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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 juillet 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1755) M. Wouters procède a l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Borchgrave donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« La chambre de commerce des arrondissements d'Ypres et de Dixmude demande le maintien du tarif actuel des voyageurs pour les longs parcours et la réduction du prix pour les transports à petite distance. »

« Même demande du sieur Steyaert de Bal, président du comité commercial et industriel de l'arrondissement de Bruges et du conseil communal de Renaix. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.


« Des habitants d'Esneux demandent le maintien du tarif actuel des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat. »

- Même renvoi.


« Le sieur Hoppez demande que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »

« Même demande du sieur Chevalier. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« La veuve Peigny demande que son fils, Emile-Ghislain, soldat au 9ème régiment de ligne, soit renvoyé dans ses foyers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Péruwelz adresse à la Chambre 124 exemplaires de la pétition contre les servitudes douanières, qui a été envoyée le 18 de ce mois. »

- Distribution aux membres de la Chambre.


« M. Descamps, obligé de s'absenter, demande un congé. » '

- Accordé.

Interpellation relative au tarif douanier français

M. le président. - La parole est à M. Bergé pour une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Bergé. - Messieurs, je désire obtenir de M. le ministre des affaires étrangères quelques explications au sujet du tarif adopté en France, tarif qui frappe certaines marchandises belges, entrant en France, d'une manière telle que la Belgique se trouve dans des conditions défavorables.

D'après l'ancien traité de commerce, certains articles entraient en France dans les conditions les plus favorables possibles, et notre pays était placé sur le pied de la nation la plus favorisée.

Que s'est-il produit par suite des événements politiques ?

C'est que le nouveau tarif français va frapper d'un droit prohibitif certaines marchandises qui ne payaient qu'un droit très modéré.

La France est parfaitement libre de modifier son tarif comme elle l'entend ; mais ce que la France ne peut pas faire, c'est de violer les engagements internationaux, c'est de placer notre pays dans des conditions d'infériorité vis-à-vis d'autres nations.

Pour ne citer qu'un seul article, je parlerai du pétrole.

Avant les modifications introduites en France, le pétrole raffiné venant d'Amérique payait 5 francs par 100 kilog. brut soit 6 fr. 25 c. par 100 kil. net. Le pétrole raffiné en Belgique était taxé d'un droit de 5 p. c. à la valeur, soit 2 fr. 50 c. les 100 kilog. Le pétrole brut était libre à l'entrée en France.

D'après les nouveaux tarifs que la France met en vigueur depuis le 11 courant :

L'huile raffinée en Belgique paye fr. 37 les 100 kil.

L'essence dite de pétrole, raffinée en Belgique 45.

L'huile raffinée en Amérique ne paye que 32.

L'essence dite de pétrole, raffinée aux Etats-Unis. 40.

Quant au pétrole brut venant d'Amérique, il est taxé d'un droit de 20 francs les 100 kilogrammes.

D'après ces données, 100 kilogrammes de pétrole raffiné en France ont à payer un droit de 22 fr. 85 c. ; la fabrication américaine est taxée à 32 fr. 80 c. et la fabrication belge doit acquitter 37 fr. 80 c. C'est donc 5 francs aux 100 kilogrammes de plus que le droit perçu sur le pétrole raffiné d'Amérique, et comme le prix de ce liquide est d'environ 50 francs les 100 kilogrammes, c'est en réalité une surtaxe de 10 p. c. qui aurait pour conséquence de tuer complètement l'exportation belge du pétrole vers la France, si cette taxe arbitraire était maintenue.

La Belgique est une des nations où l'industrie du pétrole a pris le développement le plus étendu et le plus rapide.

L'industrie belge se trouve donc lésée, en ce qui concerne le pétrole. D'autres articles se trouvent placés dans les mêmes conditions.

Tout en reconnaissant que le gouvernement français a parfaitement le droit de modifier son tarif, il convient que le gouvernement belge fasse des observations, afin que la Belgique ne soit pas placée dans des conditions d'infériorité et que le texte et l'esprit des traités soient respectés.

Il est à ma connaissance que d'autres gouvernements, et notamment le gouvernement anglais, se proposent de faire au gouvernement français des observations analogues.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Messieurs, la Chambre sait que la loi française du 8 juillet a été votée d'une manière tout à fait inattendue et séance tenante. Cette décision précipitée a été une surprise pour tout le monde.

Toutefois le gouvernement s'était préoccupé des intentions manifestées déjà par le gouvernement français d'élever les taxes douanières et de venir ainsi en aide à la situation financière plus ou moins compromise par les derniers événements.

Nous avions reçu des explications devant nous faire croire que le gouvernement français n'avait pas pris la résolution de dénoncer le traité existant entre la Belgique et la France.

Nous croyions donc pouvoir être rassurés et nous devions penser que malgré les lois générales qui seraient portées en France, les conventions spéciales liant le gouvernement français à l'égard de certains autres pays seraient respectées. Les renseignements primitivement recueillis nous avaient confirmés dans cette opinion, nous pensions que la loi du 8 juillet n'aurait pas été appliquée aux produits et aux objets entrant de la Belgique en France.

(page 1756) Des renseignements nouveaux nous donnent à cet égard des doutes.

D'après des informations qui ont un caractère sérieux, la loi du 8 juillet serait appliquée d'une manière générale à tous les produits y mentionnés, même à ceux venant de la Belgique. D'après d'autres indications, au contraire, les droits nouveaux ne seraient pas perçus sur les objets entrant de la Belgique en France.

Le gouvernement belge se trouve dans la même position que beaucoup d'autres gouvernements qui ont conclu avec la France des conventions aussi avantageuses que celle dont la Belgique a le droit de se prévaloir. D'après ce que nous apprenons, notamment pour l'Angleterre, le gouvernement français vient d'y envoyer un fonctionnaire supérieur du département des finances, je pense, pour ouvrir des négociations avec le gouvernement anglais relativement aux modifications nécessitées par la nouvelle loi douanière et par les projets que le gouvernement français se proposait de soumettre à la législature, mais à l'égard desquels il semble qu'un temps d'arrêt s'est produit, si l'on en croit les renseignements parvenus aujourd'hui et qui se trouvent dans les journaux français.

Nous avons lieu de penser que les ouvertures qui seront vraisemblablement faites à l'Angleterre seront faites également à la Belgique et nous devons nécessairement attendre ces ouvertures pour engager des négociations relativement au maintien et à l'application du traité qui lie la France vis-à-vis la Belgique et la Belgique vis-à-vis la France.

Nous considérons, nous devons continuer à considérer ce traité comme étant encore en vigueur. Il n'est pas dénoncé, il existe donc et doit même exister un an après la dénonciation qui en serait faite. Nous n'avons, sous ce rapport, à prendre l'initiative d'aucune négociation. Evidemment, si les renseignements dont j'ai parlé tout à l'heure se confirment et si, malgré le traité, on veut exécuter la loi du 8 juillet à l'égard de la Belgique, évidemment, alors il y aura lieu pour le gouvernement belge de faire des réclamations sérieuses, et il n'y manquera pas.

Mais, pour ce cas, nous devons nous réserver une liberté entière pour présenter et soutenir nos réclamations.

Il serait peu sage et peu prudent de donner la moindre indication à cet égard et de faire connaître quelle position le gouvernement compte prendre dans les négociations à entamer au sujet des modifications qu'il serait possible d'introduire au traité, et des compensations à demander en retour.

Nous ne nous dissimulons pas, nous ne voulons pas dissimuler les difficultés que présente la situation, difficultés que tout le monde doit comprendre ; mais la Chambre peut être assurée que, sans méconnaître les égards que l'on doit à une nation voisine, qui n'a pas été heureuse, aucun soin n'a été et ne sera négligé pour amener un résultat qui réponde, autant qu'il dépendra de nous, aux vœux de notre commerce et de notre industrie.

Projet de loi ouvrant des crédits spéciaux à concurrence de 22 millions de francs pour travaux publics et autorisant le gouvernement à contracter un emprunt de 50 millions de francs

Discussion des articles

Article premier, paragraphe premier

M. le président . - L'article premier contient 34 paragraphes.

Deux amendements ont été déposés, et ils sont destinés à former deux nouveaux paragraphes. Pour éviter la confusion, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de discuter successivement chacun de ces paragraphes de l'article premier.

M. Delaet. - Je voulais précisément faire la proposition qui vient d'être faite par M. le président.

- La proposition de M. le président est adoptée.

« Art. 1er. Il est ouvert aux départements des travaux publics et de l'intérieur des crédits spéciaux à concurrence de vingt-deux millions de francs (fr. 22,000,000), pour l'exécution des travaux énumérés ci-après, savoir :

« A. - Au ministère des travaux publics.

« Routes.

« Paragraphe premier. Construction ou reconstruction de ponts appartenant à des routes. Subsides pour l'établissement de ponts sur la Meuse, l'Ourthe, l'Emblève, etc. : fr. 500,000. »

M. Tesch. - Messieurs, plusieurs orateurs, et notamment les honorables représentants du Limbourg, se sont plaints de la faiblesse de la part qui était faite à leur province par le projet ; je viens, moi, messieurs, élever les mêmes plaintes et protester contre la parcimonie véritablement injustifiable avec laquelle le Luxembourg est traité.

On propose de donner au Luxembourg, en tout et pour tout, une somme de 200,000 fr. pour continuer les routes, c'est-à-dire pour faire deux ou trois lieues de routes dans la province la plus étendue du pays.

Sur le chiffre demandé pour la construction de ponts, la province de Luxembourg n'obtiendra rien, pas un liard ; et cependant plusieurs ponts y seraient nécessaires, et sur l'Ourthe et sur la Semois et nous aurons deux cent mille francs, en tout et pour tout, alors qu'une somme cinq et six fois supérieure serait indispensable pour parer aux besoins les plus urgents.

Si mes renseignements sont exacts, la députation permanente s'est livrée à un travail et a donné l'indication des travaux à exécuter qui exigeraient une somme de plus d'un million.

Dernièrement encore, le conseil provincial à l'unanimité a émis le vœu de voir exécuter le raccordement à la station d'Arlon de trois routes qui aboutissent à cette ville.

Je n'ai point l'habitude de faire des réclames électorales ni de saisir la Chambre de questions d'intérêt local. Si je m'occupe de ce travail, c'est parce qu'il est indispensable. Tout le monde sait qu'Arlon est situé sur une assez grande élévation et aujourd'hui tout ce qui arrive par les routes de Luxembourg, de Longwy et de Mersch doivent gravir une côte des plus difficiles pour redescendre d'un autre côté à la station.

Il ne faudrait- pas une dépense de 60,000 francs pour relier la station à ces trois routes. Depuis longtemps ce travail aurait dû être fait.

Je ne sais pas quels sont les obstacles qui s'y opposent, je n'en connais aucun ; je ne pense pas qu'il puisse y en avoir. Je connais parfaitement les localités et c'est à raison même de l'utilité qu'offre ce travail que j'en parle.

J'espère donc que M. le ministre des travaux publics ne fera pas opposition à ce que ce travail se fasse le plus tôt possible et à ce que les fonds soient votés.

Le conseil provincial du Luxembourg vient de l'appuyer à l'unanimité de ses membres et cela prouve que la nécessité en est bien évidente ; sans cela, les conseillers de la province entière n'eussent pas consenti à l'appuyer.

Dans le discours qu'il a prononcé dans une de nos dernières séances, l'honorable M. Julliot a parlé du Limbourg. Nos honorables collègues ont déposé un amendement qui repose sur cette considération qu'on a traité jusqu'à présent le Limbourg comme le Luxembourg.

S'il y a quelque chose de vrai dans cette allégation, elle n'est cependant pas absolument exacte.

Je prie mes honorables collègues d'être convaincus que je ne viens pas m'opposer à leur amendement, mais je crois utile de rectifier certaines assertions.

On a dépensé des sommes très fortes pour les voies navigables du Limbourg.

Jamais on n'a rien fait en ce sens pour le Luxembourg et, sous ce rapport, il se trouve dans une position d'infériorité à l'égard du Limbourg.

C'est une raison d'être un peu plus généreux, et je puis dire plus juste envers le Luxembourg quand il s'agit d'autres travaux.

Le Luxembourg est, sous ce rapport, la province à l'égard de laquelle on s'est toujours montré très injuste.

Je ne sais quel est le sort réservé à l'amendement proposé par nos honorables collègues du Limbourg, mais si cette proposition devait être adoptée, j'espère que l'honorable ministre des travaux publics ne ferait pas opposition à ce que le chiffre alloué au Luxembourg soit élevé de la somme nécessaire pour faire le travail dont je lui ai parlé tantôt, car, je le répète, avec 50,000 ou 60,000 francs, on pourrait donner satisfaction à un intérêt des plus impérieux pour la province et l'arrondissement que je représente.

Ce n'est pas parce qu'il s'agit de mon arrondissement que j'en parle, mais parce que je connais mieux que personne l'utilité de ce travail que je me permets d'en entretenir la Chambre contrairement à mes habitudes.

S'il n'était pas fait droit à ma demande, je devrais protester contre ce déni de justice et voter contre le projet qui est soumis à vos délibérations.

M. le président. - Je viens de recevoir une lettre par laquelle notre honorable collègue M. Orts me fait connaître qu'une indisposition l'empêche d'assister à la séance de ce jour et demande un congé de vingt-quatre heures.

- Accordé.

(page 1757) M. de Rossius. - Je demande la permission à la Chambre de faire d'abord, une' rectification aux Annales parlementaires.

Le compte rendu de la séance du 18 juillet me prête une interruption que je n'ai pas faite dans les termes indiqués.

L'honorable M. Anspach reprochait à l’honorable ministre des finances de ne pas répondre à ses observations. Il rappelait que, lors de la discussion du projet de loi sur les impôts, les raisons de son opposition n'avaient pas été rencontrées par l'honorable M. Jacobs.

L'honorable M. Jacobs s'écria : « Je vous ai répondu assez longuement, je pense ?

« M. Anspach. - Oui, mais vous ne m'avez pas convaincu et vous n'avez pas convaincu le pays.

« M. Jacobs, ministre des finances. - Allons donc ! ».

Ici les Annales me font interrompre en ces termes : « Il a parlé pour ne rien dire. »

Messieurs, je n'ai pas dit cela. Je sais que, quand M. Jacobs parle, c'est pour exprimer des idées ; j'ai dit : L'honorable M. Jacobs a parlé, mais il n'a pas répondu. Et en interrompant ainsi, je faisais allusion à ce qui s'est passé lors de la discussion de plusieurs projets de lois.

Nous nous sommes plaints vivement m maintes circonstances que le gouvernement ne répondît pas à nos-objections.

M. Sainctelette, dans la séance d'hier, faisait le même reproche au cabinet, en faisant remarquer combien il est pénible de discuter avec des ministres qui fuient.

Il est en effet très difficile de débattre une question avec des ministres qui se dérobent quand nous opposons des objections au système qu'ils viennent d'exposer, aux idées qu'ils viennent d'exprimer.

Cette rectification faite, je. passe à la question des ponts, question déjà traitée par M. de Macar, ponts qu'il s'agirait d'établir sur la Meuse, en amont de Namur.

L'exposé des motifs nous avait annoncé que le département des travaux publics continuait ses études relativement au projet de construction de trois ponts dans la province de Namur, l'un à Hastière en amont de Dinant, l'autre à Yvoir en aval de cette ville et le troisième, dans l'arrondissement de Namur, à Lustin.

Il paraît que les études du département des travaux publics sont aujourd'hui terminées. La résolution de l'honorable ministre serait prise. La construction de ces trois ponts serait décidée. Elle se ferait par les soins et aux frais de l'Etat.

L'honorable M. de Macar s'est étonné, à bon droit, de cette décision, et c'est à très juste titre qu'il a rappelé que plusieurs ponts jetés sur la Meuse pt sur nos rivières ont été établis par voie de concession de péages par les soins de sociétés particulières ou par les soins des communes, l'Etat n'intervenant que par l'octroi de subsides assez maigres et, il faut bien le dire, souvent obtenus grâce à des instances répétées, qui finissaient par lasser la patience de l'administration.

Quelquefois, ces ponts ont même été construits sans subsides.

Plus heureux que le reste du pays, voilà que les arrondissements de Dinant et de Namur obtiennent d'emblée trois ponts sans péage, construits des deniers du trésor public, c'est-à-dire que l'administration déclare que l'intérêt général exige l'édification de ces trois ponts.

L'intérêt général seul peut justifier leur construction par les soins et aux frais de l'Etat, et la demande de crédit qu'elle nécessite. Mais nous, que l'on invite à voter ce crédit, voyons, en acquit de notre devoir de contrôle, si nous avons nos apaisements sur cet intérêt général qui est la condition indispensable du vote favorable qu'on nous réclame.

Messieurs, je manque, de renseignements pour Hastière. Y a-t-il utilité publique, y a-t-il intérêt général à relier les deux rives de la Meuse en amont de Dinant à Hastière ; y a-t-il dès lors devoir pour l'Etat, au nom de cet intérêt général, de construire ce pont d'Hastière avec les ressources du trésor public ? Je l'ignore : mais j'ai des éléments d'appréciation et des éléments suffisants pour les deux autres ponts, ceux d'Yvoir et de Lustin. Et quant à ceux-là, il m'est impossible d'admettre qu'en décidant leur construction aux frais de l'Etat, le gouvernement fasse acte de bonne administration.

