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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 mars 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 607) M. Wouters fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemans lit le procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres de l'administration communale de Vaelbeek prient la Chambre d'accorder au sieur Pousset la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. »

« Même demande des membres de l'administration communale de Gossoncourt, Gothem, Neerrepen, Bossenge. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Huys, garde-barrière pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Houcke, ancien sous-officier de l'armée et brigadier de la gendarmerie, demande la croix de l'Ordre de Léopold. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Freux réclame l'intervention de la Chambre pour que le domicile de secours des orphelins Quiot soit définitivement fixé. »

- Même renvoi.


« Les instituteurs des communes rurales du canton sud de Malines demandent que le projet de loi relatif à la caisse de prévoyance en faveur des instituteurs primaires admette pour base du calcul de la pension les cinq années des revenus les plus élevés de l'instituteur. »

_Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des brasseurs à Bruxelles prient la Chambre de rejeter le projet de le relatif à l'accise sur la bière. »

- Même renvoi.


« Par message, en date du 1er mars 1872, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion au projet de loi contenant le budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1872. »

- Pris pour notification.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Jules Koeninigswerther. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le ministre des finances adresse 127 exemplaires du recueil des documents relatifs à la Banque Nationale. »

_Distribution à MM. les membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je prie la Chambre de vouloir bien mettre à l'ordre du jour la demande d'un crédit de 300,000 francs pour le télégraphe.

- Cette proposition est adoptée.

Motion d’ordre relative aux charges militaires imposées aux habitants de la frontière sud pour lutter contre la peste bovine et sur l’application du traité de commerce avec la France

M. Boulenger. - J'ai eu l'honneur de prévenir M. le ministre des finances que je demanderais au gouvernement quelques explications relativement à l'occupation militaire de notre frontière du midi, d'une part, et relativement à l'application qui est faite en France d'une loi portant la date du 22 janvier 1872.

Je crois que le gouvernement est disposé à donner ces explications, j'aborde donc l'objet de ma motion.

La Chambre peut se rappeler que dans la discussion du budget de la guerre et à l'occasion d'explications fournies par l'honorable chef de ce département qui nous annonçait devoir, pendant l'exercice, réclamer un crédit spécial nécessaire pour la solde de l'armée en cantonnement.

J'ai alors demandé au gouvernement de rendre la situation des habitants de notre frontière du midi moins pénible qu'elle ne l'était en présence des nécessités que leur imposait la peste bovine. L'honorable M. Malou a reconnu que l’état de choses que je signalais à la Chambre était l'objet de plaintes nombreuses et il a donné lieu de croire que le gouvernement ferait accueil au remède que je lui avais indiqué. Ce remède était l'emploi - en remplacement de tout ou partie des troupes - des préposés temporaires de la douane à la garde de la frontière.

Cette mesure avait pour résultat de supprimer, sinon totalement, du moins en grande partie, l'occupation militaire, qui est une charge très lourde pour les populations de cette frontière.

L'habitant qui loge un soldat ne reçoit par jour qu'une indemnité de 1 fr. 25 c. Cette indemnité, eu égard à la cherté des vivres, est tout à fait insuffisante ; elle l'est au moins de 75 p. c.

J'avais lieu de croire, en présence des déclarations du gouvernement, qu'un changement aurait eu lieu et que l’on aurait adopté la mesure que j'avais indiquée. L'honorable M. Malou avait été jusqu'à me répondre que la loi abolitive des droits sur les denrées alimentaires lui permettrait de disposer d'un contingent de douaniers qu'il affecterait à ce service spécial.

Or, si je suis bien renseigné, la situation du 1er janvier est restée la même aujourd'hui.

Nos populations ont les mêmes raisons de se plaindre aujourd'hui qu'alors ; elles payent à la frontière pour la sécurité et pour l'avantage de tout le pays. Cette situation est intolérable. Elle est le résultat d'une regrettable confusion.

A qui incombe le soin de veiller soit à l'importation, soit à l'exportation des choses prohibées par la loi ? C'est à 1a douane. Ce n'est qu'à titre d'aide et de secours que la troupe peut être appelée à côté de la douane, et c'est précisément le contraire qui arrive. La situation actuelle qui devait être accidentelle, momentanée, tend à devenir permanente.

Si je m'en rapporte à un journal qui est bien renseigné, la peste bovine continue à sévir tellement dans les départements du Nord et des Ardennes qu'on ne peut pas prévoir le moment où le fléau disparaîtra.

J'ai donc lieu de croire que les deux années qui viennent de s'écouler seront suivies de deux autres années qui seront les mêmes ; dès lors, l'état actuel subsistera, et la troupe continuera à être employée, son service deviendra permanent et se substituera à la douane.

La garde de la frontière, au point de vue douanier, sera confiée à l'armée et la douane sera reléguée au second plan.

Un pareil état de choses doit cesser. Aujourd'hui je me plains avec d'autant plus de raison qu'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles vient de jeter un nouvel élément de désordre et d'anarchie dans les frontières.

La cour d'appel de Bruxelles vient de décider que l'arrêté royal de 1814, qui ordonnait de recevoir les militaires en cantonnement n'avait pas de sanction.

M. Malou, ministre des finances. - Pénale....

M. Boulenger. - Ni pénale ni autre, selon la raison invoquée par l'arrêt. Le motif de l'arrêt est que l'arrêté de 1814 n'a pas été inséré au Bulletin officiel, que donc il n'a aucune espèce d'effet obligatoire, comme loi pénale ou autrement.

L'arrêté en question a-t-il été publié, ou ne l'a-t-il pas été ? Deux juridictions ont décidé qu'il ne l'avait pas été. Vous me direz que la cour de cassation est actuellement saisie de l'examen de cet arrêt, mais la cour de (page 608) cassation ne pourra pas faire que la publication soit, alors qu'elle n'est pas.

Eh bien, cet arrêt de la cour d'appel est une cause de perturbation ; à l'heure qu'il est, on le connaît et les habitants des frontières à qui on envoie des militaires en cantonnement refusent de les recevoir. J'appelle l'attention de la Chambre sur la situation qui en résulte pour les autorités administratives. Que peut faire un bourgmestre lorsque, dans de pareilles circonstances, des habitants refusent de recevoir des militaires en cantonnement ?

Il y a donc nécessité de modifier complètement l'état de choses actuel. Au surplus, je pense qu'en exprimant ce désir, ce n'est pas seulement au point de vue des habitants des frontières et au point de vue du bon ordre que cela doit être, mais encore au point de vue de l'armée.

Si je suis bien renseigné, ces cantonnements, qui tendent à devenir permanents, sont une école d'indiscipline pour l'armée ; en effet, tous les officiers se plaignent très vivement de ce service qui est imposé aux troupes et qui fait régner parmi elles un esprit que les autorités militaires ne peuvent pas admettre.

De plus, on m'assure que ces 1,500 hommes échelonnés sont une charge tellement lourde pour l'armée, que des miliciens qui auraient droit à regagner leurs foyers sont retenus sous les drapeaux.

C'est encore là un dommage considérable et qu'il importe de faire cesser.

Je voudrais bien savoir du gouvernement s'il a l'intention de prendre des mesures efficaces. Il peut le faire de deux façons : ou bien, d'abord, en appelant sur les frontières non seulement les 500 douaniers qui ont été employés dans les fabriques de sucre, plus les 100 autres que M. le ministre m'a dit devenir disponibles par suite de la loi abolitive des droits de douane sur les blés et céréales, mais encore à l'aide de 200 ou 300 autres douaniers qui remplaceraient les 1,500 hommes éparpillés sur la frontière ; ou bien, ensuite, en casernant les troupes.

Que le gouvernement loue dans les villages, le long des frontières, des maisons où il puisse loger les soldats. Les troupes y feront leur ménage absolument comme elles le font dans les casernes des villes. De la sorte, les habitants des frontières n'auront plus à se plaindre.

Mais que le gouvernement prenne l'un ou l'autre de ces deux partis : il y a dans les énonciations que je viens de faire des raisons indiscutables, de sortir de la situation que je dénonce à la Chambre.

Je dois aussi appeler l'attention du gouvernement sur un autre objet. Je l'ai indiqué tout à l'heure ; il s'agit de l'application de l'article 3 d'une loi française du 22 janvier 1872. Je vais lire à la Chambre cet article 3 ; il est ainsi conçu :

« Art. 3. Il est établi, pour subvenir aux frais de la statistique commerciale, un droit spécial de 10 centimes par colis sur les marchandises en futailles, caisses, sacs ou autres emballages, de 10 centimes par mille kilogrammes ou par mètre cube sur les marchandises en vrac, et de 10 centimes par tête sur les animaux, vivants ou abattus, des espèces chevaline, bovine, ovine, caprine et porcine. Ce droit, indépendant de toute autre taxe, mais affranchi des dixièmes additionnels, sera perçu tant à l'entrée qu'à la sortie, quelle que soit la provenance ou la destination. »

Eh bien, messieurs, à mon sens, il n'y a pas deux façons d'interpréter cet article. J'y lis clairement la violation manifeste de notre traité de commerce avec la France du 1er mai 1861. Je vais donner lecture à la Chambre des termes mêmes dont se sert notre pacte international qui définit les droits de chacun des contractants au point de vue des impôts qui peuvent être appliqués aux matières d'un pays s'important dans l'autre.

Le traité du 1er mai 1861 entre la France et la Belgique s'exprime ainsi :

« Art. 6. Si l'une des hautes parties contractâmes juge nécessaire d'établir un droit d'accise nouveau ou un supplément de droit d'accise sur un article de production ou de fabrication nationale compris dans les tarifs annexés au présent traité, l'article similaire étranger pourra être immédiatement grevé à l'importation d'un droit égal.

« Toutefois, les droits d'accise sur les vins en Belgique ne pourront être augmentés.

« Art. 7. Les marchandises de toute nature, originaires de l'un des deux pays et importées dans l'autre, ne pourront être assujetties à des droits d'accise ou de consommation supérieurs à ceux qui grèvent ou grèveraient les marchandises similaires de production nationale. Toutefois, les droits à l'importation pourront être augmentés des sommes qui représenteraient les frais occasionnés aux producteurs nationaux par le système de l'accise. »

Eb bien, messieurs, je ne puis admettre que l’on puisse, en Belgique, se payer de mots ; que l'on puisse soutenir que dans cet article 3 la loi se sert, pour qualifier ce droit de 10 centimes, de l'expression de droit de statistique commerciale.

Je ne puis admettre ce qualificatif ; il n'y a là évidemment qu'un droit de douane qui, quelle que soit la forme sous laquelle on cherche à le dissimuler, est un droit de douane ; si vous faites attention à cette rédaction du reste de l'article, vous remarquerez que le soin qu'on a pris à le dissimuler prouve que c'est d'un droit de douane qu'il s'agit. On y lit en effet : que ce droit est affranchi des dixièmes additionnels, ce n'est donc pas un droit de statistique.

Je montrerai tout à l'heure au gouvernement et à la Chambre que non seulement mon argument de texte est fondé, mais que depuis la promulgation de la loi, quand il s'est agi de faire passer l'article dans l'application, l'administration française a reconnu que c'était un droit de douane, il n'est peut-être pas inutile de dire en passant à la Chambre que cet article 3 est inséré dans une loi qui ne s'occupe en aucune façon ni de douane, ni des rapports avec l'étranger ; cet article 3 est inséré dans une loi dont les articles 1 et 2 règlent les droits d'accise sur les sucres et dont l'article 4 règle les droits dont la France a frappé les allumettes phosphoriques.

Jamais, je pense, on n'aurait pu se douter dans notre pays qu'un article d'une telle importance serait inséré ou noyé dans une loi pareille : cet article a passé dans la loi par suite d'un amendement produit subito dans la discussion, amendement que le gouvernement a accepté subito dans l'assemblée nationale

Si, à la première lecture, cet article paraît assez inoffensif et si l'on peut dire, en le parcourant : 10 centimes par colis et 10 centimes par tonne de marchandise en vrac, c'est peu, mais vous allez voir cependant quel effet cette disposition peut produire pour certaines industries.

L'application de ce droit de 10 centimes peut arriver à gêner considérablement l'équilibre de nos relations commerciales internationales que le traité de commerce a précisément pour but de sauvegarder.

Ainsi, pour vous donner un exemple, je prends une marchandise, un produit industriel qui a une grande importance pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte : le charbon. Au point de vue général, le droit sur les charbons, que le traité de commerce du 1er mai 1861 fixe à 1 fr. 20 c, est majoré de près de 10 p. c, car il est porté à 1 fr. 30 c ; mais ce qui, au point de vue général, constitue une injustice devient presque monstrueux lorsqu'on l'applique à certains actes du commerce de charbon que je vais avoir l'honneur de vous indiquer. Depuis Bavay jusqu'à Condé, il y a considérablement d'établissements industriels en France et de l'autre côté le la frontière, en Belgique, il y a un nombre considérable de charbonnages.

Ces établissements industriels ne sont pas reliés aux charbonnages par des chemins de fer ni des canaux ; dès lors, le transport des charbons se fait par chariots et vous allez voir comment les approvisionnements par chariots changent singulièrement le droit de l'article 3 de la loi du 18 janvier 1872.

Je suppose qu'un industriel vienne en Belgique chercher dix tonnes de charbon ; pour cela il lui faut dix chevaux et deux chariots au moins, car il faut environ un cheval pour transporter une tonne de charbon. Il doit payer chaque fois à la frontière 10 centimes par cheval, soit donc 2 francs, plus 10 centimes pour chaque chariot ; cela fait encore 40 centimes, soit donc ensemble 2 fr. 40 c. Car les 10 centimes de l'article 3 de la loi du 12 janvier 1872 se payent à l'entrée et à la sortie cumulativement. Ajoutez à cela 1 franc pour les dix tonnes de marchandises importées ; l'addition est bien simple, cela fait 3 fr. 40 c, ou 34 centimes la tonne pour les charbons qu'on doit venir chercher en Belgique autrement que par waggon ou par bateau.

