Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 mai 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1113) M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Spinnael demande qu'à toutes les heures du jour les aliénés colloqués dans des établissements puissent être visités par les membres de la famille. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


. « Les membres du conseil communal de Mellet présentent des observations sur le tracé à donner au chemin de fer de Fleurus à Nivelles par Frasnes, et demandent l'établissement d'une station à un endroit très rapproché de Mellet. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Anvers demandent une loi réglementant l'usage du flamand et du français dans les affaires judiciaires et devant tous les tribunaux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Nicolas Wallenborn, négociant-commissionnaire à Bruxelles, né à Meilbruck (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Par cinq pétitions, des habitants de Bruxelles demandent que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire.

« Même demande d'habitants d'Anvers et de communes non dénommées. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Le sieur Heppé propose des mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.


« Le conseil communal d'Anderlecht prie la Chambre de rejeter le projet de loi concernant un subside de 100,000 francs à la ville de Bruxelles ou de l'amender en sauvegardant les prérogatives communales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Keurnels prie la Chambre d'adopter, avant la clôture de la session, la proposition de loi relative à l'administration de la justice dans les parties flamandes du pays. »

« Même demande de membres de la société dite : Zettermanskring, à Gand, et de celle dite : de Vereenigde Vrienden, à Rumbeke. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.

« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 130 exemplaires du rapport de la commission permanente des sociétés de secours mutuel sur les opérations de ces associations pendant l'année 1870. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. De Lehaye demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.

Projet de code électoral

Second vote des articles

Article 8

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je prie la Chambre de vouloir accepter un amendement au paragraphe 2 de l'article 8.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« S'il s'agit de l'année antérieure à l'inscription, effectuer, dans le cours de cette année, en mains du receveur, le versement des contributions qu'il prétend devoir. »

Le projet, messieurs, qui vous a été soumis ajoutait la phrase ci-après qui se trouve dans la loi du 5 juillet 1871 et qui est la suivante :

« Le receveur est tenu de l'accepter et d'en donner quittance. »

Ce paragraphe a disparu de la rédaction proposée par la commission ; il est cependant à désirer qu'il y soit rétabli. On le peut, en ajoutant après le mot « receveur »: « qui est tenu de l'accepter et d'en donner quittance. »

En ajoutant ces derniers mots, le texte de la loi sera complet et chacun pourra connaître l'obligation légale du receveur.

L'honorable M. Pirmez l'a approuvé, et je ne suis ici que son écho.

L'amendement n'apporte aucune innovation. Il se borne à replacer dans le texte de l'article 8, paragraphe 2, une disposition qui était dans la pensée de la commission.

- Le paragraphe 2 de l'article 8 du projet de la commission est mis aux voix et définitivement adopté, tel qu'il est modifié par M. Pirmez, d'accord avec M. le ministre de l'intérieur.

Article 13

M. le président. - L'article 13 a été réservé ; il est ainsi conçu :

« Art. 13. Dans les cantons où le nombre des électeurs provinciaux inscrits sur les listes électorales de l'année précédente est inférieur à 70, la députation du conseil provincial ordonne la formation des listes supplémentaires.

« Sont portés sur les listes supplémentaires les individus réunissant les qualités requises pour être électeurs et payant au trésor de l'Etat au moins les 4/5 du cens électoral, si le nombre des électeurs s'élève à 40 ; et ceux payant les 3/5, si le nombre des électeurs est inférieur à 40.

« Les listes supplémentaires sont formées en même temps et d'après les mêmes règles que les listes principales. »

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, l'article 153 du projet de loi a été réservé dans la séance de vendredi dernier.

On a chargé le gouvernement de s'assurer s'il existe encore dans le pays des cantons où le nombre des électeurs provinciaux inscrits sur les listes électorales est inférieur à 70. Les renseignements qui m'ont été fournis établissent qu'il n'y a plus aujourd'hui, depuis la dernière réforme électorale, de canton qui n'ait un nombre d'électeurs plus considérable. Sous ce rapport on peut dire que l'article 13 ne recevra plus d'application. C'est ainsi que le canton de Ferrières, dans la province de Liège, qui ne comptait pas 70 électeurs, en compte actuellement 110 ; le gouverneur de la province de Luxembourg m'informe également qu'il n'y a plus dans sa province de cantons dont la population électorale soit inférieure à 70. Sous ce rapport il n'y aurait, je le répète, aucun inconvénient à supprimer l'article 13. Cependant j'engage l'honorable M. Demeur à ne pas insister sur la suppression de l'article, afin d'éviter un autre danger. Dans plusieurs dispositions, le code électoral renvoie à d'autres articles, et il est à craindre qu'en changeant l'ordre et les numéros des articles, il n'y ait plus concordance dans les articles de la loi.

Le temps a fait défaut pour faire la vérification de ces détails ; l'honorable membre est trop habitué à l'étude des lois pour ne pas savoir le danger que présenterait une erreur sous ce rapport.

M. Demeur. - Je n'insiste pas.

Article 19

M. Anspach. - Je demande à la Chambre la permission de présenter une observation relative à l'article 19. Cet article porte :

« Un double des rôles, certifié conforme par le receveur et vérifié par le contrôleur des contributions directes, est remis, à cet effet, avant le 15 juin, au collège des bourgmestre et échevins. Ce double est délivré sans frais. »

(page 1114) Je me suis demandé s'il ne serait pas extrêmement utile, pour les grands arrondissements, de fixer cette date au 15 mai au lieu du 15 juin,

Sous l'empire de la loi du 3 mars 1851, les receveurs des contributions devaient envoyer le rôle avant le 1er avril. Il y avait alors 3 rôles ; aujourd'hui il n'y en a plus que 5, l'alcool et le tabac ayant été supprimés.

Les trois impôts maintenus se portent sur un seul rôle. Il n’est donc pas plus difficile aujourd'hui de transmettre les rôles des contributions qu'il ne l'était sous l'empire de la loi de 1831.

Ce qu'on a pu faire sans inconvénient sous le régime de cette loi peut être fait encore aujourd'hui.

Lo changement sur lequel j'appelle l'attention du gouvernement n'a d'importance que pour les grandes communes. Dans les petites, où le corps électoral ne change guère, on peut se contenter de la date du 12 juin. Mais dans les grandes villes, comme Bruxelles par exemple, qui contient 10,000 électeurs environ, on conçoit qu'il faille un travail très long et très difficile pour dresser les listes qui doivent être produites par les administrations communales.

Depuis qu'il y a des électeurs à 10 et 20 francs, ce travail est devenu encore plus compliqué qu'il ne l'était auparavant.

Enfin, cet article ne me paraît pas en concordance avec l'article 146 du projet, qui porte :

« Tous les ans, avant le 1er' mars, la députation permanente du conseil provincial dresse, dans la forme prescrite par l'article 23, la liste des éligibles au Sénat domiciliés dans la province.

« Les dispositions des articles 5 à 10 inclusivement, du titre premier, relatives au cens électoral, sont applicables au cens d'éligibilité. »

On demande ici aux administrations communales une chose impossible.

Ce sont elles qui doivent fournir tous les ans les renseignements nécessaires aux administrations provinciales.

Si on ne leur fournit la liste que le 15 juin, les administrations communales ne peuvent pas donner les indications réclamées avant le 1er mars.

Si le gouvernement n'y voit pas trop de difficulté, on pourrait prendre pour l'article 19 la date que j'ai indiquée, c'est-à-dire celle du 15 mai au lieu du 15 juin. Dans l'article 146, on devrait mettre que la députation dresse, dans la forme prescrite par l'article 23, la liste des éligibles après le mois de juin.

MfM. - Dans la loi électorale de 1831 comme dans la loi sur les listes électorales de 1869, l'obligation imposée au receveur était de remettre les rôles au plus tard quinze jours avant l'époque fixée pour la révision des listes.

Par suite des demandes qui m'ont été faites, je me suis assuré qu'il était possible de remettre les rôles de manière à laisser aux administrations communales un délai plus long avant la révision. En fait, ce délai sera triplé sous le régime du code. Autrefois, un délai de quinze jours a suffi à la besogne, et il n'y a pas eu de plaintes.

Cependant, l'honorable membre réclame parce qu'on s'est borné à tripler le délai ; il voudrait encore ajouter un mois...

M. Vandenpeereboom. - Il y a plus d'électeurs qu'auparavant.

M. Malou, ministre des finances. - Oui, mais pas dans la proportion de quinze jours à six semaines. Quoiqu'il en soit, le terme extrême fixé par l'article 19 du code pour la remise des rôles, est le 15 juin ; je regrette de n'avoir pu admettre une date antérieure ; mais d'après les renseignements pris à l'administration centrale des contributions, il n'était pas certain, si une autre date avait été indiquée, qu'elle ne serait jamais dépassée dans des circonstances exceptionnelles.

Lorsqu'il s'agit d'une simple révision, même dans les collèges électoraux les plus importants, on pourra faire ce travail en six semaines.

J'ajoute un mot en ce qui concerne la liste des éligibles au Sénat ; assurément, messieurs, lorsqu'on a écrit le chapitre relatif à cette liste, on a dû faire concorder et établir les délais de manière qu'elle pût toujours cire dressée avant l'époque des élections ; c'est une révision annuelle et l'on a dit commencer de mars et aller jusqu'à juin, pour pouvoir remplir toutes les formalités et réserver les délais accordés pour l'affichage et pour les réclamations.

Je reconnais que l'administration communale, au 1er mars, si l'on ne devance pas beaucoup le délai de l'article 19, ne sera pas en mesure de signifier à la députation les changements survenus dans les listes des éligibles ; mais pour changer cela, il faudrait bouleverser tout le système, ou bien faire servir la liste des éligibles de l'année antérieure pour les élections qui ont lieu au mois de juin.

Je ferai remarquer qu'il n'y a aucune analogie entre les deux espèces de listes ; la liste des électeurs confère un droit ; la liste des éligibles n'est qu'une indication. Quand j’ai été élu sénateur, je n’étais sur aucune liste et pourtant mes pouvoirs ont été validés. Plusieurs de mes honorables collègues sont dans le même cas.

C’est donc une simple indication pour pouvoir former les listes additionnelles, en vertu de la Constitution, de manière qu'il y ait un éligible sur 6,600 habitants.

M. Anspach. - La question de savoir si deux mois suffisent aux opérations de la révision dans une commune comme Bruxelles, qui a 10,000 électeurs, est une question de fait.

J'affirme que rien n'est plus difficile que de faire le travail dans le délai fixé. Nous avons été obligés, sous l’empire de l'ancienne législation, de faire des travaux préparatoires de toute nature pour pouvoir arriver à quelque chose, non pas de satisfaisant, mais d'admissible seulement.

Comment peut-on-soutenir que les rôles des contribuables ne peuvent être remis avant le 15 juin, alors que, sous l'empire de la loi de 1831, dès le 1er avril, le travail des receveurs était remis. J'ai démontré que ce travail est aujourd'hui moins compliqué qu'il ne l'était à cette époque.

M. le ministre me dit : C'est le délai extrême. On pourra donner les rôles avant l'époque fixée.

Si l'on pouvait certifier que dans le délai de trois semaines, un mois avant l'époque fixée par la loi, les rôles seraient remis dans les grands arrondissements, je n'aurais rien à dire. Mais, c'est parce que nous savons tous qu'ils n'arriveront qu'au dernier moment que j'ai demandé à la Chambre d'admettre un délai un peu plus grand.

Je ne présenterai pas d'amendement parce que je suppose que si le gouvernement ne l'adopte pas, il n'a pas de chance d'être admis, mais j'aurai, au moins, fait ma réclamation et j'aurai avec moi toutes les grandes communes qui sont obligées de se livrer à la révision, très compliquée, des listes de leurs électeurs.

M. Malou, ministre des finances. - Je suis bien décidé à prescrire l'envoi aussi prompt que possible ; mais ce que j'ai reconnu impraticable après avoir fait examiner la chose par les hommes pratiques, c'est d'admettre comme délai fatal imposé par la loi un terme plus rapproché ; si on peut le devancer, on le fera.

