. Van de Weyer soutient de nouveau qu'il y aurait, en séparant les discussions, inconséquence et inconstitutionnalité, puisque l'article 98 de la constitution porte que le jury est établi en toutes matières, et pour les délits politiques et de la presse, et qu'il faut bien que le jury existe, puisque c'est lui qui doit connaître des délits que spécifiera la nouvelle loi sur la presse. (E., 20 juill.)

M. le président consulte l’assemblée : elle décide que le projet de décret sur le rétablissement du jury, présenté le 29 juin par M. Raikem et plusieurs autres membres, sera discuté dans la séance de demain, sans examen préalable des sections ou d'une commission. (P. V.)

Proposition de frapper une médaille en l'honneur du régent et pour perpétuer sa mémoire

M. Vandenhove propose que le congrès fasse frapper une médaille en l'honneur de M. le régent et pour perpétuer la mémoire de sa régence, Cette médaille porterait : « La patrie reconnaissante à M. le baron Surlet de Chokier, régent de la Belgique : après... jours d'une administration sage et paternelle, à l'avènement du prince de Saxe-Cobourg au trône de la Belgique, le 21 juillet, il déposa ses pouvoirs au sein du congrès, emportant l'estime et l'amour de ses compatriotes. » (A.)

- Cette proposition est vivement appuyée. (M. B., 20 juill.)

Le congrès décide qu'elle sera examinée par une commission nommée par le bureau. (P. V.)

La commission chargée d'examiner la proposition de M. Vandenhove est composée de MM. le comte de Renesse, le baron Beyts, Van de Weyer, Le Bègue et Vandenhove. (P. V.)

M. le président – La section centrale sera bientôt prête à faire son rapport sur les crédits demandés par le ministère ; en attendant, la séance est suspendue. (M. B., 20 juill.)

- Il est deux heures et demie ; à trois heures la séance est reprise sous la présidence de M. de Gerlache. (P. V.)

Projet de décret accordant des crédits provisoires à chaque ministère pour le troisième trimestre de 1831

Rapport de la section centrale

M. de Behr fait le rapport de la section centrale sur le projet de décret présenté par M. le ministre des finances relatif aux crédits à allouer au ministère pour le troisième trimestre de 1831. (P. V.)

- La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet. (M. B., 20 juill.)

Discussion générale

M. Jottrand combat le projet ; il n'est pas d'avis d'accorder trois douzièmes de crédit aux ministres, qui lui semblent peu mériter la confiance de l'assemblée. L'orateur, pour justifier son assertion, établit que, tandis que sur un crédit de vingt-sept millions qui leur a été ouvert, les ministres prétendent n'en avoir employé que vingt millions, ils en ont employé réellement vingt-trois à vingt-quatre ; car, d'un relevé fait à la cour des comptes, il résulte qu'on a mandaté vingt millions de dépenses ; mais tout le monde sait qu'indépendamment des dépenses mandatées, il a dû s'en faire pour trois ou quatre millions qui n'ont pas encore subi le contrôle de la cour des comptes, et le ministère ne porte pas ces dépenses en compte pour faire ressortir sa bonne gestion et prouver qu'il mérite la confiance de l'assemblée. L'orateur accuse ensuite le ministre de l'intérieur d'avoir dépassé les spécialités qu'il avait lui-même indiquées à la cour des comptes ; il indique les points sur lesquels il prétend que le ministre a été au delà de ce qu'il pouvait faire, et il ajoute que si le ministre doit n'être accusé que de négligence ou d'incapacité, il a sous lui des agents passibles d'une accusation plus grave. Le ministère de la guerre est ensuite l'objet des investigations de l'orateur. Il fait au chef de ce département le reproche de n'avoir spécifié aucune des dépenses qu'il a faites dans les six premiers mois, en sorte qu'il est impossible de savoir si les sommes allouées à ce ministre ont été bien ou mal employées. De tout cela l'orateur conclut qu'il faut restreindre autant que possible les crédits à accorder aux ministères. Comme on fait son lit on se couche, dit-il. (On rit.) L'expression est triviale, je le sais ; mais elle est juste. Si vous faites au ministère un lit trop large, il s'y étendra tout à son aise. Si vous le faites étroit, il faudra bien qu'il se restreigne. Pour moi, je n'accorderai pas un crédit de trois mois. Je me contenterai de voter un crédit pour un mois ou pour six semaines tout au plus, à la condition que le congrès restera assemblé, non pas en conservant le pouvoir constituant qui, expire par l'avènement du roi, mais en conservant le pouvoir législatif, et qu'il votera les budgets dont il est déjà saisi et qui ont déjà été examinés dans les sections ; sans cela l'orateur votera contre le projet. (M. B., 20 juill.)