Eh bien, je dis que, dans ces conditions, il faut nécessairement qu'à la campagne prochaine nos industriels renoncent à la clientèle qu'ils ont en France par chariots et que cette clientèle s'en aille tout entière aux établissements de Frasnes et d'Anzin.

Messieurs, il y a là une violation manifeste et flagrante de nos conventions internationales.

Je vous disais tout à l'heure que j'avais la preuve que l'administration française reconnaissait elle-même que c'était une infraction.

Je vais vous la fournir ; l'administration des douanes de la frontière, embarrassée dans l'application de la loi, a dû recourir à l'administration centrale.

Elle a demandé des instructions sur des cas déterminés, et voici comment le gouvernement s'est expliqué sur des questions posées par l'administration de la frontière.

(page 609) Entre autres choses il est demandé :

« Doit-on compter chaque pain de sucre pour un colis ? »

L'application du droit de 10 centimes par pain aurait pour effet de troubler dans une certaine mesure, au préjudice de nos exportateurs, l'équilibre des conditions de concurrence que nos conventions avec la Belgique, l'Angleterre et la Hollande ont eu pour objet d'établir entre les sucres des pays contractants. Il a été admis, en conséquence, que tes sucres en pain, bien qu'étant enveloppés et ficelés, seraient traités comme marchandises en vrac.

Vous voyez donc que c'est tellement un droit de douane, que le gouvernement français en calcule l'importance économique au point de vue des traités.

Quand il s'agit des exportateurs de la France, l'interprétation administrative apporte des atténuations à la loi, mais quand il s'agit de nos nationaux, il n'en est plus de même.

Ainsi si l'on fait sortir le sucre en pains on le tarife en vrac ; mais il la Belgique fait sortir du sucre brut en sacs, alors on fait "payer 10 centimes par sac et il ne s'agit plus de les taxer en vrac. Et voilà le droit de statistique !....

La France a donc parfaitement compris que c'était un droit de douane qu'elle créait et elle le manœuvre comme elle l'entend au profit de son industrie et au mépris des traités.

Je dénonce ces faits au gouvernement en lui demandant s'il a l'intention de les tolérer ou s'il sera oublieux de son devoir au point de ne pas faire respecter notre signature, nos traités et les usages internationaux consacrés dans le droit des gens.

M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Messieurs, le gouvernement n'a pas attendu jusqu'aujourd'hui pour porter son attention sur les effets de la loi du 22 janvier 1872.

L'honorable membre comprendra que dans la situation où nous sommes, à la veille du renouvellement d'un traité de commerce avec un pays ami, il soit très difficile au gouvernement d'entrer dans des détails sur cette question.

Tout ce que je puis dire, c'est que cette attention est complète, que l'administration n'a pas perdu de vue un instant les conséquences qui pouvaient découler de la loi et que les observations dans lesquelles vient d'entrer l'honorable membre sont une raison de plus pour que son attention reste éveillée et que toutes les mesures qu'exige la situation soient prises.

M. Malou, ministre des finances. - Je suis en mesure de faire connaître à l'honorable membre ce qui s'est fait quant au premier objet dont il a entretenu la Chambre.

Ce n'est que le 1er mars que cesse, dans les fabriques de sucre, le service spécial qui est confié à des agents temporaires engagés pour la campagne. Avant cette date, je m'étais mis en rapport avec mes honorables collègues, les ministres de l'intérieur et de la guerre, pour voir si et dans quelle mesure il pouvait être utile de conserver au service une partie des agents temporaires des douanes, et de substituer leur surveillance à celle qui jusqu'à présent était exclusivement coudée à l'armée.

Le nombre de ces employés temporaires devenus disponibles à partir d'hier est en chiffre rond de 800. J'ai autorisé à utiliser, dans les provinces frontières, la moitié des douaniers disponibles pour ce nouveau service.

A la date d'hier, j'ai reçu encore des renseignements d'une province et j'ai répondu immédiatement par télégraphe que les employés demandés étaient à la disposition des directeurs.

Voici, messieurs, quel est à partir d'aujourd'hui l'état des choses : il y aura sur la frontière du Hainaut, en plus, 270 employés temporaires qui exerceront la surveillance pour préserver le pays de la peste bovine ; il y en aura 21 dans la province de Namur, 49 dans le Luxembourg, 30 dans la province de Liège, 32 dans la Flandre occidentale ; ensemble 400.

Nous sommes moralement certains, messieurs, que le service de ces 400 douaniers pourra remplacer, sinon en totalité, du moins en grande partie, les soldats qui ont été détachés jusqu'à présent pour ce service.

Je dois ajouter, messieurs, que le budget des finances, tel qu'il a été voté, ne permet pas, au moyen des crédits alloués, de maintenir en service ces agents de la douane au delà du temps qui avait été prévu. Il y aura donc un crédit supplémentaire à demander de ce chef.

Je crois cependant que les agents de la douane, à raison de leurs habitudes et aptitudes, auront une utilité plus grande par unité, si je puis m'exprimer ainsi, que n'en avaient les soldats détachés à la frontière.

L'honorable nombre a parlé d'un arrêt qui avait été rendu par la cour d'appel de Bruxelles décidant que l'arrêté-loi de 1814 sur les logements militaires n'est pas applicable à défaut de publication ou qu'il manque de sanction pénale. Je n'entrerai pas dans le fond de la question, pour le motif que l'arrêt de la cour d'appel est soumis en ce moment à la cour de cassation et que prochainement, l'affaire étant fixée au 11 de ce mois, une solution judiciaire définitive sera intervenue.

D'après la nature de cette solution, le gouvernement aura à pourvoir au moyen d'une sanction légale, s'il était jugé que l'arrêté de 1814 en est aujourd'hui dépourvu.

L'honorable membre a signalé deux moyens d'améliorer la situation actuelle, c'est l'emploi de douaniers ou le casernement ; je crois que cette alternative n'existe réellement pas ; le seul mode à suivre, c'est le maintien des douaniers, car le casernement conviendrait fort bien dans les villes, mais le casernement dans les villages pour former un cordon sanitaire, je crois que réellement cela n'est point pratique.

Quoi qu'il en soit, j'espère que les explications que je viens de donner satisferont l'honorable membre, attendu qu'à partir d'aujourd'hui ces employés temporaires seront affectés à un autre service et qu'on pourra renvoyer, sinon en totalité, du moins en grande partie, les troupes qui ont été employées jusqu'à, présent.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je remercie l'honorable ministre des finances des explications qu'il vient de donner ; les mesures annoncées par lui seront efficaces et bien accueillies ; elles remplaceraient avantageusement celles qui ont été adoptées jusqu'à présent.

Mais, si j'ai bien compris M. le ministre des finances, il attribuerait à la Flandre occidentale 32 nouveaux douaniers, tandis qu'on en accorderait 200 au Hainaut. 32 nouveaux douaniers pour garder la frontière d'une province qui s'étend depuis la mer jusqu'à Mouscron, c'est bien peu de chose ; on les verra à peine et ils rappelleront les rari nantes in gurgite vasto. Ces 32 douaniers exerceront une bien mince influence sur la garde de cette immense frontière.

Je demande à M. le ministre des finances de vouloir bien pousser sa bienveillance un peu plus loin pour la province qui l'a vu naître.

Un autre motif me semble militer en faveur de ma demande. En cas de peste bovine, les douaniers ne sont pas seulement appelés à garder la frontière ; ils peuvent être appelés aussi à surveiller les fermes isolées où se trouve du bétail infecté.

Aujourd'hui, quand la peste bovine se déclare dans une ferme, on envoie une petite armée dans la commune, ce qui est très préjudiciable pour les habitants et peu agréable, je pense, à M. le ministre de la guerre qui n'aime pas, sans doute, à fractionner ses régiments.

Pour surveiller une seule ferme, il faut, le croiriez-vous ? 40 ou 50 hommes. En effet, un homme doit avoir trois ou quatre nuits de repos. Il ne peut monter qu'un certain nombre d'heures de garde par jour, et tout compté, avec les caporaux, sous-officiers, tambours et trompettes, il faut, pour assurer la surveillance de la ferme infectée, une garnison de350 ou 40 hommes. 8 ou 10 douaniers rendraient le même service sans sacrifices pour les habitants.

Je prie donc M. le ministre de vouloir bien veiller à ce qu'en envoie dans la Flandre occidentale le nombre de douaniers nécessaire d'abord pour surveiller la frontière et ensuite, le cas échéant, les localités où la peste se déclarerait ; le service fait par la douane coûte moins d'ailleurs et a moins d'inconvénients pour les habitants que le service fait par la troupe.

M. Boulenger. - Pour ce qui me concerne, je remercie M. le ministre des finances des déclarations qu'il vient de faire, et je ne doute pas que satisfaction entière soit donnée aux intérêts dont j'ai entretenu la Chambre.

Mais quelle que soit la déclaration de M. le ministre des affaires étrangères, je dois dire qu'elle ne me satisfait que dans une certaine mesure.

Je veux bien admettre que l'attention du gouvernement ait été appelée sur cet objet, mais cela ne suffit pas, et je voudrais, de la part du gouvernement, autre chose que son attention ; je veux des actes et des actes énergiques. Si je me permets d'insister à cet égard, c'est que je me suis bien trouvé dans une autre circonstance d'une pareille conduite.

Il y a six mois, la situation était la même qu'aujourd'hui, le traité de 1861 était périmé, nous vivions dans un état temporaire, et la situation de la France était tout aussi malheureuse financièrement qu'aujourd'hui ; au mois de juillet dernier donc, je me suis plaint à M. d'Anethan d'une vexation du genre de celle que je signale aujourd'hui. A raison d'une loi française du mois de juillet, on avait frappé, entre autres matières, de 40 francs de droit la chicorée fabriquée. Cette loi n'était pas en contravention avec notre traité de commerce parce qu'elle frappait la chicorée fabriquée à l'intérieur de la France en même temps qu'elle établissait à la douane un droit équivalent.

Mais l'administration française avait trouvé très commode, le lendemain (page 610) du vote de cette loi, de faire payer à l'importation à la frontière les 40 francs de droit, alors qu'on ne percevait pas les 40 francs sur les chicorées fabriquées dans l'intérieur de la France. Cela plaçait nos industriels dars des conditions de concurrence défavorables et presque ruineuses, car cette loi était intervenue subitement, sans qu'on pût la prévoir, et des marchés en cours se trouvaient complètement renversés. L'honorable M. d'Anethan a agi énergiquement auprès du gouvernement français ; après six semaines de correspondance, le gouvernement français a rapporté la mesure qu'il avait prise. Il a ainsi reconnu que nous avions raison.

Il a admis à nos frontières les chicorées à l'importation jusqu'au moment où fut mise en vigueur sa loi d'accise sur les chicorées.

J'appelle toute l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur ce résultat ; j'espère qu'il aura la même énergie que son honorable prédécesseur et j'ai tout lieu de croire que nous obtiendrons satisfaction.

M. Malou, ministre des finances. - L'état de répartition que j'ai indiqué tout à l'heure à la Chambre est provisoire ; il est basé sur les faits préexistants ; il n'est donc pas proportionné à l'étendue des frontières.

J'examinerai avec attention - sans me laisser séduire par les souvenirs de ma province natale - s'il y a moyen ou utilité de modifier cette répartition.

Quant à l'autre point, je prie la Chambre de tenir compte des circonstances dans lesquelles l'interpellation se produit. Tout ce qui touche à nos relations commerciales a une importance qui ne vous échappera pas.

Vous pourrez, lorsque le moment sera venu, examiner à fond cette question et juger si nous avons manqué de prévoyance ou d'énergie.

M. Bouvier. - J'appuie les observations qui ont été présentées par l'honorable M. Vandenpeereboom en ce qui touche le chiffre si restreint des employés de douane qui seront envoyés dans les Flandres et le Luxembourg.

Le Luxembourg, d'après le chiffre indiqué par l'honorable ministre des finances, ne serait pas mieux partagé que les provinces dont vient de vous entretenir l'honorable M. Vandenpeereboom et cependant les frontières du Luxembourg s'étendent sur un très grand parcours le long de la frontière française.

J'aime à croire que l'honorable ministre voudra se montrer impartial dans la répartition qu'il compte faire, sans sacrifier les intérêts de la province de Luxembourg.

M. Malou, ministre des finances. - Je suis charmé de voir qu'on se dispute à qui aura le plus de douaniers.

M. Bouvier. - Je demande la parole.

M. Malou, ministre des finances. - On dit que c'est à propos de la peste bovine, mais il est évident que les mesures seront combinées soit par les troupes, soit par les douaniers, de manière à préserver le pays ; tel est je sens de mon observation.

M. Bouvier. - Si nous réclamons des employés de douanes, c'est parce que les habitants, outre les inconvénients résultant des logements militaires, ne reçoivent qu'un franc vingt-cinq centimes par jour pour l'entretien de chaque homme.

Je dis qu'en présence de l'élévation du prix des denrées, il est impossible de nourrir à ce prix nos soldats, de sorte que les habitants des frontières belges sont en réalité atteints par un impôt qui ne frappe qu'eux ; or, d'après la Constitution, aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi, tous les Belges étant égaux devant les charges publiques ; or, cette égalité est détruite sur la frontière au détriment des habitants qui y sont établis.

- L'incident est clos.

Projet de loi portant le budget de ministère de la justice pour l'exercice 1872

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ordre judiciaire

M. Van Overloop, rapporteur. - Dans la séance de samedi dernier, l'honorable M. Bara a fait une observation au sujet de la partie du rapport de la section centrale relative a la mise à la retraite forcée des magistrats ; en ma qualité de rapporteur, je dois lui donner une réponse.

