(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 4) (Présidence de M. de Gerlache)
Les tribunes sont occupées par un public nombreux.
La séance est ouverte à une heure. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
M. le comte de Celles annonce que des affaires de famille l'obligent de prolonger encore, pendant deux mois, son séjour à Paris et offre sa démission.
M. Claus, échevin de Mons, donne également sa démission. Les nombreuses occupations que lui imposent ses fonctions ne lui permettent pas de s'absenter.
M. Peemans donne sa démission parce que la promulgation de la constitution annule, selon lui, le mandat du congrès.
MM. Huysman d'Annecroix et Zoude (de Namur) donnent aussi leur démission, sans expliquer les motifs de leur démarche. (J. F.. et I., 1er avril. et P. V.)
M. le président invite les commissions de vérification des pouvoirs que la chose concerne, à faire le plus tôt possible leur rapport sur l'élection des suppléants appelés à remplacer les démissionnaires. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne communication, de la part du régent, des arrêtés relatifs à la nomination des nouveaux ministres et à la suppression du ministère de la sûreté publique (J. F., 1er avril et P. V.)
- Pris pour notification. (P. V.)
M. Van Snick s'afflige du grand nombre de démissions données, et fait des vœux pour que l'exemple de ce qu'il appelle une défection n'ait pas d'imitateurs, dans les circonstances critiques où se trouve le pays. Il demande que le congrès en témoigne son regret et son improbation. (I., 1er avril.)
M. Forgeur témoigne son étonnement sur l'intempestivité de la proposition de M. Van Snick. Des choses plus sérieuses, dit-il, vont nous occuper avant tout. Les ministres qui viennent de quitter les affaires doivent nous expliquer les raisons qui les ont engagés à se retirer. Ceux qui les remplacent ont à nous développer leur système, leur plan de conduite. Voilà ce dont il faut d'abord nous occuper. Je demande l'ordre du jour. (J. F., 1er avril.)
M. Van Snick explique sa pensée, qu'il prétend ne pas avoir été comprise. (C., 1er avril.)
M. Gendebien, qui avait demandé la parole, y renonce. (J. F, 1er avril.)
- L'ordre du jour sur la proposition de M. Van Snick est adopté. (J. F., 1er avril.)
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :
Quatre distillateurs de Bruges prient le congrès de diminuer l'impôt établi par la loi du 26 août 1822, afin de pouvoir soutenir la concurrence avec le genièvre hollandais et français.
MM. Spinette et Roulez, à Mons, proposent quelques changements à la loi du 8 janvier 1817 sur la milice nationale.
M. Verposten, à Gheluveld, se plaint de ce que l'arrêté portant abolition des leges est éludé par l'administration des douanes.
M. Alexis Quittelier, de Quevaucamps, milicien de la classe de 1830, demande l'autorisation de se faire remplacer.
Treize habitants de Rebaix prient le congrès (page 5) de prohiber le défrichement progressif des bois domaniaux.
L'administration communale de Hautes-Wiheries annonce au congrès qu'elle ne veut d'autre récompense pour prix de sa gestion que l'estime de ses administrés.
M. de Bosman, médecin à Sittard, demande que tous les chirurgiens soient obligés de subir les examens pour le doctorat en médecine.
M. Lehaux, notaire à Capelle, demande que les notaires des deuxième et troisième classes puissent instrumenter dans tout le ressort de la province où ils résident.
Les notaires du canton de Gembloux font la même demande.
Un tanneur de Dixmude prie le congrès de prohiber l'exportation des cuirs verts et salés, ainsi que des écorces de chêne.
Même demande de la part de cinq tanneurs de Courtrai.
Un habitant de Martelange demande le retrait de l'arrêté du 23 janvier 1822 relatif à l'adjudication de la taxe des barrières.
La veuve Roland, à Bruxelles, ne recevant plus la pension que lui doit la Société de Rotterdam, s'adresse au congrès pour obtenir un secours pécuniaire.
M. François présente au congrès un projet de décret pour réprimer les abus de la presse.
Quatre habitants de Verviers prient le congrès de décider la question de savoir devant quel tribunal doivent être continuées les causes qui se rattachent au tribunal récemment établi à Verviers et qui ont été commencées à Liége.
M. Haumont, à Leefdael, présente au congrès différents projets de décret, tendant à envoyer un secours pécuniaire aux Polonais.
L'administration communale et un grand nombre d'habitants de Beernem prient le congrès d'ordonner que les passages avec des bacs dans le canal de Bruges à Gand, soient publiquement affermés.
M. Janssens, de Gand, demande le retrait du décret du 18 novembre. (J. F., 1er avril. et P. V.)
M. le président – M. le ministre de l'intérieur a la parole. (Profond silence.) (I., 1er avril.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, monte à la tribune et lit le discours suivant – Messieurs, depuis que le gouvernement a eu l'honneur de vous convoquer, M. le régent a appelé de nouveaux ministres à la direction des affaires du pays.
L'administration nouvelle ne veut pas paraître devant le congrès sans vous donner, messieurs, quelques explications sur ses intentions et ses vues. Ces explications, nous aurions désiré de pouvoir les rendre complètes et détaillées ; mais vous savez depuis combien peu de temps le ministère est composé.
Loin que les ministres aient pu méditer les détails de leur administration, à peine ont-ils eu le temps de s'occuper des questions les plus générales et les plus importantes du gouvernement.
Peut-être, par cette raison, l'administration nouvelle aurait-elle pu demander quelque délai pour se présenter devant vous, et vous inviter à une nouvelle prorogation de quelques jours ; mais le gouvernement est trop jaloux de votre appui, pour ne pas se féliciter de vous voir déjà réunis près de lui. Le ministère sait trop que c'est des élus de la nation que le pouvoir doit attendre sa force morale pour ne pas s'empresser, messieurs, de vous demander aussitôt votre concours et votre confiance.
Une pensée unique a présidé à la composition du ministère : c'est celle aussi, nous n'en doutons pas, qui va également guider le congrès. Vous verrez comme nous, messieurs, qu'au point où nous en sommes parvenus, il n'y a plus pour la Belgique qu'un seul besoin, une seule question, devant laquelle toutes les autres doivent s'effacer : c'est d’arriver à un état définitif ; c'est d'atteindre, par une marche ferme et prompte, le terme et le but de notre courageuse révolution, sans dévier un seul instant de la ligne d'honneur et de gloire qu'elle s'est tracée. Oui, messieurs, donner une garantie définitive à toutes les conséquences de la révolution belge, aux libertés que vous avez proclamées, à l'intégrité du territoire, tel que la constitution l'a déterminé, à l'indépendance et à la dignité du peuple belge, et surtout à l'exclusion d'une famille que la nation et ses élus ont à jamais repoussée, et dont le retour parmi nous ne pourrait plus amener que le déshonneur, la ruine, une interminable guerre civile et la perspective sans cesse imminente d'une révolution nouvelle plus sanglante que la première : tel est le but vers lequel nous croyons que tous nos efforts doivent se diriger ; et nous espérons que, soutenus par vous, ils ne manqueront ni d'activité ni d'énergie.
La Belgique n'est point isolée en Europe, nous le savons ; mais nous savons aussi ce que peut (page 6) aujourd'hui une nation courageuse qui a pour elle le bon droit et la sympathie des peuples.
Nous ne demanderons pas mieux aux puissances que de pouvoir conserver une position également amie et impartiale entre celles qui nous donneront le même appui ; mais décidés, pour nos relations extérieures, à n'accepter l'influence d'aucun joug humiliant, nous sommes résolus aussi à n'être dupes d'aucune fausse amitié.