M. Duvivier, ministre des finances par intérim – Messieurs, l'état qui est placé sous vos yeux est de toute exactitude, et nous n'étions pas capables de vous présenter des chiffres inexacts. Ce travail cadre exactement avec le mouvement des écritures tenues au ministère des finances, et j'ai déjà eu l'occasion de vous dire que la tenue de ces écritures ne laissait rien à désirer. Après ce début, l'orateur répond aux objections faites par M. Jottrand. Il soutient que c'est par erreur que ce dernier a cru que sur les vingt-sept millions de crédit, on avait mandaté vingt-trois ou vingt-quatre millions. Cette erreur provient de ce que le préopinant a dû compter, sur l'exercice de 1831, trois ou quatre millions qui ont été réellement mandatés, mais qui appartenaient à l'exercice de 1830. Je maintiens, dit l'orateur, qu'il n'y a sur les crédits des six premiers mois que vingt millions de dépenses. Il reste de disponible six millions, et si des sommes ont été dépensées sur ces six millions et que nous ne les portions pas en compte, c'est que ces sommes ont été payées dans les provinces, et que les pièces comptables ne nous sont pas encore parvenues. Du reste, ces dépenses seront régularisées aussitôt qu'elles seront connues, et l'administration des finances ne sera susceptible d'aucun reproche.

L'orateur, après avoir répondu à diverses autres objections relatives à son département, regrette que les ministres de l'intérieur et de la guerre ne soient pas présents pour répondre aux objections qui les concernent. (M. B., 20 juill.)

M. Le Grelle – Je demande que M. le ministre de la guerre soit invité à se rendre au sein du congrès. Les observations faites sur son administration sont assez graves pour qu'il doive y répondre. (M. B., 20 juill.)

M. Brabant – Comme membre de la commission chargée d'examiner le projet de budget, je désire adresser quelques interpellations à M. le ministre de la guerre. Je me joins à la demande faite par M. Le Grelle. (E., 20 juill.)

M. le président – L'heure est avancée, vous avez décidé qu'il y aurait une séance du soir, on pourrait inviter M. le ministre de la guerre à s'y rendre. (M. B., 20 juill.)

M. Brabant – Pour attendre jusqu'à ce soir, il faudrait interrompre la discussion, et je trouverai fort inconvenant que le congrès se séparât (page 580) avant l'heure habituelle, et cela pour éviter à M. le ministre de la guerre de se rendre de suite au congrès. (E., 20 juill.)

M. le président – Un messager va lui être expédié. (E., 20 juill.)

M. Duvivier, ministre des finances par intérim, qui, pendant cet incident, n'a pas quitté la tribune, continue le cours de ses objections. Il explique qu'en demandant des crédits pour trois mois, on a eu en vue et la position du gouvernement et la position du congrès ; et qu'en effet si le congrès est dissous après l'installation du roi , il faut que les ministères aient des allocations suffisantes pour que le service ne souffre pas en attendant la réunion de la législature et le vote du budget.

Le ministre répond ensuite que le crédit provisoire demandé pour la chancellerie du nouveau chef de l'État, ne prouve pas que cette allocation doive être quadruplée pour l'année ; et que les 25,000 florins ne sont demandés que comme à-compte sur la somme qui sera fixée à ce sujet. (E., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice, répond à quelques objections présentées par M. Jottrand. Il pense que l'honorable membre a confondu et le crédit de 1830 et les comptes de l'année courante. Il soutient que le budget de 1830 doit être exempt de toute critique, puisque, sur l'exercice de cette année, il doit rester une réserve de 2,000,000 de florins qui figureront au premier article de l'actif pour 1831. (E., 20 juill.)

M. Jottrand rectifie une partie de ses objections. (J. F., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice, répond au reproche fait au ministre de l'intérieur de n'avoir pas fait les dépenses qui lui avaient été allouées ; les travaux du canal de Charleroy étaient urgents, vu le nombre et la position particulière des ouvriers employés à ces travaux. (J. F., 20 juill.)

M. Le Grelle soutient la rature des premiers mots du paragraphe premier de l'article premier des projets, telle que la propose la section centrale ; parce que, dit-il, dans le cas où il y aurait économie sur les crédits alloués, il s'ensuivrait que nous voterions cet excédant pour le second semestre, si nous adoptions ces mots : outre les allocations déjà faites. (C. M., 20 juill.)

M. Duvivier, ministre des finances par intérim – Il se peut qu'il y ait excédant, mais, dans l'impossibilité de le préciser, j'ai cru nécessaire d'ajouter les mots qu'on propose de supprimer. (C. M., 20 juill.)

M. d’Hanis van Cannart se plaint de ce que M. le rapporteur de la section centrale n'a pas fait mention des observations faites dans la troisième section. Dans cette section, dit-il, nous avons déclaré que nous ne voterions les trois douzièmes qu'on demande qu'à la condition de retrancher certaines dépenses. Pour ma part, mon vote est à ce prix. Je ne veux pas, par exemple, vote 25,000 florins pour le théâtre de Bruxelles, et je ne suis pas disposé non plus à voter une somme considérable demandée pour l'observatoire de cette ville, parce que, lorsque nous ne savons pas comment nous terminerons nos affaires d'ici-bas, je ni vois pas trop la nécessité d'apprendre cequi se passe dans les étoiles. (On rit.)

