(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 71) (PRÉSIDENCE DE M. de Gerlache)
La séance est ouverte à midi. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre conçue en ces termes :
« Eich, près Luxembourg.
« M. le président, des affaires particulières m'ont empêché jusqu'à ce jour de me rendre au congrès dont j'ai l'honneur de faire partie ; j'espère pouvoir y être rendu à la fin de la semaine prochaine. (Ah ! ah ! ah !) ,
« J'ai l'honneur, etc.
« FENDIUS. » (I., 13 avril.)
- Pris pour notification. (P. V.)
Le même secrétaire donne ensuite lecture d'une lettre de M. Vandenbosch, qui déclare ne pouvoir accepter les fonctions de député au congrès. (I., 13 avril.)
M. de Waha envoie sa démission, motivée sur ce qu'il croit le mandat du congrès expiré par suite de la promulgation de la constitution.
(La lecture de cette lettre excite quelques rumeurs.) (I., 13 avril.)
M. le président – Il y en a encore une autre plus forte. (Écoutez ! écoutez !) (I., 13 avril.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une longue lettre de M. d'Omalius, dans laquelle ce député soutient que le mandat du congrès est expiré, et qu'il ne peut se perpétuer sans être accusé d'envahir tous les pouvoirs. Cette conduite, dit la lettre, est réprouvée par la voix publique. M. d'Omalius, en conséquence, donne sa démission.
(Cette lettre excite à plusieurs reprises les murmures de l'assemblée.) (I., 13 avril.)
M. Alexandre Rodenbach – Je demande l'ordre du jour sur cette lettre inconvenante, et injurieuse au congrès. (I., 13 avril.)
M. le président – Il n'y a pas à délibérer, puisqu'il ne s'agit que d'accepter une démission. (I., 13 avril.)
M. l’abbé Verbeke écrit pour donner sa démission. (I., 13 avril.)
-M. Mary, admis dans une des dernières séances, déclare qu'il ne peut accepter les fonctions de membre du congrès. (C., 13 avril.)
M. le président invite les commissions de vérification des pouvoirs compétentes à faire leur rapport sur l'élection des suppléants appelés à remplacer les députés démissionnaires. (P. V.)
M. Collet sollicite une prolongation de congé, pour cause de maladie ; en cas de refus, il se verrait forcé de donner sa démission. (I., 13 avril.)
- La prolongation de congé est accordée. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :
Plusieurs habitants de Baude réclament contre la gestion de leur bourgmestre.
M. Pierret demande que le gouvernement mette en adjudication les coupes de bois qui n'ont pas été vendues cette année comme à l'ordinaire.
M. Louyet transmet au congrès un essai sur (page 72) le rétablissement en Belgique du système décimal.
Les membres de la commission de la société des sciences naturelles de Liége demandent le rapport de l'arrêté du 29 mars 1817. (I., 13 avril, et P. V.)
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Raikem fait un rapport sur le projet de décret renvoyé à la section centrale dans la séance d'hier, et qui est relatif à l'admission d'officiers étrangers dans l'armée belge. M. le rapporteur annonce que la section ayant consulté M. le ministre de la guerre, celui-ci a déclaré qu'il croyait d'une bonne politique de donner au gouvernement la faculté d'appeler au commandement de l'armée un homme d'une grande renommée militaire ; le nom seul d'un général, ajoute-t-il, peut quelquefois assurer la victoire, il ne faut donc pas négliger un tel moyen de succès. Questionné sur le nombre d'officiers du génie ou d'artillerie dont la Belgique pourrait avoir besoin, le ministre a répondu que le cadre des officiers du génie était complet, mais qu'il nous manquerait des officiers d'artillerie. Vous savez, messieurs, qu'il faut en attribuer la cause à la politique machiavélique du gouvernement hollandais.
Ici M. le rapporteur rappelle les explications données à ce sujet par M. Charles de Brouckere dans la séance d'hier ; après quoi, examinant la constitutionnalité du projet en soi, il déclare qu'en fixant le nombre et en spécialisant l'emploi des officiers étrangers à appeler dans l'armée, la section centrale a cru rester dans les termes de la constitution. M. le rapporteur propose en conséquence l'adoption d'un projet en deux articles : par le premier le congrès autoriserait le gouvernement à employer jusqu'à la paix un général en chef et trois officiers supérieurs étrangers, et dans l'arme de l'artillerie, un colonel, trois chefs de bataillon, douze capitaines et vingt lieutenants et sous-lieutenants. (I., 13 avril.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture d'un projet de décret présenté par M. Barthélemy, ministre de la justice, tendant à fixer les traitements des membres de la haute cour militaire.
M. Barthélemy, ministre de la justice, expose en peu de mots les motifs du projet. (I., 13 avril.)
M. le président – Le projet sera imprimé et distribué et examiné en sections. (P. V.)
L'ordre du jour est la discussion du rapport par M. Raikem. (I., 13 avril.)
M. Isidore Fallon prononce un discours dans lequel il s'attache à prouver que le décret, tel qu'il avait été présenté d'abord, n'était pas constitutionnel. Il examine, pour le prouver, et lit en entier la discussion qui eut lieu sur l'article 6 de la constitution. Enfin, arrivant à la nouvelle rédaction proposée par la section centrale, il l'approuve et déclare qu'il votera en faveur du projet. (C., 13 avril.)
