(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Tack, vice-président.)
(page 1605) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Westoutre demandent que, dans les provinces flamandes, la langue flamande soit substituée à la langue française pour tous les degrés de l'enseignement et aux examens. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des propriétaires de prairies riveraines de la Dendre, situées entre l'écluse de Teralphene et les prairies dites Wellemerschen à Denderleeuw, demandent qu'il soit pris des mesures pour rendre à leurs propriétés la fertilité et la valeur primitives qu'elles ont perdue par suite de la canalisation de cette rivière. »
- Même renvoi.
« Le sieur Wergé prie la Chambre d'abolir le droit de déclarer la guerre, ou du moins de décider que la guerre ne pourra être déclarée qu'après avoir consulté tous les citoyens âgés de 21 ans au moins et jouissant de leurs droits civils, et demande l'armement général de tous les citoyens de 21 ans à 40 ans. »
- Même renvoi.
« Le sieur Wergé demande l'exécution immédiate du boulevard de ceinture de Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur De Groote, qui a été victime d'une erreur judiciaire, demande une réparation. »
- Même renvoi.
« La chambre de commerce d'Arlon demande la discussion du projet de révision du code de commerce. »
- Même renvoi.
« Le sieur Pol demande que des généalogistes soient attachés aux justices de paix pour les affaires de succession. »
M. Lelièvre. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission spéciale qui sera priée de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Pol demande le rétablissement du serment en matière de succession. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Agtmael et Schotte transmettent un exemplaire de leur projet pour la transformation du port d'Anvers. »
- Même renvoi.
« Par treize pétitions, des habitants de Bruxelles et d'autres communes de la Belgique demandent le maintien du tarif actuel des voyageurs sur les chemins de fer de l'Etat. »
« Même demande d'habitants de Boussu, Lierre, Termonde, Dixmude, Spa et du canton de Waremme. »
M. David. - Messieurs, le mouvement contre l'augmentation des tarifs des voyageurs sur les chemins de fer s'accentue tous les jours davantage. Les pétitions déjà analysées portent 2,200 signatures. Celles que l'on vient de déposer en portent 2,085, qui émanent de presque toutes les localités du pays. Je prierai la Chambre de vouloir bien ajouter ces pétitions à celles que nous devons examiner lors de la discussion du projet de loi de travaux publics.
- Adopté.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Hoeleden présentent des observations en faveur d'un chemin de fer de Tirlemont à Diest par la vallée de la Velpe. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Tirlemont au camp de Beverloo.
« Le sieur Koch, capitaine pensionné, prie la Chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, du projet de loi sur les pensions militaires. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Keuwels prie la Chambre de s'occuper des pétitions relatives à la langue flamande. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions relatives à la langue flamande.
« Le sieur De Kerf prie la Chambre de statuer sur la pétition par laquelle il réclame contre sa révocation des fonctions de commissaire de police de la ville de Binche. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la pétition rappelée.
« Des employés de l'administration des jeux de Spa demandent qu'il soit pris une mesure pour leur assurer une indemnité équivalente à une année de leur traitement. »
M. David. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion de la loi de suppression des jeux de Spa, soumise en ce moment à un second vote.
M. Lelièvre. - J'appuie d'une manière toute spéciale la pétition et je me joins à M. David pour solliciter la mesure qu'il a réclamée.
- Adopté.
« Le conseil communal de Bruges demande que le projet de loi de travaux publics comprenne le crédit nécessaire pour l'achèvement des travaux d'aménagement de la station de cette ville. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des habitants de Huy prient la Chambre de rejeter les augmentations de l'impôt foncier proposées par le gouvernement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La Chambre de commerce de Namur fait hommage de six exemplaires de son rapport général sur la situation du commerce et de l'industrie de, son ressort en 1870. »
« La chambre de commerce et des fabriques d'Arlon fait hommage de six exemplaires de son rapport pour l'exercice 1870. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Par message en date du 4 juillet, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :
« 1° portant érection de la commune d'Aisemont ;
« 2° qui apporte des modifications aux lois d'impôts. »
- Pris pour notification.
(page 1606) « Par vingt-trois messages en date du 30 juin dernier, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de loi de naturalisation ordinaire. »
- Pris pour notification.
« M. Dansaert demande un congé pour motif de santé. »
- Accordé.
M. le président. - Plusieurs de nos honorables collègues ont fait connaître qu'ils ne se rendraient pas à la séance, parce qu'ils assistent aux funérailles de M. Van Renynghe. Ce sont : MM. Thienpont, Van Wambeke, Vanden Steen, Vermeire, Kervyn de Volkaersbeke et Snoy.
M. Brasseur. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 3,250,000 francs au département des travaux publics.
M. de Smet. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens pour 1872.
M. de Zerezo de Tejada. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui s'est occupée du projet de loi allouant des crédits supplémentaires à concurrence de 400,461 francs au budget des travaux publics pour 1870.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
« Art. 1er. La convention ci-annexée, conclue les 29-30 avril 1868, en vue de la suppression des jeux de Spa, entre le ministre de l'intérieur, le conseil d'administration de la compagnie concessionnaire des jeux et le collège échevinal de Spa, est approuvée.
« Toutefois, le gouvernement est autorisé à modifier cette convention dans le sens d'une prorogation du délai fixé pour la fermeture de l'établissement des jeux si des circonstances venaient à justifier cette prorogation. La convention nouvelle serait, en ce cas, soumise à la sanction des Chambres législatives. »
M. Lelièvre. - Je dois émettre une observation propre à déterminer clairement le sens de la loi. Je pense qu'il est bien entendu que la convention nouvelle dont parle notre article serait soumise au droit fixe d'enregistrement de 2 fr. 20 c, conformément à l'article 5 du projet. En effet, il n'est que juste de faire profiler la convention nouvelle du bénéfice de cette dernière disposition.
M. Jacobs, ministre des finances. - Il dépendra de nous, dans la convention et dans la loi nouvelle, d'insérer une disposition semblable à celle insérée dans la loi actuelle.
M. le président. - Je ferai remarquer que le texte distribué porte : « la convention ci-annexée... » les mots ci-annexée doivent disparaître.
- L'article est adopté.
M. le président. - Vient l'amendement à l'article 4 ; il est ainsi conçu :
« Si ce fonds excède les indemnités fixées par l'article 2 précité, l'excédant sera payé en janvier 1881 aux localités désignées dans ledit article en proportion des sommes qui leur sont respectivement allouées. »
M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne veux pas rentrer dans le débat qui a eu lieu dans l'une des dernières séances ; je tiens seulement à ce que la Chambre ne vote pas en aveugle, à ce qu'elle connaisse les conséquences de son vote et les chiffres sur lesquels il porte. Ces chiffres, je les ai fait dresser dans deux hypothèses. En supposant que les jeux de Spa donnent dans le courant des années 1871 et 1872 les mêmes résultats que pendant les années 1869 et 1870, le reliquat dont s'occupe l'amendement s'élèverait à 1,495,400 francs, valeur au 1er janvier 1881, sur lesquels la commune de Spa toucherait 1,234,082 fr. 93 c, les communes d’Ostende, etc. 237,560 fr. 97 c, le bureau de bienfaisance de Spa, 25,756 fr. 10 c.
Dans la seconde hypothèse, je prends pour base de mes calculs la moyenne des six dernières années ; au lieu d'arriver à un chiffre de 1,495,400 francs, on n'arriverait qu'au chiffre de 1,427,715 francs ; la commune de Spa toucherait 1,178,225 fr. 70 c. de plus, les communes
d'Ostende, etc. 2261,208 fr. 45 c. de plus et le bureau de bienfaisance de Spa 22,680 fr. 85 c. de plus, Ces valeurs sont toutes calculées au 1er janvier 1881.
Lorsqu'on chiffre la valeur à la même date des avantages que le projet de la section centrale alloue a la ville de Spa, on arrive aux résultats suivants : Spa touchait d'après le projet, valeur au 1er janvier 1881, 2,682,425 francs ; en y ajoutant les 1,234,082 francs que lui accorde l'amendement adopté au premier vote, elle aurait 3,916,506 francs.
M. Coomans. - C'est vraiment trop fort.
M. Jacobs, ministre des finances. - Ce sont des calculs que j'ai fait faire par la trésorerie ; j'en ai le détail ici.
Si l'on adopte la moyenne des six dernières années comme devant être le produit des jeux en 1871 et en 1872, les 2,682,000 francs deviennent 3,860,649 francs ; en un mot, c'est une majoration de 40 p. c. que vous votez.
La Chambre appréciera ces chiffres. Je ne veux pas rentrer dans la discussion, mais il me reste à présenter un sous-amendement pour le cas ou l'amendement serait définitivement adopté.
Nous allouons par l'article 3 des traitements d'attente à certains fonctionnaires des jeux ; ces traitements devaient être payés par l'Etat ; cela se comprenait quand l'Etat profitait du reliquat.
Si au contraire les villes de Spa, etc., vont toucher la somme intégrale, il est clair qu'il faut prélever les traitements d'attente sur la masse...
- Voix nombreuses. - Oui, oui !
M. Jacobs, ministre des finances. - ... et que l'Etat, en aucune hypothèse, ne peut être tenu de les payer. Je propose donc, pour ce cas, de modifier l'article comme suit : « Les annuités qui font l'objet de l'article 2 et les traitements d'attente dont il est question à l'article 3 seront payés sur un fonds spécial..., (le
reste comme à l'article.) »
M. le président. - Il y a un troisième amendement qui consiste à ajouter les mots : « Et des intérêts que produiront ces sommes. »
M. Jacobs, ministre des finances. - Cet amendement est conforme à l'esprit de la loi.
M. David. - Je n'ai pas fort bien saisi les calculs de l'honorable ministre des finances ; je les crois néanmoins très exagérés : ils ne cadrent nullement avec les miens. Je n'entrerai pas dans de nouvelles considérations ; je me bornerai à répéter que le maintien de mon amendement serait une véritable question d'équité et de justice.