L'orateur termine en se plaignant de l'injuste répartition faite des sommes allouées pour réparation des pertes causées par la révolution ; ces pertes sont évaluées à quatre millions et plus, sur lesquels Anvers seul a perdu trois millions. Vous avez, ajoute-t-il, voté un secours provisoire de 150,000 florins pour les six premiers mois. De cette somme, Anvers aurait dû en toucher les trois quarts, tandis qu'on ne lui a compté que 60,000 florins. (M. B., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice – Une erreur générale me semble dominer cette discussion. On oublie qu'il ne s'agit pas aujourd'hui de discuter les budgets détaillés qui nous ont été présentés, mais seulement d'allouer ou de refuser des crédits qui vous sont demandés et qui sont nécessaires à la marche du gouvernement, en attendant qu'un budget détaillé puisse être voté. Il ne s'agit donc pas de savoir si on allouera 25,000 florins pour le théâtre de Bruxelles ou toute autre dépense semblable, parce que ces dépenses ne sont pas votées. Elles ne le seront que lorsqu'on réglera le budget, et jusque-là il ne faut pas craindre que les sommes que vous allouerez soient appliquées à autre chose qu'à ce qu'on a jugé nécessaire de les appliquer pendant les six premiers mois. (M. B., 20 juill.)

M. Le baron de Failly, ministre de la guerre, est introduit. (M. B., 20 juill.)

M. Jottrand reproduit les observations qu'il a déjà faites sur l'administration de la guerre ; il se plaint que les dépenses n'ont pas été spécifiées par le ministre. Il faudrait cependant, dit-il, connaître cette spécification pour savoir si le ministre mérite assez notre confiance pour que nous lui allouions d'autres crédits. Car si sur neuf millions, par exemple, il en avait employé six à rétribuer (page 581) des généraux ou des officiers à la suite, et trois seulement à l'achat d'armes, ou autres choses aussi nécessaires, il n'y aurait pas lieu de lui continuer notre confiance, mais bien de la lui retirer entièrement. L'orateur répète ce qu'il a dit des crédits de M. le ministre de l'intérieur, qu'il aurait dépassés d'après ses propres spécifications. (M. B., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice – Qu'on me permette d'ajouter un mot à ce que j'ai déjà dit pour la défense de M. le ministre de l'intérieur ; les absents doivent être défendus avec soin. Le préopinant n'a pas fait attention que si les crédits ont été dépassés par mon honorable collègue de l'intérieur, c'est que depuis le jour où il en fit la spécification à la cour des comptes, l’administration de la police a été réunie à son ministère, et les dépenses se sont augmentées de tout ce que coûte la division de la police. (M. B., 20 juill.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt regrette que le temps ne permette pas de s’occuper de la discussion détaillée des budgets. Il demande que les rapporteurs des sections soient invités à déposer au greffe les procès-verbaux de l’examen des budgets, afin que les ministres puissent connaître les observations qui ont été faites et les prendre en considération pour le règlement de leurs dépenses futures. (M. B., 20 juill.)

M. Alexandre Rodenbach – Je demanderai si, dans les derniers six mois, M. le ministre de l'intérieur a payé quelques sommes pour le théâtre de Bruxelles et pour le jardin botanique. J’en suis d'autant plus fâché, que les paysans de ma province ne viennent pas au théâtre de Bruxelles et qu'ils s'occupent beaucoup plus de cultiver des pommes de terre que les plantes rares mais inutiles du jardin botanique. (M. B., 20 juill.)

M. Van de Weyer – Je dois répondre un mot aux observations du préopinant. Le congrès, je l'espère, ne partagera pas son opinion, pas plus que celle de M. d'Hanis van Cannart. L'établissement d'un observatoire dans notre ville y attire trop de considération, trop de lumières ; il y appelle trop d'étrangers pour être jamais une charge pour l'Etat. J'en dirai autant du jardin botanique. Le congrès, en votant une dépense, non pas pour entretenir ces établissements avec luxe, mais d'une manière proportionnée à des besoins justes et modérés, rendra un service signalé à la science ; et rendant service à la science, je n'ai pas besoin de dire que ce n'est pas la ville de Bruxelles seule qui en profite, mais tout le pays. (M. B., 20 juill.)

M. Alexandre Rodenbach – La ville de Gand possède un jardin botanique plus beau et plus riche que celui de Bruxelles ; et elle ne demande aucun secours ; que la ville de Bruxelles en fasse autant. (M. B., 20 juill.)

M. d’Hanis van Cannart répond à M. Van de Weyer qu'il est l'ami de la science ; qu'en cette qualité il ne refuserait pas les allocations demandées si nous étions dans des circonstances ordinaires ; mais que dans un moment où le pays a tant d'autres besoins plus pressants, il ne peut accorder des fonds ni pour le jardin botanique, ni pour l'observatoire, encore moins pour le théâtre. (M. B., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice, fait observer, quant aux deux premiers établissements, qu'il y a des engagements contractés avec le gouvernement antérieur, et dont il faut poursuivre l'exécution. L'observatoire a été fait à la condition que la ville ferait les deux tiers de la dépense, et que le gouvernement payerait l'autre tiers. Le jardin botanique a été fait à l'entreprise, à la condition pour la ville de payer 6,000 florins par an et le gouvernement autant ; ce sont là des conventions qu'il faut exécuter. (M. B., 20 juill.)