M. le vicomte Desmanet de Biesme – Je doute que les inconvénients qu'il y a à appeler des chefs étrangers ne se fassent pas bientôt sentir. Le ministre a été en erreur quand il nous a dit que l'Amérique avait reçu des chefs étrangers. Quand ils se sont présentés, ils sont entrés dans les rangs comme simples volontaires et ils ont acquis leurs talents et leurs titres dans la guerre de l'Indépendance. Il me répugne de donner à penser dans l'armée qu'aucun de ses chefs n'a été reconnu capable d'être mis à sa tête. La guerre de notre révolution n' a-t-elle pas déjà produit les Niellon et les Mellinet. Quand la première révolution a commencé, la France n'avait d'autres officiers généraux que des nobles, et les Kléber et les Desaix ont battu des généraux formés à l'école du grand Frédéric. C'est seulement en Angleterre ou en France que nous chercherons un chef. En Angleterre, nous adresserons-nous à Wellington ? (Hilarité.) En France, nous trouverons quelques anciens généraux ou des généraux de division qui n'ont jamais combattu. Je crains d'ailleurs beaucoup les chefs étrangers. La fortune de Bernadotte est un antécédent bien séduisant. (J. B., 13 avril.) .
M. Jottrand pense que l'on doit accorder au gouvernement la faculté réclamée pour les cas imprévus. Il pourra se présenter un Lafayette moderne, qui consentira à défendre les libertés du (page 73) monde, en servant dans nos rangs. Les généraux Mellinet et Niellon, qui sont étrangers, ont rendu d'éminents services à notre révolution, dans les journées de Bruxelles, à Berchem, et mille autres endroits, en chassant les Hollandais ; les hostilités reprenant et devant amener une conflagration générale, il ne faut pas que le gouvernement, à cause de la constitution, prive la Belgique des bras et des capacités secourables qui pourraient lui être offerts. La nation belge peut se suffire à elle-même, je le sais ; peut-être dans nos rangs avons-nous des Hoche et des Desaix, qui n'attendent que l'occasion pour se faire connaître. Mais il serait plus qu'imprudent de rejeter une mesure que les circonstances peuvent rendre salutaire. Je voterai pour le projet. (E. 13 avril.)
M. le comte de Robiano prononce un discours contre le projet. Il croit qu'il ne peut tendre qu'à appeler des intrigants étrangers, sans mérite et sans réputation. L'orateur pense aussi que le décret violerait la constitution. (I., 13 avril.)
M. Van de Weyer – Que le congrès y songe bien, il s'agit aujourd'hui de déroger à la constitution, pour accorder un pouvoir exorbitant ; laisser au gouvernement toute latitude pour choisir un commandant en chef de nos armées et d'autres officiers supérieurs, parmi des étrangers, est, selon moi, une mesure qui demande la plus grande réserve, la plus sage circonspection. .
Appeler un homme inconnu, sans à l'avance avoir jeté les yeux ou fait connaître des spécialités d'après lesquelles on pourrait juger des antécédents, serait se livrer aux caprices de l'intrigue, et souvent de la médiocrité. Laisser au gouvernement la faculté de prendre ces chefs et officiers parmi ceux qui pourront se présenter ou ceux qu'il peut avoir l'intention de choisir, c'est courir la chance de compromettre la cause de la révolution. Chercher un homme inconnu, dont la réputation serait européenne, serait selon moi chercher un X. (On rit.)
Que l'on sache que le commandant en chef de nos armées tiendra le sort de la Belgique entre ses mains ; qu'il pourra disposer de nous et de notre honneur national comme bon lui semblera. Appréciant ces graves conséquences, je ne puis abandonner à la merci du gouvernement une des dispositions fondamentales de notre constitution.
Hier, quand la proposition vous a été présentée, si le ministère avait décliné devant moi cinq ou six noms, offrant des garanties à la cause de la liberté, et des talents éprouvés, j'aurais vu jusqu'à quel point il me serait permis d'accorder une confiance à l'un ou plusieurs d'entre eux.
Mais je ne puis donner au gouvernement le pouvoir de créer une dictature, car le commandant en chef de nos armées, je le répète, aura le droit de disposer entièrement de nous. Décréter ce choix en faveur d'un homme qui nous est inconnu, et qui l'est peut-être au ministère, je n'assumerai jamais une telle responsabilité.
On vous a dit : Vous avez accordé 12 millions de florins au gouvernement pour le mettre à même de faire la guerre, et si vous avez eu assez de confiance en lui pour lui voter de l'argent, vous devez nécessairement en avoir assez aussi pour lui donner les moyens d'user, dans l'intérêt de la patrie, du crédit que vous lui avez ouvert. Autre chose est d'accorder des subsides, et d'autoriser un gouvernement à déroger à la constitution, en lui livrant des droits illimités, incertains et peut-être dangereux. J'ai eu assez de confiance pour voter l'emprunt de l2 millions de florins, mais je me refuse en toute conscience, à souscrire au projet qui vous est présenté.
On parle d'illustrations militaires, de réputations universelles, d'amis, de défenseurs de la liberté. Ceux que l'on veut désigner, depuis quinze ans n'ont pas eu l'occasion de se montrer sur les champs de bataille ; savez-vous s'ils ont conservé cette même aptitude, ces mêmes capacités qu'ils possédaient quand ils se couvrirent de gloire.
