(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 41) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à midi et demi (P.V.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P.V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. Simons qui demande un congé de 15 jours. (U.B., 9 janv.)
- Ce congé est accordé. (P.V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l’analyse des pièces suivantes :
M. Le Roy demande la suppression de l’impôt sur les chevaux.
M. Parée, garde civique, se plaint de son lieutenant.
L’association patriotique liégeoise demande que l’impôt sur la librairie étrangère soit supprimé sans secousse et par degrés.
La même association réclame contre la proposition de rendre Venloo à l’ennemi.
Elle demande aussi l’abolition du monopole de la poste aux lettres.
M. Fegat demande un grade de lieutenant dans l’armée.
M. Lallement revient sur les plaintes qu’il a adressées au congrès contre le juge de paix de Namur.
M. Spitaels demande qu’on défère la couronne à Louis-Philippe Ier, qui régirait la Belgique par un vice-roi et d’après la constitution que le congrès achève.
M. Gambier présente des réflexions sur la dette (page 42) respective de la Hollande et de la Belgique.
Trente-deux habitants de Mons demandent que le congrès place la couronne belge sur la tête du roi des Français.
Des officiers supérieurs de la garde civique de Bruxelles demandent que le congrès s'occupe sans retard du choix du chef de l'État. Ils ajoutent qu'ils appuieront de toute leur force et maintiendront le choix qui sera fait.
Un grand nombre d'officiers de l'armée représentent au congrès qu'il est urgent de choisir un chef pour l'État, afin d'éviter l'anarchie et la contre-révolution. (U. B., 9 janv. et P. V.)
- Plusieurs voix – Lecture de ces deux pétitions ! (J. F., 9 janv.)
M. le président consulte l'assemblée pour savoir si elle veut entendre cette lecture. (U. B., 9 janv.)
- L'assemblée se prononce pour l'affirmative. (P. V.)
Un des secrétaires fait cette lecture.
M. Forgeur – Au nombre des pétitions dont on nous a lu le sommaire, s'en trouve une signée par 52 habitants de Mons, qui demandent la réunion de la Belgique à la France ; je demande aussi qu'il en soit donné lecture. (Non ! non !) (U. B., 9 janv.)
- Cette proposition est rejetée. (U. B., 9 janv.)
Les diverses pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Dewaet fait hommage au congrès de : Histoire du Stathoudérat, par Raynal, et de : Aux Bataves, par Mirabeau. (P. V.)
M. le président lit l'article 40 du règlement qui porte : « Pendant tout le cours de la séance les personnes placées dans les tribunes se tiennent découvertes et en silence. »
Puis il donne la parole à M. Raikem, rapporteur de la section centrale. (C., 8 janv.)
M. Raikem fait le rapport de la section centrale sur les dispositions de la constitution relatives au chef de l'État.
M. le président – Ce rapport sera imprimé et distribué. (P. V.)
M. Van Snick – Je demande que le congrès ordonne l'impression et la distribution de toutes les parties de la constitution qui ont été adoptée ! Il me semble que quelques-unes des dispositions dont il vient de nous être donné lecture sont répétées ailleurs, dans la constitution. Il serait bon d'avoir sous les yeux tout ce qui a été adopté pour faire la comparaison. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 9 janv.)
- L'assemblée décide que les articles de la constitution arrêtés jusqu'ici seront imprimés et distribués, et qu'il en sera ainsi à l'avenir des dispositions ultérieurement adoptées. (P. V.)
M. le comte Duval de Beaulieu – Je demande aussi qu'on imprime les procès-verbaux de nos séances ; cela pourrait nous être fort utile. (U. B., 9 janv.)
M. le président – C'est fort bon ; mais comme nous voulons un gouvernement à bon marché, je ne crois pas que toutes ces impressions nous mènent à ce but. (U. B., 9 janv.)
M. le comte d’Arschot – Il serait au moins convenable d'imprimer tout ce qui paraît sous le nom de décret. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Cela s'imprime dans le Bulletin des lois. (U. B., 9 janv.)
M. le comte d’Arschot – Dans ce cas, je demande qu'un exemplaire de ce bulletin soit distribué à chacun des membres du congrès. (U. B., 9 janv.)
M. le président met aux voix la proposition de M. le comte d'Arschot. (U. B., 9 janv.)
- Elle est adoptée. (P. V.)
M. Pirson, au nom de la troisième commission de vérification des pouvoirs, expose que M. Nagelmackers, député de Liége, et M. Ernst, son suppléant, ont donné leur démission. Il propose, en remplacement l'admission de M. de Waha-Grisard, troisième suppléant. (U.B., 9 janv.)
- Cette admission est prononcée. (P. V.)
M. le président – La parole est à M. Raikem, pour faire le rapport de la section centrale, sur la proposition de M. Rodenbach relative au choix du chef de l'État. (Mouvement d'attention.) (C., 9 janv.)
M. Raikem fait ce rapport.
- L'impression et la distribution en sont ordonnées. (P. V.)
(page 43) M. le président – Messieurs, vous venez d'entendre la proposition de la section centrale (Note de bas de page : Elle avait pour objet la nomination immédiate de quatre commissaires pris dans le sein du congrès ; deux de ces commissaires se seraient rendus à Londres et les deux autres à Paris, afin de traiter de tout ce qui pouvait être relatif au choix du chef de l'État en Belgique, soit sous le rapport du territoire, soit sous le rapport des intérêts commerciaux, , soit sous le rapport des alliances.) ; le congrès est-il d'avis d'ouvrir immédiatement la discussion ? (U. B., 9 janv.)
M. Forgeur – Je demande qu'au moins le rapport soit imprimé et distribué. On ne peut pas improviser une discussion de cette importance, il faut avoir le temps de la mûrir. (U. B., 9 janv.)
