(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 926) M. de Borchgrave donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« La section agricole de Saint-Trond appuie la requête adressée à M. le ministre des finances, par M. Goupy de Quabeck, à l'effet de faire insérer dans les statuts de la Banque Nationale l'obligation pour cet établissement d'admettre à l'escompte les effets ou traites des propriétaires et cultivateurs, sur le même pied que ceux des commerçants. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la Banque Nationale.
« La chambre de commerce d'Alost demande que le projet de loi prorogeant la durée de la Banque Nationale soit adopté avant la fin de la session et tel qu'il a été présenté par le gouvernement. »
- Même dépôt.
« MM. de Baillet-Latour, de Clercq et Boulenger, obligés de s'absenter, demandent un congé. »
- Accordé,
M. de Baets. - J'aurais désiré voir M. le ministre de l'intérieur à son banc, attendu que j'ai deux questions à lui poser. Comme la session ne sera plus très longue, il est utile, je pense, que je formule mes questions aujourd'hui, sauf à M. le ministre à y répondre quand il le jugera convenable.
Je désire lui demander :
1° Si le gouvernement a acheté des tableaux des artistes qui ont exposé au dernier salon de Gand ; si oui, quels sont ces tableaux et quels sont les artistes ?
2° Le gouvernement a-t-il proposé à Sa Majesté la décoration à quelques artistes (interruption), quelles décorations et quels artistes ? (Interruption.)
La Chambre comprendra immédiatement pourquoi je pose ces questions. J'use de mon droit et je ne permets à personne de le contester.
Nous avons eu, à Gand, une exposition splendide ; Sa Majesté a bien voulu l'honorer de sa présence, accompagné de l'honorable M. Kervyn de Lettenhove, alors ministre de l'intérieur. L'honorable M. Kervyn est retourné au salon et toutes les dispositions avaient été prises pour faire pour Gand ce qu'on fait pour Bruxelles. Hier, l'honorable M. Sainctelette disait : On concentre à Bruxelles toutes les affaires judiciaires. C'est la même chose en matière artistique : on ne donne rien aux provinces ; on concentre tout à Bruxelles.
Je demande pourquoi M. le ministre de l'intérieur actuel, l'honorable M. Delcour, a reculé devant les propositions de son prédécesseur.
On m'a dit, et cela émane de source presque officielle, qu'il est question d'examiner si l'on ne pouvait pas donner aux meilleurs artistes de la Flandre la décoration civique.
Je demande que le gouvernement s'explique sur ces deux questions.
M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je crois devoir demander à M. le ministre de l'intérieur qu'il veuille bien nommer une commission chargée de s'occuper de la position des secrétaires communaux et de voir quelles sont les dispositions à prendre à cet égard. Je pense que c'est le seul moyen de donner à cette question importante une solution propre à satisfaire tous les intérêts.
(page 938) M. Couvreur. - Messieurs, il y a quelques jours, M. le ministre des finances nous avait annoncé une communication touchant le règlement de l'ordre du jour. Cette communication n'ayant pas été faite, et le projet de loi portant prorogation du privilège de la Banque figurant en tête de notre ordre du jour, je viens demander au gouvernement de vouloir bien me renseigner sur quelques points.
Jusqu'à quelle époque croit-il pouvoir tenir la session ouverte ? Si, comme je le pense, la session ne peut se prolonger au delà du 18 mai, ce qui nous fait encore une quinzaine de jours utiles, le gouvernement estime-t-il que la loi sur la prorogation du privilège de la Banque doive primer toutes les autres, et nous laissera-t-il discuter cette loi avec la maturité, le calme et les soins que comporte la matière ? Ou bien, devons-nous craindre une clôture précipitée lorsque nous voudrons approfondir les nombreuses questions que soulève le renouvellement du privilège de la Banque ?
Notre ordre du jour, messieurs, est excessivement chargé, abstraction faite du projet sur la Banque. J'y vois figurer la révision du code de commerce, l'enseignement primaire obligatoire et une modification à l'article 29 du décret du 3 janvier 1813, quant à l'âge pour la descente et le travail des enfants dans les mines et minières.
De ces trois projets, deux au moins ont été systématiquement mis à l'ar-ière-plan de nos délibérations, malgré nos incessantes réclamations. Je veux parler du projet de loi sur l'instruction obligatoire et de celui sur la révision du code de commerce.
Je n'insisterai pas en ce moment pour que nous abordions ces objets ; cependant j'estime qu'avant de nous séparer, nous devrions voter au moins le chapitre du code de commercé relatif aux sociétés coopératives. Nous avons, à différentes reprises, demandé que ce projet fût discuté. De nombreuses pétitions ont été adressées à la Chambre par les sociétés ouvrières pour qu'il fût possible de légaliser leurs opérations commerciales. D'autres sociétés n'attendent que la loi pour se constituer. La loi votée sous le ministère de. l'honorable M. Bara leur donnait satisfaction. Sans la dissolution, cette loi serait en vigueur maintenant. Je crois qu'il conviendrait de lui donner le pas sur le renouvellement du privilège de la Banque.
J'en dis autant du projet de loi dû à l'initiative de l'honorable M. Vleminckx, projet de loi conçu dans un esprit si sage, si pratique, qu'il ne peut guère soulever de grands débats.
De quoi s'agit-il, en effet ? De confirmer le principe déjà déposé dans le décret-loi de 1813, sauf à retarder de quelques années l'âge auquel les enfants peuvent descendre dans les mines.
Il y a peu de jours encore, les journaux relataient le fait douloureux d'un enfant de dix ans tué dans une bure sous les yeux de son père. La civilisation répugne à ces abus du droit paternel.
Indépendamment de ces lois, il en est d'autres qui demandent une solution urgente.
C'est ainsi qu'il est urgent de prendre une détermination quant au pain de munition de nos soldats. Ces enfants du peuple sont déjà assez malheureux d'être enlevés de force à leurs foyers. Notre devoir est de les bien loger et de les bien nourrir. Des plaintes ont été formulées contre la qualité du pain qu'ils consomment. Le projet de loi qui nous est soumis est un aveu des abus signalés.
Le gouvernement a fait son devoir. Nous ne pouvons manquer au nôtre et cela me paraît plus urgent que de voter la loi sur le privilège de la Banque.
Enfin, je crois qu'il est encore du devoir de la Chambre de donner la priorité à la loi relative à la caisse de prévoyance des instituteurs primaires. Aucune pétition, que je sache, demandant le renouvellement, immédiat du privilège de la Banque, n'est arrivée à la Chambre.
Mais je sais que la Chambre est saisie d'un très grand nombre de pétitions d'instituteurs primaires, demandant que l'on complète les dispositions légales qui pourvoient aux infirmités, à l'âge et aux conséquences de la maladie.
Le gouvernement, voulant alléger sa barque à la veille des élections, a jeté hier par-dessus bord un projet de loi très important.
Il a reculé devant les manifestations hostiles des meuniers, des distillateurs et des fabricants de sucre. Mais il reste à notre ordre du jour un autre projet qui n'a pas moins ému une industrie des plus importantes. Je veux parler du projet de loi modifiant l'accise sur la bière.
Le gouvernement n'a-t-il pas l'intention de s'expliquer sur ses intentions quant à ce projet de loi ? Des difficultés se produisent ; elles doivent être levées. Cela est dû à la fois à nos populations qui demandent une bière saine et à bon marché ; aux brasseurs indigènes qui ont d'importants capitaux engagés dans cette industrie ; aux brasseurs de bières façon étrangère, qui offrent d'importer dans le pays leurs procédés de fabrication.
Enfin, messieurs, il y a un projet de code électoral qu'il me semble utile d'examiner et de voter, si c'est possible, avant le renouvellement général de nos assemblées délibératives : Chambres, conseils provinciaux et conseils communaux..
Je ne parle pas du rachat de la concession des chemins de fer de Dendre-et-Waes et de Bruxelles à Gand par Alost, parce que le gouvernement a déclaré lui-même qu'il considérait ce projet comme urgent.
Quant au renouvellement du privilège de la Banque Nationale, je dirai immédiatement quelle est, à cet égard, ma manière de voir.
Quoique adversaire du monopole, je reconnais que nous ne pouvons pas le supprimer du jour au lendemain, ni lancer le pays, en matière de crédit, dans la voie des aventures. Seulement, je crois que nous ne pouvons pas, à la veille des élections surtout, lier le pays pour une période nouvelle de trente années, sans une discussion très approfondie de la matière.
Cette discussion est-elle possible, messieurs ? Je vous le demande, je le demande au gouvernement. Et y a-t-il une raison de la précipiter ? Combien de jours le gouvernement compte-t-il lui assigner sur les quinze dont nous disposons encore ? Cinq, six ? Il faudra qu'en cinq jours nous en finissions avec toutes les questions de principe que soulève le renouvellement du privilège de la Banque Nationale, que nous examinions non seulement les termes du nouveau contrat, mais tout le passé de la Banque, sa conduite lors de la crise de 1870, les dangers auxquels, alors, nous avons été exposés ; l'influence, enfin, que le fonctionnement de la Banque exerce sur les intérêts du commerce, de l'industrie et de l'agriculture. Cela est-il possible, messieurs ? Et si nous le faisions, ne compromettrions-nous pas et l'autorité du gouvernement, et la considération de la Banque ?
D'ailleurs, rien ne presse. Que le privilège de la Banque soit renouvelé en mai 1872 ou l'année prochaine après le vote des budgets, le crédit commercial n'en fonctionnera pas moins. L'agiotage sur les actions de la Banque n'est plus à craindre, maintenant que les conditions du renouvellement sont connues. Je comprends qu'on n'ait pas attendu jusqu'à la veille de l'expiration du privilège pour le renouveler, comme cela s'est fait en Hollande ; mais entre cette éventualité et un renouvellement trois ans avant la date de l'échéance de la concession, il y a de la marge.
Si le gouvernement veut faire discuter la loi pendant la session actuelle, ai-je besoin de le prévenir que, dans ce cas, il lui sera bien difficile de faire voter, avant la fin de la session, n'importe quelle autre loi ? Je n'abuse guère, je crois, du droit de parler ; mais pour cette question de la Banque, je n'entrevois pas que je puisse éviter de parler durant plusieurs heures, si je dois toucher à tous les points que soulève la question. Faute de temps, il me sera impossible d'être bref. D'autres membres sont devant les mêmes nécessités. Nous voulons examiner la question à fond. C'est notre droit et notre devoir. La Chambre n'y mettra pas obstacle. Cela vous montre en perspective une discussion d'une quinzaine de jours au moins, voulussiez-vous siéger du matin au soir. En 1865, lorsque nous avons discuté la loi sur la liberté du taux de l'intérêt, nous nous sommes occupés pendant dix jours de l'attribution du bénéfice de l'escompte excédant 6 p. c. Je demande combien de temps nous mettrons à discuter toute la loi relative au renouvellement du privilège de la Banque Nationale ?
Il me reste, messieurs, une dernière observation à présenter.
(page 939) Le règlement de la Chambre prescrit l'examen des pétitions tous les vendredis. Cette disposition est généralement méconnue.
Je comprends que lorsque la Chambre est occupée de la discussion d'un projet de loi important, elle veuille ne pas l'interrompre ; je veux concéder encore que le public n'use pas toujours avec discernement du droit de pétition. Mais ce n'est pas une raison de l'en priver. Dans le feuilleton qui nous a été distribué récemment, il est des pétitions sur lesquelles rapport aurait dû nous être fait, il y a près de dix-huit mois. Elles concernent la mise en liberté de soldats français, prisonniers sur notre territoire,
Traiter de la sorte le droit de pétition est une véritable dérision. Cela ne se fait avec cette désinvolture dans aucun autre pays constitutionnel. Si l'on trouve que le règlement fait une part trop large aux pétitions, qu'on modifie le règlement ; mais tant qu'il est debout, il doit être respecté.
Je demande donc que la Chambre s'occupe demain des pétitions dont elle est saisie, que le bureau invite la commission à préparer des rapports sur toutes les pétitions qui lui ont été renvoyées, de manière à ne pas renvoyer cet arriéré à la session prochaine.
(page 926) M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, je me proposais de demander à la Chambre, vers la fin de la séance, de fixer l'ordre du jour à la suite du projet de loi sur la Banque Nationale. Mais, puisque l'honorable préopinant a soulevé la question, je crois qu'il vaut mieux la résoudre immédiatement.
Et d'abord, je dirai en peu de mots quels sont les motifs impérieux qui m'ont obligé à retirer le projet de loi relatif aux denrées alimentaires. Ce fait, pour un journal, est une surprise qui n'était pas inattendue ; il est très simple.
Le rapport de la section centrale a été présenté à la Chambre le 9 de ce mois ; il a été distribué quelques jours plus tard, et vous aurez tous remarqué que, sur les points essentiels, les propositions de la section centrale s'écartent complètement du projet du gouvernement. Il y avait donc impossibilité physique, matérielle de voir aboutir ce projet dans le cours de la présente session, et dès lors, uniquement à raison de ce fait, j'ai cru devoir proposer à Sa Majesté de le retirer.
Je n'abandonne pas, comme principe de législation permanente, la libre entrée des denrées alimentaires ; j'espère pouvoir la faire admettre par la Chambre au moment opportun, c'est-à-dire le plus tôt possible. Je n'abandonne pas non plus ce qu'il y avait de parfaitement juste et vrai dans le projet de mon honorable prédécesseur, c'est-à-dire la suppression de la prime à l'exportation des eaux-de-vie et de la prime pour les sucres.
Nous avons intérêt à favoriser le développement du commerce, pourvu qu'il ne soit pas factice et ne se fasse pas au détriment du trésor ; je me propose donc de reproduire, dans de meilleures conditions, les dispositions qui concernent les eaux-de-vie et les sucres. Du reste, quant au sucre, la question s'est compliquée dans ces derniers temps et il est impossible que, dans la session prochaine, la législature ne s'occupe pas d'une manière approfondie de toutes ces questions, telles qu'elles se présentent aujourd'hui.