Depuis quelque temps, des écrivains qui ne repousseraient ni l'asservissement, ni la ruine, ni l'opprobre du pays, ont cru sans doute que pour être téméraires ils étaient forts, et que pour être généreuse et calme la révolution était faible. Le pouvoir leur a rendu un mauvais service par son extrême respect pour la libre manifestation de la pensée. Nous avons déploré les désordres récents que cette licence a provoqués et que les efforts de la garde civique n'ont pas entièrement prévenus. Nous espérons que l'activité et la fermeté des citoyens armés pour le maintien de l'ordre public, sauront désormais opposer un insurmontable obstacle au retour de ces désordres. Sous ce rapport, le gouvernement ne négligera aucun de ses devoirs. (Note de bas de page : Les pillages de Gand, de Bruxelles et de Liége. A la suite des soulèvements populaires qui avaient eu lieu dans la capitale, le gouvernement fit publier les deux proclamations suivantes :
« HABITANTS DE BRUXELLES !
« Vous avez jusqu'aujourd'hui, et au milieu des circonstances les plus difficiles, mérité le titre de peuple le plus sage et le plus raisonnable de l'Europe.
« Ne cessez pas de vous montrer dignes de vous-mêmes. Ne souillez point notre glorieuse révolution, pure de toute tache.
« Il y a des traîtres ! , s'écrie-t-on ; eh bien, ils seront punis promptement ! mais ce n'est point à vous que la justice a confié son glaive.
« Respect aux lois, aux personnes, aux propriétés.
« Bruxellois ! le RÉGENT a juré de garantir notre indépendance, de maintenir l'exclusion de la maison d'Orange : il tiendra son serment.
« Mais au premier rang des obligations qui lui sont imposées, il place et il placera toujours la conservation de l'ordre
« Point d'orangisme, mais aussi point d'émeutes, point d'excès.
« Bruxelles, le 27 mars 1831
« Le ministre de l'intérieur, E. DE. SAUVAGE. » (E., 31 mars.)
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« LE RÉGENT AUX HABITANTS DE BRUXELLES.
« Des hommes indignes du nom belge, de celui de citoyens, se sont livrés à des excès honteux pendant la journée d'hier et la nuit dernière.
« La garde civique a employé en vain les moyens de persuasion pour arrêter le désordre ; on a été sourd à sa voix
« Le moment est donc arrivé d'ordonner l'emploi de la force publique, pour arrêter le mal dans son principe et préserver la. patrie et la ville de Bruxelles des plus grands malheurs.
« Il n'en sera cependant fait usage qu'après avoir épuisé tous les moyens de douceur et de persuasion.
« Mais malheur à ceux qui, après les sommations légales qui leur seront faites par les magistrats, se refuseront d'obéir !
« Et vous, citoyens de Bruxelles, sachez que l'union, qui est le plus fort lien de la liberté et de la sûreté, n'est pas une chose sur laquelle vous ayez à délibérer, elle est pour vous d'une nécessité pressante, inexorable.
« Qu'avez-vous à craindre si vous êtes unis ? La loi vous arme pour votre défense : elle dit à tous ceux que menace le crime : Protégez-nous les uns les autres. Soyez hommes, et tout rentrera soudain dans l'ordre ; soyez hommes, vous dis-je, et au lieu de vous répandre en lamentations, tendez à vos frères égarés une main en même temps que vous poserez l'autre sur la garde de votre épée.
« Bruxelles, 28 mars 1831.
« E. Surlet de Chokier
« Par le régent ;
« E. DE SAUVAGE. » (I., 29 mars 1831.) (fin de la note)
Malgré des actes coupables sur lesquels nous gémissons tous et que nous sentons la nécessité de prévenir, les derniers jours qui viennent de s'écouler ont montré combien sont vaines les espérances de nos ennemis ; ils connaissaient mal les dispositions du peuple et celles de notre armée aussi brave qu'incorruptible, toujours prête à verser son sang pour l'honneur et la liberté de la patrie, et à désavouer des hommes indignes de figurer dans ses rangs.
Des reproches se sont élevés contre la lenteur de la justice dans la poursuite des crimes contraires à la paix publique, qui lui ont été dénoncés. Le gouvernement s'efforcera autant que le permet le respect qu'il doit à l'indépendance du pouvoir judiciaire, d'obtenir que prompte et impartiale justice soit faite des accusations soumises aux tribunaux.
Le cri de guerre qu'une patriotique impatience fait entendre de toutes parts vous fait également comprendre combien vous pouvez compter sur l'énergie et la bravoure du peuple belge. La nation entière comprend que la Belgique peut se sauver par elle-même. Ce sentiment, vous l'avez déjà prouvé, est aussi le vôtre ; vous ne refuserez pas au besoin les sacrifices dont le pays a compris la nécessité. A ce sujet, messieurs, vous apprendrez (page 7) avec intérêt que notre situation financière est aussi rassurante que le permettent les circonstances, grâce au bon esprit et au patriotisme des citoyens.
Nous ne savons, messieurs, si la guerre avec la Hollande peut encore être évitée ou différée. Si elle peut l'être, ce ne sera assurément que par notre attitude ferme et imposante à l'égard de nos ennemis et par une décision prompte du sort définitif du pays, telle que nous la voulons tous et que nous avons le droit de la vouloir.
Il nous serait permis de vous dire, messieurs, que depuis peu de jours le gouvernement a acquis quelque espoir que l'horizon n'est pas loin de s'éclaircir pour la Belgique ; mais nous savons que ce qu'il faut aujourd'hui à la nation, à vous et à nous, ce ne sont pas de vagues espérances, mais des faits positifs et irréfragables.
Vous jugez sans doute, messieurs, qu'il est impossible aux ministres de vous entretenir dès aujourd’hui des diverses mesures que peuvent nécessiter leurs administrations. Toutefois, messieurs, le ministre des finances aura l'honneur de vous soumettre celles que commande la situation de nos affaires. Le gouvernement prie d'ailleurs le congrès de vouloir s'occuper de quelques projets qui déjà lui avaient été soumis avant sa prorogation.
Les intentions que j'ai l'honneur de vous exposer expriment la pensée unanime du conseil des ministres. Chez tous les bons citoyens les diverses nuances d'opinion se confondent pour arriver à un but commun. A cet égard, messieurs, nous l'espérons, l'accord patriotique qui existe dans le conseil ne sera que l'image de celui qui préside à vos délibérations.
Nous vous promettons activité, fermeté, dévouement ; nous espérons de vous appui et bienveillance ; nous l'attendons aussi de tous les bons citoyens ; ils comprendront que, dans les circonstances où nous nous trouvons, ce n'est pas en s'efforçant d'affaiblir la force morale d'un pouvoir national qu'on peut servir son pays. (I., 1er avril, et A. C.)