Puisque vous menacez la ville de Spa et les autres localités de réduire leurs avantages dans la répartition qu'elles retireront des bénéfices des jeux dans ces dernières années (1871 et 1872), il faut au moins leur laisser la chance de recevoir l'excédant de ces bénéfices, dans le cas où il y aurait un reliquat quelconque.
Il ne faut pas se faire d'illusions en matière de cette espèce de jeux ; ces jeux, comme c'est le cas pour Spa, sont généralement établis dans des localités que l'on visite seulement alors que la saison est favorable, l'horizon politique tranquille et lorsqu'il n'existe pas d'épidémie. Il est impossible de prévoir quel sera le produit de ces jeux ; au moindre danger d'épidémie chacun rentre chez soi, Spa est abandonné.
La saison actuelle peut être manquée déjà, et qui pourrait prédire les événements dont nous serons témoins en 1872 ? On jouera très peu peut-être.
Tel est le danger qui nous menace cette année ou l'année prochaine ; au lieu des résultats indiqués par l'honorable ministre des finances, nous pouvons tomber au-dessous de la somme de 2,300,000 francs citée dans la répartition de l'article 2.
Aussi, je le répète, l'adoption de mon amendement serait un acte de justice vis-à-vis de la ville de Spa.
Permettez-moi d'ajouter encore quelques mots au sujet des dépenses que fait l'administration des jeux à Spa, et dont Spa profite ; cette ville, vous le savez, n'a guère plus de 3,000 habitants ; j'ai sous les yeux le cahier d'observations de la cour des comptes qui nous a été distribué cette année, il contient le compte rendu exact des bénéfices rapportés par les jeux en 1868.
La cour en fait le compte en déduisant naturellement toutes les charges incombant à la société des jeux, conformément au contrat.
Eh bien, messieurs, cette administration des jeux dépense dans cette petite ville qui, je l'ai dit, ne compte guère plus de 3,000 habitants, elle dépense 307,132 fr. 24 c. ; cette somme est dépensée à Spa même, au profit de Spa ; elle fait vivre une quantité de familles. A partir de 1873, elle ne la dépensera plus.
(page 1607) Voici le détail de cette somme d’après la cour des comptes : [détail non repris dans la présente version numérisée].
Il me semble donc que cette ville, que tant de désastres menacent, a le droit d'espérer une compensation, si le produit est un peu supérieur au chiffre fixé par la répartition de l'article 2, je vous prie, en conséquence, de ne pas revenir sur le vote émis samedi en faveur de mon amendement.
M. Coomans. - Quand j'entends l'honorable membre invoquer la justice et l'équité dans une question où la justice et l'équité ont été froissées au profit de la ville de Spa et surtout des autres communes favorisées, j'éprouve un certain étonnement ; j'ai reconnu qu'il y avait lieu d'indemniser Spa ; mais l'appétit vient en mangeant, et l'on montre un appétit de Gargantua auquel il faut mettre des bornes.
On a invoqué une raison à l'appui de l'amendement de M. David ou plutôt de M. le ministre de la justice, car c'est bien lui qui est la cause déterminante de ce que j'appelle une erreur parlementaire ; on a donc invoqué une seule raison a l'appui de ce vote de samedi, mais cette raison est mauvaise ; cette raison n'est qu'un sophisme. (Interruption.)
Elle est un sophisme ; on l'a déjà répétée tout à l'heure, parce qu'il n'y en a pas d'autres.
On prétend que Spa et les autres communes courant la mauvaise chance, c'est-à-dire la chance d'obtenir un chiffre inférieur au chiffre stipulé, doivent avoir la bonne chance d'une recette supérieure.
Eh bien, la recette sera supérieure en tout état de cause : il n'y aura pas de mauvaise chance.
L'honorable ministre des finances vient de nous donner une moyenne. Cette moyenne est inexacte, désavantageuse, au point de vue de la thèse que nous soutenons, puisqu'il est prouvé que la progression des bénéfices a été constante.
Du reste, pour faire justice du sophisme que je viens de caractériser, plutôt que de gaspiller 1,500,000 francs, je consentirais à ce que l'on assurât à Spa et aux autres communes, comme minimum, la somme fixée dans la loi, mais je demande que le surplus soit versé, soit dans les caisses de l'Etat, soit dans le fonds communal, ce qui me paraîtrait plus convenable.
Ainsi, si nous consentons à assurer à Spa et aux autres communes la recette indiquée dans le projet de loi, vous n'avez plus à vous plaindre, et vous n'avez plus l'apparence de raison que vous pouviez invoquer à l'appui de vos prétentions excessives. Mais l'offre que j'ai faite à plusieurs de mes honorables collègues n'a pas été agréée.
M. Lelièvre. - Je dois reproduire l'observation que j'ai faite dans la discussion générale. On n'accorde une indemnité ou un traitement qu'aux fonctionnaires qui ont reçu leur nomination du gouvernement ; or, il y a d'autres employés qui sont frappés par les conséquences du projet. Il me semble qu'il serait de toute justice d'accorder à ces employés et dans certaine mesure une indemnité équitable.
L'honorable M. David a appuyé une pétition ayant pour objet l'allocation de certaine indemnité. A mon avis, c'est ce qu'on peut faire de moins à l'égard des employés dont il s'agit, dignes de la sollicitude du gouvernement.
Si contre toute attente, on n'énonçait pas dans le projet de loi une disposition à cet égard, j'espère du moins que le gouvernement ne négligera rien pour accorder de justes compensations à des employés dont il n'est pas juste d'altérer la position sans indemnité aucune.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.
M. le président. - Je vais mettre aux voix : d'abord l'amendement introduit dans le premier alinéa de l'article 4 ; puis le troisième alinéa du même article, qui est l'amendement de M. David, que la Chambre a adopté au premier vote ; puis, s'il y a lieu, le sous-amendement de M. le ministre des finances à cet amendement.
- L'amendement introduit dans le premier aliéna est définitivement adopté.
M. le président met aux voix le troisième aliéna.
- Des membres. - L'appel nominal.
Il est procédé à cette opération,
En voici le résultat :
74 membres répondent à l'appel nominal.
28 votent pour l'amendement. 45 votent contre.
1 (M. Amédée Visart), s'abstient.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption. MM. Rogier, Simonis, Van Iseghem, Warocqué, Allard, Balisaux, Boulenger, Cornesse, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, Delcour, de Macar, de Naeyer, de Rossius, Descamps, Dethuin, Hagemans, Houtart, Jottrand, Julliot, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lescarts, Mouton, Muller et Tack.
Ont voté le rejet :
MM. Sainctelette, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Verwilghen, Vleminckx, Wouters, Anspach, Bara, Beeckman, Bergé, Boucquéau, Brasseur, Bricoult, Coomans, Coremans, Couvreur, Crombez, de Borchgrave, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, Demeur, de Muelenaere, de Smet, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Funck, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Jamar, Landeloos, Nothomb, Orts, Pety de Thozée et Rembry.
M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Amédée Visart. - Je me suis abstenu, parce que, d'après l'amendement de l'honorable M. David, la part de la ville de Spa était trop considérable, tandis que celle des autres communes était, en tout cas, fort restreinte.
M. le président. - Il nous reste à voter sur l'ensemble du projet de loi.
M. Muller. - Pardon, M. le président. On ne s'est pas encore prononcé sur le second paragraphe de l'article 4, et je propose, conformément à ce que vient de dire l'honorable M. Coomans, que la chance défavorable qui atteint la ville de Spa ne soit pas maintenue, puisque la Chambre vient de supprimer les éventualités qui pouvaient servir les intérêts de cette ville de bains.
Voici donc l'amendement que je propose au second paragraphe :
« Dans le cas où ce fonds ne serait pas suffisant pour permettre d'acquitter intégralement les indemnités accordées par l'article 2 de la présente loi, il y sera suppléé par le trésor public. »
- Des membres. - Non ! non !
M. Muller. - Remarquez, messieurs, que vous venez de faire disparaître ce qu'il y avait d'avantageux à la ville de Spa, après le lui avoir accordé par un premier vote. Le projet du gouvernement déclare que si les jeux venaient à ne pas rapporter assez pour faire toute la répartition qui est énoncée à l'article 2, il sera fait une réduction, au marc le franc, entre Spa et les autres communes intéressées. Or, je demande que, dans le cas où il y aurait déficit, le trésor supplée à ce qui manquera. (Interruption.)
J'espère que l'honorable M. Coomans va se lever pour me soutenir, c'est de toute justice, car il est l'inspirateur de mon amendement.
M. Coomans. - L'honorable membre se trompe quand il dit que je me lèverai pour soutenir sa proposition.
M. Muller. - Je l'espère.
M. Coomans. - Je suis fâché de devoir vous enlever cet espoir et de vous prouver qu'il était mal conçu.
Quand j'ai dit que j'étais prêt à garantir le minimum indiqué dans le projet de loi, c'était une transaction que je proposais, avant le second vote, aux partisans de l'amendement de l'honorable M. David. Je comprendrais l'observation de l'honorable M. Muller si, avant le vote, dans le doute où j'étais du résultat, vous aviez adopté cette transaction. (Interruption.)
Comment ! je vous offre une transaction, vous la rejetez, et le vote fini, la chance ayant été contre vous, vous voulez reprendre l'avantage que je vous avais éventuellement offert !