L'ajournement du projet relatif à la Banque Nationale n'est pas proposé, mais il est indiqué par l'honorable préopinant.
Je ne puis me rallier à cette proposition. Le projet a été présenté au mois de février, on a pu l'étudier pendant deux mois et il est nécessaire, selon moi, au point de vue des intérêts publics, qu'il soit discuté dans le cours de la présente session.
On me demande si on aura le temps de le discuter. Qu'on prenne le temps ; discutons, et si les séances du jour ne suffisent pas, tenons des séances du soir ; que la Chambre fasse un suprême effort pour expédier toutes les lois qu'il est nécessaire de faire dans le cours de la session.
Je ne voudrais donc pas qu'on ajournât le projet, mais je ne demande pas non plus qu'on en étrangle la discussion ; on peut l'examiner d'une manière approfondie et la Chambre, j'en suis certain, trouvera le temps de le faire.
Il est facile de dire : Ajournons. Mais pourquoi ? Je laisse de côté les considérations relatives au respect des intérêts légitimes ; mais il en est un autre qui doit frapper la Chambre. J'ai insisté beaucoup dans la négociation pour que les effets du projet de loi prissent cours au 1er janvier prochain. Si la loi n'est pas votée actuellement, je demande pour quelle raison d'intérêt public on veut empêcher que les effets utiles de la loi pour le trésor public se produisent à partir de cette date ; en d'autres termes, c'est à peu près un million de rente par an que nous sacrifierions bénévolement.
(page 927) Quant aux autres objets, il me semble que l'un pourrait adopter l’ordre suivant. Si l'on a du temps de reste, on classera d'autres projets, Mais pour le moment, après avoir voté la loi sur la Banque Nationale et cette séparation de commune qui a été réclamée l'autre jour et qui ne donnera lieu, je pense, à aucun débat, - un simple appel nominal suffira, - on pourrait suivre l'ordre que voici : en premier lieu, rachat de la concession des chemins de fer de Dendre-et-Waes et de Bruxelles, vers Gand, par Alost.
Je dois ici, à la Chambre, un mot d'explication. Le droit, pour le gouvernement, de racheter cette concession vient à naître au 1er mai prochain. Mais, ayant prévu qu'il ne serait pas possible de convertir ce projet en loi avant cette date, j'ai demandé à la société concessionnaire de considérer la notification qui lui serait faite, dans le courant du mois de mai, comme étant reportée à la date du 1er mai ; sur ce point, nous avons échangé une correspondance officielle, d'où il résulte que, si le projet est adopté dans le cours de la présente session, le délai de quatre ans, fixé par la convention de 1852, prendra cours le 1er mai prochain.
Je l'ai fait pour deux motifs : parce qu'il était difficile à la Chambre de voter le projet à temps et que, dans tous les cas, le Sénat ne devant se réunir que le 29 de ce mois, la loi ne pouvait être votée également par cette assemblée ; aucune préoccupation ne doit donc exister à cet égard. On ne doit pas, pour cela, interrompre ou étrangler la discussion de la loi sur la Banque Nationale, et le projet de loi relatif au rachat du chemin de fer de Dendre-et-Waes viendra en ordre utile.
A la suite de ces projets, je propose à la Chambre de mettre celui qui est relatif à la construction d'un petit bout de chemin de fer de Saint-Ghislain à Erbisœul. C'est là aussi une affaire qui ne donnera probablement pas lieu à de grands débats.
Nous pourrions ensuite, et dans l'intérêt des travaux de la Chambre et dans l'intérêt des travaux du Sénat, voter deux ou trois crédits spéciaux. Ainsi, en quatrième ordre, le crédit de 152,000 francs pour l'achat de la bibliothèque Fétis ; puis le crédit de 225,000 francs demandé pour la participation des industriels et des artistes belges à l'exposition internationale de Vienne.
Enfin, je demanderai à la Chambre qu'elle place en sixième ordre le projet de loi relatif à la modification facultative de l'accise sur la bière. La Chambre reconnaîtra, je l'espère, qu'après le rapport et le bruit qui a été fait, j'ai le droit de lui demander qu'elle veuille bien mettre cet objet à l'ordre du jour en temps utile, pour que je puisse m'expliquer sur le principe et sur les conditions du projet.
Cette question, dont on a fait beaucoup trop de bruit à raison de son importance, doit être discutée avant la fin de la session, et je demande à la Chambre de me permettre de m'expliquer sur ce point avant qu'elle termine ses travaux.
M. Jacobs. - Je demande la parole.
M. Malou, ministre des finances. - Enfin, je propose de classer encore, sans préjudice au surplus, deux projets de loi : le crédit spécial de 750,000 francs, relatif au pain de munition, et le petit projet de loi autorisant le gouvernement à vendre de la main à la main les terrains à bâtir appartenant au domaine.
Dans l'intervalle, la Chambre recevra probablement des rapports de commissions ou de sections centrales sur divers crédits supplémentaires dont quelques-uns sont urgents, et on pourra les classer.
J'en dis autant du titre du code de commerce qui concerne les sociétés.
Il me paraît évident, d'après mes souvenirs, qu'on ne peut pas séparer les sociétés coopératives des autres parties du projet de loi, par la raison bien simple que le titre des Sociétés coopératives renvoie, quant au principe essentiel, aux dispositions qui régissent les sociétés anonymes. La division du lttre des Sociétés, quant à ce point, ne me paraît donc pas possible.
Je désirerais qu'on pût discuter tout le titre des Sociétés, et on pourra le classer à la suite des objets les plus urgents, si le travail extraordinaire que la Chambre s'imposerait permet d'aborder encore ces objets.
J'en dis autant, messieurs, de ce qui concerne la question des servitudes militaires.
Je crois qu'en ce moment l'on ne peut donner la priorité à ce projet, mais je crois aussi que la Chambre ne doit pas l'ajourner indéfiniment et qu'elle doit résoudre la question au premier jour utile qu'elle trouvera, soit à la fin de cette session, soit au commencement de la session prochaine.
Quant aux autres projets, tels que l'enseignement obligatoire et le travail des enfants dans les mines, malgré tous les efforts que la Chambre pourra faire, elle n'aura pas, je le crains, le loisir de les aborder actuellement.
L'honorable membre se trompe quand il pense que le projet sur le travail des enfants dans les mines ne donnera pas lieu à une discussion.
Je pense, au contraire, qu'il y aura une discussion très sérieuse, portant non seulement sur les faits mais même sur le principe de la proposition qui est faite.
Je ne me prononce pas sur le fond ; nous discutons l'ordre du jour, je ne veux pas aborder le fond.
Ainsi donc, après la discussion sur la Banque Nationale, l'érection de la commune de Saint-Amand ; le rachat de la concession du chemin de fer de Dendre-et-Waes ; concession du chemin de fer de Saint-Ghislain vers Erbisœul ; crédit pour la bibliothèque Fétis ; crédit pour l'exposition de Vienne ; modification facultative de l'accise sur la bière ; crédit de 750,000 francs pour l'amélioration du pain de munition ; autorisation de vendre de gré à gré les terrains à bâtir appartenant à l'Etat.
En voilà déjà pour quelque temps. Lorsque la Chambre en aura fini de ces objets, elle verra ce qui lui reste de temps pour établir son ordre du jour, sans préjudice des crédits supplémentaires qui, dans l'intervalle feraient l'objet de rapports des sections centrales ou des commissions.
M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, j'appuie la proposition de M. Couvreur relativement à la nécessité de discuter pendant cette session le projet de loi concernant le travail des enfants dans les mines, minières et carrières. Je pense que c'est là une proposition requérant célérité, qui doit être discutée le plus tôt possible, parce que le projet se rattache à un intérêt de premier ordre, auquel il est nécessaire de pourvoir immédiatement.
A cet égard, je dois faire une observation que je livre à l'attention de mes honorables collègues, qui pourront y réfléchir.
Le projet ne prononce pas une peine contre le fait nouveau qui est prohibé. N'est-il pas nécessaire d'édicter une pénalité et de donner ainsi une sanction à la prohibition ? Voilà qui sera examiné en temps et lieu.
Du reste, comme il s'agit de faire cesser un abus grave dont on ressent les fâcheux effets dans diverses provinces, il importe qu'on s'occupe immédiatement d'un objet qui doit être considéré comme urgent, puisqu'il s'agit de sauvegarder des intérêts d'un ordre supérieur, se rattachant à l'hygiène et à la moralité publiques.
M. Jacobs. - Si l'ordre proposé par M. le ministre des finances est adopté par la Chambre, il ne faut pas se dissimuler que le projet de loi sur les servitudes militaires, dont la discussion avait été fixée par la Chambre après celle du projet relatif à la Banque Nationale, ne sera pas abordé dans cette session.
Quelle que soit la contrariété que j'en éprouve, je ne veux pas faire une opposition absolue à la proposition de M. le ministre des finances. Le gouvernement, qui a la responsabilité de la situation, doit avoir le droit d'indiquer à la Chambre les objets qu'il est urgent d'expédier en vertu de considérations d'intérêt général.
Je ne m'opposerai donc pas à la proposition, mais à une condition : c'est que M. le ministre veuille bien me dire (il m'a dit déjà qu'il se joindra à nous pour faire discuter le projet de loi le plus tôt possible, dans la session prochaine), qu'il veuille bien me dire qu'il se joindra également à nous pour appuyer ce projet et pour le soutenir.
- Voix à gauche. - Ah ! ah !
M. Jacobs. - Dans cette hypothèse, je ne m'opposerai pas à la proposition de M. le ministre des finances.
M. Defuisseaux. - Il me semble qu'il résulte de la discussion qui vient d'avoir lieu que tous les projets de lois qui sont à l'ordre du jour doivent être votés, sauf le projet relatif à la Banque Nationale.
En effet, le projet de la Banque Nationale n'est pas urgent ; il n'est pas urgent, parce que la Banque Nationale peut vivre encore dans les conditions actuelles pendant environ trois ans et demi. Il est donc impossible d'admettre, et surtout de faire admettre à l'opinion publique que nous devons délaisser tant de travaux utiles, pour ne nous occuper que de la question financière de la Banque.
En effet, nous avons, chose bien rare dans cette assemblée, trois projets qui intéressent au plus haut point les classes ouvrières, les sociétés coopératives, l'instruction obligatoire, le travail des enfants et des femmes dans les mines.
Ces intérêts d'ordre majeur - qui de nous oserait dire le contraire ? Personne - céderait la place devant la majesté de la Banque Nationale, dont le privilège doit encore durer pendant quelques années !
Je crois que nous devons être unanimes à reconnaître deux choses : (page 928) d'abord que les autres projets à voter sont tous importants, que la Banque Nationale peut parfaitement attendre, et enfin que nous ne pourrions pas, quand mêem nous le voudrions, donner à la discussion de ce projet tout le temps qu'il mérite.
Je crois donc que nous ferons sagement en renvoyant à la session prochaine la question de la Banque Nationale et en fixant, indépendamment de cela, l'ordre du jour de la Chambre.
M. David. - M. le ministre des finances vient de développer, mieux que je n’aurais pu le faire, l'opportunité de ma proposition de samedi dernier. Je la renouvelle donc aujourd'hui, et je propose à la Chambre de siéger dorénavant tous les lundis jusqu'à la fin de la session.
M. Malou, ministre des finances. - Certainement ; appuyé !
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre des finances.
M. Guillery. - Je demande la parole.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'honorable ministre des finances et je ne comprends pas quel est le grand intérêt qui nous oblige à discuter immédiatement le projet de loi de la Banque Nationale.
Il y aura, dit-il, perte pour le trésor si, au 1er janvier, le projet de loi relatif à la Banque Nationale n'est pas approuvé. Mais avant le 1er janvier il y aura le mois de novembre et le mois de décembre ; la Chambre aura le commencement de la session et cette session aura le mérite de venir après une manifestation du corps électoral.
Loin de moi l'idée de vouloir méconnaître les intérêts, même les intérêts privés, qui sont en jeu ; loin de moi de vouloir faire aucune opposition aux idées qui ont été émises par le gouvernement. Mais je demande que, dans l'intérêt d'une grande institution financière, dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt de la législature, il soit bien acquis pour tout le monde qu'une question aussi importante a été délibérée longuement, froidement et complètement.
L'honorable ministre des finances nous dit : Qu'on ait des séances du soir. Mais avoir des séances du soir, c'est facile à dire, en théorie ; mais on sait qu'à ces séances on écoute peu les discours, surtout lorsque la Chambre, arrivée au terme de la session, se trouve astreinte au travail le plus fatigant pour épuiser son ordre du jour.
Beaucoup des projets qui nous sont soumis sont d'un très grand intérêt. Est-ce que véritablement la discussion sera, dans ces conditions, aussi complète qu'elle devrait l'être ? Où est donc l'urgence ? Le privilège de la Banque expire le 31 décembre 1875. D'ici là il y aura encore deux élections, c'est-à-dire que la Chambre sera intégralement renouvelée.
Les questions de crédit sont peu connues, en général, et je n'en veux de meilleure preuve que le silence de la presse sur le projet qui nous occupe. Les intéressés eux-mêmes n'en connaissent pas la portée : ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils peuvent et doivent demander.
Il faut donc que les discussions de la Chambre puissent éclairer le pays. Il est possible que les hommes familiarisés avec ces questions soient parfaitement d'accord, mais est-ce là une raison pour que nous ne discutions pas ? Il faut que l'on puisse avoir la certitude, dans le pays, que ce qu'on a fait est bien ce qu'il y avait de mieux à faire.
À côté de cet intérêt qui se rapporte à la Banque Nationale, il y a d'autres intérêts bien plus importants encore ; il y a des projets qui constituent une question d'honneur pour la législature. Il y a, par exemple, les sociétés coopératives ; là il y a, sinon des actionnaires, du moins des sociétaires qui réclament la loi et qui ont le droit de l'obtenir.