L'honorable M. Bara a conclu de ce que les anciens adversaires de la loi de 1867 n'en demandent pas hic et nunc l'abrogation, qu'ils en reconnaissent aujourd'hui la constitutionnalité et la bonté. L'honorable M. Bara se trompe.

En section centrale, on a, en premier lieu, persisté à soutenir que la disposition de la loi de 1867, qui ordonne la mise à la retraite des membres des cours et tribunaux à un âge fixé, est inconstitutionnelle.

On a soutenu, en second lieu, que, ne fût-elle pas inconstitutionnelle, elle est de nature à produire des effets excessivement fâcheux au point de vue des contribuables et surtout au point de vue de la bonne administration de la justice.

La disposition de la loi de 1867 relative à la mise à la retraite forcée des magistrats pour cause d'âge, est-elle inconstitutionnelle ?

En principe, pour ma part, je n'hésite pas à dire oui.

Considérée en elle-même, elle est inconstitutionnelle, mais peut-être n'en est-il pas de même si on la considère dans son application.

Selon moi, elle est inconstitutionnelle parce qu'elle est inconciliable, et avec le texte de l'article 100 de la Constitution : les juges sont nommés à vie, et avec l'exposé des motifs de cet article.

La question de la mise à la retraite des magistrats pour cause d'âge a été soulevée au Congrès. Cette circonstance, je le crois, a été perdue de vue. Elle me paraît cependant très importante.

Une section avait formellement proposé de mettre les magistrats à la retraite à l'âge de 70 ans et de nommer les juges de paix pour un terme déterminé et non pas à vie.

Or, la section centrale du Congrès national, à l'unanimité, a rejeté ces deux propositions, et le Congrès a partagé l'opinion de la section centrale.

Par conséquent, messieurs, si l'un de vous pouvait hésiter sur le sens l'article 100, l'exposé des motifs devrait faire cesser cette hésitation.

Voici, messieurs, un extrait du rapport fait par l'honorable M. Raikem sur le chapitre : « Du pouvoir judiciaire » :

« La 2ème section demandait que les juges de paix fussent nommés à terme ; la 3ème, que ce terme fût de cinq années ; la 4ème proposait une exception à l'égard des juges de commerce qui n'auraient été nommés que pour le terme de trois ans. Elle demandait, en outre, qu'à l’âge de 70 ans le chef de l'Etat pût mettre un juge à la retraite ; la 5ème section voulait qu'on laissât à la loi le soin de déterminer si les juges de paix seraient nommés à vie ou à terme.

« La section centrale a résolu, à l'unanimité, que les juges seraient nommés à vie et qu'on ne ferait pas exception pour les juges de paix. »

La disposition de la loi de 1867 que je critique me paraît encore inconstitutionnelle à un autre point de vue.

Le Congrès a décrété l'existence collatérale de trois pouvoirs constitutionnels, indépendants l'un de l'autre dans la sphère de leurs attributions : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ; et, pour sanctionner l'indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis des deux autres, il a décidé que les juges seraient nommés à vie.

Permettez-moi, messieurs, de vous donner ici lecture d'un extrait remarquable du rapport de la section centrale sur le projet de loi du 2 décembre 1848, qui proposait aussi de mettre les magistrats à la retraite pour cause d'âge.

« L'indépendance, disait le rapport, pour être complète, doit mettre le magistrat aussi bien à l'abri du caprice des majorités parlementaires que de l'arbitraire du pouvoir. Admettre l'établissement de présomptions légales d'incapacité pour le magistrat, c'est livrer au caprice des majorités le principe de l'inamovibilité, car les majorités peuvent étendre demain ce qu'elles ont limité hier. Elles peuvent, dans un intérêt politique ou de parti, en vue du jugement d'un ministre, par exemple, porter l'âge de la retraite forcée à 60 ans, et changer ainsi brusquement la majorité dans le sein de la cour suprême. On a vu des lois faites contre un homme.

« Le magistrat que ses pairs estiment en âme et conscience habile à occuper le siège où ils l'ont appelé, doit le conserver ; sinon, le magistrat devient l'esclave ou le jouet du pouvoir qui le peut destituer. »

Lors de la discussion, après deux jours de débats, la proposition fut rejetée par 51 voix contre 27.

J'ai dit que la mise à la retraite pour cause d'âge est inconstitutionnelle en principe, et je crois l'avoir prouvé ; mais j'ai ajouté que, dans l'application, ce caractère d'inconstitutionnalité disparaît en grande partie.

En effet, quel est le but fondamental de l'article 100 ? C'est d'empêcher qu'on ne mette les magistrats à la retraite malgré eux.

Or, grâce aux avantages que la loi de 1867 accorde à l'ordre judiciaire, je suis persuadé que de nombreux magistrats se laissent volontiers appliquer une loi qui leur conserve, en non-activité, leur traitement d'activité.

Aussi, messieurs, n'est-il pas étonnant que cette loi n'ait pas suscité contre elle les mêmes clameurs que celle du 2 décembre 1848, qui proposait d'accorder aux membres de la magistrature, mis à la retraite pour cause d'âge, la pension ordinaire des fonctionnaires de l'Etat,

La seconde question qu'on a soulevée en section centrale est celle-ci : La loi de 1867 est-elle de nature à produire un effet fâcheux au point de vue des finances de l'Etat ? Cela ne peut être contesté en présence des chiffres qui se trouvent indiqués dans le rapport de la section centrale. Avant la loi de 1867, le chiffre des pensions des magistrats s'était élevé, (page 611) en vingt-trois années, à 180,632 francs, tandis que, depuis l'application de cette loi, en quatre années, ce chiffre a atteint 577,076 francs.

Les budgets de la dette publique constatent que les allocations pour pensions du ministère de la justice, qui, en 1866, se montaient à 185,000 francs, se sont successivement élevées à 195,000 francs en 1867, 205,000 francs en 1868, 650,000 francs en 1869, 680,000 francs en 1870 et 1871, et que les prévisions pour 1872 sont 690,000 francs ; tandis que les allocations pour pensions des autres ministères sont loin d'avoir suivi la même marche ascendante, quoique les services de plusieurs de ces ministères se soient considérablement élargis et que le personnel ait dû être notablement augmenté.

Est-ce à dire que la progression du chiffre des pensions des magistrats continuera ? Evidemment non. Il est à prévoir, au contraire, qu'il diminuera quelque peu, puisque, par suite de la loi de 1867, la magistrature est aujourd'hui composée d'éléments plus jeunes.

Toutefois, il ne paraît pas possible de maintenir l'état actuel des choses. Ainsi, dans l'un de nos ressorts d'appel, il se trouve deux premiers présidents mis à la retraite pour cause d'âge, quoiqu'ils soient encore parfaitement capables de remplir les fonctions dont ils étaient investis, et un premier président en activité ; or, ces trois personnes coûtent, à elles seules, plus de 32,000 francs par an à l'Etat. Peut-on, en présence de ce fait, conserver la limite d'âge ?

Si la loi de 1867 n'est pas modifiée, n'est-il pas à craindre que les fonctionnaires des autres départements ministériels ne viennent, au nom de l'égalité devant la loi, en vertu du principe de l'abolition des privilèges, réclamer une augmentation de leur pension ?

Que voyons-nous aujourd'hui ? Pour tous les fonctionnaires de l'ordre civil, autres que les magistrats, il y a un maximum de pension. Ce maximum a été décrété par la loi du 17 février 1849. Avant cette loi, les professeurs des universités avaient également une pension égale au taux de leur traitement. Depuis la loi de 1849, ces pensions ont été réduites à un maximum de 5,000 francs.

Aujourd'hui qu'arrive-t-il ? C'est que les plus hauts fonctionnaires, les secrétaires généraux, les directeurs des départements ministériels, les gouverneurs, les ministres eux-mêmes, s'il y avait des ministres qui eussent le bonheur d'atteindre le nombre d'années voulu, n'auraient qu'une pension de 5,000 francs.

- Des membres. - Les ministres n'ont pas droit à la pension.

M. Van Overloop. - La loi générale sur les pensions est applicable à tous les fonctionnaires qui arrivent à un certain âge et qui ont un nombre d'années de service déterminé.

Je crois que les ministres tombent sous la loi générale, que cette loi leur est applicable.

La loi spéciale sur les pensions des ministres a été abrogée, mais de là ne résulte pas que la loi générale sur les pensions ne leur soit pas applicable.

Dans l'ordre militaire seul, il y a une exception. C'est, je crois, pour les lieutenants généraux, qui, après quarante années de service, ont droit à une pension de 6,300 francs, pension qui, s'ils ont le malheur de perdre deux membres sur le champ de bataille, en défendant leur pays, peut être augmentée de moitié ; ils arriveraient ainsi au chiffre de 9,455 francs. De sorte que le lieutenant général qui aurait perdu, les deux jambes sur un champ de bataille n'aurait pas, quoique son traitement d'activité soit supérieur à celui de premier président de la cour de cassation, une pension supérieure à celle d'un conseiller de cour de cassation, n'aurait pas droit à la pension de président de cour d'appel.

Toutefois, je n'hésite pas à le dire, je crois que l'ordre judiciaire se trouve dans une position exceptionnelle et que, par conséquent, les traitements de même que les pensions de la magistrature doivent être réglementés d'une façon exceptionnelle.

Les magistrats ne peuvent pas dignement, comme les autres fonctionnaires, chercher dans des occupations étrangères à leur emploi des ressources pour leur vieillesse.

La loi de 1867 est-elle de nature à nuire à la bonne administration de la justice ? C'est bien là la question capitale. La section centrale, naturellement, n'a pas eu à sa disposition les éléments nécessaires pour résoudre cette question, mais des craintes très sérieuses se sont manifestées à ce sujet dans son sein. On a dit : Le décret impérial du 1er mars 1852, dont la loi de 1867 n'est que la copie, a produit en France des résultats déplorables.

Si je ne me trompe, la proposition de suspendre ce décret, quant à la limite d'âge, est déposée en ce moment à l'assemblée nationale.

M. Nothomb. - Vous ne vous trompez pas.

M. Van Overloop. - Eh bien, messieurs, on s'est dit, en section centrale, que l'intérêt de l'administration de la justice exige qu'on prévienne en Belgique les graves inconvénients qui sont signalés en France.

De quoi se plaint-on en France ? Le décret de 1852, dit-on, éloigne de leurs sièges des magistrats distingués, ayant cette longue expérience, cette connaissance approfondie des hommes et des choses, si nécessaires à celui qui est appelé à la redoutable fonction de juger ses semblables, des magistrats ayant le calme, l'impartialité, la modération, la science, toutes qualités sans lesquelles on ne saurait être un magistrat consommé.

Or, messieurs, on n'a qu'à ouvrir le tableau annexé au rapport de la section centrale, pour être convaincu que les mêmes résultats se produisent déjà en Belgique.

De quoi se plaint-on encore et de quoi se plaint-on surtout en France ? De l'esprit de convoitise, de l'ambition démesurée d'avancer qui s'est développée d'une manière néfaste dans la magistrature.

Le même esprit ne s'est-il pas également manifesté en Belgique ? Qui ignore les compétitions qui se sont produites dans plusieurs de nos corps judiciaires, par suite de la mise à la retraite forcée des magistrats pour cause d'âge ? Je me garderai d'entrer dans des détails sous ce rapport, je craindrais de porter, sans nécessité absolue, atteinte au prestige dont il est si utile que les magistrats soient entourés.

Qu'on y prenne garde, car les abus que Damhouder signalait au XVIème siècle pourraient bien renaître au XIXème siècle.

J'ai lu, messieurs, dans le Bulletin de l'Académie, un travail sur la pratique criminelle de Damhouder et les ordonnances de Philippe II, travail fait par le savant professeur de l'université de Gand, M. Haus, et que je voudrais voir entre les mains et des juges en titre et de tous ceux qui aspirent à le devenir.

Je ne veux pas abuser des moments de la Chambre, mais je lui demanderai la permission d'insérer aux Annales parlementaires un extrait de ce travail. (Oui ! oui !) [extrait repris en note de bas de page et non inséré dans la présente version numérisée.]

Il importe avant tout, messieurs, que les fonctions judiciaires soient considérées comme une charge, mot qui implique l'idée morale de devoir, et non pas comme une place, mot qui implique l'idée matérielle d'un avantage personnel.

Ces observations justifient les conclusions de la section centrale. A quoi tendent-elles ? Uniquement à appeler l'attention du gouvernement et des hommes compétents sur les conséquences de la loi de 1867. Je suis heureux que déjà ces conclusions aient produit de l'effet. Ainsi, l'honorable M. Guillery, qui est sans doute un homme très compétent dans cette matière, l'honorable M. Guillery, qui a voté la loi de 1867, regrette déjà ce vote, et l’attention du gouvernement a été éveillée, comme le constate le discours de l'honorable ministre de la justice.

(page 612) J'espère, messieurs, que le désir exprimé par l'honorable M. Guillery ne tardera pas à devenir une réalité et qu'on verra bientôt disparaître de nos lois une disposition que je considère de plus en plus comme contraire au texte et à l'esprit de notre pacte fondamental.

La section centrale n'a pas cru devoir demander immédiatement l'abrogation de la loi de 1867, malgré le caractère inconstitutionnel qu'elle lui reconnaît. Et pourquoi ? D'abord pour les motifs déjà développés par les honorables MM. de Theux et Cornesse ; ensuite, parce que, si la disposition que je combats est inconstitutionnelle en principe, ce vice disparaît, en grande partie, dans l'application.

Il faut, ajouterai-je, ne pas porter légèrement atteinte au principe salutaire de la stabilité des lois. On s'exposerait à tomber dans le désordre qui a signalé les premières années de la révolution française de 89.