Point, messieurs, vous avez couru le risque du vote, le vote a eu lieu et vous devez en subir les conséquences.
Il serait par trop commode de courir la chance du refus d'une transaction offerte, sauf ensuite à se prévaloir de l'offre comme d'un droit acquis.
Dans ma conviction, Spa est bien traité ; les autres communes sont beaucoup trop bien traitées ; il n'y a que la société des jeux qui ait à se plaindre ; j'entends profiter du vote très sage que le repentir de la Chambre vient de lui dicter.
(page 1608) M. David. - Messieurs, vous ayez paru vous effrayer quand l'honorable M. Muller a demandé que le trésor public suppléât dans le cas où le produit des jeux descendrait au-dessous de la somme à répartir conformément à l'article ; vous aurez cru le trésor public menacé de devoir suppléer par une partie des ressources ordinaires du budget des voies et moyens ; mais rappelez-vous que les parts des bénéfices de juin en 1868, 1869 et 1870 sont entrées dans le trésor. Elles y sont même entrées sans figurer au budget des voies et moyens, elles importent un chiffre d'au delà de trois millions.
C'est une somme dont M. le ministre des finances n'a pas encore rendu compte et je saisirai cette occasion pour lui demander ce qu'il compte en faire. L'insuffisance pourra être prise sur ces trois millions.
Vous n'avez donc pas à vous effrayer, une somme infiniment supérieure est là et elle n'a pas encore reçu d'emploi.
M. Muller. - Je ne croyais pas que nous eussions tantôt joué un coup de roulette.
Selon l'honorable M. Coomans, il n'aurait, il y a quelques instants, fait que proposer une transaction aux défenseurs des intérêts de Spa ; le vote leur ayant été contraire, M. Coomans retire sa concession, ils doivent en prendre leur parti. Je ne pense pas, quant à moi, que ce langage soit conséquent, et que cela soit bien juste.
L'article 2, isolé de l'article 4, garantit d'une manière absolue que la ville de Spa aura telle somme en huit années ; vous venez de décider qu'elle ne profiterait pas d'un excédant, s'il y en a ; il me semble dès lors qu'il serait assez équitable de déclarer, par compensation, que, s'il y a déficit, le Trésor y pourvoira.
M. Dumortier. - Messieurs, nous supprimons les jeux de Spa comme une chose dangereuse ; nous pourrions les supprimer demain, et personne n'aurait rien à dire ; la ville de Spa devrait se trouver satisfaite. Eh bien, nous lui accordons par la loi des avantages considérables, avantages qui peuvent aller jusqu'à plus de 3 millions, et on ne se contente pas de cette chance aléatoire ; on veut la convertir en une redevance du trésor public !
C'est, messieurs, ce que je ne puis admettre : la base de la loi est aléatoire et elle doit rester telle, autrement vous entreriez dans un système vicieux et savez-vous, messieurs, quelles en sont les conséquences ?
C'est que vous aurez posé un principe dont on se prévaudra ensuite et qui deviendra sacramentel. On prétendra que vous avez admis le principe d'une redevance fixe à la ville de Spa et quand la période déterminée dans le projet sera écoulée, on vous demandera 500,000 ou 600,000 francs pour la ville de Spa.
Je demande donc que l'on maintienne l'article tel qu'il a été voté.
La Chambre a traité la ville de Spa avec générosité et je l'approuve ; mais les chances aléatoires du jeu restent évidemment les mêmes et si les jeux ne rapportaient rien, la ville de Spa ne recevrait rien ; vous voulez que si les jeux ne rapportent pas, le trésor public intervienne.
L'honorable M. David perd de vue qu'il y a un article de la Constitution qui dit que toutes les recettes de l'Etat doivent figurer dans le budget et dans les comptes. Je maintiens donc que la Chambre doit se borner à ratifier purement et simplement le vote émis en premier lieu.
M. de Macar. - Messieurs, je suis certain que la Chambre tout entière désire donner à la ville de Spa la possibilité de continuer convenablement l'exploitation de ses eaux, il n'y a pas eu divergence d'opinion à cet égard.
Samedi dernier, mue par cette idée et en vue seule des considérations énoncées par les honorables MM. Cornesse, David et par moi-même, la Chambre a reconnu que si Spa devait employer partie de sa dotation en travaux d'utilité publique, elle ne jouirait plus de revenus suffisants pour faire les dépenses annuelles nécessaires afin de maintenir sa position.
Les conséquences financières de l'amendement de M. David que l'honorable ministre des finances a fait entrevoir très éloquemment - rien n'est plus éloquent que les chiffres - ont dû évidemment peser sur le vote qui vient de s'émettre, elles seules ont causé le rejet de l'amendement.
Je n'insiste cependant pas, messieurs, sur l'amendement de l'honorable M. Muller. Je le considère comme plus théorique que pratique.
M. Muller. - C'est pour la sécurité.
M. de Macar. - Sans doute, mais je ne vois pas son utilité pratique pour Spa.
Ce qu'il y aurait à faire, si l'honorable ministre des finances voulait prendre en considération la position de la ville de Spa, s'il voulait faire une concession à son collègue de la justice, à plusieurs membres de la gauche et même à quelques-uns de la droite, ce serait de s'arrêter à un chiffre moyen acceptable par tous.
L'honorable ministre des finances a dit que l'amendement de M. David octroyait à Spa un million et demi environ, que cette somme serait exorbitante !
Eh bien, tierçons-la. Que M. le ministre consente à donner 500,000 fr., nous restons ainsi dans des limites convenables.
Il y a des travaux indispensables à exécuter à Spa, c'est incontestable. Si ces travaux ne se font pas, Spa ne peut conserver sa bonne position. Restons donc conséquents avec nous-mêmes et donnons à Spa les moyens d'effectuer ces travaux sans grever son budget.
Le budget de Spa est de 140,000 francs. Aucune dépense ne saurait en être retranchée. J'en appelle, à cet égard, à l'honorable M. Delcour.
Si Spa doit faire une dépense exceptionnelle de 700,000 à 800,000 fr., ce que personne ne conteste, et la prélever sur sa dotation, comment pourra-t-elle continuer à faire les dépenses annuelles normales indispensables ?
J'avoue que, quoique je sois partisan très convaincu de la suppression des jeux, il m'en coûte de placer la ville de Spa dans une situation tout au moins difficile.
Je prie M. le ministre des finances de faire quelque chose en sa faveur ; si les 1,500,000 francs effrayent la Chambre, qu'on se contente de 500,000 francs, ce ne sera que juste.
Remarquez, messieurs, que l'Etat a en caisse sur les produits des jeux de Spa une somme considérable ; M. David pense qu'elle s'élève à près de 3 millions ; de plus il y aura l'excédant sur la dotation du produit des jeux pendant deux années ; sur cette somme ne serait-il pas équitable d'accorder à Spa une compensation ?
Dans la séance de samedi, l'amendement de M. David a été voté à une grande majorité ; je me plais donc à espérer que je trouverai de l'appui dans la Chambre pour la proposition si modérée que je lui soumets.
M. De Lehaye. - Je crois, comme l'honorable préopinant, que la proposition de M. Muller n'a pas grande importance.
Quant à la proposition de M. de Macar, je m'y oppose de toutes mes forces, non pas parce qu'elle donnerait un second avantage à la ville de Spa, qui est déjà très favorablement traitée, mais parce qu'elle est contraire au règlement.
Je fais la même observation relativement à la proposition de M. Muller. L'article 45 du règlement de la Chambre dit dans son troisième paragraphe :
« Dans la seconde, seront soumis, à une discussion et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. »
Or, comme aucun article n'a été rejeté, comme les amendements adoptés ont été rejetés, je trouve qu'il n'y a pas lieu de continuer la discussion. (Interruption.)
Quant au quatrième paragraphe, il est conçu en ces termes : « Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
Or, l'amendement de M. Muller n'est pas motivé sur une adoption ou un rejet. (Interruption de M. Muller.)
Veuillez lire l'article 45, M. Muller, et vous serez convaincu que votre amendement est contraire au règlement.
Ces deux paragraphes sont positifs.
Au second vote, deux dispositions seulement peuvent faire l'objet d'un débat, ce sont : d'abord, les amendements admis au premier vote et ensuite les articles qui, au premier vote, ont été rejetés. Il en résulte que, conformément au prescrit des paragraphes 3 et 4 de l'article 45, toute proposition étrangère à ces deux objets ne peuvent pas faire l'objet d'une discussion.
M. Muller. - Je crois que l'interprétation de M. De Lehaye va trop loin. L'amendement de M. David a été rejeté...
M. De Lehaye. - C'est cela.
M. Muller. - Oui, mais le second paragraphe de l'article 4 du gouvernement n'avait pas été adopté ; il s'agit aujourd'hui de voter ce paragraphe pour la première fois, car l'amendement de l'honorable M. David, que j'ai soutenu, lui avait été substitué par la Chambre.
La modification que je présente est donc parfaitement admissible, si l'on veut donner un sens raisonnable au règlement ; elle n'a, en effet, pour cause et pour origine que le rejet, au second vote, de l'amendement de M. David, que la Chambre avait d'abord accueilli.
M. De Lehaye. - Il est tellement vrai que la proposition de M. Muller est motivée sur un amendement rejeté que l'honorable membre vous a dit : « Puisque vous venez de rejeter cet amendement, je propose l'amendement suivant. » (Interruption.) M. Muller lui-même est donc parti (page 1609) de cette idée que c'était le rejet de l'amendement qui motivait sa proposition.
Le règlement ne permet pas que vous fassiez une nouvelle proposition motivée sur un amendement rejeté ; vous ne pourriez le faire que si elle était motivée sur un article rejeté.
