(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 544) (Présidence de M. de Gerlache)
La séance est ouverte à une heure. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. le baron de Woelmont, annonçant qu'une indisposition l'empêche de se rendre aux séances. (U. B., 21 fév.)
- Pris pour notification. (P. V.)
M. Peemans, qui se trouve à Paris, demande un congé de dix jours. (J. B., 21 fév.)
- Ce congé est accordé. (P. V.)
M. l’abbé de Smet se trouve dans l'impossibilité d'assister aux séances, à cause d'indisposition.
- Pris pour notification. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes :
Plusieurs officiers en retraite demandent avec instance d'être remis en activité.
MM. Margerin, Laurent, Carnot, Dugiet et Leroux, demandent pour le culte saint-simonien le libre exercice qui est garanti à tous les cultes par la constitution. (J. F., 21 fév. et P. V.)
Les mêmes font hommage au congrès de quelques ouvrages relatifs à la doctrine saint-simonienne. (U. B., 21 fév.)
- Dépôt à la bibliothèque. (P. V.)
Les pétitions sont renvoyées à la commission. (P. V.)
M. Constantin Rodenbach – Je demande que la commission des pétitions soit priée de faire un rapport, dans le plus prompt délai, sur la première pétition dont on vient de faire l'analyse. Je puis personnellement certifier les abus qui y sont signalés. Il est à ma connaissance qu'un grand nombre d'anciens militaires qui ont fait les campagnes d'Espagne, d'Allemagne et de Russie sollicitent sans succès, depuis trois à quatre mois, pour être placés dans les cadres de l'armée. On nous parle sans cesse d'économie ; mais ne serait-ce pas une économie que de placer des officiers pensionnés, dont la plupart n'ont été mis à la pension que pour l'indépendance de leur caractère, pour leurs opinions politiques, et non pour des infirmités. Je puis attester aussi qu'il y a eu au comité de la guerre d'indignes passe-droits : des jeunes gens qui n'avaient jamais servi et qui ne se sont distingués qu'en tirant, lors de nos troubles, des coups de carabine sur le peuple, ont été nommés d'emblée officiers. Je dirai plus, des militaires qui ont combattu dans les rangs hollandais au Parc ont reçu un avancement rapide. Ce sont là des abus que nous ne devons plus tolérer et qu'il importe de signaler (Appuyé !) (J. F., 21 fév.)
M. de Robaulx pense qu'il ne faut pas accorder de préférence à cette pétition ; il rappelle celle qui a été présentée par le colonel Sauvage, il y a peu de jours, et qui a été renvoyée à la commission. Il y en a beaucoup d'autres semblables : l'orateur demande qu'elles soient réunies, pour en faire un seul et même rapport. (U. B., 21 fév.)
M. le président – J'invite la commission à s'occuper du rapport de ces pétitions le plus tôt possible. (U. B., 21 fév.)
M. Nothomb fait le rapport de la commission chargée de faire un travail sur le nombre des députés et sénateurs à élire, par chaque province et par chaque district. (P. V.)
M. le président – Sur la proposition de MM. Vilain XIIII et Andries, vous avez décidé que l'administrateur général de la sûreté publique serait entendu aujourd’hui, pour nous donner des renseignements sur ce qui s'est passé à l'égard des prédications saint-simoniennes. M. l'administrateur est présent, je lui accorde la parole. (U. B., 21 fév.)
M. Plaisant, administrateur général de la sûreté publique, monte à la tribune – Messieurs, le congrès national m'a fait l'honneur de m'appeler dans son sein pour lui donner des renseignements sur les empêchements apportés à l'enseignement d'une doctrine, et les entraves mises au droit libre d'association. On accuse la police de ces faits. Cette imputation est grave, et si elle était fondée, je la considérerais comme devant amener sur la tête des coupables une punition exemplaire. Empêcher l'enseignement d'une doctrine, entraver l'exercice du droit d'association, serait en effet se mettre en opposition manifeste avec les principes dont la révolution a été la conséquence ; ce serait chercher à détruire dans sa partie la plus importante cette liberté qui seule peut donner la vie aux gouvernements nouveaux, et sans laquelle ils devraient tomber comme ceux qui les ont précédés.