M. Van Snick – La discussion est importante, tout le monde le sait ; mais on sait aussi qu'elle est urgente. Eh bien ! qu'aurons-nous de plus quand nous l'aurons travaillée en sections ?
Depuis quatre jours nous nous en occupons ; nous ne serons pas mieux fixés quand nous nous en occuperions encore. D'ailleurs, messieurs, remarquez qu'il ne s'agit pas aujourd'hui du choix du prince. Je conçois que, lorsqu'il s'en agira, la discussion soit longue ; mais aujourd’hui nous n'avons qu'à nommer des commissaires pour les envoyer à Londres et à Paris. Tout le monde en sent la nécessité ; je demande donc qu'il soit procédé de suite à leur nomination. (U. B., 9 janv.)
M. Pirmez – Il faut au moins dix jours pour se préparer à cette discussion. (U. B., 9 janv.)
M. Van Meenen – Si, selon l'opinion de M. Forgeur, il fallait renvoyer la proposition aux sections, je concevrais l'insistance de M. Van Snick ; mais M. Forgeur n'a pas proposé cela : il a seulement demandé l'impression et la distribution du rapport avant la discussion. Que l'on se borne à ces deux points, et il n'y aura pas un trop long délai. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Personne n'a proposé le renvoi aux sections. (U. B., 9 janv.)
M. Forgeur – Je ferai remarquer, messieurs, que le nombre des membres est réduit de beaucoup, et, pour une discussion de cette importance, il serait bon que le plus grand nombre de députés possible se trouvât réuni. Il faudrait donc que l'ordre du jour fût fixé quelque temps à l'avance, pour donner aux absents le temps de revenir au milieu de nous. Je fais cette proposition, parce que je suppose qu'il entre dans votre pensée que tous les membres du congrès prennent part au choix du chef de l'État, et qu'il n'y ait de surprise pour personne. Ne craignez pas, messieurs, qu'on nous accuse encore de trop de lenteur : la nation sait que nous nous occupons de ses intérêts, et, quand il s'agit du plus grand de tous, n'allons pas nous laisser aller à trop de précipitation. Je demande que le congrès fixe un jour, non pas tellement éloigné que le pays puisse souffrir du retard, mais aussi pas tellement rapproché que les membres absents ne puissent pas se rendre pour le jour de la discussion. Le grand-duché de Luxembourg n'est pas représenté en ce moment ; il faudrait cependant qu'il le fût dans une circonstance aussi solennelle. (U. B., 9 janv.)
M. Surmont de Volsberghe demande à quelle époque la distribution du rapport pourra être faite. (E., 9 janv.)
- Un des secrétaires – Demain. (E., 9 janv.)
M. le baron de Stassart – Je propose de fixer la discussion à mardi prochain. (E., 9 janv.)
- Plusieurs voix – Lundi, lundi. (E., 9 janv.)
M. Simons engage à attendre le retour des députés du Luxembourg. (E., 9 janv.)
M. Jottrand s'oppose à ce délai indéfini, vu qu'il y en a qui ont obtenu un congé de quinze jours. (E., 9 janv.)
M. Dams – Les députés du Luxembourg ne pourront pas être ici avant mercredi, et je suis certain qu'ils s'empresseront de venir dès qu'ils seront instruits de ce qui se passe. (U. B., 9 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Pourquoi sont-ils absents ? Que ne restent-ils à leur poste ? Je n'ai pas quitté Bruxelles un seul jour depuis deux mois. Tant pis pour ceux qui ne se trouveront pas ici. (U. B., 9 janv.)
M. Devaux – Il serait dérisoire d'avoir décrété l'urgence et de renvoyer à mercredi prochain. Si le Luxembourg n'est pas représenté, c'est un malheur ; mais il fallait que cette province choisît des députés plus assidus. Tous les membres du congrès devraient se trouver ici. (U. B., 9 janv.)
M. Blargnies – Si les députés de la province de Luxembourg sont absents, chacun sait pourquoi. Leur présence était nécessaire sur les lieux, à cause de la fermentation des esprits. On vous assure d'ailleurs qu'ils s'empresseront de revenir dès qu'ils connaîtront l'objet en discussion ; en attendant, nous pouvons nous occuper d'autre chose : la continuation de la constitution est aussi (page 44) urgente que le choix du chef de l'État. (Non ! non ! Bruit.) (U. B., 9 janv.)
M. le président – Silence, messieurs, laissez parler l'orateur. (U. B., 9 janv.)
M. Blargnies – Nous pouvons travailler sur la constitution, en adopter quelques titres, et nous n'aurons pas perdu notre temps. Je demande l'ajournement à mercredi prochain. (U. B., 9 janv.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt – On ne peut pas se dissimuler que la question ne soit de la plus haute importance. Toutefois il ne s'agit pas maintenant du choix du chef de l'État, mais d'envoyer des commissaires à Londres et à Paris. Or, on a reconnu l'urgence sous ce rapport ; faut-il, pour l'absence de quelques membres, renvoyer indéfiniment ? (U. B., 9 janv.)
M. de Robaulx – N'ayant pas connaissance de la proposition de la section centrale, j'avais déposé sur le bureau une proposition absolument conforme à la sienne ; je crois devoir donner des explications sur ma conduite à cet égard, et je demanderai la permission de les présenter, si le congrès veut m'entendre. (U. B., 9 janv.)
- Quelques voix – Parlez ! parlez ! (U. B., 9 janv.)