Articles 98 et 159

M. le président. - Les articles 8, 98, 159, amendés au premier vote, sont définitivement adoptés.

Article 187

« Art. 187. Les chefs-lieux des cantons électoraux et le nombre des conseillers à élire sont déterminés dans le tableau annexé au présent code sous le n°II. »

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Les annexes auxquelles le projet de loi renvoie sont les tableaux de classification des communes, le tableau de répartition des conseillers provinciaux annexés aux lois récemment votées, ainsi que le tableau de répartition des représentants et des sénateurs. Il n'y a ni erreur ni confusion possible.

M. le président. - Vous ne proposez pas de modification ?

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Non, M. le président. C'est une simple observation.

- L'article est définitivement adopté.

Articles 197 et 198

Les articles 197 et 198 et les modifications apportées au tableau n°3 sont définitivement adoptés.

Il est procédé au vole par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 88 membres présents.

Ce sont :

MM. Allard, Ansiau, Anspach, Beeckman, Berten, Biebuyck, Boulenger, Bricoult, Coremans, Cornesse, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, de Baets, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, Defuisseaux, de Haerne, de Kerchhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Funck, Gerrits, Guillery, Hayez, Jacobs, Jamar, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Magherman, Mascart, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Pety de Thozée, Puissant, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tesch, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters et Thibaut.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi ouvrant au département des travaux publics un crédit de 208,000 francs.

(page 1115) Ce crédit, messieurs, est destiné à payer la somme fixée dans une transaction qui vient d'être conclue pour terminer un procès relatif à une entreprise de travaux publics.

Les intéressés ont mis pour condition que la transaction serait réalisée très prochainement.

Je suis au regret de devoir, à une époque aussi avancée, faire une proposition nouvelle ; mais je demande à la Chambre de vouloir bien renvoyer le projet à une commission spéciale ou a la section centrale du budget des travaux publics, considérée comme commission spéciale.

M. le président. - Le projet de lui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagne.

S'il n'y a pas d'opposition, le projet de loi, ainsi que le propose M. le ministre des finances, sera envoyé à l'examen de la section centrale du budget des travaux publics, constitué en commission spéciale.

Projet de loi portant modification facultative de l’accise sur la bière

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, en présentant le projet de loi relatif à la modification facultative de l'accise sur la bière, j'ai commis, je le reconnais, une erreur dans laquelle je ne retomberai plus. J'ai compté sur l'intelligence des intéressés, sur leur modération et leur bon sens. Je me suis trompé. Je dois à la Chambre, dans la situation qui existe aujourd'hui, des explications complètes sur l'origine de ce projet et sur le caractère d'utilité qu'il présente au point de vue des intérêts généraux et de l'industrie du pays.

Dans ma pensée, ce projet devait être une cause de progrès réel ; mais je le reconnais, ce n'est pas une nécessité ; le projet est en quelque sorte facultatif, comme le système d'impôt qu'il tendait à établir en matière d'accise était aussi facultatif.

Je tâcherai d'expliquer l'origine du projet, ainsi que son caractère, sans entrer dans des discussions scientifiques, sans parler ni de glucose, ni de dextrine, ni de diastase ; mais en exposant les faits d'une manière aussi claire et aussi simple que possible. Je tâcherai de ne point travailler à moût trouble.

Dès 1867, des pétitions ont été adressées à la Chambre et au gouvernement, demandant de pouvoir expérimenter en Belgique la méthode bavaroise ; ces pétitions avaient pour objet d'obtenir la faculté qui est proposée par le projet.

Qu'il me soit permis de vous lire un ou deux extraits très courts de ces pétitions, et vous verrez que le gouvernement, en présentant son projet, n'a fait que déférer à un vœu qui lui a paru être légitime. Ainsi une pétition présentée à la Chambre avant la dissolution de 1870 portait ceci :

« Un brasseur demande de laisser subsister la base de l'impôt actuel et de laisser la faculté aux brasseurs de payer d'après la quantité de mouture ou de matières farineuses employées, comme cela se pratique actuellement en Hollande, depuis que la modification demandée a été accordée.

« Cette modification, tout en sauvegardant les intérêts du fisc, apporterait à la brasserie belge une grande amélioration, dans ce sens que les brasseurs seraient alors mieux à même de pouvoir travailler les matières employées pour confectionner un brassin de bière et obtiendraient ainsi un meilleur résultat comme qualité, sans causer de préjudice à personne, tandis qu'avec la loi actuelle, il est de l'intérêt du brasseur de verser le plus de mouture possible, ce qui est le plus souvent la cause d'un mauvais résultat dans la fabrication. »

Un autre brasseur, en faisant la même demande, ajoute : « Avec une loi de l'espèce, chaque brasseur travaillera ses matières premières comme il l'entend, et c'est l'unique moyen de relever l'une des industries les plus intéressantes du pays. »

Ces pétitions ont été renvoyées à la commission de l'industrie, et la dissolution de 1870 est survenue, sans qu'il ait été fait rapport sur leur objet.

Après la dissolution de 1870, de nouvelles pétitions sont arrivées à la Chambre et au gouvernement ; elles venaient de Bruxelles, de Bruges, d'Alost, de Hasselt, d'Anvers et de Louvain.

Voici encore un extrait d'une de ces pétitions :

« Cette modification, des brasseurs (autres que le pétitionnaire) l'ont réclamée depuis longtemps, et le ministère des finances lui-même, voulant voir notre industrie se relever et rivaliser avec ses concurrents étrangers et suivre l'immense développement qu'ils ont donné depuis quelques années à leur fabrication, a déjà depuis quelque temps élaboré un projet de loi répondant complètement à nos vœux et qu'il serait heureux de voir adopter par les Chambres.

« De plus, la nouvelle loi étant entièrement facultative, ne pourrait, en aucune manière, porter préjudice à qui que ce soit, de sorte que les appréhensions de quelques brasseurs ne sont nullement fondées, quand ils croient que la nouvelle loi rendrait l'application de l'ancienne plus difficile et plus rigoureuse à leur égard. »

Plus récemment, messieurs, d'autres pétitions ont encore été remis au gouvernement. Elles avaient pour objet la création de trois brasseries, l'une dans le Brabant, l'autre dans la province de Liège et la troisième dans les Flandres, pour pouvoir introduire en Belgique la méthode allemande, la fabrication de la véritable bière de Bavière ou de Vienne.

Sur la deuxième génération de pétitions, renvoyées également à la commission de l'industrie, pas plus de rapport que sur la première, jusqu'au commencement de 1872. Lorsque je suis entré au ministère, j'ai trouvé le projet préparé. Presque aussitôt, l'un des groupes qui voulait introduire en Belgique cette industrie nouvelle, si importante en d'autres pays, m’a demandé si mon intention était d'y donner suite.

J'ai répondu que j'examinerais, pendant les vacances parlementaires du renouvellement de l'année, s'il était possible, sans léser aucun intérêt, de faire droit aux pétitions qui m'étaient adressées. Après cet examen, je suis demeuré convaincu que le projet de loi avait une grande utilité et qu'il ne pouvait présenter absolument aucun danger pour la brasserie indigène, ni l'empêcher de continuer l'usage de la méthode qu'elle suit généralement.

Que se passa-t-il depuis l'époque où les premières pétitions étaient arrivées à la Chambre, et où la seconde série de pétitions avait été également renvoyée à la commission de l'industrie ? Nous l'ignorions tous. Mais le rapport de la section centrale nous apprend que l'honorable rapporteur faisait, au nom de la commission de l'industrie, une enquête sur les améliorations à introduire dans le régime de la brasserie en Belgique. Ce fut sans doute une révélation pour chacun de nous car personne, que je sache, ne s'est aperçu qu'il se faisait une enquête, et personne, aujourd'hui encore, à raison du silence que l'honorable rapporteur a cru devoir garder sur les résultats de ses investigations, ne sait quelles lumières cette enquête mystérieuse et latente a pu jeter sur la question.

Cette incertitude est d'autant plus grande que, dans le rapport, on ne nous dit rien des faits constatés ou des résultats auxquels on serait arrivé. Bien au contraire, la conclusion de la section centrale est de rejeter le projet de loi, puis de faire une enquête ; d'où je dois conclure que ces trois années, pendant lesquelles on réclamait, n'ont pas été utilisées pour éclaircir la question.

L'origine de la loi ainsi définie, j'ai à préciser quel en est l'objet réel. Aujourd'hui, messieurs, il existe, en Belgique, grâce à certaine tolérance dont la légalité est au moins douteuse, quelques brasseries où l'on fabrique des imitations de bière de Bavière ; mais il n'existe pas, en Belgique, de brasserie outillée de manière à fabriquer de la véritable bière de Bavière, et c'est là le fait capital du débat.

On soutient que la fabrication est possible sous le régime de la loi de 1822, et déjà des pétitions, dont j'ai donné des extraits à la Chambre et qui émanent de brasseurs, affirment que cela n'est pas, et qu'on ne peut, sous le régime de la législation actuelle, fabriquer de la véritable bière de Bavière.

J'ai ici un tableau des opérations indispensables pour fabriquer cette bière ; je ne fatiguerai pas la Chambre par la lecture de ce tableau, je me bornerai à le faire mettre aux Annales parlementaires. [Inséré à la page 1118 et non repris dans la présente version numérisée.]

Les opérations sont au nombre de vingt-quatre.

Il en est trois qui, d'après le régime de la loi de 1822, obligeraient à payer l'accise sur chacun des vaisseaux dans lesquels elles ont lieu. Il en est sept qui sont absolument interdites par cette loi.

Si tels sont les procédés de fabrication de la véritable bière de Bavière et si, en définitive, il y a un tiers, à peu près, des opérations nécessaires qui sont formellement interdites par la loi de 1822, comment peut-on soutenir que, sous le régime de la législation actuelle, on fabrique de la véritable bière de Bavière en Belgique ?

Le raisonnement que l'on a fait est celui-ci et c'est à la suite de cette supposition que nous avons tous été inondés des chiffres si péniblement alignés par la section centrale. On suppose que le chargement de la cuve-matière, pour faire la bière de Bavière, est de 28 à 30 kilogrammes. C’est le chargement de 28 à 30 kilogrammes qui existe pour faire les imitations. Mais, pour faire la véritable bière de Bavière, le chargement ne peut dépasser 18 à 20 kilogrammes au maximum.

(page 1116) Cela étant établi, il est évident qu'on ne peut aujourd'hui, en Belgique, faire de la bière de Bavière, parce qu'il faudrait payer comme droit d'accise beaucoup plus que le droit d'entrée fixé par le tarif des douanes, sans même tenir compte des frais de transport.

Notre régime d'accise repose dans toutes ses parties sur des présomptions légales, sur des faits saisissables, matériels, de manière que nulle part on n'a dû établir l'exercice proprement dit, ce qu'on appelait, sous l'empire, les droits réunis ; en d'autres termes, il y a des garanties morales de perception loyale de l'impôt et de liberté d'action pour chacune des industries soumises au régime de l'accise.

S'il est un fait parfaitement prouvé dans notre histoire financière, c'est que notre pays ne supporte pas le régime de l'accise proprement dit, c'est-à-dire de l'accise perçue à l'aide de ce que l'on nomme l'exercice, tel qu'il existe ailleurs.

J'en ai fait l'expérience par une preuve matérielle que j'ai acquise dans ma première campagne ministérielle. Pour constater, à l'égard des sucres de betterave, quel était le rendement réel, j'ai imposé, en vertu de la loi, mais pour une campagne seulement, le régime de l'exercice dans toute sa rigueur ; j'ai rencontré des embarras et des difficultés immenses pour arriver au bout de cette campagne ; il eût été de toute impossibilité de prolonger ce régime.

Ainsi, pour la bière, la base est la cuve-matière ; pour le sucre, c'est la densité et la quantité du jus ; pour une autre industrie, c'est une autre base ; mais c'est toujours un fait matériel qui laisse la liberté du travail dans une certaine mesure et qui ne soumet pas l'industrie, dans toutes ses opérations, au contrôle incessant de l'administration.