Eh ! messieurs, parmi ceux qui furent ou qui se donnèrent dans le temps comme les apôtres les plus ardents de la liberté, combien n'en comptons-nous pas parmi les plus vils apôtres et soutiens de l'odieux système de 1814 et 1815 ! Il en est qui ont coopéré à la honte de la France.
N'en avons-nous pas vu qui, après avoir combattu en Portugal la liberté, servi en Grèce pour la liberté, trahir cette cause sacrée. Ils ont vendu leur conscience à la Sainte-Alliance, et sont aujourd’hui les séides du despotisme. Craignons que, sous de fausses apparences, il ne s'offre à nous, et que le gouvernement accepte, un ou plusieurs de ces hommes odieux.
Du sein de la guerre surgiront des talents : les grandes gloires de l'empire français sortirent des derniers rangs de l'armée.
La Belgique n'est pas stérile en valeur, en capacités et en courage. L'amour de l'indépendance et de la patrie donneront une noble émulation à tous nos braves, qui, déjà plus d'une fois, ont prouvé à nos ennemis qu'ils savaient vaincre ou mourir.
Dans notre armée, telle qu'elle est composée (page 74) actuellement, nous avons pu distinguer des chefs habiles et dignes en tout de se mettre à la hauteur de la cause que nous défendons ; de même que, dans cette assemblée, des talents nouveaux et jusqu'ici inconnus ont trouvé l'occasion de briller. Laissons aux hasards de la guerre le soin de nous désigner ceux qui seront dignes de conduire nos phalanges à la victoire. (Nombreux applaudissements.) (E., 13 avril.)
M. Alexandre Rodenbach – J'applaudis de tout mon pouvoir au projet de la section centrale, et je le trouve très constitutionnel. Il nous faut un général en chef et trois officiers supérieurs ; pour une armée qui pourra s'élever à cent mille hommes, ce n'est pas trop. Il nous faut aussi des officiers d'artillerie, puisque M. le ministre de la guerre lui-même convient que nous en manquons. La latitude que le projet donne au gouvernement n'est pas trop grande. Si je ne croyais pas nuire aux officiers belges, je demanderais qu'elle fût plus grande encore. Il ne doit pas y avoir de lignes de douanes pour les héros qui défendent la liberté. (Bravo !) (I., 13 avril.)
M. Jottrand – Les paroles brillantes que nous venons d'entendre n'ont en rien détruit les motifs du projet en discussion ; l'honorable préopinant (M. Van de Weyer) vous a dit qu'il ne pouvait appuyer la proposition parce qu'il craint que le gouvernement ne discerne pas assez les capacités, qu'il n'abuse de la faculté que nous lui laisserions ; mais, messieurs, d'après le changement de rédaction que vous venez d'entendre, il y a une limitation, de laquelle il deviendra impossible de sortir. - L'orateur passe en revue d'autres arguments de M. Van de Weyer. (E., 13 avril.)
M. Devaux, ministre d’Etat – Si déjà le congrès n'était convaincu que la proposition n'a rien d'inconstitutionnel, la nouvelle rédaction aurait aplani toutes les difficultés. La section centrale s'est conformée, bien que je ne partage pas cet argument, à la distinction établie hier, par l'honorable préopinant auquel je réponds (M. Van de Weyer) , entre les cas particuliers et les circonstances particulières. Elle a voulu satisfaire à des susceptibilités tout à fait étranges. Le paragraphe qui vous est présenté rentre absolument dans les termes de la discussion élevée hier. D'après cela j'avais lieu de penser qu'aujourd'hui il n'y aurait nulle difficulté à accorder la mesure réclamée ; il en est autrement, je vous avouerai que ceci a lieu de me surprendre, puisqu'au nombre des adversaires du projet, je vois quelques-uns de ceux qui l'ont provoqué.
Je dirai que le gouvernement n'a pas demandé le décret, il l'a seulement appuyé. Si le décret est rejeté, la position est changée pour le ministère ; vous pouvez décider s'il y aura utilité grande d'appeler les étrangers, mais non s'il y aura nécessité grande. Le rejet prononcé, il devient impossible au gouvernement de faire ce que la nécessité pourrait exiger.
Singularité de l'opposition ! l'honorable député auquel je réponds a été membre du gouvernement provisoire et depuis membre du ministère précédent : des étrangers ont obtenu ou ont été maintenus dans des places, des emplois, sous ces administrations. (E., 13 avrill
M. Van de Weyer – Ils avaient des droits acquis. (E., 13 avril.)
M. Devaux, ministre d’Etat – Il n'y a pas de droits acquis contre la constitution. Je ne vois pas quelle raison on pourrait donner pour s'opposer à ce que le ministère actuel ne puisse faire ce que les précédents ont fait.
On vous a témoigné des craintes, sur l'abus que le gouvernement pourrait faire de la faculté qu'il n'a point sollicitée. Je vais y répondre ; mais avant, je crois devoir détruire des insinuations perfides, parties non de cette enceinte, sur l'hypothèse que le ministère pourrait faire des choix qui humiliassent l'armée. Le ministère sait ce qu'il doit au pays, il ne trompera point son attente, il maintiendra l'honneur national, sa devise est : « Fais ce que dois, advienne que pourra. » Il connaît l'étend de ses devoirs, il saura les respecter dans cette circonstance comme dans tant d'autres. Il n'ira donc pas chercher des chefs qui seraient les ennemis des libertés. Il fera des choix pour électriser l'armée, et non pour blesser son orgueil.