Permettez-moi, messieurs, de vous donner quelques détails topographiques.

Le chemin de fer de Givet, en quittant Namur, prend la rive droite de la Meuse, il la suit jusqu'au-delà d’Yvoir, où il passe sur la rive gauche.

Le pont est établi vis-à-vis d’Anhée, à 500 mètres environ de la station d’Yvoir. Disons dès maintenant que sur ce pont du chemin de fer est ménagé un passage pour les piétons.

Sans doute, l'établissement da railway sur la rive droite devait être moins coûteux que sur la rive gauche, où se trouve la grand-route de Namur à Dinant. Nous devons le croire, car la région de la rive droite est la moins riche. Où se trouve la population la plus dense ? Où se trouvent les agglomérations les plus importantes ? Où se trouvent l'industrie, le commerce, le trafic ? Cet sur la rive gauche, qui appartient au pays si prospère de d’Entre-Sambre-et-Meuse.

On y constate un mouvement industriel et commercial considérable alimenté par les produits de l'exploitation forestière et agricole, les bois, les écorces, les céréales, par l'exploitation du marbre, qui se façonne et se polit sur les lieux ; enfin par l'exploitation des minerais de fer qui se consomment sur les lieux, notamment dans les hauts fourneaux de M. Mineur, ou sont expédiés vers les usines liégeoises ou de Charleroi.

Je comprends donc qu'il y ait intérêt général à relier la rive gauche où se trouve l'industrie à la rive droite, où est établi le chemin de fer.

Mais ce qu'il m'est impossible de comprendre, c'est qu'en vue d'obtenir ce résultat, l'Etat crée deux ponts au lieu d'un ; c'est qu'il les place l'un à Yvoir, l'autre à Lustin ; c'est qu'il édifie deux ponts qui ne seront séparés que par un parcours de quelques kilomètres ; tandis que l'intérêt de l'industrie et du commerce et l'intérêt du trésor public convient le gouvernement à édifier un pont unique, à ne créer qu'un seul pont et à le placer entre Yvoir et Lustin, en face de la station de Godinne, à Rouillon, où aboutit une grande artère qui traverse l'Entre-Sambre-et-Meuse, la route de Fraire à Rouillon.

La résolution de l'honorable M. Wasseige m'étonne d'autant plus qu'on peut dire qu'à son avènement les choses n'étaient en quelque sorte plus entières.

La question d'un pont sur la Meuse, à Rouillon, en face de Godinne est ancienne ; elle est contemporaine de la création du chemin de fer de Namur à Dinant. Dès les premiers jours, l'opinion publique et l'administration des ponts et chaussées tombèrent d'accord sur la nécessité de construire à Rouillon, le pont destiné à relier la rive gauche au chemin de fer.

Mais il arriva ceci : l'Etat et la province ne s'entendirent pas. L'Etat disait à la province : Il y a en jeu un intérêt provincial, à vous le soin de créer le pont, je vous offre mon concours ; la province répondait : Il s'agit avant tout d'un intérêt général. La plus forte dépense vous incombe, j'interviendrai par un subside. Ce débat s'éternisa, si bien qu'aujourd'hui le pont n'est pas construit.

Mais, jamais je le répète, le choix de l'emplacement ne fut sérieusement contesté. J'en trouve la preuve dans un rapport dont j'ai demandé la communication qui porte la date du 21 mai 1870 et la signature de l'ingénieur en chef directeur des ponts et chaussées dans la province de Namur. J'y lis ce qui suit :

« Depuis longtemps la voix publique réclamait la construction d'un pont et désignait l'emplacement à Rouillon, point où débouche la route importante qui part de Fraire, près d'un embranchement du chemin de fer de Entre-Sambre-et-Meuse, traverse un pays minier, et rencontre transversalement trois routes et le chemin de fer de Châtelineau à Givet. »

Et plus loin, dans le même rapport, M. l'ingénieur en chef évalue le trafic qui s'écoule par la route de Rouillon à plus de 36,000 tonnes de matières pondéreuses.

Aussi la compagnie du Nord, comprenant l'avenir réservé à la station de Godinne, lui a-t-elle donné da vastes proportions. On peut le voir sur la carte de Vandermaelen, cette station a plus de 600 mètres de longueur. Cependant, à cause du désaccord que j'ai indiqué, le pont ne se faisant pas, les intéressés s'impatientèrent ; des délégués de plusieurs communes, des industriels, des propriétaires formèrent une société et sollicitèrent une concession ; ils offrirent à l'Etat de construire le pont par voie de concession de péages. L'honorable M. Jamar, alors ministre des travaux publics, fut saisi de leur demande ; il la fit examiner par les ponts et chaussées ; l'administration chiffra le coût du pont et déclara qu'il coûterait, au maximum, 100,000 francs, en y comprenant le raccordement à la station de Godinne ; le terrain nécessaire pour ce raccordement était abandonné gratuitement par son propriétaire.

C'est alors que M. l'ingénieur Dumon adressa au département des travaux publics son rapport du 21 mai 1870 ; L'honorable M. Jamar, ratifiant les conclusions formelles et longuement développées de ce rapport et sur l'avis conforme du comité permanent des ponts et chaussées, décida que le pont serait construit à Rouillon et exécuté aux frais du trésor public, à la condition, ce que n'a pas dit hier l'honorable M. Wasseige quand il a rappelé l'opinion de son honorable prédécesseur, à la condition que les (page 1758) communes intéressées et la province consentissent à intervenir dans la dépense.

En conséquence, il se hâta de réclamer le concours du conseil provincial de Namur. Celui-ci, dans sa session de 1870, vota à l'unanimité un subside de 10,000 francs.

Messieurs, qui n'aurait pas attaché la valeur d'une solution définitive à cette décision ministérielle, à ce vote du conseil, satisfaction tardive donnée aux droits les plus légitimes ?

Les intéressés, administrations communales, propriétaires, meuniers, usiniers, exploitants de minerais de fer, exploitants de marbres ; tous, ils ont cru tenir enfin leur pont. Combien ils se trompaient !

A l'honorable M. Jamar succède un ministre provisoire, puis un ministre intérimaire ; enfin, l'honorable M. Wasseige prend le département des travaux publics.

Bientôt ils apprennent que leur cause est perdue.

Il n'y aura pas de pont à Rouillon, mais un pont à Lustin, à 3 kilomètres et demi en aval de Rouillon, et un pont à Yvoir, à 4 kilomètres en amont de Rouillon.

L'Etat, pendant dix ans, avait hésité à se charger d'une dépense qui, grâce à l'intervention des communes et de la province, ne devait pas dépasser 100,000 à 120,000 francs. Il va dépasser, pour Yvoir et Lustin, 350,000 francs ou plutôt 400,000 francs, car la rivière, là, se prête moins qu'à Godinne à la construction d'un pont.

Je n'hésite pas à dire que c'est là un acte d'administration détestable, condamné d'ailleurs par les ponts et chaussées.

Il n'est pas une raison sérieuse, je, parle d'une raison d’intérêt général, qui puisse l'expliquer, qui puisse justifier. la résolution du gouvernement de jeter deux ponts sur la Meuse, l'un à Lustin, l'attire à Yvoir, deux ponts qui ne seront séparés que par une distance de 7 kilomètres, si je tiens compte des circuits de la Meuse, et de 5 kilomètres, si je tire une ligne droite de Lustin à Yvoir,

Que la commune de Lustin, que celle d'Yvoir, que d'autres communes qui sont dans la région de la rive gauche, telles que Profondeville, Warrant, forment le souhait de voir établir un pont près de leur station ou en face de la station la plus rapprochée, je le comprends ; que les possesseurs des vastes domaines qui sont aux environs de Lustin et d'Yvoir nourrissent le très vif désir de pouvoir passer dans leurs équipages de la rive droite sur la rive gauche, de circuler sans entrave dans un admirable pays, je le conçois encore ; mais le gouvernement et les Chambres ont le devoir de ne se décider que par des considérations d'intérêt général.

Or, de semblables considérations, je ne les rencontre pas dans cette affaire.

M. l'ingénieur en chef de la province de Namur, dans son rapport du 21 mai 1870, n'hésite pas à écarter la pétition de la commune de Profondeville qui demandait que le pont fût établi, non à Rouillon, mais au hameau de Burnot, à 500 mètres en amont de la station de Lustin.

A Burnot aboutit une route qui vient de l'Entre-Sambre-et-Meuse. Mais cette route, nous dit M. Dumon, est bien moins importante que la route de Fraire à Rouillon.

« La circulation qui se fait sur la route de Rouillon est incomparablement supérieure à celle de la route de Burnot. » En conséquence il condamne la demande de Profondeville. Rien de plus rationnel.

Par la route de Rouillon s'expédient les marbres, les minerais, les fontes, les bois, les écorces, les céréales. Pour ce grand trafic, diminuez la distance. Que toutes ces marchandises puissent gagner par le plus court une station de chemin de fer ! La route qui d'Arbre descend à Burnot est peu utile, peu fréquentée. Pour la faible quantité de produits qu'elle amène dans la vallée de la Meuse, est-il raisonnable de placer le pont à Burnot en face de Lustin, en imposant ainsi un détour de 3 1/2 kilomètres aux matières pondéreuses de Rouillon que M. Dumon évalue à 36,000 tonnes et l'administration du chemin de fer du Nord, paraît-il, à 50,000 tonnes ? Jetez donc un pont à Rouillon, et que MM. les grands propriétaires en villégiature, s'ils veulent parcourir en équipage les deux rives, continuent à passer la rivière en bas s'ils ne veulent pousser jusqu'au pont que vous aurez jeté à Rouillon.

Messieurs, y a-t-il quelque raison pour jeter sur la Meuse, aux frais de l'Etat, un pont un peu en amont de la station d'Yvoir, à Moulins, localité qui se trouve sur la rive gauche ? Pas davantage.

Une pétition était arrivée à l'honorable M. Jamar, ministre des travaux publics, réclamant un pont à Moulins. cette pétition a été examinée très sérieusement.

Le département des travaux publics n'a pu l'accueillir. Le rapport de M. Dumon condamne encore la construction du pont aux frais de l'Etat en face d’Yvoir.

A la station d'Yvoir, on constate un mouvement d'une certaine importance. Mais il faut décomposer ce mouvement ; quelles sont les localités qui le procurent ? C'est d'abord Yvoir, où il y a une industrie locale.

Mais Yvoir est sur la rive droite où se trouve le chemin de fer. Les marchandises d'Yvoir ont donc un écoulement facile par le chemin de fer et la Meuse.

C'est la rive gauche qui fournit la grande partie du mouvement de la station d'Yvoir. Et ce trafic, fourni par la rive gauche, d'où vient-il ? De la route de Rouillon presque entièrement. C'est un fait d'une vérification facile et qui ne pourrait être contesté.

Vous comprendrez parfaitement qu'une grande partie des marchandises qui arrivent à Rouillon sont expédiées jusqu'à Moulins, lorsque vous saurez qu'il n'existe pas même un bac à Rouillon pour gagner la station de Godinne.

Les expéditeurs sont obligés de faire faire un parcours de 4 kilomètres à leurs marchandises pour ensuite leur faire franchir la rivière en bac et gagner la station d'Yvoir.

Plusieurs de nos honorables collègues connaissent parfaitement cette situation.

L'honorable M. Wasseige la connaît très bien, l'honorable M. Thibaut aussi, lui qui habite près d'Yvoir, à Dorine : et enfin l'honorable M. Moncheur, qui est propriétaire de terrains qui entourent la station d'Yvoir et les loue à des industriels et commerçants de Rouillon pour y établir des dépôts de marchandises.

C'est ainsi que. M. Victor Baivy, grand marchand de bois et d’écorces à Rouillon, a construit à Yvoir des hangars importants. Or, M. Victor Baivy est. au nombre des pétitionnaires qui réclament avec le plus d'insistance la construction du pont à Rouillon. Les faits que j'explique ne seront pas contestés ; je me demande donc pourquoi M. Wasseige revient sur la décision prise par son honorable prédécesseur.

Je comprends parfaitement que cela convienne aux localités à proximité desquelles ces ponts vont être établis, mais nous, qui votons les fonds, nous devons avoir l'explication du vote que nous émettons ; il faut nécessairement que l'intérêt général nous rende compte, de la nouvelle résolution prise par le département des travaux publics.

Cet intérêt général je ne l'aperçois pas.

A Moulins, il est vrai, il y a, comme à Yvoir, une industrie locale. Mais M. Dumon lui-même indique un moyen de la satisfaire.

J'ai dit que le chemin de fer franchit la Meuse un peu en amont d'Yvoir. Sur le pont en face d'Anhée près de Moulins, la compagnie du Nord n'a ménagé qu'une passerelle, pour les piétons.

Les marchandises de Moulins ne peuvent donc se servir de ce pont pour gagner Yvoir. Mais le chemin de fer passant sur la rive gauche, une halte peut être établie à Anhée.

« Il n'est pas douteux, dit M. Dumon, que si l'importance du commerce est aussi grande que le prétendent les pétitionnaires, la compagnie n'établisse une halte en ce point. Il s'y trouve une maison de garde qui, au besoin, servirait de bureau. »

C'est alors que M. Dumon ajoute :

« Il faut observer d'ailleurs que le chiffre des matières pondéreuses qui descendent à la Meuse par la route de Rouillon est de 36,000 tonnes, quantité supérieure à celle que les pétitionnaires disent avoir en chargement ou en déchargement au pont de Moulins. »

Messieurs, actuellement encore la Chambre est saisie d'une pétition qui émane de plusieurs communes très considérables, très importantes, telles que les communes de Mont, de Bioulx, de Denée, qui réclament avec insistance la construction du pont à Rouillon.

Il y a plus ; les intéressés ont demandé une enquête et ils offrent au ministre des travaux publics de prouver que le mouvement commercial à Rouillon est supérieur au mouvement de Moulins et d'Yvoir réunis. Les gens les plus sérieux ; les industriels, les marchands de bois, les exploitants de marbre, les exploitants de minerais qui supplient le gouvernement de ne pas renoncer à l'exécution d'un pont à Rouillon et lui offrent de l'éclairer en faisant la preuve que je viens d'indiquer.

Je crois donc, messieurs, avoir justifié l'épithète de détestable par laquelle j'ai qualifié la décision prise par l'honorable M. Wasseige. L'intérêt général est suffisamment sauvegardé par la construction d'un pont à Rouillon.

L'édification de doux ponts à Lustin et à Yvoir est une dépense exorbitante. Les dépenses excessives et sans règle, cela a un nom dans la langue. Je m'abstiens de le prononcer.

M. Moncheur. - Messieurs, l'arrondissement de Namur est certainement un de ceux qui ont toujours été les plus oubliés, les plus délaissés en fait de travaux d'utilité publique aux frais de l'Etat.

(page 1759) L'Etat, avant la canalisation de la Meuse, qui est loin d'être achevée, n'avait presque rien construit sur le territoire de l'arrondissement de Namur, car, à part le tronçon de chemin de fer venant de Charleroi, tous les autres chemins de fer ont été exécutés au moyen de capitaux particuliers.

Aussi, à chaque présentation de projets de lois décrétant des travaux d'utilité publique pour tout le royaume, j'ai toujours eu à me plaindre de ce que la province de Namur y fût si mal partagée.

L'an dernier, entre autres, je me suis plaint de ce que, contrairement aux vœux et aux besoins des habitants du pays traversé par la Meuse, en amont de Namur, le gouvernement ne proposât qu'un seul pont entre Namur et Dinant, tandis que, tout au moins, deux ponts y étaient nécessaires. Les raisons que vient de dire l'honorable M. de Rossius n'ont nullement fait changer ma conviction.

J'ai été très étonné d'entendre l'honorable M. de Macar accuser M. le ministre des travaux publics de favoritisme et de prodigalité envers la province de Namur, à l'occasion de deux ponts qu'il s'agit de construire sur la Meuse, en amont de Namur.

A entendre MM. de Macar et de Rossius, ne dirait-on pas qu'on va dépenser pour ces deux ponts une somme énorme, sans doute un million au moins, c'est-à-dire cinq cent mille francs pour chaque pont ?

Eh bien, rassurez-vous, messieurs ! Savez-vous ce qu'il en coûtera au gouvernement pour la construction de ces deux ponts, qui ne seront, hélas ! que de petits ponts à une voie charretière ? Il lui en coûtera cent dix à cent quinze mille francs par pont ; leur coût total sera d'environ 160,000 francs chacun. Mais leur utilité, leur nécessité est si grande que les communes et la province et les particuliers souscrivent pour des sommes considérables, et qui ne s'élèvent pas à moins de 80,000 à 90,000 francs.

L'accusation de favoritisme et de prodigalité à propos d'une somme de 200,000 francs est surtout étonnante et curieuse de la part de collègues liégeois, eux en faveur desquels et sur le territoire desquels le trésor public a répandu les millions à profusion.