Je suis heureux de pouvoir annoncer, de prouver même, que ces imputations ne sont pas fondées. Ceux mêmes qui disent, ou à qui on ferait dire, que la police leur avait défendu de prêter des locaux pour les prédications, nient avoir tenu un tel langage. J'ai fait prendre des renseignements, j'ai interrogé les personnes intéressées : elles ont nié formellement avoir invoqué la défense de la police. Au reste, ces dénégations sont consignées dans les journaux de ce matin. Vous connaissez cette lettre du sieur Rykere, propriétaire de la salle Saint-George, qui est insérée dans le Courrier et dans l'Émancipation (Note de bas de page : Nous la reproduisons ci-après : « A. MM. les rédacteurs du COURRIER.
« Bruxelles, le 18 février 1831.
« Je viens de lire dans votre journal que c'était d'après une défense de la police que j'avais refusé de donner ma salle où la société de Saint-Simon devait hier soir tenir une séance. Le fait étant entièrement controuvé, je vous prie, monsieur, de vouloir insérer la présente pour le rectifier.
« Lorsque MM. les saint-simoniens vinrent louer ma salle, je leur demandai à plusieurs reprises quel était le but de leur société sans obtenir d'eux aucun éclaircissement à cet égard. Ayant appris dans la journée que c'était pour y prêcher une nouvelle religion, et ayant vu couvrir de boue des affiches qui concernaient cette société, et entendu dire que différentes personnes avaient prévenu madame Plétinckx, tenant l'hôtel de la Paix, où cette réunion devait se tenir, que si elle avait lieu on viendrait casser ses vitres, je me résolus, vers les cinq heures du soir, d'écrire à ces messieurs, pour les prévenir que mon intention n"était pas de leur louer ma salle pour l'objet auquel ils la destinaient, et j'ose affirmer qu'aucune défense de la police ne m'a été faite à cet égard.
« J'ai l'honneur de vous saluer. G. RYKERE, Tenant la salle Saint-George. » (C., 21 fév.)) ; le sieur Rykere a désavoué dans cette lettre avoir invoqué la défense de la police pour appuyer le refus qu'il a fait de la salle à messieurs les prédicateurs saint-simoniens : cela devrait suffire pour répondre aux accusations dirigées contre la police. En effet, rien ne prouve qu'elle ait fait défense à qui que ce soit de se prêter à l'enseignement de la doctrine de Saint-Simon. Je crois cependant devoir faire un narré succinct de ce qui s'est passé à cet égard.
Lorsque la première prédication fut annoncée, je croyais qu'elle se ferait paisiblement, et je ne dois pas dissimuler que ma sécurité à cet égard était peut-être déplacée ; j'ai appris en effet que quelques perturbateurs se proposaient d'apporter le trouble dans l'assemblée si la prédication avait lieu. Jeudi dernier, je fus prévenu, à trois heures après midi, que la première prédication devait avoir lieu le soir même. Pour prévenir tout désordre, pour empêcher que les prédicateurs eux-mêmes ne fussent insultés, j'ordonnai à M. Barbier d'aller à l'administration de la police pour prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre ; il ne trouva personne à l'hôtel de ville : il se rendit à l'hôtel de la Paix, où la prédication devait avoir lieu : et, ayant appris que ce n'était plus là qu'elle serait faite, mais à la salle Saint-George, il s’y transporta, et là il se borna à demander que l'on vînt le prévenir si le moindre trouble avait lieu à propos de la prédication. Plus tard, il se présenta beaucoup de monde, et la femme Rykere, effrayée de cette affluence, refusa d'ouvrir la salle, et, pour motiver son refus, elle dit que la police le lui avait défendu. Quand elle se vit pressée par quelques personnes pour nommer celui qui lui avait intimé cette défense, elle nomma le sieur Barbier. Il paraît, messieurs, que cette femme, effrayée, n'a invoqué le nom de la police que pour se dispenser de tenir l'engagement qu'elle avait (page 546) contracté de prêter la salle. Au reste, je l'ai interpellée à cet égard, et elle m'a dit qu'aucune défense ne lui avait été faite.