J'ai défini notre régime d'accise ; cela n'est pas inutile pour la suite des observations que j'ai à vous présenter ; je l'ai défini dans sa base et aussi quant à la nature de l'impôt. On discute à perte de vue sur le point de savoir s'il faut imposer d'après la valeur du produit ou d'après la quantité du produit. Les deux systèmes, en théorie, peuvent se soutenir, mais il est certain que toutes nos lois d'accise veulent atteindre la quantité, indépendamment du prix, de la qualité et de la valeur des matières fabriquées.

Ainsi, pour les eaux-de-vie, par exemple, suivant les matières premières qu'on emploie, la valeur du produit diffère notablement, et cependant le droit n'est établi qu'à raison des quantités présumées d'alcool que l'on obtient, sans s'inquiéter du degré de finesse que peut avoir le produit obtenu.

Est-on bien recevable, dès lors, à venir dire que la loi projetée établirait un privilège en matière d'impôt, parce que la qualité et la valeur de la bière de Bavière sont supérieures à celles de la bière commune, et que l'impôt n'est pas rigoureusement proportionné à cette valeur ? On peut changer la base actuelle du droit d'accise ; mais je constate quelle est aujourd'hui la base de nos lois d'accise.

Sous le régime de la loi de 1822, alors surtout que l'on a augmenté considérablement le taux de l'accise il y a quelques années, on a fait naître l'intérêt pour les brasseurs d'augmenter, autant que faire se pouvait, le chargement de la cuve-matière, parce qu'ils payent par hectolitre de cuve-matière ; et, dès lors, on a vu s'affaiblir, s'altérer, dans certaines parties du pays surtout, la qualité de la bière nationale.

On a également transformé successivement l'outillage pour rendre la fabrication plus économique, sans enfreindre la loi : c'est encore une des causes de la diminution de qualité de notre bière nationale, à quelques rares exceptions près.

Jamais il n'est entré dans l'intention du gouvernement de modifier les bases de la loi de 1822. Il y a plus : les brasseurs qui se sont alarmés, qui ont pensé que le mot « accise facultative » n'était qu'une fiction, et qu'on avait la prétention d'arriver à rendre le nouveau régime obligatoire d'une manière générale, n'ont pas su se rendre compte de l'impossibilité matérielle qui s'opposerait à une pareille innovation. Il faudrait en effet que tout l'outillage de toutes les brasseries du pays fût complètement changé, pour que ce ne fût pas un bouleversement complet dans l'industrie de la brasserie ou une impossibilité de vivre pour les brasseurs qui s'obstineraient à conserver leur outillage ancien.

Outre la déclaration si formelle qui a été faite, outre la proposition que j'ai soumise à la section centrale, d'engager moralement la législature à maintenir ce système comme une simple faculté, il y avait donc un fait matériel indestructible et qui rend absolument impossible la substitution d'une base nouvelle à la base actuelle de l'accise. Je me trompe, la section centrale, en demandant l'enquête, la demande pour arriver à un changement de système.

M. Delaet, rapporteur. - Pas du tout.

M. Malou, ministre des finances. - La section centrale a en vue un système nouveau que je caractériserai tout à l'heure, et qui consiste à substituer à la base de la cuve-matière la prise en charge d'après la quantité de farine...

M. de Naeyer. - Ce n'est pas la section centrale qui propose cela.

M. Delaet, rapporteur. - Ni même le rapporteur.

M. Malou, ministre des finances. - Mais alors, je n'y comprends plus rien.

J'ai lu trois ou quatre fois le rapport, et je vois qu'on indique un système qui établirait le droit sur la quantité de farine employée par le brasseur.

M. de Naeyer. - La section centrale a repoussé ce système.

M. Delaet, rapporteur. - Le rapporteur ne l'a pas présenté.

M. Malou, ministre des finances. - Je vous assure que si je n'ai pas compris le rapport, c'est de très bonne foi et après l'avoir examiné très consciencieusement.

Messieurs, il est évident que lorsqu'on abandonne la base fixe, matérielle, tangible, il faut qu'on établisse l'exercice dans toute sa rigueur. Ainsi, du moment qu'on change de système et que l'accise doit être proportionnelle à la quantité de farine employée, mais en raison inverse de cette quantité, il est bien évident qu'il faut un contrôle, il faut l'exercice complet, c'est-à-dire y compris la constatation des quantités produites. Sans cela, la loi ne décréterait qu'une chose : la liberté de la fraude et la ruine des brasseurs qui voudraient opérer loyalement. Nous ne voulons point placer ces derniers dans des conditions d'infériorité relativement à ceux qui voudraient se livrer à la fraude.

Le projet a donc pour but de permettre la prise en charge en raison de la quantité de farine employée et, comme conséquence, dans l'arrêté d'exécution, on aurait établi le contrôle des quantités, c'est-à-dire que ceux qui réclameraient le bénéfice de cette loi accepteraient l'exercice dans toute sa rigueur.

Messieurs, pour rassurer ceux qui croient voir des arrière-pensées dans le projet du gouvernement, j'ai d'abord fait une proposition à la section centrale. J'en ai fait une deuxième, consistant à insérer dans la loi une mention analogue à celle qui a été admise par- a législature lorsqu'on a aboli les octrois, en vertu de laquelle le régime déclaré facultatif ne pourrait jamais être transformé en un régime obligatoire.

Je voulais aller plus loin ; je disais : « Si vous pouvez être rassurés par une autre disposition, je suis prêt à la formuler. Je demanderai que la loi n'ait qu'un caractère provisoire et qu'elle cesse de plein droit, si quelques inconvénients viennent à se révéler. »

Si j'avais pu comprendre que cette disposition fût de nature à rassurer les intéressés qui s'alarmaient à tort, je n'aurais pas hésité à la présenter ; mais l'impression contraire est restée, et ma tentative est demeurée sans résultat.

Je vous citais tout à l'heure les pétitions ; et ici je dois faire part à la Chambre d'un fait qui me revient à la mémoire. Je ne nomme personne ; mais parmi ceux qui ont fait au projet de loi une vive opposition, il en est qui ont pétitionné pour que le projet fût présenté... (Interruption.)

Vous vous en étonnez ; moi je ne m'en étonne pas.

Lorsqu'on ne veut pas examiner les choses comme elles sont, lorsqu'on se crée des chimères et qu'on prétend que les mots « accise facultative » veulent dire accise obligatoire, il faut s'attendre à tout et ne s'étonner de rien.

Je signale encore un fait. La section centrale, sur ce point comme sur d'autres, réfute complètement les appréhensions des intéressés. A.la page 19 de son rapport, elle reconnaît qu'il n'est ni ne peut être question de rendre obligatoire le régime déclaré facultatif par le projet de loi.

Voici une autre appréhension.

On a cru que le gouvernement avait présenté ce projet de loi, parce qu'il veut supprimer certaine tolérance qui existe aujourd'hui. J'ai encore répondu officiellement à la section centrale et aux intéressés eux-mêmes, que l'administration n'entendait pas restreindre la tolérance, telle qu'elle existe aujourd'hui ; elle est peut-être trop large sur certains points ; mais enfin, elle existe, et évidemment, si la loi était votée, il n'y aurait pas de raison de la restreindre.

Mais, dit-on, c'est un privilège pour la boisson de luxe : elle paye aujourd'hui 19 centimes par kilogramme, on réduit le droit à 14. J'ai déjà indiqué tout à l'heure qu'elle ne payait pas 19 centimes par kilogramme puisqu'elle n'existait pas. (Interruption.) Cette industrie n'existe pas et il n'y a pas de réduction possible sur une industrie qui n'existe pas.

De l'aveu des intéressés eux-mêmes, aujourd'hui, d'après la charge moyenne des cuves-matière, l'accise représente 10 centimes par kilogramme de farine employée ; en d'autres termes, la charge moyenne est de 40 kilogrammes et l'on paye 10 centimes par kilogramme de farine employée. Et le projet de loi propose de faire payer 14 centimes, c'est-à-dire que, pour (page 1117) l'industrie nouvelle, il y aura, à l'égard de l'industrie actuelle, une surtaxe de 40 p. e, C'est la ce qu'on appelle un privilège en matière d'impôt !

Il résulte de là, et c'est encore un point sur lequel la section centrale est en aveu, que la bière de Bavière fabriquée d'après le procédé que j'indiquais tout à l'heure, ne peut faire concurrence à la bière nationale. (Interruption.)

On peut consulter sur cette question les pages 8,9 et 10 du rapport de la section centrale ; et, en effet, comment une bière, qui coûte de 30 à 35 francs l'hectolitre, peut-elle faire concurrence à une bière qui ne coûte que 12 à 15 francs l'hectolitre ?

C'est un produit entièrement différent et qui trouvera d'autres consommateurs.

On s'est beaucoup intéressé au fisc : on a dit que l'Etat allait perdre sur l'accise du vin et que, d'autre part, la bière payant moins, le trésor public subirait des pertes énormes.

Messieurs, je suis très reconnaissant à l'honorable rapporteur de cette sollicitude, mais je crois qu'elle est mal placée. Il se serait produit ici ce qui s'est produit en Hollande et en France : un nouveau produit appelle de nouveaux consommateurs, et l'on voit se développer parallèlement la consommation de deux produits qui sont différents par leur nature et par leur prix.

L'idée de concurrence, dont on fait un épouvantail, me représente à peu près ceci : un fabricant de waggons prendrait ombrage de ce qu'il s'établirait en Belgique un fabricant de locomotives. Voilà pour la situation, telle qu'elle résulte de la discussion actuelle.

Les faits, qui se sont passés en Hollande sont excessivement remarquables. J'ai fait distribuer à la Chambre des renseignements qui auront sans doute frappé son attention ; il s'est produit en Hollande, lorsqu'on y a introduit l'industrie nouvelle, une augmentation considérable de la consommation de la bière ; il est vrai, la consommation du vin a diminué. C'est encore un fait qui prouve que s'il y a un déplacement de consommation, ce n'est point au préjudice de la bière à bon marché, de la bière que l'on appelle exclusivement nationale, que ce déplacement se serait opéré ; c'est plutôt en attaquant, à certains égards, la consommation du vin et d'autres boissons de luxe.

Il y a ceci de remarquable encore : c'est que les faits ont été tout à fait différents en Belgique.

Je viens de vous démontrer qu'en Belgique la surtaxe, relativement à l'industrie existante, serait de 40 p. c. Or, les faits que je viens d'indiquer se sont produits en Hollande, sous un régime où le droit imposé à celui qui fabrique la bière de Bavière est l'équivalent rigoureux de l'accise que supporte la fabrication de la bière à bon marché. Cela est encore plus remarquable.

J'ai indiqué sommairement à la Chambre les raisons pour lesquelles il me semblait impossible de changer le système de la loi de 1822. Personne ne s'en plaint, ni le trésor public, ni les intéressés.

Dans cette espèce d'orage qu'a provoqué fort inutilement le projet dont il s'agit, j'ai vu poindre des idées tout à fait différentes, j'ai vu naître à cette occasion le désir d'obtenir un dégrèvement de l'accise sur la bière. On s'est dit : Profitons de ces circonstances ; tâchons, par exemple, de faire réduire l'accise d'un franc, de la faire abaisser de 4 à 3 francs. Ce sera toujours autant de gagné.

De pareilles concessions ne peuvent être consenties. Si l'on pouvait s'y résoudre, ce serait, de la part de l'Etat, un sacrifice de 3 à 4 millions, sans profit pour le consommateur, c'est-à-dire que la réduction d'un tiers de l'accise n'amènerait pas une réduction d'un centime pour la petite consommation des bières les plus communes.

Je ne pouvais donc pas me laisser entraîner dans cette voie. Ce n'eût été qu'un sacrifice pour l'Etat, sans que les consommateurs en eussent le moindre bienfait.

M. de Dorlodot. - La bière serait meilleure.

M. Malou, ministre des finances. - Je ne le pense pas : mais le bénéfice industriel serait plus grand.

On a beaucoup parlé aussi de l'abonnement tel qu'il existe en Allemagne ; je me suis fait renseigner à cet égard, et voici comment ce système y est pratiqué :

L'administration admet à l'abonnement qui elle veut, et repousse aussi qui elle veut ; à l'un elle dit : Je vous suppose assez sage et assez moral pour ne point frauder, je vous accorde l'abonnement ; à l'autre, elle le refuse.