M. de Robaulx – Messieurs, lorsque nous nous sommes occupés de la question de savoir quelle était la forme du gouvernement qui convenait le mieux à la Belgique, j'ai franchement exprimé mon opinion en faveur d'un chef de l'État élu par la nation pour un terme fixe, et qui administrât conformément à la constitution. C'est là cette république que tant de gens repoussent par préjugés et faute de l'avoir vue marcher en temps de paix.
Cette théorie, que je considère encore comme la meilleure, a été rejetée par le congrès, et la majorité s'est prononcée pour la monarchie constitutionnelle représentative sous un chef héréditaire ; c'est, selon moi, un nouvel essai que l'on veut faire de cette espèce de gouvernement ; c'est une transition vers un régime plus parfait.
Quoi qu'on dise des républicains, que l'on calomnie en les traitant d'anarchistes, ils se feront un devoir de prêcher le respect aux lois ; et par suite la décision du congrès, qui a voté la monarchie, leur fait un devoir de concourir, avec leurs collègues, à la constituer et à l'ériger de manière à ce qu'elle procure au pays la plus grande somme de prospérité.
La question relative au choix du chef de l'État occupe depuis quelque temps le congrès ; un grand nombre de personnes ont cru et croient que la conformité de nos mœurs, de nos habitudes, de notre langage, de nos intérêts surtout, réclame la réunion immédiate à la France.
Indépendamment des difficultés que les autres États apporteraient à la réalisation de ce plan, je pense, messieurs, que l'honneur national des Belges est intéressé à ce que l'on prenne un autre parti, s'il est possible. Beaucoup de bons citoyens, jaloux de conserver intacte cette indépendance pour laquelle on a tant combattu, se réunissent pour demander que la Belgique demeure et forme une nation séparée et parfaitement libre de tous liens avec d'autres pays.
Mais, cet orgueil national une fois satisfait, ils considèrent que le choix d'un prince français, comme roi des Belges, est le seul moyen de donner à nos produits, à notre industrie et au commerce en général, les débouchés nécessaires pour rendre à notre pays toute la splendeur que la richesse de son sol lui permet. Un pareil choix donnerait lieu à des relations intimes d'amitié et de commerce entre deux pays qui marchent d'un pas égal dans la carrière de la civilisation.
Ce projet aurait l'avantage de contenter la plupart de nos provinces qui touchent à la France ; Bruxelles aurait en permanence une cour qui ferait activer son commerce.
L'appui de la France ferait respecter la liberté de l'Escaut et l'intégrité de notre territoire, objets si contestés par une diplomatie ennemie de nos droits.
Ce choix mettrait fin au provisoire qui, comme l'a dit notre honorable collègue M. Lecocq, nous tue.
Ce choix délivrerait nos gouvernants d'un fardeau que tout le monde reconnaît trop lourd pour eux, puisque eux-mêmes sont de cet avis, et qu'on réclame des mesures de rigueur, des voies d'exception contre des partis qu'on signale sous les noms d'orangistes, de français, d'anarchistes et de républicains.
Prenons garde, messieurs, de tomber dans les (page 45) fautes de nos prédécesseurs. Pendant la révolution française, la tactique des ambitieux, celle de tout pouvoir qui sentait sa décadence, était d'accuser les autres de leurs propres fautes ; que dis-je ? de leurs propres crimes. Par là ils obtenaient des lois sanguinaires, des lois de suspects, et tout cela contre des partis.
C'est de cette manière que chaque catégorie, s'emparant du pouvoir, se décimait tour à tour, a sous prétexte de complots, de conspirations, que la peur ou la mauvaise foi faisaient supposer.
Si, messieurs, un pareil régime pouvait commencer chez nous, si le provisoire pouvait nous mener à une nouvelle Convention, je ne continuerais pas à prendre part à la représentation, parce que je hais l'anarchie.
Je sais que des cerveaux en délire ont déjà rêvé des listes de proscription, une dictature, et qu'un grand citoyen (M. de Potter), dont je m'honore d'être l'ami, a été menacé ; mais, messieurs, la sagacité du congrès et le bon sens de la nation feront justice de ces illusions.
Reste cependant un fait vrai, c'est que nous ne pouvons continuer le provisoire. La nation attend de nous que nous la fassions sortir de l'incertitude où elle se trouve ; essayons donc des moyens de parvenir sans délai à l'élection du chef de l'État : c'est le vœu du peuple, il faut y accéder, c'est un besoin pour lui. La proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre tend à ce but.
Je sais que l'on nous a affirmé que le roi de France ni le gouvernement français n'accéderait au choix d'aucun prince de France.
Mais, messieurs, le comité diplomatique ne vous a pas communiqué la preuve officielle de ce refus : il faut donc que nous nous en assurions par nous-mêmes.
Envoyons une députation non pas pour offrir une couronne, parce que l'honneur belge ne peut s'exposer à un refus, mais pour connaître si, en effet, la France a exclu du concours tous les princes de sa maison ou d'autres.
La députation partant du congrès aura cela de grave et de solennel, qu'elle sortira des élus de la nation.
Que sait-on si la représentation française ne s'associera pas à nos désirs, et si les vœux d'un peuple ne seront pas mieux appréciés lorsqu'ils seront portés par ses délégués que par les agents de la diplomatie et du gouvernement provisoire ?
Hâtez-vous, messieurs, d'envoyer cette députation, elle prouvera que nous voulons satisfaire à son attente : il est juste, ce peuple que l'on apprécie si peu : il ne réclame rien d'impossible, mais il a droit de nous demander de la bonne volonté et surtout de la promptitude. Si nous retardons encore quelques jours, nous perdrons un temps précieux et nous éloignerons le définitif si nécessaire. Je demande donc que l'urgence soit déclarée, et que le congrès délibère sans délai sur ma proposition : tel est le vœu du pays ; je m'y associe. (U. B., 9 janv.)