Le droit d'exister leur a été accordé il y a deux ans, et depuis elles réclament vainement le renouvellement du vote que la clôture de la session a annulé.
Le ministère « avancé », ou plus exactement avec un masque avancé, le ministère des économies, qui n'a rien fait pour les idées avancées ni pour les économies, ce ministère a laissé le projet dans les cartons et la Chambre serait dans l'impossibilité de le discuter aujourd'hui.
M. le ministre des finances a raison de dire qu'on ne peut pas discuter les sociétés coopératives sans le titre des Sociétés : il y a connexité entre les deux projets.
Mais, messieurs, quand on a proposé de donner la priorité au titre de la Lettre de change, on ne nous a pas dit que le titre des Sociétés serait ajourné. On nous a même promis le contraire.
Je n'ai cessé, depuis deux ans, de réclamer, et toujours en vain. J'ai réclamé récemment, la veille des vacances de Pâques ; samedi dernier, je reproduisais encore les mêmes considérations et j'acceptais le rendez-vous que nous donnait M. le ministre des finances pour la fixation de l'ordre du jour. Et aujourd'hui, il m'est permis de prévoir que la session sera close sans qu'il soit fait droit aux réclamations les plus légitimes qui se soient jamais produites dans une assemblée.
Il est encore deux projets de lois qui touchent aussi aux intérêts de la classe ouvrière.
Le premier de ces projets est celui qui concerne l'enseignement primaire obligatoire. Je rappelle, à cette occasion, que 54 conseils généraux ont réclamé cet enseignement en France : je n'aurais pas cru, je l'avoue, que, dans cette matière, l'impulsion dût nous venir de nos voisins du midi.
Nous avons ensuite la proposition de loi relative au travail des enfants dans les mines.
Pour ce dernier projet, quoi qu'en pense M. le ministre des finances, j'espère qu'il n'y aura pas de très longues discussions. « Le principe sera contesté, » dit l'honorable ministre ; mais je ferai observer que le principe est déjà inscrit dans notre législation. Il s'agit seulement de décider si les enfants peuvent descendre dans les mines à 10, à 12, à 13 ou à 14 ans ?
Sans doute, ou pourra traiter l'ensemble de la question. La section centrale a désiré que la question fût examinée dans son ensemble ; elle était dans son droit ; et à l'occasion du projet de loi, la Chambre pourra discuter la question du travail des enfants dans les manufactures en général.
Mais si l'on veut restreindre la discussion au point spécial qui concerne le projet de loi, le débat ne pourra pas être bien long.
Quant à moi, je suis disposé à venir à des séances du soir et à des séances du matin, à siéger aussi longtemps que le gouvernement le demandera, à examiner le projet de la Banque Nationale, comme tous ceux qui nous seront soumis ; mais je crois que si nous nous demandons quels sont les intérêts du pays les plus urgents, ce n'est pas par celui-là qu'il faut commencer : ce sera, comme je l'ai déjà proposé, par le projet concernant le travail des enfants dans les mines.
N'est-ce pas une honte pour le pays que de ne pas résoudre sans retard cette question, que de ne pas décider, avant de se séparer, que les enfants ne peuvent pas descendre dans les mines avant quatorze ans, alors qu'il est prouvé qu'ils ne peuvent le faire sans compromettre leur santé ? Alors que l'Académie de médecine vient confirmer cette vérité par son imposante autorité, alors que la chambre de commerce de Charleroi déclare que l'état actuel des choses a pour conséquence de compromettre la vie des enfants, n'est-il pas regrettable que la Chambre ne trouve pas un jour, une heure, un moment pour sauvegarder ce grave intérêt ?
En résumé, il est trois projets de lois qui intéressent la classe ouvrière et on les laisse dans les cartons ; et on nous fait d'abord voter un projet de loi qui touche aux intérêts du commerce, je le veux bien ; qui touche aussi aux intérêts du trésor, intérêts dont je me préoccuperai toujours, mais qui ne doit pas avoir le premier pas.
Je demande que les projets soient discutés dans l'ordre de leur importance sociale, à commencer par le travail des enfants dans les mines.
M. Frère-Orban. - Je crois que si l'on veut faire chose utile, il faut commencer par ne pas perdre du temps à discuter l'ordre du jour.
La Chambre avait pris une résolution depuis longtemps en donnant un ordre de priorité à certains projets de lois. En jour, sans que la motion ait été annoncée, on a proposé de changer l'ordre indiqué par la Chambre et de commencer par la discussion du budget des travaux publics.
Aujourd'hui le projet de la Banque Nationale vient enfin en ordre utile ; on est préparé à la discussion (interruption) ; il s'agit d'un sujet qui n'est pas tellement familier qu'on puisse le discuter sans préparation. Eh bien, au moment où l'on veut en aborder la discussion, on vient nous dire : Ne discutons pas. Pourquoi ? Quel est le bon motif que l'on peut invoquer pour remettre cette discussion ? Il y a, dit-on, des projets d'une importance sociale plus considérable. Mais pourquoi ne le disait-on pas lorsque la Chambre a fixé son ordre du jour.
Et puis est-il bien sérieux de parler d'autres projets qui auraient une importance sociale et dont on négligerait de s'occuper ?
Qui nous dit même que ces autres projets ne pourront pas être discutés également ?
On commence par décider à priori qu'on se séparera le 10 et que, par conséquent, il ne restera plus que quinze jours ; d'abord, qu'est-ce qui oblige à clore la session le 10 mai ?
Et puis, en admettant qu'il ne reste que quinze jours, est-il démontré que le projet relatif à la Banque prendra un temps bien long ? Mais, dit un honorable membre, la simple question de savoir si l'excédant de 6 p.c.de l'escompte serait attribué à l'Etat a absorbé dix jours de discussion en 1865.
Je ne sais pas où l'honorable membre a été trouver ces faits-là. Je puis affirmer que c'est une pure invention. Je viens de vérifier la chose ; j'ai fait chercher à la bibliothèque les (page 929) Annales parlementaires et je me suis assuré que la discussion tout entière non pas de cette question, mais du projet de loi relatif à la liberté du prêt à intérêt, a duré 4 jours : les 22 et 23 février, les 7 et 8 mars, et pendant cet espace de temps on a entendu vingt-quatre orateurs.
Voilà ce que constate la fable des Annales parlementaires. Or, - et c'est en quoi l'argument est bien mauvais dans la bouche des honorables membres qui le produisent —- la discussion qui s'est élevée alors sur le principe des banques, sur le principe de la pluralité ou de l'unité des banques ou de la liberté de l'émission, était provoquée par une agitation considérable.
On s'était beaucoup occupé de la question dans le pays ; des meetings, des associations commerciales, beaucoup d'industriels et de commerçants, des gens d'affaires, presque tout le monde en un mot s'était intéressé à la question.
Elle a été alors examinée d'une manière approfondie, et voilà pourquoi vous ne voyez pas se produire aujourd'hui la moindre agitation. Ce n'est donc pas parce que cette question serait inconnue que l'on ne s'en occuperait pas à présent.
Les opinions sont aujourd'hui fixées. Personne ne dit qu'il faille changer radicalement ce qui existe et l'on n'indique pas quelque chose de meilleur à y substituer.
M. Boucquéau. - Pourquoi donc certains journaux ont-ils changé d'opinion depuis deux ans ?
M. Frère-Orban. - Je n'en sais rien. Vous avez beaucoup plus de relations que moi avec les journaux. Il doit vous être facile de le savoir, si toutefois il est même exact qu'ils aient changé d'avis.
Au surplus, si même on devait se séparer le 10 mai, comme certains membres le disent, encore aurait-on à peu près un mois de session avec des séances du soir. Pendant ce laps de temps, ne pourrait-on pas discuter tous les projets de lois qui ont été énumérés ? L'ordre du jour n'est pas tellement chargé qu'on ne puisse le faire.
Nous perdons donc notre temps dans de vaines discussions et je demande que nous abordions les questions à l'ordre du jour.
M. Malou, ministre des finances. - Je dois une réponse à l'honorable M. Jacobs. Je demande qu'on ne discute pas, dans le cours de la présente session, la question des servitudes militaires. Quand le projet de loi viendra en ordre utile, je m'y rallierai, sauf deux modifications.
J'insiste pour que la Chambre maintienne l'ordre du jour tel que je l'ai indiqué.
Il est évident qu'il y a engagement de la part de la Chambre et qu'on peut parfaitement, comme l'a dit l'honorable M. Frère, discuter encore tous les objets qui sont à l'ordre du jour. Et, en effet, beaucoup de ces projets occupent une ligne sur le bulletin et ne donneront lieu qu'à un simple vote.
Ainsi, je ne prévois pas de discussion sur le crédit pour l'achat de la bibliothèque Fétis, sur le projet de loi relatif au rachat de la concession de Dendre-et-Waes, sur le crédit relatif à l'exposition de Vienne, tous projets qui grossissent fictivement notre ordre du jour.
Je m'en tiens à ces simples observations : la meilleure méthode à suivre pour en finir de toutes ces lois, c'est de finir la discussion actuelle.
M. Defuisseaux. - J'insiste de nouveau, car la chose me paraît des plus importantes. Quelque crainte que m'inspire au point de vue du succès l'alliance inattendue de M. Frère et de M. Malou, je les réfuterai l'un et l'autre.
En effet, je n'ai trouvé, dans les observations de l'honorable M. Frère, aucun argument contre les raisons si éloquemment exposées par mon honorable ami, M. Guillery.
M. Frère aurait dû prouver que l'intérêt que présente pour la Belgique la question de la Banque Nationale est supérieur à celui qui s'attache aux projets de lois pour lesquels nous avons demandé la priorité. Il ne l'a pas fait.
Il s'est retranché dans des considérations d'un ordre accessoire. Pourquoi, nous a-t-il dit, n'avez-vous pas protesté à une. autre époque plutôt qu'aujourd'hui, quand il a été question de la fixation de l'ordre du jour ? Mais, messieurs, ne savons-nous pas qu'à chaque instant la Chambre modifie son ordre du jour ? Combien de fois n'a-t-elle pas, à quelques jours d'intervalle, modifié de fond en comble l'ordre de ses travaux, remis à une date éloignée des projets qui se trouvaient en tête, discuté d'autres qui ne figuraient pas du tout, et mène fait disparaître définitivement d'autres projets qui devaient être discuté ?. Et d'ailleurs, que faisons-nous maintenant, sinon discuter librement l'ordre entier de nos travaux, sans que cette discussion puisse être restreinte.
L'honorable M. Frère nous dit : Mais qui peut affirmer que la Chambre ne siégera plus après le 15 mai ?
Je ne sais pas quand la Chambre se séparera, mais, dans tous les cas, l'époque de sa séparation ne peut plus être très éloignée, et, indépendamment des discussions certainement assez longues auxquelles donnera lieu la question de la Banque Nationale, il faut tenir compte du temps que prendront les motions d'ordre, les interpellations qui ne manqueraient pas de se produire. Pour ma part, je n'ai nullement renoncé à l'interpellation que j'ai annoncée au sujet de l'affaire d'Evere.
Toutes ces discussions absorberont donc un temps assez considérable, il s'ensuivra que nous ne pourrons discuter fructueusement la question de la Banque Nationale, de sorte que les deux arguments que j'ai invoqués sont restés entiers.
Personne n'a répondu ni ne répondra.
Les autres objets à l'ordre du jour sont d'une importance sociale plus grande, comme l'a dit l'honorable M. Guillery, et doivent avoir le pas sur les questions financières. Je propose donc de remettre la question de la Banque Nationale à la session prochaine.
Un mot encore.
On parle de séances du soir, mais l'honorable M. Guillery l'a très bien dit, les séances du soir ne valent pas les séances du jour.
Je vous adjure donc de ne pas admettre l'ordre du jour proposé par l'honorable M. Malou et appuyé par l'honorable m. Frère-Orban.
M. de Baets. - Je me joins à mes honorables collègues, MM. Guillery et Defuisseaux.
Si vous entamez la question de la Banque Nationale, vous ne ferez plus rien après, si ce n'est de simples votes comme la question de la commune de Saint-Amand..
La question du travail des enfants dans les mines est d'une importance énorme, et je déclare à la Chambre, dès à présent, que je proposerai un amendement pour réglementer aussi le travail dans nos usines.
Les séances du soir sont très souvent insignifiantes. Beaucoup de membres de la Chambre regagnent le soir leur domicile en province. Ce sont les députés de Gand, d'Alost, de Louvain, d'Anvers... (Interruption.)
Je ne m'effarouche pas d'une interruption.
IL est très dur pour nous, messieurs, de devoir quitter nos affaires pour faire tous les jours la navette entre la province et Bruxelles. Il serait impossible de nous astreindre à des séances du soir.
Je trouve que si vous votez les projets qui sont les plus urgents, vous serez forcés de voter lestement ceux qui le sont moins.
M. Demeur. - Je suis tout à fait de l'avis de M. le ministre des finances lorsqu'il dit que nous avons à l'ordre du jour un grand nombre de projets de lois qui ne demanderont pas de discussion ou qui ne demanderont qu'une très courte discussion.
Il me semble que, s'il en est ainsi, nous devons d'abord voter ces projets ; nous devons d'autant plus le faire, que le Sénat, qui doit se réunir prochainement, n'aura à son ordre du jour que les deux projets de lois que nous avons votés hier et le budget des travaux publics. Après cela, il devrait attendre que la discussion du projet de loi sur la Banque Nationale soit terminée avant de pouvoir reprendre ses travaux.
Il n'en sera pas ainsi si nous expédions d'abord tous les projets qui, comme vient de le dire l'honorable M. Malou, ne demanderont que très peu de temps.
On n'a pas indiqué, du reste, quels sont les intérêts qui rendent si impérieuse la discussion immédiate du projet relatif à la Banque Nationale. L'honorable ministre des finances a dit que c'est par respect pour des intérêts légitimes que nous devons discuter sur-le-champ ce projet.
Je demande quels sont ces intérêts ?