Je termine, messieurs, en appelant l'attention de la magistrature sur une considération nouvelle qu'a fait valoir l'honorable M. Cornesse. D'après M. Cornesse, l'honorable M. Bara aurait rendu un mauvais service à la magistrature parce qu'en faisant décider que les juges ne sont plus nommés à vie, mais jusqu'à 70, 72 ou 75 ans, il a fait reconnaître à la législature le droit de diminuer cette limite d'âge. (Interruption.) C'est évident ! Si le législateur a pu dire que les mots sont nommés à vie signifient sont nommés jusqu'à 70, 72, 75 ans, pourquoi ne pourrait-il pas réduire cet âge ?

II pourra donc, en supposant la loi de 1867 constitutionnelle, arriver, d'une part, que le législateur diminuera l'âge de la retraite et, d'autre part, le taux des pensions.

N'a-t-on pas vu la loi du 17 février 1849 porter au maximum de 5,000 francs la pension d'éméritat des professeurs des universités, qui, auparavant, avaient, eux aussi, une pension égale à leur traitement ? Pourquoi ne pourrait-on pas appliquer une règle analogue à l'éméritat des magistrats ? Sous ce rapport, je trouve que l'observation finale faite par l'honorable M. Cornesse est frappée au coin de la vérité et du bon sens.

Voilà tout ce que j'avais à dire, messieurs, pour répondre à l'observation, d'ailleurs bienveillante, que l'honorable M. Bara a présentée au sujet du rapport de la section centrale.

M. Vleminckx. - Je voulais saisir l'occasion de la discussion de l'article dont il est question pour appeler l'attention de la Chambre sur le dossier déposé par M. le ministre de la justice relatif aux visites domiciliaires qui ont eu lieu pour les affaires Langrand, dossier qui justifie complètement la magistrature et qui la disculpe des attaques dont elle avait été l'objet de la part de M. Dumortier. Mais, à la demande de M. le ministre de la justice, j'ajournerai mes observations à ce sujet, afin que son budget puisse encore être voté aujourd'hui même.

Articles 6 à 11

« Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 2608,450. »

- Adopté.


« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,500. »

- Adopté.


« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 761,800. »

- Adopté.


« Art. 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 24,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,588,500.

« Charge extraordinaire : fr. 900. »

M. le président. - M. le ministre de la justice propose par amendement de réduire de 900 francs les charges extraordinaires de cet article.

- L'article, ainsi amendé, est adopté.


« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 913,500.

« Charge extraordinaire : fr. 500. »

M. le président. - M. le ministre propose une augmentation de 4,500 francs qui résulte de rétablissement de la justice de paix du canton de Dison ; elle comprend le traitement éventuel d'un juge de paix et le traitement du greffier.

- L'article, ainsi amendé, est adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Articles 12 à 15

« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 21,100.

« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »

- Adopté.


« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 42,500. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

Chapitre IV. Frais de justice

Articles 16 et 17

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police. (Crédit non limitatif.) : fr. 700,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Traitements des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 13,500.

« Charge extraordinaire : fr. 9,408. »

- Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Construction, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir des locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 155,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. - Publications officielles

Article 19

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, et travaux accessoires : fr. 210.000. »

M. Sainctelette. - Deux mots sur la partie non officielle du Moniteur. On y rencontre presque chaque jour des documents empruntés aux journaux français ou des documents qui circulent dans le pays sous une autre forme. C'est ainsi qu'il y a quelques jours la partie non officielle du Moniteur nous donnait le compte rendu de la Banque Nationale à ses actionnaires venant à la suite du rapport annuel de la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale.

Ces comptes rendus sont cependant publiés séparément à un très grand nombre d'exemplaires. Ils sont distribués aux membres des Chambres et aux membres de bien d'autres assemblées encore. MM. les actionnaires de la Banque et de la Société Générale peuvent aisément se procurer ces documents. En tous cas, ces frais de publication ne doivent pas incomber au Moniteur.

Je citerai, d'autre part, parmi les publications de peu d'intérêt faites par notre organe officiel, le compte rendu d'une conférence faite à Paris par M. Legouvé sur la photographie.

J'avoue que je ne comprends pas ce que de semblables articles, si spirituels qu'ils soient d'ailleurs, viennent faire dans la partie non officielle du Moniteur.

Il me semble qu'il y aurait un effet beaucoup plus utile à obtenir de cette publication. Ce serait de substituer aux reproductions dont je viens de parler la publication des lois étrangères les plus importantes et notamment de celles qui règlent les matières en discussion soit dans les Chambres, soit ailleurs.

Ainsi, dans quelques jours nous discuterons le projet de loi relatif à la prorogation du privilège de la Banque Nationale.

Il serait intéressant pour nous d'avoir sous les yeux le texte officiel, exactement traduit, des lois organiques de la Banque de France, de la Banque d'Angleterre et de la Banque d'Italie.

Sur une foule d'autres questions, loin d'avoir les documents parlementaires des autres pays ou une analyse exacte des discussions, nous n'avons pas même les textes qui nous sont le plus nécessaires.

Ainsi, pour le code de commerce, nous sommes, pour la plupart, dans l'ignorance des textes en vigueur en Allemagne et en Angleterre.

Dans quelques jours, nous allons discuter le titre de la Lettre de change.

Le projet belge a été rédigé d'après la loi allemande, qui elle-même a été formulée sur un travail des plus intéressants émané de la conférence des juristes allemands à Leipzig.

Il me semble qu'à l'aide d'un ou de deux traducteurs, on pourrait se servir de la partie non officielle du Moniteur pour faire connaître les lois et les documents étrangers qu'il n'est pas en notre pouvoir de nous procurer aisément, tandis que les brochures et les journaux belges passent sous nos yeux.

Je signale donc à M. le ministre de la justice l'utilité qu'il y aurait à modifier de ce point de vue les dispositions de la partie non officielle du Moniteur.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Messieurs, je prendrai note des observations de l'honorable M. Sainctelette et, sans précisément consentir à transformer la partie non officielle du Moniteur en une sorte de Moniteur universel de la législation de tous les pays étrangers, (page 613) j'espère que, dans une certaine mesure, il pourra être fait droit aux observations de l'honorable membre.

- Adopté.

Articles 20 à 22

« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 23,300. »

- Adopté.


« Art. 22. Traitements et indemnités d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois : fr. 14,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 23 à 26

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux ou à leurs veuves et enfants mineurs, qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours par suite d'une position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Article 27

« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 318,200. »

M. Bouvier. - Messieurs, des habitants de Laeken ont adressé, à différentes reprises, des pétitions à la Chambre pour demander que l'église dédiée à la reine soit enfin livrée au culte.

Il y a quelque vingt ans que les travaux de cette église ont été entamés ; à l'heure qu'il est, elle n'est point achevée. Je ne sais combien il s'écoulera encore de lustres pour arriver au complet achèvement de ce monument.

Les habitants de Laeken se plaignent avec d'autant plus de raison que le conseil de fabrique de l'église de Laeken néglige de faire la réparation nécessaire pour entretenir l'ancienne église, dans l'espoir quelles travaux de la nouvelle église s'achèveront enfin un jour.

Je demanderai à l'honorable ministre de la justice de bien vouloir nous donner quelques explications et de nous dire si la nouvelle église pourra bientôt être livrée au culte.

M. Demeur. - En parcourant les développements du budget de la justice, je suis frappé de voir que, lorsqu'il s'agit des membres de la magistrature, on indique en détail et le nombre et le traitement des magistrats et que, lorsqu'il s'agit du budget des cultes, on n'indique, pour le traitement du clergé supérieur du culte catholique, qu'un chiffre global de 318,200 francs et, pour celui du clergé inférieur, qu'un chiffre global de 4,250,000 francs. Il n'y a ici aucun détail, de telle sorte que nous ne savons pas comment ces sommes sont réparties.

Je demande pourquoi l'on procède différemment lorsqu'il s'agit des membres du clergé et lorsqu'il s'agit des fonctionnaires. Cela s'explique d'autant moins qu'il y a une vingtaine d'années, on annexait au budget de la justice une note indiquant le détail des sommes dont je parle en ce moment.

M. le ministre de la justice vient de déposer le projet de budget pour l'année 1873 : je pense qu'il ne verra aucun inconvénient à publier, comme annexe à ce budget, le détail que je demande.

Ceci dit, je me permettrai de demander à l'honorable ministre s'il ne croit pas devoir prendre des mesures pour mettre fin à des irrégularités qui se commettent dans le payement du traitement des membres du clergé ; ces irrégularités sont de plusieurs sortes. Vous savez, messieurs, que, d'après la législation en vigueur, le traitement des membres du clergé varie selon l'âge, du moins pour un grand nombre d'entre eux. A un certain âge, le traitement est augmenté de 100 ou 150 francs ; or, pour obtenir cette augmentation, il se fait que des membres du clergé indiquent un âge inexact. (Interruption.)

M. Bouvier. - Ce n'est pas loyal.

M. Demeur. - Par exemple, un curé qui a 50 ans dira qu'il en a 55 et arrivera ainsi à obtenir l'augmentation d'appointements, plus tôt qu'il n'y a droit ; ce n'est pas là un fait isolé, il se présente fréquemment, et ce n'est pas sans difficulté qu'on arrive à faire restituer les sommes indûment reçues ; c'est ainsi, pour citer un exemple, que tel curé a déclaré être né en 1782, tandis qu'il était né en 1802 ; il est arrivé ainsi à toucher l'augmentation de traitement vingt années avant le jour où il y avait droit. (Interruption.)

Il y aurait un moyen bien simple, me semble-t-il, d'empêcher cette fraude ; ce serait de faire produire l'acte de naissance chaque fois qu'il y a augmentation de traitement ; et je me demande comment une idée si simple n'est pas venue à l'esprit des ministres de la justice qui se sont succédés et auxquels ces abus ont été signalés depuis longtemps.

Voilà un genre de fraude ; il y en a d'autres.

D'après la législation en vigueur, lorsqu'une cure est vacante, celui qui en remplit provisoirement les fonctions a droit de toucher le traitement attaché à la place vacante intégralement pendant trois mois.

Le cumul des traitements est admis pour cette période de trois mois. Mais à l'expiration des trois mois, si la place vacante continue à être occupée par une personne qui jouit déjà d'un autre traitement, le traitement attaché à la place vacante est réduit de plein droit de moitié.

Eh bien, voici ce qui se passe. Quand on nomme à une place vacante un curé qui remplit déjà une première fonction, on laisse la place vacante pendant un an, deux ans, trois ans, et bien que celui qui occupe provisoirement la place vacante n'aie plus droit qu'à la moitié du traitement y attaché, il continue néanmoins à percevoir la totalité du traitement. Il y en a qui ont touché comme cela pendant cinq ans un traitement auquel ils n'avaient pas droit ou du moins qui ne leur était dû que pour moitié.

Le moyen de parer à cette fraude sera peut-être moins facile que dans le cas que j'ai indiqué tout à l'heure.

Mais enfin je demande à M. le ministre de la justice s'il ne croit pas devoir prendre des mesures pour la faire cesser.

Des fraudes de cette nature ont été aussi indiquées aux différents ministres de la justice qui se sont succédés depuis plusieurs années.

Il y a, messieurs, à l'article 29 du budget de la justice un chiffre qui m'a frappé lorsque je l'ai comparé aux chiffres correspondants qui sont indiqués dans les budgets antérieurs. L'article 29 porte :

« Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 7,710 francs, pour revenu des cures : fr. 4,250,000. »

Il est ici alloué 4,250,000 francs pour les traitements, mais il y a à déduire 7,710 fr. de revenus des cures. Ce dernier chiffre précédemment était plus élevé. Il y a trois ans, il s'élevait à près de 8,914 fr. et lorsque je remonte à quarante ans, je vois qu'il a toujours plutôt diminué qu'augmenté : je ne m'explique pas cela. Ce revenu provient en grande partie de biens immeubles ; or il est de notoriété publique que le revenu des immeubles tend à s'accroître et certainement, on peut dire que, depuis 1830, le revenu des immeubles a doublé.

Cependant la somme renseignée comme revenu des cures est moindre aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a quarante ans. Je suis convaincu qu'ici encore il y a des fraudes.

M. le ministre de la justice peut les constater, notamment dans un cas où une compagnie de chemin de fer ayant exproprié une parcelle de terre le prix de l'expropriation a été touché par le curé comme s'il en avait été personnellement le propriétaire, et ce n'est que plus tard qu'on a pu faire restituer la somme aux héritiers. Pourquoi ces fraudes se commettent-elles et n'y a-t-il pas moyen de les empêcher ?

Il y a un moyen, c'est de faire dresser, d'après les titres, une liste complète et détaillée des biens et des revenus des cures, et de rendre ainsi le contrôle possible.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Messieurs, je suis heureux d'annoncer à l'honorable M. Bouvier qu'il n'est plus question de lustres ni même d'années et qu'avant peu de mois l'église de Laeken sera livrée au culte. Les travaux sont achevés, à part quelques travaux intérieurs d'ameublement. Une correspondance est entamée avec le conseil de fabrique pour régler les conditions de la remise de l'édifice. J'ai tout lieu (page 614) de croire que le service religieux pourra y être célébré dans le courant de l'été.

Un mot de réponse maintenant aux observations présentées par l'honorable M. Demeur.

Il s'étonne de ce que les développements du budget ne fournissent aucun détail sur la composition du personnel du clergé, à la différence de ce qui existe pour le personnel de l'ordre judiciaire.

Les éléments de ce travail doivent exister au département de la justice et je ne vois aucun inconvénient à faire publier, en forme d'annexé au budget de 1873, les renseignements que réclame l'honorable membre.

L'honorable M. Demeur a abordé un autre ordre d'idées. A ses yeux, du moins je dois le conclure de ses observations, tout revêt un caractère de fraude, dès l'instant où le clergé se trouve en cause : le clergé, pour majorer ses traitements, fraude en trompant l'administration sur l'âge des desservants ; il fraude en la trompant sur le nombre des cures desservies ; il fraude encore en dissimulant le montant des revenus des biens de cure.