M. le baron Beyts – Ce sont en effet des particuliers qui ont créé le jardin botanique, et la ville et le gouvernement se sont obligés à payer aux actionnaires 6,000 florins par an ; quant au théâtre, il n'en est pas question du tout ; on n'a rien alloué pour cela, et on ne vous demande rien. Il ne s'agit pas en effet ici de contrôler telle ou telle dépense ; nous n'avons pas le temps d'entrer dans ces détails, à moins que le congrès ne veuille se perpétuer. (M. B., 20 juill.)

- Un grand nombre de membres quittent leurs places et sortent de la salle. M. le président est obligé de suspendre la séance.

Il est cinq heures ; la séance est reprise à huit heures du soir. (M. B., 20 juill. Et P. V.)

M. le président – M. Beyts avait demandé la parole avant la fin de la séance. (M. B., 20 juill.)

M. le baron Beyts – Je n'avais plus qu'un mot à dire quand l'assemblée s'est séparée. C'était pour répondre à ce qu'on avait appelé une injuste répartition des sommes allouées par le congrès, pour indemniser les personnes qui avaient éprouvé des pertes par suite des désastres de la révolution. On a donné la plus grande partie des sommes allouées à la ville de Bruxelles, c'est très vrai, mais c'était pour le salut de tous que cette mesure a été prise. Il fallait que Bruxelles, point central du pays où refluaient un grand nombre d'hommes sans ressources, fût préservée de l'anarchie. C'est pour donner du travail à tous ces hommes dont le (page 582) désœuvrement eût été dangereux pour la chose publique, qu'on a donné à la capitale du pays la plus grosse part des sommes votées. Le salut général le voulait ainsi. Plus tard, lorsque toutes les indemnités pourront être payées, qu'on égalise ces indemnités, c'est une chose juste et à laquelle je ne m'opposerai pas. La ville de Bruxelles tiendra compte la première de ce qu'elle aura reçu. (Aux voix ! aux voix !) (M. B., 20 juill.)

M. Jottrand rappelle ce qu'il avait dit dans la séance précédente, relativement au défaut de spécialisation des dépenses de la part du ministre de la guerre, et insiste sur la nécessité de restreindre ses crédits autant que possible, afin de le forcer à supprimer les emplois inutiles ou trop rétribués de son département ; parmi ces derniers, l'orateur signale le traitement alloué à l’intendant général de l'armée qui touche 7,000 florins pour la liquidation de sa gestion. Il passe ensuite à l'examen du budget de la marine. Il soutient que si on alloue des crédits à ce ministère, on verra, comme cela est déjà arrivé, construire des canonnières à Boom, et payer ces canonnières 20,000 florins, tandis qu'en Hollande on ne les paye que 12,000 florins. Je tiens d'un officier de marine, dit l'orateur, que lorsque des rapports sont faits à ce ministère sur des abus très graves, on n'y fait aucune attention. Il m'a cité pour exemple ce qui se passe dans la construction des canonnières. On sait que les vaisseaux doivent être construits en bois de premier choix. Eh bien, nos canonnières sont construites d'un bois tel, qu'il aurait été refusé par les officiers de marine, si l'entrepreneur n'eût trouvé le moyen de faire rejeter les réclamations faites au ministère. Aussi assure-t-on que ces canonnières s'ouvriront d'elles-mêmes au premier coup de canon, non pas qui sera tiré sur elles, mais au premier coup qu'elles tireront sur l'ennemi. Ce n'est pas tout, messieurs, et ici j'ai besoin de tout dire : 350,000 florins ont été alloués aux personnes dont les propriétés ont été incendiées ou dévastées pendant la révolution. Sur ces sommes il a été alloué jusqu'ici de très légères indemnités seulement. Et ici, sans affirmer rien officiellement, mais dans le seul but d'attirer de plus près l'attention du ministre de l'intérieur sur ce qui se passe dans ses bureaux, je dirai que j'ai de fortes raisons de croire que des employés de l'intérieur, peu recommandables d'ailleurs par leurs antécédents dans le pays d'où ils nous sont venus, ne gèrent pas avec toute la délicatesse possible les fonds dont la répartition leur est en partie confiée. Ceci, je le répète, n'est pas une accusation, mais un simple avertissement donné au ministre d'être vigilant ; et c'est en même temps un des motifs que je donne pour expliquer mon peu de propension à accorder en aveugle de nouveaux et larges crédits. Tout ce que je viens de vous dire, je l'ai dit pour l'acquit de ma conscience et de mon mandat, et je persiste de plus fort dans ce que j'ai annoncé, que je ne consentirai qu'à accorder un douzième, à la condition encore que le congrès ne se séparera pas sans avoir voté le budget. (C., 21 juill.)

M. le baron de Sécus (père) – Je crois, messieurs, que ce n'est pas le moment d'examiner l'emploi des fonds des divers ministères, ce sera lorsqu'il s'agira de voter sur le budget que cet examen devra avoir lieu, et alors, si on a des récusations à porter contre le ministère, on viendra les preuves en main, et on prononcera. Aujourd'hui il ne s'agit que d'accorder ou de refuser des crédits provisoires, jusqu'au moment où un budget sera voté ; je déclare que je voterai pour tous crédits demandés, même pour celui du ministère de la guerre, quoiqu'on ait dit qu'il était exagéré ; je le ferai, parce que si nous voulons la paix, nous devons nous préparer à la guerre ; guerre imminente, et qu'on aurait peut-être déjà commencée contre nous sans le choléra-morbus. (M. B., 20 juill.)