Lorsque M. le ministre des finances a proposé ce projet de loi, il était désireux d'avoir une discussion immédiate ; il paraissait craindre que la spéculation ne se jetât sur les actions de la Banque Nationale. Eh bien, ces spéculations, qu'on redoutait, n'existent pas ; le cours des actions reste en quelque sorte immobile.
D'un autre côté, nous avons trois ans et demi devant nous pour discuter le renouvellement du privilège de la Banque. En Hollande, lorsque le gouvernement a demandé la prorogation de la banque hollandaise en 1862, il a présenté le projet de loi six mois avant l'expiration du terme du privilège. Il n'en est pas, messieurs, de la Banque Nationale comme de la Société Générale et de beaucoup d'autres établissements analogues qui émettent des obligations, qui prêtent sur hypothèque, qui commandent l'industrie et qui ont besoin d'avoir devant eux un temps très long. La Banque Nationale ne se trouve pas dans ces conditions : elle ne peut faire aucune affaire (page 930) qui excède cent jours ; par la nature même de ses opérations, elle doit être en mesure de liquider en tout temps.
Quel est donc l'intérêt qui exige la discussion immédiate ? On a parlé de l'intérêt du trésor. Il est vrai que cet intérêt réclame des modifications à l'état de choses actuel.
Moi-même, au mois de janvier dernier, j'ai provoqué la principale des modifications qui est proposée sous ce rapport ; mais puisqu'on a attendu de nombreuses années avant d'arriver à cette modification, un retard d'un mois sera de peu d'importance. La Chambre discutera ce projet, soit au mois de décembre, soit au mois de janvier prochain, et la modification pourra être mise a exécution le 1er février au lieu du 1er janvier, terme indiqué par M. le ministre des finances. Il n'y aura donc qu'un retard d'un mois. Où sera le grand mal ?
Je demande donc, formellement que les autres projets à l'ordre du jour soient discutés avant le projet de loi sur la Banque Nationale.
M. le président.- La proposition suivante est parvenue au bureau :
« Les soussignés proposent de mettre à la fin de l'ordre du jour la discussion du projet de prorogation de la Banque Nationale.
« (Signé) Guillery, Couvreur. »
M. Malou, ministre des finances. - Je crois la discussion épuisée et les opinions fixées. Je n'ajoute qu'un seul mot en ce qui concerne la Banque Nationale.
J'ai considéré comme chose heureuse que la négociation ait pu rester secrète et qu'aucun mouvement désordonné ne se soit produit quant à la cote des actions. Je considérerais comme le signal d'un agiotage déplorable l'ajournement de la discussion du projet de loi.
M. le président. - Nous sommes en présence de quatre propositions : celle de MM. Guillery et Couvreur, celle de M. le ministre des finances, celle de M. David, qui demande de siéger le lundi, et celle de M. Couvreur, qui demande que la Chambre s'occupe demain des pétitions.
Je mets d'abord aux voix la proposition de MM. Guillery et Couvreur.
- Des membres. - L'appel nominal !
- La proposition est mise aux voix par appel nominal.
81 membres prennent part au vote.
66 votent contre la proposition.
15 votent pour.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. Defuisseaux, Demeur, Guillery, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Rogier, Thienpont, Van Hoorde, Balisaux, Boucquéau, Couvreur, Dansaert, David et de Baets.
Ont voté le rejet :
MM. de Haerne, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dupont, Elias, Frère-Orban, Hayez, Houtart, Jacobs, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Lelièvre, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Puissant, Rembry, Sainctelette, Schollaert, Snoy, Tesch, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Ansiau, Anspach, Bara, Biebuyck, Cornesse, Crombez, Cruyt, d'Andrimont, de Borchgrave, de Dorlodot et Tack.
- La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Vient maintenant la proposition de M. Couvreur, qui demande que la Chambre s'occupe demain de pétitions.
M. Couvreur. - C'est l'exécution du règlement.
M. Pirmez. - Puisque la Chambre a décidé qu'elle s'occuperait en premier lieu du projet relatif à la Banque Nationale, je demande qu'elle s'en occupe sérieusement, sans interruption.
Qu'on remette les pétitions après le vote de ce projet, à moins qu'on ne préfère tenir une séance du soir, soit aujourd'hui, soit demain, pour les pétitions. (Appuyé, appuyé !)
M. le président. - Ainsi, on ne s'occupera pas demain de pétitions.
Nous avons, en dernière analyse, la proposition de M. David tendante à ce que la Chambre siège les lundis à partir de lundi prochain.
- Cette proposition est mise aux voix.
Elle n'est pas adoptée.
M. Vermeire. - La question du crédit est si importante que, de tout temps, elle a fait, de la part des hommes d'Etat aussi bien que de celle du commerce et de l'industrie, l'objet des plus sérieuses, des plus profondes méditations. Il ne pouvait en être autrement ; car il a été reconnu, de tout temps, que si le crédit est l'âme du commerce, il n'en prend pas moins son origine dans cette faculté sociale qui dérive de la confiance ; ou plutôt, le crédit est la confiance elle-même.
En effet, n'a-t-on pas constaté, à toutes les époques calamiteuses, pendant celles où se produisent les révolutions, la guerre, les grèves d'ouvriers, les mauvaises récoltes ou d'autres faits désastreux, que le crédit s'efface et que sa disparition porte un trouble profond dans l'économie sociale des peuples et des nations ?
C'est alors que l'on se met à la recherche de systèmes qui assurent le mieux le crédit et qui soient de nature à prévenir les secousses qui ébranlent le travail en mettant des entraves au développement de la richesse publique.
S'il n'est point d'objet plus important que celui qui concerne le crédit, il n'en est point, d'autre part, qui ait été plus lent à se produire.
La question du crédit est fort simple en apparence ; mais elle devient fort complexe du moment qu'on en pénètre les conséquences et que l'on commence à se faire une idée plus exacte de son mode d'existence, de ses moyens d'action, de ses ressources.
Des auteurs, ayant fait une étude spéciale des questions se rapportant au crédit, prétendent que cet élément de la prospérité publique a rendu plus de services à l'humanité que la découverte de l'Amérique, que l'emploi du coton, que l'application de la vapeur à l'industrie, à la navigation, aux transports rapides par les chemins de fer.
Le crédit était à peine connu dans l'antiquité. Il ne pouvait guère prendre quelque extension au milieu de sociétés barbares qui ne présentaient aucune sécurité, qui étaient livrées à l'arbitraire et qui semblaient n'être organisées que pour la guerre et le pillage.
Alors, en général, les prêteurs étaient des usuriers qui étaient armés contre leurs débiteurs du droit de servitude et même du droit de vie et de mort.
Les prêteurs se faisaient nantir de gages suffisants pour couvrir leurs avances, malgré qu'ils exigeassent souvent l'intérêt de 3 p. c. par mois ou de 36 p. c. par an.
La fonction du crédit est double : les capitaux, fruits d'un travail antérieur, doivent être rendus disponibles pour un travail postérieur ou subséquent ; il doit les faire échangeables contre le numéraire et transmissibles de main en main. En d'autres termes, le crédit dégage les valeurs engagées.
A mesure que le travail se développe, l'idée de mobilité doit, nécessairement, remplacer celle de la fixité.
Dans son action primitive, la banque était presque exclusivement appliquée à l'opération du change des monnaies d'or et d'argent. Il en résulte que les premiers banquiers n'étaient autre chose que ce qu'on nomme aujourd'hui des changeurs. Mais, comme ces changeurs opéraient sans cesse sur les monnaies, ils devinrent les dépositaires naturels des espèces qui se trouvèrent quelque part en excédant et ils attiraient à eux, insensiblement, des sommes provenant de l'épargne, ainsi que les valeurs flottantes.
Les banques sont multiples. Elles exercent une partie spéciale ou cumulent différents genres d'opérations.
Cependant, au point de vue même de la sécurité des banques, il est préférable qu'elles restent dans leur spécialité et qu'elles n'opèrent que dans les limites pour lesquelles elles ont été créées.
L'exposé des motifs de la loi du 1er mai 1850 démontre que, si les banques sortent de leurs attributions spéciales, elles peuvent faire courir à l'industrie et au commerce les plus graves dangers, surtout au moment d'événements graves.
« Les banques de circulation, disait l'exposé des motifs de 1850, ne doivent faire que des opérations sûres et ne pas se priver pour longtemps de leurs capitaux.
« Les banques de circulation ne peuvent point faire des opérations qui puissent favoriser l'agiotage, les spéculations immodérées. Elles ne doivent point aller au-devant des emprunteurs ; elles doivent les laisser venir a elles.
« Les banques de circulation doivent être organisées de manière à pouvoir venir au secours du pays, dans les moments difficiles, atténuer les effets des crises, en escomptant à des taux raisonnables quand les capitaux deviennent rares. Loin d'être une cause d'embarras, elles doivent contribuer à diminuer l'intensité des crises.
« C'était pour avoir méconnu ces principes que l'Etat avait dû donner sa garantie pour une forte somme aux deux grandes institutions que (page 931) possédait alors la Belgique et que, malgré la richesse de notre pays, la fertilité de notre sol et la prospérité de notre industrie et de notre commerce, malgré tant d'éléments de progrès et de prospérité, le crédit ne s'était point développé chez nous dans une proportion équivalente à celle de pays qui nous environnent. »
Avant d'examiner les résultats que la Banque Nationale a exercés sur nos destinées économiques, faisons une petite excursion chez nos anciens concitoyens de la Néerlande.
En 1863, le gouvernement de la Néerlande avait constaté que la Banque des Pays-Bas ne rendait pas au public tout le service sur lequel celui-ci avait cru pouvoir compter. Il avait semblé même résulter des chiffres de ses balances, que le rapport n'était pas assez élevé entre le montant de la circulation fiduciaire et celui de l'encaisse métallique.
En effet, le montant de l'encaisse à la circulation y était de 97 p. c, et réuni au montant des billets de banque en circulation, il était de 76 p. c ; tandis que, en Belgique, ces deux chiffres sont de 58 et de 39 p. c. ; en Angleterre, de 68 et de 35 p. c. ; en France (avant la guerre franco-prus^ sienne), de 59 et de 39 p. c. ; en Prusse, de 71 et de 52 p. c.
L'exposé des motifs de la loi néerlandaise n'indique pas l'année à laquelle se rapportent ces chiffres ; il se borne à dire les dernières années.
Plusieurs reproches ont été faits à la Banque Nationale. On lui a fait même un grief de sa trop grande prospérité. On a insinué que les services rendus au public étaient trop peu importants et que, dans tous les cas, ceux-ci n'étaient point en rapport avec les bénéfices que la Banque retirait de son privilège.
Quoique, certes, je n'aie point mission de défendre la Banque Nationale, je me permettrai, toutefois, d'examiner si cet établissement a rempli les obligations que la loi et ses statuts lui ont imposées.
La loi prescrit à la Banque l'obligation d'établir des comptoirs d'escompte dans les chefs-lieux d'arrondissements judiciaires et là où les besoins s'en font sentir.
La Banque a rempli ses engagements. En dehors de la succursale d'Anvers, elle a établi trente-quatre comptoirs d'escompte.
Elle rend beaucoup de services gratuitement ou moyennant une rémunération peu importante.
D'abord, le service des accréditifs ne lui rapporte guère ;
2° Elle fait, gratuitement, le service de la caisse d'épargne ;
3° Il en est de même du service des titres au porteur de la dette publique ;
4° Elle délivre gratis des lettres de crédit, et
5° Elle fait le service de caissier de l'Etat, lequel, certes, avec le privilège d'une émission fiduciaire, lui rapporte des avantages réels et saisissables ; mais, par contre, elle escompte le papier commercial, sans commission, à des taux d'intérêt plus bas que ceux auxquels escomptaient les établissements similaires d'autres pays.
Les opérations d'escompte augmentent d'année en année. Comparant, seulement l'année 1870 à l'année 1871, nous trouvons, pour la première année 1,052,792 effets pour 1,205,126,286 fr. 98 c. ; pour 1871 1,152,849 effets pour 1,519,580,435 fr. 95 c. ou une différence en plus, en faveur de 1871, de plus de 100,000 effets et de plus de 300,000,000 de francs et cela sur la Belgique seulement.
A cause des événements politiques de 1870 et du commencement de 1871, à l'escompte des effets sur l'étranger avait presque complètement cessé.
Le mouvement de ces escomptes est tombé, en 1871, à 2,400,000 francs de 131,000,000 qu'il était en 1870. Cette mesure avait eu encore ce résultat utile, c'est que des ressources extraordinaires avaient pu servir à venir en aide au commerce et à l'industrie belges.
Nul ne peut, certes, méconnaître que l'époque actuelle ne soit une époque de développement et d'accroissement industriel et commercial, Si d'une part, on compare le mouvement commercial dans ses rapports avec l'étranger, nous remarquons que, de 1851 à 1870, il a quadruplé, c'est-à-dire que le commerce général (entrée et sortie réunies) a monté de 820 millions à 3 milliards 282 millions !
Si nous admettons un pareil accroissement dans nos relations intérieures, nous trouvons que la progression totale serait de un à huit. Or, la progression du mouvement commercial et industriel serait, à peu de chose près, le même que celui de l'accroissement du mouvement de l'escompte à la Banque Nationale.
Mais, dit-on, le bénéfice à la Banque Nationale est trop considérable à cause que le taux de l'intérêt y est trop élevé. Le bénéfice, certes, est fort beau : il s'élève, intérêts compris, à plus de 14 p. c ; mais, si on le réduit à la valeur actuelle de l'action, qui est de 2,760 francs, l'intérêt et le dividende réunis deviennent 5 p. c, non compris une légère part à laquelle l'action a droit dans la formation du fonds de réserve.
Je comprends fort bien que, si l'on veut empêcher ce qu'on est convenu d'appeler le drainage de l'encaisse de la Banque, il est nécessaire d'élever le taux de l'escompte à la hauteur de celui qui est exigé par les établissements similaires d'autres pays.