Je crois pouvoir assurer la Chambre que toutes ces fraudes n'existent que dans l'imagination de l'honorable membre. Il n'y a pas de fraudes, et l'honorable membre lui-même vient d'alléguer un fait qui à lui seul suffit à le démontrer.

Il vous a dit que les fraudes ne sont pas nouvelles, qu'elles sont depuis longtemps signalées aux ministres de la justice.

Or, je ne sache pas que le ministère de la justice ait été occupé par de si chauds partisans du clergé qu'il soit possible d'admettre que les honorables prédécesseurs de M. Cornesse se soient faits des complices de la fraude ou aient fermé l'oreille aux observations qui leur étaient adressées.

La vérité est, j'y insiste, que ces fraudes n'existent point. Tout au plus peut-on relever quelques erreurs dont l'administration des cultes n'est pas plus exempte que toute autre partie de l'administration.

J'ajoute que ces erreurs ont été toujours relevées et immédiatement redressées.

En ce qui concerne l'âge tout d'abord, il n'est pas impossible qu'il soit arrivé quelquefois, mais fort rarement, que dans les états de traitement il se soit glissé quelque date inexacte. Mais ces inexactitudes étaient-elles le fait du prêtre qui devait en profiter ? L'erreur n'a-t-elle pas été commise plutôt par l'une ou l'autre des administrations entre les mains desquelles passent les états ? Est-elle autre chose qu'une simple erreur de transcription ?

L'honorable membre ne contestera pas, au surplus, que l'erreur une fois découverte, le remboursement des sommes indûment perçues n'ait été opéré immédiatement et sans aucune résistance. De quel droit, dès lors, vient-on parler de fraude ?

Il n'y en a pas davantage quant aux doubles traitements.

Voici la vérité. Des arrêtés royaux du 15 février 1815 et du 22 octobre 1816 autorisaient le cumul des traitements n'excédant pas 300 florins des Pays-Bas.

Jusqu'en 1863, il a toujours été fait application de ces arrêtés aux traitements des membres du clergé comme aux traitements des autres fonctionnaires publics.

Le 30 mars 1836 et le 27 août 1837, intervinrent deux autres arrêtés qui, modifiant la règle ancienne en ce qui concerne les membres du clergé, établirent le principe nouveau indiqué par l'honorable membre, à savoir : le payement du traitement entier pendant le premier trimestre, de la moitié du traitement après ce terme. Mais ces arrêtés royaux n'ont pas reçu de publication régulière.

Or, il semble que l'administration, soit, qu'elle ait considéré ces arrêtés comme n'ayant pas abrogé les premiers, soit qu'elle les ait perdus de vue, a continué à se conformer aux dispositions des arrêtés de 1815 et de 1816. Après 1863, des observations ont été faites, et depuis cette époque une jurisprudence nouvelle s'est introduite. Seulement il se présente encore quelques cas isolés de double emploi.

C'est ainsi qu'en 1870 on a pu en compter jusqu'à quatre ! Mais ces erreurs ont été relevées et les restitutions immédiatement opérées.

On conçoit fort bien que si, de 1836 à 1863, l'administration a pu suivre les errements que j'indique sans qu'il soit venu à l'esprit de personne de réclamer, il est parfaitement permis à un curé de village, qui ne doit pas être un légiste, de commettre la même erreur et de se croire soumis à la règle commune. Où donc encore une fois se trouve la fraude ?

Reste la troisième accusation. Elle est relative aux biens de cure. Comment se fait-il, dit l'honorable membre, qu'alors que les revenus des biens fonciers augmentent toujours, le chiffre porté au budget pour revenus des biens de cure, va au contraire en diminuant ? L'explication de ce fait n'est pas bien difficile,

Chaque fois que l'on s'est occupé de dresser des états des biens de cures, d'examiner les titres, on est arrivé à la découverte de charges de messes, obits ou anniversaires. De là nécessité de remettre aux fabriques les biens ainsi grevés et dont jusque-là avaient joui les curés, et partant diminution du chiffre global des revenus figurant au budget en déduction des traitements.

L'honorable membre a parlé d'un relevé général de tous les biens de cures à dresser avec titres à l'appui. Semblable travail n'est pas sans difficulté ; il a été entrepris en 1846, et terminé en 1850.

C'est d'après les données recueillies alors qu'a été fixé le chiffre qui a figuré au budget depuis cette époque.

Convient-il de reprendre cette œuvre ?

Peut-être, mais je ne crains pas de prédire à l'honorable membre qu'elle n'aura d'autre résultat que d'amener une diminution nouvelle du chiffre de 7,710 francs qui figure au budget actuel.

J'espère que ces explications paraîtront suffisantes à l'honorable membre.

M. Demeur. - La Chambre pense bien, sans doute, que je n'ai pas avancé les faits que j'ai signalés sans avoir les preuves en mains. Il ne paraît pas, du reste, que M. le ministre de la justice conteste ces faits ; au lieu du mot « fraude » il s'est servi du mot « erreur » et il a discuté le nombre de ces erreurs.

Mais je vous avoue franchement que je n'ai pas hésité à employer le mot « fraude » lorsque j'ai vu des gens se tromper sur leur âge ! Une erreur de ce genre me paraît d'une difficulté extrême ; il me semble inadmissible que l'on puisse dire par erreur : J'ai 60 ans et j'ai droit, par conséquent, à un traitement supplémentaire.

Aussi, j'ai mis, de mon propre mouvement, le mot « fraudes » à la place du mot « erreurs » qui se trouve dans le cahier d'observations de la cour des comptes, car ce que j'ai dit tout à l'heure, la cour des comptes le signale, depuis longtemps, au ministère de la justice.

Voici ce qu'elle dit dans son dernier rapport distribué au mois de juin dernier.

« Conformément à l'article 23 de la loi du 15 mai 1846, les dépenses fixes, telles que traitements, abonnements, pensions, sont ordonnancées par le ministre des finances sur les états collectifs que lui transmettent les départements d'administration générale.

« La vérification que la cour fait de ces dépenses démontre que, sauf en ce qui concerne les traitements des ministres des cultes, les pièces sont généralement bien établies.

« Fréquemment et depuis plusieurs années déjà, la cour a inutilement appelé l'attention spéciale du chef du ministère de la justice, non seulement sur le grand nombre d'irrégularités qui se commettent dans la liquidation des prédits traitements, mais aussi sur la négligence qui est apportée, au redressement des erreurs signalées.

« L'envoi tardif des pièces à la cour est d'ailleurs cause que les irrégularités se produisent plusieurs trimestres de suite avant de pouvoir être signalées à ceux qui les commettent.

« Les erreurs se rencontrent souvent dans l'application de l'arrêté royal du 30 mars 1836 dont l'article 4 porte :

« Le desservant provisoire d'une cure, succursale ou chapelle a droit au traitement attaché à la place vacante jusqu'au premier jour du mois qui suivra la nomination du nouveau titulaire.

« Toutefois, s'il reçoit un traitement de l'Etat à raison d'une autre place de curé, de desservant ou de chapelain, il n'a droit à l'intégralité du traitement attaché à la place vacante que pendant les trois mois qui «suivent sa nomination. Après ce terme, il jouit de la moitié de ce traitement. »

« Comme on le voit, le deuxième traitement de celui qui remplit de doubles fonctions sacerdotales doit être réduit de moitié à partir du quatrième mois de leur exercice, et c'est dans l'omission des réductions que beaucoup d'erreurs consistent. »

Voilà donc un premier point, et j'ajoute, ce qui n'est pas dit ici, que la même personne a touché ce double traitement, parfois pendant cinq ou six ans. C'est là un fait que M. le ministre de la justice ne méconnaîtra pas.

La cour ajoute :

« Une autre cause d'irrégularités réside dans la mention inexacte des dates de naissance, dont il a fallu réclamer l'indication dans les états collectifs, pour pouvoir s'assurer de la juste application de l'arrêté royal du 28 mai 1863, pris en exécution de la loi du 22 du même mois et accordant des traitements différentiels, selon leur âge, aux curés de 2ème classe, aux desservants et vicaires.

(page 615)

« C'est ainsi, par exemple, qu'un desservant né en 1802, mais dont la naissance était indiquée comme remontant à 1782, a touché indûment, pour une période de plusieurs années, une somme de 625 francs dont il a fallu lui réclamer le remboursement.

« Le montant des sommes signalées par la cour pendant les années 1870 et 1871 seulement, comme mandatées en trop, ne s'élève pas à moins de 5,000 francs. »

L'augmentation du traitement à raison de l’âge étant tantôt de 100, tantôt de 150 francs, cela fait près de 50 erreurs commises par diverses personnes sur leur âge, et il faut noter que la cour des comptes n'est pas mise à même de constater toutes les erreurs qui se commettent en ce point. Evidemment, rien ne serait plus simple que de demander la production de l'acte de naissance en même temps que l'augmentation de traitement est demandée, et je ne comprendrais pas pourquoi le ministre de la justice se refuserait à le réclamer.

Quant aux revenus des biens de cures, la cour des comptes en réclame depuis quatre ans une liste complète, et cette année elle s'exprime en ces termes :

« Puisque, suivant les dispositions sur la matière, il faut défalquer des rémunérations des ministres du culte catholique les revenus de cure dont les intéressés sont en jouissance et que la cour avait remarqué que, de ce chef également, il se produisait des omissions et irrégularités, elle demande, mais inutilement, depuis quatre ans, une liste complète et détaillée, faite sur titres, de ces revenus.

« La cour espère que bientôt cette pièce pourra lui être fournie comme aussi que l'honorable chef du département de la justice prendra enfin des mesures propres à ramener la régularité dans le payement des traitements des membres du clergé. »

Je n'ajouterai qu'un mot pour répondre à ce qui a été dit par M. le ministre de la justice en ce qui concerne la diminution des revenus de cures. Je comprends très bien, messieurs, que des erreurs puissent avoir été commises à l'origine dans l’établissement des biens des cures et que, revenant sur ces erreurs, on ait attribué aux fabriques certains avantages qui leur revenaient à charge de ces biens. Mais il n'en est pas moins vrai que si le revenu a pu diminuer parfois de ce chef, ce revenu doit néanmoins naturellement augmenter, sinon chaque année, au moins au bout d'un certain nombre d'années, et l'explication donnée par M. le ministre de la justice ne peut évidemment pas justifier une diminution constante.

J'ajoute que la liste détaillée des revenus est une chose bien simple à faire. J'apprends avec surprise qu'on a tenté ce travail en 1846 et qu'on a dû le suspendre à raison des difficultés auxquelles il a donne naissance. Je ne comprends pas que l'on refuse à la cour des comptes les documents qu'elle demande pour accomplir sa mission. Si les titres donnent des droits nouveaux aux fabriques, je ne m'en plaindrai pas ; à chacun ses droits. Mais la chose la plus élémentaire pour un propriétaire, c'est de dresser la liste des titres de ses biens, et je demande si l'Etat, en cette circonstance, doit se conduire différemment du propriétaire le moins soucieux de ses intérêts.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Ce sont donc les observations de la cour des comptes que l'honorable membre a reproduites devant vous, avec cette seule modification que là où la cour des comptes voit une erreur, il tient, lui, à trouver une fraude.

Je suis obligé de revenir sur cette accusation de fraude, que je repousse absolument.

La fraude principale, la plus évidente d'après lui, c'est celle qui consiste dans la mention inexacte de l'âge. Je ne connais qu'un seul fait de cette nature, celui-là même auquel l'honorable membre a fait allusion : la substitution de la date de 1782 à celle de 1802.

Mais je ne sais pas et je ne pense pas que l'honorable membre sache plus que moi par qui cette mention a été faite. Est-elle l'œuvre du desservant ? Est-ce une erreur de transcription ? C'est ce qu'il faudrait éclaircir avant de parler de fraude. Et encore se trouverait-on toujours en présence d'un cas unique.

Quant au double traitement, j'ai donné tout à l'heure l'explication, et le chiffre de 5,000 francs ne serait certainement pas un chiffre énorme, si on le met en regard du grand nombre de prêtres qui se trouvent dans le cas où un double traitement peut être perçu.

Mais j'ajouterai que ce chiffre se réduit encore singulièrement, si l'on tient compte de cette circonstance qu'il est le résultat d'une révision générale et ne se rapporte pas à un seul exercice, C'est ainsi qu'on est arrivé au chiffre de 5,000 francs. Mais, je le répète, pour 1870, quatre erreurs seulement ont été constatées.

Quant aux biens des cures, je n'ai pas dit qu'on a tenté, de 1846 à 1850, de faire un travail, auquel il a fallu renoncer.

J'ai dit au contraire que c'est à la suite du travail fait à cette époque que le chiffre des revenus des biens des cures a été déterminé.

Le travail nouveau qu'il réclame n'aura, je le crains bien, d'autre résultat que d'amener une diminution nouvelle, parce qu'on ne manquera pas de découvrir encore des biens de fondation qu'il faudra rendre aux fabriques.

M. Bouvier. - Je remercie M. le ministre de la justice de l'explication qu'il vient de donner ; j'apprends avec plaisir que l'église de Laeken sera livrée au culte dans le courant de l'été de la présente année. Je prends acte, comme on dit au barreau, de la promesse qu'il vient de nous faire et j'aime à croire qu'il ne la laissera pas protester.

- L'article 27 est adopté.

Articles 28 et 29

« Art. 28. Bourses et demi bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »

- Adopté.


« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 7,710 francs pour revenus de cures : fr. 4,250,000. »

- Adopté.

Article 30

« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'église, pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 469,000.