Notez bien qu'à cet égard je suis plus généreux et moins injuste que ces honorables collègues, car je ne blâme pas ces dépenses, je les ai votées pour la plupart, mais cela n'empêche pas qu'elles aient été énormes et qu'elles devraient porter les représentants de ces contrées à un peu plus de tolérance en faveur de. quelques misérables centaines de mille francs qu'il s'agit d'appliquer aux besoins les plus urgents de leurs voisins.

Parlerai-je des millions qu'ont coûtés la dérivation de la Meuse à Liège et la construction de son bassin de commerce qui, par parenthèse, doit être comblé aujourd'hui ?

Parlerai-je du chemin de fer de l'Etat, dont les plans inclinés et les tunnels de la Vesdre ont coûté des sommes fabuleuses ?

Parlerai-je du chemin de fer de jonction des Guillemins à Herstal, qui va coûter cinq ou six millions ?

Parlerai-je du canal latéral à la Meuse, entre Liège et Maestricht, si demandé, il y a quelque vingt-cinq ans, par le commerce liégeois, et latéralement auquel on fait et on demande encore des barrages dans le lit de la rivière ?

Mais pour rester dans le sujet des ponts, voici une petite comparaison entre ce qui se passe dans la province de Liège et dans celle de Namur :

Entre Liège et Huy, il y a sensiblement la même distance qu'entre Namur et Dinant. Or, depuis les deux ponts qui sont dans la ville de Liège même et jusque celui de la ville de Huy, il y a cinq ponts et on en réclame un sixième, qui est même en construction..

Entre le pont de Namur et celui de Dinant, c'est-à-dire sur une distance semblable de 28 kilomètres, il n'y a pas un seul pont.

Est-ce trop d'en construire deux ?

Lorsque j'ai eu l'honneur de me rendre, l'an dernier, chez M. Jamar, avec une députation composée de bourgmestres et d'habitants de communes situées en amont de Namur, j'ai exprimé l'opinion, M. Jamar s'en souviendra peut-être, qu'il y avait nécessité de construire deux ponts entre Namur et Dinant, et en voici les motifs :

D'abord, il est clair que, sur les 28 kilomètres de distance, il faut relier tout au moins sur deux points les deux rives du fleuve vis-à-vis des stations, et, en second lieu, il se trouve que le point le plus indiqué pour le placement d'un pont, c'est près de la station d'Yvoir, c'est-à-dire entre Yvoir et Moulins.

Il n'y a pas un homme de bon sens et connaissant les lieux qui ne dise qu'Yvoir et Moulins doivent être réunis par un pont à cause de leur importance, à cause des routes, des empierrements et des cours d'eau qui y aboutissent et à cause des établissements industriels qui s'y trouvent,

Or, Yvoir est à 8 kilomètres de Dinant, de sorte qu'il reste encore 20 kilomètres de parcours jusqu'à Namur, de sorte qu'un second pont doit encore être jeté sur ce parcours. Quel est le point sur lequel cet ouvrage d'art doit être construit ? Evidemment au point milieu entre Yvoir et Namur, c'est-à-dire à Lustin.

Godinne était à peu près le point milieu entre Namur et Dinant, et si, par une parcimonie injuste et blessant tous les intérêts des contrées intermédiaires, on n'avait fait qu'un seul pont, comme le projetait l'honorable prédécesseur de M. Wasseige, on devait le placer à ce point milieu, malgré son peu d'importance par lui-même, mais c'eût été là une faute ; à moins qu'on n'eût eu l'idée de construire en outre un pont à Yvoir et un autre entre Godinne et Namur, ce qui, paraît-il, n'était guère dans les intentions du gouvernement.

J'ajoute, messieurs, que le conseil provincial a si bien senti que la construction d'un pont à Yvoir et d'un autre à Lustin était une mesure de bonne administration qu'il s'est empressé de voter, il y a quelques jours, 10,000 francs de subsides pour chacun de ces ouvrages d'art.

Il est donc évident que l'intérêt général commande l'érection des ponts projetés, l'honorable M. de Rossius et la Chambre tout entière doivent avoir tous leurs apaisements à cet égard.

Messieurs, si j'ai, quant à moi, un reproche fondé à faire au gouvernement, c'est de ne pas paraître assez disposé à faire, pour la province et la ville de Namur, ce que commande la justice distributive au point de vue des travaux ou monuments publics.

Ainsi, il est de fait certain que c'est dans un intérêt public que les vieilles casernes de Namur doivent être reconstruites, et Namur voudrait faire ce travail, mais c'est l'Etat belge qui, succédant à l'Etat français, a rendu la chose financièrement impossible pour la ville de Namur.

En effet, l'Etat français a confisqué, et l'Etat belge retient encore la route de Namur à Louvain, pour la construction de laquelle Namur a fait un emprunt considérable, sous le poids duquel l'Etal la laisse seule, puisque les barrières sont perdues pour elle.

Eh bien, la ville de Namur demande aujourd'hui à l'Etat de lui faire du moins l'avance des fonds nécessaires pour reconstruire les casernes, avance dont l'Etat se couvrirait d'abord au moyen de la valeur des terrains devenus inutiles et ensuite en compensant le prix du loyer des casernes jusqu'à parfait remboursement. Obtiendra-t-elle du moins l'objet de cette demande ? Je le souhaite, je le demande au gouvernement et je dis que ce ne serait là qu'un acte de bonne administration et de justice. Je recommande donc cette affaire à la bienveillance de MM. les ministres.

Je dirai, pour finir, quelques mots, messieurs, sur la question des pierres bleues.

Je loue M. le ministre des travaux publics de n'avoir pas laissé plus longtemps les pierres bleues ordinaires dans l'espèce d'interdit qui le» frappait au point de vue des travaux à faire aux frais de l'Etat. Le privilège qui résultait de l'article du cahier des charges, fait en faveur de quelques carrières seulement, était injustifiable. « Et puisqu'on parle de petit granit, je dirai à l'honorable M. de Macar que le banc de petit granit qui traverse la province de Liège traverse aussi celle de Namur et s'y exploite même sur plusieurs points, témoin notamment la carrière de Spontin.

L'article du cahier des charges aujourd'hui modifié, et que, j'en suis certain, le ministère libéral aurait également fini par modifier, n'était, du reste, déjà plus complètement exécuté, et je ne sais si j'apprendrai quelque chose à M. de Macar, en lui disant que l'entrepreneur M. Mansion avait loué à Namêche toute une carrière, hors de laquelle, au vu et au su de toute l'administration des ponts et chaussées, il a extrait une masse (énorme de pierres de taille bleues pour construire des barrages dans la province de Liège.

J'ajouterai, du reste, pour rassurer l'honorable collègue que ces pierres tirées hors des bons bancs sont d'une excellente qualité et aussi solides que n'importe quel petit granit.

Il en est de même des bons bancs de Samson et autres carrières bien connues dans le commerce et employées avec avantage depuis des siècles.

M. Lelièvre. - J'avais demandé la parole dans la discussion pour me plaindre de la part trop insignifiante que l'on donne à l'arrondissement de Namur dans le projet de loi.

J'ai donc été extrêmement étonné des observations de l'honorable M. de Rossius.

Je ne puis qu'attribuer ces critiques à une seule cause, le fait que M. Wasseige siège au banc ministériel ; sans cela, il ne serait venu à l'esprit de personne de critiquer la portion modique que l'on fait à l'arrondissement de Namur.

(page 1760) Il n'est pas de ville en Belgique qui ait été traitée plus défavorablement que Namur. Dans tous les projets de lois relatifs à des travaux d'utilité publique depuis 1847, elle a été presque entièrement déshéritée. En 1851, on lui avait alloué dans le projet une somme de 100,000 francs pour l'amélioration des eaux de la Sambre. Eh bien, ce subside nous a été enlevé.

Veuillez, messieurs, consulter les divers projets qui ont été accordés depuis cette époque et toujours nous avons été presque complètement oubliés.

Aujourd'hui, dans un crédit de 2 millions, nous avons obtenu des travaux pour environ 120,000 francs.

Si j'avais quelque reproche à adresser à M, Wasseige, ce serait d'avoir fait trop peu pour notre arrondissement. Ses sentiments de délicatesse ne lui ont pas certainement permis d'accorder à notre ville ce qu'elle a droit de prétendre.

Certes, ce n'est pas la ville de Liége qui devrait nous envier les travaux peu importants qui nous sont concédés.

Liège a eu le bonheur de posséder, depuis 1847, un représentant éminent qui siégeait en même temps dans les conseils de la couronne. Eh bien, l'on devra convenir que la ville a été largement dotée.

Nombre de députés, et notamment M. Dumortier, se sont souvent plaints des largesses qui étaient faites à la cité liégeoise. Quant à moi, j'y ai donné mon approbation, elles avaient un mobile d'utilité générale et je suis loin de les envier à Liège.

Mais que nos honorables collègues de cette dernière ville respectent au moins les principes de la justice distributive envers Namur et qu'ils ne prétendent pas réduire nos populations à l'état de parias et d'ilotes dans la répartition des travaux publics..

Quant au pont de Lustin, toutes les autorités consultées ont été d'avis que semblable œuvre en cet endroit est d'une nécessité indispensable, les ingénieurs ont nettement émis leur opinion à cet égard.

D'autre part, le conseil provincial de Namur a partagé le même avis et les conseillers provinciaux de Dînant se sont bien gardés de le combattre.

En conséquence, me référant aux observations judicieuses de M. Moncheur et me ralliant aussi à son opinion relativement à l'obligation qui incombe au gouvernement de participer à la dépense de la reconstruction des casernes, je persiste à dire que, dans un projet qui dote différentes provinces de travaux importants, il serait de toute injustice de priver notre arrondissement de toute participation dans des travaux importants. J'espère que, dans d'autres occasions, le gouvernement se fera, un devoir d'indemniser plus convenablement la ville de Namur, car il est évident que c'est notre cité qui est la moins bien traitée dans le projet de loi en discussion.

M. Elias. - Messieurs, chaque fois qu'il est questions de travaux publics dans cette enceinte, on a l'habitude de parler des largesses immenses qui ont été autrefois faites à la ville de Liège. L'honorable M. Dumortier s'est livré à ce sujet a des exagérations qui ont donné cours à ces idées dans le pays.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Elias. - Aussi je tiens essentiellement à détruire cette opinion et je répondrai chaque fois. L'honorable M. Moncheur a cité quelques travaux qui avaient été faits à Liège, et notamment le pont des Arches, qui a coûté une somme de 1,028,000 francs.

Je ferai d'abord observer à l'honorable M. Moncheur que le pont de Dinant, qui certes ne dessert pas une localité de l'importance de Liège, a coûté une somme à peu près égale.

J'ajouterai la remarque suivante : c'est que l'utilité d'un pont doit nécessairement se mesurer d'après les services qu'il rend, d'après le nombre de personnes qui doivent s'en servir. Par une heureuse circonstance, je puis dire à l'honorable M. Moncheur quelle est l'utilité du pont des Arches à Liège.

Lorsqu'on a démoli l'ancien pont, on a dû construire un pont provisoire, et pour déterminer la largeur qu'il devait avoir, il a fallu compter le nombre de personnes qui passent journellement sur le pont des Arches. Savez-vous quel est le chiffre des passants ? Il est de 32,000 par jour. Donc un million et quelques milliers de francs ont été dépensés pour un passage journalier de 2,000 personnes.

Etablissez la proportion entre ces chiffres et ceux que vous aurez pour le pont de Lustin. En évaluant à 300 ou 320 le nombre de passants chaque jour sur ce pont, vous serez extrêmement large.

Si vous comparez l'utilité de ce pont à celle, du pont des Arches, savez-vous le chiffre qui vous reviendrait ? Il vous reviendrait quelque chose comme 1,000 à 1,100 francs. (Interruption.) Certainement, c'est parfaitement exact,

On cite le chiffre dépensé pour la dérivation de la Meuse ; on dit que ce travail a coûté des millions. Voici les chiffres auxquels on doit ramener la dépense totale. J'ai déjà eu l'honneur de le dire dans cette Chambre, la dépense a été de 6,632,000 francs... (Interruption) rien de plus rien de moins. Je vais vous le prouver.

La dérivation de la Meuse, les trois barrages, les bassins, tous les travaux en un mot, ont été adjugés à M. Fremersdorff pour 9,000,000, chiffre rond. Sur ces 9,000,000 la ville a donné un million et l'a payé, contrairement à ce qu'ont fait différentes provinces, qui ont promis des subsides et ne les ont pas payés à l'Etat.

La province a promis 368,000 francs et les a payés. L'Etat a vendu dernièrement des terrains à la ville de Liège pour un million, total 2,368,000 francs, restent 6,632,000 francs, chiffre, exact.

Et notez que ces 6,632,000 francs n'ont pas été dépensés pour la ville de Liège seule, comme on semble le croire ici. Au moyen de cette somme, on a rectifié la Meuse dans la traverse de Liège, on a fait trois barrages et l'on a relevé le niveau de la rivière, sur plus de trois lieues : trois autres provinces, les provinces d'Anvers, de Limbourg et de Namur, ont, du reste, profité largement de ces travaux. (Interruption de M. Julliot.)

C'est là un fait évident ; n'est-ce pas grâce à cette dérivation, à ces barrages, M. Julliot, qu'on a pu prendre de l'eau en quantité à la Meuse, irriguer vos mauvaises bruyères de la Campine et en faire des prairies fertiles ?

On a aussi construit le canal latéral ! Mais ce canal a été construit autant dans l'intérêt des provinces d'Anvers et de Limbourg que dans l'intérêt de la province de Liège.

On commet donc une injustice réelle lorsqu'on met au compte de la ville de Liège toutes ces dépenses.

Il y a plus ; on sait que ce canal latéral a eu pour but et pour effet d'enlever énormément d'eau à la Meuse. La navigation en aval de Liège en est devenue presque impossible pendant une grande partie de l'année. Plusieurs de nos grands industriels ne peuvent ainsi se servir de la rivière ni atteindre le canal. On leur a créé, sans indemnité, une position plus mauvaise. Un barrage pourrait seul apporter un remède ; plusieurs fois nous en avons demandé la construction, mais en vain. Depuis longtemps nous attendons réparation du gouvernement.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je crois que, dans l'intérêt de nos travaux, il vaut mieux épuiser la discussion paragraphe par paragraphe et passer au vote sur chaque crédit. C'est, selon moi, le mode le plus rationnel ; c'est, d'ailleurs, celui qui a été suivi dans la discussion d'autres projets de loi de même nature.

Les reproches, qui me sont adressés par mes honorables collègues de Namur sur la parcimonie que j'ai apportée dans la fixation des crédits dont doit profiter à la province que je représente plus particulièrement ici, vous ont déjà fait reconnaître, messieurs, que l'honorable M. de Macar a bien tort de m'accuser de partialité.

Je puis me borner à dire quelques mots de la question des ponts et à donner lecture de diverses pièces officielles qui vous feront connaître la situation telle qu'elle est réellement.

Elle vous a été exposée d'une façon tellement claire, tellement complète par les honorables MM. Moncheur et Lelièvre, que je ne pourrais rien ajouter à leur démonstration.

Lorsqu'il fut question, dans le projet de 1870, d'une somme de 300,000 francs pour construire des ponts devant servir de complément à des routes, rien n'était spécifié ; on ne disait ni combien de ponts seraient établis, ni où ils le seraient. Immédiatement l'émotion s'empara des différentes populations répandues sur les rives de la Meuse, entre Namur et Dinant.

Trois compétitions se firent surtout remarquer : Yvoir, Godinne et Lustin. Godinne prétendait avoir seule droit à un pont. Yvoir, tout en réclamant aussi pour lui-même un premier pont, déclarait qu'il en fallait un second, dont l'emplacement devait être à Lustin. De son côté, Lustin voulait un pont et signalait la nécessité d'en construire un second à Yyoir.

Mais, à tort ou à raison, l'administration des ponts et chaussées a cru que le gouvernement était décidé à ne construire qu'un seul pont. cette pensée était partagée par l'administration provinciale et dans cet ordre d'idées, ces deux administrations indiquèrent Godinne comme étant la localité la plus importante et surtout comme étant celle dont la situation était la plus favorable à l'établissement du pont unique qui se serait élevé entre Namur et Dinant.

C'est aussi sous l'influence de la même idée que le conseil provincial vota, dans sa session de 1870, un subside de 10,000 francs en faveur du pont de Godinne, sans se, préoccuper d’ Yvoir ni de Lustin.

(page 1761) J'avais, pour ma part, toujours été persuadé que ce n'était pas assez d'un pont et je m'étais prononcé dans ce sens tant à la Chambre que dans le cabinet du ministre. J'avais toujours pensé que l'industrie et le commerce se développaient assez, à cause de la création du chemin de fer qui réunit la ville de Namur à Givet, pour qu'on pût être certain que, dans un avenir très rapproché, un seul pont serait tout à fait insuffisant.