Je ne me sens pas capable de pratiquer un pareil système en Belgique. Il ne faut ni partialité, ni prévention quand il s'agit d'apprécier, au point de vue du fisc, la moralité et la solvabilité des assujettis.

En d'autres termes, il faut, dans notre pays, laisser agir la loi et ne pas y substituer l'arbitraire de l'administration.

Le système qui n'a pas été proposé, comme on vous l'a dit tout à l'heure, mais que j'ai cru découvrir dans le rapport de la section centrale, consisterait à établir l'impôt sur la quantité, mais à un chiffre calculé en raison inverse de la quantité employée : telle me paraît être la définition la plus claire, et je reconnais qu'elle ne l'est pas trop, du système indiqué dans le rapport de la section centrale.

Quand cette question a été posée, j'avais l'honneur de recevoir chez moi une députation de l'association générale des brasseurs du royaume. Il m'a paru utile de lui donner les prémices de la réponse que j'ai faite à la section centrale et que je demande la permission de lire :

« La section centrale croit devoir demander au gouvernement s'il adopterait un système nouveau, obligatoire pour tous et qui, si on le comprend bien, consisterait à établir par la loi la prise en charge sur la farine avec une taxe décroissante par pour cent kilogrammes, c'est-à-dire en raison inverse de la quantité de farine employée par hectolitre de cuve-matière.

« Ce système, qui bouleverserait le régime en vigueur depuis plus d'un demi-siècle, est à peine indiqué, sans être défini ; il n'a subi ni l'épreuve de la discussion ni, moins encore, l'épreuve de l'expérience. Il semble contraire aux principes les plus élémentaires en fait d'industrie : on le croit d'ailleurs impraticable.

- « En tous cas, si on parvenait à en obtenir soit la définition, soit la mise en vigueur par la force de la loi, il faudrait, pour prévenir la fraude, nuisible non seulement au trésor mais aux brasseurs loyaux et de bonne foi, organiser un mode de surveillance et d'exercice tellement vexatoire qu'il soulèverait les réclamations les plus vives et les plus légitimes.

« Le gouvernement propose d'accorder une simple faculté pour rendre industriellement possible la fabrication de bières fines ; il ne pourrait consentir à changer le régime existant dont personne ne se plaint et à jeter par des expériences, que personne ne réclame, une perturbation profonde dans une industrie aussi importante et aussi nationale que la brasserie, à laquelle se rattachent tant d'intérêts économiques et un si grand intérêt fiscal.

« Il désire trop la stabilité de ces intérêts et le progrès de cette industrie pour accepter, même en principe, une innovation radicale dont le caractère serait tout au moins aventureux. »

J'ai donné aux délégués de l’association générale des brasseurs lecture de cette réponse, avant qu'elle fût remise à la section centrale et, cette fois, j'ai eu le bonheur d'obtenir l'assentiment unanime et non équivoque de tous les intéressés.

Ainsi, le système qui apparaît comme devant être celui de l'avenir est, dans le présent, repoussé par tous les intéressés.

M. Delaet, rapporteur. - Il n'a pas été présenté.

M. Malou, ministre des finances. - Je sais bien qu'il n'a pas été présenté, mais il a été indiqué. Ne jouons pas sur les mots. Si ce n'est pas cela, que voulez-vous ?

Ainsi, messieurs, et j'arrive au terme de ces explications, il ne s'agit point de toucher au régime actuel. Le seul but de la loi est de rendre possible un progrès industriel. Dans les circonstances actuelles, l'opportunité de celle loi nous paraissait d'autant plus grande que nous pouvions espérer, nous semblait-il, que l'industrie nouvelle, à laquelle nous voulions donner naissance, serait une industrie de consommation intérieure et d'exportation en même temps. La faculté, car ce n'était qu'une simple faculté que nous voulions concéder, nous paraissait donc éminemment utile au point de vue des intérêts généraux du pays, et tout à fait inoffensive pour l'existence prospère de l'industrie actuelle de la brasserie ; elle ne la compromettait point, surtout dans l'expression complète que j'étais disposé à lui donner ; en un mot, elle ne menaçait aucun des intérêts qui ont été créés par la législation actuelle.

Retrait

Je sais, messieurs, que les explications que je viens de donner arrivent dans des circonstances où l'on a réussi à faire croire à tous les brasseurs du royaume que je voulais indirectement, sournoisement, porter de 14 à 21 millions le chiffre de l'accise, et établir un régime intolérable pour toutes les brasseries du pays, en les ruinant au profit de la concurrence étrangère ; je sais que j'ai fort peu de chance en ce moment de dissiper tous les préjugés qui ont été accumulés sur cette question, que l'on a fort obscurcie, sous prétexte de l'éclaircir.

Je reconnais, d'autre part, qu'à l'époque de la session où nous sommes arrivés, il n'est guère possible qu'une discussion complète et approfondie puisse s'établir sur ce projet de loi. Je reconnais enfin que je n'ai point, dans de pareilles conditions, de chance sérieuse de faire adopter le projet de loi par la Chambre. Je crois aussi que, quelle que puisse être la durée de la discussion, si elle était possible, je ne réussirais pas en ce moment (page 1118) à le faire voter. Si la loi était nécessaire, si elle était, urgente, je n'hésiterais pas un instant, et quelque put cire le récitai, je demanderais que la discussion eût son cours et que la Chambre se prononçât.

Mais, comme je l'ai dit en commençant, c'est une loi facultative. C'est une question qui peut se reproduire plus tard dans des conditions meilleures, lorsque ces préjugés auront disparu, et je crois qu'il vaut mieux, et pour moi, et pour la question, et pour la Chambre, que je fasse disparaître ce projet de son ordre du jour, tous droits réservés quant à l'avenir, pour faire résoudre la question lorsque le moment sera opportun.

- Un membre. - Quand ?

M. Malou, ministre des finances. - Plus tard.

M. David. - Après les élections.

M. Malou, ministre des finances. - Peut-être plus tard et peut-être jamais. Pour le moment, je ne pourrais que nuire et détruire les chances d'avenir, si je persistais à maintenir le projet.

J'ai donc demandé au Roi l'autorisation de le retirer, et je communique à la Chambre l'arrêté qui a été signé hier par Sa Majesté.

« Léopold II, Roi des Belges.

« Notre ministre des finances est chargé de retirer, en notre nom, le projet de loi relatif à la modification facultative de l'accise sur la bière, présenté à la Chambre des représentants en vertu de notre arrêté du 24 janvier 1872.

« Donné à Londres, le 13 mai 1872.

« Léopold.

« Le ministre des finances, Malou.

M. Delaet, rapporteur. - Je demande la parole.

- Des membres. - Le projet de loi est retiré !

M. Delaet. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, après le retrait du projet de loi, je me serais, sans aucun doute, abstenu de prendre la parole, si, dans son discours, M. le ministre des finances n'avait, un peu personnellement, attaqué le rapporteur de la section centrale.

M. Malou, ministre des finances. - Du tout ! l'opinion du rapporteur.

M. Delaet, rapporteur. - L'opinion du rapporteur, si vous le voulez... et surtout, si M. le ministre n'avait point dit que la commission d'industrie a, pendant trois ans, refusé de faire rapport sur les pétitions.

M. Malou, ministre des finances. - Je n'ai pas dit refusé.

M. Delaet, rapporteur. - Elle n'a pas fait rapport et, dans cet acte, il y a, selon vous, refus.

C'est là une très grande erreur.

La commission d'industrie n'a pas été saisie, même pendant une année entière, des pétitions, et lorsqu'il s'est agi de faire le rapport, elle a tenu, comme c'était son droit et son devoir, à étudier la question sur laquelle il s'agissait de faire ce rapport. Pour la commission d'industrie, il ne s'agissait pas d'une simple formalité, il s'agissait d'un devoir de conscience. Or, qu'a-t-elle fait ?

Elle a institué une enquête. Les brasseurs de toute façon, de façon allemande et de façon indigène, ont été convoqués ici même, dans l'enceinte du palais de la nation, et ont pu s'expliquer devant le rapporteur de la commission d'industrie.

Si M. le ministre des finances avait daigné s'informer près la commission, celle-ci se serait empressée de le mettre parfaitement au courant de l'état de la question.

Messieurs, je ne traiterai pas au fond ce projet de loi retiré ; mais je me permets d'exprimer le regret, au point de vue de l'avenir, que le ministre des finances ait retiré le projet avant que la discussion eût pu être un peu plus approfondie. En attendant, je le prie de remarquer que la section centrale et son rapporteur ont consacré trois pages du rapport à dissiper les craintes exagérées des brasseurs.

Avant M. le ministre, la section centrale avait dit aux brasseurs qu'il n'y avait pas lieu de rendre la loi obligatoire, que cela était même absolument impossible. (Interruption.)

Je crois que la question est assez importante...

M. le président. - Vous n'avez la parole que pour un fait personnel.

M. Delaet, rapporteur. - Soit, M. le président. Je puis d'autant mieux m'abstenir de toute discussion, que le rapporteur de la section centrale n'a pas été réfuté par l'honorable ministre des finances.

Projet de allouant des crédits spéciaux de 8,872,000 francs aux budgets des ministères des travaux publics et de l'intérieur

Discussion générale

M. Sainctelette. - Messieurs, je me bornerai à présenter trois observations générales.

La première est relative au crédit demandé pour travaux pour raccordement de routes aux stations. Ce sont là des travaux excessivement utiles. Nos stations n'ont jamais assez de voies d'accès et de voies d'émission.

Mais je me demande pourquoi on n'a pas, jusqu'à présent, sur l'accotement de ces routes, fait un essai de chemins de fer américains. L'épreuve en a été faite en France et elle a donné, si je suis bien informé, d'excellents résultats.

J'engage le département à la tenter de son côté, là où sont réunies plusieurs usines, trop peu importantes pour avoir chacune un raccordement, et cependant suffisantes pour justifier la dépense d'un chemin de fer américain.

La seconde observation que j'ai à présenter concerne la navigation.

Je regrette que le projet de loi en discussion n'ait pas fait la moindre part à cet intérêt. Je n'y vois figurer qu'une somme de 17,000 francs ; c'est absolument insignifiant. Il y a cependant, dans les deux Flandres et dans le Hainaut, un ensemble de canaux, dont la navigation est en souffrance, à cause de l'élévation des péages.

(page 1119) Je citerai le canal de l'Espierre, le canal de Bossuyt à Courtrai, dont le tarif est si élevé que la plupart des bateliers préfèrent prendre les eaux françaises du canal de la Lys à l'Yperlée.

Il suffirait de quelques travaux secondaires pour le rendre navigable.

La compagnie paraît n'être pas en état de les faire. J'engage le gouvernement à examiner s'il n'y a pas lieu d'intervenir.

En tous cas, à raison de l'élévation des péages, ces trois canaux sont comme s'ils n'existaient pas.

Je désire voir le gouvernement, en matière de voies navigables, entrer dans le système d'unification qu'il a adopté en matière de chemins de fer.

Je crois qu'il conviendrait de ramener ces trois canaux dans la main du gouvernement et de les soumettre au même régime que l'Escaut.

Ma troisième objection est relative au matériel roulant du chemin de fer. Je tiens à prévenir le gouvernement que la plupart de nos industriels s'attendent à voir reparaître aux mois d'octobre et de novembre les mêmes embarras qu'aux époques correspondantes de l'an dernier.

Malgré les augmentations du matériel mis aujourd'hui à la disposition du gouvernement, il m'est affirmé de plusieurs côtés par des hommes entendus, que les mêmes défauts de service qui se sont présentés durant l'hiver se produisent encore aujourd'hui, quoique dans une moindre mesure, c'est-à-dire que plusieurs industriels ne sont pas encore servis régulièrement.

La quantité de matériel en réserve est considérable, mais le matériel en service n'est ni bien distribué ni bien manœuvré, de telle sorte que, je vérifie, en partie, l'opinion de ceux qui disaient au mois de janvier dernier : Vous aurez beau entasser millions sur millions, augmenter le nombre de waggons, vous n'améliorerez pas la situation ; c'est l'organisation qui fait défaut plus encore que l'outil.