M. Charles Rogier – Je crois aussi, messieurs, que si le congrès adopte la proposition qui lui est faite d'envoyer des commissaires à Paris et à Londres, cette commission doit être nommée sans retard. Déjà le gouvernement provisoire et le comité diplomatique ont délégué des commissaires dans ces deux capitales. Ils sont chargés d'instructions dont l'objet n'est pas caché ; si aujourd’hui le congrès nomme des envoyés pour son propre compte, il est impossible, dès ce moment, que les commissaires du gouvernement continuent leur mission. Il se pourrait, en effet, que les uns et les autres agissent d'une manière toute contraire. La nouvelle de ce qui se passe ici arrivera d'ailleurs bientôt à Londres. Si les commissaires du gouvernement se présentaient encore au congrès, le congrès pourrait leur dire : De quel droit osez-vous vous présenter ici ? Ignorez-vous que les représentants de votre nation ont nommé d'autres commissaires ? Savez-vous si le congrès national ne les a pas chargés d'instructions toutes contraires aux vôtres ? Il n'y aurait rien à répondre à un pareil langage. Il me semble donc que si le congrès est décidé à nommer une commission, il doit s'en occuper sans délai, demain par exemple, ou au plus tard lundi. (U. B., 9 janv.)
M. Destouvelles – Messieurs, sous prétexte de faire sa profession de foi, M. de Robaulx est venu lancer un nouvel acte d'accusation contre le gouvernement provisoire : il a osé parler de tables de proscription, comme s'il y avait rien de commun entre notre époque et le règne sanglant de l'anarchie de 93. Messieurs, je crois devoir m'élever contre un pareil langage, et repousser une accusation qu'on ne pourrait qualifier trop sévèrement. Quand je viens élever la voix en faveur des hommes honorables qui sont à la tête du pouvoir, je me présente à vous dans une parfaite indépendance ; je n'ai jamais porté la livrée d'aucun gouvernement ; la justice seule est un besoin pour moi, et c'est à ce besoin que je cède en cette circonstance. Nous savons tous qu'il est de l'intérêt du congrès national de ne pas se séparer du gouvernement provisoire. Il a pu commettre quelques fautes ; mais, je le dis hautement, ces fautes ont (page 46) été amplement rachetées par les immenses services qu'il a rendus au pays, et ces services on ne peut les révoquer en doute sans injustice. Je crois donc que lorsqu'on vient lancer des accusations contre des hommes dignes de toute notre reconnaissance, et que, devant un public nombreux, on ose se permettre d'attaquer leurs intentions, nous devons protester contre d'aussi odieuses attaques, et défendre de toutes nos forces des citoyens dont le congrès national doit redoubler les forces, loin d'applaudir à ceux qui tentent journellement de les diminuer.
Quant à ce qu'on a dit de la Convention nationale, une imagination délirante a seule pu faire un semblable rapprochement. Je demanderai à l'orateur à qui je réponds : En sommes-nous à ces temps de sanglante mémoire, où la terreur sacrifiait sur l'autel de l'anarchie ? Avons-nous les horribles tribunaux révolutionnaires ? L'échafaud est-il en permanence dans nos cités ? Non. La justice est debout ; elle marche d'un pas ferme et dans une voie bien propre à rassurer tous les esprits. Vous ne vous effrayerez donc pas, j'en ai pour garant le bon sens et la droiture du congrès national, vous ne vous effrayerez donc pas de ces rapprochements forcés et mensongers, dont on ne fait usage que pour calomnier ce qui a droit à nos respects, et pour satisfaire des vues que je ne veux pas flétrir en leur donnant le nom qu'elles méritent. Qu'on nous dénonce au peuple en nous accusant de lenteur, nos procès-verbaux sont là pour répondre ; si nos travaux ne sont pas aussi avancés que le désirerait le pays, nous dirons qu'il s'agit moins de lui donner beaucoup de lois que de lui en donner de bonnes.
Je n'ai jamais flatté personne ; mais, toutes les fois qu'on renouvellera d'odieuses accusations contre le gouvernement provisoire, je me ferai un devoir de les repousser, me réservant de lui dévoiler, sans hésitation aucune, les fautes qu'il pourrait commettre.
Quant à la proposition de la section centrale, il faut d'abord examiner s'il y a lieu à nommer des commissaires ; quelque réflexion est permise dans un cas si grave, et c'est prématurément qu'on nous parle de les nommer aujourd'hui. J'opine pour quel l'examen de la proposition ait lieu dans la séance de mardi prochain. (U. B., 9 janv.)
M. Blargnies – Messieurs, je pense qu'il est nécessaire de renvoyer l'objet de la discussion à mercredi. Vous n'avez pas oublié l'importance du protocole de Londres, dont communication vous fut donnée il y a peu de jours. Vous vous rappelez aussi la réponse pleine de dignité et de noblesse faite à ce protocole par le comité diplomatique et approuvée par le congrès. Cette réponse n'a été expédiée à Londres que le 3 du mois ; il est impossible que nous ayons une réponse avant le 10, et nous ne pourrons la connaître que mardi au plus tôt ; il serait possible que cette réponse fût telle qu'elle rendît inutile l'envoi de nouveaux commissaires, ou qu'elle rendît leur nomination impossible. Cette réponse pourrait encore être telle qu'elle exigeât un changement de détermination de notre part ; elle pourrait être telle enfin qu'elle nous obligeât à donner à nos commissaires des instructions différentes de celles que nous leur donnerions aujourd'hui ou demain. Il y aura, dans tous les cas, nécessité de nous entendre sur ces instructions ; il est impossible de les improviser. Eh bien ! commençons par nous mettre d'accord sur ces instructions : le délai d'ici à mercredi ne sera pas trop long pour cela, et nous donnerons ainsi aux députés du Luxembourg le temps de venir se réunir à nous. (U. B., 9 janv.)
