(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 69) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à onze heures (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
M. Van Snick demande un congé de quelques jours, son père étant très dangereusement malade. (U. B., 12 janv.)
- Ce congé est accordé.(P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :
M. Rosseeuw demande que les droits d'entrée (page 70) sur le vin puissent se payer au moyen d'un crédit permanent.
Un grand nombre d'habitants de Pâturages, de Hornu et de Wasmes demandent la réunion à la France.
M. du Bois présente de nouveau des observations sur les los-renten.
Un grand nombre d'habitants de Corroy-le-Grand demandent que leur commune soit séparée de celle du Vieux-Sarto
M. de Mulder se présente comme candidat à la cour des comptes.
M. Launée fait la même demande.
M. Diepenbeek demande la révision de toutes les créances belges ajournées ou rejetées par l'ancien gouvernement.
MM. MartelIi et de Wolf demandent la suppression de tout salaire pour les autorités communales.
Des marchands de Dixmude réclament contre les droits de marché qu'on leur fait payer. (J. F., 12 janv. et P. V.)
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
L'ordre du jour est le tirage des sections de janvier et le renouvellement du bureau. (C., 11 janv.)
M. le président – Nous allons procéder au tirage des sections. (E., 12 janv.)
M. le baron de Sécus (père) – Messieurs, la troisième section vient de se réunir, et. elle a cherché à nommer un de ses membres pour faire partie de la commission chargée de l'examen du projet de loi sur les fers. Il ne s'est trouvé parmi nous aucun membre qui eût des connaissances spéciales sur cette matière, en sorte que personne n'a voulu se charger de représenter la troisième section à la commission. C'est dans cette circonstance que j'ai été chargé de prier M. le président de faire cette nomination au nom de la troisième section. (U. B., 12 janv.)
M. le président – Vous venez d'entendre que la troisième section s'en remet à ma discrétion ; j'ai encore moins qu'elle connaissance sur la capacité de ses membres. L'assemblée veut-elle que je nomme ce membre ? (E., 12 janv.)
- De toutes parts – Oui, oui. (E., 12 janv.)
M. Le baron Joseph d’Hooghvorst – Il convient que toutes les sections fassent leur choix, pour éviter un double emploi. (E., 12 janv.)
M. le président – Que ceux qui sont d'avis que le président nomme ce membre de la commission veuillent bien se lever. (E., 12 janv.)
- Presque tous les membres se lèvent. (E., 12 janv.)
M. le président – En conséquence, je nomme M. Pirmez. (E., 12 janv.)
- On procède, par la voie du sort à la formation des sections pour le mois de janvier ; elles sont composées comme suit :
PREMIÈRE SECTION.
MM. Annez de Zillebeecke, Alexandre Rodenbach, de Rouillé, Fendius, de Robaulx, Théophile Fallon, Wyvekens, Devaux, Huysman d'Annecroix, le baron Joseph d'Hooghvorst, de Man, Olislagers de Sipernau, l'abbé de Foere , Pirmez, Forgeur, Seron, l'abbé Vander Linden, Lebeau, de Langhe, l'abbé Verduyn.
DEUXIÈME SECTION.
MM. de Schiervel, Liedts, Jean-Baptiste Gendebien, de Lehaye, le baron d'Huart, le comte Cornet de Grez, Vergauwen-Goethals, Lesaffre, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Serruys, Van Innis, Frison, le baron de Terbecq, Ooms, Henri de Brouckere, l'abbé Corten, Janssens, Hippolyte Vilain XIIII, de Behr, Leclercq.
TROISIÈME SECTION.
MM. Beaucarne, Le Bègue, Gelders, Geudens, Pettens, le baron de Viron, Henri Cogels, Allard, Gendebien (père), le comte de Bergeyck, Fleussu, l'abbé Wallaert, Destouvelles, Buylaert, Nalinne, François Lehon, Van der Looy, l'abbé Pollin, le baron Frédéric de Sécus, Marlet.
QUATRIÈMIE SECTION.
MM. le comte de Baillet, Mulle, de Selys Longchamps, de Gerlache, le baron de Stassart, Hennequin , Maclagan, Bredart. Masbourg, le comte d'Ansembourg, le baron de Meer de Moorsel, de Roo, Roeser, le baron Beyts, de Decker, Buyse-Verscheure, Helias d'Huddeghem, Vandorpe, de Thier, Baugniet.
CINQUIÈME SECTION.
MM. le chevalier de Theux de Meylandt, Thonus, Collet, David, le marquis de Rodes, le baron de Leuze, l'abbé Andries, d'Martigny, de Tiecken de Terhove, Berger, Domis, Dams, le baron (page 71) de Pélichy van Huerne, Meeûs, Albert Cogels, Coppieters, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Fransman, d'Omalius, Dumont.
SIXIÈME SECTION.
MM. Charles Rogier, le baron Osy, Van de Weyer, de Ryckere, Goethals-Bisschoff, Henry, Charles de Brouckere, Le Bon, le comte de Renesse, le baron Van Volden de Lombeke, Trentesaux, Gustave de Jonghe, le comte d'Arschot, d'Hanis van Cannart, Jacques, Delwarde, Peeters, Watlet, Jottrand, de Ville.
SEPTIÈME SECTION.
MM. Van Snick, Zoude (de Saint-Hubert), Nopener, le comte de Quarré, Du Bus, le comte de Robiano, Thorn, Verwilghen, de Labeville, Speelman-Rooman, Barthélemy, de Waha-Grisard, le marquis d'Yve de Bavay , le baron de Sécus (père) , Pirson, Goffint, Constantin Rodenbach, Davignon, Van Hoobrouck de Mooreghem, Van der Belen.
HUITIÈME SECTION. (Note de bas de page : Elle compte seulement dix-neuf membres ; le vingtième doit être M. Roels, ou M. le vicomte Charles Vilain XIIII, les noms de ces deux honorables députés ayant été omis, dans le tableau des sections).