Aussi, quand j'arrivai aux affaires, je crus que la prudence commandait de rechercher s'il n'y avait pas utilité à faire deux ponts et si, dans le cas où l'on devrait provisoirement s'en tenir à l'édification d'un seul de ces ouvrages d'art, il n'y aurait pas lieu de le construire à un emplacement qui se combinât d'avance avec l'établissement ultérieur du second pont dont la nécessité aurait été préalablement reconnue comme évidente. C'est dans ce sens que, le 31 octobre, j'adressai la dépêche suivante à l'ingénieur en chef, directeur des ponts et chaussées de la province de Namur :

« M. l'ingénieur en chef,

« Votre, rapport du 21 mai dernier, n°63918/17550, adressé à M. le gouverneur de la province de Namur, énumère les diverses considérations qui vous ont déterminé à proposer Godinne comme emplacement à donner au pont à construire par l'Etat sur la Meuse, entre Dinant et Namur.

« Je reconnais que les arguments que vous invoquez sont d'une très grande valeur, lorsqu'on se place à ce point de vue qu'un seul pont suffirait toujours aux relations des deux rives de la Meuse, entre les villes désignées ci-dessus, et que telle était l'intention bien arrêtée du gouvernement.

« Il pourrait cependant ne pas en être ainsi, si l'établissement d'un chemin de fer doit avoir pour effet de développer l'industrie dans les localités qu'il dessert, de façon à exiger un égal développement dans les voies de communication, parmi lesquelles la construction de ponts devinés à relier les stations aux centres les plus importants établis sur les deux rives, doit tenir le premier rang. A ce point de vue, l'établissement d'un pont à Godinne paraît préjuger la question dans un sens restrictif, et peut-être conviendrait-il mieux de choisir un emplacement qui, tout en créant un grand bienfait actuel, laissât subsister tout entière la possibilité d'une nouvelle voie de communication dont la nécessité pourrait se faire sentir dans un avenir peu éloigné.

« Je vous prie donc, M. l'ingénieur en chef, d'étudier l'affaire sous ce nouvel aspect et de me faire connaître ; 1° si vous pensez que les besoins du commerce et de l'industrie justifient la construction de deux ponts au moins entre Dinant et Namur ; 2° où, ces deux ouvrages d'art devraient être établis, et 3° quel est celui auquel il faudrait donner la priorité, dans le cas où le gouvernement ne jugerait pas possible de les construire tous deux simultanément.

« Veuillez joindre à votre rapport l'estimation des dépenses pour chacun des ponts ; afin que le conseil provincial puisse délibérer sur cet objet lors de sa prochaine session. »

J'écrivis dans le même sens au gouverneur.

Voici ce que M. Dumon me répondit sous la date du 17 novembre ; pour ne pas abuser des moments de la Chambre, je ne lirai que les passages les plus importants de son rapport :

« Par votre dépêche du 31 octobre dernier, 1ère direction, n° 16252, S. 27567, vous me faites l'honneur de soumettre à mon examen la question de savoir si les besoins du commerce et de l'industrie justifient la construction d'au moins deux ponts sur la Meuse, entre Namur et Dinant ; quel doit être l'emplacement de ces deux ouvrages d'art ; quel est celui des deux ponts qui mériterait la priorité, dans le cas où ils ne pourraient être construits simultanément, et quelle serait la dépense de l'un ou de l'autre.

« Mon rapport du 21 mai dernier, n°63918/17550, que rappelle votre dépêche, n'a pas été rédigé dans la pensée qu'entre Namur et Dinant un seul pont suffira toujours aux relations des deux rives de la Meuse. Je ne croyais pas même qu'un seul pont donnerait actuellement une entière satisfaction à ces relations.

« Mais je pensais que l'administration n'était pas disposée à en construire un plus grand nombre.

« Je suis heureux, monsieur le ministre, de pouvoir donner à mes propositions une extension en rapport avec les besoins du pays.

« Je l'ai déjà dit, la riche et industrieuse contrée de l'Entre-Sambre-et-Meuse, depuis Namur jusqu'à Dinant, ne profite point du chemin de fer de Namur à Givet. La rivière l'en sépare. C'est un obstacle que l'on peut dire absolu.

« Trois vallées transversales débouchent, à gauche, dans celle de la Meuse, l'une à Burnot, la seconde à Rouillon, la dernière à Moulins, respectivement à 15, 16 et 20 kilomètres de Namur, et à 14,11 et 7 kilomètres de Dinant.

« Par chacune de ces vallées, descend, du plateau de l'Entre-Sambre et Meuse, une importante voie de communication qui, arrivée à la Meuse, trouve en face d'elle, sur la rive opposée, une station de chemin de fer qu'elle ne peut atteindre.

« Il importerait que chaque route fût prolongée jusqu'à la station correspondante, pour y verser ses voyageurs, ses matières premières, et les produits des usines qu'elle dessert.

« Il y aurait donc trois ponts à construire : l'un, pour conduire à la station de Lustin (borne kilom. n°13) ; l'autre, à celle de Godinne (borne n°15) ; le dernier, à celle d'Yvoir (borne n°20).

« ... Si on observe que chaque pont ne coûterait que 160,000 francs environ, et que les subsides offerts réduiraient considérablement cette dépense, l'administration semble ne pas devoir reculer devant la construction des trois ponts.

« Mais si elle décide qu'il ne sera construit que deux ponts, lequel des trois faut-il éliminer ?

« Ce ne peut être le pont de Moulins, qui partagera fort bien l'espace entre Dinant et Godinne ou Lustin. En effet, Moulins est éloigné de 7 kilomètres de Dinant, de 7 kilomètres de Lustin, et de 5 kilomètres de Godinne.

« D'un autre côté, indépendamment de la jonction de la rive gauche de la Meuse à la station d'Yvoir, le pont de Moulins opérera celle de la route de Ciney à Yvoir, au chemin de grande communication qui descend de l'Entre-Sambre et Meuse à Moulins.

« Co pont me semble donc hors de cause. »

L'opinion de l'ingénieur en chef était donc bien catégorique. Une considération importante à noter, c'est que le pont d'Yvoir, outre qu'il offre l'avantage d'établir une communication avec la station, a cette spécialité de relier le canton de Ciney et l'Entre-Sambre et Meuse.

« Quant à celui de Godinne, malgré sa plus grande importance, malgré l'inconvénient d'un plus long transport sur axe des matières pondéreuses, qui empruntent actuellement la route de Rouillon à Fraire, il me semble ne pas devoir être préféré au pont de Lustin.

« Il existe un chemin empierré de Bioulx à Moulins. Il est probable que lorsqu'il sera établi un pont à Moulins et un autre à Lustin, bien des marchandises qui iraient par la route de Rouillon à la station de Godinne, s'il y avait un pont à cet endroit, se détourneront par le chemin vers la station d'Yvoir, au lieu de descendre jusqu'à Lustin.

« La taxe supplémentaire d'Yvoir à Lustin sera, sans nul doute, préférée à l'allongement du parcours sur axe jusqu'à cette dernière station.

« Si donc le désavantage qu'éprouvera la route de Rouillon n'est pas enlevé, il sera du moins amoindri par le pont d'Yvoir.

« Mais cette considération serait sans valeur si le pont d'Yvoir ne se faisait pas en même temps que celui de Lustin.

« Pour résumer, je pense, M. le ministre :

« 1° Qu'un seul pont ne peut répondre aux besoins du commerce et de l'industrie de la vallée de la Meuse, dans le présent, et encore moins dans l'avenir ;

« 2° Qu'il est désirable qu'il soit construit trois ponts, chaque pont reliant une importante voie de communication de la rive gauche de la. Meuse à la station qui n'a été établie qu'en vue de cette jonction ;

« 3° Que si le nombre des ponts doit être réduit à deux, c'est à Moulins et à Lustin qu'ils doivent être construits ;

« 4° Que cette construction ne peut être que simultanée, le pont de Moulins devant réparer en partie les inconvénients de la suppression du pont de Godinne.

« Quant à la dépense, elle sera à peu près la même pour chacun des trois ponts : 160,000 francs. Toutefois à Yvoir, il faudra la majorer d'environ 10,000 francs, pour le raccordement du pont à la route d'Yvoir à Ciney.

« J'ajouterai que la route qui était projetée entre la station de Godinne. et Assesse, et qui est figurée sur la carte ci-jointe, pourra aussi partir de la station de Lustin. »

Pour s'expliquer le troisième paragraphe des conclusions de M. Dumon, il faut savoir qu'il existe une route qui partant, à Bioulx, de la route de Rouillon à Fraire, vient déboucher à Moulins.

M. de Rossius. - Impraticable.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Elle est toute neuve et en parfait état.

L'ingénieur déclare que par cette route arriveront la plus grande partie des transports qui se seraient dirigés sur Godinne, si le pont avait été (page 1762) construit dans cette localité. Mais il ajoute que, pour obtenir ce résultat, il faut que les ponts de Lustin et d'Yvoir soient faits simultanément. Le gouverneur s'est prononcé dans le même sens, et c'est pour cela que j'ai demandé le crédit nécessaire à la construction des deux ponts. Je me propose d'en mettre les travaux en adjudication immédiatement après le vote du projet de loi.

Ainsi que l'honorable M. Moncheur l'a déjà fait observer, lorsqu'on m'accusait hier de vouloir pour la province de Namur non seulement des ponts sans péages, mais des ponts qui s'établiraient sans subside de qui que ce fût, on était dans une erreur complète, attendu que, pour ces deux ponts, des souscriptions considérables ont été obtenues des communes et des particuliers : 41,000 francs pour le pont de Lustin ; 25,000 francs pour celui d'Yvoir. Pour celui de Godinne, il n'avait été souscrit que 13,000 francs.

Vous pouvez juger par là de l'importance et de l'utilité relatives des trois ponts.

De son côté, le conseil provincial vient de voter deux subsides de 10,000 francs chacun pour les ponts d'Yvoir et de Lustin, ce qui, par parenthèse, prouve que ce corps, qui connaît si bien les intérêts de la province, partage la manière de voir du gouvernement.

Le conseil provincial recommande aussi la construction d'un pont à Hastière. Je puis déclarer que les intentions du gouvernement sont que ce pont s'établisse dans les mêmes conditions que ceux d'Yvoir et de Lustin, mais les études n'en sont pas assez avancées pour que je puisse fixer, dès maintenant, l'époque de sa mise en adjudication qui, en tous cas, ne se fera pas longtemps attendre.

Je puis faire valoir une autre raison encore pour justifier la décision critiquée.

L'honorable M. de Rossius a fait remarquer qu'il n'y a pas de bac à Godinne et qu'il y en a un à Lustin et un à Yvoir. Mais c'est la preuve la plus évidente que le besoin de traverser la rivière avec des marchandises et des chariots est plus fort dans ces deux dernières localités que dans la première.

Il est possible que les intérêts de l'industrie ne soient pas suffisamment desservis par deux ponts, entre Namur et Dinant, et que, comme l'a dit l'honorable M. Moncheur, il doive s'en construire d'autres encore.

Ainsi, j'ai reçu, depuis peu, une demande en concession pour un pont à établir à Godinne. Mais je pense qu'il serait prématuré d'accorder dès maintenant des subsides de l'Etat pour faciliter l'exécution de cette entreprise.

M. de Macar. - Pourquoi pas ?

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je pense qu'au point de vue de l'intérêt général, que je dois défendre, il faut attendre jusqu'à ce qu'il soit constaté que les ponts de Lustin et d'Yvoir ne satisfont pas complètement à cet intérêt. Si cela était démontré, bien que Godinne ne soit séparé d'Yvoir que de 2 1/2 kilomètres, je serais disposé à accorder le subside demandé.

M. le président. - La parole est à M. Dumortier.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Dumortier. - J'entends que beaucoup de membres désirent la clôture. Si la discussion peut être close, je ne parlerai pas. S'il en était autrement, je réclamerais la parole.

- La discussion est close.

Le chiffre de 500,000 francs est adopté.

Article premier, paragraphe 2

« Paragraphe 2. Prolongement de l'avenue de la Reine, à Laeken, jusqu'à la rue de l'Eglise et dégagement des abords de la nouvelle église : fr. 250,000. »

-Adopté.

Article premier, paragraphe 3

« Paragraphe 3. Construction de routes de l'Etat dans le Luxembourg : fr. 200,000. »

- Adopté.

« § 5. Construction de routes de l'Etat dans le Luxembourg, 300,000 francs. »

M. Van Hoorde. - Messieurs, permettez-moi de faire une observation qui m'a été suggérée par la lecture de l'amendement qu'ont proposé les honorables députés du Limbourg. J'ignore quel est le sort réservé à cet amendement, mais je voudrais prévenir un résultat fâcheux que son rejet, s'il doit avoir lieu, pourrait produire pour la province de Luxembourg.

Je désire qu'il soit bien entendu que, quoi qu'il advienne de cet amendement, le vote du crédit extraordinaire de 200,000 francs n'impliquera, en aucune façon, une réduction quelconque de la part afférente au Luxembourg dans les crédits ordinaires.

Il y a une considération qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la province de Luxembourg est de loin la plus étendue, et que ses ressources sont, de loin aussi, les plus restreintes. Il est admis que l'Etat doit, à certains intervalles, venir en aide aux provinces, dans des proportions exceptionnelles, d'une manière plus efficace, et les projets de lois concernant des travaux extraordinaires que la Chambre est appelée à voter périodiquement, partent de cette idée dont la justesse n'est sérieusement contestée par personne. Les économistes purs font, il est vrai, leurs réserves, mais ils ont tous bien soin de se mettre immédiatement en contradiction avec leurs propres théories, en demandant à cor et à cri l'intervention la plus large possible.

Eh bien, il serait tout à fait irrationnel et injuste de n'appliquer ce principe aux populations qui ont le plus de besoins et le moins de moyens d'y faire face par elles-mêmes, qu'en leur reprenant, d'un côté, ce qu'on leur a donné d'un autre. Cela serait d'autant plus injuste, en ce qui concerne le Luxembourg, que si l'on excepte les subsides pour églises et écoles et une garantie d'intérêt pour chemin de fer, laquelle se traduit en un chiffre minime, le Luxembourg n'a jamais rien coûté au trésor, en matière de travaux publics, en dehors des dépenses pour la voirie.

On est dans le faux, je l'ai déjà dit bien souvent, mais il y a des vérités qu'on ne doit jamais se lasser de répéter, on est dans le faux, quand on compare ces dépenses de la voirie aux dépenses ayant le même objet dans les autres provinces, sans tenir compte des frais énormes de l'établissement des chemins de fer de l'Etat, des frais considérables de la création de voies navigables et d'améliorations des cours d'eau, et de tous les autres frais de luxe ou d'utilité qui se montent, partout ailleurs, à des sommes très élevées.

Aussi, si je n'étais pas bien convaincu que l'honorable ministre des travaux publics, loin de songer à restreindre notre lot dans la répartition des crédits budgétaires, continuera à nous faire trouver là des compensations légitimes, je ne pourrais pas m'empêcher de dire que le crédit de 200,000 francs est par trop modique, et de m'abstenir sur l'ensemble du projet. En réalité, à une province qui constitue la sixième partie du royaume, il ne donne pas même la centième partie de la dépense totale., Mais l'honorable ministre a répondu aux réclamations que mes honorables collègues et moi avons présentées ici relativement aux travaux à faire pour compléter notre réseau de routes, dans des termes qui dénotent chez lui le désir sincère de faire droit à ces réclamations le plus tôt possible. Il ne voudra pas nous mettre dans la nécessité de lui rappeler un jour ces paroles bienveillantes en lui reprochant de les avoir oubliées.

M. Brasseur. - Je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Moncheur quand il dit que la province de Namur a été mal partagée jusqu'à ce jour dans les subventions accordées par l'Etat pour travaux publics. Sous ce rapport, je trouve que le Luxembourg et même le Limbourg, tout en formulant des plaintes justes et fondées, ont cependant moins à se plaindre que la province de Namur ou tout au moins une grande partie de la province.

L'honorable ministre a donc parfaitement bien fait de rétablir l'équilibre entre la province de Namur et les autres provinces.

Toutefois, je ferai à l'honorable ministre des travaux publics un léger reproche. Nous sommes députés de la même province et il a trop tiré la couverture de son côté ; il n'est rien resté pour mon arrondissement. (Interruption.)

M. Demeur. - Vous n'êtes pas à la question.

M. Brasseur. - Pardon, nous en sommes au paragraphe qui parle des routes, et mes observations portent précisément sur cet objet.

Je demande à l'honorable ministre qu'il veuille bien porter son attention sur deux points qui sont, pour l'arrondissement de Philippeville, d'une extrême importance ; je veux parler d'un chemin de grande communication partant de Gerpinnes et aboutissant à Strée, en passant par Walcourt, et d'un autre chemin partant de Cul-des-Sarts et se reliant à un point déterminé de la route de Couvin à Rocroy. Je demande que ces deux routes soient déclarées routes de l'Etat.

La dernière est la rectification d'une route internationale. Quant à la première, la reprise par l'Etat s'explique facilement.