M. Alexandre Gendebien (ancien ministre de la justice) – Messieurs, un de nos collègues a pensé que l'ancien ministère devait s'expliquer sur la marche de son administration, je trouve cette demande juste ; pour ce qui me concerne, mes actes sont publics et patents, je les livre à la critique du public et de l'assemblée ; je suis prêt à répondre de chacun d'eux, et je ne reculerai pas devant la responsabilité la plus large. Je saisirai cette occasion pour répondre aux reproches indirects qui m'ont été adressés par M. le ministre de l'intérieur, dans ce qu'il a appelé négligence de la part de la justice. Il doit m'être permis de m'étonner de ce reproche ; aucune plainte, ni publique ni particulière n'est venue jusqu'à moi pendant mon administration. Si l'on a entendu faire allusion à la procédure qui s'instruit à Gand (Note de bas de page : Echauffourée d'Ernest Grégoire. (Voir tome II, page 463, en note)), je déclare que de pareils reproches seraient mal fondés. On peut interpeller mon successeur au ministère de la justice ; qu'il prenne lui-même connaissance des faits, et il dira que les magistrats chargés de l'instruction de cette affaire y ont mis autant de vigueur que de zèle. Le juge d'instruction a passé plusieurs nuits à s'occuper de mettre la procédure en état, et loin qu'il ait mérité quelque reproche, je déclare qu'il était impossible de faire mieux ni plus vite. (I., 1er avril.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – L'honorable préopinant m'a fort mal compris s'il a cru que j'avais taxé la justice de négligence. J'ai dit seulement qu'on s'était plaint de la lenteur des formes de la justice : c'est un fait que j'ai constaté, et qui ne peut tomber à la charge de personne. (I., 1er avril.)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Messieurs, un honorable membre s'est étonné de la retraite soudaine du ministère dont je faisais partie ; un autre membre a manifesté le désir... (I., 1er avril.)
M. Van Snick – Je n'ai pas dit cela : je n'ai parlé que des membres du congrès qui avaient donné leur démission. (Bruit.) (I., 1er avril.)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – J'avais peut-être mal compris notre honorable collègue : dans tous les cas, il est certain que M. Forgeur a exprimé le désir que l'ancien ministère donnât des explications sur la marche suivie pendant son administration. Je me plais à reconnaître que c'est pour nous un devoir impérieux. Aussi j'ai l'honneur d'annoncer au congrès que je déposerai sur le bureau un rapport qui justifiera, en l'expliquant, la marche du ministère, celle même du gouvernement provisoire et de nos relations extérieures (Note de bas de page : Le rapport dont parle l'honorable membre a été présenté à M. le régent le 13 mars 1831, et déposé dans la séance du congrès national du 31 mars). Pour le moment, je n'ai rien de plus à dire ; seulement, après l'exposé qui vient de nous être fait par le nouveau ministre de l'intérieur, je me permettrai une observation. Il (page 8) nous a dit qu'une seule pensée avait présidé à la formation du nouveau ministère ; que cette pensée était d'assurer promptement le succès de notre révolution et l'indépendance de la Belgique. Je suis surpris de voir qu'il y ait eu unanimité dans le conseil sur ce dernier point, car je dois à la vérité de dire, et je le dois comme ancien ministre, comme membre du congrès et comme citoyen, je dois, dis-je, à la vérité de déclarer que la dislocation du ministère est due à cette pensée jetée dans le cabinet par un ministre qui en faisait partie, et qui est encore au pouvoir, qu'il ne pouvait y avoir de salut pour la Belgique sans la réunion à la France. (Vif mouvement.) Comment se fait-il qu'il y ait unanimité sur ce point lorsqu'il y a huit jours, un membre du ministère a exprimé une opinion toute contraire ? Alors de deux choses l'une : ou de nouveaux faits se sont passés depuis huit jours, ou le ministre auquel je fais allusion aurait une mobilité de sentiments et d'opinions dont il serait permis de s'étonner. Dans les deux cas, je serais bien aise que le ministère nous donnât quelques explications à ce sujet. (Agitation.) (I., 1er avril.)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Messieurs, je ne pensais pas que des faits qui se sont passés dans le cabinet dussent être révélés à cette tribune. C'est de moi que le préopinant a voulu parler, mais, je dois le dire, il a complètement dénaturé les faits ; voici ce qui s'est passé : Quatre jours avant de donner ma démission au régent, arrivant dans son cabinet avec quelques-uns de mes collègues, nous fûmes interpellés sur la situation des affaires ; appelé à répondre le premier, je dis qu'il me semblait qu'il y avait conspiration flagrante pour ramener parmi nous le prince d'Orange ; j'ai ajouté que plutôt que de souffrir cette humiliation, il vaudrait mieux faire un appel à la France. Un autre de nos collègues prit la parole après moi, il émit une opinion différente ; je n'ai pas besoin de dire laquelle ; mais je dirai que nous nous retirâmes ensemble et qu'il me dit en sortant qu'il voyait en partie la chose comme moi. Des lettres qui ont été depuis publiées par les journaux me dispensent d'entrer dans de plus grands détails ; je dis au surplus au régent que, ne trouvant pas de moyens pour sortir promptement de la crise où nous nous trouvions, je donnais ma démission, faisant des vœux pour qu'on me donnât un successeur plus habile. J'avais encore d'autres raisons pour donner ma démission, et puisqu'on m'y contraint, je dirai que je ne pouvais pas rester au cabinet avec l'honorable préopinant. (Mouvement et sensations diverses). Mais, messieurs, quand on m'inculpe, il doit m'être permis... (I., 1er avril.)
M. de Robaulx – Je demande la parole pour un rappel à l'ordre. Nous sommes ici pour nous occuper des intérêts du pays, et non pour entendre débattre de misérables questions personnelles ; je demande qu'il soit passé à l'ordre du jour et que les explications qui n'ont rapport qu'à des questions de personnes n'aillent pas plus loin. (Appuyé ! appuyé !) (I., 1er avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – J'apprécie la justesse des observations de l'honorable M. de Robaulx, mais je les trouve un peu tardives. Ce n'est pas lorsqu'on a écouté l'attaque en silence que l'on peut refuser d'entendre la défense. Lorsque M. Van de Weyer a soulevé la question de personnes, si, par le besoin que nous avons tous de rester unis pour l'intérêt du pays, il avait porté l'assemblée à demander que cette discussion n'eût pas lieu, j'aurais appuyé la motion de toutes mes forces ; maintenant il est trop tard, le droit de défense est sacré, et puisque l'attaque a été écoutée, je demande que le ministre attaqué ait le droit de se défendre. (Appuyé ! appuyé !) (I., 1er avril.)