Je rappellerai à cette occasion au gouvernement tout ce qui a été dit au sujet de la circulation du matériel privé, de la création de tarifs de traction ; qu'à cet effet, j'avais proposé un amendement consistant dans la fixation des réductions qui seraient accordées aux propriétaires de matériel roulant, dans la définition des conditions de cette circulation et dans la création d'un type déterminé de waggon.

Cet amendement a eu, je le reconnais, la bonne fortune d'être accueilli en termes bienveillants par MM. les ministres des finances et des travaux publics. L'honorable ministre des finances m'a engagé à le retirer, en disant que le principe en était admis, qu'on entrerait dans cette voie.

Eh bien, messieurs, quatre mois se sont écoulés depuis lors et rien n'a été fait ; le public ne sait pas encore si le système sera admis et, à quelles conditions on pourra circuler ; le type du waggon n'a pas même été déterminé ou du moins n'a pas encore été porté à la connaissance des maisons de construction.

Je réserve donc formellement le droit de l'opposition de signaler, au mois de novembre prochain, au gouvernement, tous les dommages qui résulteront de la situation et de lui en laisser la responsabilité entière.

J'ai enfin, messieurs, une observation de détail à faire sur les crédits demandés pour l'augmentation des installations maritimes d'Anvers. Lorsque l'année dernière, aux derniers jours de la session, une disposition analogue nous a été présentée, j'ai eu l'honneur de faire remarquer à la Chambre qu'il y avait là deux séries de travaux à faire ; que les travaux qui concernaient les stations et les voies proprement dites devaient incontestablement être faits par l'Etat ; mais que la dérivation du canal de la Campine et la construction d'une écluse de mer étaient des charges municipales, et j'ai demandé surtout si ces charges municipales continueraient à peser sur les bateaux venus de l'intérieur, sur les marchandises exportées par nous, industriels belges, par voie d'Anvers.

J'ai fait remarquer que si le gouvernement avait supprimé les droits de l'Escaut, réduit les droits de pilotage, il avait subordonné son action dans ces deux occasions à une réduction très considérable des droits de ville. Cependant ces droits continuent à peser sur le commerce et l'industrie, et Anvers se fait, en somme, cette situation très commode d'embellir ses boulevards, de créer de magnifiques promenades avec des taxes payées par le commerce et l'industrie du pays.

Depuis lors l'administration municipale d'Anvers a encore mieux montré l'esprit qui l'anime.

Lorsqu'on a entrepris de couvrir la Bourse d'Anvers, on a eu recours à deux taxes commerciales, l'une perçue sur les personnes et à raison du nombre de personnes qui entraient à la Bourse ; l'autre prélevée sur les ventes publiques des choses commerciales. Le taux de cette dernière taxe a été successivement d'un quart, d'un huitième et d'un seizième. Eh bien, ces taxes continuent à être perçues sur les ventes publiques et dans les communications qui nous ont été faites par le gouvernement sur cette question, je ne vois qu'une chose. Dans la convention qui a été conclue entre la ville d'Anvers et le gouvernement et qui a pour objet l'échange de certains terrains pour installation de stations, on dit tout simplement que, quant à la question de réduction de contributions de la ville dans le canal de la Campine, dans l'écluse de mer, une convention ultérieure réglera cette question ; de sorte qu'on attendra, pour demander quelque chose à Anvers, que l'Etat n'ait plus rien à lui refuser ; j'aimerais à entendre ici les explications de l'ancien ministère qui, par une singulière coïncidence de dates (ce n'est qu'une coïncidence) a signé la convention avec la ville d'Anvers, le 5 décembre 1871...

M. Jacobs. Je demande la parole.

M. Sainctelette. - ... c'est un singulier moment, il faut l'avouer, que l'on a choisi là pour signer cette convention et pour renvoyer aux calendes grecques le règlement de toutes les questions qu'il pouvait être utile à l'Etat de régler avec la ville d'Anvers.

J'entendrai donc avec plaisir les explications du ministère du 2 juillet 1870 ; je me trompe, de décembre 1871.

M. Jacobs. - Je demande à dire de suite quelques mots sur l'incident qu'a soulevé M. Sainctelette.

L'honorable membre aime à revenir sur la question des taxes commerciales à Anvers ; il voudrait réellement, semble-t-il, entamer la caisse communale de cette ville.

M. Sainctelette. - Il ne s'agit pas de cela.

M. Jacobs. - Les taxes ordinaires, normales, approuvées par arrêté royal, en même temps qu’était racheté le péage de l'Escaut, ne sont combattues par personne à Anvers, parce que chacun y comprend leur nécessité. ; il faut être étranger à cette ville pour mettre ces taxes en question.

M. Sainctelette. - Je tiens les journaux d'Anvers.

M. Jacobs. - Je parle en ce moment des taxes ordinaires, des droits de navigation qui ont été réglés en même temps que le rachat du péage de l'Escaut, et ce que j'en dis est incontestable.

Une convention a été signée le 5 décembre 1871 entre l'Etat et la ville d'Anvers ; elle n'a fait que constater un accord existant depuis longtemps ; elle avait été approuvée par le conseil communal de cette ville depuis deux mois ; il restait à faire l'expertise de quelques bâtiments dont la reprise à dire d'experts était convenue ; telle est la cause qui a retardé jusqu'au 5 décembre la signature de cette convention aussi favorable à l'Etat qu'à la ville.

Dans cette convention, nous avons indiqué que les taxes à établir sur les nouveaux bassins seraient réglées par une convention ultérieure, qui déterminerait en même temps la participation des deux parties dans la dépense nécessaire pour compléter l'ensemble des bassins d'Anvers. Les recettes devaient se régler en même temps que les dépenses.

Ce n'est pas la première fois que l'honorable M. Sainctelette attaque les taxes communales anversoises ; étant ministre, j'ai eu occasion de lui répondre que, pour les navires venant de l'intérieur par le canal de la Campine et qui ne font que traverser nos bassins ou y décharger, il pourra y avoir des mesures spéciales à prendre ; cette exception laissera entière la règle.

A Anvers les taxes normales, les droits de port ne préoccupent personne. La question soulevée récemment se rapporte exclusivement à deux petites taxes accessoires : la taxe pour la fréquentation de la Bourse et la taxe de 1/16 p. c. sur les ventes publiques de marchandises.

On a fait bien du bruit à propos de cette taxe de 1/16 p. c, qui entraîne au profit de la ville une perception de 1 franc par 1,600 francs de marchandises vendues publiquement à Anvers !

L'objection de la chambre de commerce et de quelques négociants d'Anvers au maintien de cette taxe et de celle de fréquentation de la Bourse est basée sur ce que ces taxes ont été établies dans le but de payer la couverture de l'ancienne Bourse et doivent disparaître dès que cette dépense aura été remboursée.

Eh bien, l'honorable membre devra avouer avec moi que. si ces taxes étaient légitimes pour solder la coupole en fer que M. Marcellis avait jetée sur l'ancienne Bourse, elles sont tout aussi légitimes pour rembourser le million que la ville d'Anvers consacre à la nouvelle Bourse de commerce, et pour payer les frais des deux Bourses provisoires qu'elle a établies à la Cité et à la place Verte.

Les critiques qui ont été élevées à Anvers et qui portent exclusivement sur le maintien des deux petites taxes dont je viens déparier, ces critiques n'ont pas de fondement réel, on doit le reconnaître lorsqu'on constate les dépenses énormes faites par la ville d'Anvers pour reconstruire, dans l'intérêt du commerce, une Bourse magnifique, qui sera inaugurée sous peu de mois.

(page 1120) Voilà ce que je tenais à répondre à l'honorable membre.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Messieurs, je n'abuserai pas des moments que la Chambre peut encore consacrer à ses travaux. Cependant je voudrais présenter au gouvernement quelques observations sur le projet de loi soumis à nos délibérations et sur les crédits qui nous sont demandés.

En première ligne figure un crédit de 500,000 francs pour travaux de raccordement. Je crois, messieurs, que l'honorable ministre des travaux publics aurait bien fait de majorer ce chiffre, et s'il m'était permis de l'engager à présenter un amendement, je lui conseillerais de le porter à 700,000 francs.

Je trouve le motif de cette majoration, d'abord dans l'exposé des motifs où le ministre reconnaît qu'il n'est pas de travaux qui soient plus urgents et plus utiles que ceux qui font l'objet du projet de loi dans le rapport de la section centrale et ensuite où il est dit : que la grande utilité que présentent les travaux ayant pour objet de raccorder les routes existantes aux stations du chemin de fer, d'améliorer et d'étendre toutes les artères de la voirie n'a pas besoin d'être démontrée.

Je ne puis pas admettre, messieurs, qu'avec 500,000 francs on puisse satisfaire à tous les besoins qui nous sont signalés depuis longtemps.

S'il fallait relier au chemin de fer toutes les communes qui ne le sont pas et qui ne sont cependant qu'à une petite distance d'une station, le chiffre auquel les travaux de raccordement s'élèveraient serait infiniment plus considérable que celui qui figure au projet de loi.

Dans la Flandre, orientale, plusieurs localités importantes ne sont pas reliées au chemin de fer, et je doute qu'elles soient comprises parmi celles que le gouvernement se propose de doter d'une nouvelle voie.

Je pourrais en citer plusieurs ; mais je me bornerai à désigner à l'attention de l'honorable ministre la commune de Nazareth, qui n'est pas reliée à la station de Deurle, quoiqu'elle n'en soit éloignée que de 2 1/2 kilomètres tout au plus. La commune de la Pinte réclame depuis longtemps une voie pavée qui lui permette de rejoindre non seulement la station établie sur son territoire, mais encore la grande route de Gand à Courtrai. C'est en vain que les réclamations ont été adressées au département des travaux publics qui, jusqu'à présent, n'y a pas répondu.

J'espère que l'honorable M. Moncheur aura à cœur de faire droit à ces justes réclamations.

Je trouve dans le projet de loi un crédit de 17,000 francs pour un pont à construire sur la Langelede.

Dans la cinquième section, un honorable membre de la députation de Gand a proposé de construire un second pont qui rétablirait la communication interrompue par le canal entre le quartier dit rue de l'Eglise et la ville. Il contribuerait, avec le pont sur la Lieve, à relier le quartier de la rive droite à la station des marchandises.

Je suis persuadé qu'il suffira de signaler à M. le ministre des travaux publics l'importance de ce travail que la section centrale qualifie « d'acte de justice » pour me convaincre qu'on ne tardera pas de mettre la main à l'œuvre.

Je vois également figurer dans le projet de loi un crédit de 220,000 fr. pour construction, à Gand, d'un hôtel pour la direction provinciale des contributions.

Je ne sais pas si ce chiffre de 220,000 francs est absolument indispensable et s'il est absolument nécessaire de consacrer une somme aussi forte à cet objet.

Je saisis cette occasion pour prier l'honorable ministre de l'intérieur de bien vouloir me dire si les négociations qui ont été entamées avec la commission des hospices civils de Gand, pour l'achat d'un local destiné aux archives historiques, et dont j'ai eu l'honneur d'entretenir la Chambre pendant la discussion du budget de l'intérieur ; je lui demande de bien vouloir nous dire si ces négociations sont définitivement rompues ou si nous pouvons espérer que ce précieux dépôt sera bientôt transféré dans un local plus convenable et mieux approprié à sa destination. J'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien répondre à la question que j'ai l'honneur de lui adresser.

M. David. - Messieurs, dans le projet de loi qui est présenté, il est question de certains travaux sur lesquels je voudrais avoir quelques explications. C'est ainsi qu'il y a un crédit demandé pour continuation des travaux entrepris pour les installations du chemin de fer et du service des établissements maritimes d'Anvers.

Je n'ai vu, messieurs, jusqu'à présent, aucun plan. On ne nous a jamais dit ce que l'on entendait faire à Anvers ; nous votons en aveugles et sans savoir combien de millions nous aurons à voter encore pour ces travaux.