Cela suffit, j'espère, pour prouver que toutes les imputations adressées à la police par rapport à cette affaire étaient dénuées de tout fondement.
Je ne quitterai pas cette tribune sans remercier le congrès de l'occasion qu'il m'a donnée de protester de nouveau de mon inébranlable attachement aux principes de liberté et de tolérance qui ont préparé la révolution, et qui seuls peuvent en assurer le triomphe. S'il pouvait jamais se faire que je ne pusse plus remplir mes fonctions sans les violer, je me retirerais, non par défaut de courage ou de dévouement, mais par attachement aux principes mêmes de la révolution, à ces principes qui ont été ceux de toute ma vie, pour lesquels je suis fier d'avoir combattu dans nos grandes journées de septembre, et pour lesquels, tant qu'il me restera un souffle de vie, je serai toujours prêt à combattre encore. (Très bien ! très bien ! ) (U. B., 21 fév.)
M. de Robaulx – Je remercie M. l'administrateur de la police des assurances qu'il nous a données qu'aucun empêchement ne serait apporté à l'enseignement d'une doctrine qui, comme toutes les autres, a droit à la protection des lois. Je suis bien aise aussi d'apprendre qu'il n'y eut, de lui, ni de ses subordonnés, aucune démarche contraire à nos libertés ; seulement, je regrette qu'une espèce de terreur panique ait été répandue, fort mal à propos, par suite de menaces qui auraient été faites aux propriétaires des établissements qui d'abord avaient consenti à recevoir les membres de la doctrine saint-simonienne. Il y a eu des menaces, en effet ; car il ne faut pas croire que ce soit de leur propre mouvement que les propriétaires du Wauxhall et de l'hôtel de la Paix aient refusé ce à quoi ils avaient d'abord consenti. Voici une lettre de M. Plétinckx, propriétaire de l’hôtel de la Paix, qui prouve qu'il avait reçu des arrhes de ces messieurs, et qu'il les leur renvoya en disant : « Je regrette de ne pouvoir tenir l'engagement que j'avais pris relativement à mon salon ; mais les circonstances réclament de ma part une neutralité absolue, quant à la religion et à la politique. » (On rit.) Maintenant qu'il est prouvé qu'il n'y a pas eu faute de la part de la police, je n'ai plus qu'un conseil à donner à messieurs les saint-simoniens, c'est de s'adresser à M. le chef du comité de l'intérieur, pour qu'il leur fasse donner un local dans le lieu destiné aux cours publics. (Rumeurs légères.) (U. B., 21 fév.)
M. Plaisant, administrateur général de la sûreté publique – Les menaces se sont bornées à dire qu'on casserait les vitres des maisons où la prédication aurait lieu. Je cherche à découvrir les auteurs de ces menaces ; j'y parviendrai peut-être, mais, jusqu'à ce moment, les recherches faites à cet égard ont été sans résultat. Pour compléter les explications que je devais au congrès, je dirai que hier, avant que la proposition n'eût été faite, j'avais écrit à M. Margerin, pour le prier de me faire connaître le lieu et l'heure de la prédication, afin que je prisse les mesures nécessaires pour le maintien de la tranquillité.
L'orateur lit la lettre et ajoute : Voilà la lettre que j'ai écrite et que M. saint Margerin avait reçue avant la proposition.
- Les mots Saint Margerin excitent dans l’assemblée une hilarité générale et prolongée ; tous les regards se dirigent vers la tribune des journalistes, où messieurs les membres de la mission saint-simonienne se trouvent placés.) (U. B., 21 fév.)