M. Pirson monte à la tribune, un discours écrit à la main ; il annonce qu'il va traiter le fond de la question, et prouver qu'au lieu d'envoyer des commissaires, il faut rappeler ceux qui y sont déjà chargés des pouvoirs du gouvernement provisoire. (Tumulte violent.) (U. B., 9 janv.)
- Quelques membres – Parlez, parlez. (U. B., 9 janv.)
- Les autres – Non ! non ! (U. B., 9 janv.)
M. Charles Le Hon, dominant le bruit – Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Le silence se rétablit.)
Messieurs, il est beau, il est noble de chercher à mériter de la popularité, et surtout de la conquérir à la tribune nationale ; mais il faut que cette conquête se fasse à propos et quand le combat est ouvert à tous. De quoi s'agit-il aujourd'hui ? Pour ceux qui veulent l’ordre dans cette enceinte et au dehors, il s'agit de la question d'urgence, de savoir s'il faut ajourner ou non la discussion de la proposition de la section centrale. La question est autre pour ceux qui veulent autre chose que l'ordre et l'observation de notre règlement. Ceux-là demandent à traiter la question à fond, lorsqu'il ne s'agit que de fixer l'époque où elle pourra être traitée. Ceux-là viennent à la tribune faire des professions de foi et des appels au peuple ; mais ce peuple, (page 47) dont le nom est si souvent invoqué, ce peuple nous en faisons partie, nous sommes ses élus, devant la nation, devant l'Europe entière. A qui de nous appartient-il donc de venir dire à la tribune quels sont les vœux du peuple, et de se constituer ainsi son seul représentant ? A qui appartient-il de dire que le gouvernement, que le congrès national lui-même se traînent dans l'ornière de la Convention (murmures), de nous rappeler des temps d'horrible mémoire ? (Les murmures augmentent.) (U. B, 9 janv.)
- Des voix – A la question ! à la question ! (U. B., 9 janv.)
M. Pirson parle et gesticule à la tribune où il est resté. (U. B., 9 janv.)
M. Charles Le Hon – Messieurs, je croyais que quand un orateur avait demandé la parole pour une motion d'ordre, vous respecteriez votre règlement en le laissant parler sans l'interrompre. Au reste, je n'avais plus qu'un mot à dire. C'est qu'il est souverainement étrange, inconvenant, je dirai même, en adoptant l'expression d'un des préopinants, odieux, de représenter le congrès comme se traînant dans l'ornière de la Convention. Je le dis hautement : s'il y a quelque mal, il vient de ce qu'une malheureuse division s'est manifestée parmi nous ; de ce que quelques personnes se sont séparées du gouvernement provisoire ; de ce qu'enfin on se permet une opposition sans but contre un gouvernement qui n'existe pas. Car, après tout, il est certain que nous n'avons pas de gouvernement. Il y a des hommes au pouvoir, mais, vous l'avez déclaré, c'est du congrès national qu'ils reçoivent des ordres, c'est en votre nom qu'ils les exécutent ; en un mot, vous êtes gouvernement vous-même et contre vous ; parmi vous toute opposition est impossible. Je n'irai pas plus loin. Vous excuserez l'expression un peu vive de mon opinion, mais il est des moments où quelque chaleur est permise.
N'oublions pas qu'il ne s'agit maintenant que de la question d'urgence ; en d'autres termes, si on discutera sans délai ou si on ajournera à demain ou à un autre jour. On ne peut pas parler sur le fond de la question : que si on permet d'entamer cette discussion, je demanderai la parole aussi pour parler après le dernier orateur inscrit. (Appuyé ! appuyé !)
- A ce discours succède un grand tumulte, pendant lequel parle M. Pirson, qui est encore à la tribune.) (U. B., 9 janv.)
M. le président – M. Pirson prend pour lui ce qui ne le regarde pas. (Le bruit redouble.) (U. B., 9 janv.)
M. Trentesaux d'une voix forte – Je demande que M. Pirson ne soit pas entendu ; il a annoncé qu'il voulait traiter le fond de la question. (U. B., 9 janv.)
M. Alexandre Rodenbach, vivement – Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Le silence se rétablit.) (U. B., 9 janv.)
M. le président – Parler, M. Rodenbach. (U. B., 9 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Je serai court, messieurs ; je demande la clôture. (Hilarité générale.) (U. B., 9 janv.)
- La clôture est prononcée ; M. Pirson descend de la tribune. (U. B., 9 janv.)
M. le président consulte l'assemblée, pour savoir si la discussion sera fixée à mercredi. (U. B., 9 janv.}
- Plus de la moitié des membres se lèvent. (U. B., 9 janv.)
M. le président – La discussion aura lieu mercredi. (U. B., 9 janv.)
M. Surmont de Volsberghe – Sur quoi ? (U. B., 9 janv.)
M. le président – Comment pouvez-vous me faire cette question, M. Surmont ? est-il possible qu'il existe des doutes dans votre esprit ? Que se passe-t-il ? Vous avez entendu la proposition de la section centrale ; on a été divisé jusqu'ici sur la question de savoir si elle serait discutée aujourd'hui ou un autre jour. Quelques membres avaient demandé que ce fût mercredi ; j'ai mis la question aux voix, le congrès a décidé l'affirmative, et vous venez me demander ce qu'on discutera ! (U. B., 9 janv.)
- Quelques voix – On n'avait pas compris, on avait cru que vous mettiez aux voix la discussion pour mardi. (U. B., 9 janv.)
- L'épreuve est renouvelée pour savoir si ce sera mardi ; une immense majorité se lève pour : la discussion aura lieu mardi. (P. V.)