Il serait temps, messieurs, à propos de ces millions qui sont spécialement demandés pour la construction de ces travaux, que M. le ministre des travaux publics voulût bien nous donner un aperçu des projets médités par son administration. La construction des quais tout le long de l'Escaut, qui devrait incomber à la ville d'Anvers, y est comprise ; cela nous mènera loin, de ce seul chef il y a 7 à 8 millions à dépenser.

Nous avons voté, messieurs, un budget des travaux publics pour 1872, de plus de 40 millions de francs ; nous avons voté dernièrement pour le même objet, 16,500,000 francs à peu près de crédits extraordinaires ; aujourd'hui, on nous demande de nouveau 6,500,000 francs pour le département des travaux publics. En présence de sommes si considérables, nous avons le droit et le devoir d'examiner si l'on tire du chemin de fer tous les produits qu'on pourrait en obtenir.

J'espère démontrer tantôt par des chiffres puisés tous aux sources officielles, que par le tarif inauguré par l'honorable M. Wasseige nous avons considérablement comprimé les voyages à grande distance et considérablement réduit les augmentations mensuelles de recettes, si régulières et toujours progressantes avec les tarifs de M. Vanderstichelen.

Pour arriver à cette démonstration, je ne puis m'en référer qu'aux mois dont le Moniteur nous a donné le résultat, en comparant l'une année à l'autre.

On connaît ainsi le mouvement des mois de novembre et de décembre 1870, comparés aux mois de novembre et de décembre 1871.

Je ferai remarquer tout d'abord que les mois de novembre et de décembre 1870 étaient des mois pendant lesquels la guerre franco-allemande empêchait à peu près absolument les relations d'affaires et les voyages.

C'est une observation très importante au point de vue de ma démonstration.

Il y a plus : pendant les mois de novembre et de décembre 1870, nous exploitions 862 kilomètres seulement, tandis que, pendant les mois de novembre et de décembre 1871, nous exploitions 605 kilomètres de plus, comprenant les lignes des Bassins houillers, donc 1,467 kilomètres au lieu de 862.

Voici les résultats du mois de novembre 1870. Je mettrai les tableaux détaillés aux Annales parlementaires [Ce tableau est inséré en note de bas de page et n’est pas repris dans la présente version numérisée.]

Pour économiser du temps, je me bornerai à indiquer les résultats concentrés pendant le mois de novembre 1871, comparé au mois de novembre 1870, avec une exploitation de 605 kilomètres de plus qu'en 1870, en pleine prospérité, car la seconde moitié de 1871 a été extrêmement prospère pour la Belgique. Nous avons eu :

En première classe express, une diminution de 2,144 voyageurs, en deuxième classe express, une diminution de 7,788 voyageurs, en troisième classe express, une diminution de 10,644 voyageurs.

En première ordinaire, une diminution de 7,329 voyageurs, en deuxième ordinaire, une diminution de 10,116 voyageurs.

Mais, par contre, pour les troisième ordinaires, nous avons une augmentation de 64,459 voyageurs.

Ce qui prouve clair comme le jour combien rares et restreints sont devenus les voyages de longs cours et cela à cause de l'élévation absolument exorbitante des tarifs ; et que si l'on voyage encore, on se déplace : les premières sont descendues en secondes ; et les secondes en troisièmes.

Vous pouvez tous faire cette expérience ; examinez aujourd'hui la composition d'un train, il n'y a plus qu'une première et une ou deux secondes et encore sont-elles toujours vides ; par contre, il y a beaucoup de voitures de troisième classe, et les troisièmes sont toujours occupées. (Interruption.) Il n'y a presque plus jamais personne ni dans les premières ni dans les secondes.

Pendant le mois de novembre 1871, nous avons eu en résumé une augmentation de 55,240 voyageurs et une petite augmentation de recette de 86,384 fr. 29 c, tandis que sous le régime du tarif de l'honorable (page 1121) M. Vanderstichelen ou avait toujours une augmentation, d'une année sur l'autre, de 80,000 à 100,000 voyageurs et de 170,000 à 200,000 francs de m cites.

Avant de passer au mois de décembre, je vais vous donner la mesure de ce que rapporte maintenant le kilomètre voyageur.

En 1870, nous exploitions 862 kilomètres avec le tarif de M. Vanderstichelen, et chaque kilomètre donnait un revenu pour le mois de novembre 1870 de 1,357 francs ; en 1871, nous exploitions 1,487 kilomètres et chaque kilomètre ne rapporte plus que 845 francs. C'est donc une réduction de 592 francs par kilomètre.

Chaque voyageur en novembre 1870 donnait un produit...

M. le président. - Ne pourriez-vous, M. David, réserver ces observations pour la prochaine discussion du budget des travaux publics ?

M. David. - Non, M. le président, c'est la question économique, sociale et financière la plus importante que nous puissions avoir à traiter ; l'attention de M. le ministre doit être sérieusement appelée là-dessus. Nous allons nous séparer pour six mois, je ne puis ajourner mes observations à un temps si éloigné. D'ailleurs, je ne serai pas long.

M. de Moerman d’Harlebeke. - Mettez vos chiffres aux Annales.

M. David. - J'insérerai les tableaux au Moniteur, mais il importe que je vous donne les résultats.

M. Sainctelette. - On vient de dire, sur les bancs de la droite, à l'honorable M. David, qu'il devait mettre son discours aux Annales parlementaires. L'honorable membre a le droit de parler, puisqu'il a obtenu régulièrement la parole.

M. de Borchgrave. - Vous n'avez pas la parole.

M. le président. - Continuez, M. David.

M. David. - Recette de novembre 1870, 1,153,688 fr. 70 c, à diviser par 862 kilomètres, donc 1,337 francs par kilomètre ; recette en novembre 1871, 1,240,072 fr. 99 c, à diviser par 1,467 kilomètres, donc 845 francs par kilomètre ou 592 francs de moins.

Vous voyez les beaux résultats obtenus, pour le mois de novembre, avec les tarifs inaugurés par M. Wasseige. Par kilomètre, 592 francs de moins qu'en 1870 !

Voyons le produit par voyageur maintenant.

En novembre 1870, 1,097,461 voyageurs ; recettes 1,153,688 fr. 70 c, ou 1 fr. 5 c. par voyageur.

En novembre 1871, 1,130,701 voyageurs ; recette 1,240,072 fr. 99 c, soit 1 franc par voyageur.

En 1870 chaque, voyageur donne 1 fr. 5 c, en novembre 1871, il ne procure plus qu'un franc. Cette différence de 5 centimes est assez notable, si l'on compte que le nombre des voyageurs s'élève à plus d'un million de personnes.

J'arrive au mois de décembre. Je vais comparer décembre 1870 avec décembre 1871. J'obtiens, pour ce mois, des résultats encore plus remarquables que pour le mois précédent. De nouveau les mêmes faits se constatent, c'est-à-dire que les voyages au long cours sont arrêtés. Voici, messieurs, les chiffres relatifs à ce mois.

En décembre 1871, nous trouvons pour les diverses classes de voitures :

En première classe express, une diminution de 14,166 voyageurs par rapport à 1870, en deuxième classe express, une diminution de 10,968 voyageurs, en troisième classe express, une diminution de 6,738 voyageurs.

En première ordinaire, une diminution de 727,425 voyageurs, en deuxième ordinaire, une diminution de 15,677 voyageurs et en troisième ordinaire, une augmentation de 62,239 voyageurs.

[Suit le tableau détaillé, non repris dans la présente version numérisée.]

Recette de décembre 1870 : fr. 1,204,758 97

Recette de décembre 1871 : fr. 1,142,339 66

Recette en moins pour 1871 : fr. 62,399 31

Vous avez donc une augmentation de 65,239 voyageurs pour la troisième classe ; ce qui fait, pour le mois de décembre 1871 sur le mois de décembre 1870, une diminution de 572 voyageurs et une diminution de recette de 62,399 fr. 51 c.

Quant à la recette par kilomètre voyageur, voici comment elle s'établit.

En décembre 1870, nous avons eu 1,397 francs de revenu par kilomètre, avec 862 kilomètres exploités ; en décembre 1871, avec 1,467 kilomètres, nous n'avons plus par kilomètre que 778 francs, ce qui fait une différence en moins de 629 francs par kilomètre.

Quant aux voyageurs, chaque voyageur, en décembre 1870, a rapporté 1 fr. 14 c. ; en décembre 1871, il n'a plus rapporté que 1 fr. 04 c.

Comparons maintenant le mois de janvier 1872 et le mois de janvier 1871.

II est à remarquer qu'en janvier 1872, nous avons eu une température d'été ; tandis qu'en janvier 1871, les gelées ont été extrêmement fortes. En janvier 1872, nous n'avons pas eu un seul jour de gelée, le thermomètre, à l'observatoire de Bruxelles, a constamment indiqué une température au-dessus de zéro. (Interruption.) Je donnerai aux Annales parlementaires jour par jour, l'état de la température en janvier 1871 et 1872 ; mais voici les variations les* plus importantes.

Les 25 et 26 janvier 1872, nous avons eu 10°5 de chaleur ; la plupart des autres jours ont varié entre 4°, 6° et 7° de chaleur, tandis que, pendant le mois de janvier 1871, nous avons eu des gelées extrêmement fortes, qui ont été jusqu'à 8° 9/10.

C'est un grand obstacle aux voyages qu'un temps aussi rigoureux que celui-là.

Si donc, nous trouvons, pour le mois de janvier 1872, une augmentation sur le mois de janvier 1871, nous pouvons l'attribuer d'abord à la température, ensuite aux événements de guerre qui, au commencement de 1871, causaient encore la stagnation des affaires.

Voici les résultats :

Nous avons eu en janvier 1872, sur janvier 1871, une augmentation :

En première classe express, de 3,035 voyageurs, en deuxième classe express, de 3,903 voyageurs, en troisième classe express, de 8,234 voyageurs.

En première ordinaire, de 5,278 voyageurs, en deuxième ordinaire, de 31,309 voyageurs et en troisième ordinaire, de 309,515 voyageurs.

Ce qui fait qu'il y a, en janvier 1872, une augmentation de 300 et des mille voyageurs.

Mais ceci n'amène pas une grande augmentation de recettes.

La voici exactement, elle est de 64,406 francs.

De sorte qu'avec une augmentation de 385,161 voyageurs, nous avons seulement une augmentation de recettes de 866,406 francs, c'est-à-dire par kilomètre-voyageur, 829 francs, alors qu'avec les tarifs Vanderstichelen, le kilomètre-voyageur rapportait de 1,300 à 1,400 francs. En janvier 1871, chaque voyageur n'a produit que 94 centimes, et en janvier 1872 que 75 centimes. [Suit le tableau détaillé des variations du nombre de voyageurs, non repris dans la présente version numérisée]

La recette en janvier 1871 a été de 1,149,698 francs ; 1,467 kilomètres exploités, soit 7 fr. 83 c. par kilomètre ; 1,215,259 voyageurs en janvier 1871, soit 94 centimes par voyageur.

La recette de janvier 1872 a été de 1,210,104 francs ; 1,467 kilomètres exploités, donc 829 francs par kilomètre ; 1,600,420 voyageurs en janvier 1872, donc 75 centimes par voyageur.

Vous direz avec moi, messieurs, qu'il est triste de voir se produire des résultats pareils, lorsque nous votons des sommes aussi considérables pour l'amélioration des chemins de fer et du matériel nécessaire, nous sommes en droit de demander que tous les sacrifices que nous consentons à faire pour le pays rapportent quelque chose au trésor public.

J'ai certainement démontré, messieurs, en indiquant le nombre des voyageurs en première express et en première ordinaire, en seconde express et en seconde ordinaire, etc., que les voyages au long cours étaient complètement déprimés, qu'on n'en faisait plus ou que, si l'on en fait encore, ceux qui les font prennent aujourd'hui des billets de troisième classe, alors qu'autrefois ils prenaient une seconde et même une première classe.

Il y a donc là quelque chose à faire ; il faut qu'on arrive à une base meilleure, afin que nos concitoyens puissent de nouveau et avec peu de dépense vaquer à leurs affaires d'un bout à l'autre du pays. Les tarifs doivent être tels, que le déclassement dont nous sommes témoins aujourd'hui ne puisse plus se reproduire. Car, comme je le disais tout à l'heure, il suffit de regarder un convoi dans une station pour se rendre compte que les premières et les secondes classes sont vides et qu'il n'y a de voyageurs que dans les troisièmes classes.