M. le président, après que les rires ont cessé – L'assemblée est-elle satisfaite des explications qu'elle vient d'entendre ? (U. B., 21 fév.)
- Voix nombreuses – Oui ! oui ! (U. B., 21 fév.)
M. Raikem fait le rapport de la section centrale, sur la proposition de M. Lebeau, tendant à ce qu'il soit nommé un lieutenant général du royaume.
- L'assemblée ordonne l'impression et la distribution de ce rapport. (P. V.)
M. Lebeau – Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs, j'ai demandé la parole pour expliquer ou plutôt pour rectifier quelques faits que, par une erreur involontaire, j'en suis certain, M. Van de Weyer a fait consigner dans le procès-verbal de la section (Note de bas de page : L'observation mentionnée au procès-verbal de la première section, dont faisait partie M. Van de Weyer, est conçue en ces termes : « M. Van de Weyer demande qu'il soit expressément consigné au procès-verbal qu'il se proposait de demander, après la décision du cabinet français, la nomination d'un régent, laquelle eût été immédiatement suivie de l'élection d'un chef de l'État, et que cette intention avait été par lui communiquée à M. Lebeau ; que, dans l'intervalle il ne croit pas à, la nécessité de créer un nouveau provisoire. » (A.)) Il est très vrai qu'attiré (page 547) au comité diplomatique par le désir de savoir des nouvelles de notre députation à Paris, la conversation s'engagea sur le plus ou moins de chances d'acceptation de la part du duc de Nemours ; mais je n'ai aucun souvenir, et je l'affirme sur l'honneur, qu'il ait été question que le gouvernement provisoire eût le projet de proposer la nomination d'un régent. Je dis que je n'en ai eu nul souvenir, ce qui ne veut pas dire que cela ne soit pas, et l'on concevra sans peine qu'attiré par le désir de savoir des nouvelles de Paris, toute mon attention ait été entièrement absorbée par les explications que j'allais demander. Après cela, que par forme de conversation M. Van de Weyer ait parlé de nommer une régence, cela est possible ; mais qu'il en ait parlé autrement que par forme de conversation, et autrement que d'une manière fugitive, et surtout qu'il ait directement appelé mon attention, soit comme membre du congrès, soit comme membre du comité diplomatique, sur un pareil sujet, c'est ce que je nie, et sur cela j'ai une conviction intime ; et, en fait de conviction, je ne crains pas d'opposer la mienne à celle de M. Van de Weyer. Le lendemain, tout préoccupé de ce qui s'était passé et du peu d'espoir que le langage des membres du comité diplomatique m'avait laissé sur l'acceptation du duc de Nemours, je me rendis au congrès, où déjà l'on connaissait la lettre de M. Surlet de Chokier, qui avait été communiquée officieusement à quelques membres, et dont la lecture devait être faite à l'ouverture de la séance. On craignait le mauvais effet que pourrait produire cette lecture : plusieurs de mes collègues m'entourèrent ; ils m'engagèrent à réfléchir sur une manière quelconque d'atténuer l'effet de la publicité de cette lecture, et c'est alors que j'eus l'idée de faire ma proposition. Ici j'invoque le souvenir de l'honorable M. Blargnies, qui se trouvait à côté de moi ; il m'aida à rédiger le projet de décret, et m'indiqua même un candidat : c'est un honorable général que je n'ai pas besoin de nommer. Pour moi, je l'affirme, je n'avais pas envisagé la question dans un intérêt personnel, mais dans l'intérêt général, et je n'avais aucun candidat en vue, pas plus que M. de Robaulx n'en avait certainement quand il vint nous proposer de proclamer la république. (Hilarité générale.) Je communiquai ma proposition à plusieurs de mes collègues ; ils m'engagèrent à me présenter, et j'interpellerai à cet égard, MM Defacqz et Frison, entre autres, qui déclarèrent qu'ils la feraient leur, si je n'y persistais pas. Je déposai donc ma proposition, et j'affirme sur l'honneur que, lié de cœur avec plusieurs membres du gouvernement provisoire, il n'est jamais entré dans ma pensée de leur enlever l'initiative de cette proposition, que du reste ils seront toujours à temps à reprendre. J'ajoute que, si j'avais connu leurs intentions à cet égard, je n'aurais pas fait ma proposition ; car, en la faisant, j'aurais cru faire un acte inconciliable avec les sentiments d'estime et d'affection qu'ils n'ont jamais cessé de m'inspirer. (Très bien ! très bien !) (U. B., 21 fév.)