Walcourt est le centre de tous les chemins de fer du bassin d'Entre-Sambre-et-Meuse : le système des routes doit évidemment être mis en rapport avec cette nouvelle situation ; d'autant plus que Walcourt a vu sa population doubler et de nombreux établissements industriels s'y établir. '

Eh bien, messieurs, ce chef-lieu de canton, le plus important des cantons ruraux de la province de Namur au point de vue des affaires, ce chef-lieu de canton n'a pas une route de l'Etat, et c'est le seul canton du royaume qui n'en ait pas.

(page 1763) Mon arrondissement, je le constate à regret, n'a pas à se louer du gouvernement. Il est d'autant plus mal traité qu'il n'a pas, comme d'autres provinces, le bonheur d'avoir des chemins de fer de l'Etat et de jouir de tarifs peu élevés.

Le Luxembourg a reçu de magnifiques subventions pour ses roules ; le Limbourg, pour son canal ; l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter n'a absolument rien obtenu. J'espère que cette situation d'inégalité cessera bientôt.

Je recommande donc à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien, dans son prochain budget, adopter, comme routes de l'Etat, les deux routes dont j'ai parlé tantôt ; cette mesure occasionnerait un léger sacrifice au trésor public.

M. le président. - Je crois qu'il faut discuter séparément l'amendement de MM. Julliot, de Theux, Thonissen et de Borchgrave ; cet amendement propose, en effet, une nouvelle somme de 200,000 francs en faveur du Limbourg ; il en est de même de l'amendement présenté par MM. de Lhoneux, de Lexhy et de Macar.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je n'ai que quelques mots à dire ; je suis heureux de déclarer que le chiffre accordé au Luxembourg, pour la construction de routes, constitue un crédit tout à fait extraordinaire et qui ne portera aucun préjudice aux travaux qui pourront être faits tous les ans dans cette province au moyen des allocations du budget.

Cette déclaration répond à la fois à la demande de l'honorable M. Van Hoorde et à l'interpellation de l'honorable M. Tesch. En outre, je puis promettre à l'honorable représentant d'Arlon que j'examinerai et ferai étudier les points qu'il a signalés dans son discours ; j'aurai égard à ses réclamations, si le fondement en est démontré.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je désire donner à la Chambre quelques éclaircissements de plus, qui témoignent de la sympathie du gouvernement pour les intérêts recommandés par l'honorable M. Tesch. Récemment, à propos du crédit extraordinaire voté par la Chambre pour la voirie vicinale, nous avons eu à apprécier la position spéciale du Luxembourg, où, à côté de besoins nombreux, bien souvent les ressources locales font défaut ; et nous avons cru pouvoir exceptionnellement modifier les conditions ordinaires de l'intervention de l'Etat. Si la Chambre ne désirait pas clore cette discussion, je pourrais donner à l'honorable M. Tesch la preuve que le gouvernement a aidé, autant qu'il l'a pu, à l'amélioration de la voirie vicinale dans le Luxembourg.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Permettez-moi d'ajouter un mot à la réponse que j'ai faite tout à l'heure aux honorables MM. Tesch et Van Hoorde ; il est bien entendu que si le Luxembourg, malgré les subsides extraordinaires, conserve tous ses droits à la distribution des subsides ordinaires, il en est de même pour les autres provinces et notamment pour l'arrondissement de Philippeville que m'a recommandé l'honorable M. Brasseur.

Il est clair que cet arrondissement, comme tous les autres, peut revendiquer les faveurs du gouvernement lorsqu'il s'agit de demandes justifiées ; je promets à l'honorable membre de faire aussi examiner les questions qu'il a soulevées.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est adopté.

M. le président. - Nous arrivons a l'amendement présenté par MM. Julliot, de Theux, Thonissen et de Borchgrave.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Les soussignés ont l'honneur de proposer d'ajouter au paragraphe 3 de l'article premier, intitulé Routes : constructions de routes de l'Etat dans le Limbourg, 200,000 francs. »

M. Thonissen. - Messieurs, je n'ai pris la parole que pour présenter quelques observations à l'appui de l'amendement déposé par l'honorable M. Julliot et signé par tous les représentants du Limbourg.

En 1865, la Chambre a voté un projet de travaux publics d'une importance de 60 millions de francs. Huit provinces y étaient largement favorisées. Le Limbourg seul était exclu..

Aujourd'hui nous sommes appelés de nouveau à voter un projet de travaux publics d'une importance de 22 millions. Eh bien, cette fois encore, huit provinces obtiennent une part du gâteau ; mais, en 1871 comme en 1863, le Limbourg.se trouve complètement exclu. On ne peut pas, en effet, porter au compte du Limbourg les 200,000 francs destinés a fournir un logement convenable à M. le gouverneur. C'est là une dépense qui incombe à l'Etat et dont la province ne profite en rien.

Evidemment c'est là un système qui ne saurait durer ; il blesse l'équité, il est contraire à la justice distributive.

On accordé au Luxembourg une somme de 200,000 francs pour construction de routes de l'Etat.

Nous pouvons, me semble-t-il, demander, en toute justice, que la même somme soit allouée au Limbourg.

Assurément, je ne prétends pas qu'on traite trop favorablement le Luxembourg.

Je voterai même très volontiers les sommes nécessaires pour l'exécution du travail réclamé par l’honorable M. Tesch.

Seulement, puisque l'honorable député d'Arlon a cru devoir parler des voies navigables du Limbourg, il me permettra de lui rappeler que le Luxembourg a reçu antérieurement un subside extraordinaire de deux millions pour le dédommager de l'absence d'un chemin de fer de l'Etat.

Le Limbourg, qui ne possède, lui aussi, que des chemins de fer concédés, n'a pas reçu ces 2 millions.

Pourquoi donc refuse-t-on aujourd'hui au Limbourg les 200,000 francs qu'on accorde, au Luxembourg ?

Le Limbourg, messieurs, est une province peu riche, et ses besoins, en fait de voies de communication, sont immenses. Nous avons en ce moment sept routes en construction et les ressources manquent pour les terminer.

Je prie donc instamment la Chambre de voter l'amendement déposé par l'honorable M. Julliot.

Avant de finir, je profiterai de l'occasion pour appeler de nouveau l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur les avantages que présenterait la construction d'un pont sur la Meuse à Maeseyck. Je m'en réfère, à ce sujet, au discours que j'ai prononcé dans une circonstance.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, lorsque j'ai procédé à la répartition des fonds dont je pouvais disposer sans craindre d'avoir maille à partir avec mon honorable collègue M. le ministre des finances, j'ai cherché à donner la préférence aux travaux les plus utiles et les plus urgents, en tenant la balance égale entre toutes les provinces du royaume, eu égard à leurs besoins actuels.

C'est ainsi que j'ai été amené à conclure que la somme de 200,000 fr. que je pouvais consacrer au Limbourg devait être appliquée à la reconstruction de l'hôtel du gouvernement provincial et de l'hôtel de la direction des contributions.

Ces deux travaux m'avaient été signalés par mes honorables collègues de l'intérieur et des finances.

J'avais accepté l'opinion de mes honorables collègues avec d'autant moins de difficulté que la province de Limbourg a été singulièrement favorisée dans la distribution des crédits extraordinaires du mois de décembre dernier et dans la distribution des subsides ordinaires prélevés sur le budget.

Ainsi que je l'ai déjà dit au Sénat, il se construit en ce moment dans le Limbourg des routes pour une somme de 304,000 francs ; de plus, des terrains sont achetés et l'adjudication est excessivement prochaine pour la construction de routes à concurrence d'une somme de 187,000 francs.

Cela fait bien en totalité un chiffre fort respectable de 500,000 francs.

Le Luxembourg et certaines autres provinces ne sont guère dans les mêmes conditions.

En outre, comme je l'ai déclaré au Sénat, plusieurs projets s'étudient en ce moment, entre autres celui d'une route de Tongres à Gelinden, ainsi que je l'avais promis aux honorables MM. Julliot et de Borchgrave.

Je suis disposé également à faire étudier la reprise de certaines voies de grande communication, notamment de divers chemins vicinaux du canton de Looz.

Je compte que cette reprise aura lieu, s'il est prouvé que l'intérêt public justifie la mesure.

Voilà ce qui m'avait engagé à appliquer les 200,000 francs à la reconstruction de l'hôtel du gouvernement provincial plutôt qu'à la construction de routes.

Cependant je ne m'entête nullement dans mes idées ; je laisse à la Chambre le soin de décider ; mais je dois déclarer que si elle affectait à la construction de routes les 200,000 francs inscrits dans le projet, je me verrais forcé de demander à mes honorables collègues des finances et de l'intérieur de remettre, à des temps meilleurs la construction de l'hôtel du gouvernement provincial, à cause de l'impossibilité dans laquelle je me trouve d'augmenter le chiffre qui peut être consacré à la province de Limbourg.

M. de Rossius. - Vous repoussez l'amendement ?

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je vous demande pardon ; c'est tout simplement un transfert que je propose.

M. de Rossius. - Avouez franchement que vous ne voulez pas de l'amendement.

(page 1764) M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je déclare que les travaux d'édification d'un nouvel hôtel du gouvernement provincial auxquels je proposais d'affecter 200,000 francs, peuvent sans inconvénient être ajournés d'un an ou deux, tandis que les routes dont il s'agit sont d'une utilité incontestable et immédiate.

M. Julliot. - Messieurs, je suis convaincu des bonnes intentions de l'honorable ministre des travaux publics, et si l'honorable ministre avait les ressources suffisantes pour satisfaire à toutes les demandes, tous s'en retourneraient satisfaits mais il n'en est pas ainsi.

L'honorable ministre nous fait une position très délicate, il nous dit : Optez entre la bâtisse de l'hôtel du gouvernement et entre vos routes ! En effet, le pouvoir qu'on nous donne m'effraye ; ce n'est plus le gouvernement du pays par le pays, ce serait le gouvernement du pays par trois députés du Limbourg, car le quatrième, le plus important, est absent.

Je dis que le gouvernement est seul compétent pour décider de l'urgence, d'un nouvel hôtel provincial et si le gouvernement éprouve des difficultés à se décider qu'il consulte le rapport récent qu'il a reçu du conseil provincial pour se fixer sur l'urgence de la construction des routes dans le Limbourg et il aura tous ses apaisements. Nous maintenons donc notre amendement et le soumettons avec confiance à la Chambre.

M. Thonissen. - L'honorable ministre des travaux publics a commencé par dire qu'il avait cherché à opérer équitablement le partage des 22 millions qu'on nous demande de voter. Le mot « partage » ne me semble pas en situation à l'égard du Limbourg, qui se trouve complètement exclu.

L'honorable ministre a parlé également de routes en construction dans notre province ; il a dit, avec vérité, que la valeur de toutes ces routes réunies atteindra la somme de 500,000 francs. Le fait est exact, mais l'honorable chef du département des travaux publics aurait dû ajouter que ces routes se construisent avec une telle lenteur, que plusieurs d'entre elles ont été commencées il y a six et même sept ans.

Je ne veux pas d'ailleurs, messieurs, me plaindre outre, mesure. Le Limbourg a été traité avec bienveillance, aussi bien par l'administration actuelle que par l'administration précédente. C'est un fait que je n'ai jamais nié. Mais ce n'est pas ainsi que la question doit se poser aujourd'hui. La Chambre est appelée à voter une somme de 22 millions pour exécution de grands travaux publics, et nous demandons simplement que la province que nous représentons obtienne une faible part de ces 22 millions.

L'honorable ministre déclare s'en référer à la Chambre sur la question de savoir s'il convient d'admettre ou de rejeter notre amendement ; mais il ajoute que, si cet amendement est adopté, il priera son honorable collègue de l'intérieur de renoncer à la somme de 200,000 francs, réclamée pour construction d'un nouvel hôtel provincial à Hasselt et appropriation d'une partie de l'hôtel actuel pour le service de l'administration des contributions directes.

L'honorable M. Julliot a dit, avec raison, que M. le ministre nous place ainsi dans une position délicate. Mais cette position n'est cependant pas telle, qu'elle puisse nous faire renoncer à un amendement dicté par l'équité et fondé sur la justice. J'espère même que l'honorable ministre ne persistera pas dans sa déclaration. Je connais les lieux et je puis donner à la Chambre l'assurance positive que la construction d'un nouvel hôtel provincial est devenue indispensable. Ses locaux actuels sont manifestement insuffisants, et, d'autre part, le gouvernement paye un loyer très élevé pour les locaux occupés par l'administration des contributions directes, douanes et accises.

En somme, messieurs, la véritable situation dii Limbourg est celle-ci : on a voté un premier projet de 60 millions et le Limbourg n'a rien obtenu. Il s'agit aujourd'hui de 22 autres millions, et le Limbourg se trouve de nouveau oublié.

Je prie donc instamment la Chambre de voter l'amendement par lequel nous demandons un crédit de 200,000 francs pour construction de routes de l'Etat, dans la province que nous avons l'honneur de représenter.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, je vois avec peine que mes excellentes dispositions envers le Limbourg ne sont pas appréciées. J'ai voulu être réellement gracieux envers les représentants de cette province ; et c'est dans cette intention que j'ai proposé, comme je le disais tout à l'heure, ce qu'on peut appeler un transfert.

Je pourrais citer beaucoup de chiffres pour justifier l'emploi que j'avais donné aux 200,000 francs destinés au Limbourg.

J'ai en main un tableau qui prouve que le Limbourg n'a pas cessé d'être favorisé ; que depuis 1830 il s'est toujours trouvé dans une position privilégiée sous le rapport des routes de. l'Etat.

Je reconnais cependant, messieurs, que les fonds destinés aux routes ont une affectation plus immédiatement utile que ceux qui seraient consacrés à l'hôtel du gouvernement provincial.

Toutefois si nous donnions la préférence aux routes, ce ne serait pas pour renoncer au travail qui est mis en opposition avec elles. Evidemment, non ; mais la reconstruction d'un hôtel provincial n'est pas tellement urgente, qu'elle ne puisse être ajournée pour un an ou deux. Il ne peut pas y avoir d'inconvénient à cela.

J'admets qu'il y a peut-être un avantage plus actuel, plus immédiat à donner 200,000 francs pour les routes. La Chambre en décidera.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, dans le débat auquel ont pris part les honorables représentants du Limbourg et du Luxembourg, on a invoqué des intérêts ou des droits égaux pour la construction de routes. (Interruption.)

L'honorable M. Thonissen vient de vous dire, messieurs, qu'on avait toujours agi pour le Limbourg comme pour le Luxembourg, que dès lors si l'on votait 200,000 francs pour le Luxembourg, il était juste de voter 200,000 francs pour le Limbourg. C'est en dehors de cette question spéciale, que se place la reconstruction de l’hôtel provincial à Hasselt ; je persiste à croire que c'est une dépense nécessaire, et si l'on applique aujourd'hui la somme qui y était consacrée aux routes du Limbourg, je dois faire connaître à la Chambre que, dans un bref délai, je serai obligé de lui demander le crédit nécessaire pour la reconstruction de l'hôtel du gouvernement provincial du Limbourg.

- L'amendement de MM. Julliot et autres membres est mis aux voix et adopté.

M. le président. - La Chambre passe à l'amendement présenté par MM. de Lhoneux, de Lexhy et de Macar, et qui est ainsi conçu :

« La disposition suivante sera ajoutée au projet de loi des travaux publics, après le paragraphe 2 de l'article premier ;

« Paragraphe 3bis. Rachat des droits de barrière sur les routes appartenant à l'Etat, de Huy à Tirlemont et de Huy à Stavelot : fr. 50,000. »

(page 1769) M. de Lhoneux. - Messieurs, lors de la discussion du budget des travaux publics, je me plaignais de l'oubli dans lequel le gouvernement laissait l'arrondissement de Huy, et émettais l'espoir, que si un projet comportant la demande de larges crédits spéciaux, était présenté, pendant le cours de la session actuelle, le gouvernement aurait égard à nos réclamations et ferait droit à nos justes demandes.

Nous avons vu, messieurs, mon honorable collègue et moi, avec étonnement et regret, que cette fois encore, malgré l'importance des crédits sollicités, l'arrondissement que nous avons l'honneur de représenter dans cette Chambre était complètement oublié.

Nous ne pouvons laisser passer cette occasion sans protester contre l'espèce d'ostracisme dont notre arrondissement est victime, et tenter un nouvel effort, pour lui faire obtenir justice.

Je viens donc, messieurs, au nom de l'arrondissement de Huy, réclamer du gouvernement et de la Chambre une part, une très faible part, du reste, du magnifique gâteau que le gouvernement propose de distribuer entre les différentes parties du pays.

Je ne sais, messieurs, par quelle espèce de fatalité, par quel concours de circonstances défavorables notre arrondissement a été presque constamment oublié et a toujours vu ses réclamations rester sans effet et sans résultat, mais il est à noter qu'à aucune époque l'arrondissement de Huy n'a eu l'oreille du pouvoir et la chance heureuse de participer, dans la mesure de ce qui lui était strictement dû, aux largesses du gouvernement.