Moi-même, en retournant chez moi à Dolhain, deux fois depuis dix jours et hier encore, je suis resté seul la plupart du temps dans le compartiment de seconde classe que j'occupais.

Hier encore, en retournant, j'ai été la moitié du temps seul dans ma voiture et en revenant aujourd'hui j'ai été seul, un tiers du temps.

La chose est tellement grave que la société de Tournai à Jurbise va intenter un procès au gouvernement et lui réclamer une somme de 350,000 francs, parce qu'au moyen de ce beau tarif, on lui a fait perdre 25 p. c. sur le produit des voyageurs, la convention avec cette société n'ayant pas été observée par M. le ministre Wasseige, convention qui interdisait tout changement au tarif sans le consentement de la société, consentement dont on s'est passé.

Voilà le résultat le plus clair du tarif qui a été malheureusement inauguré l'année dernière.

M. Van Wambeke. - De l'excellent tarif.

M. David. - Examinez de près et vous verrez, M. Van Wambeke.

Il est donc urgent que M. le ministre des travaux publics examine la question et que, quoique ne partageant pas les opinions politiques de son prédécesseur, M. Vanderstichelen, il en revienne à l'excellente mesure que celui-ci avait prise, mais en la complétant, c'est-à-dire en l'étendant aux parcours à moyennes et à petites distances. Alors tous les intérêts seront sauvegardés et le trésor public y gagnera considérablement ; tandis qu'aujourd'hui c'est perte sur perte. Vous transportez plus de voyageurs et vous avez moins de recettes.

Projet de loi allouant un crédit de 208,000 francs au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la commission

M. Beeckman. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi allouant au département des travaux publics un crédit de 208,000 francs pour la transaction à faire avec le sieur Hertog.

- Des membres : La lecture !

M. Beeckman donne lecture du rapport.

- La Chambre met ce projet de loi à l'ordre du jour après le projet de loi relatif au crédit de huit millions.

Ordre des travaux de la Chambre

M. David (pour une motion d’ordre). - A propos de l'ordre du jour, je demanderai la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, nous avons depuis longtemps à l'ordre du jour le projet de loi sur l'annexion de Dolhain-Baelen à la commune de Limbourg. (Interruption.) Lorsqu'il s'est agi d'Aisémont, le projet a été voté d'emblée ; lorsqu'il s'est agi de Mont-Saint-Amand, M. De Lehaye a proposé d'intervertir l'ordre du jour et de placer ce projet, qui était l'un des derniers inscrits, à la suite de la Banque Nationale, et personne ne s'y est opposé ; pourquoi donc aujourd'hui encore s'oppose-t-on à la discussion du projet relatif à Dolhain-Baelen, qui est mille fois plus urgent que ceux cités tantôt ?

Nous ne devons pas absolument nous séparer ce soir. D'ailleurs ce projet ne tiendra pas longtemps la Chambre. Véritablement je ne comprends pas l'opposition que je rencontre.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il n'y a aucune urgence à mettre à l'ordre du jour le projet de loi dont parle l'honorable M. David. Après le dépôt du rapport de l'honorable M. Muller, j'ai examiné le plan et j'ai constaté que les limites des communes ne sont pas déterminées d'une manière satisfaisante ; ces limites sont plus fictives que réelles. Il y a lieu de faire une nouvelle étude à ce point de vue.

Je connais personnellement les localités dont il s'agit, et je n'ai pas rencontré un point fixe qui délimite la section de Baelen, qu'on propose de réunir à Limbourg. Ce ne sont ni des chemins, ni des ruisseaux, ni même des sentiers qui serviraient de limites ; je répète que je n'ai vu sur divers points que des lignes de séparation purement fictives. Avant de se prononcer, il convient d'entendre les conseils communaux et spécialement celui de Baelen, qui ne s'est expliqué encore que sur le principe de la séparation.

M. David. - Je ne comprends réellement pas l'ajournement proposé par M. Delcour, ministre de l'intérieur. M. Delcour, qui est natif de Dolhain, nous a dit, dans son discours du 20 février 1871, qu'il connaît parfaitement les localités, il connaît la configuration montagneuse du terrain et il doit bien savoir que dans les montagnes nous ne pouvons pas rencontrer des limites naturelles, il n'y a pas de ruisseaux, ni de rivières, ni de chemins ; on a suivi des haies...

M. le président. - Vous discutez le projet de loi.

M. David. - Je dois bien relever les raisons mauvaises et futiles de M. Delcour ; pour être agréable à MM. Cornesse et Delcour, liés d'amitié avec M. le bourgmestre de Baelen, il sacrifie 1,000 à 1,100 de nos concitoyens ; ce n'est plus administrer cela !

La commune-mère, cela se comprend, sous le coup de l'annexion, ne fera plus rien pour le hameau, incertaine si l'annexion se fera ou non. Vous allez laisser une partie de vos compatriotes à peu près sans administration ; vous allez les laisser exposés aux inondations de la Vesdre, si fréquentes et dont Limbourg, pour la même raison, ne peut s'occuper d'en préserver les habitants des deux rives, etc., etc.

Je ne comprends réellement pas l'opposition faite par la droite à ce petit projet de loi ; il n'y a rien de politique en jeu. La discussion ne durera pas plus d'une heure. Le conseil provincial a déterminé les limites ; tout le monde les connaît ; toutes les autorités, sauf le conseil communal de Baelen, sont d'accord.

Je ne vois absolument aucune raison pour ajourner le projet de loi ; ce serait un déni de justice.

(page 1123) Je propose de le mettre à l'ordre du jour après celui dont la Chambre s'occupe en ce moment.

- La proposition de M. David est mise aux voix et n'est pas adoptée.

Projet de allouant des crédits spéciaux de 8,872,000 francs aux budgets des ministères des travaux publics et de l'intérieur

Discussion générale

M. Wasseige. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, je viens d'acquérir une nouvelle preuve que l'honorable M. David est un adversaire très convaincu des nouveaux tarifs que j'ai introduits l'année dernière. (Interruption.)

M. le président. - Vous avez la parole pour un fait personnel.

M. Wasseige. - Monsieur le président, je demande à mes honorables collègues de me permettre de vider l'incident relatif au nouveau tarif des voyageurs, comme ils ont permis tout à l'heure à l'honorable M. Jacobs de vider avec l'honorable M. Sainctelelle l'incident relatif aux taxes perçues à Anvers.

Si la Chambre n'y consent pas, je suis tout disposé à me rasseoir ; mais je n'en ai que pour quelques minutes : je ne veux que citer quelques chiffres.

Je dis que M. David est un adversaire bien convaincu des tarifs que j'ai introduits ; qu'il est heureux pour moi et pour ma réforme que l'honorable membre voyage souvent seul, sans cela il pourrait faire de la propagande et gagner des adhérents à son opinion.

J'ai cherché à suivre son raisonnement et à saisir l'exposé des chiffres qu'il a alignés ; je regrette de n'être point parvenu à le comprendre ; je lui donne l'assurance que j'examinerai ses calculs au Moniteur, et que si, l'année prochaine, j'ai encore l'honneur de siéger sur ces bancs, je lui répondrai ; alors l'expérience sera plus complète.

J'ajoute que je suis bien certain que si M. David s'aperçoit qu'il s'est trompé et que le nouveau tarif produit de bons résultats, il reviendra à d'autres sentiments.

J'en viens à mes chiffres ; je laisserai de côté les mois de novembre et de décembre parce que nous n'exploitions pas, en novembre et décembre 1870, les 600 kilomètres repris des Bassins houillers et que, par suite, la comparaison ne peut se faire dans de bonnes conditions. Mais j'ai obtenu de l'obligeance de M. le ministre des travaux publics des renseignements en ce qui concerne les mois de janvier et de février, où nous étions pour 1872 dans une situation identique à celle de 1871. Eh bien, en janvier 1872, nous avons eu une augmentation de 385,161 voyageurs sur le mouvement du mois correspondant de l'année 1871 ; cela fait 32 p. c. en plus ; l'augmentation des recettes a été de 61,608 fr. 10 c. ou de 4.66 p. c.

En février 1872, nous avons eu une progression de 381,323 voyageurs, c'est-à-dire 33 p. c. du mouvement de février 1871, et les recettes se sont accrues de 149,017 fr. 79 c. ou 12 p. c.

Pour les deux mois de janvier et de février réunis, l'accroissement est de 766,484 voyageurs, soit 32 1/2 p. c., et de 210,625 fr. 89 c. ou 8.26 p. c.

L'examen de ces chiffres suggère quelques rapprochements assez intéressants. L'augmentation du mouvement de 1870 sur le mouvement de 1869, alors que le tarif de 1866 était en vigueur, n'avait été, pour toute l'année, que de 557,540 voyageurs. Le chiffre d'augmentation que je viens de signaler, pour les deux premiers mois de 1872 comparés aux deux premiers mois de 1871, étant de 766,000 voyageurs, il s'ensuit que nous avons, pour ces deux mois, une augmentation dépassant de 209,000 voyageurs l'augmentation obtenue pendant toute l'année 1870 comparée à toute l'année 1869. L'augmentation réalisée pendant les deux premiers mois de 1871 comparés aux deux premiers mois de 1870, n'était que de 502,000 voyageurs, malgré l'extension considérable donnée au réseau, de sorte que l'accroissement obtenu, sans nouvelle extension du réseau, pendant les deux premiers mois de 1872 comparés aux deux premiers mois de 1871, atteint 274,000 voyageurs.

Les deux premiers mois de janvier et février qui se sont présentés sous l'application du tarif de 1866, après huit mois de pratique, c'est-à-dire janvier et février 1867, ont donné relativement aux mois correspondants de 1866, une augmentation de 115,000 voyageurs.

En 1872 (tarif de 1871), nous trouvons, par rapport à 1871 (tarif de 1866), une augmentation de 766,000 voyageurs. Il y a encore, à ce point de vue, une différence de 651,000 voyageurs en faveur de 1872.

En outre, les deux mois dont il s'agit ont amené en 1867, comparativement à 1866 et sous le régime de l'ancien tarif, une diminution de recette s'élevant à 110,000 francs, tandis que la recette de janvier et février 1872 amène une augmentation de 210,000 francs sur la recette de la période correspondante de 1871.

Je sais bien que sur ces chiffres-là on ne peut pas baser un jugement définitif et reconnaître si le tarif a réussi ou non. Ce sont des données sérieuses que je me borne à livrer à l'appréciation du public. Quant à une discussion complète et approfondie, elle ne pourra avoir lieu, comme la chose a été convenue au Sénat, que lorsque le tarif aura fonctionné une année entière.

Au mois de mai 1868, lorsque le système de 1866 était déjà appliqué depuis deux ans, l'honorable M. Jamar disait lui-même que l'expérience n'était pas encore suffisante et que l'on ne pouvait pas en tirer des conclusions formelles. Attendons seulement une année et je pourrai, j'en ai la conviction, apporter alors à l'honorable M. David des explications décisives qui nous manquent aujourd'hui.

M. Anspach. - Je crois effectivement que ce n'est pas le moment d'engager une discussion approfondie sur la question si intéressante et si grave pour la prospérité générale du pays, qui a été soulevée par l'honorable M. David. Mais puisque l'honorable M. Wasseige a trouvé bon de se donner quelques éloges à lui-même et d'en décerner en même temps à son système, il ne trouvera pas mauvais que moi, qui suis adversaire aussi convaincu, aussi résolu que l'honorable député de Verviers, delà dernière réforme introduite dans les tarifs de nos chemins de fer, je vienne, en quelques mots, tirer, des chiffres cités par l'honorable M. Wasseige, des conséquences diamétralement opposées aux siennes.

Voici ce que nous a dit l'honorable membre : II y a eu une très grande augmentation du nombre de voyageurs ; je n'ai pas bien saisi le chiffre, je sais seulement qu'il est énorme ; et, d'autre part, l'honorable membre constate comme augmentation de recette un chiffre tout à fait insignifiant.