M. Surmont de Volsberghe fait quelques observations qui tendent à demander la contre-épreuve. (Bruit.) (U. B., 9 janv.)
M. Forgeur – Je demande à faire une motion d'ordre : le bureau a décidé ; il n'y a pas d'épreuve nouvelle à faire. Je demande que la décision soit maintenue. (U. B., 9 janv.)
M. le baron de Stassart – Il me semble que le bureau l'a décidé trop tôt ; d'ailleurs, lorsqu'un membre demande la contre-épreuve, il n'y a aucun inconvénient à l'accorder. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Allons, on va faire la contre-épreuve. Que ceux qui veulent que la discussion n'ait pas lieu mardi, mais un jour plus rapproché, car c'est ainsi qu'on l'entend sans doute (oui !) veuillent bien se lever. (U. B., 9 janv.)
(page 48) - Dix ou douze membres seulement se lèvent avec M. Surmont de Volsberghe. (U. B., 9 janv.)
M. le président – M. Surmont, j'en appelle à votre conscience, y avait-il doute ? (On rit.) Au surplus, messieurs, je suis un homme juste ; quand je dis une chose, c'est qu'elle est vraie. Voilà vingt fois que, lorsqu'il y a une majorité évidente, on me fait faire la contre-épreuve. Je vous préviens que désormais, lorsque le bureau aura prononcé, je n'aurai plus cette complaisance. (Marques d'assentiment.) (U. B., 9 janv.)
M. Devaux – Le bureau a l'air de croire qu'une seule épreuve est la règle, et que les deux épreuves sont l'exception : c'est tout le contraire. L'épreuve et la contre-épreuve, qui sont de droit, forment la règle ; une seule épreuve forme l'exception : la contre-épreuve est donc toujours de droit. (U. B., 9 janv.)
M. le président – A la bonne heure ; mais est-il besoin de la demander lorsqu'il ne peut exister l'ombre d'un doute ? (U. B., 9 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici la réponse du chef de l'administration générale des finances sur une pétition de plusieurs négociants de Liége relative à la distillation des céréales :
« GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA BELGIQUE.
« L'administrateur général des finances au congrès national.
« Messieurs,
« Par apostille du 30 décembre 1830, n° 9, il vous a plu de requérir mon avis sur la requête de plusieurs pétitionnaires de Liége, adressée au congrès national le 6 du même mois, et qui, en alléguant l'élévation du prix des céréales, demandent que l'on interdise momentanément la distillation des grains et des pommes de terre.
« Quoique l'objet de cette pétition, relatif à la question de la subsistance publique, dans ses rapports avec des enquêtes sur la suffisance ou l'insuffisance présumée des approvisionnements, en raison de l'évaluation des besoins et de la consommation du pays, rentre plus directement dans les attributions du comité de l'intérieur que de celui des finances, et sans faire entièrement abstraction de l'examen de cette considération, j'ai l'honneur, messieurs, de porter à cet égard à, votre connaissance, que le comité des finances a cru devoir faire déjà à ce sujet quelques recherches, en invitant MM. les gouverneurs à lui fournir des renseignements comparatifs, propres à fixer une opinion plus certaine sur ce point, que ne le permettent de simples assertions isolées, présentées par quelques habitants d'une localité très circonscrite et qui ne représentent qu'une fraction des intérêts généraux du pays. Quoique ces renseignements ne soient pas encore obtenus, des informations, qui s'y rattachent plus ou moins directement sont cependant de nature à établir que l'abondance des approvisionnements des céréales est en général plus que suffisante pour subvenir aux besoins jusqu'à la prochaine moisson ; on estime d'ailleurs que ces besoins sont évalués avec plus ou moins d'exagération, tandis que, d'une autre part, les cultivateurs et les détenteurs de céréales, consultant des appréhensions d'intérêt personnel, soit sur les mesures auxquelles ils supposent que leurs déclarations pourraient servir de base, soit sur les chances de l'affluence des marchés, ne paraissent donner qu'avec beaucoup de réserve et de réticence les indications des quantités réelles qu'ils possèdent.
« Jusqu'ici les deux arrêtés du gouvernement provisoire, du 21 octobre et du 16 décembre 1830 (Bull. off., n° 15 et 33), qui prohibent l'exportation et affranchissent l’importation des céréales, ont paru suffisants à l'exigence des circonstances, et d'une manière d'autant plus rassurante, que si les prix des grains se portaient à la hausse, bientôt les spéculations du commerce s'empareraient de cette circonstance pour faire arriver dans le pays des grains étrangers, dont la concurrence ramènerait le prix à l'équilibre convenable.
« L'on est donc fondé à croire que ce n'est pas le manque d'approvisionnement qui occasionne la hauteur du prix des grains ; mais que c'est l'effet d'un concours de circonstances passagères, dont les causes diverses sont même plus locales que générales : d'où résulte qu'elles semblent faire naître, dans quelques contrées, des inquiétudes dont le motif n'existe pas dans d'autres.
« Quant à la proposition que font les pétitionnaires, d'interdire la distillation, je ne puis, messieurs, reconnaître la nécessité d'une mesure aussi extrême, et aussi immédiatement préjudiciable aux intérêts de l'agriculture, surtout dans la saison où l'exploitation des distilleries est, pour l'entretien et la nourriture du bétail, une indispensable nécessité.