Ainsi, messieurs, lorsqu'il s'est agi de la canalisation de la Meuse, les travaux ont été exécutés sur le territoire de Liège jusqu'aux confins de l'arrondissement de Huy, puis passant par-dessus la tête de cet arrondissement, on poursuivit dans la province de Namur, laissant la partie entre Chokier et Andenne pour des temps plus heureux.

Cette façon de procéder tout à fait anomale et désavantageuse pour l'arrondissement de Huy, souleva, en 1862, de vives critiques de la part d'un homme qui fut une des gloires de la représentation belge, et qui pendant sa longue carrière parlementaire représenta presque constamment l'arrondissement de Huy ; je veux parler de l'honorable M. Lebeau.

L'honorable M. Lebeau se plaignait alors, et non sans amertume, du déni de justice dont son arrondissement était victime ; il rappelait à cette occasion qu'il n'avait jamais rien réclamé pour ses mandataires, mais qu'on les oubliait trop, et ne craignait pas de s'écrier « que l'arrondissement de Huy était traité en véritable paria » (voir ses discours du 1er août 1862.)

Ce ne fut, messieurs, que lorsqu'il ne fut plus possible de différer la canalisation de la Meuse sur notre territoire, la partie entre Liège et Chokier étant faite et celle entre Namur et Andenne presque achevée, que nous obtînmes justice sous ce rapport.

Vers cette même époque, 1862, on faisait, messieurs, dans les arrondissements de Huy et de Waremme, une agitation assez vive en faveur de la ligne en projet de Landen à Aye.

A la tête de cette agitation, se trouvaient les honorables représentants et sénateurs de ces arrondissements, qui sollicitaient vivement, en faveur de la ligne projetée, l'intervention du gouvernement, soit sous forme de subvention, soit sous forme de garantie d'un minimum d'intérêt.

Ce concours du gouvernement, on se croyait, messieurs, fondé à le réclamer et on pensait, sans présomption, pouvoir l'obtenir.

Au dire des nombreuses autorités qui s'occupaient alors de cette question, l'octroi de la faveur sollicitée ne devait être pour les arrondissements de Huy et de Waremme « qu'un acte de stricte équité et en quelque sorte de réparation ».

Et l'honorable baron de Tornaco, vice-président du Sénat, s'écriait alors qu'il lui paraissait impossible que le gouvernement refusât tout concours parce qu'il avait accordé cette faveur à d'autres, et que l'arrondissement de Huy « avait toujours été oublié dans les nombreux travaux publics décrétés depuis 1849. »

Néanmoins, le. gouvernement refusa aux arrondissements de Huy et de Waremme ce qu'il avait accordé précédemment à tant d'autres, et accorde encore aujourd'hui même, témoin la ligne de Tirlemont à Diest.

De guerre lasse, en 1864, une société particulière se forma - et ce sans aucun secours du gouvernement - pour l'exécution de cette voie ferrée, dont la réalisation doit, de l'avis de tous les hommes compétents, exercer une influence considérable sur la prospérité et le développement des arrondissements de Huy et de Waremme.

Après des entraves, des difficultés et des retards de différents genres, cette société a réalisé une partie de sa ligne et, cette année même, pourra en livrer une section à l'exploitation.

Les arrondissements de Huy et de Waremme, si vivement intéressés dans la question, réclament avec instance l'exploitation de cette ligne par l'Etat ; d'abord et surtout, messieurs, parce que cette reprise améliorerait dans une mesure considérable la situation de ces arrondissements au point de vue des transports, mais ensuite parce que, selon toute apparence, cette reprise aurait pour résultat de hâter l'achèvement des parties de la ligne non encore construites.

Or, messieurs, si j'en juge par les déclarations faites au Sénat par l'honorable ministre des travaux publics, cette dernière considération seule devrait être déterminante pour le gouvernement.

L'honorable ministre des travaux publics n'a-t-il pas en effet déclaré au Sénat (Annales parlementaires, séance du 7 juillet, page 555) que « quand l'Etat avait repris les chemins de fer de la société des Bassins houillers, il avait eu particulièrement pour but d'assurer l'exécution de la plupart des lignes qui, simplement concédées ou même partiellement en voie de construction, n'auraient, sans la reprise, jamais été entamées ou achevées ? »

Il semblerait donc, messieurs, que le gouvernement, poussé par ces deux grandes considérations, qu'il y a nécessité d'améliorer et de faciliter les transports, dans les arrondissements de Huy et de Waremme, et de hâter l'achèvement d'une voie ferrée d'un intérêt vital pour ces arrondissements, devrait s'empresser de reprendre cette exploitation.

Or, il n'en est rien, le gouvernement reste, cette fois encore, sourd aux réclamations de ces arrondissements et répond aux demandes de MM. de Macar, de Selys et autres, par un non possumus bien accentué.

Ce qui est bon, messieurs, pour certains arrondissements, du Hainaut notamment, ne l'est pas pour ceux de Huy et de Waremme, tellement il est vrai que nous devions être traités autrement que nos voisins.

En 1867, les barrières ont été abolies sur toutes les routes de l'Etat. Il existe, dans l'arrondissement de Huy, deux routes d'une importance majeure, qui se trouvent dans une position spéciale, mais appartiennent, l'une et l'autre, sans conteste possible à l'Etat.

On se figure sans doute que les barrières vont être abolies sur ces deux routes ? Erreur complète, messieurs ! Un arrêté spécial a maintenu, au contraire, les barrières sur ces deux routes.

Dès 1867, des réclamations éclatent de toutes parts ; on les porte devant la Chambre ; le gouvernement promet un bienveillant examen, mais, en attendant, la situation reste la même, et les populations continuent à souffrir dans leurs intérêts les plus sérieux, les plus vitaux.

Cette année, messieurs, j'ai de nouveau porté cette question de l'abolition des barrières sur les routes de Huy à Tirlemont et de Huy à Stavelot, devant la Chambre, prouvant que ces routes appartenaient à l'Etat et qu'à ce titre les barrières devaient être supprimées sur tout leur parcours. A mon tour, j'ai obtenu de l'honorable ministre des travaux publics la promesse d'un bienveillant examen, mais rien de plus.

Vous le voyez donc, messieurs, de quelque côté que nous nous tournions et si loin que nous reprenions, nous cherchons en vain une concession, une faveur, un avantage fait à notre arrondissement ; bien plus, nous trouvons que toutes ses demandes, toutes les réclamations formulées en son nom ont été rejetées, ou, sous prétexte de bienveillant examen, renvoyées aux calendes grecques.

Eh bien, messieurs, cette situation, nous ne pouvons plus l'accepter, nous ne pouvons plus admettre de voir toutes nos demandes, quelque justes, quelque légitimes, quelque peu coûteuses qu'elles soient, écartées par des promesses de bienveillant examen, promesses toujours renouvelées, mais toujours à échéance indéterminée et très lointaine.

Nous avons donc, messieurs, d'accord avec notre honorable collègue, M. de Lexhy, recherché un intérêt commun à l'un et à l'autre de nos arrondissements, si intimement liés, et nous présentons un amendement qui, s'il était adopté, impliquerait, dans un avenir rapproché, la réalisation d'une réforme qui nous est légitimement due et qui aurait pour résultat d'améliorer notre situation à ce point de vue si essentiel des facilités et du coût des transports.

En réalité, messieurs, la somme qui nous sera allouée importe peu, il s'agit d'une question de principe, il s'agit de savoir si nous serons toujours, comme le disait si bien l'honorable M. Lebeau, en 1862, traités en parias, où si nous obtiendrons une satisfaction dans un avenir rapproché.

Lorsque j'ai posé à nouveau, messieurs, cette année même, la question de l'abolition des barrières sur les routes de Huy à Tirlemont et de (page 1770) Huy à Stavelot, l'honorable ministre des travaux publics m'a répondu par quelques objections que je n'ai pas rencontrées immédiatement, parce que la chose ne me paraissait pas urgente et que, du reste, M. le ministre me promettait un nouvel examen, mais que je veux relever aujourd'hui, dans l'intérêt de l'amendement que, d'accord avec mes honorables collègues de Huy et de Waremme, je viens de présenter.

A en croire l'honorable ministre des travaux publics, les routes dont il s'agit seraient des rouies concédées, et à ce titre, ce que nous demandons ne pourrait nous être accordé qu'à titre complètement gracieux.

Or, c'est là une erreur capitale, erreur involontaire sans doute, mais qui a été commise, dès l'abord, par le département des travaux publics et qui a empêché jusqu'à présent la solution de cette question.

La preuve en est facile.

Qui dit route concédée, messieurs, dit route dont le bénéfice et le déficit, lorsqu'il y en a, appartient aux actionnaires, dont l'entretien, à supposer qu'il ne soit pas couvert par le produit des barrières, doit être parfait par les actionnaires.

Or, rien de semblable n'existe pour les routes de Huy à Tirlemont et de Huy à Stavelot.

Si le produit des barrières excède les frais d'entretien, les actionnaires profitent de la différence ; s'il y a déficit, au contraire, c'est à l'Etat à le couvrir et non aux actionnaires.

Qui dit route concédée, messieurs, dit route devant rentrer, après un certain nombre d'années, dans le domaine de l'Etat, qui supprime alors les barrières sur ces routes.

Or, rien de semblable n'existe encore pour les deux routes dont il s'agit.

Le droit au produit des barrières a été concédé d'une façon illimitée ; ces routes font déjà partie du domaine de l'Etat, et il appartient à celui-ci seul d'abolir, quand il lui conviendra, mais moyennant convention avec des créanciers qui sont privilégiés, le droit des barrières sur ces routes.

C'est donc par erreur que M. le ministre m'a répondu que ces routes reviendraient à l'Etat à l'expiration de la concession, puisqu'il n'y a pas de concession, et que le droit au produit des barrières est illimité ; c'est donc encore par erreur qu'assimilant ces routes aux routes concédées, il a tiré une objection de ce fait, que les rachats opérés jusqu'à ce jour n'avaient rien coûté au trésor, puisqu'il y a une différence capitale entre la situation des actionnaires des routes concédées et celle des actionnaires des routes de Huy à Tirlemont et de Huy à Stavelot, qui ont une chance de gain et une certitude de ne jamais perdre.

Les objections me faites précédemment par M. le ministre des travaux publics n'ont donc aucun fondement, et si le gouvernement a quelque disposition bienveillante envers les arrondissements de Huy et de Waremme, il peut et doit se rallier à notre amendement.

Si on m'objectait, par hasard, messieurs, que l'affaire n'est pas en état, qu'elle n'est pas suffisamment étudiée, qu'on ignore la somme qui sera nécessaire pour opérer le rachat que nous sollicitons, je répondrais que nombre de travaux pour lesquels on nous convie de voter des crédits ne sont pas non plus complètement préparés et qu'il en est même pour lesquels il n'existe ni plans ni projet nettement arrêté.

C'est ce que reconnaît et établit parfaitement l'honorable M. Delaet, aux pages 8 et 11 de son rapport, et ce qui n'a nullement empêché la section centrale de se rallier aux diverses demandes de crédits du gouvernement.

Nous espérons donc qu'en principe le gouvernement ne verra aucune objection à se rallier à notre amendement ; en fait, s'il trouvait la somme déjà élevée, vu ses prévisions et les dispositions qu'il a prises, nous ne verrions aucune difficulté à ce que le chiffre fût restreint, à la condition que le principe étant admis, il fût entendu que l'on cherchera à réaliser dans un avenir prochain la reforme que nous sollicitons.

Messieurs, malgré le peu de succès que nos diverses réclamations avaient obtenu lors de la discussion du budget des travaux publics, je n'ai pas hésité, quant à moi, à voter ce budget, parce qu'il me paraissait grave et tout à fait anomal de risquer d'arrêter tous les services publics, dans un intérêt particulier, dans un intérêt de clocher.

Mais à présent, messieurs, il s'agit de distribuer, entre les diverses parties du pays, une somme considérable, réclamée extraordinairement de la législature, et s'il est vrai que l'on doive consulter, pour faire cette répartition les besoins les plus réels, les plus sérieux, les plus urgents, il est vrai également qu'elle doit s'effectuer suivant les règles d'une bonne justice distributive, et que les arrondissements qui attendent depuis longtemps une satisfaction méritée ne doivent pas rester à l'écart, ne doivent plus être oubliés.

A ce titre, messieurs, je considérerais comme un déni de justice vis-à-vis de l'arrondissement de Huy, qui depuis tant d'années, réclame une amélioration de ses voies de communication et moyens de transport, le fait de ne rien vouloir, cette fois encore, lui accorder, et me verrais forcé alors de voter contre le projet présenté.

(page 1764) M. Dumortier. - J'aurais volontiers fait quelque chose pour les arrondissements de Huy et de Waremme, et donné mon vote à l'amendement des honorables représentants de ces arrondissements, mais cette proposition me semble soulever une question d'une extrême gravité.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une question de rachat de péage.

Or, veuillez remarquer que vous entreriez ainsi dans une voie où vous pourriez être entraînés fort loin.

Vous n'avez pas seulement des péages sur les routes dont vient de parler l'honorable membre, vous avez les routes provinciales et les routes communales.

M. de Lhoneux. - Les routes dont il s'agit appartiennent à l'Etat.

M. Dumortier. - La question des péages est excessivement grave et elle ne peut être tranchée d'une manière incidente.

L'honorable membre vient de le reconnaître : ou n'a pas d'idée de la somme qu'il faudra pour le rachat.

Avec la meilleure intention de voter pour l'amendement, je me vois dans l'impossibilité de le faire, car du moment que l'on aurait admis le principe, il faudrait passer par les exigences des concessionnaires.

S'il est nécessaire de traiter cette question, il faut que les concessionnaires la traitent à priori et que l'on arrive ici avec des chiffres déterminés.

Si ces chiffres reçoivent l'assentiment du gouvernement, qui, en pareille matière, se montre très bienveillant, je les voterai.

Je ferai remarquer que nous avons eu deux ministres très bienveillants pour l'arrondissement de Liège, les honorables MM. Frère-Orban et Jamar, et que ces ministres n'ont pas proposé le rachat de ces routes.

Je regrette de ne pouvoir donner mon vote à l'amendement de mes honorables collègues, mais il m'est impossible, je le répète, de contribuer à faire trancher ainsi d'une manière incidente la grave question du rachat des péages.

M. de Macar. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier vient de combattre notre amendement par deux considérations.

La première, c'est qu'il s'agit d'une question de rachat de péages et que son adoption entraînerait un précédent qui pourrait être invoqué par tous les concessionnaires de canaux et de routes.

L'honorable membre a versé à cet égard dans une erreur complète. Il n'y pas de concessionnaires ici. Il y a des routes de l'Etat construites à l'aide de fonds avancés par des particuliers, ce sont ces fonds qu'il s'agit de rembourser aujourd'hui.

(page 1765) C’est exactement comme si, devant faire l'emprunt de 50 millions, on tenait dire au ministre des finances : Des particuliers vont vous avancer une partie des fonds, vous les leur restituerez lorsque tel travail aura produit telle somme.

L'Etat a aboli le droit de barrières sur toutes les routes lui appartenant. Qu'importe que le capital ait été fourni par l'emprunt, par des ressources ordinaires ou par des particuliers ? Les routes de Tirlemont à Huy et de Huy à Landen sont, exactement comme toutes les autres, des routes de l'Etat ; le droit de barrières doit y être aboli au même titre.

Vous voyez donc que l'honorable M. Dumortier est dans une erreur complète et j'espère qu'il le reconnaîtra.

L'honorable membre a dit ensuite que deux ministres extrêmement favorables à la province de Liège n'ont pas proposé la reprise de ces routes.

J’ai déjà répondu hier à cette observation. S'ils ne l'ont pas proposée, c’est qu'il y avait en Belgique un assez grand nombre de routes concédées et que l'on était en négociation presque partout pour abolir les barrières.

Le gouvernement a essayé de reprendre le plus de routes possible ne rapportant rien aux concessionnaires, et pour lesquelles ceux-ci ne devaient équitablement rien réclamer, avant de reprendre les productives.

Mais il avait été convenu dès lors qu'aussitôt qu'une partie des premières routes serait reprise, les nôtres seraient les premières dont on aurait à s'occuper.

La question n'est pas neuve, comme vous le voyez, et en refusant toute concession, le gouvernement s'est montré peu équitable.

L'honorable M. Jacobs l'a si bien compris qu'il est presque venu au-devant de moi quand j'en ai parlé. J'ai donné les raisons pour lesquelles je croyais ne pouvoir accepter le mode proposé par M. Jacobs.

Il y a une question de justice en jeu pour l'arrondissement de Huy, c'est par une loi spéciale que justice doit nous être rendue. Si on ne procède pas de cette façon, le gouvernement sera en butte à une masse de demandes ; je l'ai établi hier.

M. Dumortier vous a dit que la somme que nous demandions était non limitative, que nous engagions l'Etat dans des dépenses peut-être considérables.

La vérité est que la somme à dépenser sera extrêmement modérée et, si le gouvernement voulait agir avec quelque apparence de bienveillance, il s'empresserait de combiner les idées présentées par M. de Lhoneux lors de la discussion du budget des travaux publics et celles dont j'ai émises moi-même dans cette discussion de façon à aboutir à une solution immédiate.