M. David. - Pour nous mettre d'accord, je propose de supprimer l'article 4 de la loi tout entier ; cette proposition donnerait aux localités intéressées la certitude d'obtenir quelque chose dans la répartition ; il n'y aurait de dommage pour personne au point de vue où je me place.
M. le président. - Il est impossible démettre aux voix cette proposition, l'article ayant été rejeté ; pour bien préciser la portée de l'amendement de l'honorable M. Miller, je donne lecture du paragraphe 2, tel qu'il est modifié :
« Dans le cas où ce fonds ne serait pas suffisant pour permettre d'acquitter intégralement les indemnités allouées par l'article 2 de la présente loi, il y sera suppléé par le trésor. »
- Il est procédé au vote par appel nominal.
70 membres y prennent pari.
39 répondent non.
31 répondent oui.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont répondu non : MM. Sainctelette, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Verwilghen, Vleminckx, Wouters, Bara, Beeckman, Brasseur, Bricoult, Coomans, Coremans, Couvreur, Crombez, De Fré, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, Demeur, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Funck, Gerrits, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Landeloos, Lefebvre, Nothomb, Pety de Thozée et Tack.
Ont répondu oui :
MM. Rogier, Simonis, Thonissen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Amédée Visart, Warocqué, Allard, Anspach, Balisaux, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Cornesse, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, Defuisseaux, Delcour, de Macar, de Rossius, Descamps, Dethuin, Hagemans, Jottrand, Julliot, Lelièvre, Lescarts, Mouton, Muller et Orts.
M. David. - J'avais déposé un amendement, tendant à supprimer l'article 4.
M. le président. - Je ne puis pas mettre aux voix votre proposition ; l'article 4 a été adopté par la Chambre au premier vote.
M. David. - Un article amendé peut être supprimé au second vote.
- Des membres. - Non, non !
M. de Macar. - Messieurs, en présence des dispositions de la Chambre et du peu d'appui que j'y rencontre, je n'insiste pas pour que mon amendement soit mis aux voix. Mais je tiens à faire observer à l'honorable M. De Lehaye que j'étais parfaitement en droit de le présenter.
D'après l'article 45, paragraphe 4, du règlement, doivent être soumis au vote, lors de la délibération définitive, les nouveaux amendements qui seraient motivés sur l'adoption ou le rejet des amendements adoptés ou rejetés au premier vote.
Or, il est évident que les membres qui ont pu voter contre l'amendement adopté au premier vote, comme allouant une somme trop élevée, pouvaient très bien voter pour le mien, qui restait dans les limites les plus modérées, je le répète. Du reste, en présence des dispositions de la Chambre, je retire mon amendement.
M. De Lehaye. - Je ferai une seule observation, puisque l'honorable préopinant m'a mis en cause. L'honorable membre aurait dû lire le paragraphe 3 de l'article 45 du règlement. D'après ce paragraphe, le vote définitif ne porte que sur les amendements adoptés et les articles rejetés dans la première délibération.
D'après le troisième alinéa, on ne peut mettre aux voix, lors du vote définitif que les nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou sur ce rejet ; c'est-à-dire sur les amendements adoptés ou sur les articles rejetés lors du premier vote.
M. le président. - Il va être procédé au vote sur l'ensemble du projet de loi.
M. David. - Je demande l'appel nominal sur l'article 4.
M. le président. - L'article a été adopté au premier vote.
Nous passons à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
69 membres répondent à l'appel nominal.
\54. votent pour le projet.
14 votent contre.
1 (M. David), s'abstient.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. Rogier, Sainctelette, Simonis, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Amédée Visart, Wouters, Anspach, Balisaux, Beeckman, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Brasseur, Coremans, Cornesse, Couvreur, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Macar, Demeur, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Smet, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jottrand, Julliot, Lefebvre, Lelièvre, Lescarts, Mouton, Muller, Nothomb, Pety de Thozée et Tack.
Ont voté le rejet :
MM. Verwilghen, Vleminckx, Warocqué, Allard, Bara, Bricoult, Coomans, Crombez, d'Andrimont, Descamps, Funck, Hagemans, Landeloos et Orts.
M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître le motif de son abstention.
M. David. - J'ai toujours été partisan de la suppression des jeux de hasard de Spa, pourvu qu'elle fût réalisée en temps opportun. Je n'ai pu ainsi voter contre la projet. Mais le projet de loi mettant la ville de Spa dans l'impossibilité de soutenir à l'avenir la concurrence avec les autres villes de jeu, je n'ai pu lui donner un vote approbatif.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements proposés par la section centrale ?.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Oui, M. le président.
M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur le projet de la section centrale.
M. Lelièvre. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, j'ai presque toujours émis un vote défavorable aux projets de la nature de celui qui fait l'objet du débat.
Toutefois, en 1858, j'ai approuvé la loi proposée à cette époque, à raison des graves circonstances où se trouvait le pays.
Le même motif m'engage également aujourd'hui à lui donner mon assentiment.
Je comprends qu'en présence des événements extérieurs, il serait dangereux de désarmer le gouvernement vis-à-vis des étrangers qui abuseraient du droit d'asile sur notre sol hospitalier.
J'engage, du reste, M. le ministre à user avec prudence et avec modération des pouvoirs qui lui sont confiés. Ainsi ont agi ses prédécesseurs. Sous ce rapport, j'ai toute confiance en M. le ministre de la justice, dont les sentiments modérés sont connus.
Du reste, je suis d'avis qu'il faut mettre fin le plus tôt possible au régime exceptionnel énoncé au projet.
J'espère même que, dans un temps peu éloigné, on fera disparaître toutes distinctions entre les régnicoles et les étrangers, au point de vue de la protection des personnes et des biens.
Nous avons fait cesser ces différences en matière de succession. Nous supprimerons la contrainte par corps prononcée contre les étrangers en cette qualité.
D'autres dispositions en vigueur contre des étrangers ont été abolies.
J'estime qu'il faudra arriver à l'abolition des mesures énoncées au projet de loi dans le plus bref délai possible, et que les étrangers doivent être placés purement et simplement sous l'empire du droit commun.
Je fais des vœux pour que cette législation équitable ne tarde pas à prévaloir. Le droit commun vis-à-vis de tous suffit évidemment pour sauvegarder l'ordre public. En tout cas, il serait indispensable d'établir des garanties qui ont fait défaut jusqu'à présent. Du reste, comme je l'ai dit, eu égard à la crise extraordinaire que nous traversons, j'émettrai cette fois un vote favorable au projet.
Je dois toutefois proposer une autre observation à l'occasion du débat soulevé par le projet.
Des circulaires émanées du département de la justice, en matière d'extradition, ont recommandé aux officiers du parquet de ne faire usage des mandats d'arrêt décernés par des autorités étrangers qu'après qu'ils ont été revêtus des légalisations diplomatiques.
Cet état de choses entrave souvent des mesures urgentes qui doivent être prises pour l'arrestation des inculpés.
Ces formalités n'étant pas prescrites par la loi, il semble qu'il faudrait (page 1610) revenir sur ces circulaires que rien ne justifie et dont l'exécution pourrait souvent donner lieu à de graves inconvénients et empêcher l'action des autorités belges.
Les mandats émanés des magistrats étrangers peuvent avoir une existence certaine, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des formalités qui retardent inutilement leur mise à exclusion.
Je recommande tout particulièrement cet objet à l'attention de M. le ministre de la justice.
Les formalités auxquelles je fais allusion ne sont prescrites ni par la loi, ni par les traités sur l'extradition, ni par aucune disposition obligatoire. A mon avis, elles ne sont nullement nécessaires, du moment que l'existence des mandats d'arrêt émanés des magistrats étrangers est claire, évidente et suffisamment constatée, je ne vois pas pour quel motif il faut exiger des prescriptions inutiles qui sont de nature à entraver le cours de la justice.
Je prie M. le ministre de vouloir avoir égard à ces observations, que je livre à son examen.
M. Demeur. - Messieurs, j« crois devoir d'abord féliciter le gouvernement pour deux modifications qu'il propose à la loi du 7 juillet 1865.
La première modification consiste en ce que désormais un étranger ne pourra plus être expulsé de Belgique parce qu'il a été poursuivi à l'étranger à raison d'un crime ou d'un délit donnant lieu à extradition. A ces mots : « a été poursuivi », on substitue les mots : « est poursuivi. »
La loi de 1865 contenait, sous ce rapport, une aberration véritable dont on avait en vain jusqu'à ce moment demandé l'abrogation. Elle permettait d'expulser l'étranger qui avait été poursuivi à l'étranger à raison d'un crime ou d'un délit donnant lieu à l'extradition, bien qu'il eût été acquitté.
Déjà, en 1864, sous l'empire de la loi de 1835, dont celle de 1865 n'est guère que la reproduction, j'ai eu occasion de signaler, dans des meetings, l'odieux de cette disposition. Tous mes efforts, jusqu'à présent, avaient été vains.
Cette disposition, messieurs, a été appliquée de la façon la plus rigoureuse et la plus odieuse ; je n'en prends pour témoins que les circulaires du ministère de la justice, qui sont encore en vigueur. Voici ce que j'y lis :
« Un individu n'en est pas moins souvent très dangereux, bien que les éléments d'une condamnation n'aient pu être réunis à sa charge.
« Il importe que dans ces circonstances il soit obligé de quitter incontinent le pays.
« Veuillez, je vous prie, M. le procureur général, inviter de nouveau MM. les procureurs du roi à retirer les papiers de tous les étrangers poursuivis et à me les transmettre.