Ce ne sont pas des auxiliaires qu'il nous faut, la Belgique doit se suffire, ce sont quelques officiers. Voyez la Russie, pays éminemment militaire, ses armées sont commandées par des étrangers.
L'honorable député vous a dit qu'une foule d'intrigants viendraient solliciter les emplois conférer à des étrangers, et que nous courrions le risque de nous livrer à des médiocrités ou à des ennemis de notre révolution. Le ministère est là pour nous préserver d'un tel abus, il est responsable de ses actes.
Il vous a parlé ensuite du pouvoir d'un général en chef, il vous a dit que c'était une véritable dictature. Un étranger général en chef n'aura jamais un tel pouvoir, et on oublie que nous vivons sous un gouvernement représentatif ; que le ministre de la guerre sera toujours au-dessus de celui qui commandera nos armées, et qu'il est responsable.
Songez à l'influence morale du rejet, à la (page 75) position du gouvernement ; songez que vous commettriez une haute imprudence, en repoussant le projet tel que la section centrale vous l'a présenté. (E., 13 avril.)
M. de Robaulx – Des doutes se sont élevés sur les intentions qui ont dirigé les signataires de la proposition que nous discutons. J'en suis un, et lorsque je me considère à l'abri des soupçons, je suis bien aise de dire, pour écarter toute arrière-pensée, qu'en signant j'avais en vue une spécialité, un général dont le nom est européen et qui a donné des gages à la révolution de juillet. (Quelques voix : Lamarque.)
El néanmoins, si, par suite de la discussion, le projet m'était démontré inconstitutionnel, je n'hésiterais pas à retirer ma signature.
A ce sujet je dois dire que lors de la discussion de l'article 6 de la constitution, j'avais demandé par un amendement que, lorsqu'il serait question de la nomination d'un étranger à une place, la législature eût seule le droit de le faire et sur une présentation nominative.
Un amendement conçu dans des termes plus larges a été présenté par notre collègue M. Raikem ; il a été adopté ; et j'ai considéré que l'esprit de !elle dernière rédaction ne s'opposait pas à la proposition que j'ai signée.
Telle est ma position quant à la constitutionnalité.
Reste l'opportunité de la mesure. Comme il est possible que nous n'ayons pas tous confiance dans le gouvernement, une déclaration franche du ministère pourrait lever bien des difficultés et peut-être faire taire des insinuations fâcheuses.
En révolution, des éléments homogènes sont nécessaires, et certes nous n'avons pas entendu qu'on choisirait un homme contre-révolutionnaire, par exemple, pour appuyer notre révolution.
Que le ministre s'explique donc, je me contenterai de sa déclaration, et si plus tard il agissait dans un sens contraire, je l'accuserais de trahison. Je lui demande de dire qu'il ne nommera qu'un homme ayant donné des gages à la révolution de juillet.
Je crois nécessaire que M. Lebeau explique quelques paroles prononcées par lui hier et qui peuvent offrir un double sens.
On dit qu'il est dangereux de nommer des généraux étrangers. Mais quels hommes ont donné plus de garanties à notre révolution que les généraux Mellinet et Niellon ? Ils ont acquis leur naturalisation sur le champ de bataille. Nous pouvons nous fier à eux.
Je saisis cette occasion de témoigner mon regret que la brigade de Mellinet soit veuve de son général. Je témoigne mon regret que l'officier prétendûment organisateur, qu'on lui a substitué, désorganise nos volontaires. Je puis dire que des officiers sont poursuivis, chassés dès qu'ils témoignent le moindre regret pour leur ancien chef. J'appelle la sollicitude du ministre de la guerre sur le mal que je lui signale. (E., 13 avril.)
M. Van de Weyer – Je n'ai que deux mots à dire. Mes observations ne proviennent pas précisément de la crainte que le ministère puisse abuser de la loi que nous discutons ; mais lui-même n'est-il pas exposé à être trompé. Il devrait, suivant moi, repousser la latitude immense que le projet lui donne ; car sa responsabilité est en proportion de cette latitude. Il devrait, je le répète, se renfermer dans un certain nombre de noms pour lesquels il nous demanderait autorisation.
On a trouvé étonnant que j'aie soulevé cette difficulté, moi qui, membre du gouvernement provisoire, ai contribué à des nominations d'étrangers ; moi qui, ministre sous le régent, n'ai pas enlevé aux étrangers leurs grades.
Mais on oublie donc que ces étrangers étaient précisément dans des cas particuliers ; on oublie qu'au risque de leur vie ils nous avaient donné des gages. Ces étrangers ont conquis leurs épaulettes dans les glorieuses journées de notre révolution. (E., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien – Je suis, je le déclare, convaincu maintenant de l'inconstitutionnalité du projet présenté. Hier, quand j'entendais M. Lebeau répondre par des paroles si amères à mon honorable ami M. Van de Weyer, je croyais qu'il avait étudié à fond l'esprit de l'article 6 de la constitution, à la discussion duquel il a coopéré. A cette époque j'étais absent. Mais en relisant les journaux, mon étonnement a été bien grand de voir qu'alors M. Lebeau avait une opinion précisément opposée à celle qu'il émet aujourd'hui. Or, voici ce qu'il disait lors de la discussion de l'article 6 de la constitution : « Il y a des hommes cosmopolites, appartenant à la civilisation tout entière, et non à telle ou telle nation. Les repousserions-nous par notre loi s'ils ne voulaient pas perdre leur qualité primitive ? ce serait un mauvais calcul, etc. » Je suis étonné de voir tant de versatilité chez un homme dont les paroles sont quelquefois si âcres. Convaincu de l'inconstitutionnalité du projet, je ne peux lui donner mon vote.