Mais je pense qu'il faut procéder avec beaucoup de prudence chaque fois qu'on songe à élever le prix de l'argent et que, avant de se résoudre à cette nécessité, la Banque doit ne pas ignorer que si cette augmentation favorise ses intérêts, elle préjudicie à ceux du commerce et de l'industrie dans la même mesure.
Ainsi, je n'admets pas que, quoique voisins de la France, nous dussions ressentir avec plus d'intensité que d'autres pays les influences des mouvements monétaires auxquels les derniers événements ont donné lieu.
Je puise mon raisonnement dans les comptes rendus fournis par la Banque elle-même, quoique, je dois en convenir, l'élévation du taux de l'escompte en cette circonstance paraisse être conforme à la saine doctrine enseignée par la théorie.
En effet, l'encaisse moyen pendant le mois de janvier 1871 avait été de 101 millions ; l'escompte, pendant cette même période, n'était que de 2 1/2 p. c.
Aux mois de septembre et d'octobre, l'encaisse descend à environ 94 millions, l'escompte flotte entre 3, 4 et 5 p. c, soit en moyenne 4 p. c. ; or, je ne pense pas qu'une diminution de l'encaisse de 7 p. c. puisse nécessiter une augmentation de l'escompte de 16 p. c.
Au mois de décembre, l'encaisse moyen a été de 120 millions et l'escompte est de 2 3/4 p. c.
Cette doctrine n'a pas toujours été appliquée de la même manière par la Banque elle-même.
Lors de la crise alimentaire de 1865, suivie de la crise monétaire qui avait pesé d'un poids si lourd sur l'Angleterre et sur d'autres grands pays, on y avait reconnu la nécessité de porter le taux de l'escompte à 10 p. c.
La Banque Nationale n'a point suivi le mouvement ascensionnel qui s'était produit ailleurs. Elle a continué à escompter au maximum à 6 p. c, c'est-à-dire avec un écart en moins de plus de 4 p. c.
Lorsque des mesures analogues avaient été prises par les Banques de Vienne, de Francfort, de Berlin, de Hambourg et des Pays-Bas, le rapport du conseil des censeurs de la Banque Nationale s'exprimait en ces termes :
« La Banque Nationale a le droit de s'estimer fort heureuse d'avoir pu, au milieu de toute cette tourmente, suivre paisiblement le cours régulier de ses opérations à des taux bien moindres que ceux auxquels escomptaient ces grands établissements financiers. »
Si nous examinons le taux auquel la Banque Nationale de Belgique, la Banque de France, la Banque d'Angleterre et la Banque d'Amsterdam ont escompté pendant la période de 1851 à 1871, nous trouvons qu'à la Banque Nationale de Belgique ce taux a été en moyenne de 3.49 p. c., à la Banque de France de 4.17 p. c., à la Banque d'Angleterre de 4.09 p. c. et à la Banque d'Amsterdam de 3.81 p. c.
D'où il résulte que la Banque Nationale avait offert en moyenne, par le taux le plus bas de son escompte, le plus d'avantages comparativement aux autres banques.
Je suis donc en droit de manifester mes regrets de ce que, sous ce rapport, la Banque Nationale n'ait pas su toujours conserver la haute et belle position qu'elle avait acquise pendant une période de vingt et une années.
Plusieurs observations critiques ont été faites contre le renouvellement de la loi de prorogation de la Banque Nationale ; d'abord au sujet du terme, qui paraît trop long ; ensuite, et surtout, sur la rigueur que la Banque déploie dans l'admission des effets présentés à l'escompte. Puis on a aussi soulevé la question de savoir s'il ne serait pas plus utile, au point de vue de l'intérêt général, de laisser à la liberté l'industrie des banques puisque toutes les autres entreprises prospèrent et se développent au soleil de la liberté.
La question de l'unité ou de la pluralité des banques d'émission, ainsi que le fait observer l'exposé des motifs, peut certes être débattue ; la liberté de ces établissements peut être controversée ; mais « après l'expérience que nous en avons faite et les succès que nous avons obtenus, les tentatives de progrès, par un changement de système, seraient à bon droit considérées comme aventureuses, sinon comme ennemies du bien actuel et futur. »
(page 932) Tel est le motif allégué par le gouvernement en faveur de l'unité de la Banque.
L'intervention du gouvernement est non seulement parfaitement justifiée par le rapport de la section centrale, mais ce document prouve à toute évidence « que l'intervention est devenue d'une nécessité absolue, a cause de son service financier qu'il lui confie, du placement tant des fonds disponibles de l'Etat que de ceux qui résultent de l'émission fiduciaire.
« Il intervient donc, dit le rapport de la section centrale, un règlement qui détermine les services que la Banque rend à l'Etat et la quotité des bénéfices qu'elle a à lui remettre pour les avantages qui lui sont conférés. »
Telles sont, continue le même rapport, les bases sur lesquelles repose l'institution.
Ces conditions contractuelles entre le gouvernement et la Banque sont à l'avantage de tout le monde et, conséquemment, parfaitement admissibles.
De plus, l'expérience a prouvé que l'unité d'une Banque d'émission a parfaitement répondu à l'attente qu'on en avait espérée, et qu'il serait an moins fort dangereux de porter aux conditions d'existence de la Banque des modifications qui seraient de nature à en altérer le libre essor et les services qu'elle rend et qu'elle est appelée à rendre de plus en plus au pays.
N'oublions pas, d'ailleurs, que si la Banque n'est pas sûre de son lendemain, elle ne peut rendre tous les services qu'on doit en attendre, qu'il n'est pas, d'intérêt général que, à des intervalles trop rapprochés, l'existence de la Banque soit remise en question.
De plus, nous n'avons pas, rigoureusement parlant, l'unité de l'émission, la Banque de Liège émet également des billets, mais il est très rare qu'en dehors de cette province, cette circulation se fasse sentir.
Dans le jeu d'une banque d'émission, le capital est secondaire, les opérations reposant essentiellement sur le crédit et sur la circulation fiduciaire. Le capital d'une banque proportionné à sa circulation inspirera toujours au public une plus grande confiance et elle présentera de plus une plus ferme solidité que si cet élément lui faisait défaut ou était insuffisant, malgré que, en théorie, une banque d'émission puisse parfaitement et régulièrement fonctionner sans capital garanti.
Il n'en est pas moins vrai que, si les affaires n'augmentent pas en proportion du capital, les bénéfices doivent être amoindris.
Aux termes de l'article 7 de la loi de 1850, et en considération des avantages qu'elle accordait à l'institution, nouvelle alors, il était réservé au trésor public une part égale au sixième des bénéfices au delà de 6 p. c.
Dorénavant, ce sixième sera porté au quart.
L'article 16, dernier paragraphe, de la loi de 1850. prescrit que la réserve doit être employée en fonds publics.
Dorénavant, cet emploi deviendra facultatif ; de manière que la Banque pourra laisser, en tout ou en partie, ses capitaux réservés fonctionner dans le mouvement général des affaires.
D'après l'article 2 de la présente loi, le trésor aura droit à l'excédant de l'intérêt à 5 p. c. Aujourd'hui, ce droit en faveur du trésor n'existe qu'à partir de 6 p. c.
Si cette clause avait existé autrefois, la part de l'Etat aurait été de 1,800,000 francs au lieu de 160,175 francs qu'elle a été sous la législation actuelle.
Cette mesure a pour but de créer un obstacle à l'élévation du taux de l'escompte lorsqu'elle ne serait pas de stricte nécessité.
Il y a encore d'autres avantages qui sont réservés au trésor dans l'organisation projetée et qui sont parfaitement définis dans l'exposé des motifs.
Par ces diverses considérations, je crois devoir donner mon adhésion au projet de loi en discussion.
M. Dansaert. - Messieurs, quoi qu'il ait été dit pendant la discussion de l'ordre du jour, à moins d'avoir été initié à la pensée du gouvernement, personne n'a pu croire qu'un projet de loi prorogeant le privilège de la Banque Nationale nous serait présenté dans le cours de la session actuelle.
La présentation de cette loi a été une véritable surprise pour la partie la plus intéressée au contrat qu'il s'agit de conclure ; c'est-à-dire pour le pays, qui n'a été consulté sur cette question ni directement ni indirectement.
Quant à moi, je doute très sérieusement que l'opinion publique soit disposée à ratifier, après qu'elles auront été discutées, les propositions qui nous sont faites.
J'espère pouvoir démontrer à la Chambre, par des considérations puisées dans le projet de loi lui-même, les défauts essentiels de cette loi, l'inopportunité de sa présentation et l'impossibilité de la voter en connaissance de cause, avant la fin de la session.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi pour le renouvellement du privilège de la Banque Nationale, je lis le passage suivant :
« Pour progresser et pouvoir rendre de nouveaux services, les grandes institutions de crédit ont besoin d'être assurées du lendemain ; il faut leur donner la sécurité par la durée garantie. Récemment, d'autres établissements, dont le terme était le même, ont obtenu une prorogation, et des institutions nouvelles disposant de grands capitaux ont été autorisées par le gouvernement. Toutes ont leur place, leur sphère d'activité, en présence du magnifique développement des affaires dans notre pays. Il n'était ni juste, ni bon que la Banque Nationale seule, parce que seule elle dépend de la loi, demeurât dans l'incertitude sur les conditions de son existence prorogée. »
De ces considérations,. M. le ministre conclut qu'il n'y a pas lieu d'attendre l'expiration, fixée au 31 décembre 1875, du privilège que la loi du 5 mai 1850 a octroyé aux actionnaires de la Banque Nationale ; qu'il faut décider, dès à présent, que ce privilège sera renouvelé pour une durée de trente années, à partir du 1er janvier 1873.
Cependant plus de trois ans et demi doivent encore s'écouler avant l'expiration de la concession de vingt-cinq ans accordée aux actionnaires de la Banque.
Il n'y a donc tout d'abord aucune urgence à voter dans la session actuelle le projet relatif à la Banque Nationale et ce surtout à la veille des élections pour le renouvellement du mandat de la moitié des membres de cette Chambre. Je pense, messieurs, que bien peu d'entre nous sont préparés à émettre un vote, en toute tranquillité de conscience, avec la certitude que ce vote sera conforme aux intérêts du pays pendant une période de trente ans.
L'analogie que M. le ministre, des finances a cherché à établir entre la Banque Nationale et les autres établissements de crédit auxquels il fait allusion, est un argument qui, selon moi, ne semble pas devoir être admis. Les nouveaux établissements de crédit dont la fondation a été récemment autorisée sous forme de société anonyme, de même que les établissements déjà anciens dont le renouvellement de l'acte de concession a eu lieu, ne sont pas investis d'attributions analogues à celles que la loi a dévolues à la Banque Nationale.
Ces nouveaux établissements de crédit, de même que les anciens, ne sont en possession d'aucun monopole ; ils sont soumis au régime de la libre concurrence des banques ; demain, dans un an, dans deux ans, et dans l'avenir, à mesure que de nouvelles demandes d'autorisation seront faites au gouvernement par de nouveaux actionnaires disposés à fonder des établissements du même genre, ayant en vue les mêmes opérations, le gouvernement peut, sous la suggestion de l'intérêt public, leur accorder l'autorisation d'exister.
Il le peut d'autant plus que, dans la sphère où leur activité sera circonscrite par les statuts, la concurrence entre ces établissements sera éminemment favorable aux intérêts généraux du pays.
Mais en est-il de même, je le demande, pour l'autorisation que M. le ministre des finances sollicite de nous, en faveur du privilège de la Banque Nationale ?
S'agit-il encore ici d'une compagnie d'actionnaires dont les opérations sont soumises au régime de la libre concurrence ?
Le gouvernement s'empresserait-il de venir demander à la Chambre des représentants l'autorisation sollicitée par une nouvelle compagnie de fonder un établissement destiné, dans l'intérêt public, à faire concurrence à la Banque Nationale ?
Vous ne doutez pas de la réponse.
Une pareille demande ne serait pas accueillie ; nulle proposition de ce genre ne serait soumise à votre adoption, M, le ministre des finances nous l'apprend sans détour dans son exposé des motifs.
« En d'autres temps, dit-il, comme en d'autres pays, les questions si souvent controversées de l'unité ou de la pluralité des banques d'émission, de la liberté plus ou moins absolue de ces banques, ont été et pourront être utilement débattues : après l'expérience que nous avons faite et les succès obtenus par l'institution que la loi du 5 mai 1850 a fondée, les tentatives de progrès par un changement de système seraient à bon droit considérées comme aventureuses, sinon comme ennemies du bien actuel et futur. »
Traduites en termes pratiques, ces considérations de l'honorable ministre signifient que la liberté d'émission pour les billets de banque, actuellement établie, doit continuer à exister en Belgique ; que le monopole, le privilège exclusif de l'émission de ces billets, doit être concédé à nouveau pour une nouvelle période de trente ans.
(page 933) Je sais bien que M. le ministre peut me répondre que son projet de loi de prorogation pour trente ans n'interdît pas et ne saurait interdire le vote d'une loi qui établirait une autre institution à côté de celle dont il s'agit, et destinée à lui faire concurrence ; mais que devient alors le principe proclamé de l'unité de l'émission des billets de banque ?
C'est une contradiction qui paraît avoir échappé à M. le ministre des finances !
Si l'honorable ministre pense que l'intérêt du pays exige que le contrat relatif au caissier de l'Etat doit pouvoir être résilié ou modifié tous les cinq ans, suppose-t-il que l'intérêt du pays, au sujet de l'émission unitaire des billets de banque soit moins considérable, moins important à sauvegarder que celui du caissier de l'Etat ?
Dès lors, pourquoi cinq ans d'une part et trente ans de l'autre ? Si, comme je le crois, le principe de l'unité dans la circulation est un principe excellent à conserver, et il n'en découle pas du tout, selon moi, qu'il y ait lieu, d'en concéder à nouveau l'exploitation pour trente ans, à des conditions qui sont, dès à présent, déclarées immuables pour cette durée.