« Outre les considérations en faveur de la distillation, que les pétitionnaires cherchent à réfuter par des arguments puisés dans leurs systèmes, l'on ne peut méconnaître que cette industrie, si intimement liée à l'agriculture, ne peut être arrêtée sans causer plus de mal pour l'avenir qu'elle (page 49) ne produirait réellement de bien pour le moment actuel. Il en résulterait des inconvénients certains, tels que la cessation du travail que cette exploitation fournit si avantageusement, surtout dans les campagnes ; la grande diminution qui en résulterait dans les revenus du trésor, dont cette branche de fabrication présente un objet très important ; la réduction du nombre de bestiaux et de la production d'engrais, pour la culture des terres ; et enfin la compression même d'une industrie si éminemment indigène, qui ne cesse de réclamer toute espèce de facilités et à laquelle des gênes précédentes, beaucoup moins absolues, ont paru si oppressives, qu'elles sont devenues l'objet des plus véhémentes clameurs. D'ailleurs, messieurs, la fermeture des distilleries donnerait un aliment actif de fraude ; de toutes parts il s'élèverait des fabriques clandestines, d'autant plus certaines de succès, que seules elles fourniraient aux besoins des consommateurs.
« Au total, les distilleries ne consomment que deux espèces de grains, le seigle et l'escourgeon, celles dont la moisson a été abondante. Le froment, dont la récolte a été beaucoup moindre, n'y est nullement employé. Devrait-on, dans le système des pétitionnaires et par analogie, interdire aussi la fabrication de la bière ? L'on ne peut méconnaître que l'adoption de pareilles mesures ne doit être déterminée que par des motifs extrêmes de la plus impérieuse nécessité, et que ce cas est loin d'être démontré par la réclamation d'un petit nombre d'habitants d'une fraction peu étendue du pays, surtout lorsque, dans d'autres contrées, on réfute positivement la nécessité d'interdire la distillation.
« Je pense donc, messieurs, qu'aussi longtemps que ces sortes de réclamations ne deviennent pas plus générales, il serait dangereux de recourir à un moyen aussi désastreux que celui de l'interdiction d'une industrie importante, pour parer à un mal passager, et que les pétitionnaires ont pu l'exagérer par une sollicitude trop circonscrite, ce remède pouvant être plus funeste au pays que le mal même dont ils se plaignent.
« L'administrateur général, DE BROUCKERE. » (U. B., 10 janv.)
M. Forgeur demande l'impression de cette pièce. (U. B., 9 janv.)
- Cette proposition est rejetée. Le congrès ordonne le dépôt de la dépêche au bureau des renseignements. (U. B., 9 janv.)
M. Claes (d’Anvers) – Je demande le renvoi à la commission des pétitions, pour prendre une décision sur cette pétition. (U. B., 9 janv.)
- Un grand nombre de voix – C'est inutile. Tout est consommé. (U. B., 9 janv.)
M. Claes (d’Anvers) – Il faut bien savoir quel sera l'avis de la commission sur la réponse de l'administrateur des finances. (U. B., 9 janv.)
M. Trentesaux – Je demanderai à M. Claes quand est-ce qu'il croira que l'instruction sera complète ? (On rit) (U. B., 9 janv.)
M. Claes (d’Anvers) lui répond. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Quelques individus ont demandé que la distillation du seigle fût suspendue à cause de la cherté des grains. On a renvoyé leur pétition au ministre des finances ; le chef de cette administration, qui avait sous les yeux les rapports des gouverneurs des provinces et les autres documents nécessaires à la décision de la question, a répondu ; vous avez entendu la réponse ; tout est terminé. (U. B., 9 janv.)
M. Claes (d’Anvers) – Mais il faut bien que le congrès prenne une décision sur cette réponse. (U. B., 9 janv.)
M. Forgeur répète à M. Claes les explications de M. le président, et ajoute – Maintenant que le commissaire général des finances a répondu, que peut faire l'assemblée ? Chacun de ses membres, usant de l'initiative qui lui appartient, peut présenter un projet de loi sur cette matière ; mais dès qu'une pétition a été envoyée au ministre, et que celui-ci a répondu, tout est dit. M. Claes peut, s'il le veut, présenter un projet de loi ; mais renvoyer à la commission et l'envoyer ensuite au ministre pour recevoir une nouvelle réponse, ce serait éterniser les discussions. (U. B., 9 janv.)
M. Claes (d’Anvers) – Je répète que, jusqu'à présent, il n'y a pas de décision sur la réponse du ministre, de la part du congrès ; il faut cependant qu'il y ait une décision sur les pétitions. (Bruit.) (U. B., 9 janv.)
M. Lebeau – Que voulez-vous ? que le congrès supprime la distillation, sur la demande des pétitionnaires ? c'est impossible : il faudrait que quelqu’un présentât un projet de loi (U. B., 9 janv.)
M. Van Meenen – Il serait convenable d'ordonner le dépôt de la pétition et de la réponse du ministre au bureau des renseignements. (U. B., 9 janv.)
M. Henri de Brouckere et M. le président – C'est ce qui a été fait. (U. B., 9 janv.)
M. le baron de Pélichy van Huerne fait, au nom de la commission des pétitions, un (page 50) rapport sur un travail présenté par M. Wautier, de Baurain, tendant à simplifier la marche de la comptabilité. (P. V.)
- Le congrès ordonne le renvoi de ce travail au comité des finances. (P. V.)
M. le président prévient l'assemblée qu'il va lui être fait une communication importante, qui réclame toute son attention. (E., 9 janv.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture d'un projet de décret présenté par M. Van Meenen, qui a pour objet de lever les doutes nés sur l'applicabilité des lois pénales en matière de délits politiques sous un gouvernement provisoire et en même temps de modérer la rigueur du Code pénal qui nous régit. (P. V.)
- Cette proposition est appuyée. (P. V.)