« Lorsqu'un prévenu de l'espèce et non résidant dans le royaume sera renvoyé des poursuites, MM. les procureurs du roi pourraient lui faire délivrer par l'autorité locale une feuille de route, avec itinéraire obligé, à l'effet de quitter le territoire par la frontière qu'il choisira et qui me serait indiquée, afin que je puisse y envoyer le passeport et m'assurer ainsi de la sortie de l'étranger, à moins qu'ils ne préfèrent le retenir à ma disposition. Dans ce cas, je m'empresserais de lui envoyer la feuille de route pour la localité frontière qu'il aurait choisie et que ces magistrats m'auraient fait connaître. »
Il s'agit ici d'étrangers poursuivis en Belgique ; car, bien que la loi de 1865, prorogeant celle de 1835, ne s'occupe que des étrangers poursuivis à l'étranger, l'administration de la sûreté publique l'a toujours étendue aux étrangers poursuivis en Belgique.
Cette circulaire est du 30 octobre 1840 et elle n'a jamais été retirée.
II y aune deuxième modification, messieurs, qui est proposée par le gouvernement : le gouvernement s'engage à rendre compte tous les ans de l'exécution de la loi.
M. Nothomb. - C'est moi qui ai demandé ce rapport dès 1865.
M. Demeur. - Evidemment c'est une amélioration ; je constate seulement que cette amélioration a été vainement réclamée en 1865 et vainement réclamée en 1868.
J'espère, messieurs, que nous n'en sommes pas au dernier mot des améliorations à introduire, dans la loi de 1865.
A côté des deux modifications dont je viens de parler, le gouvernement en propose une troisième qui donne au projet en discussion une importance particulière.
D'après la loi de 1865, l'expulsion des étrangers pouvait avoir lieu dans deux cas :
1° Lorsque l'étranger trouble la sécurité publique ;
2° Lorsqu'il a été poursuivi ou condamné pour un crime ou délit prévu par la loi sur les extraditions.
La loi sur les extraditions à cette époque était la loi du 1er octobre 1833, et elle ne permettait l'extradition que pour des crimes et délits d'une gravité exceptionnelle ; aujourd'hui nous avons une nouvelle loi sur les extraditions, la loi du 5 avril 1868, d'après laquelle l'extradition est permise pour presque tous les crimes et délits, hormis les crimes et délits politiques. L'énumération de la loi de 1868 est tellement détaillée qu'on peut dire qu'elle comprend tous les faits prévus par le code pénal, à quelques rares exceptions près.
L'extradition qui ne pouvait avoir lieu que pour l'assassinat, le meurtre, l'empoisonnement, le vol et autres faits analogues, est permise maintenant pour des coups et blessures, « pour coups portés ou blessures faites volontairement, avec préméditation ou ayant causé une maladie paraissant incurable, une incapacité permanente de travail personnel, la perte de l'usage absolu d'un organe ou la mort sans l'intention de la donner. »
On admet l'extradition pour l'abus de confiance et aussi pour un cas qui me paraît devoir être excessivement vague, la tromperie. On l'admet pour l'abandon par le capitaine, hors les cas prévus par la loi, d'un navire ou bâtiment de commerce ou de pêche.
Je ne combats pas le principe qui a servi de base à la loi de 1868 sur les extraditions ; je crois que c'est une loi juste et conforme aux tendances modernes.
Elle tend à effacer les frontières au point de vue pénal, à faire que le criminel ne puisse, en passant la frontière, éviter la justice.
Elle substitue en quelque sorte le droit humain au droit national. Je ne puis que donner mon approbation à ce principe.
D'après le projet de loi actuel, nous arrivons, par voie de conséquence, à permettre l'expulsion dans les mêmes cas que l'extradition, mais dans des conditions bien différentes.
En matière d'extradition, il s'agit de personnes poursuivies ou condamnées, et qui fuient soit la justice, soit la peine.
En matière d'expulsion, il s'agit, en outre, de personnes qui ont été condamnées et qui ont subi la peine.
Un homme a subi une condamnation dans son pays et il a subi sa peine. Il vient en Belgique ; il ne peut plus être livré, il n'est pas soumis à la loi sur les extraditions ; mais il pourra en tout temps être chassé du pays.
Il faut bien le dire : en cela, la loi sur les expulsions est une loi antichrétienne..
Elle est impitoyable pour celui qui a été condamné ; elle ne tient pas même compte de l'exécution de la condamnation ; peu importe la date de la condamnation ; elle ne distingue pas ; par cela seul qu'un étranger a été condamné dans son pays, alors même qu'il y aura subi sa peine, il est sans cesse chez nous sous le coup de l'expulsion.
Je ne veux pas, messieurs, revenir, dans cette discussion générale, sur tous les points qui ont été souvent traités dans la Chambre.
Mon intention est de présenter des amendements à quelques articles et si je parle dans la discussion générale, c'est pour mettre la Chambre et particulièrement M. le ministre de la justice à même d'examiner, dès à présent, les amendements que je proposerai.
Dans ma pensée, les amendements que j'ai l'intention de proposer ne peuvent pas être repoussés.
Je veux laisser de côté, en ce moment, les points où il y a un désaccord réel, sérieux, entre les partisans et les adversaires de la loi sur les étrangers et ne prendre que certains points où véritablement vous ne pouvez pas refuser satisfaction.
Si, contre toute attente, on refusait cette satisfaction, je ne pourrais que me rappeler ce qui s'est passé en 1865 et en 1868 et dire : Ce sera pour la prochaine fois.
Le premier amendement que je me propose de présenter porte sur l'article 3 de la loi de 1865 ; cet article commence ainsi :
« L'arrêté royal, porté en vertu de l'article premier, sera signifié par huissier à l'étranger qu'il concerne. »
Je demande qu'il soit ajouté : « Cet arrêté sera motivé », de telle sorte qu'il y ait, pour les arrêtés de l'espèce, la même règle que pour les jugements. Aux termes de l'article 97 de la Constitution, les jugements doivent être motivés ; il n'en est pas de même des arrêtés royaux qui ordonnent à un étranger de quitter le pays. Ces arrêtés ne doivent pas être motivés et ne sont pas motivés dans le fait.
Cependant, messieurs, n'est-il pas juste que si vous dites à un étranger : nous vous chassons du pays, vous lui disiez en même temps pourquoi ? Cela me paraît indispensable.
La nécessité de motiver les décisions de l'autorité est établie non seulement dans l'intérêt de celui qui en est victime, mais d'abord pour celui-là même qui doit prendre la décision.
Pourquoi la loi dit-elle au juge ; Vous motiverez vos jugements ? D'abord (page 1611) pour l'obliger à examiner l'affaire de près. Cela est non moins nécessaire pour les hommes appelés à rendre des arrêtés d'expulsion. Je demande que ces arrêtés soient motivés en outre dans l'intérêt de l'étranger qui en est l'objet.
Si la décision est juste, fondée, les motifs énoncés dans l'arrêté seront de nature à faire comprendre la justice de la décision par l'étranger lui-même. (Interruption.)
Voilà un homme condamné dans son propre pays du chef de meurtre, du chef de vol, on n'en demande pas l'extradition ; le gouvernement expulse cet homme ; qu'est-ce qui empêche de constater le motif de l'expulsion, de dire, par exemple, dans l'arrêté royal : Attendu que... a été condamné du chef de meurtre ou de vol...
M. Rogier. - Ce serait un joli passeport !
M. Demeur. - Mais est-ce que vous voudriez qu'on ne sût pas cela ?...
D'ailleurs, qui donc obliger à l'étranger à montrer cet arrêté ? Puis faites-vous donc cette loi dans l'intérêt des criminels ?
Et s'il est innocent ? S'il n'a pas été condamné ? Si l'arrêté royal est basé sur une erreur ? Car les lois ne sont pas faites seulement pour les coupables, elles sont faites aussi pour ceux auxquels on veut les appliquer injustement. C'est pour ceux-là surtout qu'il est indispensable de motiver l'arrêté d'expulsion. Ce n'est pas la première fois qu'une expulsion reposerait sur une erreur.
Je suppose qu'un homme arrive en Belgique ; le gouvernement, croyant qu'il a été condamné du chef de vol, l'expulse ; on lui notifie l'arrêté d'expulsion, il doit quitter le pays dans les vingt-quatre heures ; s'il résiste, la gendarmerie est là pour le conduire à la frontière. Cet étranger n'a rien à dire, on ne lui donne pas même les motifs de la mesure qui le frappe. Est-ce donc dans son intérêt qu'on agit ainsi ?
Si l'intérêt de l'étranger qui a réellement été condamné vous préoccupe, je crois, au contraire, que vous devez vous occuper, avant tout, de l'intérêt des innocents et si nous n'étions pas d'accord, je regretterais ce dissentiment.
Je dis donc que, dans l'intérêt de l'étranger, il est indispensable qu'on lui donne officiellement connaissance des motifs de son expulsion, car, enfin, d'autres cas peuvent se présenter. Je suppose un individu qui a encouru, dans son pays, une condamnation ; on lui notifie l'arrêté d'expulsion, mais il se trouve que le fait qui a motivé la condamnation ne rentre pas dans les cas qui permettent l'extradition et par suite l'expulsion. Remarquez qu'il y a, en cette matière, des questions de droit très délicates ; il est arrivé que le gouvernement voulant extrader certaines personnes, a renoncé à sa pensée première, à la suite d'un examen du cas par les tribunaux. Il m'est arrivé personnellement d'aller trouver le ministre de la justice au sujet de l'extradition d'un individu incarcéré à Bruxelles ; j'ai dit au ministre que, dans ma conviction, cet homme ne devait pas être livré, que c'était une question de droit et que je désirais la porter devant les tribunaux. Elle y a été effectivement portée en première instance, en appel et en cassation ; l'étranger a obtenu gain de cause et n'a pas été livré.