Et mille raisons viennent encore me confirmer dans cette résolution.
C'est le sort de la patrie que nous allons confier à un homme encore inconnu pour nous, tandis qu'au contraire nous devrions connaître ses (page 76) antécédents et sa carrière politique. Fût-ce le premier général du monde, je le redouterais, précisément à cause de ses talents, s'il n'avait donné des gages à la révolution.
Dois-je répondre au reproche qu'on a adressé à l'ancien ministère d'avoir conservé leurs grades aux officiers étrangers ?
Le principe de non-rétroactivité est reconnu par tous. Une constitution pourrait, j'en conviens, avoir cet effet, mais seulement dans des cas déterminés. (E., et I., 13 avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, il se passe dans cette discussion une chose assez étrange. Un projet est présenté par vingt membres de cette assemblée ; le ministère y est étranger ; cependant il prend la défense du projet, et deux auteurs de ce projet le renient. C'est, comme on le voit, un des incidents les plus bizarres de nos débats législatifs. (C., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien interrompt l'orateur. (C., 13 avril.)
M. Lebeau – Je vous prie, monsieur, de ne pas m'interrompre, j'ai le droit d'être entendu ; vous me répondrez si vous croyez que ce que j'ai dit s'adresse à vous.
L'honorable membre poursuit en ces termes : Un projet a été élaboré par vingt membres, il a été mûri avec soin, car il n'est pas probable qu'on propose un tel projet à la légère, et qu'on n'use pas de l'initiative donnée à tous les membres du corps législatif, sans savoir ce qu'on fait. (C., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien interrompt encore l'orateur. (C., 13 avril.)
M. Lebeau – Je vous prie, encore un coup, de ne pas m'interrompre. M. le président a la police de l'audience, et non pas vous. Lorsqu'on a présenté ce projet, on l'a cru constitutionnel, et l'on vient, alors qu'on est membre du congrès, alors qu'on a été le collaborateur de la constitution, alors qu'on a été ministre, on vient nous dire qu'on reconnaît pour inconstitutionnel, ce qu'hier on trouvait très constitutionnel ! Je n'attaque pas ici les intentions, mais lorsque je vois une conversion si subite, il m'est permis de suspecter la solidité de la seconde opinion qu'on vient émettre. (On rit.) Le ministre a soutenu le projet, vous dit-on, et pour le mettre en contradiction avec lui-même, on exhume la discussion qui a eu lieu sur l'article 6 de la constitution ; et au milieu de vingt arguments, on en cite un dont je m'applaudis d'avoir fait usage, puisqu'il est resté si bien gravé dans la mémoire de l'honorable membre ; mais il fallait aller jusqu'au bout, et on aurait vu qu'éclairé par la discussion, j'ai appuyé l'amendement de M. Raikem, qui est diamétralement opposé à l'opinion que j'avais d'abord soutenue. C'est pour repousser une nationalité étroite et mesquine, que j'ai parlé dans la discussion de l'article 6. On n'est pas très heureux en rappelant ce qui s'est passé alors pour combattre l'opinion que je soutiens aujourd'hui.
Messieurs, on a en quelque sorte sommé le ministère d'expliquer ses intentions par rapport au projet du décret ; mais il me semble que c’est nous qui devrions demander des explications aux auteurs de la proposition. On nous demande pourquoi nous n'avons pas désigné les généraux sur qui nous aurions jeté les yeux ; mais pourquoi les auteurs de la proposition ne les ont-ils pas eux-mêmes désignés ? Ils ne l'ont pas fait par une réserve que j'approuve. Il faut n'exclure personne à l'avance par une désignation ; et qu'on ne nous accuse pas d'avoir la pensée de songer à une nation plutôt qu'à une autre. Pense-t-on que si Robert Wilson se présentait dans un moment de crise, nous dussions le repousser ? Non sans doute ; et cependant ce nom, je l'affirme sur l'honneur ne s'était pas une seule fois offert à ma pensée. C'est pour vous dire, messieurs, qu'il est impossible d'exclure qui que ce soit. Qu'on se rassure d'ailleurs : si vous approuvez le décret, nous ne confierons pas le commandement au duc de Wellington, pas plus qu'à Diebitsch. (On rit.) Le ministère ne veut pas se suicider en suicidant la nation ; s'il use de la faculté que vous lui accorderez, il choisira un général qu'il pourra présenter à nos amis comme à nos ennemis. (Bien ! très bien !) (C., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien – Messieurs, au lieu de répondre à l'observation que j'avais faite et qui me paraissait juste, M. Lebeau s’est permis de qualifier à sa manière... (Violents murmures, interruptions.) (I., 13 avril.)
M. le président – Jusqu'ici il n'y a pas eu de personnalités, mais si la discussion commence sur ce ton, il y en aura. Messieurs, il ne faut pas ainsi s'occuper de questions personnelles, nous ne devons tous voir que l'intérêt du pays. (I., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien – On m'accuse de légèreté et de changer d'opinion du jour au lendemain ; il doit m'être permis de répondre. (I., 13 avril.)