M. Forgeur – Messieurs, je crois que ma conduite parlementaire, depuis que j'ai l'honneur de siéger au congrès, ne permettra à personne de douter de mes sentiments, lorsque j'ai émis le vœu d'entendre le ministère sortant nous donner des explications. Ce ne sont pas des questions de personnes que je désirais voir discuter. J'étais préoccupé d'intérêts plus graves ; je voulais savoir quelle avait été la conduite du ministère pendant la prorogation du congrès ; je voulais savoir aussi la marche que se proposait de suivre celui qui lui a succédé, afin de savoir sur qui nous devions nous appuyer dans les circonstances périlleuses où nous nous trouvons. Voilà, messieurs, quelle a été ma pensée ; je n'ai vu, en émettant ce vœu, que l'intérêt de mon pays et celui de la révolution qui aurait bien pu mourir de sa belle mort, si l'énergie populaire n'avait suppléé à ce qui manquait de force au' gouvernement. (Agitation.) Je vote du reste pour que M. le ministre des finances soit entendu. (I., 1er avril.)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Je n'insisterai pas davantage sur les détails personnels, ni sur des faits qui justifieraient pleinement ma conduite s'il en était besoin. Je dirai seulement que j'ai offert au régent de rester au ministère des finances et d'y travailler en sous-ordre ; je l'ai prié de me remplacer par un administrateur plus éclairé, à qui j'étais (page 9) prêt à obéir et à l'aider de mes conseils. Ce ne sont pas là des propositions d'un homme sans patriotisme et qui aime le pouvoir. Les offres que j'ai faites, je les renouvelle aujourd'hui ; car je ne tiens pas le moins du monde à conserver le portefeuille ; ce n'est aucunement dans mes goûts : j'ai été trop longtemps de l'opposition pour aimer le pouvoir. (I., supp., 1er avril)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Je suis surpris qu'on ait pu considérer la question que j'ai soulevée comme une question de personnes. Je déclare pour moi que je n'ai vu qu'une question de choses. Il s'agissait de l'indépendance de la Belgique. Il y a huit jours le préopinant en désespérait, aujourd'hui il est, messieurs, avec ses nouveaux collègues pour en assurer le maintien ; il en résulte que l'honorable membre a trouvé pour cela d'autres moyens que ceux qu'il connaissait il y a huit jours. Toujours est-il qu'il ne s'agissait pas d'une question de personnes, mais de l'existence de la Belgique comme État indépendant, et j'ai dû demander des explications. (I., supp., 1er avril)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Il faudrait d'abord s'entendre sur la définition des mots avant de discuter sur les choses. Et moi aussi je veux autant que qui que ce soit, et je crois l'avoir assez prouvé, l'indépendance de mon pays. Mais je ne veux pas son indépendance à tout prix ; je n'en voudrais pas avec le roi déchu ; je n'en voudrais pas avec une restauration qui nous rendrait la fable et la risée de l'Europe ; et si nous ne devions l'espérer qu'avec cette odieuse combinaison, ah ! je n'hésiterais pas à préférer mille fois la réunion à la France. Or il me semble qu'un ministre accablé de travail, pressé de s'expliquer sur la situation du pays, alors qu'il voyait de toute part conspirer ouvertement pour appuyer le retour du prince d'Orange, a pu parler de faire un appel à la France, sans être un ennemi de l'indépendance nationale. Je le déclare donc, nous la voulons tous cette indépendance ; mais mille fois plutôt la réunion à la France que d'acquérir l'indépendance au prix d'une restauration. (I., supp., 1er avril)
M. Jottrand – J'admets qu'il ne faut pas de l'indépendance à tout prix, mais je ne pense pas que ce ne soit que par un seul moyen que nous puissions la conserver. Il en est un auquel il faut avant tout songer, c'est la guerre avec la Hollande. (Marques d'assentiment.) Il faut que le ministère adopte une marche ferme à l'intérieur, qu'il dirige avec dignité les relations extérieures et qu'il ose dire, non pas : Nous voulons de l'indépendance à tout prix ; mais : Nous en voulons, même au prix d'une guerre avec la Hollande. (Bravos dans l'assemblée et dans les tribunes. agitation prolongée.) (I., supp., 1er avril)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Messieurs, dans les premiers jours du mois de mars, je proposais au congrès deux moyens de subvenir aux besoins de l'État : l'un ne fut pas approuvé par vous ; l'autre n'a pu encore se réaliser. Cependant des offres m'avaient été faites, et si elles n'ont pas été tenues, c'est à cause de la dépréciation des fonds publics. Du 1er au 7 mars, les fonds français ont fléchi de 90 à 83, et depuis cette époque le gouvernement français a parlé de faire un emprunt de 200 millions. Dans ces circonstances, je viens vous proposer de nommer une commission d'enquête pour constater l'état de nos finances et pour juger, si la nation est obligée de s'imposer de nouveaux sacrifices, des meilleurs moyens à prendre pour cela. Je ferai à cette commission toutes les communications relatives à la négociation de l'emprunt. Mon but n'est point d'éviter par là la publicité ; car on sentira aisément que divulguer les négociations commencées, ce serait en amener la rupture. Je n'ai pas cru devoir accepter les conditions qui m'ont été faites ; mais la commission que vous nommerez pourrait en penser autrement : je demande donc qu'elle soit nommée afin qu'elle se mette immédiatement en rapport avec moi. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – Je crois devoir m'opposer à la proposition insolite de M. le ministre des finances. On vient toujours nous faire des propositions dont on ne peut prévoir ni le but ni la fin : je voudrais qu'avant de nous faire de semblables demandes, le ministère nous expliquât franchement la marche qu'il se propose de suivre : je voudrais qu'il nous fît part des mesures qu'il a prises, après trois jours de dévastation sur toute la surface de la Belgique, pour punir les auteurs de pareils désordres et pour en empêcher le retour. Il y a eu une conspiration flagrante pour opérer une contre-révolution ; des hommes ont été jetés dans les fers, pourquoi n'a-t-on pas fait connaître le résultat des enquêtes ? J'avais demandé des améliorations dans les administrations diverses ; plusieurs autres membres l'avaient demandé comme moi, on a été sourd à nos prières. Est-il étonnant que des conspirations se trament sous (page 10) des administrations à la tête desquelles sont des agents de l'ancien gouvernement ? (Bravo ! bravo !) (I., supp., 1er avril)
M. le président – Silence ! messieurs. Il me semble que l'orateur n'est pas dans la question.. Il ne s'agit pas maintenant de la proposition que vous avez déposée sur le bureau et qui est relative aux émeutes ; quand elle sera en discussion, les réflexions auxquelles vous vous livrez seront à leur place, mais maintenant il ne s'agit que de la proposition de M. le ministre des finances. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – C'est aussi sur la proposition de M. le ministre que je parle ; et je dis qu'avant d'accorder ma confiance au ministère et d'appuyer les demandes qu'il peut faire, je suis en droit d'exiger qu'il nous fasse connaître ses actes et ce qu'il entend faire pour le salut du pays. Je suis, ce me semble, tout à fait dans la question. Si le congrès pense autrement… (I., supp., 1er avril)
- De toutes parts – Parlez ! parlez ! (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – On dit que les contributions ne rentrent pas : mais est-ce étonnant lorsqu'on voit des percepteurs engager les contribuables à ne pas payer dans la crainte d'être exposés à payer deux fois ? Ces faits sont-ils vrais, oui ou non ? (Oui ! oui !) Si l'emprunt n'a pas réussi, que le ministre avoue qu'il avait mal pris ses mesures, ou que les événements ont été plus forts que ses prévisions ; qu'il trouve en lui des moyens de suppléer à cette opération et qu'il nous propose d'autres moyens : mais je ne veux pas qu'une commission soit nommée, car elle prendrait sur elle une partie de la responsabilité qui doit peser tout entière sur le ministre. (I., supp., 1er avril)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Les journaux m'avaient révélé deux faits de la nature de ceux dont vient de parler le préopinant : l'un était à la charge d'un percepteur de la Flandre occidentale ; j'écrivis aussitôt au gouverneur de la province, qui m'écrivit pour le démentir. L'autre se serait passé à Bruxelles ; le contrôleur et un inspecteur des contributions furent chargés de prendre des renseignements ; on alla jusque chez les journalistes qui avaient avancé le fait ; il ne fut nullement justifié. (I., supp., 1er avril)