L'honorable M. Faider, alors ministre de la justice, a bien voulu attendre pendant dix-neuf mois que cette question fût débattue devant les tribunaux ; l'étranger était en prison et, au bout de ce temps, un arrêt a été rendu qui a abouti à la mise en liberté de l'étranger. Il s'agissait, cette fois, d'une question de nationalité, il s'agissait de savoir si l'individu était Belge ou Français.
D'autres affaires de ce genre se sont également présentées, entre autres l'affaire Cocquyt, que MM. Orts et Nothomb connaissent fort bien ; l'individu a été expulsé, comme étranger, bien qu'il eût été déclaré Belge par les tribunaux.
M. Nothomb. - Il a été finalement constaté par le pouvoir judiciaire que cet individu était réellement étranger.
Je l'ai déjà dit dans la discussion de 1865. Je ne prétends pas, du reste, qu'on ne puisse pas se tromper en cette matière.
M. Demeur. - Ce que dit l'honorable M. Nothomb confirme ma manière de voir sur ce point, puisque les tribunaux eux-mêmes, malgré les garanties dont leur action est entourée, auraient fini par reconnaître leur erreur. Comment donc pourrait-on dire que l'expulsé n'a pas le plus grand intérêt à ce que l'arrêté d'expulsion soit motivé, comme le sont les jugements ?
Mais indépendamment de l'étranger, il est d'autres personnes qui sont intéressées à ce que l'arrêté royal soit motivé. Je parle de l'opinion publique.
L'opinion publique est souveraine dans notre pays ; MM. les ministres lui sont soumis, et pour que l'opinion publique puisse exercer son action, il faut qu'on lui donne des faits ; si l'arrêté d'expulsion n'est pas motivé, l'opinion ne peut se prononcer ; elle se peut approuver, elle ne peut critiquer ; l'étranger ne peut avoir recours à elle ; il est en face de l'arbitraire pur et simple. Il n'en serait pas ainsi si, au moins, les arrêtés royaux d'expulsion étaient motivés.
Je proposerai un second amendement à la loi en discussion.
Il a été à plusieurs reprises question de faire intervenir l'autorité judiciaire d'ans les matières d'expulsion.
On était frappé de la différence qu'il y a entre les règles généralement suivies pour priver un homme d'un droit quelconque et celles qui sont applicables à l'expulsion d'un étranger.
Lorsqu'il s'agit d'infliger à un homme même une simple amende, est homme est toujours armé d'un droit, celui de se défendre, soit par lui-même, soit par un conseil ; mais dans le cas qui nous occupe, dans le cas de la loi sur les étrangers, le droit sacré de la défense n'existe pas.
Celui qui est poursuivi devant les tribunaux a le droit d'assister aux dépositions des témoins à sa charge. Mais l'étranger que vous voulez frapper, il ne sait pas s'il y a des témoins à sa charge.
Il n'a pas le droit d'entendre les témoins qui déposent contre lui auprès du gouvernement ou auprès de l'administration de la sûreté publique.
Il n'a pas non plus le droit de faire comparaître des témoins pour établir son innocence.
Les témoins, dans cette matière, lorsqu'il y en a, déposent sans cette garantie plus ou moins sérieuse, mais enfin jusqu'ici exigée devant le tribunaux, du serment.
Lorsqu'il s'agit de tout autre cas, vous voyez une distinction établie par la loi entre l'accusateur et le juge ; la loi a créé le ministère public qui accuse et le juge qui est appelé à apprécier l'accusation. Ici c'est à la fois le même fonctionnaire qui remplit les fonctions de ministère public et de juge.
Devant les tribunaux, on est en présence des magistrats inamovibles. cette garantie n'existe pas ici.
Le jugement est rendu publiquement. L'absence de publicité ici est complète.
Enfin, vous avez encore devant les tribunaux le droit d'appel et de cassation, qui n'existe pas ici.
Malgré toutes ces garanties qu'on a soin de prendre en matière criminelle, il arrive encore que le juge se trompe et vous voyez la cour d'appel acquitter parfois l'homme que le tribunal de première instance a condamné et vous voyez les décisions de la cour d'appel mises à néant par la cour de cassation.
Eh bien, s'il en est ainsi, si les décisions des hommes sont susceptibles d'erreur, il semble qu'il soit injuste, lorsqu'il s'agit de frapper un étranger, d'écarter les formes tutélaires de la justice.
Pourquoi les écarte-t-on ? Pourquoi repousse-t-on d'une manière absolue l'intervention des tribunaux ? Il y a pour cela, paraît-il, des raisons, et ces raisons ont été produites dans cette enceinte. Je n'entreprendrai pas de revenir aujourd'hui sur une question qui a déjà été décidée plusieurs fois par la Chambre. Je veux seulement demander l'intervention des tribunaux dans des cas où cette intervention ne peut soulever aucune des difficultés qui ont été signalées, où toutes les raisons qui ont été données contre l'intervention des tribunaux disparaissent.
Quelles raisons a-t-on données pour écarter l'intervention des tribunaux ? Ces raisons sont consignées dans le rapport de la section centrale. Je dois dire, en passant, que, dans les sections, la loi de 1865 n'a pas reçu un accueil très favorable.
Trois sections sur six ont rejeté le projet et des modifications ont été demandées par celles qui l'ont adopté ; mais la section centrale n'a pas cru pouvoir adopter la modification qui consiste dans l'intervention des tribunaux.
Eh bien, je ne veux la demander que dans les cas particuliers prévus par mon second amendement.
La disposition suivante serait ajoutée à la loi du 7 juillet 1865, après l'article 3 :
« Art. 3bis. L'arrêté royal, porté en exécution de l'article premier et motivé sur la poursuite ou la condamnation de l'étranger pour l'un des crimes ou délits qui donnent lieu à l'extradition, sera susceptible d'opposition dans les deux cas suivants :
« 1° Si le fait pour lequel l'étranger est poursuivi ou a été condamné ne rentre pas dans les crimes ou délits qui donnent lieu à l'extradition ;
(page 1612) « 2° Si la poursuite ou la condamnation n'est pas prouvée.
« Le délai de l'opposition sera d'un jour franc.
« L'opposition sera notifiée au procureur du roi de l'arrondissement dans le ressort duquel l'étranger aura été trouvé, avec assignation à comparaître a la plus prochaine audience du tribunal correctionnel de cet arrondissement.
« Si l'opposition est reconnue fondée, il ne sera pas donné suite à l'arrêté royal ; dans le cas contraire, il sera passé outre. »
Messieurs, lorsque l'on a rejeté dans cette enceinte l'intervention des tribunaux en cette matière, on s'est occupé principalement du cas où l'étranger est expulsé parce qu'il trouble la tranquillité publique ; mais remarquez-le, messieurs, c'est là le cas exceptionnel : le nombre des étrangers expulsés du chef de poursuites ou de condamnations à l'étranger est bien supérieur à celui des étrangers expulsés pour avoir troublé la tranquillité publique.
D'après la statistique, il n'y en aurait eu que trois depuis six ans expulsés de ce chef par arrêté royal, tandis qu'il y a eu, dans la même période, 841 étrangers expulsés par arrêté royal pour des faits qui rentrent dans la loi sur les extraditions, c'est-à-dire des crimes ou des délits déterminés d'une manière précise.
Eh bien, messieurs, lorsque l'expulsion est motivée par des faits mentionnés dans la loi sur les extraditions, je demande que l'étranger puisse dire : Mais le fait ne rentre pas dans la loi sur les extraditions ; ou bien : Le crime on le délit que vous m'imputez n'existe pas. Dans ces deux cas, mais dans ces deux cas seulement, je demande que l'étranger puisse porter la question devant les tribunaux.
Mon amendement limite précisément le recours aux tribunaux aux cas où les motifs invoqués contre ce recours n'existent pas. Quels sont, en effet, ces motifs ?
« On ne peut, dit le rapport de la section centrale, on ne peut invoquer comme précédent l'intervention du pouvoir judiciaire dans le cas d'extradition ; car il ne s'agit alors que de faits déterminés et prévus par la loi spéciale ; tandis qu'il est impossible de prévoir toutes les circonstances, parfois d'un caractère exclusivement politique, dans lesquelles le repos public sera compromis, et l'expulsion nécessaire. »
Eh bien, messieurs, sur le terrain où je me suis placé, je donne raison au rapporteur de la section centrale et je dis : Soit, lorsqu'il sera question de l'expulsion d'un étranger, parce qu'il trouble la tranquillité publique, il n'y aura pas de recours aux tribunaux et le gouvernement sera seul juge ; mais si le gouvernement expulse un étranger parce qu'il a été condamné ou parce qu'il est poursuivi en pays étranger pour un crime qui rentre dans la loi sur les extraditions, il faut que l'étranger puisse faire décider par les tribunaux si, oui ou non, les faits tombent sous le coup de la loi et s'il est réellement poursuivi ou a été condamné pour ces faits.
Remarquez, messieurs, la situation qui est faite à l'étranger. Dans les conditions actuelles, il n'a pas même le droit de se plaindre.
Les tribunaux sont incompétents en matière d'expulsion. Il est bien arrivé qu'ils se sont mêlés de pareilles questions ; mais cela n'arrivera plus. Je vais dire pourquoi : Lorsque les tribunaux sont intervenus, il s'agissait d'une expulsion illégale et l'administrateur de la sûreté publique a été condamné à 300 francs de dommages-intérêts pour l'illégalité qu'il avait commise.
Mais, je le répète, cela n'arrivera plus, parce que l'administration de la sûreté publique a reçu sur cette matière une leçon de droit dont elle a profité pour écarter à tout jamais l'intervention de la justice.