M. Lebeau – Je n'ai pas mis de nom propre en avant. (J. B., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien – Le projet de décret a été signé il y a deux jours. La séance (page 77) d'hier a été consacrée à la discussion. Si les scrupules que j'ai manifestés me sont venus, ce n'est qu'après la discussion ; je croirais manquer à mon devoir si j'arrivais ici avec une opinion arrêtée. Sans doute j'arrive avec une opinion formée, mais cette opinion doit se modifier par la discussion. Du reste, par ce que nous a dit le préopinant lui-même, c'est à lui plutôt qu'il faudrait faire le reproche de changer d’opinion d'un instant à l'autre, car il vient de dire qu'il avait appuyé l'amendement de M. Raikem, diamétralement opposé au système qu'il avait d'abord soutenu. (I., 13 avril.)
M. Raikem, rapporteur, demande la parole. (E., 13 avril.)
M. Trentesaux demande la clôture de la discussion générale. (Bruit, agitation.) (J. B., 13 avril.)
- Une discussion assez vive s'élève. (E., 13 avril.)
M. de Robaulx parle contre la clôture. (E., 13 avril.)
- On consent à entendre M. Raikem. (E.. 13 avril.)
M. Raikem, rapporteur – Messieurs, on sent aisément que c'est une question bien grave que celle de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité du décret ; il serait assez singulier que la section centrale, après avoir délibéré une deuxième fois sur le projet, vous eût fait une proposition inconstitutionnelle ; c'est donc pour vous prouver qu'il n'en est pas ainsi que je m'apprête à dire quelques mots sur la question de principe. Nous ne devons pas chercher à éluder l'article 6 de la constitution par des arguments captieux. Si les circonstances exigeaient une dérogation à la constitution, il faudrait le dire franchement, et non chercher à y déroger d'une manière indirecte.
Après ce début, M. le rapporteur retrace tous les incidents de la discussion qui eut lieu à propos de l'article 6 ; il en conclut que la commission s'est scrupuleusement conformée à la constitution en désignant les emplois auxquels il fallait nommer. (I., 13 avril.)
- La clôture est réclamée de nouveau ; elle est mise aux voix et prononcée. (I., 13 avril.)
M. le président lit les considérants du projet ;
« Vu l'article 6 de la constitution ainsi conçu :
« Les Belges sont égaux devant la loi ; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers ;
« Considérant que, dans les circonstances graves où se trouve la Belgique, la défense du territoire peut exiger que des emplois militaires soient, par exception, conférés à des étrangers ; que, par suite du système du gouvernement déchu, les Belges étaient en général écartés des emplois d'officiers d'artillerie ; que le gouvernement actuel doit être mis à même d'accueillir les offres que pourraient lui faire des étrangers connus par leur amour pour la liberté et leurs talents militaires ; mais que la constitution fait un devoir au pouvoir législatif de déterminer, d'une manière particulière, les emplois militaires que le gouvernement pourra conférer à des étrangers. » (I., 13 avril, et A.)
- Ces considérants sont adoptés. (P. V.)
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à employer jusqu'à la paix les officiers étrangers dont la désignation suit, savoir :
« 1° Un général en chef et trois officiers supérieurs ;
« 2° Dans l'artillerie : un colonel, trois chefs de bataillon, douze capitaines et vingt lieutenants et sous-lieutenants. » (A.)
M. Barthélemy, ministre de la justice, propose de retrancher les mots en chef. (I., 13 avril.)
- Cet amendement est appuyé. (I., 13 avril.)
M. Barthélemy, ministre de la justice – Le congrès a certainement le droit d'autoriser le ministère à nommer un généralissime. Mais moi, membre de ce ministère, et sentant tout le danger d'une pareille nomination, je repousse une latitude à l'usage de laquelle je suis résolu de m'opposer.
Comme citoyen, comme membre du congrès, comme membre du ministère, je repousse de toutes mes forces une latitude que je regarde comme effrayante. (E., 13 avril.)
M. le comte Duval de Beaulieu – Les considérations que vient de faire valoir M. Barthélemy sont celles que je voulais faire valoir moi-même. Un chef étranger sera une espèce de mercenaire. (Violents murmures. Les cris Non ! non ! éclatent de toutes parts.) Non ! non ! mais, messieurs, vous vantez sans cesse ceux qui se sont distingués dans les journées de septembre, et aujourd’hui on les emprisonne comme accusés de trahison. (I., 13 avril.)
M. de Rouillé demande des explications. Si on emploie dans le décret le mot de général, tout court, il en résultera qu'on pourra appeler quatre généraux de brigade. (E., 13 avril.)
M. Trentesaux – Il faut apprécier les motifs mis en avant par M. Barthélemy. Le mot de général en chef n'emporte pas l'idée de généralissime. La constitution de la république française (page 78) excluait tout généralissime. Elle avait cependant quatorze armées et quatorze généraux en chef. (E.. 13 avril.)