MM. de Sebille, Morel-Danheel, Camille de Smet, Claes (d'Anvers), Claus, Werbrouck-Pieters, le baron de Coppin, Blargnies, d'Hanens-Peers, Eugène de Smet, le comte de Celles, Nothomb, Dehemptinne, Lardinois, Surmont de Volsberghe, Lecocq, le baron Surlet de Chokier, Raikem, de Coninck.
NEUVIÈME SECTION (Note de bas de page : Même observation que pour la huitième section).
MM. Vandenhove, Deleeuw , Van Meenen, le baron de Liedel de Weil, Charles Le Hon, de Muelenaere, Defacqz, le baron de Woelmont, Du Bois, François, Destriveaux, l'abbé Verbeke, Jean Goethals, l'abbé Van Crombrugghe, Peemans, Le Grelle, le comte Félix de Mérode, l'abbé Joseph de Smet, Béthune.
DIXIÈME SECTION.
MM. Teuwens, Thienpont, Charles Coppens, Lefebvre, le vicomte Desmanet de Biesme, Simons, Barbanson, Cauvin, Alexandre Gendebien, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, le comte Duval de Beaulieu, Joos, l'abbé Boucqueau de Villeraie, de Nef, Wannaar, l'abbé Dehaerne, le comte Werner de Mérode, le baron de Stockhem, Blomme , Bosmans. (P. V.)
M. le président annonce qu'on va passer au tirage au sort des quatre bureaux chargés de dépouiller les scrutins qui vont être faits pour la nomination du président, des deux vice-présidents et des quatre secrétaires.
Le sort désigne pour le premier bureau MM. Trentesaux, de Roo, Théophile Fallon, le comte de Quarré ; pour le deuxième bureau MM. Berger, de Tiecken de Terhove, le chevalier de Theux de Meylandt, Claus ; pour le troisième bureau MM. le comte d'Ansembourg, Peeters, Leclercq, Beaucarne; pour le quatrième bureau MM. le baron de Woelmont, Dehemptinne, Wyvekens, de Rouillé. (U. B, 11 janv.)
- M. de Gerlache, premier vice-président, remplace M. le baron Surlet de Chokier au fauteuil.
On procède au scrutin pour la nomination du président ; en voici le résultat :
Nombre des votants : 137.
M. le baron Surlet de Chokier a obtenu 104 suffrages.
M. de Gerlache, 29
M. Lebeau, 2
M. de Muelenaere, 1
M. le baron de Stassart , 1
M. le baron Surlet de Chokier, ayant réuni la majorité absolue des voix, est proclamé président du congrès national. (P. V.)
On procède au scrutin pour la nomination des vice-présidents et des secrétaires.
Le dépouillement de ce scrutin donne le résultat suivant :
Nombre des votants : 138.
1° Pour la nomination des vice-présidents.
M. de Gerlache a obtenu: 115 suffrages.
(page 72) M. le baron de Stassart, 66 suffrages..
M. Charles Le Hon, 20
M. Raikem, 11
En conséquence, MM. de Gerlache et le baron de Stassart sont proclamés vice-présidents du congrès national. (P. V.)
2° Pour la nomination des secrétaires.
M. le vicomte Charles Vilain XIIII a obtenu 117 suffrages.
M. Liedts, 106
M. Henri de Brouckere, 103
M. Nothomb, 94
M. Le Bègue, 50
M. Frison, 8
M. Wannaar, 5
Les autres voix sont partagées entre un grand nombre de membres.
Les quatre premiers sont proclamés secrétaires du congrès national. (P. V.)
M. le baron Surlet de Chokier monte au bureau et dit – Messieurs, permettez-moi de vous exprimer ma vive et sincère reconnaissance pour le témoignage de bienveillance et de confiance que vous venez de me donner pour la troisième fois. Plaise à Dieu que je sois le dernier président que le congrès national ait à nommer, et que, dans le courant de ce mois, c'est-à-dire, d'ici au 11 février, il ait achevé ses importants travaux, et assuré nos institutions constitutionnelles et le bonheur de la patrie ! (Vifs applaudissements.) (U. B., 12 janv.)
- L'assemblée ordonne l'impression et la distribution de ce rapport. (P. V.)
M. François demande que les sections nomment sans retard leurs rapporteurs pour la loi des distilleries. (C., 11 janv.)
M. le président – Messieurs, avant de passer à la discussion qui est à l'ordre du jour, je demanderai à l'assemblée si elle veut entendre un rapport que M. de Gerlache est prêt à lui faire sur la pétition des officiers hollandais détenus à Tournay comme prisonniers de guerre. (U. B., 12 janv.)
M. Lebeau – Il a été décidé qu'une séance du soir, par semaine, serait consacrée aux pétitions. (U. B., 12 janv.)
M. le président – Celle-ci, par son importance, mérite une exception. Les pétitionnaires s'y plaignent d'un déni de justice. (U. B., 12 janv.)
M. de Robaulx – Il y a une pétition présentée par des volontaires, détenus en prison, qui mériterait aussi une exception, aussi bien que celle des officiers hollandais. (U. B., 12 janv.)
M. Devaux – En marchant ainsi d'exception en exception, nous n'en finirons jamais. (U. B., 12 janv.)
M. le président – Je vais consulter l'assemblée ; elle fera ce qu'elle jugera convenable. (U. B., 12 janv.)
- Le congrès décide qu'il entendra le rapport. (U. B., 12 janv.)