M. Van de Weyer se lève pour répondre au préopinant. (Profond silence.) – Messieurs, lorsque j'ai demandé que l'on consignât au procès-verbal le fait qu'a cru devoir relever M. Lebeau, c'est que j'étais certain que ce fait était exact, et que j'étais jaloux de prouver que le gouvernement provisoire était peu désireux de se perpétuer au pouvoir. Quant à la manière dont ma proposition a été faite, il suffit qu'un homme d'honneur comme M. Lebeau affirme qu'il n'a pas souvenir que je lui aie parlé d'une pareille proposition (et je ne dirai pas que je lui en ai parlé, soit comme député ou comme membre du comité diplomatique, distinction assez subtile et dont je ne vois pas l'utilité) ; lors, dis-je, qu'un homme d'honneur comme M. Lebeau affirme n'en avoir pas souvenir, je l'en crois sur sa parole. Toutefois, si je voulais prolonger la discussion, je lui dirais qu'il n'était pas seul lorsque je lui en parlai, qu'avec lui se trouvaient cinq ou six autres membres du congrès ; et, interpellés à cet égard, ces membres feraient certainement une déclaration conforme à ce que j'avance. M. Lebeau a dit qu'ici il ne pouvait être question de personnes, mais de l'intérêt général : je suis entièrement d'accord avec lui ; aussi étions-nous jaloux de faire savoir que nous avions songé à faire la proposition d'une régence, car cette proposition devait écarter toute idée d'intérêt personnel. Dans une circonstance aussi solennelle, nous avons senti qu'il était du devoir du gouvernement provisoire de concentrer le pouvoir dans les mains d'un seul, et il nous importait de saisir une nouvelle occasion de prouver au congrès et à la nation que les membres du gouvernement, investis pendant un long, un trop long espace de temps, du pouvoir suprême, sont les premiers à se montrer tout prêts à le déposer entre les mains de celui que choisira le congrès ; qu'ils ne tiennent pas au pouvoir ; que ce qu'ils veulent avant tout, même aux dépens de leur intérêt, c'est l'indépendance de la Belgique. Si donc nous nous sommes montrés jaloux de l'initiative, j'espère que le congrès ne verra là aucun sentiment de susceptibilité déplacée, (page 548) mais le désir de prouver que le gouvernement n'a jamais eu en vue que l'intérêt du pays : au surplus, je dois le dire, il ne reste aucune aigreur entre les membres du gouvernement provisoire et M. Lebeau, et, d'après nos explications réciproques, on verra que les uns et les autres nous n'avons voulu que le bien de notre patrie. (Bien / très-bien Marques générales d'assentiment.) (U. B., 21 fév.)
M. Van Snick, un des députés qui a accompagné M. Lebeau au comité diplomatique, veut rendre compte de la conversation qui eut lieu à cette occasion. La voix de l'orateur est étouffée par les cris : Assez ! assez ! (J. F., 21 fév.)