M. Meeûs critique les dépenses de la guerre, et déclare qu'il ne consentira jamais, après que douze millions ont été votés pour ce département dans les six premiers mois de l'année, à lui accorder un crédit de neuf millions pour le trimestre de juillet. Il y a d'ailleurs, dit l'orateur, une question préalable à décider, c'est celle de savoir si le congrès va se dissoudre. (Agitation.) Pour ma part, je ne vois rien qui l'y oblige. (Murmures.) En vérité, il y a ici une majorité bien impatiente. Je m'occupe tous les jours d'étudier les budgets, et je vois qu'on veut nous imposer des charges que le pays est dans l'impossibilité de supporter. Je demanderai donc qu'on décide si le congrès doit se séparer avant d'avoir voté le budget. Pour moi, je considérerais sa dissolution comme une calamité, si elle avait lieu avant d'avoir posé les bases sur lesquelles doit être entée la prospérité de mon pays. (M. B., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice, fait remarquer que le préopinant est dans l'erreur quand il avance que le ministre de la guerre demande neuf millions pour le trimestre de juillet. Ce n'est que six millions, puisqu'il est dit dans le décret, que des crédits sont alloués aux ministres jusqu'à concurrence de la moitié des sommes qui leur ont été respectivement allouées par le (page 583) décret du 15 janvier dernier. Or, ce décret n'avait alloué que douze millions au ministre de la guerre. L'orateur entre ensuite dans de longs développements pour justifier les dépenses de la guerre, qui ne se sont élevées si haut que parce qu'il a fallu tout organiser dans ce département, et parce que l'armée, qui ne s'élevait dans les premiers mois qu'à vingt ou vingt-cinq mille hommes, a été portée à soixante-huit mille hommes. Quelque fortes que soient les dépenses, il faudrait bien les augmenter encore s'il devenait nécessaire de mettre en activité la garde civique. L'orateur répond ensuite à l'observation de M. Jottrand relative à ce que le ministre de la guerre n'a pas spécialisé ses dépenses. (M. B., 20 juill.)

M. Meeûs – Laissez répondre le ministre de la guerre. Je demande à faire une motion d'ordre. (M. B., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice – Il n'y a pas de motion d'ordre à faire : j'ai la parole et je dois être entendu. Le congrès se souviendra qu'il a adopté un article dans le règlement de la cour des comptes, qui dispense le ministre de la guerre de spécialiser les sommes dont il a besoin, et qui autorise la cour des comptes à les mandater, sauf au ministre à produire les pièces comptables. (M. B., 20 juill.)

M. le président – M. Meeûs a la parole pour une motion d'ordre. (M. B., 20 juill.)

M. Meeûs – C'est inutile maintenant. Je voulais seulement faire observer que ce n'était pas à M. le ministre de la justice à répondre aux interpellations faites à M. le ministre de la guerre. (M. B., 20 juill.)

M. Barthélemy, ministre de la justice – Nous sommes tous solidaires, et j'accepte ma part de responsabilité de tous les actes qui émanent de mes collègues. (M. B., 20 juill.)

M. Trentesaux, se levant vivement – N'oubliez pas ce que vous venez de dire, ne l'oubliez pas ; ne l'oubliez pas ! (Hilarité générale et prolongée.) (M. B., 20 juill.)

M. d’Elhoungne dans un discours remarquable par les faits et les rapprochements, se livre à la critique des budgets présentés par les divers ministres, et il les trouve tous exagérés : il votera cependant les crédits, mais avec certaines restrictions qu'il indique. (M. B., 20 juill.)

M. Charles de Brouckere – Messieurs, il a fallu des circonstances extraordinaires pour me rappeler sur ces bancs ; mais j'ai cru, quand de nouveaux sacrifices étaient demandés aux contribuables, et quand des ministres voulaient précipiter la nation dans le gouffre des déficit, qu'il était du devoir d'un député de mettre de côté toute considération, et de venir défendre au sein de l'assemblée les intérêts de son pays. Après ce début, l'orateur s'étonne que le ministère ose demander un crédit de trois mois sans appuyer cette demande d'aucune explication ; il critique successivement les demandes des divers ministères ; il les trouve exagérées, et il termine en déclarant qu'il votera contre tous les crédits supplémentaires. Cependant, si d'ici à après-demain chacun des ministres voulait exposer franchement et justifier de quelles sommes il a besoin pour le trimestre courant, l'orateur pourrait modifier son vote. (M. B., 20 juill.)

M. Duvivier, ministre des finances par intérim – Le ministère ne devait s'en tenir à aucune allocation spéciale, puisque le congrès n'a adopté aucun des budgets présentés antérieurement. (J. B., 20 juill.)