On avait plaidé que c'était par ordre de M. le ministre de la justice que l'expulsion avait eu lieu. S'il en avait été ainsi, les tribunaux se seraient reconnus incompétents, et l'administrateur de la sécurité publique eût échappé à la condamnation.
Seulement on n'a songé à ce moyen qu'en cassation ; on l'avait négligé en première instance et en appel ; là l'administrateur de la sûreté publique ne s'était pas abrité derrière le ministre.
La cour de cassation a décidé qu'il était trop tard et que l'on ne pouvait plus présenter devant elle ce moyen.
SI le moyen avait été employé en première instance ou en appel, l'administrateur de la sûreté publique eût été acquitté.
Vous comprenez que ce moyen ne sera plus négligé désormais et que les tribunaux n'auront rien à dire en pareil cas.
L'étranger n'a donc aucun recours. Il est frappé d'un arrêté d'expulsion et il doit partir dans les vingt-quatre heures.
Je le répète, lorsqu'il s'agit de faits précis, prévus par la loi sur les extraditions, il n'y a aucune raison de ne pas faire juger par les tribunaux la question de savoir si les faits invoqués rentrent dans les prévisions de la loi et s'ils existent réellement.
Le rapport de la section centrale invoque encore, pour écarter l'intervention d s tribunaux, un autre argument. Il invoque, ainsi qu'on l'a fait tout à l'heure, l'intérêt de l'étranger lui-même. Il dit : « L'intervention de l'autorité judiciaire n'est pas le meilleur moyen de concilier les devoirs de l'hospitalité avec les exigences de la sécurité du pays. Au lieu de protéger les intérêts de l'étranger, les partisans de ce système introduisent dans la loi une disposition qui lui serait souvent défavorable. Une tache infamante s'attachera en quelque manière à l'expulsion, lorsqu'elle n'aura plus le caractère d'une simple mesure de police. De plus, les lenteurs d'une instruction judiciaire entraîneront des dangers contre lesquels il n'y aura d'autre remède que l'emprisonnement préventif. »
D'après le rapport, c'est dans l'intérêt de l'étranger que l'on ne lui permet pas d'aller devant les tribunaux.
On pourrait raisonner de la même façon pour toutes les affaires correctionnelles ou criminelles.
Ceux qui sont traduits devant les tribunaux préféreraient être condamnées à huis clos lorsqu'ils sont coupables.
Supprimerez-vous aussi la publicité en cette matière, la publicité qui est la meilleure protectrice de l'innocence ?
Quant à la crainte de l'emprisonnement préventif, elle est puérile. Qu'avez-vous à redouter ? Que l'étranger s'en aille ? Mais de quoi vous plaindriez-vous, puisque vous évitez alors la nécessité de l'expulsion ?
Il n'y a donc aucun inconvénient, dans les cas que j'ai indiqués, à faire vider la question de légalité par les tribunaux.
La seule chose désirable, c'est que la solution soit prompte. Or, par mon amendement, vous évitez tout retard.
L'arrêté est signifié dans les conditions actuelles.
L'étranger peut, dans les vingt-quatre heures, faire opposition à l'exécution.
Si le tribunal reconnaît que les faits ne rentrent pas dans la loi sur les extraditions ; si le tribunal constate que l'individu n'est pas poursuivi et n'a pas été condamné, il ne sera pas donné suite à l'arrêté royal.
J'entends M. le ministre de la justice dire...
- Une voix. - Tout bas.
M. Demeur. - Soit, mais, puisque j'ai entendu ses paroles, je puis y répondre ; j'entends donc M. le ministre de la justice dire : C'est une confusion de pouvoirs. Comment ! une confusion de pouvoirs ?
Le pouvoir exécutif est chargé de l'exécution des jugements. Eh bien, voilà un homme condamné à l'emprisonnement ; vous exécutez le jugement ; mais il se fait qu'il y a erreur... (interruption) que la peine, par exemple, est prescrite ; vous exécutez néanmoins le jugement ; l'individu réclame ; le pouvoir exécutif est traduit devant les tribunaux pour voir décider la question. Voilà le droit commun.
Est-ce une confusion de pouvoir, cela ? Ce n'est pas une confusion de pouvoirs.
Eh bien, je suppose le cas d'un individu condamné à l'étranger ; vous avez le droit de l'expulser, mais il peut y avoir erreur et sur la réalité et sur la nature de la condamnation, qui peut ne pas rentrer dans les cas d'extradition. La victime de votre mesure d'expulsion prétend qu'il y a erreur ; il demande des juges. Aujourd'hui sa demande ne serait pas accueillie ; je demande qu'elle le soit à l'avenir.
Voilà la portée de mon second amendement.
J'arrive au troisième et dernier.
Je viens vous demander d'étendre les dispositions protectrices de la loi en discussion aux étrangers ; je dis aux étrangers, à tous les étrangers, car bien que le projet de loi porte en tête : « Prorogation de la loi du 7 juillet 1865, relative aux étrangers, » il ne faut pas s'y tromper, cette loi ne s'adresse pas à tous les étrangers, mais à une certaine catégorie d'étrangers et les expulsions qui se font aujourd'hui ne se font pas, pour la plupart, en vertu de la loi de 1835.
Non, le gouvernement prétend qu'en dehors de cette loi il est armé d'autres lois à l'aide desquelles il peut faire des expulsions sans formalité aucune, même sans les garanties, déjà si précaires, de la loi du 7 juillet 1865.
C'est une théorie qui a été longtemps soutenue ici ; j'ai demandé quelles sont ces lois, on en a donné l'énumération.
(page 1613) Le gouvernement a indiqué comme étant encore en vigueur une disposition de loi qui, évidemment, a cessé d'être en vigueur ; il s'agit de l'arrêté du 6 octobre 1830. (Interruption.) Je dis que cet arrêté n'est plus en vigueur ; c'est l'opinion de M. Thonissen, et cette opinion a été consacrée par un arrêt de la cour de Bruxelles et par un arrêt de la cour de cassation. Il suffit, du reste, de prendre connaissance de ce décret pour constater qu'il a cessé d'être en vigueur depuis de longues années.
Voici comment il est intitulé ; « Mesures relatives aux étrangers qui arrivent à Bruxelles. »
Il porte :
« Le gouvernement provisoire,
« Considérant que beaucoup d'étrangers passent en Belgique, les uns avec l'intention honorable d'y porter des secours contre les entreprises du despotisme hollandais, mais d'autres, en grand nombre, pour y chercher des moyens d'existence équivoque au milieu des embarras inséparables d'un état de transition ;
« Arrête :
« Art. 1er. Les commandants de places et ceux des gardes bourgeoises établies dans les communes frontières, ainsi que les chefs de douane, se concerteront avec les autorités civiles pour surveiller l'introduction d'étrangers qui viendraient en Belgique dans un autre but que celui d'y traiter leurs affaires particulières.
« Art. 2. Provisoirement et. vu l'urgence, les autorités ci-dessus mentionnées ne permettront l'entrée du pays qu'à ceux qui justifieront des motifs qui les y amènent. »
L'article 5 porte :
« Art. 3. Tous autres étrangers non munis d'autorisation du gouvernement sont tenus de justifier de leurs ressources ; dans le cas contraire, ils seront renvoyés chez eux. »
Voilà l'article que le gouvernement prétend avoir le droit d'appliquer encore. Il dit : J'ai le droit d'expulser tout étranger qui ne justifie pas de ses moyens d'existence ; je puise ce droit dans le décret de 1830. Il y a un point sur lequel je veux donner toute satisfaction au gouvernement : il est évident que la Belgique ne doit pas être l'asile de tous les mendiants étrangers ; aussi il n'entre pas dans mes intentions de combattre les dispositions de la loi du 3 avril 1848 sur les dépôts de mendicité, aux termes desquelles le gouvernement a le droit de faire conduire à la frontière l'individu condamné du chef de mendicité ou de vagabondage, lorsqu'il appartient à un pays avec lequel nous n'avons pas de convention pour le remboursement des frais de secours et lorsqu'il n'a pas acquis en Belgique son domicile de secours.
Le gouvernement est armé dans ces conditions. Mais le décret de 1830 n'est plus en vigueur ; bien plus, vous n'oseriez plus aujourd'hui poser en principe qu'il faut dire aux étrangers : Avant d'entrer dans le pays vous aller justifier de vos ressources, sinon vous serez renvoyé chez vous.
Cet arrêté, ainsi que l'indiquent ses motifs, a été fait pour un état de transition, au moment de la révolution, alors que nous étions en hostilité avec la Hollande.
L'article 3, que vous prétendez maintenir, vous ne pouvez pas le séparer de l'article 2 qui contient ces mots : « provisoirement et vu l'urgence », car ces mots « provisoirement et vu l'urgence », bien qu'ils se trouvent dans l'article 2, s'appliquent également à l'article 3.
Messieurs, si cet arrêté existait encore, il eût été parfaitement inutile d'insérer l'article 3 dans la loi de 1848 sur les dépôts de mendicité.
Si le gouvernement avait eu, en avril 1848, le droit d'expulser l'étranger qui ne justifie pas de ses ressources, à quoi aurait-il servi de lui donner le droit de faire reconduire à la frontière cet étranger lorsqu'il est condamné pour mendicité ou vagabondage, lorsqu'il n'appartient pas à un pays qui a conclu avec nous un traité pour le remboursement des frais de secours et lorsqu'il n'a pas acquis en Belgique un domicile de secours ?
Ce sont cependant là les conditions auxquelles la loi de 1848 subordonne, en ce cas, l'expulsion.