M. de Gerlache – Messieurs, plusieurs officiers hollandais, détenus à Tournay, exposent que, le 26 septembre, ils ont remis à la garde bourgeoise la citadelle de Mons, Aussitôt après, ils se sont rendus sur la grande place de cette ville où personne ne les a inquiétés, et la régence les a fait loger à l'hôtel de ville. Personne ne les considérait comme prisonniers de guerre, et ils ne pouvaient l'être en effet ; car ils n'avaient pas été pris les armes à la main. Cependant le Courrier des Pays-Bas du le octobre, portant un ordre du gouvernement provisoire (Note de bas de page : Cet ordre porte la date du 29 septembre ; il est conçu en ces termes : « Comité central. Le gouvernement provisoire ordonne à M. le commandant de la ville de Mons de considérer comme prisonniers de guerre tous les officiers hollandais, de les mettre sous due garde tout en les traitant avec humanité et bienveillance, de les garder comme otages. Bruxelles, 29 septembre 1830. DE POTTER, ROGIER, VAN DE WEYER) vint leur apprendre qu'ils étaient prisonniers de guerre, et qu'ils seraient gardés en otage jusqu'au moment où il n'y aurait plus de Belges au pouvoir des Hollandais. Les pétitionnaires prétendent que depuis longtemps cette condition s'est accomplie ; ils demandent en conséquence au congrès d'intervenir en leur faveur, et de donner des ordres pour faire cesser leur captivité.
A cette pétition est jointe une lettre de la régence (page 73) de Mons, d'où il résulte qu'en effet la citadelle de Mons fut rendue sans coup férir, et que s'il ne fut fait aucune convention entre ceux qui ouvrirent les portes et les bourgeois, ce fut à cause de l'anarchie qui régnait en ce moment dans la ville. Il résulte encore de cette lettre que, si l'on retint les officiers hollandais, ce ne fut que dans le but de les faire servir d'otages jusqu'à ce que les députés qui étaient à la Haye, et les autres Belges occupant des emplois en Hollande, fussent rentrés en Belgique.
A cette lettre on a joint le procès-verbal de la prise de possession de la citadelle de Mons, qui confirme les faits avancés par la régence.
Voilà, messieurs, en quel état se présentait la question, lorsque la pétition vous fut soumise pour la première fois. Vous savez qu'elle fut renvoyée à M. l'administrateur général de la guerre ; je vais vous faire connaître sa réponse. Il faut vous dire que, sur le renvoi qui lui avait été fait de la pétition, M. l'administrateur de la guerre a cru devoir consulter M. le commandant militaire de la province de Luxembourg, qui était en garnison. à Mons, le 26 septembre : c'est le rapport de ce dernier que je vais mettre sous vos yeux (Note de bas de page : Ce rapport est inédit ; nous le publions textuellement) ; car, du reste, M. l'administrateur général de la guerre ne nous a pas donné son avis sur la question.
« A monsieur le commissaire général de la guerre.
« Arlon, le 13 décembre 1830.
« Monsieur le commissaire général,
« J'ai l'honneur de vous renvoyer la pièce jointe à votre dépêche du 30, n° 17, relative aux officiers d'artillerie hollandais actuellement détenus comme prisonniers de guerre à Tournay, et de vous transmettre en même temps les observations que vous m'avez fait celui de me demander.
« Le retranchement de la garnison de Mons dans l'arsenal de cette place dès le commencement de septembre ;
« L'établissement de barricades ou blockhaus à toutes les portes et dirigées contre les habitants ;
« La fusillade des citoyens, dans la soirée du 28 septembre, à la porte de Nimy, où plusieurs furent blessés ou tués ;
« L'envahissement nocturne de la maison de ville et l'enlèvement par l'autorité militaire du drapeau national pour y établir avec un grand appareil le quartier général au milieu de toute la garnison campée derrière deux pièces d'artillerie, braquées au milieu de la place, et qu'on prétendait chargées à mitraille, tandis que plusieurs autres l'étaient sur les remparts dans la direction les rues principales ;
« Le désarmement qui s'ensuivit, d'après les ordres de l'autorité militaire, des gardes urbaines et communales ;
« La menace de garnir d'artillerie le château de Mons pour foudroyer la ville ;
« Celles plusieurs fois répétées de déclarer la place en état de siège :
« Et en dernier lieu l'ordre donné le 29 au matin, au moment de la débâcle des miliciens, d'amener encore deux pièces d'artillerie sur la place, et dont les instances d'un officier subalterne belge ont seules empêché l'exécution, bien qu'ordonnée à deux reprises différentes par l'officier supérieur qui se trouvait à l'arsenal, et qui en avait reçu l'injonction de la place ;
« Tous ces faits réunis semblent prouver assez clairement que la garnison, ou plutôt ses chefs, se regardèrent comme en état d'hostilité ouverte avec les habitants, et qu'en dernière analyse la résolution de ce conflit devait, à moins d'une capitulation contraire, mettre le vaincu à' la merci du vainqueur, ou en d'autres termes en faire son prisonnier de guerre.
« En effet, aussitôt la débandade des miliciens belges, la garde urbaine qui, comme il est dit plus haut, avait été militairement désarmée, s'est instantanément reconstituée ; en s'emparant des armes jetées par les miliciens ou prises sur les Hollandais (car celles qui se trouvaient encore dans les magasins avaient été brisées, ou démontées la veille même, par ordre supérieur et les batteries jetées dans des puits et des latrines, d'où elles ont été retirées depuis), en même temps elle s'est emparée des postes aux portes de la forteresse, à l'arsenal, aux magasins et à l'hôpital militaires, et de la maison de ville, où la plus grande partie des officiers supérieurs de l'ex-garnison s'était réunie. La consigne fut donnée de les y retenir, aux magasins de n'en rien laisser détourner, aux portes de n'en laisser sortir ni officier ni soldat hollandais non plus que les commissaires que le général commandant et la régence, sous son influence sans doute, voulaient envoyer au prince Frédéric, et qui, malgré toutes leurs instances pour sortir des portes, furent forcés de se retirer par la garde de la porte de Nimy, où ils s'étaient présentés vers les dix heures du matin.