M. Alexandre Rodenbach affirme que presque tous les percepteurs de la Flandre occidentale sont orangistes ; il demande qu'une enquête soit faite à cet égard. L'honorable membre insiste aussi pour que la guerre soit reprise avec vigueur contre la Hollande ; il pense que c'est un meilleur moyen d'en finir que de songer à se jeter dans les bras de la France. (I., supp., 1er avril)
M. Eugène de Smet – Comment peut-on dire que les gouverneurs des provinces n'ont point reçu de plaintes contre les employés subalternes de l'administration des finances, et particulièrement contre les percepteurs des contributions, qui, au lieu d'accélérer la rentrée des contributions, ont souvent le patriotisme orangiste de dire aux contribuables : Ne payez point si vite, vous risquez de payer deux fois sous peu ! Ces faits sont patents, et il me semble bien étrange que M. le ministre des finances ignore que son administration est remplie d'inspecteurs, contrôleurs et percepteurs orangistes, et je me tromperais fort s'il n'y en avait pas même dans ses propres bureaux. (J. F., 1er avril.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt – J'applaudis à la proposition de M. le ministre des finances, et je voterai pour la nomination d'une commission chargée de faire une enquête sur notre état financier ; mais loin de moi d'appuyer la négociation de l'emprunt. L'emprunt n'a été voté que d'urgence et parce qu'il était nécessaire d'assurer le service au moment où le congrès allait se séparer. Mais aujourd'hui que nous voilà réunis de nouveau, nous pouvons examiner avec maturité les projets qui pourraient nous être présentés sur d'autres voies et moyens. J'appuierai pour ma part le projet d'une contribution extraordinaire. (I., supp., 1er avril)
M. Alexandre Gendebien – Je pense que la proposition ne peut pas être prise au considération. Rien de mieux, s'il le juge utile, que M. le ministre des finances s'entoure de financiers éclairés qui l'aideront de leurs conseils, mais qu'il nomme lui-même cette commission et qu'elle agisse officieusement avec lui ; mais nommer une commission prise au sein du congrès, c'est ce qui me paraît impraticable, car cette commission partagerait nécessairement la responsabilité du ministre, et c'est ce qu'il faut éviter. (I., supp., 1er avril)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, il me semble qu'on a mal interprété la proposition du gouvernement ; le ministre ne vient pas réclamer la confiance du congrès pour conclure l'emprunt, il en est déjà dépositaire. Le gouvernement a été autorisé à contracter un emprunt ; nanti de cette autorisation, il peut le négocier. Déjà il a pu le contracter ; il n'a pas cru (page 11) devoir le faire aux conditions qui lui étaient offertes. Cependant les circonstances sont telles, qu'il serait possible que quelques membres crussent devoir procurer à l'État des ressources à tout prix ; il n'est donc rien de plus constitutionnel que de mettre le congrès à même de juger ces conditions. C'est un hommage rendu à la puissance du congrès, et c'est en même temps lui fournir l'occasion de prouver sa sollicitude pour le bien de la nation. Mais, a-t-on dit, avant d'adopter les propositions ministérielles, il faudrait savoir si le ministère mérite notre confiance, et, à cette occasion, on a parlé de la conspiration qui vient d'être déjouée. Mais il me semble que l'origine de la conspiration n'est pas d'hier. Avant d'éclater, il faut qu'une conspiration soit conçue, qu'elle s'organise, qu'elle prépare les moyens d'exécution ; tout cela demande du temps, et, s'il y a eu réellement conspiration, elle a pris naissance sous l'ancien ministère, et non sous celui-ci. Nous, qui ne sommes au pouvoir que d'hier, nous n'avons pu suivre les fils de cette conspiration ; nous arrivons comme vous, et ce n'est qu'en arrivant que nous avons su ce qui se passait. Déjà cependant, et lorsque le ministère n'existe que depuis deux jours des arrestations ont eu lieu, et bonne et prompte justice sera faite. Mais le pouvoir ne peut pas méconnaître l'indépendance des tribunaux, ni éviter les lenteurs et les formalités tutélaires de la justice. Quant aux épurations à faire dans les administrations, avant d'y procéder, nous avons besoin de connaître le personnel, d'avoir des renseignements précis, car on ne doit pas agir légèrement lorsqu'il s'agit de destituer des employés, pères de famille, qui peut-être, par des explications personnelles, feraient tomber les accusations dont ils sont l'objet, en prouvant qu'elles sont dictées par la passion. A ce propos, je dirai un seul mot des épurations à faire dans la magistrature dont a parlé l'un des préopinants. La magistrature ne peut-être épurée que par une loi. Si vous croyez l'épuration nécessaire, commencez par nous accorder cette loi. Jusque-là, nous nous en tiendrons à ce qui est, car, avant tout, nous devons observer la constitution. On a dit que les contributions ne rentraient pas. Un fonctionnaire qui est au-dessus de moi m'assure le contraire. Au reste, nous pouvons dire d'ores et déjà que les services pour le mois prochain sont assurés : à moins qu'il n'arrive des événements extraordinaires, rien ne sera donc en souffrance ; il faut donc assurer les services pour l'avenir, ct c'est dans ce but qu'on vous a fait la proposition. Quant à moi, je n'insisterai pas davantage pour qu'elle soit adoptée. Si le congrès pense qu'il suffit au ministre de s'entourer des lumières officieuses de quelques financiers, le ministre verra ce qu'il a à faire ; mais en proposant de nommer une commission dans votre sein, le gouvernement n'a pas eu en vue d'éluder la responsabilité, et, je le déclare, jamais il ne la répudiera. (I., supp., 1er avril)
M. Van Snick appuie la proposition de M. le ministre des finances. (C., 1er avril.)
M. Van de Weyer reproduit contre la proposition l'argument déjà avancé par plusieurs préopinants, qu'une commission assumerait sur elle la responsabilité de l'emprunt, alors que le ministre déclare qu'il n'a pas voulu en accepter les conditions. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – Aux raisons déduites par le préopinant, j'ajouterai que, puisqu'on ne veut que s'éclairer, on n'a pas besoin d'une décision du congrès : prenez qui vous voudrez pour former votre commission consultative, et vous serez ainsi beaucoup moins restreint dans votre choix. Si nous nommions une commission pour cet objet aujourd'hui, demain on en demanderait une autre, et, en définitive, nous aurions des ministres salariés et c'est nous qui ferions la besogne. (On rit.) On n'a pas voulu contracter un emprunt qu'on trouve onéreux, et voilà qu'on veut se créer des appuis factices, auxquels je ne donnerai jamais le mien. Je vote contre la proposition. (I., supp., 1er avril)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Je n'ai pas prétendu rejeter sur personne la responsabilité qui pèse sur moi seul et que j'accepte tout entière. J'ai dit que je désirais qu'une commission connût les démarches que j'ai faites pour négocier l'emprunt, et les offres qui m'ont été faites. Je ne peux pas faire connaître ces conditions au congrès : ce serait sans doute le moyen de faire manquer l'opération ; il n'y aurait aucun inconvénient, au contraire, à ce qu'une commission en eût connaissance. (I., supp., 1er avril)
M. Jottrand – Il n'y a pas deux congrès ici. Ou le ministre est capable de négocier l'emprunt et de subvenir aux besoins du trésor, ou il ne l'est pas. Dans le premier cas, il n'a pas besoin d'une commission ; dans le second cas, s'il y a hésitation, incertitude, que le ministre se retire. La commission que l'on demande ne me parait qu'un congrès au petit pied, qui réglerait en définitive des choses qui ne sont pas de sa compétence ou qui ne doivent être réglées que par le congrès en entier. (I., supp., 1er avril)