M. le président – L'assemblée parait satisfaite des explications réciproques... (Oui ! oui !) (J. F., 21 fév.)
M. Werbrouck-Pieters – J'adresserai une question au comité diplomatique. Nous avons appris par les journaux que l'audience solennelle de réception de nos députés, par le roi des Français, avait eu lieu : je voudrais savoir si on en connaît officiellement le résultat (U. B., 21 fév.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Est-ce comme membre du comité diplomatique que vous m'interrogez ? (On rit.) J'aurai l'honneur de dire que la députation envoyée à Paris, ayant constamment correspondu officiellement avec M. le président du congrès, c'est à lui que vous devez adresser votre question. Les journaux ont annoncé que l’audience solennelle devait avoir lieu jeudi. Si j'avais eu une réponse officielle, je le répète pour la vingtième fois, je me serais empressé de la communiquer au congrès, et je n'aurais pas attendu une interpellation à cet égard. Je ne puis rien dire, parce je n'ai reçu aucune communication officielle : je dirai plus, c'est que je n'ai pas même reçu de communication officieuse. (U. B., 21 fév.)
M. Werbrouck-Pieters – D'après ce que vient de dire le préopinant, c'est à M. le président que j'adresse maintenant ma question. ( On rit.)
M. le président – Je ne puis rien dire, car je ne sais rien ni d'officiel ni d'officieux. (Hilarité générale.) (U. B., 21 fév.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Pour satisfaire la curiosité bien naturelle de l'honorable membre, je dirai que j'ai reçu dans la matinée une lettre de notre collègue M. Le Hon, qui m'annonce que la réception solennelle devait avoir lieu du jeudi au vendredi, et que la députation partirait dans la journée. Ainsi je ne serais pas étonné que les honorables membres fussent arrivés demain. (U. B., 21 fév.)
On passe à la discussion du rapport de M. Nothomb, sur la fixation du nombre des représentants et des sénateurs qui devront être nommés par chaque province et district. (P. V.)
La discussion est ouverte sur la répartition entre les provinces. (J. B., 21 fév.)
M. Henri de Brouckere présente quelques observations contre le tableau qui est proposé par la commission. (J. F., 21 fév.)
M. Blomme et M. Blargnies prennent successivement la parole. (J. F., 21 fév.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt propose l'amendement suivant :
« Le nombre des députés sera porté à cent deux, et celui des sénateurs à cinquante et un. La Flandre occidentale aura huit sénateurs, la Flandre orientale dix-huit députés, et le Limbourg neuf. » (C., 21 fév.)
M. le baron Osy propose de fixer le nombre des députés à cent trois. Il serait injuste que la province d'Anvers n'eût que huit représentants, tandis que le Limbourg en aurait neuf. (C., 21 fév.)
- Cet amendement n'est pas appuyé en ce qui concerne la première partie. (C., 21 fév.)
M. Charles de Brouckere propose la répartition suivante.
Anvers, députés, 4 sénateurs
Brabant, 14 députés, 7 sénateurs
Flandre orientale, 18 députés, 9 sénateurs
Flandre occidentale, 15 députés, 8 sénateurs
Hainaut, 15 députés, 7 sénateurs
Liége, 9 députés, 4 sénateurs
Limbourg, 8 députés, 4 sénateurs
Luxembourg, 7 députés, 4 sénateurs
Namur, 5 députés, 3 sénateurs (C. 21 fév.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt et M. Henri de Brouckere parlent contre cette proposition. (C., 21 fév.)
M. Rodenbach l'appuie. (C., 21 fév.)
M. Pirmez, M. le comte d’Ansembourg et M. Dumont sont entendus. (J. F., 21 fév.)
M. François – Il y a huit districts dans le Grand-Duché : si vous ne lui accordez que sept représentants, il y aura des difficultés d'exécution insurmontables. Le Luxembourg en obtenant huit représentants et trois sénateurs est encore le moins bien partagé ; il envoyait aux anciens états généraux autant de députés que le Limbourg. (C., 21 fév.)
M. Watlet – Il manque au Grand-Duché, (page 549) pour avoir huit représentants, 8000 habitants, et pour avoir 4 sénateurs, 9000 habitants ; déficit peu considérable. En ne donnant à cette province que sept députés, on diminue arbitrairement sa population de 52,000 habitants ; en ne lui donnant que trois sénateurs, on la diminue de 72,000 habitants. Le Luxembourg a envoyé au congrès seize députés. (C., 21 fév.)