« Dans le courant de cette même journée, tous les officiers et soldats hollandais, hors le peu qui momentanément sut se mettre à l'abri des recherches (page 74) actives de la garde urbaine, furent ou réunis à la maison de ville, sous la surveillance de cette garde, et entretenus aux frais de la ville, ou déposés à la caserne de la manutention, et nourris aux frais de l'État. Le lendemain, 30 septembre, le nouveau commandant supérieur de la forteresse et non la régence (comme le dit la requête) reçut du gouvernement provisoire l'ordre ci-joint en copie. Depuis lors ces messieurs, aussi bien que leurs troupes, ont continué d'être considérés et traités comme prisonniers de guerre : les premiers, transférés à Tournay par ordre supérieur, y reçoivent un traitement mensuel, ce que je ne pense pas qu'on accorde aux otages proprement dits ; les autres, les vivres de campagne, y compris la ration de genièvre : hebdomadairement leur linge est blanchi, 80 chemises ont été distribuées à ceux qui en manquaient et à tous leur prorata de 100 florins, que le gouvernement a accordé pour leurs menus besoins.
« Je crois devoir borner à ce simple narré des faits les observations que le département de la guerre m'a fait l'honneur de me demander sur la pétition de MM. les officiers d'artillerie hollandais, détenus à Tournay comme prisonniers de guerre, laissant à sa sagesse d'en tirer les conséquences que de droit.
« Je suis avec un respectueux dévouement,
« BUZEN. »
Enfin, un ordre du gouvernement provisoire, en date du 29 septembre, enjoint à M. le commandant de Mons de considérer les pétitionnaires comme prisonniers de guerre, de les traiter avec humanité, mais de les garder comme otages, en exerçant sur eux une surveillance sévère.
M. l'administrateur de la guerre s'étant abstenu de nous donner son avis, nous nous trouvons aujourd’hui dans la même perplexité que le premier jour. En effet, si l'on en croit le rapport de M. le commandant militaire d'Arlon, les pétitionnaires sont prisonniers de guerre. Si au contraire on s'en rapporte à la régence de Mons, on ne peut les considérer que comme des otages. Sous ce dernier rapport, les officiers disent qu'aucun Belge n'étant plus détenu en Hollande, on ne saurait les retenir plus longtemps sans injustice. Mais ce fait est-il bien exact ? C'est ce que nous ne savons pas. Dans ces circonstances, votre commission pense qu'il faut laisser au pouvoir exécutif le soin de décider la question ; elle a par conséquent l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. l'administrateur général de la guerre, afin qu'après avoir consulté le gouvernement provisoire, il soit statué définitivement sur le sort des pétitionnaires. (U. B., 12 janv.)
M. le comte Duval de Beaulieu parle en faveur des officiers détenus à Tournay. Il invoque les termes de la proclamation du gouvernement provisoire en date du 26 septembre, où il est dit : « Que tous les Hollandais qui sont dans vos rangs en sortent et rentrent dans leurs foyers : la nation belge est assez forte et trop généreuse pour user de représailles. » D'après cela, dit l'orateur, les officiers hollandais ne devaient pas s'attendre à perdre la liberté. (U. B., 12 janv.) (Note de bas de page : Nous croyons qu'il n'est pas sans intérêt de reproduire ici cette proclamation, l'un des premiers actes du gouvernement provisoire qui venait seulement de se constituer ; elle fut publiée au milieu des combats du 26 septembre, journée qui devait assurer au peuple belge la victoire sur les troupes hollandaises :
« PROCLAMATION.
« Braves militaires belges !
« Depuis trop longtemps vous êtes sacrifiés à la jalousie des Hollandais, qui, non contents de s'emparer de tous les grades, saisissent toutes les occasions de vous humilier, de vous maltraiter. Le régime odieux de partialité et d'injustices de toute espèce qu'ils ont fait peser sur la Belgique, ne vous a que trop longtemps opprimés. Braves soldats, le moment est venu de délivrer notre patrie du joug que fait peser sur nous cette nation dégénérée. Ils ont donné eux-mêmes le signal de la séparation. Le sang belge a coulé ; il coule encore par les ordres de celui qui a reçu vos serments ; cette effusion d'un sang généreux a rompu tous les liens ; les Belges sont déliés, comme nous les délions, de tout serment.
« Que tous les Hollandais qui sont dans vos rangs en sortent et rentrent dans leurs foyers ; la nation belge est assez forte et trop généreuse pour user de représailles.
« Braves soldats, continuez de vous ranger sous nos drapeaux ; le nom de Belge ne sera plus un motif d'injustice, il deviendra un titre de gloire !
« Bruxelles, 26 septembre 1830.
« Baron Vander Linden d'Hooghvorst ; Ch. Rogier, avocat à la cour de Liége ; Comte Félix de Mérode ; Gendebien, avocat à la cour de Bruxelles ; Sylvain Van de Weyer, idem; Jolly, ancien officier du génie ; J. Vanderlinden, trésorier ; Baron F. de Coppin, secrétaire ; J. Nicolay, secrétaire, avocat à la cour de Bruxelles. » (C., 29 sept.)
M. de Robaulx s'étonne que M. l'administrateur général de la guerre se soit abstenu de donner son avis ; il vote pour que la pétition lui soit renvoyée, avec invitation de faire un rapport au congrès et de donner son avis sur la question. (U. B., 12 janv.)
M. le baron de Leuze – J'appuie l'opinion émise par M. Duval, et, en tout cas, je pense que dans le doute nous devons être généreux. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Généreux ! pour des hommes qui ont répandu le sang de nos frères ? Non. Je les considère comme prisonniers de guerre ; le sang a coulé à Mons !.... (U. B., 12 janv.)
M. le baron de Leuze – Nous devons être généreux avec tout le monde. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Non pas avec les assassins ! (U. B., 12 janv.)
M. Claus – Messieurs, je suis membre de la régence de Mons, et je puis affirmer que jamais les officiers ne se sont trouvés en opposition avec le peuple. Dans les premiers moments, toute la troupe faisait cause commune, et les Belges comme les Hollandais se sont précautionnés contre les attaques des bourgeois ; mais, dès que la scission a été opérée entre les Belges et les Hollandais, il n'y a eu aucun acte d'hostilité de la part de ces derniers.