M. le baron Osy – Dans la section centrale, nous nous sommes trouvés partagés sur l'opinion de savoir si on admettrait l'allocation par chaque ministère. J'étais, et je suis encore de cet avis ; je crois que vingt-quatre heures suffiraient pour que chaque ministère nous dît les sommes dont il a besoin, Si l'on veut opérer ainsi, je voterai les crédits ; sans cela je voterai contre. (M. B., 20 juill.)

M. d’Hanis van Cannart appuie la proposition de M. Osy. Il déclare, au surplus, que si cette opinion n'était pas adoptée, il demanderait la division sur l'article premier, comme le règlement lui en donne le droit. (M. B., 20 juill.)

M. le baron Osy – Je demande qu'une commission soit nommée pour s'aboucher avec MM. les ministres, afin qu'après-demain on puisse discuter le projet qui aurait été arrêté entre eux et la commission. (M. B., 20 juill.)

- De toutes parts – Appuyé ! appuyé ! (M. B., 20 juill.)

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (M. B., 20 juill.)

Du consentement de l'assemblée, le bureau forme la commission chargée de se concerter avec les ministres et de présenter un nouveau projet de crédits pour les divers départements ; elle est composée de MM. le baron Osy, Charles de Brouckere, d'Hanis van Cannart, Serruys et d'Elhoungne. (M. B., 20 juill.)

Proposition de décret tendant à instituer des fêtes anniversaires des journées de septembre 1830

Lecture

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, (page 584) lit une proposition de M. Charles Rogier, relative à l'institution de fêtes anniversaires de la révolution belge. (P. V.)

Projet de décret sanitaire

Rapport de la commission spéciale

M. Defacqz fait un rapport au nom de la commission chargée d'examiner le projet de décret sur la police sanitaire, présenté par M. le ministre de la justice ; il en propose l'adoption moyennant trois modifications qu'il indique, et sans l'une desquelles le projet se trouverait en contradiction avec les lois constitutionnelles de la Belgique. (M. B., 20 juill.)

Discussion des articles

Titre I. De la police sanitaire

Article premier

« Art. 1er. Le chef de l'État détermine par des arrêtés, 1° les pays dont les provenances doivent être habituellement ou temporairement soumises au régime sanitaire ; 2° les mesures à observer sur les côtes, dans les ports et rades, dans les lazarets et autres lieux réservés ; 3° les mesures extraordinaires que l'invasion ou la crainte d'une maladie pestilentielle rendrait nécessaires sur les frontières de terre ou dans l'intérieur.

« Il règle les attributions, la composition et le ressort des autorités et administrations chargées de l'exécution de ces mesures, et leur délègue le pouvoir d'appliquer provisoirement, dans des cas d'urgence, le régime sanitaire aux portions du territoire qui seraient inopinément menacées.

« Les arrêtés du chef de l'État ou les actes administratifs qui prescriront l'application des dispositions de la présente loi à une portion du territoire belge seront, ainsi que la loi elle-même, publiés et affichés dans chaque commune qui devra être soumise à ce régime. »

- Adopté. (P. V.)

Article 2

« Art. 2. Les provenances par mer des pays habituellement et actuellement sains,continueront d'être admises à la libre pratique, immédiatement après les visites et les interrogations d'usage, à moins d'accidents ou de communications de nature suspecte, survenus depuis leur départ. »

- Adopté. (P. V.)

Article 3

« Art. 3. Les provenances, par la même voie, de pays qui ne sont pas habituellement sains, ou qui se trouvent accidentellement infectés, sont, relativement à leur état sanitaire, rangées sous l'un des trois régimes ci-après déterminés :

« Sous le régime de la patente BRUTE, si elles sont, ou ont été, depuis leur départ, infectées d'une maladie réputée pestilentielle ; si elles viennent de pays qui en soient infectés, ou si elles ont communiqué avec des lieux, des personnes ou des choses qui auraient pu leur transmettre la contagion ;

« Sous le régime de la patente SUSPECTE, si elles viennent du pays où règne une maladie soupçonnée d'être pestilentielle, ou de pays qui, quoique exempts de soupçons, sont ou viennent d'être en libre relation avec des pays qui s'en trouvent entachés ; ou enfin si des communications avec des provenances de ces derniers pays, ou des circonstances quelconques, font suspecter leur état sanitaire ;

» Sous le régime de la patente NETTE, si aucun soupçon de maladie pestilentielle n'existait dans les pays d'où elles viennent, si ce pays n'était point ou ne venait point d'être en libre relation avec des lieux entachés de ce soupçon, et enfin si aucune communication, aucune circonstance quelconque ne fait suspecter leur état sanitaire.»

- Adopté. (P. V.)

Article 4

« Art. 4. Les provenances spécifiées en l'article 5 ci-dessus pourront être soumises à des quarantaines plus ou moins longues, selon chaque régime, la durée du voyage et la gravité du péril. Elles pourront même être repoussées du territoire, si la quarantaine ne peut avoir lieu sans exposer la santé publique.

« Les dispositions du présent article et de l'article ci-dessus s'appliqueront aux communications par terre, toutes les fois qu'il aura été jugé nécessaire de les y soumettre. »

- Adopté. (P. V.)