M. Charles Rogier – Si M. le ministre de la justice recule devant la nomination d'un général en chef, que ce soit un étranger ou un indigène, le danger étant à peu près le même, il se retirera du ministère. Il faut à la Belgique un général en chef. On a dit que ce serait créer une espèce de dictature en faveur d'un étranger ; eh ! messieurs, nous nous sommes trouvés plusieurs mois en position d'avoir un dictateur, alors que l'action du gouvernement ne se faisait sentir nulle part, alors que vingt chefs différents commandaient à la fois ; personne ne s'est avisé de demander ou de s'arroger la dictature, parce qu'on savait bien que le pays qui venait de secouer le joug du despotisme serait peu disposé à retomber sous un nouveau joug. Je dois profiter de l'occasion pour répondre à ces scrupules vraiment étroits qui accueillent tout ce qui vient de l'étranger. Songeons, messieurs, que nous ne sommes que quatre millions d'individus ; si nous nous montrons si difficiles dans l'admission des hautes capacités, quel spectacle donnerons-nous à l'Europe ? Où adresse-t-on aux hommes d'une haute capacité, aux savants, aux littérateurs, cette interpellation : Où es-tu né ? Sont-ce des scrupules raisonnables que ceux qui vous feraient repousser une arme parce qu'elle viendrait d'une fabrique étrangère ? Et devriez-vous renoncer à monter des chevaux allemands parce qu'ils ne seraient pas indigènes ? (On rit.) Tous les hommes qui veulent la liberté sont compatriotes ; il me semble d'ailleurs qu'il y aurait ingratitude à montrer tant de défiance contre les étrangers après les services qu'ils nous ont rendus pendant la révolution, alors qu'il n'y avait pas encore de Belgique. Si dans les journées de septembre, au lieu de leurs bras on leur avait demandé un certificat d'origine, où en serions-nous aujourd'hui ? On veut que le ministère prenne des mesures énergiques, qu'il se prépare à la guerre ; mais il lui manque des officiers, il le déclare, et s'il veut en prendre à l'étranger, on lui dit : Halte-là ! nous ne voulons pas que vous alliez chercher ailleurs ce que vous ne pouvez trouver en Belgique. On a parlé des hommes de septembre qui sont emprisonnés et accusés de trahison : de tous ceux qui sont accusés de trahison et qui ont combattu en septembre, j'en connais un, messieurs ; le reste m'est tout à fait inconnu. (Mouvement.) (I., 13 avril.)
M. Barthélemy, ministre de la justice – Je dois dire à MM. Rogier et Trentesaux que nous ne pouvons guère avoir plus d'une armée. Ne parlons donc pas des quatorze armées de la république française. J'ai pour moi l'expérience d'une autre révolution dans laquelle nous avons été trahis parce que nous avions confié le commandement de notre armée à un général étranger.
Membre du conseil comme je le suis, je déclare que je préférerai me retirer plutôt que de faire un tel choix. (E., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien – C'est dans l'intention du gouvernement lui-même et pour diminuer sa responsabilité que je demande la suppression des mots : en chef. (E., 13 avril.)
M. Trentesaux pense qu'il faudra plus d'une armée pour défendre en même temps le Luxembourg, les Flandres et la Meuse. (E. 13 avril.)
M. de Robaulx – Je veux répondre à une opinion qu'on a émise. A quoi sert, m'a-t-on dit, la déclaration que vous demandez à un ministère qui peut changer ? -Je pense messieurs, qu’au moyen des explications dont nous faisons précéder la loi, si un ministère prétendait plus tard en user dans un sens contraire, nous serions en droit de l'attaquer ; car les ministres doivent prendre les lois avec l'intention que nous leur avons donnée. (E., 13 avril.)
M. le comte Félix de Mérode s’oppose à ce qu'on puisse ôter au ministère la faculté de choisir un officier supérieur partout où il voudra. (E., 13 avril,)
- Quelques membres de l'assemblée prennent encore la parole. (E., 13 avril,)
L'amendement proposé par M. Barthélemy est mis aux voix et rejeté. (P, V,)
La première partie du n° 1° de l'article premier proposé par la section centrale est mise aux voix et adoptée. (P. V.)
On passe à la seconde partie qui autorise la nomination de trois officiers supérieurs. (E., 13 avril.)
M. de Rouillé demande ce qu'on entend par trois officiers supérieurs. (I., 13 avril.)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Vous avez donné la faculté de nommer un général en chef ; maintenant il y a trois officiers supérieurs, parce qu'il faut bien que ce général en chef ait un chef d'état-major, sur qui il puisse compter, et deux aides de camp. (I., 13 avril.)
M. de Rouillé – Qu'on le mette dans le décret. (I., 13 avril.)
- L'amendement de M. de Rouillé est mis aux voix et rejeté. (I., 13 avril.)
M. de Rouillé propose d'ajouter à la (page 79) disposition les mots : au-dessous du grade de général. (A.)
M. Henri de Brouckere demande la question préalable. (I., 13 avril.)
- Elle est mise aux voix et adoptée ; l'assemblée adopte ensuite la deuxième partie du n°1°. (P. V.)
On donne lecture du n° 2° :
« Dans l'artillerie : un colonel, trois chefs de bataillon, douze capitaines, vingt lieutenants et sous-lieutenants. » (E.. 13 avril ,et A.)
M. Charles Rogier propose un amendement ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à admettre dans l'arme de l'artillerie des officiers étrangers, dans la proportion d'un quart au plus du nombre des officiers belges. » (A.)
M. François dit que la première rédaction de la section centrale a été adoptée après avoir entendu le ministre de la guerre sur les besoins éventuels et probables de l'armée. L'amendement de M. Rogier empêcherait d'y satisfaire. (E., 13 avril.)
- L'amendement de M. Charles Rogier est mis aux voix et rejeté, ainsi que des amendements à l'article premier présentés par MM. Nothomb et le baron Beyts. (P. V.)