Quant à ce que vient de dire M. Alexandre Rodenbach, que le sang avait coulé à Mons, voici ce qui s'est passé : Les habitants se sont portés à la porte de Nimy pour désarmer les militaires ; les bourgeois ont tiré les premiers, et naturellement la troupe a riposté ; mais je puis dire, et tout le monde à Mons peut attester ce fait, qu'il n'y avait dans ce moment qu'un seul officier hollandais sur le lieu du combat. Je fais valoir ces faits dans l'intérêt de la vérité ; je n'en ai pas d'autre à la question, et j'appuie l'opinion de M. Duval de Beaulieu. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – L'honorable préopinant a dit que les bourgeois avaient tiré les premiers et que les troupes avaient riposté. Il y a donc eu guerre, et tout ce qui était pris de part ou d'autre était prisonnier de guerre. Le rapport du commandant du duché de Luxembourg, militaire recommandable, a dit que le sang a coulé ; il doit le savoir, puisqu'il y était, et qu'il l'affirme. (U. B., 12 janv.)
M. Claus – Je ne crois pas qu'il y eût un seul soldat hollandais à Mons ; il n'y avait que des miliciens de la province. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Gendebien, membre du gouvernement provisoire – Lorsque les pétitionnaires ont été faits prisonniers, l'état de guerre entre la Hollande et la Belgique ne peut pas être révoqué en doute. Les journées de septembre ne l'avaient que trop prouvé. Nous étions en guerre contre les Hollandais à Bruxelles, et, instruits de ce qui se passait, les officiers en garnison à Mons devaient se considérer comme en état de guerre. Peu importe qu'ils aient été pris les armes à la main ; les faits qui s'étaient passés ne leur permettaient pas de doute sur leur sort, et le rapport du commandant militaire de Luxembourg n'en laisse pas non plus sur la question. Ce brave militaire, qui n'a pas moins de trente ans de service et qui a vu ce qui s'est passé à Mons, doit savoir aussi bien que qui que ce soit si les pétitionnaires sont prisonniers de guerre. Il cite des faits, qu'il ne suffit pas de nier ; il faudrait encore les détruire. Ainsi, sous ce premier rapport, les pétitionnaires ne peuvent être considérés que comme prisonniers de guerre.
Il reste la proclamation du 26 septembre, faite par le gouvernement provisoire, dans laquelle on voit une phrase portant injonction aux Hollandais de quitter les rangs de l'armée. Or, les pétitionnaires ont-ils abandonné les drapeaux d'eux-mêmes ? Non. Et si les soldats belges ne s'étaient pas séparés d'eux, n'en doutez pas, la ville de Mons aurait été mise à feu et à sang. Ainsi, messieurs, je le dis sans vouloir préjuger la décision qui pourra intervenir sur le renvoi proposé par la commission, il y aurait lieu de considérer d'ores et déjà les pétitionnaires comme prisonniers de guerre.
Si la Hollande agissait loyalement avec nous, je serais le premier à élever ma voix en leur faveur. Mais comment les Hollandais ont-ils traité nos prisonniers ? N'ont-ils pas impitoyablement massacré tous ceux qu'ils ont pu prendre ? et de Bruxelles jusqu'à Anvers, n'en a-t-il pas été de même ? N'ont-ils pas eu, à Bruxelles, la barbarie de brûler vif un blessé belge ? et ce fait atroce ne vient-il pas d'être renouvelé sous les murs de Maestricht ? Dans un village situé à la frontière, quinze ou vingt militaires belges étaient dans l'église ; les Hollandais arrivent, les en arrachent, et tirent sur eux à bout portant sur la porte de l'église. Qu'on fasse une enquête sur ce qui s'est passé : on verra que les Hollandais n'ont pas fait de prisonniers, mais qu'ils ont lâchement égorgé tous les malheureux qui sont tombés en leurs mains. Avant que de renvoyer les prisonniers, obtenez de la Hollande qu'elle renonce à cette manière atroce de faire la guerre ; car si les combats recommencent, la chance peut tourner contre nous, nous pouvons revoir des prisonniers belges au pouvoir de nos ennemis : d'après ce qu'ils ont fait jusqu'ici, vous devez juger de ce qui adviendrait si vous n'aviez pas (page 76) d'otages. Je vote donc et je voterais cent mille fois, s'il le fallait, contre les pétitionnaires. (Appuyé ! appuyé ! ) (U. B., 12 janv.)
M. De Lehaye – Les hostilités n'ont pas même cessé ; samedi dernier, les Hollandais sont venus attaquer nos postes en Flandre. (J. F., 12 janv.)
M. le baron de Leuze – Il ne faut pas voir si les Hollandais ont été barbares, mais si les prisonniers l'ont été. (J. B., 12 janv.)
M. de Gerlache – Il me semble que nous n'avons rien de mieux à faire que d'adopter les conclusions de la commission. (C., 11 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Les pétitionnaires se sont battus, ils sont prisonniers de guerre, c'est un fait matériel. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Gendebien – Mes voisins m'assurent que dans quelques villages aux environs de Maestricht, des paysans, pris par les Hollandais, ont été massacrés sous prétexte qu'ils avaient servi comme volontaires six semaines auparavant. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Je demande que le congrès décide d'ores et déjà s'ils sont ou non prisonniers de guerre. (U. B., 12 janv.)
M. Charles Rogier – Je demanderai à dire un seul mot en réponse à M. Claus. Je ne sais pas s'il y avait des Hollandais à la porte de Nimy, mais je sais qu'en arrivant à Mons, je vis des soldats hollandais blessés. Maintenant permettez-moi de vous faire remarquer que le congrès perd un temps précieux à discuter une question sur laquelle il pourrait s'en rapporter au pouvoir exécutif. (Appuyé / appuyé/) (U. B., 12 janv.)
M. Brédart fait valoir quelques nouveaux faits pour prouver qu'il y avait guerre quand on a pris les officiers de Mons. (C., 12 janv.)