L'expérience qui vient d'être faite pendant ces vingt dernières années ne doit-elle pas nous faire ouvrir sérieusement les yeux sur l'avenir, sur les années qui vont suivre, et se trouve-t-il dans cette Chambre un seul membre qui oserait déclarer que le commerce et l'industrie de nos neuf provinces trouveront, pendant trente ans, dans les moyens financiers spécifiés au projet de loi, les services réguliers, permanents, sur lesquels le travail national est en droit de compter ?
Par exemple, quel est le ministre des travaux publics qui consentirait à inscrire, dans l'acte de concession d'un chemin de fer, que quoi qu'il arrive, quelles que soient les nécessités résultant de l'accroissement du transport des voyageurs et des marchandises, les actionnaires pourront néanmoins maintenir d'une manière absolue, pour une période de trente années, le nombre de voitures, de waggons et de locomotives qui suffit, la première année, au moment de l'ouverture de l'exploitation ?
Et que dirait-on encore du ministre des travaux publics assez imprévoyant pour admettre dans un acte de concession la faculté pour les concessionnaires de profiter de l'insuffisance du matériel de leur compagnie pour élever proportionnellement le tarif de leurs services ?
Aussi les actes de concession de chemins de fer à des compagnies d'actionnaires contiennent-ils des conditions expresses qui permettent au gouvernement, en sa qualité de représentant des intérêts publics, de forcer les compagnies à mettre l'importance de leur matériel en rapport avec les exigences du commerce et de l'industrie.
Il est dit dans ces actes de concession que si les actionnaires laissaient les transports en souffrance par suite d'une insuffisance notoire de matériel, le gouvernement pourrait y pourvoir d'office, installer ses receveurs dans les bureaux de la compagnie, s'emparer de ses recettes jusqu'à concurrence des dépenses faites d'office, et lui infliger en sus une amende s'élevant à 10 p. c. des dépenses faites pour mettre le service des transports au niveau des besoins du travail national.
Faut-il ajouter que le tarif pour le transport des voyageurs et des marchandises est également sous le contrôle permanent du gouvernement, bien que, je le répète, la compagnie soit tenue de subir, sans pouvoir s'y opposer ou s'en prévaloir pour des indemnités, toutes les concessions nouvelles de chemins de fer qui pourront lui faire concurrence ?
Tel est l'esprit pratique qui préside à l'octroi des chemins de fer, en Belgique, à des sociétés par actions.
Ces voies de facile communication et de transport rapide, n'ayant aucune raison d'être par elles-mêmes, mais étant créées dans un intérêt public, toutes les mesures de précaution ont été prises pour leur maintenir ce caractère spécial pendant toute la durée de la concession.
Veuillez bien remarquer, messieurs, qu'il ne s'agit ici que d'un monopole relativement très restreint ; il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur la quantité de voies ferrées qui sillonnent le pays et qui s'y font concurrence.
Veuillez remarquer encore que les compagnies d'actionnaires soumises à ces obligations et à cette responsabilité incessante vis-à-vis du commerce et de l'industrie, sont obligées de fournir elles-mêmes tous les capitaux pour l'achat des terrains, la construction du chemin et de fous les bâtiments, enfin, pour l'achat du matériel fixe et du matériel roulant, au fur et à mesure des nécessités des transports.
En présence d'une législation aussi bien établie pour assurer le service de la circulation des marchandises, la saine logique ne conduit-elle pas à demander que des conditions analogues soient stipulées dorénavant pour assurer le service de la circulation des valeurs représentatives de ces marchandises ?
L'acte de concession de la Banque Nationale nr doit-il pas contenir l'obligation pour les concessionnaires de pourvoir constamment à leurs frais, par leurs propres efforts, à tous les besoins financiers du service de l'émission et de la circulation des billets, qui leur est concédé en monopole, non plus pour une province, non pour une fraction du pays, mais pour le pays tout entier ?
Dans la loi du 22 décembre 1863, relative à la constitution de la Banque des Pays-Bas, le gouvernement s'est réservé en tout temps la faculté d'ordonner l'augmentation du capital de la Banque lorsque l'extension des opérations l'exige.
Pourquoi nous montrerions-nous, sur ce point, moins prévoyants que nos voisins du nord ?
Le gouvernement des Pays-Bas s'est réservé aussi de faire lui-même les versements nécessaires pour porter le capital social de la Banque des Pays-Bas au minimum de 16 millions de florins. L'Etat a reçu en compensation 1,000 actions qui ont été aliénées publiquement et les bénéfices provenant de cette vente figurent au budget de l'Etat.
Ne devrions-nous pas suivre une marche analogue en Belgique, faire compléter le capital de la Banque Nationale par l'Etat, qui profiterait ainsi de la moitié de la plus-value attribuée au capital actions, en raison du renouvellement supposé du contrat, plus-value qui, d'après le cours actuel de la Bourse, n'atteint pas moins de 27 millions de francs ?
Dans le rapport de la section centrale, il est dit « qu'une légitime préférence est due à ceux qui ont fondé et aux représentants de ceux qui ont fondé la Banque. » Qu'il me soit permis, messieurs, de ne pas partager complètement cet avis.
Loin de méconnaître l'utilité de la création de la Banque Nationale et les services que son administration a rendus à ses actionnaires, je les constate volontiers ; je souhaite même vivement à tous les actionnaires de Belgique d'avoir, pour la défense de leurs intérêts, à la tête des entreprises dans lesquelles ils sont engagés, une administration aussi honnête, aussi intelligente que l'a été de tout temps celle de la Banque Nationale ; mais je dois reconnaître aussi que l'intérêt général a été souvent sacrifié à l'intérêt actionnaire.
Les services réellement rendus par la Banque au pays lui-même ont été si largement et si généreusement récompensés, je dirai même avec une telle prodigalité, que personne assurément ne pourrait, sans injustice criante, nous taxer d'ingratitude si nous demandions aujourd'hui d'attribuer à la nation le bénéfice de l'émission éventuelle de l'augmentation du capital de la Banque.
Cette demande serait d'autant mieux fondée, qu'ii est évident pour tout le monde que l'encaisse du trésor a contribué, dans des proportions plus considérables que le capital de la Banque, à créer au privilège de l'émission la valeur qu'il a atteinte aujourd'hui.
Si nous considérons ce qui se passe en Prusse, où l'encaisse du trésor ne joue aucun rôle dans les opérations de la Banque, où l'Etat a fourni une somme inférieure au dixième du capital actionnaire, nous voyons néanmoins l'Etat recevoir de la Banque, pour la moitié des bénéfices réalisés en 1871, la somme d'environ six millions de francs.
En présence de cette attribution de bénéfices, ne pourrions-nous pas demander avec raison qu'en Belgique, comme en Prusse, la moitié des bénéfices réalisés par la Banque, après bonification d'un intérêt de 4 1/2 p. c. aux capitaux, soit également attribuée à l'Etat ?
C'est là encore une question à examiner, parce qu'il importe avant tout qu'une part juste et équitable soit faite aux intérêts du plus grand nombre.
Vous le savez, messieurs, contrairement à ce qui a lieu à Berlin, le concours des actionnaires aux moyens financiers de notre Banque Nationale, sous le régime de la loi du 5 mai 1850, a été d'une importance très secondaire.
C'est le travail national lui-même qui a fourni constamment les moyens financiers, d'une part par la circulation gratuite qu'il a assurée aux billets émis, d'autre part par la jouissance également gratuite donnée aux actionnaires de l'encaisse du trésor public, encaisse provenant des impôts ou résultant des emprunts qui ont été contractés pour les besoins généraux de l'Etat.
Et lorsqu'il est arrivé que ces ressources fournies gratuitement ont été inférieures aux besoins financiers des; transactions dans le pays, les (page 934) actionnaires de la Banque, bien loin d'y avoir pourvu par une augmentation de concours financier de leur part, n’ont trouvé dans cette insuffisance qu'une raison d'augmentation de leur tarif, équivalente à une punition, à une mise à l'amende de tous les industriels et commerçants du pays.
C'est ainsi que les actionnaires sont parvenus, en vingt et une années, à réaliser comme bénéfices nets, l'énorme total de 71,000,000 de francs, pour une somme moyenne de 22,000,000 environ, versée à titre de capital de garantie d'un service complètement exempt de risques.
J'avoue, pour ma part, qu'en présence de l'énormité de ces bénéfices, je croirais sacrifier l'intérêt général à l'intérêt privé en abandonnant aux actionnaires toute la valeur attribuée au renouvellement éventuel du privilège qui leur a été concédé, abandon qui élèverait à une centaine de millions les avantages qu'ils auraient recueillis.
C'est cependant ce qui nous est proposé, et ce qui serait accordé, si nous consentions a la continuation de cet état de choses pour trente années. Je le demande, pouvons-nous voter une loi semblable avec précipitation, et sommes-nous en état d'improviser la solution financière que réclament l'intérêt de l'Etat, la sécurité et le développement des opérations commerciales et industrielles du pays ?
On peut admettre avec justice qu'à propos de la loi de 1850, on n'ait pu prévoir les circonstances que l'expérience devait révéler, et que, dès lors, cette loi était autorisée, en quelque sorte, à renfermer des lacunes ; mais une pareille excuse pourrait-elle être admise pour nous, qui avons assisté aux crises résultées de cette insuffisance de moyens financiers, crises toujours si préjudiciables à la sécurité nécessaire des transactions de même qu'au bien-être de tous ceux qui vivent du produit de leur travail.
L'exposé des motifs de M. le ministre des finances nous apprend-il que ces crises ne se reproduiront plus par le fait de la Banque et de son acte de constitution ?
Les modifications que l'honorable ministre nous propose à la loi du 5 mai 1850 sont-elles de nature à procurer désormais au commerce et à l'industrie des moyens financiers d une manière permanente et suffisante ?
Je ne crains pas de le dire et j'essayerai d'ailleurs de vous en convaincre, les modifications proposées n'assurent pas ce résultat, et vous y trouverez comme moi un nouveau motif pour désirer que des études plus complètes viennent éclairer tous les points importants de cette question vitale du crédit et de la circulation.
Vous ne l'ignorez pas, messieurs, les statuts de la Banque disent que son encaisse métallique doit être le tiers au moins de sa circulation de billets et de ses comptes courants.
Vous n'ignorez pas non plus que pour la Banque les recettes les plus nombreuses en espèces métalliques proviennent des recettes du chemin de fer et du payement des contributions, lesquelles se composent des petites sommes journellement versées chez les receveurs de l'Etat.
Ce sont les produits du chemin de fer et des impôts versés à la Banque, en sa qualité de caissière du trésor public, qui ont servi, depuis vingt-deux, ans, à maintenir l'encaisse métallique de la Banque dans les conditions prescrites par ses statuts.
Sans cette source incessante d'espèces métalliques, l'encaisse de la Banque n'aurait pu se maintenir au tiers de la circulation des billets émis et des comptes courants, et sa situation financière eût été constamment en désaccord avec ses statuts.
Or, que nous propose M. le ministre des finances ? Il nous propose de placer en valeurs commerciales, sur l'étranger ou même sur la Belgique, les fonds disponibles de l'encaisse du trésor public.
M. le ministre a trouvé, je le reconnais volontiers, des raisons excellentes pour justifier cet emploi productif de l'encaisse disponible du trésor, resté stérile jusqu'ici pour l'Etat ; mais ce que l'honorable ministre a oublié de démontrer en même temps, c'est la possibilité de maintenir simultanément en bon état l'encaisse métallique statutaire de la Banque, sans imposer à celle-ci aucune condition spéciale nouvelle, autre que le doublement de son capital.
Le rapport de la section centrale s'exprime à cet égard de la manière suivante :
« L'élévation des comptes courants des particuliers ne compensera que partiellement ce retrait de valeurs, mais l'accroissement de la circulation fiduciaire, non seulement fournira largement l'augmentation d'encaisse qu'il nécessitera, mais permettra de disposer d'un excédant considérable, de nouvelles ressources. »
Je regrette de ne pouvoir partager cette opinion.
Je crois, au contraire, qu'il y aurait danger véritable à augmenter, pour le moment, la circulation fiduciaire, qui atteint déjà 243 millions, avant d’avoir assuré plus de solidité à l’encaisse.
A mon avis, la marche la plus sage à suivre afin d'éviter de nouveaux mécomptes, c'est de s'efforcer plutôt à ne pas augmenter la circulation, et à substituer dans une large mesure au virement sans écritures, c'est-à-dire au billet de banque, le système des virements, des accréditifs, des chèques, etc.
Je suis heureux de me trouver d'accord sur ce point avec l'honorable rapporteur de la section centrale ; comme lui, j'estime que ce système constituerait un véritable progrès. Il dépend absolument de la Banque de lui donner un grand développement en l'organisant d'une manière pratique et expéditive, en l'étendant à tous ses comptoirs, en multipliant ceux-ci, et en favorisant, à Bruxelles, la création d'un clearing house.
L'économie qui pourrait être réalisée sur l'émission des billets peut difficilement être précisée ; vous vous en ferez une idée, messieurs, par l'exemple que voici : à Hambourg, le chiffre des virements en banque est de 9 à 10 milliards de francs par année.
A propos de l'encaisse métallique, il peut être utile de rappeler que la Banque, comme comptable de l'Etat, est soumise à toutes les obligations prescrites par la loi sur la comptabilité et par la loi organique de la cour des comptes, c'est-à-dire que les dispositions des lois qui règlent le privilège et l'hypothèque légale du trésor public sur le bien des comptables, sont applicables au caissier de l'Etat.
Il a été en outre très formellement reconnu, dans le cours de la discussion de la loi de 1850, que la Banque ne peut, avec ses billets, faire la caisse de l'Etat.
Dès lors, les droits de l'Etat à l'encaisse métallique de la Banque priment ceux des porteurs de billets et de tous autres créanciers, et c'est cette inégalité de traitement qui, en 1870, a été, je pense, la cause première de la crise qui a amené des conséquences si préjudiciables pour la fortune publique.