On met successivement aux voix les diverses dispositions du second paragraphe : elles sont toutes adoptées. (P. V.)
L'article premier est adopté dans son ensemble, tel qu'il a été proposé par la section centrale. (P. V.)
« Art. 2. Les officiers nommés en vertu de l'article premier prêteront, avant d'entrer en fonctions, le serment suivant :
« Je jure fidélité au régent de la Belgique ; je jure de défendre l'indépendance, la constitution et les lois du peuple belge. » (E., .13 avril, et A.)
M. Devaux propose de dire : « Je jure de défendre l'indépendance du peuple belge, et d'obéir à sa constitution et à ses lois, » au lieu de : Je jure de défendre l'indépendance, la constitution et les lois, etc. » (E., 13 avril.)
- L'article est adopté avec ce changement de rédaction. (P. V.)
M. Charles Rogier présente une disposition additionnelle conçue en ces termes :
« Ces officiers pourront, à la paix, demeurer au service de la Belgique, s'ils obtiennent à raison de leurs services des lettres de naturalisation.» (A.)
- Cette disposition est adoptée et forme l'article 3 du décret. (P. V.)
M. Van Meenen fait remarquer que, dans le serment exigé par l'article 2, il n'est question que de l'indépendance, et nullement de l'intégrité du territoire ; il demande qu'on ajoute les mots : l'intégrité du territoire, à ces mots : je jure de défendre. (E., 13 avril, et P. V.)
- Cette addition est adoptée. (P. V.)
M. Devaux propose un article additionnel ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à maintenir dans l'armée les militaires étrangers qui en font déjà partie. » (I., 13 avril.)
- Cet amendement est appuyé. (I., 13 avril.)
M. Alexandre Gendebien et M. Van de Weyer soutiennent que cette disposition affaiblirait les droits incontestables qu'ont ces officiers à la conservation de leurs grades. (I., 13 avril.)
M. de Robaulx repousse cet article comme reconnaissant à ces officiers moins de droits qu'ils n'en ont déjà, tous les grades et emplois conférés avant la constitution ayant été maintenus par cette constitution. (E., 13 avril.)
M. Nothomb propose la rédaction suivante :
« L'article 124 de la constitution est applicable aux étrangers auxquels le gouvernement provisoire a conféré des grades dans l'armée ; ils sont maintenus et admissibles à des grades supérieurs de la même manière que les Belges. » (P. V.)
- Cette rédaction est adoptée ; elle forme l'article 4 du décret. (P. V.)
On procède au vote par appel nominal sur l'ensemble du décret.
122 membres répondent à l'appel
80 membres votent pour.
42 membres votent contre.
En conséquence le décret est adopté. (P. V.)
Ont voté pour : MM. Gendebien (père), Morel-Danheel, Annez de Zillebeecke, Frison, Thienpont, Liedts, Van Innis, l'abbé Dehaerne, Devaux, Buylaert, le baron Beyts, Beaucarne, Ooms, de Selys Longchamps, Pirmez, le chevalier de Theux de Meylandt, Fransman, Cols, Van Snick, Geudens, Claes (de Louvain), Du Bus, Allard, Alexandre Rodenbach, Henri de Brouckere, Dumont, Delwarde, Vander Belen, Mulle, de Coninck, Eugène de Smet, Jottrand, Vandorpe, Baugniet, Roeser, l'abbé Andries, Trentesaux, Serruys, Marlet, Isidore Fallon, Dams, Barbanson, d'Elhoungne, de Roo, de Nef, Goethals-Bisschoff, Coppieters, Zoude (de Saint-Hubert), le marquis de Rodes, Coppens, l'abbé Van Crombrugghe, de Sebille, Cauvin, Henry, le comte Werner de Mérode, de Ville, Van Meenen, le comte Félix de Mérode, le baron d'Huart, Lecocq, de Gerlache, le comte de Quarré, François, Charles Rogier, l'abbé Verduyn, Nothomb, (page 80) le vicomte Charles Vilain XIIII, Vergauwen-Goethals, de Bousies, Lefebvre, Destouvelles, l'abbé Joseph de Smet, Nalinne, le baron de Meer de Moorsel, Charles de Brouckere, Lebeau, Blargnies, Wannaar, Lardinois, le baron de Coppin.
Ont voté contre : MM. Helias d'Huddeghem, Demelin, le vicomte Desmanet de Biesme, Defacqz, Van de Weyer, le baron de Leuze, Bredart, Fleussu, le baron de Woelmont, Hippolyte Vilain XIIII, Domis, Le Bègue, de Rouillé, le baron Joseph d'Hooghvorst, le baron Frédéric de Sécus, le baron de Stockhem, Speelman-Rooman, de Labeville, Alexandre Gendebien, Nopener, le comte Duval de Beaulieu,.l'abbé de Foere, le baron Van Volden de Lombeke, le baron de Viron, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Gustave de Jonghe, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, de Robaulx, le comte de Bergeyck, Seron, le baron de Pélichy van Huerne, de Behr, Thonus, Watlet, Raikem, le baron de Sécus (père), Vandenhove, l’abbé Boucqueau de Villeraie, le comte de Robiano, Meeûs, Maclagan. (I., et E., 13 avril.)
M. de Rouillé demande qu'il soit inséré au procès-verbal qu'il a voté contre le décret. (P. V.)
- La séance est levée à quatre heures. (P. V.)