- Les conclusions de la commission des pétitions sont mises aux voix et adoptées. (P. V.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion de la section I, chapitre II, titre III du projet de constitution : Du chef de l'État. (U. B., 12 janv.)
« Art. 44. Le chef de l'État commande l'armée, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce. Il en donne connaissance aux chambres, aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'État le permettent, en y joignant les communications convenables. Les traités de commerce ne peuvent avoir d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment des chambres.
« Néanmoins, nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi.
« Dans tous les cas, les articles secrets d'un traité ne peuvent être destructifs des articles patents. » (A. C.)
M. Le Bègue propose l'amendement ci-après : « Le chef de l'État commande l'armée, déclare la guerre, fait des traités de paix, d'alliance et de commerce, avec l'assentiment des deux chambres. »
M. Fransman présente l'amendement suivant :
« Le chef de l'État commande l'armée.
« Le droit de déclarer la guerre, de faire la paix, les traités d'alliance et de commerce, appartient au pouvoir législatif.
« Le soin de veiller à la sûreté extérieure de l'État, de maintenir ses droits, d'entretenir les relations politiques au dehors, de conduire les négociations, en choisir les agents et faire les préparatifs de guerre, appartient au chef de l'État. » (A.)
M. Le Bègue renonce à son amendement pour se rallier à celui de M. Fransman qui a le même but. (P. V.)
- L'amendement de M. Fransman est appuyé. (C., 12 janv.)
M. Fransman le développe dans un long discours, qui excite fréquemment l'impatience et les murmures de l'assemblée. Plusieurs fois M. le président agite la sonnette ou réclame le silence, sans pouvoir l'obtenir ; ce qui n'empêche pas l'orateur de poursuivre. Vers la fin de son discours l'honorable député ayant dit : « Je me permettrai encore une observation.»- Non ! non ! se sont écriés trente ou quarante membres de l'assemblée. L'orateur termine néanmoins son discours, en ramasse ensuite les feuillets épars, et descend de la tribune. (U. B., 12 janv.)
M. Le Bègue – Messieurs, la constitution qui nous occupe garantira si bien les intérêts matériels qu'il sera impossible au chef de l'État de porter atteinte aux moindres propriétés du moindre citoyen. Mais lorsqu'il s'agit de la plus précieuse des propriétés, celle de la vie, la loi offrira-t-elle moins de garantie contre la volonté arbitraire de ce même chef ? La proposition de lui enlever la prérogative de déclarer la guerre est une innovation constitutionnelle, dont il nous serait glorieux de donner l'exemple. On sait que les guerres ne sont le plus souvent que des querelles excitée par les passions subalternes d'ambitieux ministres.
(page 77) L'orateur s'en réfère à la sagesse de la chambre pour le sort de l'amendement. (J. F., 12 janv.)
- De toutes parts – Aux voix ! aux voix ! (U. B., 12 janv.)
M. le comte d’Arschot rappelle que le vote sur l'armée est annuel et que, par conséquent, le roi ne dispose pas plus de nos vies que de nos écus. (C., 11 janv.)
M. le président – Messieurs, vous avez entendu les développements de l'amendement de M. Fransman. (U. B., 12 janv.)
- Plusieurs voix – Nous ne l'avons pas entendu. (U. B., 12 janv.)
M. le président – Ce n'est pas ma faute. (Hilarité générale et prolongée.) (U. B., 12 janv.)
- On met aux voix l'amendement de M. Fransman. (U. B., 12 janv.)
-Cet amendement est rejeté. (P. V.)
M. Fransman et M. Le Bègue seuls se sont levés pour le soutenir. (U. ., 12 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici un amendement de M. Van Meenen : Au lieu de dire : «. Le chef de l'État commande l'armée, » l'amendement porte : « commande les forces de terre et de mer ». (U. B., 12 janv. et A.)
- Cet amendement est adopté sans discussion. (P. V.)
M. Van Meenen propose ensuite de remplacer la troisième phrase du premier alinéa de l'article 44, par celle ci-après : « Les traités de commerce et ceux qui pourraient grever l'État, ou lier individuellement des Belges, n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment des chambres. »
Il pense que la nation doit être entendue chaque fois qu'il s'agit de son intérêt, soit commercial, soit autre, et de l'intérêt de quelques citoyens. (C., 11 janv. et A.)
M. le baron Beyts demande qu'on ajoute à l'article les concordats avec Rome, qui doivent aussi être conclus de l'assentiment de la nation. (C., 11 janv.)
M. Fransman soutient que ce n'est pas le lieu de parler des concordats, parce que l'article 12 de la constitution devant régler s'il sera permis à l'État d'intervenir dans les affaires du culte, c'est une question de savoir s'il pourra concourir à un concordat. (U. B., 12 janv.)
M. le baron Beyts repousse cette objection, en disant que l'article 12 n'est destiné qu'à régler les affaires intérieures du culte, tandis qu'un concordat appartient aux relations extérieures de l'État. (U. B., 12 janv.)
M. Van Meenen – Ou un concordat grèvera nos intérêts matériels, ou il ne les grèvera pas. Dans le premier cas, dans le mot traités de mon amendement se trouvent compris les concordats.. Dans le second cas, le sous-amendement de M. Beyts est inutile. (U. B., 12 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – En 1831, l'État doit être athée et ne doit pas plus se mêler des francs-maçons que des capucins. (On rit.) (U.B., 12 janv.)
- Le sous-amendement de M. le baron Beyts est mis aux voix. M. le baron Beyts seul se lève pour le soutenir. (On rit.) (U. B., 12 janv.)
On met aux voix l'amendement de M. Van Meenen. (U. B., 12 janv.)
M. Le Grelle – Je demande la division. (U. B., 12 janv.)
M. Destouvelles propose d'ajourner le vote sur l'amendement qui mérite d'être réfléchi. (Non 1 non 1) (U. B., 12 janv.)
M. Jottrand combat la division demandée par M. Le Grelle. (U. B., 12 janv.)
M. Le Grelle – Je trouve que les mots : lier individuellement les Belges, sont trop vagues. (U. B., 12 janv.)
M. Lebeau – Les mots : grever l'État, sont tout aussi vagues, et l'entier amendement de M. Van Meenen est une véritable superfétation. Je vote contre. (U. B., 12 janv.)