M. le comte Duval de Beaulieu – Si la commission que l'on propose a pour but de (page 12) diminuer la responsabilité du ministre, je m'opposerai à la nomination ; mais si j'ai bien compris l'état de la question, le ministre, n'ayant pu réaliser l'emprunt, demande de nouveaux moyens pour assurer les besoins du trésor. Mais avant d'accorder de nouveaux moyens, on demandera pourquoi les ressources votées n'ont pas été réalisées. Le ministre pense que, s'il le disait, la publicité empêcherait l'opération. Le ministre préférerait pouvoir dire : Une commission prise dans votre sein pense de telle ou telle manière sur l'emprunt projeté. Je ne vois rien que de naturel dans ce vœu. J'appuie donc la proposition parce que c'est le seul moyen d'arriver au but sans craindre les inconvénients de la publicité. (I., supp., 1er avril)
M. Devaux – Je m'étonne que les députés qui se sont prononcés le plus énergiquement pour la guerre et qui sans doute la croient nécessaire, soient précisément ceux qui s'opposent le plus vivement à une mesure qui peut seule nous mettre à même de la faire. On vous propose de nommer une commission. Est-ce pour décliner la responsabilité ? Non, mais pour s'éclairer sur les moyens les meilleurs et les plus prompts de nous mettre sur un pied respectable. Les circonstances sont pressantes. Assez de temps a été perdu ; le moyen qu'on vous propose a pour but d'éviter d'en perdre davantage. J'approuve donc l'adoption de la proposition. (I., supp., 1er avril)
M. Forgeur – Messieurs, de quoi s'agit-il ? de la nomination d'une commission pour voir si le ministre a eu raison de ne pas conclure l'emprunt. Ce n'est pas ainsi, ce me semble, que le congrès doit procéder. La commission ne sera-t-elle que consultative ? mais dans ce cas, pour moi, la véritable, la seule commission à consulter, c'est le conseil des ministres. Si l'emprunt est reconnu par ce conseil ne pouvoir être contracté, que le ministre propose d'autres voies et moyens. Pour ma part je m'y attendais ; et lorsque j'ai vu que nous étions convoqués avant le temps, je pensais qu'on nous proposerait de voter une contribution extraordinaire, garantie sur les domaines de l'Etat, la mobilisation de la garde civique et d'autres mesures semblables pour amener à une conclusion définitive. Rien de cela, nous sommes ici, nous dissertons sur des propositions oiseuses. S'agit-il au contraire de charger une commission de proposer des mesures financières ? Jamais le congrès ne devrait prendre l'initiative pour cela. Une commission tendrait à décharger le ministre de sa responsabilité. D'un autre côté l'hésitation que l'on a montrée est un discrédit complet jeté sur l'emprunt, il ne peut plus en être question. Mieux vaut cent fois un emprunt forcé ; et rapportez-vous au patriotisme des contribuables pour le remplir. Vous avez besoin d'argent, demandez-en et ne nous faites pas gaspiller un temps précieux, en soumettant à nos discussions des mesures qui ne peuvent nous mener à rien. Voilà, messieurs, comment je conçois la marche du gouvernement et par quels moyens nous sauverons une révolution qui ne peut être mise à fin qu'à force d'énergie. (Très bien.) (I., supp., 1er avril)
M. Jottrand – Si le ministère n'a pas osé prendre sur lui de contracter l'emprunt, personne ici n'osera proposer de le conclure. La commission perdra donc son temps et nous fera perdre le nôtre.
Ceci me fait craindre que le nouveau ministère ne soit aussi irrésolu que le précédent, car jusqu’'ici... Je m'arrête. (On rit.) Je demande que le ministère fasse l'emprunt s'il croit devoir le faire, et dans le cas contraire, qu'il nous propose sans délai d'autres voies et moyens. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – D'après ce que le ministère nous a fait pressentir, il est aisé de voir que nos fonds sont en baisse ; je saisis cette occasion pour rappeler au ministre des affaires étrangères qu'il est essentiel que le congrès sache où en sont les négociations diplomatiques avec les puissances. Plusieurs courriers sont arrivés ces jours derniers, nous devons savoir les nouvelles qu'ils ont apportées ; en attendant je demande la clôture de la discussion. (1. supp., t" avril.)
M. Alexandre Rodenbach – Quand un gouvernement a besoin d'argent, il faut le dire franchement : qu'il nous en demande pour faire la guerre à la Hollande, et nous nous empresserons de le voter. A ce sujet je rappellerai au ministre des finances que les contributions de 1829 et de 1830 ne sont pas encore rentrées intégralement, et qu'il doit prendre des mesures pour contraindre les retardataires. (I., supp., 1er avril)
M. Devaux – Il faut commencer par rendre au nouveau ministère la justice qui lui est due, Ce n'est pas lui qui a convoqué le congrès, et M. Forgeur a eu tort de s'étonner qu'il n'ait pas soumis des projets de décret, dès le premier jour. Mais le pouvait-il lorsqu'il n'est formé que depuis deux jours, et qu'il n'a pas encore pu se réunir une seule fois ? La proposition a pour but d'abréger les lenteurs des formes ordinaires, le ministère a fait tout ce qu'il a pu jusqu'ici ; on ne peut sans injustice lui adresser le moindre reproche. (I., supp., 1er avril)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – (page 13) Le congrès, dit-on, a été convoqué par l'ancien ministère. Cela est vrai, mais pourquoi ? précisément pour proposer des moyens financiers. Il s'est écoulé quinze jours depuis la convocation. Nous voilà réunis, qu'on propose donc ces moyens, et qu'on ne compte pas sur une commission pour les préparer. (l., supp., t" avril.)
M. Forgeur revient sur la nécessité de prendre des mesures énergiques. (C., 1er avril.)
- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée. (I., supp., 1er avril)
M. le président donne lecture de la proposition de M. le ministre des finances ; elle est conçue en ces termes :
« Je propose la nomination d'une commission chargée d'examiner les propositions d'emprunt et les démarches faites sur ce point, et d'éclairer le gouvernement sur les propositions à faire pour subvenir aux besoins extraordinaires. » (I., supp., 1er avril, et A.)
M. Jottrand demande la division, et propose que l'on vote à part sur la dernière partie de la proposition. (C., 1er avril.)
- La division est rejetée. (P. V.)
La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix ; dix à douze membres seulement se lèvent pour. En conséquence elle est rejetée. (Sensation.) (C., 1er avril. et P. V.)
M. le président lit une proposition ainsi conçue :
« Le congrès national décrète :
« Une commission de cinq membres, prise dans le sein du congrès, est chargée de faire une enquête sur les causes des mouvements populaires qui ont eu lieu récemment, et de proposer au congrès les mesures législatives propres à détruire ces causes, à ramener la confiance, et ainsi assurer le maintien de l'ordre public.
« DE ROBAULX. » (I., supp., 1er avril, et P. V.)
- Cette proposition est appuyée. (C., 1er avril.)
M. le président – La parole est à M. de Robaulx pour développer sa proposition. (C., 1er avril.)
M. de Robaulx – Messieurs, il existe un plan de conspiration contre le pays ; tout le prouve. A quoi l’attribuer ? d’abord à la faiblesse et l’inaction du gouvernement, ensuite au défaut d'épuration dans les administrations civiles et militaires, deux vices que j'avais signalés depuis longtemps.
La faiblesse du gouvernement était poussée si loin que les hommes de la faction ennemie ne cachaient plus leurs opinions antirévolutionnaires. La patience et la tranquillité du peuple ont fait croire qu'il était abattu ; il s'est relevé avec énergie parce qu'il s'est cru abandonné ou trahi par ceux qu'il avait mis à sa tête.
De là les émeutes, et avec les émeutes les pillages, dont le gouvernement, à sa honte, demeure spectateur passif.
Il faut éviter le retour de pareilles scènes.
Il faut que le congrès s'assure de la manière dont nos hauts fonctionnaires ont rempli leur devoir. Il faut qu'il recherche les causes du mécontentement et qu'il les fasse disparaître. Nous ne pouvons rester indifférents à de pareilles scènes. Une enquête est nécessaire.