Je crois que là encore il y a une question à régler, qui n'est pas sans importance au point de vue des intérêts des porteurs de billets de banque.
Il importe en effet d'examiner si les fonds appartenant à l'Etat, de même que ceux versés en compte courant par les particuliers, ne doivent pas être exclus, comme en Prusse par exemple, de l'encaisse statutaire de la Banque destiné à couvrir les billets en circulation.
Rappelons-nous aussi, messieurs, que la brusque diminution d'une somme de 12 millions seulement de l'encaisse du trésor, en août 1863, pour payer à la Hollande le prix du rachat du péage de l'Escaut, a contribué à déterminer pendant plusieurs mois l'insuffisance de l'encaisse métallique de la Banque et à élever l'escompte jusqu'à 6 p. c. C'est même à ce taux qu'ont été escomptés en 1864 le sept dixièmes des effets du portefeuille.
Si une exportation de 12 millions de francs a pu contribuer à produire une pareille secousse, que faut-il attendre d'un placement plus considérable de l'encaisse du trésor en effets de commerce sur l'étranger ?
N'avons-nous pas vu tout récemment qu'une réduction de quelques millions de francs sur l'encaisse a suffi pour élever le taux d'escompte de 1 1/2 p. c. ?
Cette conséquence d'une diminution d'encaisse, résultant de la reconstitution d'un portefeuille de 8 millions d'effets sur l'étranger et de retraits opérés par les titulaires de comptes courants particuliers considérables, ne vient-elle pas à l'appui de ce que j'ai dit sur la nécessité d'examiner sérieusement si les dépôts de fonds que la Banque utilise pour des opérations à terme, alors qu'ils peuvent lui être enlevés du jour au lendemain, doivent encore être compris dans l'encaisse statutaire destiné à couvrir les billets en circulation ?
Le public doit-il continuer à pâtir des opérations que la Banque fait au profit de ses actionnaires dans des conditions semblables ?
En entrant dans la voie du placement à intérêt de la partie disponible (page 935) de l’encaisse du trésor, la Banque, privée de cette ressource métallique, sera-t-elle encore en état d avoir une situation financière régulière, conforme aux prescriptions de ses statuts ?
Evidemment non, et il suffit, pour constater l'impossibilité d'observer ces prescriptions, d'établir le rapport existant, pendant les cinq dernières années seulement, entre l'encaisse métallique diminué des fonds appartenant à l'Etat et les sommes payables à vue, pour acquérir la conviction que l'encaisse ainsi réduit varie du cinquième au cinquantième du montant des billets en circulation et des comptes courants.
Cette question de l'encaisse, je le crains, n'a pas été suffisamment étudiée, car elle me paraît devoir conduire a tout autre chose qu'à une simple augmentation de 25 millions du capital de la Banque.
Comme capital de garantie, ces 25 millions sont complètement inutiles, puisqu'il est défendu à la Banque, ce qui est un bien, de prendre des effets soumis à des risques, et que l'expérience a prouvé que, sur plus de 16 milliards de francs d'effets qui ont passé par son portefeuille, la perte ne représente pas un cinquantième pour cent des opérations.
Mais si l'augmentation jusqu'à 50 millions, comme capital de garantie est une mesure sans nécessité aucune, ces 25 millions nouveaux sont, par contre, d'une insuffisance évidente, non seulement pour compenser la partie disponible du trésor qui va disparaître de l'encaisse de la Banque, mais pour parer aux besoins métalliques qui doivent accompagner la progression successive des émissions de billets pendant trente années.
Sous ce rapport encore, le projet de loi présente une lacune, dont je ne veux pas assumer ma part de responsabilité devant le commerce et l'industrie du pays.
L'exposé des motifs ne nous dit rien non plus du remède à employer à l'avenir par la Banque, pour cesser d'engendrer elle-même, par l'insuffisance de son encaisse, les crises qu'elle a reçu la mission de conjurer, d'empêcher de naître et qui viennent fatalement surprendre le travail national en temps de pleine prospérité des transactions les plus sérieuses, les mieux justifiées.
Or, il faut à tout prix trouver un remède pour mettre la Banque à l'abri de ces crises, et pensez-vous qu'il nous soit possible de le déterminer à la suite de quelques discours sur la matière, sans une enquête préalable et approfondie faite par des hommes compétents, sans que les chambres de commerce et le conseil supérieur d'industrie et de commerce, aient été consultés ?
Pour la simple question de savoir si le système d'élection par les commerçants devait être appliqué aux chambres de commerce, le gouvernement, en 1852, consulta 33 corps constitués :
9 députations permanentes ;
11 administrations communales ;
10 chambres de commerce ;
2 tribunaux de commerce et le conseil supérieur d'industrie et de commerce.
Et pour l'une des questions les plus importantes qui puissent se produire, celle du crédit commercial, aucun corps constitué représentant spécialement les intérêts du commerce et de l'industrie ne serait consulté !
Cette façon de procéder me paraît inadmissible et la Chambre ne saurait l'approuver.
Messieurs, à côté des questions concernant la constitution financière de la Banque Nationale, qui doit se trouver en tout temps à la hauteur de sa responsabilité, viennent se présenter les questions d'organisation de ses opérations à Bruxelles et dans les provinces.
Nous savons tous, messieurs, que la Banque Nationale a été instituée dans la pensée patriotique formellement exprimée par le gouvernement et par les Chambres législatives, que ses services de prêt et d'escompte s'étendraient sur tout le pays, dans toutes les provinces avec la même efficacité ; que nul industriel, nul commerçant, nul manufacturier, ne pourraient, par défaut d'organisation de la Banque, être exclus de fait des avantages promis par son institution. Les mêmes charges publiques pesant sur tous les citoyens du pays, les mêmes protections leur sont dues.
Ce principe d'égalité a-t-il été mis en pratique par la Banque ?
Les prescriptions formelles de la loi du 5 mai 1850 ont-elles été réalisées ?
Et si ce principe d'égalité et ces prescriptions n'ont pas été appliquées après vingt-deux années d'existence de la Banque, faut-il en attribuer la cause à une impossibilité radicale pour elle d'y satisfaire ou à un acte d'indifférence ou de calcul ?
Ces nouvelles questions, messieurs, méritent assurément, à tous égards, d'être de notre part l'objet de l'examen le plus sérieux.
La Barque a-t-elle établi des relations régulières avec toutes les localités du pays ?
A défaut d'y avoir fondé des comptoirs facilement accessibles à tous les ayants droit, a-t-elle tout au moins organisé le simple service de l'encaissement des effets de commerce tirés de chaque localité du pays sur les autres localités ?
Je regrette d'avoir à le dire : le service le plus facile à organiser, celui de l'encaissement des effets que tout banquier particulier est parvenu à organiser pour les besoins de sa clientèle, n'existe pas encore à la Banque Nationale.
La Banque n'encaisse que les effets de commerce tirés sur les trente-neuf villes et communes où ses comptoirs sont établis ; tous les autres effets indistinctement sont obligés de subir des pertes de place considérables par l'insuffisance d'organisation.
Que dirait-on si la poste n'acceptait que les lettres pour les trente-neuf localités pourvues de comptoirs de la Banque, laissant à des particuliers le soin d'organiser, au prix qui leur convient, le service de distribution de toutes les autres lettres échangées entre les habitants de plus de 2,500 communes ?
Il suffît de poser la question pour établir clairement la distance qui sépare le service de l'encaissement des effets de commerce, tel qu'il est organisé, de ce service tel qu'il devrait exister depuis longtemps.
De quel droit la Banque refuse-t-elle d'encaisser les effets de commerce dans les sept huitièmes du pays ?
Le service complet ne lui a-t-il pas été dévolu, par la loi du 5 mai 1850 ?
Y a-t-il pour elle impossibilité de le constituer, et comment porter remède à cette situation, si pénible pour les intérêts du commercé ?
Si le défaut de relations de la Banque l'a forcée de manquer à ce devoir, l'organisation vicieuse des comptoirs a encore aggravé cet état de choses.
Je ne prendrai pas pour exemple à l'appui de ce que j'avance tel ou tel petit comptoir au sujet duquel on pourrait peut-être me répondre que le personnel nécessaire à une bonne organisation a fait défaut ; je citerai le comptoir de la ville de Gand, le centre industriel le plus populeux du pays.
Lorsque j'aurai fait connaître les actes déplorables qui ont été posés à Gand, vous apprécierez, messieurs, si le moment est venu de préparer, par un vole précipité, le retour de semblables faits.
A l'époque de la discussion dans cette assemblée de la loi du 5 mai 1850, un représentant de Gand, l'honorable M. T'Kint de Naeyer, partisan de la loi, s'exprimait en ces termes sur les services que la Banque était appelée à rendre par les comptoirs en province :
« Messieurs, disait-il, le but que nous devons chercher à atteindre, c'est que le pays tout entier jouisse des bienfaits du crédit, des moyens de banque, de la circulation à bon marché, de l'usage des billets qui facilitent les transactions industrielles et commerciales de toute nature. Je crois que la loi, loyalement exécutée, donne les moyens de faire descendre le crédit d'étage en étage jusqu'aux plus petits intérêts.
« Les comités d'escompte permettront d'apprécier le crédit industriel dans chaque localité et d'accorder des capitaux avec discernement à ceux qui le méritent. Les comptoirs mettront un frein à la centralisation. »
« Pour démontrer ce qu'il est possible de faire dans cette voie, je veux vous citer un exemple dans notre pays.
« Il y a dix-huit mois à peine, on a créé à Bruxelles une société anonyme sous la dénomination d’Union du crédit. Son but est de fournir, par l'escompte, des capitaux aux travailleurs de toutes les classes, dans la limite de leur solvabilité matérielle et morale. Tout membre admis participe, aux pertes et aux bénéfices de la société dans la proportion d'une somme égale au crédit pour lequel il a été admis.
« L'Union du Crédit, qui existe à peine depuis dix-huit mois, compte déjà 450 associés ; elle leur a escompté, en 1849, 12,660 effets pour une somme de 9,310,506 francs.
« Messieurs, si de semblables établissements cherchaient à se former dans d'autres localités, ce serait un bienfait. Ne convient-il pas d'en faciliter la création au lieu de l'entraver ? Ces associations donneraient à une foule de petites valeurs le caractère qui leur manquera souvent pour être admises par la Banque Nationale. »
Maintenant, messieurs, de quelle manière le comptoir de la Banque Nationale, établi à Gand, a-t-il compris la mission qui lui a été dévolue de protéger les intérêts des 1,200 associés de l'Union du Crédit établie dans la même ville ?
Trouvant dans l'Union du Crédit une institution dont la prospérité allait grandissant, et qui lui faisait concurrence sur la place de Gand, la Banque de Flandre, qui cumule, comme vous le savez, les fonctions de comptoir de la Banque Nationale avec celle de banque d'escompte pour son compte (page 936) personnel, a trouvé bon que de refuser net le réescompte du papier de l’Union du Crédit pendant la crise de la guerre de 1870.
Devant ce refus, l’Union du Crédit de Gand, quoique en pleine prospérité, a été obligée de suspendre ses opérations et de demander un sursis, laissant en souffrance les intérêts de 1,200 commerçants et industriels de Gand.
Si vous voulez savoir la cause de cet acte injustifiable du comptoir d'escompte de la Banque Nationale vis-à-vis d'une association florissante, aussi solidement constituée comme banque d'escompte que la banque d'escompte la plus solide du pays, je vous dirai que cette cause, qui est une violation manifeste de la volonté du législateur de 1850, provient de la mauvaise organisation même du comptoir de la Banque Nationale à Gand.
Au moment des événements de la guerre franco-prussienne, la Banque de Flandre avait en dépôt, sous forme de comptes courants, des sommes considérables (18 millions environ) ; ces sommes avaient été employées à l'escompte d'effets de commerce qu'elle avait en portefeuille. Les dépôts en comptes courants lui ayant été réclamés dans un court délai, la Banque de Flandre, ne se préoccupant que de son propre salut, absorba à elle seule tout le crédit de 40 millions qui lui avait été ouvert, pour le service du comptoir d'escompte, par la Banque Nationale ; et cette somme ne lui ayant pas suffi, elle sollicita l'ouverture d'un supplément de crédit de 20 millions, toujours pour son compte exclusif.
Quant à l'escompte du papier de commerce des autres banques de Gand, ainsi que celui de l'Union du Crédit de cette ville, la Banque de Flandre ne s'en préoccupa nullement, absolument comme si elle n'avait pas été investie des fonctions de comptoir de la Banque Nationale.
A qui faut-il imputer la responsabilité de cet abandon des intérêts d'une partie du commerce et de l'industrie de Gand, pendant la crise de 1870 ? Evidemment à ceux qui ont confié le comptoir d'escompte de la Banque Nationale à un établissement qui cumule cette fonction d'intérêt général avec celle d’escompteur pour son compte particulier.
Mais, me dira-t-on, n'y avait-il pas, dans la position de l'Union du Crédit de Gand, des raisons majeures pour lui refuser le réescompte de ses valeurs ?
je trouve la réponse à cette question dans le rapport présenté le 19 mars 1872 à l'assemblée générale des sociétaires de l'Union du Crédit de Gand.
Parlant au nom du conseil d'administration, son président, l'honorable M. Van Duyn, s'exprime comme suit :
« Le rapport qui vous a été fait en assemblée générale le 7 mars de l'année dernière, mettant en regard nos dettes et nos ressources, constatait qu'à la date du 28 février celles-ci s'élevaient encore à 2,787,524 francs, dont 697,455 francs en numéraire, alors que nos dettes n'étaient plus que de 1,148,807 francs », et l'administration ajoutait ou plutôt continuait d'affirmer comme protestation contre un état de choses qu'elle, n'avait pu prévoir ni dû redouter :
« Notre avoir était des mieux établis et des mieux assurés. Les faits l'ont pleinement justifié depuis. En effet, le sursis était de six mois et nous avons payé nos créanciers en quatre mois et demi, en moyenne ; nous avions projeté l'escompte d'une partie du portefeuille et nous n'en avons pas eu besoin ; on avait pu craindre qu'un événement aussi inattendu dût causer des sinistres parmi nos 1,200 sociétaires et il n'y en a pas eu du tout.