« Charge extraordinaire : fr. 256,000. »

M. Julliot. - Messieurs, les fonds votés pour bâtisses d'églises sont parfois dépensés d'une manière assez irrégulière.

Toutes les provinces ont un architecte provincial ; dans quelques provinces, l'architecte provincial reçoit un traitement fixe convenable et rien au delà ; dans d'autres provinces, l'architecte a un traitement moins élevé, mais il perçoit un tantième sur toutes les sommes dépensées ; ce système est des plus vicieux et ruineux pour les communes.

Si on veut comparer ce qui se passe dans les unes et les autres, on remarque que dans les premières les devis en général sont assez exactement faits, tandis que dans les secondes les devis la plupart de temps sont dépassés et de beaucoup.

Dans une section centrale où je me trouvais, on a émis le vœu que l'architecte ne toucherait plus de tantième sur toute somme dépassant le devis, mais un vœu n'est pas une loi, et si on veut conserver le système vicieux des tantièmes, on doit prescrire cette mesure par arrêté royal.

Mais cela ne serait qu'un palliatif, il faut attaquer le mal à sa racine et s'arrêter à un traitement fixe et vous n'aurez plus le scandale de l'église de Sainte-Marie, de celle de Laeken, du palais de justice et de quelques centaines d'autres moins importantes.

Par exemple à Gilly, dans le Hainaut, où l'architecte reçoit un traitement fixe de 6,500 francs, on dépense en construction d'une église convenable pour 5 à 6 mille âmes de population, 60,000 francs ; dans une autre province, où règne le régime du tantième, on fait pour une commune d'un millier d'âmes, un devis de 75,000 francs ; cette somme est dépensée et il en faudra encore autant pour achever l'œuvre.

La commune est à bout de ressources, la province n'est pas prête à d'autres sacrifices, ni l'Etat non plus.

Dieu sait quand ce temple sera achevé ! Si les fonds n'étaient pas gaspillés, on pourrait satisfaire à un plus grand nombre de besoins.

Je connais d'autres communes où on a constaté de grandes erreurs dans le métré de la maçonnerie.

Bref, le système des tantièmes est vicieux : c'est un chancre pour les finances communales, provinciales et gouvernementales, et il faut l'extirper.

Car, si dans ce système j'étais architecte provincial, je ne dis pas que je le ferais, je dis encore moins qu'on le fait, mais je dis que, dans cette position, je serais tenté, en faisant mon plan, de me poser la règle de trois et de me dire : Si 20,000 francs me donnent 1,000 francs, combien me donneront 40,000 francs. C'est-à-dire que j'aurais beaucoup plus pour objectif la somme à dépenser que les véritables besoins de la commune ; il en est de même pour les écoles.

Puis, messieurs, vient la commission des monuments avec ses correspondants, tous désireux de donner signe de vie, et ceux-ci découvrent un peu partout des monuments qu'ils désignent à la commission.

Cette commission, n'ayant pas à consulter les ressources, cherche le beau et ruine avec de très bonnes intentions nos communes.

En ce moment, on prête à quelques membres de cette commission un projet colossal pour ma ville natale.

On dit qu'on est d'avis que la tour de Notre-Dame de Tongres, qui a 48 mètres d'élévation en maçonnerie, doit recevoir une ajoute également en (page 616) maçonnerie de 58 mètres, et cela sur des fondations appropriées au poids actuel, et qui déjà ont dû être réparées et fortifiées.

Or, j'ai trop bonne opinion de mes compatriotes et du conseil communal de Tongres, pour croire qu'ils donneront dans cette passion monumentale.

Car, quoique désireux de reposer en terre bénite, je n'ai pas la prétention de me faire enterrer à l'église avec une foule de mes concitoyens, ce qui ne manquerait pas d'arriver si le projet était réalisé.

Je conclus. Je conviens qu'il est difficile de prévenir toutes les irrégularités, mais le gouvernement doit examiner de près les propositions qui lui sont faites.

Il me semble que le mode à adopter serait celui-ci :

La province donnerait un traitement fixe et convenable à l'architecte provincial chargé de surveiller les travaux.

La commune, pour faire le plan, désignerait l'architecte qu'elle veut. La députation permanente, aidée par les architectes qu'elle désignerait, recevrait les bâtisses faites.

Avec ces précautions, on pourrait échapper aux inconvénients que j'ai signalés et qui empêchent la satisfaction d'un plus grand nombre de besoins.

Avis aux députations permanentes où fleurit le régime des tantièmes ! Ce sujet me semble digne de leurs méditations.

Je conviens que le contrôle rigoureux dans ces matières est délicat, mais en ce qui me concerne, quand on a l'honneur de représenter des commettants, on doit savoir défendre leurs intérêts contre les abus et c'est ce que je fais ; et j'engage M. le ministre de la justice à vouloir y obvier par des mesures utiles.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je ne puis que promettre à l'honorable M. Julliot de faire étudier les questions dont il vient d'entretenir la Chambre.

- L'article 30 est mis aux voix et adopté.

Articles 31 à 37

« Art. 31. Culte protestant et anglican (personnel) : fr. 69,336. »

- Adopté.


« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 13,000. »

- Adopté.


« Art. 33. Culte israélite (personnel) : fr. 11,220. »

- Adopté.


« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »

- Adopté.


« Art. 35. Subsides aux provinces, communes et consistoires pour construction d'édifices consacrés aux cultes protestant et israélite ; charge extraordinaire : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 11,000. »

- Adopté.


« Art. 37. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Etablissements de bienfaisance

M. M. de Zerezo de Tejada. - A l'occasion du chapitre IX du budget qui nous occupe, je demanderai à l'honorable ministre de la justice s'il ne lui serait pas possible de déposer pendant cette session un nouveau projet de loi sur le domicile de secours.

La loi actuelle est vraiment intolérable, et M. le ministre de la justice doit savoir mieux que personne combien de plaintes et de réclamations fondées s'élèvent contre elle.

Cette loi est surtout fort onéreuse et une cause de ruine pour les communes rurales qu'elle astreint à des charges accablantes, tandis qu'elle constitue un privilège exorbitant pour les villes et principalement pour les grandes villes. Celles-ci absorbent, tous les ans, une bonne partie de la jeunesse des campagnes, hommes et femmes, qui vont s'y mettre en condition, ou y travailler comme ouvriers et ouvrières de fabrique.

Il est plus que rare, en revanche, qu’on voie des citadins aller s'installer dans une commune rurale pour y faire œuvre de leurs mains et y rendre des services.

Sous ce rapport donc, absence complète de réciprocité, et l'on a pu dire avec vérité que les villes attirent à elles la sève des campagnes pour la leur rejeter lorsqu'elle est épuisée et corrompue. Cet état de choses offre, entre autres inconvénients, des conséquences extrêmement fâcheuses au point de vue du domicile de secours.

Pour ne vous en citer qu'un seul exemple, combien de fois n'arrive-t-il pas que des individus nés à la campagne, d'une famille pauvre, ne parviennent à vivre que grâce à l'assistance que leur prêtent leur commune et ses habitants aisés ; à peine devenus adultes et aptes à se rendre utiles, ils s'empressent de quitter la modeste localité qui les a vus naître pour se transporter dans les grandes cités, où ils n'acquièrent pas le domicile de secours parce qu'au lieu d'un ou de deux ans, comme cela devrait être, il faut le laps trop prolongé de huit ans pour l'obtenir, et qu'entre autres presque toujours ils habitent alternativement la ville et ses faubourgs.

Là, s'ils se trouvent être indigents, ils sont constamment secourus par les bureaux de bienfaisance, et s'ils sont devenus malades, soit par un excès de travail, soit par des causes moins nobles, par un excès de débauche, ils font de fréquents et longs séjours dans les hôpitaux. Il s'ensuit de grandes dépenses, des frais considérables qui retombent sur leur commune natale, à laquelle on ne manque pas de s'adresser pour le remboursement des avances.

Plus tard, lorsqu'ils se font vieux et qu'ils ne sont plus capables de travailler, ils retournent souvent vers leur point de départ, c'est-à-dire au village d'où ils sont sortis et il faut alors que ce dernier se résigne à s'imposer pour eux de nouveaux sacrifices et à les entretenir jusqu'à leur dernier jour.

Il en résulte que les communes auxquelles ils appartiennent auront eu ces individus à leur charge pendant toute la durée de leur existence, sans jamais en avoir recueilli aucune espèce de service.

Je n'hésite pas à l'affirmer, messieurs, un système qui consacre de pareils abus, des injustices aussi flagrantes est mauvais, inique même, et demande impérieusement une réforme.

Mon intention n'est pas, d'ailleurs, d'examiner en ce moment quelles doivent être les dispositions législatives relativement au domicile de secours. Une pareille discussion serait prématurée et complètement hors de saison.

Je me bornerai donc à insister auprès de l'honorable ministre de la justice, afin qu'il veuille bien déposer, pendant cette session, un projet de loi réglant d'une façon plus rationnelle et plus équitable la matière dont il s'agit. Je le prierai en même temps de ne pas nous présenter une reproduction plus ou moins textuelle du projet de loi qui émane de l'honorable M. Bara. Ce n'est pas que ce dernier ne contienne des améliorations notables. Ces améliorations, je suis loin de les méconnaître, mais je ne pense pas qu'elles soient suffisantes. Dans ses points principaux, dans ses dispositions essentielles, le projet de loi de M. Bara s'écarte trop peu de la législation actuelle à laquelle il faudrait, ce me semble, apporter des modifications beaucoup plus radicales.

M. Van Cromphaut. - Arrivé au chapitre IX, je demanderai, à mon tour, à l'honorable ministre de la justice s'il compte déposer bientôt un projet de loi ayant pour but d'apporter des modifications à la loi du 22 février 1845 sur le domicile de secours. De nombreuses pétitions ont été adressées à la Chambre réclamant contre la vicieuse application de celle loi qui cause un préjudice désastreux aux communes rurales et qui donne lieu ù de nombreux abus. Le vice principal résultant de l'application de certaines dispositions provient du terme beaucoup trop long exigé pour que l'indigent puisse acquérir son domicile de secours dans la localité qu'il est allé habiter.

Je prierai l'honorable ministre de vouloir nous dire si, comme son éminent prédécesseur, il s'est occupé de cette question, et si nous pouvons compter que très prochainement il déposera un nouveau projet modifiant certaines dispositions qui jettent la perturbation dans les finances des communes rurales et qui donnent lieu à de nombreuses difficultés. Il est désirable que nous puissions porter une fin à toutes ces réclamations dans le cours de la présente session.

M. Orts. - Je n'entends pas du tout engager aujourd'hui une discussion sur la très grave question que vient de soulever l'honorable M. de Zerezo de Tejada.

Je ne puis cependant pas laisser passer, sans une protestation, l'appréciation qu'il a faite de la loi actuelle sur le domicile de secours. Quoique je sois loin de prétendre que cette loi soit parfaite, je ne puis admettre qu'elle ait été faite à l'avantage exclusif et injuste des grandes villes. Je me réserve de discuter ce point, avec l'honorable membre, au moment opportun.

En l'attendant, j'engage M. le ministre de la justice, s'il nous présente un projet de loi, à bien vouloir y ajouter une disposition qui permette aux grandes villes, qui font des avances de bienfaisance au profit des (page 617) commîmes rurales, de rentrer dans ces avances, ce qu'elles ne peuvent obtenir aujourd'hui.

M. Boulenger. - Il me semble que la Chambre ne peut refuser de m'entendre. On peut, me parait-il, discuter raisonnablement après avoir passé trois jours à des discussions plus ou moins utiles, à moins que la Chambre ne préfère étrangler la discussion du budget de la justice dans ce qu'elle a d'utile.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Boulenger. - Je voulais demander à M. le ministre de la justice s'il avait compris dans les allocations de son budget la somme nécessaire pour le parachèvement de l'hospice des aliénés de Mons.

Le gouvernement a pris une mesure excellente en reprenant cet établissement pour le compte de l'Etat ; il s'est rangé ainsi de l'avis de plusieurs membres de cette Chambre qui se sont prononcés à l'occasion de l'affaire d'Evere.

L'Etat fait sien à Mons l'établissement que les hospices y avaient construit ; c'est une bonne opération au point de vue de la bienfaisance, mais je dois soumettre à l'attention de M. le ministre quelques observations à ce sujet. Je me disposais à entrer dans d'assez longues considérations relativement à la loi de 1850 sur les aliénés, mais je renonce, vu l'heure avancée et l'impatience de la Chambre.

Toutefois il y a deux points que je dois nécessairement traiter : l'un est l'interprétation de l’article de la loi de 1850 ; il s'y trouve une disposition qui exige le visa du bourgmestre pour toute signature de personnes réclamant l'internement d'un citoyen dans un asile d'aliénés. Cette disposition a donné lieu à des difficultés d'interprétation fâcheuses. Permettez-moi de vous en signaler une qui produit hélas ! des conséquences bien terribles et bien regrettables.

Voici, messieurs, de quoi il s'agissait :

Une femme d'une commune du Hainaut avait une malheureuse enfant de 14 ans atteinte d'aliénation mentale. Elle en demanda l'internement dans une maison d'aliénées ; mats le bourgmestre, plus touché des intérêts de la caisse communale, que de la moralité publique, refusa à la mère de viser la signature du sa requête et, malgré toutes les plaintes qui furent adressées à l'autorité, ce refus fut maintenu.

Il arriva alors que les conséquences de la divagation de l'aliénée, que la malheureuse mère voulait éviter, se produisirent terribles pour son affection. L'aliénée fut victime d'attentats à la pudeur et deux jeunes hommes du village furent condamnés par le tribunal correctionnel de Mons.

Il semble que ce n'était pas assez pour le bourgmestre de la commune ; les démarches furent renouvelées pour obtenir le visa nécessaire, mais on n'obtint qu'un nouveau refus et ce ne fut qu'à l'intervention d'une personne intelligente et à un biais qu'on dut le moyen de faire interner la malheureuse aliénée.