Mon intention n'est d'accuser personne ; mais en corrigeant les abus, évitons le renouvellement de si déplorables calamités. .
La Belgique est en révolution. Il ne faut pas que ses destinées soient confiées à des administrateurs contre-révolutionnaires qui conspirent contre elles.
Les volontaires à peu près seuls ont fait la révolution. Eux seuls ont combattu au Parc, à Berchem, à Anvers, et sur la frontière où ils sont encore.
Au moment du combat ils étaient fêtés. On ne leur épargnait pas les promesses. Mais quand un gouvernement régulier s'est établi, tout a été oublié. Les intrigants, les hommes du lendemain ont envahi tous les emplois militaires ; les grades se donnaient sans discernement aux oisifs pendant que les volontaires combattaient.
Les officiers sortant des rangs ennemis avaient la préférence sur les patriotes, sans distinction de capacité. On accordait les grades supérieurs par pure faveur à des incapables, à des inconnus qui nous trahissent à présent. Et pendant qu'on distribuait ainsi les grades, les volontaires manquant de vêtements en hiver, souvent sans armes ni munitions, étaient aux avant-postes.
J'ai réclamé pour eux ; on m'a donné des démentis ; et pourtant c'était la vérité que je disais. Aujourd'hui encore la deuxième brigade manque de cartouches.
Les officiers supérieurs sont accusés de trahison : on ne sait qui les protège ; ils sont arrêtés, et sans jugement public on les met en liberté.
A peine les combats sont-ils suspendus par un armistice malheureux, intempestif, de suite les (page 14) volontaires sont abreuvés de dégoûts. On les disloque ; pas de grades pour eux, car il faut les forcer à se retirer après avoir tout sacrifié.
On leur enlève tour à tour leurs chefs que l'on emprisonne sous de frivoles prétextes, et que l'on met ensuite en liberté sans commandement ni indemnité.
Ils avaient un général investi de leur confiance, on cherche à le déconsidérer. On lui impute des faits de bigamie, c'est faux. On dit qu'il a passé à l'ennemi, c'est un infâme mensonge. Deux fois on veut lui enlever son commandement, et on lui rend justice.
Enfin, on l'appelle à Bruxelles. On veut encore l'accuser ; il paraît devant ses juges et toutes ces vagues accusations tombent. Il répond à tout cela par ses succès et par l'attachement de ses soldats. Son crime est d'être incorruptible, d'être resté fidèle à la cause nationale, Et cependant sa brigade est dispersée, et le terrain est abandonné à Dibbets.
En résultat, les hommes fidèles à la révolution ont été dédaignés et rebutés partout. Et des traîtres ont été comblés d'honneurs : témoin les officiers supérieurs aujourd'hui accusés.
Le département de la guerre est celui qui réclame les hommes les plus dévoués ; et qu'y trouverais-je, si je voulais descendre dans les détails ?
Il faut une épuration sévère ; j'ai la fermeté de le dire, il faut une révision à des grades. La constitution ne s'y oppose pas.
Le gouvernement a été sourd à toutes les réclamations, il faut bien que nous lui donnions l'impulsion. Et encore il ne corrigera rien, parce qu'il faudrait pour que mes demandes eussent un heureux résultat que la réforme commençât par ses bureaux.
Si je passe au département de la justice, je trouve les parquets encore remplis d'hommes dévoués à l'ancien ordre de choses. En vérité, il semblerait qu'on a si peu de confiance dans la révolution, que par crainte de vexations dans le cas du retour de la famille déchue, on souscrit par avance en faveur du petit nombre de ceux que la révolution a destitués.
Passons aux finances. Tout y est encore sur pied, aussi ; admirez le zèle qu'on apporte dans le recouvrement des deniers. On va jusqu'à dire que dans certaines provinces des receveurs empêchent les contribuables de payer, ils leur conseillent d'attendre pour qu'ils ne s'exposent pas à payer deux fois.
Dans ce département, il semblerait qu'on a conservé les employés supérieurs tout exprès pour entraver la marche des affaires. Quant aux hommes de la révolution, ils seront commis de troisième ou quatrième classe. C'est M. de Brouckere qui le leur promet par son nouveau règlement, quand ils auront les connaissances requises. Les autres, les commis d'un ordre supérieur, doivent pour être nommés, avoir été employés pendant deux ans. Il fallait être plus clair, et dire qu'on exigeait que les employés sortissent de l'école hollandaise. (Hilarité.)
Si je voulais rassembler tous les faits qui se sont passés jusqu'aujourd'hui, je mettrais sous vos yeux une perspective effrayante.
Il faut mettre un terme à ce malheureux état de choses, donner satisfaction à la nation et rétablir sa confiance.
C'est à ses mandataires qu'elle a confié ce soin ; et je demande que nous lui donnions cette satisfaction. (E., 2 avril.)
M. le président – La proposition sera-t-elle renvoyée aux sections ? (J. B. 1er avril.)
M. de Robaulx – Je m'oppose à ce renvoi ; elle est urgente puisqu'elle tend à préserver la patrie d'un danger imminent. (J. B. 1er avril.)
M. Van Snick combat la proposition. (I., supp., 1er avril.)
M. Demelin croit qu'elle entraverait la marche du gouvernement. (C., 1er avril.)
M. de Robaulx répond qu'une commission d'enquête n'entrave en rien la marche du gouvernement. (C., 1er avril.)
M. le baron de Sécus (père) – Sans préjudice à la nomination de cette commission, je crois que la justice doit s'occuper des émeutes de ces jours derniers. Il y a eu des crimes commis. Qu'on cherche les instigateurs de ces mouvements ; qu'on découvre et qu'on punisse ceux qui ont organisé dans Bruxelles un système de terreur. Que la tranquillité renaisse, et que chacun soit tranquille chez soi, n'ayant à craindre, ni pour sa personne, ni pour ses propriétés. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx répond que son intention n'est pas d'empêcher le cours de la justice ; que la loi agisse contre les coupables de quelque genre qu'ils soient, c'est ce qu'il demande avec tous les bons citoyens. (C., 1er avril.)
M. le baron de Sécus (père) réplique qu'il n'a pas entendu interpréter les intentions de M. de Robaulx. (C., 1er avril.)
M. le comte Duval de Beaulieu – Il me semble qu'il y a un moyen très simple, très prompt et très légal, de savoir qui a provoqué les désordres. Appelons dans le sein du congrès l'administrateur de la sûreté publique. (Rumeurs.. Non ! non !) Il nous dira pourquoi la garde civique (page 15) a dû laisser insulter, et voir de sang-froid le pillage et les dévastations ; pourquoi elle s'est laissé assaillir à coups de pierre sans faire usage de ses armes, dès lors inutiles. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – L'honorable M. Duval de Beaulieu est dans l'erreur ; je demande simplement qu'il soit nommé une commission pour rechercher les causes des troubles, et non pour proposer des mesures répressives ou préventives. Ce qu'il y aura à faire ne pourra être déterminé qu'après l'enquête. (E., 1er avril.)
- La proposition de M. le comte Duval de Beaulieu n'a pas de suite. (I., supp., 1er avril)
M. Van Snick demande la division de la proposition de M. de Robaulx et présente un amendement en ces termes :
« La commission dont M. de Robaulx provoque la nomination sera chargée d'abord de proposer au congrès des mesures législatives propres à prévenir le retour des excès qui ont eu lieu ces jours derniers. » (E., 1er avril.)