M. le baron Beyts – Je propose au lieu de : grever l'État, de dire : ne pourra reconnaître des dettes à charge de l'État. (U, B., 12 janv.)
M. Lebeau – C'est inutile, parce que les chambres votent le budget, et que par conséquent on ne peut grever l'État sans leur assentiment ; et quand le roi reconnaîtrait une dette de vingt millions, il ne pourrait en grever l'État, parce qu'on lui refuserait les subsides ; il n'y aurait pas même lieu à la responsabilité ministérielle, car on ne poursuivrait pas dans ce cas un ministre comme coupable de concussion, mais comme fou. (U. B., 12 janv.)
M. le baron Beyts répond que le roi peut transiger et obliger l'État. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 12 janv.)
- On met aux voix la division proposée par M. Le Grelle ; elle est rejetée. (U. B., 12 janv.)
L'amendement de M. Van Meenen est mis aux voix : la première épreuve est douteuse ; il est adopté à la contre-épreuve. (P. V.)
M. Van Meenen propose un troisième amendement qui consiste à placer entre les deuxième et troisième alinéa de l'article une disposition ainsi conçue :
« Nulle force étrangère ne peut être admise au service de l'État, en occuper ou en traverser le (page 78) territoire, qu'en vertu d'une loi expresse. » (A.)
M. Raikem, rapporteur, fait observer que cet amendement se rapporte au titre V de la constitution : De la force armée, (U. B., 12 janv.)
- La discussion de cet amendement est ajournée (U. B., 12 janv.)
M. Devaux fait sur l'article des observations de rédaction qui sont adoptées. (C., 11 janv.)
- L'article 44 amendé est mis aux voix et adopté en ces termes :
« Le chef de l'État commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce ; il en donne connaissance aux chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'État le permettent, en y joignant les communications convenables.
« Les traités de commerce et ceux qui pourraient grever l'État ou lier individuellement des Belges, n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment des chambres.
« Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi.
« Dans aucun cas les articles secrets d'un traité ne peuvent être destructifs des articles patents. » (P. V.)
« Art. 45. Le chef de l'État sanctionne et promulgue les lois. » (A. C.)
M. Wannaar propose un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Le refus de sanction du chef de l'État n'est que suspensif : lorsque les deux législatures qui suivent celle qui aurait adopté la loi, ont successivement représenté la même loi, le chef de l'État est censé avoir donné la sanction.
- L'honorable membre développe son amendement au milieu des conversations particulières et des murmures d'impatience de l'assemblée. (U. B., 12 janv., et A.)
M. Henry propose l'amendement suivant : « Le chef de l'État sanctionne et promulgue la loi, ou y appose son veto, Ce veto est suspensif. Il cesse, et la sanction est obligée, si la même loi est reproduite et adoptée à la législature subséquente par la majorité des trois quarts. » (A.)
M. le président donne la parole à M. Henry pour développer son amendement. (E., 12 janv.)
M. Henry – Messieurs, l'amendement que j’ai l'honneur de vous proposer n'est que la reproduction de l'article 40 du projet de constitution de MM. Forgeur, Barbanson, Fleussu et Liedts. Cette disposition m'a paru sage et digne de figurer dans notre constitution. Pour se faire, messieurs, une juste idée de la nature et de l'étendue de la sanction des lois, il faut s'attacher particulièrement à considérer le but qu'on se propose d'atteindre par cette prérogative accordée au pouvoir exécutif. Car il ne suffit pas de poser des principes, il faut savoir pourquoi on les pose, et il faut examiner si des causes d'intérêt général n'exigent pas qu'ils subissent des modifications.
C'est une vérité reconnue que les masses ont, en général, une aptitude remarquable à saisir et à discuter une pensée déjà posée, à discerner ce qu'il y a de vrai ou de faux dans son énoncé, a saisir d'une manière claire l'ensemble de ses parties, et à en apprécier l'esprit et la lettre d'un coup d'œil sûr et infaillible. Mais, lorsqu'il s'agit de concevoir et de disposer cette pensée dans tous ses rapports de justice, de convenance et d'utilité générale, elles sont peu capables de remplir cet objet avec la certitude et la perfection requises. Un homme, au contraire, placé au centre de l'administration, habitué à suivre la marche des affaires, et possédant une quantité de faits d'expérience qui s'enchaînent et s'éclairent les uns par les autres, peut quelquefois se tromper sur la justesse d'une pensée, quant à son essence, mais bien rarement quant à ses rapports généraux et a son application. La vérité ou la fausseté du fond d'une pensée législative ne peuvent guère échapper à une masse ; mais les rapports d'ensemble et d'application lui échappent souvent, parce que chacun des membres voit la chose dans un cercle plus resserré. C'est sous ce point de vue, ce me semble, messieurs, que la sanction des lois a été accordée au pouvoir exécutif ; c'est parce qu'étant plus à même que le pouvoir législatif de saisir les rapports d'une loi dans son ensemble et dans la possibilité de son application, il peut quelquefois, par un veto salutaire, arrêter les funestes effets des lois qui, abstraction faite de leur application, pourraient paraître ne présenter aucun fâcheux résultat.