Eh bien, messieurs, qu'est-ce que cela prouve. Et c'est la seule conséquence que je veuille signaler aujourd'hui : c'est que les voyageurs à longues distances ont presque complètement disparu. (Interruption.)

Mais c'est évident. Si les voyages à longue distance n'avaient pas considérablement diminué, n'est-il pas évident que ces voyages coûtant aujourd'hui deux fois plus cher qu'avant la réforme, la recette eût dû être beaucoup plus forte.

Il est donc incontestable que les chiffres mêmes cités par l'honorable M. Wasseige, sont la condamnation la plus formelle de la réforme qu'il a introduite.

Le jour viendra où nous pourrons discuter cette question avec tous les développements qu'elle comporte ; nous aurons alors des tableaux et des résultats plus complets.

Mais j'ai cru nécessaire de faire cette courte observation pour que le public ne soit pas induit en erreur et qu'il sache bien que les allégations de l'honorable M. Wasseige ont trouvé dès à présent plus d'un contradicteur.

Pour bien juger la question, d'ailleurs, il ne suffit pas de savoir ce que rapporte le chemin de fer : il faut savoir aussi ce qu'en coûte l'exploitation.

Et quand ce renseignement vous sera fourni, j'ai la conviction qu'il vous offrira une preuve de plus que votre réforme a été une mesure mauvaise, une mesure anti-économique et qui est condamnée par la science.

M. Wasseige. - Un seul mot. Je me bornerai à faire remarquer que si la science condamne ma réforme, ce que je n'admets nullement, le public y applaudit.

M. Anspach. - C'est ce que je conteste formellement.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Messieurs, les crédits spéciaux qui vous sont demandés n'affectent pas le caractère d'un projet de travaux publics proprement dit.

Nous n'avons pas d'autre but que de prier la législature de mettre à notre disposition les fonds nécessaires pour continuer certains travaux commencés et pour en exécuter d'autres dont l'urgence ne permettait pas l'ajournement.

L'honorable M. Sainctelette a dit que le projet soumis à vos délibérations ne fait rien pour la navigation.

Je lui réponds que la navigation est amplement pourvue par les crédits déjà votés et qui ne sont pas absorbés, à beaucoup près.

Ainsi, nous avons des crédits pour le canal de Terneuzen, pour la Meuse, pour le canal de Saint-Job in 't Goor et pour d'autres cours d'eau.

L'honorable membre pense que certains péages, qui sont encore élevés, devraient être réduits et ramenés au taux le plus bas possible. Il cite, à l'appui de son argumentation, les canaux concédés de l'Espierre, de Bossuyt à Courtrai et de la Lys à l'Yperlée.

Le gouvernement ne demanderait pas mieux que de voir abaisser les (page 1124) péages de ces trois voies de navigation, mais ces péages ont été fixés par des actes de concession qui sont de véritables contrats et jusqu'à présent, le gouvernement n'entrevoit pas la possibilité de les réviser.

L'honorable membre a exprimé ensuite la crainte que lorsque l'automne reviendra, les embarras constatés l'année dernière reparaîtront dans le service du chemin de fer de l'Etat.

Il ajoute, ce que je ne crois pas exact, que ce service se ferait encore, en ce moment, avec peu de régularité.

Je pense, au contraire, que le service se fait très régulièrement et dans de très bonnes conditions.

Je cherche la preuve de l'exactitude de l'assertion de l'honorable membre et je ne la trouve pas.

L'honorable membre regrette aussi que des mesures n'aient pas été prises pour favoriser la circulation du matériel des particuliers sur les lignes administrées parle gouvernement.

J'en suis précisément arrivé aux dernières études des questions qui se rattachent à cette circulation. Quant au type à offrir pour la construction des voitures que les particuliers voudraient faire admettre sur nos voies, il est vrai qu'il n'a pas été indiqué d'une manière spéciale, mais il serait excessivement facile aux constructeurs et aux particuliers de prendre pour modèles les waggons récemment construits par l'Etat. Ils pourraient se rendre à Malines ou dans d'autres ateliers de construction ; ils y trouveraient nos waggons et ils pourraient ainsi faire du matériel, sans courir le moindre danger de le voir refuser par l'administration.

Je prendrai, d'ailleurs, en sérieuse considération les observations de l'honorable M. Sainctelette.

J'admets, avec l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke, que le crédit de 500,000 francs sollicité pour créer des routes affluentes aux stations n'est certes pas suffisant pour satisfaire à tous les besoins constatés ; mais ce crédit nous mettra, croyons-nous, à même de parer aux besoins les plus urgents.

Je prendrai des informations sur les points spéciaux signalés par l'honorable membre en ce qui concerne les voies de communication nouvelles qu'il a réclamées pour les communes de Nazareth et de la Pinte.

Messieurs, ainsi qu'on l'a dit, il est impossible d'aborder avec fruit en ce moment les questions que peut soulever la nouvelle tarification adoptée pour le transport des voyageurs.

J'ajourne donc l'honorable M. David à la fin de l'année ; je crois qu'une année au moins est nécessaire pour juger les résultats donnés par l'application du nouveau barème.

Quoi qu'il en soit, il est acquis, dès maintenant, que le mouvement s'est considérablement accru pendant les quatre mois dont la statistique a pu être dressée jusqu'à ce jour, c'est-à-dire pendant la période comprise entre le 1er novembre 1871 et le 29 février 1872.

Les recettes ont également progressé. Elles n'ont pas été notablement supérieures à celles de la période antérieure correspondante ; mais enfin elles l'ont été.

L'honorable membre dit que les voyages de long cours sont comprimés et l'honorable bourgmestre de Bruxelles a émis la même pensée. Il a dit : Voilà la condamnation de votre système, car pendant les mois pour lesquels vous pouvez faire une comparaison, il est avéré que le nombre de voyages de long cours a fléchi.

Mais puisque l'honorable M. David vous a parlé de la température pour établir une comparaison entre le mois de janvier 1871 et le mois de janvier 1872, je lui ferai une simple observation ainsi qu'à l'honorable M. Anspach, c'est que les voyages à long parcours ne se font jamais pendant les mois de janvier et de février. Attendons donc la bonne saison, la saison des touristes et celle où les Belges eux-mêmes font de plus longs trajets qu'au cœur de l'hiver et parcourent le pays d'un bout à l'autre. Attendons, en un mot, la révolution de l'année entière et nous pourrons voir alors quel a été, en réalité, l'effet du nouveau tarif.

Je ferai encore cette réflexion, c'est que le but de mon honorable prédécesseur a été d'abaisser les péages pour les neuf dixièmes et même pour les dix onzièmes des voyageurs et que ce résultat a été largement atteint. Ainsi, le nombre des voyageurs est aujourd'hui en moyenne de 32 p. c. supérieur à ce qu'il était précédemment. Il y a donc un élan donné aux voyages, et ce qu'on a voulu s'est réalisé amplement. On a dit en septembre 1871 : il faut que les voyages à courte distance et à moyenne distance coûtent moins que ce qu'ils coûtent actuellement ; il faut abaisser le tarif en ce qui les concerne sans déprécier les recettes : ce résultat a été obtenu.

Les voyages à courte distance et à moyenne distance coûtent beaucoup moins qu'ils ne coûtaient, et quant aux voyages à longue distance, ils se payent un prix qui est mieux que l'ancien en rapport avec le service rendu.

Je pense, du reste, messieurs, que le nombre de voyageurs ne sera pas moindre en 1872 qu'il n'a été en 1871, mais l'expérience peut seule permettre déjuger les tarifs en pleine connaissance de cause.

En attendant que cette expérience soit suffisante, je répète, en terminant, qu'il est certain, dès à présent, que ce qui avait été annoncé par l'honorable M. Wasseige se réalise et que le nombre des voyageurs dépasse même toutes les prévisions.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Delcour, ministre de l'intérieur. -Messieurs, l'honorable M. Kervyn m'a demandé tout à l'heure si les négociations continuent avec l'administration des hospices de Gand relativement à l'acquisition d'un bâtiment qui pourrait servir au dépôt des archives de l'Etal dans la Flandre orientale. Cette question n'est pas perdue de vue au département de l'intérieur ; mais l'honorable membre sait qu'il existe divers projets qui méritent d'être sérieusement examinés. Toutefois, j'espère qu'avant peu de temps je pourrai lui faire connaître la solution que l'affaire aura reçue.

M. le président. - Il y a encore plusieurs orateurs inscrits.

- Plusieurs membres. - A ce soir !

- D'autres membres. - A demain !

M. le président. - On pourrait peut-être clore la discussion générale ?

M. de Kerckhove. - Je désirerais savoir de l'honorable ministre de l'intérieur quelles sont les intentions du gouvernement quant aux mesures qui avaient été prescrites contre la peste bovine. Je dois supposer qu'au point où en sont les choses aujourd'hui, ces mesures ne doivent plus être observées avec la même rigueur. Ce qui me le fait croire, c'est que les cordons sanitaires ont été supprimés à la frontière.

Quoi qu'il en soit, ces mesures pèsent lourdement sur le commerce de bétail de Malines.

Auparavant, c'est-à-dire avant l'adoption de ces mesures, notre marché de Neckerspoel faisait avec la France des affaires fort importantes. Les marchands français venaient s'approvisionner à Malines, et de là résultait pour notre ville et nos campagnes un commerce très lucratif qui, pour le moment, est complètement déplacé. C'est qu'en effet, les marchands français, n'étant plus admis sur nos marchés, vont faire leurs achats en Hollande, et cela au grand détriment de nos commerçants qui, d'ailleurs, auront beaucoup de peine plus tard à renouer des relations interrompues. Aussi nos commerçants se plaignent depuis deux ans et je crois qu'ils ont raison, plus raison que jamais.

Je viens demander au gouvernement si le moment n'est pas venu de faire disparaître ces entraves et de rendre toute liberté aux transactions commerciales. (Interruptions.)

Je m'étonne de ces interruptions. Je suis parfaitement en droit de faire cette demande. Je défends ici un intérêt très respectable et qui mérite bien, je pense, d'être écouté.

Je maintiens donc ma demande et je prie l'honorable ministre de l'intérieur de bien vouloir me faire connaître les intentions du gouvernement, quant à la question que j'ai soulevée.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je ne m'attendais pas à la question que vient de me poser mon honorable ami, M. de Kerckhove.

La Chambre comprendra donc que je ne suis pas à même de lui dire immédiatement quelles mesures le gouvernement peut être appelé à prendre à l'occasion de la peste bovine.

Je dirai à l'honorable M. de Kerckhove que la situation s'améliore et que le gouvernement a pu déjà diminuer la sévérité des mesures auxquelles il avait été obligé de recourir.

J'espère que les circonstances me permettront d'aller plus loin encore. Cependant, je tiens à déclarer à mon honorable ami M. de Kerckhove qu'à mes yeux l'intérêt général doit dominer tous les intérêts locaux.

M. Vandenpeereboom. - Je prie l'honorable ministre de ne pas se relâcher trop vite des mesures de précaution. En France, la maladie sévit encore avec plus d'intensité que jamais ; dans le département qui longe l'arrondissement d'Ypres et de Courtrai, il y a encore un grand nombre de cas de maladies.

M. Gerrits. - Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir nous dire si, dans les derniers temps, des cas de peste bovine ont été constatés en Belgique.

Je me permets de poser cette question, parce qu'à l'étranger, et notamment en Angleterre, on prend des mesures excessivement rigoureuses contre l'importation du bétail expédié de notre pays.

(page 1125) Si la maladie n'existait plus dans nos provinces, les mesures qui causent tant de dommages à notre commerce d'exportation et de transit deviendraient superflues. Une déclaration de M. le ministre de l'intérieur pourrait avoir pour effet de faire disparaître les dispositions extraordinaires appliquées à l'étranger au détriment de notre commerce.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il n'y a pas eu de cas de peste dans ces derniers temps.

- Des voix. - A demain.

- D'autres voix. - Non, à ce soir.

- La Chambre consultée décide qu'elle ne tiendra pas séance ce soir.

La séance est levée à 5 heures.