Elle changea de résidence, on la plaça dans une commune voisine où le bourgmestre voulut bien viser la signature de la personne, du parent qui, au lieu de la mère, demandait l'internement.

Il paraît que les autorités administratives croient qu'elles ont autre chose à faire que de viser la signature de la personne qui fait la demande d'internement pour en affirmer la réalité, elles s'imaginent qu'elles ont à voir si la caisse communale permet l'internement. Cela n'est pas admissible ; aussi, serait-il désirable, messieurs, qu'il soit mis fin à cet abus par une circulaire qui invitera les autorités à se conformer à l'esprit de la loi et non à sa lettre.

Le second point que je dois signaler a moins d'importance, mais son utilité est réelle.

La commission permanente d'inspection des établissements d'aliénés n'existe plus que sur le papier, bien qu'ayant une très grande utilité, ainsi que l'ont prouvé les tristes événements d'Evere. Elle est réduite à deux membres, le président et le secrétaire, tandis qu'elle doit être de cinq membres.

J'espère que M. le ministre ne tardera pas à la compléter.

J'attire encore son attention sur les mesures à prendre pour le règlement à adopter dans l'hospice des aliénées de Mons.

J'engage M. le ministre à ne pas prendre pour type le règlement de l'établissement de Froidmont.

Là l'autorité religieuse absorbe celle du médecin de l'établissement. Le médecin y est subordonné à l'économe supérieur ; tandis que la loi fait supporter toute la responsabilité de l'établissement sur le médecin, le médecin doit être maître absolu et avoir le commandement supérieur dans l'établissement auquel il est attaché.

J'appelle encore l'attention du gouvernement sur le devoir qu'il a de ne plus remettre la nourriture et l'entretien des aliénés, à un marché à forfait passé avec une corporation quelconque. Voici à ce sujet ce que je lis dans le dernier rapport de la commission permanente d'aliénés :

« Nous avons déjà eu l'occasion de faire remarquer que si l'on veut sérieusement arriver à améliorer la condition de cette catégorie d'aliénés (les indigents), il faut que le prix de la journée d'entretien soit fixé d'après la dépense réelle qu'ils occasionnent et non d'après des chiffres approximatifs qui ne sont appuyés sur aucune espèce d'élément d'appréciation. »

Il est donc important que l'Etat revienne sur le système actuel, qui confie les soins de nos établissements à l'entreprise et que l'Etat reprenne en régie lui-même l'entretien et la nourriture des aliénés, de telle sorte que ces malheureux seront traités avec humanité., comme ils méritent de l'être. S'il faut absolument que les établissements d'aliénés soient desservis par des religieux, ce que je suis loin de blâmer dans l'état actuel de notre société, il faut que ces établissements restent réellement des asiles d'aliénés et ne deviennent pas des couvents.

J'espère que d'ici au budget prochain, le gouvernement aura réglé définitivement sa situation vis-à-vis de l'asile qu'il vient de reprendre et que j'aurai la satisfaction de voir qu'il a eu égard aux observations que je viens d'avoir l'honneur de lui soumettre, trop brièvement à mon grand regret.

M. Dansaert. - Dans la séance du 16 janvier dernier, j'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre certains faits qui s'étaient produits à Evere et qui ont causé une émotion générale. M. le ministre de la justice a bien voulu me promettre alors de prendre des mesures nouvelles.

Je demande à M. le ministre s'il a pris depuis quelques mesures et s'il ne pourrait pas les faire connaître à la Chambre.

Je rappellerai, en même temps, l'article 24 de la loi sur les établissements d'aliénés ; cet article est ainsi conçu :

« Le gouvernement présentera chaque année aux Chambres législatives un rapport sur la situation des établissements d'aliénés du royaume. »

D'après les renseignements qui m'ont été fournis et que j'ai tout lieu de croire exacts, depuis 1866 aucun rapport n'a été présenté à la Chambre. Si cela est vrai, je demanderai à M. le ministre de bien vouloir réparer cette omission.

M. Vleminckx. - Je prends la parole pour demander à l'honorable ministre de bien vouloir consigner dans les rapports dont vient de parler l'honorable M. Dansaert, un renseignement qui va être extrêmement utile. Je voudrais connaître l'influence qu'exerce sur le nombre des aliénés l'abus des boissons alcooliques. Je voudrais donc que, dans ces documents, on nous dît combien, dans chaque établissement, il entre annuellement d'individus dont l'aliénation doit être attribuée à l'abus des boissons alcooliques.

Voici ce qui me fait faire cette demande : c'est que je trouve qu'ailleurs l'excès de ces boissons produit des résultats réellement épouvantables. Voici la statistique d'une seule maison française, celle de Bicêtre : le nombre des alcooliques entrés à Bicêtre, étant de 99 en 1856, il était de 207 en 1860, de 300 environ en 1864. Le rapport des aliénations des causes alcooliques aux autres genres de folie, était de 8 p. c. au temps d'Esquirol ; en 1850, il était de 20 p. c. ; actuellement, il est de 29 p. c.

Je voudrais savoir si nous sommes arrivés à une situation aussi regrettable en Belgique.

II a été souvent question dans cette Chambre des remèdes à apporter à l'abus des boissons alcooliques et vous savez que nous avons abouti a cette malheureuse loi d'abolition du droit de débit des boissons spiritueuses qui n'est après tout qu'une loi politique.

Nous avons à voir s'il n'y a pas d'autres mesures à prendre. En France, à l'heure qu'il est, le corps législatif s'occupe d'une loi sur l'ivresse, et déjà la commission chargée de l'examen de ce projet a décidé non seulement qu'une loi pénale était légitime, mais que, dans les circonstances actuelles, elle était nécessaire.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Des négociations sont effectivement ouvertes entre l'Etat et la commission des hospices de Mons pour la reprise de l'établissement d'aliénés qui existe dans cette ville. Mais ces négociations ne sont pas assez avancées pour qu'il soit nécessaire de porter, dès à présent, une allocation au budget. Si les négociations aboutissent, nous pourrons demander un crédit spécial à la Chambre.

L'honorable M. Boulanger a appelé mon attention sur diverses dispositions de la loi de 1850, et l'honorable M. Dansaert s'est joint à lui pour me demander compte des mesures prises à la suite des faits d'Evere.

Ces faits ont occasionné une émotion trop profonde et trop légitime pour ne pas appeler, d'une manière toute particulière, mon attention sur l'exécution de la loi de 1850.

(page 618) L'honorable M. Boulenger se plaint de ce que la commission permanente d'inspection n'existe plus. C'est une erreur, elle existe et elle fonctionne. Il y aurait lieu seulement de la compléter et je ne manquerai pas de le faire.

L'honorable membre appelle aussi mon attention sur le règlement qu'il conviendra d'adopter pour la maison de Mons, et il me met particulièrement en garde contre les envahissements des religieuses, au dévouement desquelles il rend au surplus un légitime hommage. Mais nous ne possédons pas encore la maison. II est donc au moins prématuré de s'occuper du règlement.

L'honorable membre peut être bien assuré cependant que je n'ai pas plus l'intention de transformer les maisons de fous en couvents, que je n'ai le désir de voir les couvents transformés en maisons de fous.

A ce sujet, je n'admets pas le reproche que l'honorable membre adresse au règlement de la maison de Froidmont. Il n'est pas exact que ce règlement renferme des dispositions telles que l'action des fonctionnaires civils soit entravée par l'autorité des religieux qui desservent l'hospice.

L'honorable M. Dansaert demande quelles mesures ont été prises à la suite des faits d'Evere.

Je n'ai pu songer évidemment à préparer une législation nouvelle. Mais j'ai tenu la main à l'exécution très énergique des dispositions de la loi actuelle.

Tout d'abord, je me suis empressé de prescrire une visite générale et très minutieuse de tous les établissements d'aliénés. J'ai chargé de ce soin le procureur du roi de chaque arrondissement.

J'attends les rapports de ces fonctionnaires.

J'ai, de plus, à l'égard de plusieurs maisons qui ne réunissaient pas les conditions requises, pris des mesures sévères et j'ai donné à toutes les autorités, auxquelles la loi confie une part quelconque de surveillance, des instructions précises pour qu'aucune garantie ne manque aux malheureux que nous avons le devoir de protéger.

Je veillerai au dépôt prochain d'un rapport et j'espère qu'il pourra y être fait droit à l'observation de l'honorable M. Vleminckx.

- L'article est adopté.

Articles 38 à 44

« Art. 38. Frais d'entretien et de transport d’indigents dont le domicile de secours est inconnu ou qui sont étrangers au pays : fr. 160,000. »

- Adopté.


« Art. 39. Subsides : 1° à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d’aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° aux établissements pour aveugles et sourds-muets ; 4° pour secours aux victimes de l'ophtalmie militaire, qui n'ont pas droit a une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 166,,000.

« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance ; - des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents atteints de maladies d'yeux, suite de l'ophtalmie militaire ; des membres et secrétaires de la commission permanente et de surveillance générale des établissements pour aliénés, ainsi que des comités d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente d'inspection ; traitement du secrétaire de la commission d'inspection de l'établissement de Gheel, ainsi que de l'employé adjoint à ce secrétaire : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Impression et achat d'ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 42. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 43. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 44. Ecoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de dix-huit ans : fr. 230,000.

« Charge extraordinaire : fr. 50,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Prisons

M. Santkin. - La discussion du chapitre des prisons qui est libellé au budget de la justice pour 3,628,000 francs, m'engage à entretenir la Chambre du pénitencier de Saint-Hubert. Après les orages des derniers jours, les affaires qui permettent à l'esprit de se reposer !

Ce magnifique établissement coûte annuellement à l'Etat plus de 300,000 francs ; il est donc utile de rechercher s'il rend à la société des services proportionnés aux dépenses qu'il impose et aux soins dont l'Etat entoure les enfants que celui-ci y interne.

Il est utile encore de signaler les imperfections du système en vigueur. Les signaler, c'est presque les corriger pour partie dès à présent ; c'est, en toute hypothèse, se préparer l'élagage pour l'avenir.

D'après le régime actuellement suivi, le pénitencier de Saint-Hubert n'est plus ouvert qu'aux enfants acquittés pour manque de discernement et que les tribunaux correctionnels refusent de rendre à leurs parents, parce que la conduite et les mœurs de ceux-ci n'offrent aucune garantie à la société. L'Etat se substitue aux parents ; c'est lui qui veille à l'éducation des enfants qu'ils négligent. Ces enfants, qui sont aujourd'hui au nombre de 350 à 400, reçoivent à Saint-Hubert des soins toujours attentifs. Une vigilance active et préoccupée de leur réforme leur inculque les principes de religion, de morale et de travail, qui n'ont que trop manqué à leur jeune âge. Des maîtres empressés développent sans relâche leur intelligence et leur cœur et enseignent à chacun une branche de travail qui peut devenir plus lard une carrière.

Il semblerait, messieurs, que ce zèle d'un côté, ces dépenses considérables de l'autre, doivent aboutir à un résultat éminemment consolant pour la société et que le « défrichement » moral auquel elle se livre doit atteindre les plus heureuses proportions.

il n'en est pas tout à fait ainsi. A Dieu ne plaise, que je déverse la critique sur le principe d'une institution qui démontre la sollicitude de la société pour tout être, même abandonné ou déchu ; mais il doit être permis toutefois d'exprimer un regret sur l'impuissance relative des efforts auxquels chacun applaudit.

J'exprime ce regret pour appeler l'attention et faire disparaître, autant que possible, cette impuissance ; si les renseignements que j'ai recueillis sont exacts, 24 p. c. des détenus libérés retombent, à titre de récidivistes, sous la main de la justice, et les rechutes dont les tribunaux correctionnels ne connaissent point, sont plus nombreuses encore.

La statistique est certes peu encourageante, si l'on pense, en outre, que sur 100 détenus, un certain nombre, peu après leur sortie du pénitencier, meurent ou quittent le pays sans que jamais on ait nouvelles de leur sort. Diverses causes contribuent aux récidives et aux rechutes.

L'enfant est remis à ses parents lorsque le terme de son internement est expiré. Il lui est remis, soit parce qu'il en exprime le désir fort naturel d'ailleurs, soit parce que ses parents exigent qu'il leur soit rendu pour tirer profit de son travail et de l'aptitude parfois spéciale qu'il a pu acquérir. La puissance paternelle autorise les parents à manifester cette exigence et à réaliser cette spéculation.

Il est difficile de concevoir une mesure plus regrettable que celle remise de l'enfant aux parents, et l'on pourrait croire que l'Etat est tenté de détruire de suite et d'une main, ce qu'il a péniblement édifié de l'autre.

Quoi ! les tribunaux acquittent un enfant de douze ans, mais au lieu de le renvoyer à son père et à sa mère, comme le demande une vulgaire logique, ils confisquent sa liberté pendant quelques années, parce que son père et sa mère ne lui offrent que de détestables exemples et que leur demeure est pour lui une mortelle atmosphère ! Quoi ! pour éviter ce milieu malsain qui a déjà exercé sur l'âme de l'enfant une influence assez délétère pour l'amener en police correctionnelle, la société l'abrite sous sa tutelle dans des établissements modèles et coûteux, et quand l'enfant s'est purifié, que son niveau moral s'est relevé, la premier acte de l'Etat est de l'exposer encore au danger de repaître à nouveau ses yeux de l'immoralité de ses parents et de l'offrir encore au minotore !

Faut-il s'étonner que les leçons excellentes sont perdues, que les semences jetées par le dévouement dans tant de jeunes gens sont desséchées, que les récidives correctionnelles sont si nombreuses et que les défaillances sans scandale judiciaire sont si fréquentes !