J'espère que la Chambre votera notre amendement.

M. Dumortier. - Ce que vient de dire l'honorable membre confirme mon opinion ; il reconnaît que l'affaire n'est pas instruite. (Interruption.) Vous venez d'engager le gouvernement à adopter un système qui serait le résultat de la combinaison des idées émises par M. de Lhoneux et par vous. L'affaire n'est donc pas instruite. Or, comment voulez-vous que nous votions dans une loi une affaire qui n'est pas instruite et qui tranche le principe du rachat des péages. Songez-y bien. C'est grave. Vos routes provinciales et communales ont des péages,

Si vous acceptez l'amendement, qu'arrivera-t-il ? Chacun viendra demander que l'on rachète son péage.

Je consens à ce qu'on fasse de l'amendement un projet de loi spécial ; mais il s'agit d'une question trop importante pour la trancher incidemment.

M. de Lhoneux. - Le capital est connu.

M. Dumortier. - La question n'est pas élucidée ; faut-il rembourser intégralement ou partiellement ? Vous ne l'avez même pas dit. Et toutes ces questions doivent être examinées.

- Voix nombreuses. - La clôture !

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Il est impossible au gouvernement de se rallier à l'amendement présenté par les honorables députés de Huy. Ce n'est pas, certes, par défaut de bienveillance ; nous en avons donné la preuve hier à l'honorable M. de Macar. On aura beau dire qu'il ne s'agit ni de routes provinciales, ni de routes concédées ; ce sont des routes de l'Etat, si l'on veut, mais des routes sui generis, construites par des actionnaires et dont l'entretien incombe à l'Etat, qui touche, de son côté, le produit des barrières et qui remet aux actionnaires, pour leur tenir compte d'intérêt et d'amortissement, le surplus du produit des barrières sur les frais d'entretien.

Voilà la situation, le département des travaux publics se borne à inscrire à son budget les sommes nécessaires pour la réparation des routes ; le reste regarde le département des finances, qui encaisse les produits et en restitue une partie aux actionnaires.

C'est dans cet ordre d'idées que j'ai renvoyé l'affaire à mon collègue des finances, il y a deux jours, en lui disant que je pensais qu'il y avait lieu, pour lui, d'entrer en négociations avec les actionnaires. Je crois même qu'il est possible d'arriver à cette solution, sans une loi spéciale ; il suffit pour cela de la loi du budget des finances,

Nous sommes prêts à entendre les actionnaires et à discuter avec eux les conditions de l'arrangement à intervenir ; mais faut-il que nous nous jetions à leur tête, que nous leur offrions 50,000 francs pour arriver à une transaction ? Ce serait une imprudence ; l'honorable ministre des finances est tout disposé à entrer en pourparlers avec eux, mais j'adjure la Chambre de ne pas augmenter leurs prétentions en votant quelque subside que ce soit. Je pense que ces explications engageront les honorables auteurs de l'amendement à le retirer.

- Des membres. - Aux voix !

M. le président. - La clôture est demandée, les auteurs de l'amendement le maintiennent-ils ?

(page 1770) M. de Lhoneux. - Je désire répondre quelques mots à l'honorable .ministre des travaux publics.

L'honorable ministre a dit qu'il voulait entrer dans la voie que je lui a indiquée, qu'il acceptait la solution que j'avais moi-même présentée et qu'il était disposé à entamer des négociations avec les actionnaires pour le rachat des droits de barrières. Voilà ce qu'a dit l'honorable ministre, si je l'ai bien compris ; dans ces conditions, nous ne voyons aucun inconvénient à retirer l'amendement.

Malheureusement, depuis 1867, nous sommes traités de la même façon, les barrières sont abolies sur les routes de l'Etat, et on nous promet toujours que l'on arrivera à une transaction, dont on se préoccupe fort peu lorsque la discussion du budget des travaux publics est terminée.

Je tiens donc à acter les paroles de l'honorable ministre et déclare qu'on présence et sous la foi de l'engagement qu'il vient de prendre, je ne vois aucun obstacle à retirer l'amendement que, d'accord avec mes honorables collègues de Huy et de Waremme, j'avais présenté dans le but de hâter la solution d'une question d'une haute importance pour nos arrondissements et qui traîne depuis 1867.

(page 1765) M. de Macar. - Je ne m'oppose pas, messieurs, à ce que l'amendement soit retiré ; cependant, je dois le dire, l'engagement que prend l’honorable ministre ne me paraît pas assez formel. (Interruption.)

Si vous voulez, M. le ministre, nous promettre d'entrer immédiatement en négociations, j'adhère au retrait de l'amendement.

M. de Lexhy. - Je constate avec satisfaction l'engagement que vient de prendre l'honorable ministre de négocier le rachat des péages sur les routes de Huy à Tirlemont et de Huy à Stavelot. Il serait très intéressant pour l'arrondissement que je représente qu'une solution intervînt le plus tôt possible.

M. le président. - L'amendement est retiré.

Article premier. Paragraphe 4

M. le président. - Nous passons au paragraphe 4.

« Bâtiments civils

« Paragraphe 4. Achat d'immeubles rues de Louvain et de l'Orangerie, à Bruxelles, pour l'agrandissement du palais de la Nation et des ministères des affaires étrangères, de l'intérieur, de la guerre et des travaux publics. Travaux da construction et de restauration aux bâtiments précités : fr. 500,000. »

M. Delaet, rapporteur. - Messieurs, il y a un léger changement à introduire dans le libellé ; les mots « des travaux publics » doivent y être supprimés ; la conjonction « et » doit se trouver entre les mots « de l'intérieur » et ceux-ci « de la guerre. »

Il a été entendu entre M. le ministre des travaux publics et la section centrale que le crédit à demander pour la transformation du ministère des travaux publics serait voté par une loi spéciale.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Nous sommes d'accord.

M. Delaet. - Le chiffre reste le même. Ce n'est qu'un chiffre partiel ; les travaux doivent coûter au delà de 3 millions ; par conséquent, quelques milliers de francs pour expropriations à faire dans l'intérêt du ministère des travaux publics n'ont pas d'importance, au point de vue du chiffre total de trois millions.

- Le paragraphe 4 est adopté.

Article premier. Paragraphes 5 et 6

« Paragraphe 5. Reconstruction des bâtiments du conservatoire royal de musique, à Bruxelles, et construction d'une salle de concert : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Paragraphe 6a. Achèvement des nouvelles salles aux musées de Bruxelles ; restauration et appropriation des nouvelles salles : fr. 125,000.

« Paragraphe 6b. Etablissement des appareils de chauffage dans les salles des divers musées : fr. 30,000.

« Paragraphe 6c. Achèvement des locaux de la bibliothèque : de. 20,000.

Ensemble : fr. 175,000. »

- Adopté.

Article premier. Paragraphe 7

« Paragraphe 7. Achèvement des travaux de restauration et d'agrandissement du bâtiment de l'ancienne porte de Hal, à Bruxelles, occupé par le musée royal d'armures et d'antiquités : fr. 30,000. »

M. Vleminckx. - Je demande la parole pour que l'honorable (page 1766) ministre de l'intérieur veuille bien me donner une explication au sujet du libellé même du paragraphe 7. Il porte :

« Achèvement des travaux de restauration et d'agrandissement, etc. : fr. 30,000. »

Il semble que ces 30,000 francs doivent suffire pour l'achèvement complet des travaux de la porte de Hal. Je crois que s'il n'en est pas ainsi, il faudrait modifier le libellé ; sinon, l'honorable ministre pourrait éprouver des difficultés à obtenir plus tard un nouveau crédit pour cet achèvement.

Puisque j'ai la parole, je demande la permission de dire quelques mots sur un crédit qui vient d'être voté. Nous venons d'allouer des fonds pour le chauffage des locaux de la bibliothèque. J'engage l'honorable ministre à faire construire des appareils qui permettent de combiner le chauffage avec la ventilation.

C'est une chose indispensable ; sinon, je crains bien qu'on ne respire pas à la bibliothèque un air qui soit parfaitement pur.

J'ai à peine besoin de faire remarquer que, sous ce rapport, nous nous trouvons fort mal ici ; nous sommes très bien chauffés, c'est vrai, mais nous sommes détestablement ventilés.

M. Jamar. - Le musée royal d'armures, d'antiquités et d'artillerie de la porte de Hal présente des ressources extrêmement précieuses à nos artistes et surtout aux industries qui empruntent le secours des arts.

Ils y trouveront des modèles très remarquables, des inspirations utiles, et depuis deux ans que le musée de la porte de Hal est fermé, de vives et nombreuses réclamations se font entendre.

En outre, des objets et des plus précieux ont été entassés dans des salles très mal aérées, et ils courent grand risque d'être détériorés.

Je suis convaincu que M. le ministre de l'intérieur, qui connaît cette situation, la déplore aussi vivement que moi.

Cependant elle menace de s'éterniser, si j'en crois les renseignements qui m'ont été donnés et qui sont parvenus également à l'honorable M. Vleminckx.

En effet, le crédit total pour l'achèvement des travaux de restauration de la porte de Hal, non pas pour l'agrandissement du musée, comme le dit à tort le libellé, ce crédit total, dis-je, devrait-être de 86,000 francs, non compris la somme de 33,000 francs pour ameublement que nous avons votée il y a quelque temps.

Or, M. le ministre des travaux publics ne nous demande aujourd'hui que 30,000 francs. J'en conclus que M. le ministre des travaux publics compte prélever sur les allocations ordinaires de son budget les 56,000 francs restant.

Mais à ce compte, messieurs, il faudra certainement trois ou quatre exercices pour atteindre ces 56,000 francs et pendant ces trois ou quatre années les artistes et les industriels, qui ont tout intérêt à avoir l'accès du musée, seront privés des ressources que les collections contiennent.

Je demande à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien joindre sa voix à la mienne pour obtenir que M. le ministre des travaux publics veuille bien porter à 86,000 au lieu de 30,000 francs le crédit qu'il demande pour le complément de la restauration de la porte de Hal.

Il n'y aura à cela aucune perte pour nos finances, car les sommes qui resteront ainsi disponibles sur le budget ordinaire feront retour au trésor public.

Je prie donc M. le ministre de l'intérieur, dans l'intérêt des artistes, au point de vue surtout de la conservation des objets précieux que le musée contient et dont il a la garde, de joindre sa voix à la mienne pour empêcher les résultats fâcheux que les retards apportés à l'achèvement du musée ne peuvent manquer d'entraîner.

J'insiste, sur un point : il ne s'agit en ce moment que du complément de la restauration de la porte de Ham. L'agrandissement du musée est une question qui a été résolue en principe par la Chambre et j'espère que M. le ministre des travaux publics, dans la session prochaine, pourra nous demander un premier crédit pour les travaux d'agrandissement.

M. Tack. - Je voulais faire, messieurs, les observations qui viennent d'être présentées par M. Jamar.

D'après les renseignements qui sont parvenus à la section centrale, la somme de 30,000 francs ne peut guère suffire aux travaux à exécuter à la porte de Hal. Ces 30,000 francs doivent être exclusivement affectés aux restaurations intérieures. Des crédits ont déjà été votés pour ce qui concerne les restaurations extérieures, sauf l'agrandissement du musée, qui est une chose à part, puisque, indépendamment des bâtiments actuels, il s'agit d'ajouter deux ailes au bâtiment principal.

Ici donc il ne s'agit que de restauration» intérieures, de restauration aux portes, de restaurations aux fenêtres et d'autres restaurations de détail.

La somme de 55,000 francs, qui a été votée dans un premier crédit, est exclusivement relative à l'ameublement. Je crois, messieurs, qu'il est désirable qu'on puisse faire toutes les restaurations avant de commencer les travaux d'ameublement, parce que, s'il en était autrement, on devrait défaire ce qui a été fait primitivement. Je partage donc l'avis de l'honorable M. Jamar, qu'il serait bon d'ajouter aux 30,000 francs portés dans le projet les 56,000 francs qui seront nécessaires pour l'achèvement complet des restaurations dont il s'agit, afin de ne pas constamment revenir sur-le même objet.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Les observations que vient de présenter l'honorable M. Vleminckx sont fondées ; il y a lieu de remplacer le mot « achèvement » par les mots « continuation des travaux. » Quant au mot « agrandissement » il ne se rapporte point au projet d'adjonction de deux ailes ; il y a déjà eu certains travaux d'agrandissement, et le libellé de l'article ne préjuge en rien la solution des questions qui se rapportent à la construction de bâtiments nouveaux.

Arrivant à l'observation de l'honorable M. Vleminckx, que les collections sont devenues inaccessibles au public, je reconnais que cette situation est fâcheuse, et nous désirons la faire cesser,

L'honorable M. Jamar, si j'ai bien compris ses paroles, a demandé qu'on augmentât le crédit sollicité de la Chambre, de manière à hâter, non pas la continuation, mais l'achèvement des travaux.

Cette question, messieurs, est depuis longtemps l'objet d'études qui se poursuivent encore, et l'intention du gouvernement est de saisir la Chambre, lors de sa prochaine session, d'un projet définitif à cet égard.

Il est, du reste, dans l'intention et dans le désir du gouvernement, aussi bien que dans les vœux de la Chambre, de terminer ces travaux dans un bref délai.

M. Jamar. - Je tiens à répondre un mot à l'honorable ministre de l'intérieur.

Le devis comporte une somme de 86,000 francs. Si le gouvernement demande cette somme au lieu de celle de 30,000 francs, le trésor public, comme j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure, n'est exposé à aucun préjudice puisque, le cas échéant, la somme non employée rentrerait dans la caisse de l'Etat.

Il s'agit, messieurs, d'un grand intérêt artistique. Il est vraiment regrettable de priver les artistes, les industriels, les touristes de la vue des collections précieuses du musée, auxquelles la situation présente fait courir de grands dangers.

Je ne vois réellement aucune considération sérieuse pour attendre la session prochaine.

M. Vleminckx. - Il me semble, messieurs, que les paroles que vient de prononcer l'honorable ministre de l'intérieur se rapportent plutôt à l'agrandissement de la porte de Hal, qu'à la restauration à laquelle on travaille actuellement.

Or, nous demandons, nous, des fonds, non pour l'agrandissement, dont il sera question plus tard, mais pour la restauration purement et simplement.

Nous prions donc l'honorable ministre de l'intérieur, pour les motifs si bien développés par l'honorable M. Jamar, de vouloir bien faire porter 56,000 francs de plus pour lesdits travaux de restauration. Il est indispensable qu'ils soient terminés dans le plus bref délai possible, comme tout le monde peut l'apprécier.

M. Delaet, rapporteur. - Je crois, messieurs, que la porte de Hal doit être entièrement restaurée et complétée ; seulement j'appelle l'attention de la Chambre sur le vœu émis par la section centrale de ne plus voir proposer des projets de travaux dont la Chambre n'aurait pas et les plans et les devis complets.

Je ne crois pas, messieurs, qu'il y ait péril en la demeure pour la porta de Hal ; les 30,000 francs ne seront certes pas dépensés avant la session prochaine, session qui est très prochaine et où le gouvernement pourra présenter au plan sérieux.

La méthode suivie depuis quelques années par les divers gouvernements, d'arriver avec un projet composé de beaucoup de travaux hétérogènes, cette méthode est un moyen sûr pour enlever à la Chambre des votes peu étudiés.

La section centrale, malgré tout le zèle qu'elle a apporté à l'examen du projet, malgré les nombreuses séances qu'elle a tenues, ne pourrait pas venir déclarer à la Chambre qu'elle a étudié sérieusement tous les travaux proposés.

Il en est quelques-uns qui ont fait l'objet d'études approfondies, mais il en est d'autres qui n'ont pu être examinés que sommairement. La porte de Hal est un peu de ce nombre. Je le répète, il me semble qu'il n'y a aucun (page 1767) péril en la demeure et je prie la Chambre de voter le crédit tel qu'il est proposé.

J'engage, du reste, le gouvernement à présenter le plus tôt possible le crédit complémentaire dont il aura besoin pour cet objet.

M. Jamar. - L'honorable rapporteur de la section centrale confond deux choses : l'agrandissement du musée de la porte de Hal et la restauration de cette porte elle-même.

Lorsque M. le ministre des travaux publics sollicitera un nouveau crédit pour l'agrandissement du musée, la section centrale demande toutes les communications de plans et de renseignements qu'elle jugera utiles.

Elle demande même, si elle le veut, que l'architecte vienne dans son sein pour lui donner des renseignements, comme la section centrale vient de le faire pour le crédit demandé pour le conservatoire, ce qui, soit dit en passant, me semble assez injurieux pour le ministre et ce qui est une pratique mauvaise à mon sens, puisqu'elle intervertit les rôle des pouvoirs législatif et exécutif.

Quant à la restauration, messieurs, les plans sont approuvés depuis longtemps et si le gouvernement avait à sa disposition les 86,000 francs, dans six mois la porte de Hal sera de nouveau ouverte aux artistes et aux touristes. Il me semble, messieurs, qu'il n'y a aucun inconvénient à voter 86,000 francs au lieu des 30,000 francs que le gouvernement sollicite aujourd'hui.