Article 5

« Art. 5. En cas d'impossibilité de purifier, de conserver ou de transporter sans danger des animaux ou des objets matériels, susceptibles de transmettre la contagion, ils pourront être, sans obligation d'en rembourser la valeur, les animaux tués et enfouis, les objets matériels détruits et brûlés.

« La nécessité de ces mesures sera constatée (page 585) par des procès-verbaux, lesquels feront foi jusqu'à inscription de faux. »

- Adopté. (P. V.)

Article 6

« Art. 6. Tout navire, tout individu qui tenterait, en infraction aux règlements, de pénétrer en libre pratique, de franchir un cordon sanitaire, ou de passer d'un lieu infecté ou interdit dans un lieu qui ne le serait point, sera, après due sommation de se retirer, repoussé de vive force, et ce sans préjudice des peines encourues. »

- Adopté. (P. V.)

Titre II. - Des délits, contraventions et peines en matière sanitaire

Article 7

« Art. 7. Toute violation des lois et des règlements sanitaires sera punie :

« De la peine de mort, si elle a opéré communication avec des pays dont les provenances sont soumises au régime de la patente BRUTE avec ces provenances, ou avec des lieux, des personnes ou des choses placés sous ce régime ;

« De la peine de réclusion et d'une amende de 100 à 10,000 florins, si elle a opéré communication avec des pays dont les provenances sont soumises au régime de la patente SUSPECTE, avec ces provenances, ou avec des lieux, des personnes ou des choses placés sous ce régime ;

« De la peine d'un à dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 50 à 5,000 florins, si elle a opéré communication prohibée avec des lieux, des personnes ou des choses qui, sans être dans l'un des cas ci-dessus spécifiés, ne seraient point en libre pratique. .

« Seront punis de la même peine, ceux qui se rendraient coupables de communications interdites entre des personnes ou des choses soumises à des quarantaines de différents termes.

« Tout individu qui recevra sciemment des matières ou des personnes en contravention aux règlements sanitaires, sera puni des mêmes peines que celles encourues par le porteur ou le délinquant pris en flagrant délit. » (P. V.)

M. Nothomb propose de substituer à la peine de mort, prononcée par cet article contre celui qui enfreindrait les lois sanitaires, la peine des travaux forcés à perpétuité. (M. B., 20 juill.)

- Cette proposition, appuyée par M. le baron Beyts, M. Charles Rogier, M. Jaminé, est combattue par M. Barthélemy, M. Lecocq, M. le chevalier de Theux de Meylandt, M. Surmont de Volsberghe, M. Rosseeuw. (M. B., 20 juill.)

L'amendement de M. Nothomb est rejeté, et l’article est adopté. (P. V.)

Article 8

« Art. 8. Dans le cas où la violation du régime de la patente BRUTE, mentionnée à l'article précédent, n'aurait point occasionné d'invasion pestilentielle, les tribunaux pourront ne prononcer que la réclusion et l'amende portée au second paragraphe dudit article.»

- Adopté. (P. V.)

Article 9

« Art. 9. Lors même que ces crimes ou délits n'auraient point occasionné d'invasion pestilentielle, s'ils ont été accompagnés de rébellion ou commis avec des armes apparentes ou cachées, ou avec effraction, ou avec escalade :

« La peine de mort sera prononcée, en cas de violation du régime de la patente brute ;

« La peine des travaux forcés à temps sera substituée à la peine de réclusion, pour la violation du régime de la patente suspecte ; et la peine de réclusion à l'emprisonnement pour les cas déterminés dans les deux avant-derniers paragraphes de l'article 7.

« Le tout indépendamment des amendes portées audit article, et sans préjudice des peines plus fortes qui seraient prononcées par le Code pénal. »

- Adopté. (P. V.)

Article 10

« Art. 10. Tout agent du gouvernement au dehors, tout fonctionnaire, tout capitaine, officier ou chef quelconque d'un bâtiment de l'État ou de tout autre navire ou embarcation ; tout médecin, chirurgien, officier de santé, attaché soit au service sanitaire, soit à un bâtiment de l'État ou du commerce, qui, officiellement, dans une dépêche, un certificat, une déclaration ou une déposition, aurait sciemment altéré ou dissimulé les faits, de manière à exposer la santé publique, sera puni de mort s'il s'en est suivi une invasion pestilentielle.

« Il sera puni des travaux forcés à temps et d'une amende de 500 à 10,000 florins, lors même que son faux exposé n'aurait point occasionné d'invasion pestilentielle, s'il était de nature à pouvoir y donner lieu, en empêchant les précautions nécessaires.

« Les mêmes individus seront punis de la dégradation civique et d'une amende de 250 à 5,000 florins, s'ils ont exposé la santé publique en négligeant, sans excuse légitime, d'informer qui de droit de faits à leur connaissance, de nature à produire ce danger ; ou si, sans s'être rendus complices de l'un des crimes prévus par les articles 7, 8 et 9, ils ont, sciemment et par leur faute, laissé enfreindre ou enfreint eux-mêmes des dispositions réglementaires qui eussent pu le prévenir. »

- Adopté. (P. V.)

Article 11

(page 586) « Art. 11. Sera puni de mort tout individu faisant partie d'un cordon sanitaire, ou en faction, pour surveiller une quarantaine ou pour empêcher une communication interdite, qui aurait abandonné son poste ou violé sa consigne. »

- Adopté. (P. V.)