M. Van Meenen, la développant, fait valoir la considération principale qu'il faut arrêter les projets des meneurs qui agitent le pays dans l'intérêt du gouvernement déchu ou de tout autre gouvernement qu'on voudrait substituer à celui qui existe dans le congrès et le comité central, jusqu'à ce qu'il soit institué un autre gouvernement par le congrès.
Il fait remarquer que la disposition qui concerne l'amnistie pour les crimes jusqu'au 6 janvier, est motivée par la considération que des personnes pourraient être engagées dans des manœuvres coupables et qu'il faut leur laisser la faculté de se tenir pour averties.
L'orateur termine par des réflexions sur ceux qui attaquent à tort et à travers le gouvernement de transition qui nous régit et qui montrent le facile courage de harceler des citoyens qui ne veulent pas se défendre. (C., 8 janv.)
M. Van Snick – M. Van Meenen s'est rendu l'interprète de nos sentiments à l'égard du gouvernement. Toutefois, je ne peux m'empêcher de relever quelques expressions dont il s'est servi, et qui ne sont excusables que parce qu'elles sont dues à l'improvisation. Il a qualifié de coupables certains discours tenus dans cette enceinte. Je crois que nous sommes tous convaincus, et M. Van Meenen aussi bien que les autres, que les intentions de tous les membres du congrès sont pures, et que si dans l'improvisation quelques expressions peuvent être blâmables, ces expressions ne partent que du bout des lèvres, et que le cœur y est toujours et complètement étranger. (U. B., 9 janv.)
M. Van Meenen – Je n'ai pas eu l'intention de blesser mes collègues. (J. F., 9 janv.)
M. Charles Rogier – En venant appuyer la proposition de M. Van Meenen… (U. B., 9 janv.)
M. Pirson demande la parole. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Un moment, monsieur. (U. B., 9 janv.)
M. Devaux – Je demande le renvoi de la proposition de M. Van Meenen à une commission de quatre ou cinq membres nommés par M. le président. (U. B., 9 janv.)
M. Le Grelle – Qu'elle soit renvoyée en sections. (E., 9 janv.)
M. Van Meenen adhère à la proposition de M. Devaux. (U. B., 9 janv.)
M. le président consulte l'assemblée qui ordonne le renvoi à une commission composée de cinq membres à nommer par le président. (U. B., 9 janv., et P. V.)
M. le président désigne MM. le baron Beyts, Leclercq, Raikem, Barbanson et Destriveaux, pour former la commission chargée d'examiner le projet de décret de M. Van Meenen. (P. V.)
M. Charles Rogier – Messieurs, j'ai dit que je venais appuyer la proposition de M. Van Meenen, je crois devoir expliquer dans quel sens j'entendais l'appuyer. Ce n'est pas dans l'intérêt ni pour l'appui du gouvernement provisoire, mais dans l'intérêt et pour l'appui du congrès national. C'est le congrès national, en effet, qui a proclamé l'indépendance de la Belgique, c'est lui qui a prononcé l'exclusion des Nassau ; c'est donc pour le congrès seul que le décret doit être rendu. (U. B., 9 janv.)
M. le président – M. Pirson, vous aviez demandé la parole. (U. B., 9 janv.)
M. Pirson – Je l'avais demandée pour combattre la proposition de M. Van Meenen ; maintenant qu'elle est prise en considération, il n'est plus temps. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Ah ! monsieur, je vous demande pardon, je croyais... (U. B., 9 janv.)
M. Pirson – II me semble que M. le président s'entend avec une partie de l'assemblée pour empêcher certains orateurs de parler. (A l'ordre ! à l ordre !) (U. B., 9 janv.)
- Le tumulte est à son comble ; pendant que presque toute l'assemblée fait entendre les cris : à l'ordre, M. Pirson gesticule et parle vivement au pied de la (page 51) tribune. On lui répond par des cris : Non ! non ! tandis que M. le président s'efforce de l'interpeller et de fixer son attention en lui disant : M. Pirson ! M. Pirson ! M. Pirson !... Enfin on fait un peu moins de bruit, et M. le président peut se faire entendre. (U. B., 9 janv.)
M. le président – M. Pirson, je vous prie d'être bien convaincu que je ne m'entends ici avec personne et que je ne connais que mon devoir. Quand je vous ai refusé la parole, je l'avais déjà refusée à M. Rogier, parce qu'il fallait en finir avec la proposition de M. Van Meenen, et que je croyais que vous ne vouliez demander la parole que pour des faits personnels. (U. B., 9 janv.)
M. Pirson – Je voulais parler contre la proposition. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Je vous demande pardon, j'ai cru que vous ne vouliez répondre qu'à des faits personnels. (U. B., 9 janv.)
M. Lebeau – Il est permis à M. le président de mépriser des injures qui lui sont personnelles ; mais quand on insulte notre président, on insulte l'assemblée entière ; je demande le rappel de M. Pirson à l'ordre. (Appuyé ! appuyé ! A l'ordre ! à l'ordre ! Le tumulte recommence.) (U. B., 9 janv.)
M. Pirson – Je n'ai point insulté M. le président. (U. B., 9 janv.)
M. le président – Vous avez dit que je m'entendais avec un parti. (U. B., 9 janv.)
M. Devaux – Je demande qu'on rappelle M. Pirson à l'ordre. (Le tumulte va croissant.) (U. B., 9 janv.)
M. le président – Messieurs, messieurs, je vous prie de m'écouter. Je connais M. Pirson depuis longtemps, non pas personnellement, mais de réputation. Je sais que chez lui les intentions sont toujours bonnes ; permettez-moi donc de ne rien faire qui puisse affliger ce respectable vieillard. (Bravo ! bravo ! Applaudissements nombreux et réitérés.) (U. B., 9 janv.)
- Il est quatre heures ; la séance est levée. (P. V.)