J'espère donc que MM. les ministres se rallieront à ma demande que tant de considérations justifient.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, dans les termes où la question est posée par l'honorable M. Jamar, je ne m'oppose pas le moins du monde à ce que le chiffre soit augmenté ; mais il est entendu, messieurs, que nous devons, à propos de ce chiffre, faire certaines réserves.

Je ne sais si les projets préparés ne devront pas subir quelques modifications ; ils n'ont pas été l'objet d'une approbation définitive. Mais comme il est dans les désirs du gouvernement et de la Chambre que les travaux de restauration du local actuel de la porte de Hal soient terminés le plus tôt possible, je serai heureux de voir qu'une augmentation de crédit soit portée dans le projet de loi qui est soumis a la Chambre.

M. le président. - Il s'agit de libeller l'amendement.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je propose de supprimer les mots : « Achèvement des » et de dire simplement : « Travaux de restauration et d'agrandissement, etc., 86,000 francs. »

- Le libellé ainsi modifié et le chiffre de 86,000 francs sont adoptés.

Article premier, paragraphe 8

« Paragraphe 8. Construction d'un nouvel hôtel des monnaies, à Saint-Gilles : fr. 500,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, je supplie le gouvernement de porter sa sérieuse attention sur cette dépense.

On a admis en principe le déplacement de l'hôtel des monnaies.

Si je suis bien informé, et je tiens mes informations de personnes dans lesquelles j'ai confiance, en faisant les puits nécessaires pour asseoir les fondations, on se serait trouvé sur des sables mouvants.

J'engage donc le gouvernement à prendre toutes les mesures de précaution nécessaires avant d'aller plus loin et à bien s'assurer de la possibilité d'élever dans un pareil terrain des constructions qui doivent renfermer des balanciers et des machines puissantes.

- Adopté.

Article premier, paragraphe 9

« Paragraphe 9. Construction d'un nouvel hôtel provincial à Hasselt, et appropriation d'une partie de l'hôtel actuel pour le service de l'administration des contributions directes, douanes «accises : fr. 200,000. »

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Par suite de la disposition adoptée pour les routes du Limbourg, ce paragraphe disparaît.

Article premier, paragraphe additionnel

M. Bara. - Messieurs, je demande au gouvernement de vouloir bien exécuter les travaux rendus nécessaires, tant dans la ville de Tournai qu'à l'extérieur, par la canalisation de l'Escaut.

On va dépenser 22 millions pour des travaux parmi lesquels il s'en trouve qui ne sont pas indispensables.

Or, les travaux d'assainissement de la ville et d'assèchement des prairies, nécessités par la canalisation de l'Escaut, sont absolument nécessaires.

Les travaux que l'Etat fait exécuter à l'Escaut sont cause que les égouts de Tournai ne peuvent plus s'évacuer dans le fleuve et que les prairies ne peuvent plus être mises à sec.

L'Etat doit réparer le tort qu'il a commis. C'est une obligation à laquelle il ne peut se soustraire, et que les ministres des travaux publics ont toujours déclaré vouloir remplir. Dès lors le gouvernement, avant de faire des travaux de luxe, doit remplir ses obligations et exécuter les travaux réclamés par la santé publique.

L'honorable ministre des travaux publics dira que les plans ne sont pas suffisamment étudiés.

Soit, mais je désire engager Je principe. Le corps des ponts et chaussées travaillera ensuite activement aux plans.

Je demande donc que le gouvernement se rallie à un amendement que je viens d'envoyer à M. le président, qui est signé de mes honorables collègues MM. Allard, Crombez et Rogier, et qui a pour but d'allouer une somme de 200,000 francs pour des travaux tant dans la ville de Tournai qu'en aval et en amont, nécessités par la canalisation de l'Escaut.

Ce sera un premier crédit ; cela ne suffira pas, mais le gouvernement ne s'opposera pas, j'espère, à cet amendement. M. le ministre, je le répète, me dira peut-être que les plans ne sont pas faits, mais il a répondu d'avance à cette objection.

En effet, quand il s'est agi du chemin de fer de Diest au camp de Beverloo, M. le ministre nous a dit que les plans n'étaient pas faits, et cependant il a sollicité l'autorisation de concéder cette ligne, avec un engagement pécuniaire de la part de l'Etat.

Je pense que les plans seront faits d'ici à peu de temps et j'espère que le crédit si minime que nous demandons pour satisfaire à une obligation de l'Etat sera accueilli favorablement par la Chambre. (Interruption.)

M. le président. - Voici l'amendement :

« Travaux nécessités tant dans la ville de Tournai qu'en aval et en amont par la canalisation de l'Escaut : fr. 200,000.

« (Signé) Bara, Allard, Crombez, Rogier. »

M. Dumortier. - Les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Bara sont pleines de vérité. Il est certain que, dans la situation actuelle, les prairies des bords de l'Escaut et même les égouts de la ville de Tournai sont dans une situation déplorable.

D'où cela provient-il ? Cela provient de la faute énorme qu'on a commise en faisant la canalisation de l'Escaut. Le jour où vous canalisez une rivière que charrie son limon, celui-ci n'est plus entraîné et forme des dépôts considérables. Il n'y a que six ans que la canalisation est terminée et aujourd'hui déjà toutes les bouches des égouts qui arrivent à l'Escaut sont obstruées.

M. Jamar. - Il y en a 24 sur 120.

M. Dumortier. - Je parle non des petits égouts qui se trouvent le long des quais, mais des véritables égouts qui traversent la ville d'un bout à l'autre. Eh bien, tous ceux-là sont obstrués par suite de la canalisation.

Ces inconvénients, on pouvait les éviter ; on n'avait qu'à conserver à Tournai la navigation par rames. On l'avait améliorée, et il y avait des moyens de l'améliorer encore, moyens que l'honorable M. Vanderstichelen avait parfaitement compris. Mais on a voulu, dans l'intérêt des houillères du Couchant de Mons, canaliser l'Escaut et l'on a amené, des catastrophes.

Au moment où je parle, toutes les prairies des bords de l'Escaut sont couvertes d'eau à plusieurs pieds de hauteur. Partout, dans ces magnifiques prairies, les foins coupés sont à la nage et on doit aller les récolter en barquette. (Interruption.)

Cela ne vous touche pas, M. David ; vous avez de l'eau dans votre Vesdre et cela vous suffit. Mais il est inutile de plaisanter sur un fleuve aussi important que l'Escaut et sur l'importance des prairies qui le bordent. Ces prairies ont une valeur énorme et vous ne pouvez approuver que l'on annihile cette valeur.

Comme l'a parfaitement dit M. Hennebert au conseil provincial du Hainaut, on a canalisé l'Escaut dans l'intérêt des houillères du Couchant de Mons.

Je désire beaucoup que les houillères du Couchant de Mons soient dans un état prospère ; mais on ne devait pas, dans leur intérêt, causer un préjudice aussi considérable aux propriétaires riverains de l'Escaut. Il fallait donc conserver l'Escaut tel qu'il était anciennement et vous préveniez les désastres qui arrivent.

Lorsqu'il s'est agi de cette canalisation, je m'y suis fortement opposé, et que répondait l'honorable M. Vanderstichelen ? Il nous disait que la canalisation de l'Escaut ne devait servir qu'exceptionnellement ; que, pendant la plus grande partie de l'année, la navigation sur ce fleuve ce ferait comme par le passé.

Or, c'est le contraire qui est arrivé.

M. Bara. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Dumortier n'a pas dit un mot de l'amendement ; il s'est borné à revenir sur des faits passés». Or, si M. Dumortier veut discuter des faits accomplis, je devrai lui répondre, et nous allons entamer une discussion sur le point de savoir si l'on a bien fait, dans le temps, de canaliser l’Escaut.

(page 1768) Je demande si la Chambre est disposée à entendre toute cette discussion. M. Dumortier, hier, se disait fatigué ; aujourd'hui il a parlé pendant les trois quarts de la séance (interruption), il s’est occupé des affaires de Huy ; maintenant il veut faire l'historique de la canalisation de l'Escaut.

Je proteste contre tout ce qu'il a dit ; mais je lui demande son appui pour mon amendement.

M. Dumortier. - Je demande qu'on rétablisse l'Escaut dans son ancien parcours.

M. le président. - L'amendement, pour être mis en rapport avec les autres paragraphes, devait être ainsi conçu : '

« Travaux nécessités tant dans la ville de Tournai qu'en aval par la canalisation de l'Escaut. »

M. Houtart. - Je regrette que l'honorable ministre des travaux publics n'ait pas cru devoir comprendre dans les travaux proposés pour améliorer les voies navigables, l'amélioration de la navigation sur la Dendre.

Lors delà discussion du budget des travaux publics, j'avais prié M. le ministre de s'assurer si. avant la remise du canal de la Dendre à la société de Blaton a Ath, le mouillage ne devait pas être porté à 2 m 10 de profondeur. Je désirerais savoir si le gouvernement a rempli tous ses engagements vis-à-vis de la société concessionnaire et au cas où ces engagements ne seraient pas remplis, s'il est disposé à y donner suite.

M. le président. - C'est la de la discussion générale, M. Houtart.

M. Houtart. - Je ne réclame de M. le ministre des travaux publics qu'une simple déclaration. S'il ne désire pas me la donner, qu'il ait l'obligeance de le dire.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je suis parfaitement d'avis que tous les engagements pris par l'Etat doivent être tenus.

M. Magherman. - Je n'ai pas l'intention de remettre en question l'opportunité de la canalisation de l'Escaut, mais les observations présentées par les honorables MM. Bara et Dumortier prouvent du moins que les plans qu'on a mis à exécution pour canaliser l'Escaut n'étaient pas complets et suffisamment étudiés. On a exécuté les travaux utiles a la navigation, on n'a rien fait pour l'irrigation des prairies et l'écoulement, des eaux. J'engage fortement l'honorable ministre des travaux publics à ne pas continuer les travaux de canalisation de l'Escaut sans se faire remettre, au préalable, des plans complets pour sauvegarder tous les intérêts et notamment ceux de l’agriculture. Agir autrement serait exposer toute la vallée de l’Escaut aux calamités qui affligent aujourd’hui la partie supérieure de la vallée de ce fleuve entre Tournai et Escanaffles.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Si j'ai bien compris la portée de l'amendement de M. Bara, il désirerait qu'une somme, fût inscrite su projet afin de pourvoir aux dépenses à faire en vue d'obvier aux inconvénients résultant, pour la ville de Tournai et pour les campagnes environnantes, de l'étal actuel des choses, en ce qui concerne la canalisation de l'Escaut.

Si les choses sont aussi graves que le dit M. Bara, je m'étonne que le gouvernement n'ait pas été saisi de plaintes nombreuses, pressantes et réitérées.

Jusqu'au moment où j'ai été interpellé par un honorable sénateur, aucune réclamation n'était venue à ma connaissance concernant l’obstruction des égouts de Tournai.

Quant a la submersion des prairies, différentes mesures réparatrices ont déjà été prises à la demande des intéressés et m'ont même valu des remerciements au Sénat. Deux intérêts sont ici en présence, intérêts également respectables et que le gouvernement désire sauvegarder dans les limites du possible.

Il y a, d'un côté, l'intérêt de l'industrie et du commerce qui veulent un fleuve canalisé offrant le plus grand tirant d'eau que l'on puisse leur procurer, et, d'un autre côté, l'intérêt des riverains, qui désirent que leurs propriétés ne soient pas exposées aux inondations.

C'est à trouver un juste milieu entre ces deux intérêts que le gouvernement doit porter tous ses soins ; je l'ai déjà dit au Sénat, je suis disposé à faire étudier l'affaire sous toutes ses faces, mais il m'est impossible, dans la situation actuelle, d'accepter un chiffre qui ne peut encore être fixé, attendu qu'aucun plan n'est dressé et qu'aucun devis n'a pu être fait. Ce serait donc poser un principe qui pourrait entraîner le gouvernaient à des conséquences qu'il est actuellement impossible de prévoir et d'apprécier ; ce serait aller à rencontre des recommandations que la législature me fait à chaque occasion.

M. Bara. - Je regrette la réponse que vient de nous donner l'honorable ministre, elle prouve que nous n'avons rien à attendre de lui. A ce sujet, je ferai observer que le Hainaut n'a absolument rien dans le crédit de 22 millions ; cette province, la plus populeuse de la Belgique, est complètement sacrifiée.

La preuve de la mauvaise volonté de l'honorable ministre, c'est que nous venons lui demander, pour l'exécution de travaux d'assainissement, une faible somme de 200,000 francs, en lui laissant la faculté de se livrer à toutes les études possibles avant de faire emploi de ces fonds et M. le ministre nous répond par une fin de non-recevoir ; il déclare qu'il ne consent pas à faire exécuter ces travaux et qu'il n'existe aucune plainte. Qu’il se rappelle les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte ; plusieurs fois on a demandé au gouvernement de faire exécuter ces travaux ; quand d'honorables membres de cette assemblée s'adressent au gouvernement et lui font de pareilles demandes, ne sont-ce pas des sollicitations, ne sont-ce pas des plaintes ?

Au Sénat, d'honorables sénateurs ont fait entendre les mêmes réclamations et les mêmes vœux auxquels vient de s'associer le conseil provincial du Hainaut sur la demande des conseillers provinciaux de Tournai. Il y a plus, messieurs, on m'assure que le corps des ponts et chaussées lui-même sollicite dis fonds pour les travaux en question ; si l'honorable ministre veut me confier son dossier, je crois que j'y trouverai la preuve que la question dont nous nous occupons n'est pas pour son département aussi neuve qu'il veut bien le dire.

C'est donc à tort que M. le ministre prétend qu'il n'y a pas de demande. Je déclare que c'est là une fin de non-recevoir, et que c'est par suite de la mauvaise volonté du gouvernement qu'aucun subside ne figure dans le projet en faveur non seulement de l'arrondissement de Tournai, mais de la province de Hainaut tout entière. Quand nous demandons seulement d'adopter un principe, quand nous apportons les meilleures raisons à l'appui de cette demande, on nous repousse en n'alléguant que de mauvaises raisons. Dans une pareille situation, je voterai contre le projet.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Libre à l'honorable M. Bara d'interpréter comme il lui convient les intentions du gouvernement ; je doute que, de sa part, je puisse jamais attendre une appréciation impartiale ; je suis disposé, je l'ai dit, à faire étudier la question et à ordonner, dans l'intérêt de la salubrité de la ville de Tournai, tout ce qui sera nécessaire ; j'en prends l'engagement formel ; ce que je ne veux pas faire, c'est m'engager en aveugle et sans études préalables.

Mes dispositions sont donc bonnes ; libre à l'honorable M. Bara de ne$ pas le croire.. Lorsqu'il dit que, dans le projet de loi, il n'y a rien pour le Hainaut, il prouve qu'il ne l'a pas lu ; autrement il y aurait vu autre chose encore que les trois millions destinés au chemin de fer de Bruxelles a Luttre, auquel il paraît tenir médiocrement ; il y aurait découvert, en effet, sans grands efforts ni longues recherches, 500,000 fr. pour l'achèvement de la station de Charleroi, 100,000 fr. pour la continuation des travaux de la station de Mons et 500,000 fr. pour celle de Tournai.

- La discussion est close

M. le président donne une nouvelle lecture de l'amendement présenté par M. Bara et trois collègues.

L'amendement est mis aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

73 membres sont présents.

35 répondent non.

33 répondent oui.

5 s'abstiennent.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu non : MM. Hayez, Hermant, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Reynaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Van Hoorde, Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Brasseur, Cruyt, de Borchgrave, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel et Thibaut.

Ont répondu oui :

MM. Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Lelièvre, Lescarts, Muller, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Thienpont, Thonissen, Vander Donckt, Van Iseghem, Allard, Anspach, Balisaux, Bara, Berge, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Crombez, David, Defuisseaux, de Lexhy, de Lhoneux, de Rossius, Dethuin, Dupont, Elias et Funck.

Se sont abstenus :

MM. Jottrand, Couvreur, de Macar, Demeur et Dumortier.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Jottrand. - Je me suis abstenu parce que la discussion ne m'avait pas éclairé suffisamment sur l'utilité des travaux.

M. Couvreur et M. Demeur déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs.

M. de Macar. - Messieurs, je ne conteste pas l'utilité du crédit demandé par l’honorable M. Bara et trois de ses collègues ; mais en présence du déni de justice fait à l'arrondissement de Huy, je ne crois pouvoir voter aucun crédit pour des travaux publics avant que satisfaction ait été donnée à nos trop justes réclamations.

M. Dumortier. - Messieurs, je n'ai pu voter contre l'amendement parce que, dans la situation actuelle de l'Escaut à Tournai, il est indispensable d'y faire des travaux pour prévenir les inconvénients que j'ai signalés. D'un autre côte, je n’ai pu voter pour, parce que l'amendement est un acte de défiance envers M. le ministre des travaux publics.

- La suite de la discussion des articles du projet de loi est remise à demain à 1 heure.

Il a été entendu que la Chambre ne s'occuperait pas demain de pétitions.

La séance est levée à 5 heures.