M. Nothomb, rapporteur – La population de la Belgique étant de plus de 4,000,000 d'habitants, il faut, comme le propose M. de Theux, augmenter le nombre des représentants et celui des sénateurs. M. de Brouckere propose une injustice au profit d'Anvers et au détriment du Luxembourg ; chacune de ces provinces aurait quatre sénateurs, mais la province d'Anvers aurait neuf députés, et celle de Luxembourg sept ; il faut donc supposer qu'il y a entre ces deux provinces une différence de 80,000. Loin de là ; la population de la province d'Anvers n'offre qu'un excédant de 50,000 habitants sur celle du Grand-Duché ; ainsi 50,000 habitants donneraient deux représentants.(C., 21 fév.)
M. Lebeau demande qu'on enlève un sénateur à la province de Limbourg. (C., 21 fév.)
M. Charles de Brouckere propose, pour concilier toutes les opinions, de donner un sénateur de plus à Liége, un député de plus au Luxembourg et un député de plus au Limbourg. Ainsi il y aura cent deux députés et cinquante et un sénateurs. (C., 21 fév.)
M. de Robaulx – Puisque la constitution détermine qu'il y aura un député par 40,000 âmes, il faut se tenir à cette base ; vouloir la modifier c'est vouloir changer la constitution. Si l'on réclame donc l'adoption d'une autre base, je demande la question préalable. (C., 21 fév.)
M. Raikem – En portant le nombre des députés à cent deux, il faudrait être sûr de ne pas violer la constitution. D'ailleurs est-il certain que la population soit de 4,080,000 âmes ? (C., 21 fév.)
M. Nothomb, rapporteur, répond qu'en rectifiant une erreur que présente le chiffre de la Flandre occidentale, la population est de plus de 4,080,000. (C., 21 fév.)
M. le baron Beyts, M. Charles de Brouckere et M. le chevalier de Theux de Meylandt prouvent que la population doit s'élever au delà de 4 millions 100 mille âmes. (U. B., 21 fév.)
- On demande la clôture de la discussion. La clôture est mise aux voix et prononcée. (c.. 21 fév.)
M. Raikem demande la division – Que l'on mette d'abord aux voix la question de savoir combien de députés et de sénateurs il y aura, et qu'ensuite on vote sur le projet de répartition de M. de Brouckere. (C., 21 fév.)
M. Henri de Brouckere s'y oppose. Beaucoup de membres voteraient contre le nombre de cent deux députés et de cinquante et un sénateurs s'ils n'étaient certains qu'on conservât la répartition fixée par M. Charles de Brouckere. (C., 21 fév.)
- La demande de division est mise aux voix et rejetée. (C., 21 fév.)
On met aux voix les propositions de MM. Charles de Brouckere et le chevalier de Theux de Meylandt, qui n'en font plus qu'une seule après les modifications que M. de Brouckere a introduites dans la sienne. (C., 21 fév.)
M. Raikem – Je demande l'appel nominal. (U. B., 21 fév.)
- Plusieurs membres – L'appel nominal ! (U. B., 21 fév.)
On procède à l'appel nominal.
121 membres y répondent.
114 votent pour.
7 votent contre.
En conséquence la dernière répartition de M. Charles de Brouckere établie sur les bases proposées par M. le chevalier de Theux de Meylandt, est adoptée. (P. V.)
Ont voté contre : MM. le vicomte Desmanet de Biesme, de Labeville, Eugène de Smet, Pirmez, le baron de Stockhem, de Robaulx et Raikem. (C., 21 fév.)
- Vient une discussion pour savoir s'il y aura séance du soir, M. Jottrand et M. de Robaulx y prennent part. (J. F., 21 fév.)
Il est décidé que la première séance publique aura lieu lundi à midi. (J. F., 21 fév.)
La séance est levée ; il est quatre heures. (P. V.)