Le motif de la sanction royale une fois défini, il s'agit maintenant d'en apprécier l'étendue. Cette sanction sera-t-elle illimitée, ou, en d'autres termes, le veto sera-t-il absolu ? Ayant fait connaître le motif de la sanction, il me semble que j'ai, par là même, fait à peu près connaître aussi quelle devait en être l'étendue. Puisque la sanction n'est accordée, suivant moi, au pouvoir exécutif que parce qu'il est plus à même que le pouvoir législatif de juger des effets d'une loi (page 79) dans son application, et de voir jusqu'à quel point cette application peut être avantageuse ou nuisible, il me semble que le veto ne peut être absolu ; car, partant de ce principe, que fait le pouvoir exécutif en apposant son veto ? Il déclare que la loi dont on réclame la sanction lui est parvenue, et qu'il a des observations à présenter au corps législatif, pour lui faire envisager que la loi dont on demande la sanction est entachée de tel ou tel vice, présente tel ou tel inconvénient, et que, conséquemment, il ne peut accorder cette sanction. C'est un appel qu'il fait à la nation souveraine, par lequel il l'engage à prendre en considération les circonstances qui lui sont échappées lors de la confection de la loi ; mais si, ensuite de cet appel, le corps législatif persiste néanmoins dans sa première résolution, s'il juge et s'il décide à une grande majorité qu'elle est favorable et conforme aux intérêts du pays, alors on doit présumer que ce corps a mûrement examiné et pesé les motifs pour lesquels le chef de l'État croit la loi inadmissible, et qu'il est conséquemment de l'intérêt général que cette loi reçoive son exécution.
Il serait injuste alors que la sanction pût être de nouveau refusée, puisque la nation aurait parlé par ses représentants et déclaré de la manière la plus solennelle, en persistant dans sa première détermination, que la loi était dans ses intérêts.
Le veto ne doit donc être que suspensif. S'il en était autrement et que le veto pût être absolu, les assemblées législatives dégénéreraient et se transformeraient en assemblées consultatives, et le chef de l'État serait seul législateur. La nation se trouverait à la merci de son caprice et de son despotisme, puisqu'il pourrait, par le seul effet d'une volonté dont il ne serait pas même tenu de donner les raisons, paralyser la puissance législative et détruire sa volonté pour y substituer la sienne. Le pouvoir législatif serait attaqué dans son essence, puisqu'il y aurait concentration du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, et que la confusion de ccs deux pouvoirs amène inévitablement le despotisme.
Mais, dit-on, et c'est dans le rapport de la section centrale que je puise cette objection, si le veto n'était que suspensif, il ne serait pas vrai de dire que le chef de l'État participerait dans tous les cas au pouvoir législatif. Les chambres exerceraient seules cette autorité, lorsque le terme du veto serait expiré.
Cette objection me touche peu, car, en supposant même qu'après l'expiration du terme du veto, toute participation au pouvoir législatif fût retirée au chef de l'Etat, quel inconvénient cela pourrait-il présenter ? Je n'en vois aucun. Le vide de l'objection me paraît d'autant plus grand, qu'elle repose sur une base qui me paraît tout à fait fausse. Elle repose sur l'idée que la prérogative de la sanction se rattache à la part que prendrait le chef de l'État dans le pouvoir législatif. Mais c'est là, si je ne me trompe, une erreur très grave. La prérogative de la sanction ou du rejet de la loi, accordée au pouvoir exécutif, est plutôt un acte d'administration qu'un acte du pouvoir législatif.
Ce n'est pas comme participant à ce pouvoir que le chef de l'État donne ou refuse sa sanction, c'est plutôt comme administrateur. J'en puise la preuve dans la pratique même des gouvernements constitutionnels.
Dans tous les gouvernements de cette nature, ne voyons-nous pas que le pouvoir exécutif a le droit de sanctionner ou de rejeter une loi, tandis qu'il n'a pas le droit de la modifier ? Cependant, si ce droit lui est refusé, ce ne peut être que parce que le droit de sanctionner ou de rejeter ne dérive pas du pouvoir législatif ; car il serait assez étonnant, pour ne pas dire bizarre, qu'on pût rejeter une loi purement et simplement, et qu'on ne pût la modifier dans aucune de ses parties. Je ne vois pas quel motif il peut y avoir d'ôter au pouvoir exécutif le droit de modifier une loi adoptée par les deux chambres, du moment que c'est comme législateur que vous lui donnez le pouvoir de la rejeter. Celui qui peut le plus doit pouvoir le moins. Mais cette bizarrerie disparaît lorsque l'on considère la sanction comme acte d'administration, parce qu'alors le pouvoir exécutif n'exerçant pas la prérogative de la sanction comme émanation du pouvoir législatif, il devient tout naturel qu'il ne puisse modifier la loi, puisqu'il ne participe pas dans ce cas à la législation. (U. B., fi j_uv.)
M. le président – Voici un second amendement de M. Wannaar, au cas que son premier ne passe pas. (Hilarité générale.) M. Lebeau avait demandé la parole. (U. B., 12 janv.)
M. Lebeau – J'y renonce. (U. B., 12 janv.)
M. Charles Le Hon et M. Van Meenen demandent la parole.(U. B., 12 janv.)
M. Lebeau – J'avais renoncé à la parole pour abréger et en finir sur cette question ; mais si on ne veut pas voter immédiatement sur les amendements et qu'on accorde la parole à quelqu'un, je conserve mon tour. (U. B., 12 janv.)
M. Charles Le Hon – Je ne tiens pas à prendre la parole sur une question que je n'aborderais pas sans embarras, depuis que le premier génie de la tribune des temps modernes a jeté sur cette question les vives lumières de son éloquence. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 12 janv.)
M. le président – Voici le deuxième amendement de M. Wannaar:
« Il aura un délai de vingt jours pour user de cette prérogative, passé lequel temps, s'il ne s'est pas prononcé, son silence sera regardé comme une sanction réelle. «
Cet amendement est-il appuyé? (Personne ne se lève.) Il n'est pas appuyé, ainsi nix. (Hilarité générale.) (U. B., 12 janv. et A.)
- Le premier amendement de M. Wannaar et celui de M. Henry sont successivement mis aux voix leurs auteurs seuls se lèvent pour les soutenir (Rire général.)
Ils sont rejetés. (U. B., 12 janv. et P. V.)
L'article 45 est adopté tel qu'il est. (P. V.)
Il est quatre heures et demie; la séance est levée. (P. V.)