« On entrevoyait enfin des difficultés de liquidation et on a vu au contraire notre institution sortir si intacte de ces temps d'épreuves, qu'elle a pu, le lendemain du sursis, reprendre ses opérations, et que, deux mois plus tard, à la fin de mai, elle distribuait à ses actionnaires 14 p. c. des bénéfices réalisés en dix-sept mois, de janvier 1870 à mai 1871, nonobstant le sursis et les frais qu'il a occasionnés, malgré la guerre et ses suites.
« Quand en 1870, notre société a dû avoir recours au sursis judiciaire, comme moyen extrême, tous les autres ayant été rebutés, notre société était arrivée, en quinze années d'existence, a réunir un fonds roulant de 1,344,469 francs et un capital de garantie de 12,201,325 francs.
« Elle avait distribué à ses sociétaires, pendant toute cette période, en moyenne 10 p. c. de bénéfices par an.
« Elle avait souvent en circulation, par réescompte, jusqu'à 3,000,000 de francs ; elle n'avait en circulation, au moment du sursis, que 1,700,000 francs. En pleine crise, l'Union de Liège, moins ancienne et moins importante que celle de Gand, fut admise à porter sa circulation à 4,000,000, et l'Union de Bruxelles à augmenter la sienne de 5,000,000. L'Union du Crédit de Gand, aussi solide que ces deux établissements similaires, loin d'avoir pu augmenter sa circulation, n'obtint même pas de maintenir celle qui existait, si réduite qu'elle fût. »
Cette réponse est d'une éloquence péremptoire et peut se passer de tout commentaire.
Pensez-vous, messieurs, que l'administration de la Banque Nationale a satisfait à la volonté de la loi du 5 mai 1850, en confiant ainsi à Gand, son comptoir d'escompte, à une compagnie d'actionnaires rivale, concurrente des banquiers et de l'Union du Crédit sur la place de Gand ?
En 1870, la conduite de la Banque de Flandre vis-à-vis de l'Union du Crédit de Gand a failli aboutir à la ruine de cette institution.
Quant aux banquiers particuliers qui, autrefois, escomptaient pour des sommes considérables sur la place de Gand, ils ont, la plupart, renoncé à ces opérations pour ne plus s'occuper que de fonds publics, le réescompte de leurs bordereaux à la Banque de Flandre devant leur susciter toutes espèces de difficultés incompatibles avec les besoins réguliers d'une clientèle.
Messieurs, en présence de tels enseignements, ne devons-nous pas connaître les conditions dans lesquelles les divers comptoirs de la Banque Nationale ont été fondés, à qui ces comptoirs sont confiés ; quels sont les membres des comités d'escompte ?
Tous ces renseignements ne nous sont-ils pas indispensables pour nous assurer si les défauts reprochés au comptoir de Gand n'existent pas aussi dans d'autres comptoirs ?
Et toute cette organisation, abandonnée jusqu'ici aux seules convenances de l'administration de la Banque Nationale, ne doit-elle pas, dans un intérêt général irrécusable, faire l'objet de stipulations formelles et législatives ?
Messieurs, je vous ai parlé tout à l'heure du contraste extraordinaire qui existe entré les conditions des actes de concession des compagnies de chemins de fer et l'acte de concession, la loi, si vous l'aimez mieux, qui a confié à une compagnie d'actionnaires le monopole de l'émission des billets de banque pour le service des transactions commerciales et industrielles.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur un des contrastes les plus frappants qui ressortent de ces comparaisons.
Les compagnies de chemins de fer fournissent, nous l'avons vu, tous les capitaux que la création et l'exploitation de l'entreprise réclament ; cependant, dès le début, tous les terrains, tous les bâtiments des stations, tous les immeubles en un mot, achetés et payés par les actionnaires sont achetés et payés au nom de l'Etat, qui en devient nu-propriétaire. Il n'y a d'exception à cela que pour le matériel roulant, dont l'Etat, à l'expiration de la concession, doit payer le montant à dire d'experts. Après quoi l'Etat peut, je le répète, exploiter éternellement le chemin de fer au profit du trésor public, sans avoir la moindre redevance à payer aux actionnaires qui l'ont construit de leurs deniers.
Je ne suis pas au bout des garanties stipulées dans l'intérêt général. Après toutes les mesures protectrices de l'intérêt public que je viens de vous énumérer, il s'en trouve encore une autre sur laquelle je viens également appeler votre attention.
C'est le droit formel que l'Etat s'est réservé de pouvoir racheter l'exploitation du chemin de fer moyennant une somme dont le mode de fixation est stipulé d'avance dans l'acte de concession.
Cette précaution est on ne peut plus logique et naturelle ; les chemins de fer sont des créations à l'usage du public ; dès lors, on ne pouvait oublier que si, pour un motif impossible à prévoir au moment de l'octroi de la concession, le maintien de l'exploitation entre les mains des actionnaires devenait une cause de nuisance pour les intérêts généraux, le principe de la prépondérance de l'intérêt général sur l'intérêt particulier ordonne que les actionnaires puissent être dépossédés de leur exploitation, sans pouvoir s'y opposer.
Le projet de loi pour le rachat de la concession des chemins de fer de Dendre-ct-Waes, qui se trouve en ce moment à notre ordre du jour, est la conséquence d'une stipulation semblable.
Ne croyez pas, messieurs, qu'une pareille clause, soit inusitée en matière financière. Elle se trouve inscrite tout au long dans l'acte de 1844 modifiant les conditions d'existence de la Banque d'Angleterre, dont le privilège peut être racheté par l'Etat, à la simple condition de rembourser les sommes qu'il a empruntées à la Banque, moyennant avis préalable donné douze mois à l'avance.
Le privilège de la Banque de Prusse est également sujet à dénonciation ; l'Etat, qui s'était réservé le droit formel de décréter le remboursement du capital des actionnaires pour le 31 décembre 1871 ou de modifier l'ordonnance sur les banques, a stipulé ce droit pour l'avenir, à la fin de chaque année, moyennant préavis d'un an et sans aucune indemnité.
(page 937) La même législation sera appliquée à toutes les Banques de la Confédération de l'Allemagne du Nord à l'expiration de leur privilège existant.
Je pense donc que des conditions de ce genre doivent absolument être insérées dans la loi qui viendrait, le cas échéant, proroger, pour un certain nombre d'années, le monopole de l'émission aux mains des actionnaires de la Banque Nationale.
Quel est celui d'entre nous qui voudrait soutenir que ce monopole concédé à nouveau ne sera pas reconnu, pendant le cours de la concession, être un danger pour l'intérêt général du pays, dominé par l'intérêt des actionnaires ?
Si l'unité d'émission doit être maintenue, comme je le crois, n'y a-t-il pas une inconséquence véritable à en confier l'exploitation à une compagnie particulière, sans une clause de résolution éventuelle pour le cas où l'intérêt général le commanderait ?
La précaution serait-elle moins nécessaire vis-à-vis des actionnaires de cet établissement régulateur du crédit et de la circulation, que vis-à-vis des actionnaires d'un réseau, voire même d'un embranchement de ligne ferrée ?
Il me paraît qu'une semblable clause se justifierait par des raisons d'intérêt public tout au moins aussi puissantes !
D'après quelles bases faudrait-il procéder à la reprise ou à la liquidation de la Banque avant l'expiration d'une nouvelle concession pour un nombre déterminé d'années ?
Je n'ai pas, en ce moment, à me prononcer à cet égard, je veux uniquement vous faire remarquer l'insuffisance que nous présentent encore, sous ce rapport important, l'exposé des motifs et le projet de loi.
N'oublions pas, messieurs, que, dans notre pays si éminemment travailleur, aussi riche par son sous-sol que par la surface de son sol, il ne se trouve encore, à l'heure présente, aucune branche du travail qu'on puisse considérer comme étant en possession du crédit que réclament la régularité et la sécurité de ses opérations.
Ni le crédit foncier, ni le crédit agricole, ni le crédit industriel ne se trouvent organisés. Et quant au crédit commercial, qui fait l'objet de la présente loi, quelles lacunes n'y trouvons-nous pas, au point de vue de la sécurité et de la régularité nécessaires aux affaires commerciales ?
Resterons-nous encore trente ans avant de nous occuper du crédit pour les cultivateurs, du crédit pour les propriétaires de biens immeubles, du crédit pour les manufacturiers et les autres producteurs industriels ?
Et si une étude plus attentive des nécessités du crédit commercial nous démontre qu'il réclame des perfectionnements notables pour être en rapport exact avec les exigences naturelles des transactions, ne devons-nous pas nous préoccuper de ce qui arriverait si les actionnaires de la Banque Nationale, forts du contrat qui leur aurait été consenti trop bénévolement, se trouvaient en mesure de faire obstacle à la réalisation des lois que la Chambre, voterait à ces diverses fins ?
Autant de raisons, je pense, pour ne pas fixer à trente ans la durée du privilège demandé en faveur de la Banque Nationale et pour apporter de sérieuses modifications à son acte de constitution.
M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, sans entrer dans le débat de la question de principe, je voudrais donner une explication de fait.
L'honorable membre a cru pouvoir affirmer que la Banque de Flandre a refusé son concours à l'Union du Crédit de Gand, pour ruiner un concurrent.
J'ai été mêlé aux faits qui se sont passés à cette époque ; l'honorable M. Cruyt et ses collègues, je me le rappelle parfaitement, sont venus réclamer le concours du gouvernement et de la Banque Nationale, pour empêcher la chute ou le sursis de l'Union du Crédit de Gand, et dans les procès-verbaux de la commission, qui ont été imprimés, vous trouverez, à la page 62, tout le compte rendu de ce qui a été dit à cette époque au sujet de l'Union du Crédit de Gand.
M. le gouverneur de la Banque Nationale, lorsqu'on lui demandait que la Banque s'engageât pour 130,000 francs, a offert de garantir sur sa fortune personnelle le tiers, si les intéressés eux-mêmes voulaient garantir les deux tiers restants.
Je me rappelle encore ce fait que la Banque de Flandre ne refusait pas d'escompter à l'Union du Crédit de Gand, mais qu'elle refusait d'engager tout son capital ; qu'elle se refusait, dans ces moments difficiles, d'engager toutes ses ressources pour l'Union du Crédit de Gand ; la Banque Nationale a déclaré alors que, si on pouvait lui offrir du papier escomptable, d'après ses statuts, elle le prendrait.
Je me rappelle parfaitement qu'on a proposé à la Banque un énorme paquet d'effets... mais il n'y en avait pas un seul que la Banque Nationale pût prendre d'après ses statuts. C'étaient de simples promesses en l'air, sans cause réelle et n'ayant qu'une seule signature, garantie par des hypothèques éparpillées dans tous les recoins des deux Flandres.
Je n'invoque, en ce moment, que des souvenirs ; mais je n'ai pas cru devoir laisser la Chambre sous l'impression du discours de l'honorable préopinant : les faits ont été rendus par lui d'une manière complètement inexacte. Je les vérifierai de plus près, et, au besoin, je démontrerai que mes souvenirs sur ce point sont exacts ; ils pourraient d'ailleurs être confirmés par les honorables membres de la commission spéciale et par les honorables députés de Gand. La Banque avait voulu aller jusqu'à l'extrême limite de ce que lui permettaient ses statuts, pour empêcher que l'Union du Crédit ne souffrît pendant la crise de 1870.
M. Dansaert. - Messieurs, les renseignements que j'ai eu l'honneur de communiquer à la Chambre m'ont été fournis par des personnes dont je ne puis, sous aucun rapport, suspecter la bonne foi...
M. Malou, ministre des finances. - Je ne suspecte pas leur bonne foi.
M. Dansaert. - Ce sont des personnes qui sont parfaitement au courant de la question.
Maintenant, je conçois parfaitement que les statuts de la Banque ne lui permissent pas d'accepter le papier de l'Union du Crédit, parce que les sociétaires peuvent emprunter à l'Union du Crédit elle-même, sur leur seule signature, jusqu'à concurrence du capital pour lequel ils sont intéressés dans la société elle-même.
La première signature est celle de l'emprunteur ; la seconde signature est celle du directeur de l'Union du Crédit.
Les statuts de la Banque lui permettent de ne pas accepter ce papier. Mais, messieurs, quant à la solvabilité de l'Union du Crédit, vous avez pu voir, d'après les renseignements que j'ai mis sous vos yeux, qu'elle est irréprochable, puisque, sortant d'un sursis et ayant dû contribuer pour une somme assez forte aux frais judiciaires que tout sursis entraîne nécessairement, l'Union du Crédit de Gand a clôturé ses opérations de janvier 1870 à mai 1871, en donnant 14 p. c. de bénéfices aux sociétaires. (Interruption.)
M. Malou, ministre des finances. - L'honorable membre nous disait tout à l'heure que la Banque Nationale s'était montrée partiale, qu'elle avait soutenu d'autres Unions du Crédit et qu'elle avait refusé de soutenir celle de Gand. Et maintenant il prétend que la Banque Nationale ne peut prendre le papier des Unions du Crédit.
La Banque Nationale a pris, pendant la crise de 1848, le papier de l'Union du Crédit de Bruxelles, de l'Union du Crédit de Liège, de l'Union du Crédit d'Anvers.
M. Pirmez. - Elle l'a toujours pris.
M. Malou, ministre des finances. - Oui, et surtout pendant la crise de 1870. Mais elle n'a pas pu faire la même chose, quoiqu'elle l'eût résolu en principe, pour l'Union du Crédit de Gand, parce que celle-ci ne lui présentait pas du papier escomptable. Ce n'est pas la mauvaise volonté, c'est l'impossibilité qui a empêché la Banque d'intervenir plus qu'elle ne l'a fait.
- La séance est levée à 5 heures.