Je sens bien qu'il est difficile à l'Etat de suivre actuellement une autre voie. La puissance paternelle est là qui absorbe le mineur de 21 ans et qui prime le droit de l'Etat. L'entant âgé de moins de 21 ans ne s'appartient (page 619) pas ; il est presque la chose de son père, et sorti de Saint-Hubert il doit rentrer chez son père, si celui-ci en manifeste le désir.

Là est la cause de l'abus. Un remède se présente. Il faudrait que dès à présent les tribunaux, usant de la faculté que leur accorde l'article 72 du code pénal de 1867, ordonnassent plus souvent qu'ils ne font aujourd'hui, que l'enfant restera dans un établissement de détention qui n'est en réalité qu'un établissement de bienfaisance, jusqu'à l’âge de 21 ans. Certains tribunaux sont déjà entrés dans cette voie : je souhaite que leur exemple soit suivi.

Je ne veux point méconnaître que ce moyen est rigoureux, mais il serait aussi nécessaire que rigoureux, si la société veut conquérir sur le vice, cette pléiade d'enfants qu'elle enveloppe si longtemps dans sa sollicitude.

Il ne faut pas oublier, en effet, que l'instruction que l'Etat prodigue à grands frais à ces enfants, leurs intelligences qu'il ouvre, leurs aptitudes qu'il développe, peuvent devenir pour la société un fléau redoutable et qu'abandonnés à eux-mêmes, ils eussent été moins dangereux !

L'Etat est déjà d'ailleurs entré dans la voie utile.

Lors de la réforme du code pénal, l'article 66 du code de 1810 a été modifié en ce sens que l'enfant acquitté peut être tenu à la disposition du gouvernement, non plus jusqu'à vingt ans, mais jusqu'à vingt et un ans. La magistrature n'a qu'à s'associer à ses vues et aller jusqu'au bout en décrétant plus fréquemment la mainmise de l'Etat sur l'enfant jusqu'au maximum autorisé. Elle fera preuve de logique.

Il faut signaler une seconde cause de l'inefficacité partielle du pénitencier de Saint-Hubert.

Les enfants qu'il reçoit sont presque tous des enfants qui ont été prévenus de vol. L'établissement acquiert par sa destination spéciale une notoriété fâcheuse et à leur sortie les jeunes gens se heurtent partout contre la déconsidération et la défiance. Le milieu dans lequel, régénérés, ils cherchent à vivre, leur est publiquement hostile, et quand ils auraient surtout besoin d'appui, l'assistance leur manque à cause de leurs lettres de provenance, ils ne trouvent ni travail, ni place, ni débouché. On assure même qu'ils ne sont point reçus dans l'armée, ni comme remplaçants, ni comme volontaire. Et cependant ce sont des enfants que la justice n'a pu condamner et que l'Etat a soumis à une culture intellectuelle et morale de longue haleine.

Pour parer à ce mépris qui rend au vice tant de jeunes gens qui lui ont été disputés et qui les force finalement à vivre dans les sous-sols interlopes de la société, l'Etat ne pourrait-il, entre autres remèdes, mêler la population à tort discréditée du pénitencier de Saint-Hubert, à la population d'autres établissements de réforme moins frappés de réprobation ?

Ruysselede est ouvert aux enfants condamnés pour mendicité ; ceux-ci ont moins à rougir à leur sortie de l'établissement et la société est pour eux moins dure.

N'y aurait-il pas lieu de placer à Ruysselede ou dans des établissements analogues, avant leur sortie du pénitencier de Saint-Hubert, les enfants dont la conduite, toujours digne d'éloges, autoriserait à croire qu'ils n'iront pas corrompre les enfants de Ruysselede qui ont un passé moins compromis ?

Tout au moins par cttle mesure, ces enfants transformés échapperaient à une cause de rechute qui met à néant tant de soins !

Et puisque j'en suis à déplorer qu'aujourd'hui les enfants libérés ne rencontrent point d'aide suffisante dans le milieu où ils vont vivre, je saisi l'occasion d'exprimer le regret qu'il n'existe pas pour eux un comité de patronage qui les soutienne à leur rentrée dans la société, et qui prête un appui sympathique à leurs efforts pour se faire une position honorable.

Le 14 décembre 1848, M. de Haussy, alors ministre de la justice, avait institué un comité de patronage pour les condamnés libérés. Ce comité existait par canton et il était composé du juge de paix comme président de droit et de personnes notables comme membres ; pour divers motifs qu'il serait trop long de détailler ici, ces comités restèrent lettre-morte ou n'eurent qu'une existence éphémère.

Un de leurs nombreux défauts, c'était l'absence de localisation ; il arrivait souvent, en effet, que le condamné libéré, sur lequel d'ailleurs le comité n'avait point d'action sérieuse, n'habitait aucune des localités où résidaient les membres de celui-ci, qui ainsi ne l'avaient point sous les yeux et n'entretenaient point de rapports avec lui.

Ne serait-il pas possible, en ressuscitant l'idée heureuse en principe, de constituer, dans chaque commune, un comité de patronage pour les enfants que chaque année le pénitencier de Saint-Hubert restitue à la à la société ? Ce comité leur sera utile, soit que les enfants aient 21 ans et deviennent maîtres de leur position, soit que, mineurs de 21 ans, ils restent sous puissance de parents, Dans le premier cas, les jeunes gens trouveraient dans les membres du comité local des protecteurs d'un contact facile et rapproché. Dans le second, le patronage serait une subrogée tutelle morale qui, on peut en concevoir l'espoir, serait efficace, car, en général les enfants qui peuplent le pénitencier de Saint-Hubert appartiennent à des familles pauvres sur lesquelles le bureau de bienfaisance appelé fréquemment et de tout temps à les assister et à les soutenir, aurait une influence énergique.

Qu'il me soit permis d'indiquer une troisième cause de l'insuccès relatif du pénitencier. Celle-là heureusement est temporaire et disparaîtra aisément, j'aime à le croire : c'est l'insuffisance du personnel consacré à l'établissement. Les religieuses qui en ont le soin à peu près exclusif, sont au nombre de quatorze, vingt au moins seraient nécessaires. Qu'on en juge par un détail et ce n'est qu'un des détails qui engagent à augmenter le personnel : L'école permanente est composée de 220 élèves, elle ne compte que deux instituteurs, soit un instituteur pour 110élèves, alors qu'on reconnaît partout qu'un instituteur avec 50 élèves est trop occupé pour l'intérêt des enfants. J'ajoute que ces deux instituteurs doivent encore donner l'instruction à 160 enfants désignés sous le nom de « travailleurs agricoles » et qui prennent chaque jour auprès d'eux une leçon d'une heure et demie.

Autre détail, les enfants sont au nombre de plus de 350. Il n'y a plus, par suite de l'insuffisance du personnel, de section de musique et de chant, et cependant il n'est personne qui n'en reconnaisse l'importance et n'en regrette l'absence. L'augmentation que j'indique ne serait point lourde pour l'Etat : chaque religieux coûte annuellement 900 francs, donc l’augmentation serait de 6,300 francs par an.

Qu'est-ce une telle somme à coté des avantages qu'offrirait la mesure, à côté des dépenses qu'entraîne un établissement qu'il faut conserver parce qu'il démontre, à l'honneur de notre siècle, que la société contemporaine veille, et non sans succès, sur les enfants déshérités ou négligés de la famille et qu'il faut entourer d'améliorations incessantes pour le tenir à la hauteur du but qu'il poursuit et pour empêcher qu'il devienne un simple aquarium d'une espèce particulière.

Première section. Service économique
Articles 45 à 48

« Art. 45. Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des détenus. Achat et entretien du mobilier des prisons : fr. 1,250,000. »

.- Adopté.


« Art. 46. Gratifications aux détenus : fr. 24,000. »

- Adopté.


« Art. 47. Frais d'habillement des gardiens : fr. 32,000.

- Adopté.


« Art. 48. Frais de voyage des membres des commissions, des fonctionnaires et employés : fr. 11,000. »

- Adopté.

Article 49

« Art. 49. Traitements des fonctionnaires et employés : fr. 745,000. »

M. le président. - Le gouvernement propose une réduction de 35,000 francs ; ce qui réduit le chiffre à 710,000 francs.

M. Demeur. - Messieurs, je serai très bref, la Chambre étant impatiente d'en finir.

J'ai à dire quelques mots de l'enseignement dans les prisons. Il y a beaucoup à dire sur cette question.

Ce que l'honorable M. Santkin vient de vous faire connaître en ce qui concerne l'insuffisance de l'enseignement dans le pénitentiaire de Saint-Hubert, s'applique à toutes les prisons de notre pays.

Je me bornerai aujourd'hui à signaler l'insuffisance des traitements dont jouissent les instituteurs attachés aux prisons. Dans les maisons d'arrêt de Dinant. d'Audenarde, de Malines, de Tongres, de Nivelles, de Hasselt, de Turnhout, de Furnes, de Huy et de Verviers, les instituteurs reçoivent par an, les uns, 300 francs, un autre 350, et d'autres 400 fr. Unseul reçoit le maximum, qui est de 350 francs.

Il est vrai que ce ne sont pas à proprement parler des instituteurs. On les intitule : « instituteurs-lecteurs. » Ils se rendent quatre fois par semaine dans la prison et y font des lectures pendant une couple d'heures.

On peut donc dire que là il n'y a pas d'enseignement.

Dans les prisons de Marche et de Neufchâteau, il n'y a pas même d'instituteurs lecteurs.

Dans les maisons d'arrêt de Charleroi, Tournai, Termonde, Louvain, Courtrai et Arlon, le traitement de l'instituteur varie entre 1,000 et 1,400 francs. Dans les maisons de sûreté d'Anvers, de Bruxelles, de Bruges, de Gand, de Mons, de Liège et de Namur, il est de 1,400 à 1,800 francs.

(page 620) Enfin, dans chacune des maisons pénitentiaires de Gand et de Louvain, il y a deux instituteurs dont le traitement varie de 1,400 à 2,200 fr.

Je ne parle pas des maisons pénitentiaires de Namur et de Saint-Hubert, où l'enseignement est donné par des frères qui reçoivent chacun 900 francs par an, ou par des sœurs qui reçoivent 675 francs par an.

Je crois qu'il faudrait aviser à améliorer considérablement cette situation. Même dans les maisons d'arrêt les plus importantes du pays les instituteurs n'ont pas, en moyenne, le traitement des instituteurs communaux ; cependant il est incontestable que la position des instituteurs dans les prisons est plus difficile que celle des instituteurs communaux.

Dans bien des prisons, l'instituteur ne jouit pas d'un traitement égal à celui des gardiens. C'est là, je le répète, une situation qui ne peut être maintenue et j'appelle sur ce point la sérieuse attention de M. le ministre de la justice.

- L'article est adopté.

Articles 50 à 55

« Art. 50. Frais d'impression et de bureau : fr. 10,000.

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 51. Prisons. Entretien et travaux d'amélioration des bâtiments : fr. 170,000. »

- Adopté.


« Art. 52. Maison d'arrêt cellulaire à Malines. Achèvement ; charge extraordinaire : fr. 390,000. »

- Adopté.


« Art. 53. Maisons d'arrêt cellulaires à Furnes, à Ypres et à Neufchâteau. Achèvement des travaux de construction ; charge extraordinaire : fr. 225,000. »

M. le président. - M. le ministre de la justice propose de rédiger cet article comme suit :

« Maisons d'arrêt cellulaires à Furnes et à Ypres. - Premiers travaux de construction » et d'augmenter le chiffre de 312,000 francs.

- L'article, ainsi amendé, est adopté.


« Art. 54. Maison de sûreté cellulaire à Namur. Acquisition de remplacement. Premiers travaux de construction ; charge extraordinaire...... 39,000 »


M. le président. - M. le ministre de la justice propose un article 54bis ainsi conçu :

« Achèvement de la maison d'arrêt cellulaire à Huy ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Cet article est adopté.


« Art. 55. Honoraires et indemnités de roule aux architectes, pour la rédaction de projets de prisons, la direction et la surveillance journalière des constructions ; charge extraordinaire : fr. 26,000. »

- Adopté.

Section 2. Service des travaux
Articles 56 à 59bis

« Art. 56. Achat de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 500,000. »

- Adopté.


« Art. 57. Gratifications aux détenus : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Art. 58. Frais d'impressions et de bureau : fr. 5,000.

« Charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 59. Traitements et tantièmes des fonctionnaires et employés : fr. 88,000. »

- Adopté.


M. le président. - Il y a un article 59bis :

« Traitements de disponibilité des fonctionnaires et employés du service économique et du service industriel ; charge temporaire : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Frais de police

Article 60

« Art. 60. Mesures de sûreté publique : fr. 80,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Dépenses imprévues

Article 61

« Art. 61. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 5,000.

« Charge extraordinaire : fr. 1,800. »

M. le président. - Cet article comporte une augmentation de 6,000 francs ; charge temporaire.

- Adopté.

Second vote et vote de l’article uniques

M. le président. - La Chambre est-elle d'avis de passer au second vote ?

- De toutes parts : Oui.

- Les articles amendés sont définitivement adoptés.


« Article unique, Le budget du ministère de la justice est fixé, pour l'exercice 1872, à la somme de 15,450,498 francs, conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 78 membres présents.

Ce sont :

MM. de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, de Smet, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Drubbel, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tesch, Yan Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Beeckman, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Coremans, Crombez, Dansaert, David, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux et' Thibaut.

M. le président. - Il reste à prendre une décision relativement aux pétitions qui ont été déposées sur le bureau. La section centrale en propose le renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - Mardi, l'ordre du jour appelle en premier lieu la discussion du budget des affaires étrangères.

M. Malou, ministre des finances. - Je demande que le crédit de 500,000 francs pour les télégraphes vienne en première ligne.

- La Chambre décide que le crédit pour les télégraphes figurera comme premier objet à l'ordre du jour et que le budget des affaires étrangères viendra immédiatement après.

La séance est levée à 5 heures et un quart.