Article 12

« Art. 12. Sera puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans tout commandant de la force publique qui, après avoir été requis par l'autorité compétente, aurait refusé de faire agir, pour un service sanitaire, la force sous ses ordres.

« Seront punis de la même peine et d'une amende de 25 à 250 florins :

« Tout individu attaché à un service sanitaire, ou chargé par état de concourir à l'exécution des dispositions prescrites pour ce service, qui aurait, sans excuse légitime, refusé ou négligé de remplir ces fonctions ;

« Tout citoyen faisant partie de la garde civique qui se refuserait à un service de police sanitaire, pour lequel il aurait été légalement requis en cette qualité ;

« Toute personne qui, officiellement chargée de lettres ou paquets pour une autorité ou une agence sanitaire, ne les aurait point remis, ou aurait exposé la santé publique en tardant à les remettre, sans préjudice des réparations civiles qui pourraient être dues, aux termes de l'article 10 du Code pénal. »

- Adopté. (P. V.)

Article 13

« Art. 13. Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de 25 à 250 florins, tout individu qui, n'étant dans aucun des cas prévus par les articles précédents, aurait refusé d'obéir à des réquisitions d'urgence pour un service sanitaire, ou qui, ayant connaissance d'un symptôme de maladie pestilentielle, aurait négligé d'en informer qui de droit.

« Si le prévenu de l'un ou de l'autre de ces délits est médecin, l'amende sera de 250 à 2,500 florins. »

- Adopté. (P. V.)

Article 14

« Art. 14. Sera puni d'un emprisonnement de trois à quinze jours et d'une amende de 5 à 25 florins, quiconque, sans avoir commis aucun des délits qui viennent d'être spécifiés, aurait contrevenu, .en matière sanitaire, aux règlements généraux ou locaux, aux ordres des autorités compétentes. »

- Adopté. (P. V.)

Article 15

« Art. 15. Les infractions en matière sanitaire pourront n'être passibles d'aucune peine, lorsqu'elles n'auront été commises que par force majeure, ou pour porter secours en cas de danger, si la déclaration en a été immédiatement faite à qui de droit. »

- Adopté. (P. V.)

Article 16

« Art. 16. Pourra être exempté de toute poursuite et de toute peine, celui qui, ayant d'abord altéré la vérité ou négligé de la dire dans les cas prévus par l'article 10, réparerait l'omission, ou rétracterait son faux exposé avant qu'il eût pu en résulter aucun danger pour la santé publique, et avant que les faits eussent été connu !par toute autre voie, »

- Adopté. (P. V.)

Titre III. Des attributions des autorités sanitaires en matière de police judiciaire et de l'état civil

Article 17

« Art. 17. Les membres des autorités sanitaires exerceront les fonctions d'officiers de police judiciaire exclusivement, et pour tous crimes, délits et contraventions, dans l'enceinte et les parloirs des lazarets et autres lieux réservés. Dans les autres parties du ressort de ces autorités, ils les exerceront concurremment avec les officiers ordinaires, pour les crimes, délits et contraventions en matière sanitaire. »

- Adopte. (P. V.)

Article 18

« Art. 18. Les membres desdites autorités exerceront les fonctions d'officiers de l'état civil dans les mêmes lieux réservés. Les actes de naissance et de décès seront dressés en présence de deux témoins, et les testaments conformément aux articles 985, 986 et 987 du Code civil. Expédition des actes de naissance et de décès sera adressée, dans les vingt-quatre heures, à l'officier ordinaire de l'état civil de la commune où sera situé l'établissement, lequel en fera la transcription. »

- Adopté. (P. V.)

Article additionnel

M. Surmont de Volsberghe présente un article additionnel qui est rejeté. (P. V.)

Titre IV. Dispositions générales

Article 19

« Art. 19. Les marchandises et autres objets déposés dans les lazarets et autres lieux réservés, qui n'auront pas été réclamés dans le délai de deux ans, seront vendus aux enchères publiques.

« Ils pourront, s'ils sont périssables, être vendus avant ce délai, en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de commerce, ou, à défaut, du juge de paix.

« Le prix en provenant, déduction faite des frais, sera acquis à l'État s'il n'a pas été réclamé dans les cinq années qui suivent la vente. »

- Adopté. (P. V.)

Article 20

« Art. 20. Le présent décret sera exécutoire le 25 du présent mois. »

- Adopté. (P. V.)

Vote sur l’ensemble du projet

On procède au vote par appel nominal sur l'ensemble du décret.

122 membres répondent à l’appel.

101 votent pour le décret.

9 votent contre,

2 s'abstiennent.

En conséquence le décret est adopté. (P. V.)

Ont voté contre : MM. Nothomb, le baron Beyts, Devaux, Jacques, Serruys, Charles Rogier, le comte de Bergeyck, Joos, Watlet. (M. B., 20 juill.)

Se sont abstenus : MM. d'Elhoungne, l'abbé Boucqueau de Villeraie. (M. B., 20 juill.)

- La séance est levée à onze heures. (P. V.)