- Cette proposition n'est pas appuyée. (I., supp. 1er avril.)
- On met aux voix la proposition de M. de Robaulx ; elle est adoptée. (P. V.)
L'assemblée décide que les membres de la commission d'enquête seront nommés par scrutin de liste, et à la majorité relative. (P. V.)
On tire au sort les quatre bureaux de scrutateurs, pour le dépouillement des bulletins ; ils sont composés comme suit :
Premier bureau : MM. Buylaert, François, Marlet et Hennequin.
Deuxième bureau : MM. de Robaulx, le comte de Quarré, Du Bois et Van Innis.
Troisième bureau : MM. Demelin, Masbourg, Helias d'Huddeghem, le baron Joseph d'Hooghvorst.
Quatrième bureau : MM. Jottrand, le comte Duval de Beaulieu, de Labeville, Eugène de Smet. (P. V.)
Le dépouillement du scrutin donne le résultat suivant :
M. de Robaulx a obtenu 76 suffrages.
M. Raikem, 58
M. Jottrand, 45
M. le comte Duval de Beaulieu, 40
M. Van Meenen, 32.
Ces députés, ayant obtenu la majorité relative, sont nommés membres de la commission d'enquête. (P. V.)
M. de Robaulx – J'avais annoncé tantôt l'intention d'adresser quelques interpellations à M. le ministre des affaires étrangères ; je le prierai donc de vouloir nous fixer sur notre situation diplomatique, et de nous dire où nous en sommes avec les puissances étrangères. (I., supp., 1er avril)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, les communications diplomatiques sont importantes et toujours délicates ; et ce n'est pas légèrement qu'on doit se hasarder à les faire ; il m'est impossible de mettre aujourd'hui le congrès au courant de ce qui se passe, car je n'y suis pas moi-même. J'ai été installé hier seulement par mon prédécesseur ; les archives du ministère sont extrêmement nombreuses, il faut que je les aie étudiées dans leur ensemble, car souvent une pièce en explique une autre, avant de pouvoir me faire une idée juste du point où nous en sommes. Hier j'ai travaillé jusqu'à minuit et j'avoue que je ne suis pas encore fixé ; cependant, sans me dissimuler la gravité des circonstances où nous sommes placés, je crois que nous ne devons pas perdre l'espoir de voir les négociations se terminer favorablement. J'étudierai avec soin les affaires extérieures et les négociations entamées ; je les soumettrai au conseil des ministres et je me ferai un devoir de communiquer au congrès tout ce qui pourra être rendu public sans compromettre le sort des négociations. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – Je ne puis être satisfait de cette réponse, à mon avis très déplacée. Je conçois que le ministre ne puisse pas répondre sur ce qu'il ne connaît pas, mais il me paraît que l'ancien ministre aurait pu le fixer sur ce qui se passe actuellement. Il me semble que si nous savions seulement ce qui a été fait depuis quinze jours, nous pourrions être satisfaits. Des courriers sont arrivés ou partis ces jours derniers ; nous avons le plus grand intérêt à savoir les nouvelles dont ils étaient porteurs. Puisque le ministre ne peut pas s'expliquer aujourd'hui, je demande s'il le pourra demain. (I., supp., 1er avril)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Je regrette de ne pouvoir partager l'opinion du préopinant, mais je pense que la réponse de M. Lebeau est ce qu'elle devait être. Des courriers ont été expédiés ces jours derniers avec des instructions à nos envoyés ; il faut attendre leur retour et les réponses qui auraient été faites. Lorsqu'elles seront arrivées, je crois qu'il faudra encore qu'un temps moral s'écoule, (page 16) avant que le ministre des affaires étrangères puisse s'expliquer, car il faut qu'il pèse mûrement ce qu'il doit rendre public, et il y aurait danger à faire un exposé incomplet de ce qui se passe. (I., supp., 1er avril)
M. Van Snick – Je conçois qu'en général on doive être circonspect en fait de communications diplomatiques. Mais en nous séparant, on nous avait annoncé qu'un chargé de pouvoir serait envoyé à La Haye, pour entamer des négociations avec le roi Guillaume. Il me semble qu'on pourrait nous dire si en effet des ouvertures lui ont été faites, et quelle a été la réponse du roi. S'il entend traiter amiablement, ou s'il veut que nos différends soient vidés par le sort des armes. (I., supp., 1er avril)
M. Forgeur – Je conçois que le ministre ne puisse pas donner connaissance au congrès des négociations commencées ; mais il en est autrement de celles qui sont terminées. Si j'ai bien compris M. Van de Weyer, il a promis de déposer un rapport sur son administration. Je demanderai l'impression de ce rapport et sa distribution. (I., supp., 1er avril)
M. Van de Weyer – Le rapport et les pièces à l'appui seront déposés demain. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – Je demande que les explications aient lieu samedi. (I., supp., 1er avril)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères) – Je ne peux pas m'engager à donner des explications dans un aussi bref délai ; mais je m'engage sur l'honneur à donner satisfaction à l'assemblée et à répondre aux interpellations de M. de Robaulx aussitôt qu'il me sera possible. Le congrès doit compter sur ma promesse, et il ne voudra pas me dépopulariser dès mon entrée dans la carrière, en me forçant à une résistance qui serait légitime de ma part, mais qui pourrait être mal interprétée. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – Du reste, si M. le ministre oubliait sa promesse, je me charge de la lui rappeler. (Hilarité générale.) (I., supp., 1er avril)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – M. de Robaulx fera comme il voudra en usant d'un droit que personne ne songe à lui contester. Cependant, je dirai qu'avant d'exiger des explications, il faudrait fixer le jour où on les demandera, et préciser, comme cela se pratique au parlement d'Angleterre et en France, les points sur lesquels on veut interpeller le ministre, afin qu'il puisse préparer sa réponse. (I., supp., 1er avril)
M. de Robaulx – Sans vouloir reconnaître pour autorité ce qui se passe au parlement d'Angleterre ni ce qui se fait en France, parce que nous sommes quelque chose par nous-mêmes, j'ai l'honneur d'annoncer à M. Lebeau que samedi prochain je lui demanderai quels sont nos rapports avec les puissances, et spécialement avec la Hollande. Je lui demanderai quelles sont les variations auxquelles nous avons été soumis depuis quinze jours ; et ceci doit déjà lui faire pressentir que mes interpellations porteront principalement sur les protocoles dont on a parlé dernièrement ; car vous savez qu'on nous protocolifie comme à plaisir. (Rire général.) Par conséquent M. le ministre aura à répondre sur les questions relatives aux limites, et sur celles relatives au Limbourg et au Luxembourg. (I., supp., 1er avril)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Je puis satisfaire à l'instant le préopinant et dire que les bruits qui ont couru ici et en France sur de prétendus protocoles sont entièrement faux. Il n'existe aucun protocole ni de la fin de février, ni du mois de mars. Du reste, j'appuie la proposition de M. Lebeau et je reconnais qu'il faut un délai de deux fois vingt-quatre heures au moins pour demander les explications diplomatiques. C'est un usage suivi en France et en Angleterre et qu'il faut désirer de voir s'établir ici. Je suis fâché seulement qu'on n'y ait pas songé pendant mon administration. (Hilarité générale). (I., supp., 1er avril)
M. Raikem et M. Jottrand présentent un projet de décret concernant les dispositions organiques de la commission d'enquête nommée dans la séance de ce jour.
- L'assemblée ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoi à l'examen des sections. (P. V.)
La séance est levée à quatre heures et demie. (P. V.)