La loi de 1848 donc, par cela seul qu'elle a été votée, montre que l'arrêté de 1830 n'est plus en vigueur, et la thèse que je soutiens ici a été consacrée de la façon la plus formelle par la cour d'appel de Bruxelles et par la cour de cassation, précisément dans cette affaire qui a donné lieu à la condamnation de l'administrateur de la sûreté publique. (Interruption.)
Il s'agissait d'une demoiselle, - d'une demoiselle très jolie, comme le dit M. Orts eh m'interrompant, - qui a été expulsée pour un fait qui ne touchait en rien l'intérêt public.
On a invoqué contre elle l'arrêté de 1830 ; on lui a dit : Justifiez de vos moyens d'existence, et comme elle ne justifiait pas de ses moyens d'existence au gré de la police, on l'a expulsée. Un procès a été intenté ; l'administrateur de la sûreté publique s'est appuyé, pour justifier l'expulsion, sur l'arrêté de 1830, mais voici ce que lui a répondu la cour d'appel :
« Attendu que l'on n'a pu être dispensé de remplir ces formalités (il s'agit ici des formalités prescrites par la loi de 1835), sous prétexte que l'appelante, ne justifiant pas de ses ressources, tombait sous l'application de l'arrêté du 6 octobre 1830 ; qu'en effet cet arrêté, en supposant qu'il fût applicable au résidant, est sans vigueur aujourd'hui ; que les motifs qui l'ont fait prendre, l'état transitoire du pays, les embarras qui en sont inséparables, ont disparu depuis longtemps pour faire place à une situation normale qui ne réclame l'emploi d'aucune mesure exceptionnelle ; qu'en 1830, de nombreux étrangers venus en Belgique sans obstacle, à la faveur de l'inobservation des lois sur les passeports, non pour y rendre des services, mais pour y chercher des moyens d'existence équivoques au milieu des embarras d'une époque de transition, avaient provoqué, comme il est dit dans l'arrêté, provisoirement et d'urgence, la mesure prise à leur égard, qui les obligeait à justifier de leurs ressources ; que cette urgence, ce provisoire, cessèrent aussitôt que les lois reprirent tout leur empire et que le pacte fondamental, garantissant aux étrangers la protection accordée aux personnes et aux biens, vint mettre un terme à l'état de transition, en ne laissant ainsi subsister aucune des raisons qui avaient motivé la mesure dont il s'agit ; que vainement on invoque, à l'appui de l'opinion contraire, la discussion qui s'agita en 1835, au sein de la Chambre des représentants, au sujet de l'arrêté du 6 octobre 1830, et notamment le rejet de la proposition formellement faite d’en prononcer l'abrogation ; qu'en effet, ni les opinions émises à cette occasion, ni le refus d'admettre l'abrogation de l'arrêté, ne peuvent, en l'absence d'un acte formel du pouvoir législatif qui en proclame le maintien, former obstacle à ce que les tribunaux, interrogeant les principes qui règlent l’abrogation des lois, décident qu'il a perdu sa force légale. »
Ainsi l'arrêté n'est plus en vigueur ; voilà ce que décide la cour d'appel.
M. Thonissen. - Quelle est la date de l'arrêt ?
M. Demeur. - La date de l'arrêt est le. 4 juillet 1846. L'administrateur de la sûreté publique se pourvoit en cassation et il produit notamment cet argument qu'en 1835 on avait proposé dans cette enceinte d'abroger l'arrêté de 1830 et que la proposition avait été rejetée. La cour de cassation a répondu à l'argument que l'état de transition visé par cet arrêté avait pu durer non seulement jusqu'au vote de la Constitution, mais même après 1835 et jusqu'à la conclusion du traité de paix avec la Hollande.
Par conséquent, on comprend parfaitement que M. Ernst, ministre de la justice, ait dit en 1835 : Cet arrêté est encore en vigueur ; nous ne voulons pas l'abroger parce que la situation est toujours la même. La cour de cassation a dit en 1848 : Aujourd'hui, l'état de transition a disparu : l'arrêté n'est plus en vigueur.
M. le ministre de la justice, pour motiver la déclaration qu'il a faite sur cette question à la section centrale, a allégué que la force obligatoire de l'arrêté de 1830, article 3, est péremptoirement démontrée par le discours de M. Tesch.
J'engagerais volontiers M. le ministre de la justice actuel, lorsqu'il voudra marcher sur les traces de M. Tesch, à mieux choisir ; c'est par les beaux côtés qu'il devrait chercher à lui ressembler, ce n'est pas dans cette question ; d'autant plus que les idées de M. Tesch ont été combattues, alors par les amis de M. Cornesse, par MM. Jacobs, Schollaert, Thonissen, Nothomb, de Baets, etc.
M. Nothomb. - M. Tesch a fait un très beau discours.
M. Demeur. - Eh bien, vous trouverez cette discussion... (Interruption.) Mais je vous ai lu les arrêts de la cour d'appel et de la cour de cassation et ces arrêts disent...
M. Bara. - L'arrêt de cassation est contre vous. Proposez l'abrogation de l'arrêté ; ce sera plus simple.
M. Demeur. - Je dis que l'arrêt de cassation s'est borné à confirmer l'arrêt de la cour d'appel, et puisque M. Bara émet un doute, je vais donner lecture de cet arrêt :
« Attendu que l'article 1er de la loi de 1835 est général ; qu'il s'applique à tout étranger résidant en Belgique ; que la loi ne détermine pas quels sont les faits et circonstances qui constituent la résidence ; qu'elle n'exige point que l'étranger ait préalablement obtenu la permission ou l'autorisation (page 1614) de demeurer dans le pays ; qu'elle a donc abandonné a l'appréciation souveraine du juge la question de savoir si, dans le cas particulier qui lui est soumis, l'étranger est ou n'est pas résidant. »
Ainsi, le premier alinéa de l'arrêt de cassation reconnaît qu'il appartient souverainement au juge du fait de décider si, oui ou non, un étranger réside en Belgique et je constate que la cour d'appel avait déclaré que la demoiselle Jones résidait à Bruxelles.
La cour de cassation ajoute :
« Attendu que vainement on invoque l'article 3 de l'arrêté du 6 octobre 1830 pour soustraire à l'application du texte général de la loi du 22 septembre, les étrangers résidants, qui ne justifieraient pas de leurs ressources. »
Je comprends que M. Bara, le ministre de la justice d'hier, soit en désaccord avec moi sur l'existence actuelle de cet arrêté, parce que, lui aussi, il l'a appliqué ; mais je vous cite ici le langage de la cour de cassation, langage formel et catégorique.
Je continue ma citation :
« Qu'en effet cet arrêté, rendu dans des circonstances tout exceptionnelles, a prescrit d'urgence certaines mesures de police essentiellement temporaires, et dont l'application a dû cesser avec les événements qui les avaient rendues nécessaires ; que le caractère transitoire de cet arrêté ressort clairement et des motifs énoncés dans son préambule et des dispositions des articles 1 et 2 évidemment destinés à ne recevoir qu'une exécution momentanée et passagère ; que l'article 3 est en corrélation avec les deux articles qui le précèdent, et auxquels il se relie naturellement ; qu'il participe donc au caractère exceptionnel et temporaire de ces dispositions, et que, pas plus qu'elles, il n'a pu survivre à l'état de trouble et de confusion en vue duquel le gouvernement provisoire décrétait les mesures du 6 octobre 1830 ;
« Attendu que ces considérations ne sont point détruites par ce qui s'est passé dans la séance de la Chambre des représentants du 29 août 1835, lors de la discussion de la loi du 22 septembre, puisque l'opinion énoncée à cette occasion par le ministre de la justice ne peut avoir qu'une autorité de raison ; que le rejet de l'amendement de M. de Brouckere n'implique point nécessairement la non-abrogation de l'arrêté du 6 octobre, et qu'en tout cas ce vote ne révèle point la pensée que cet arrêté devait survivre même à la cessation éventuelle de l'état de guerre avec la Hollande. »
Voilà donc et la cour d'appel et la cour de cassation qui sont aussi formels et aussi explicites que possible ; je le répète, il n'y a jamais eu que les ministres de la justice qui aient soutenu le contraire. Que M. le ministre actuel invoque l'opinion de M. Tesch, soit ; mais qu'il invoque des considérations qui auraient été émises par cet ancien ministre, pour justifier l'existence de l'arrêté de 1830, c'est ce que je ne comprends pas, car M. Tesch n'a pas émis de considérations, il n'a pas donné de raisons, parce qu'il n'y en avait pas, il s'est borné à citer l'opinion de M. Ernst, et à l'appuyer de la sienne.
Si aujourd'hui il s'agissait de faire une loi semblable, on ne trouverait pas une Chambre belge pour la faire et vous n'oseriez pas appliquer cet arrêté dans sa lettre et dans son esprit. Voudriez-vous donc, en permanence, comme on a dû le faire provisoirement en 1830, demander à tous les étrangers qui se présentent à la frontière quels sont leurs moyens d'existence ? car c'est là l'objet de l'arrête ; il veut que l'étranger qui entre dans le pays justifie de ses moyens d'existence.
M. Muller. - On peut bien lui demander son passeport.
M. Demeur. - Cela se comprend encore, mais je ne pense pas que vous soyez disposés à voter une loi qui donnerait à la police le droit de demander à tout étranger ses moyens d'existence. M. Coomans. - Un arrêté chinois.
M. Demeur. - L'honorable M. Bara me conseille de demander l'abrogation de cet arrêté ; ce n'est pas à moi qu'il appartient de le faire, à moi qui ai soutenu et soutiens que cet arrêté a cessé d'être en vigueur.
M. Bara. - Je dis : « Soyez logique. »
M. Demeur. - Je ne puis pas, je le répète, demander l'abrogation de l'arrêté, puisque je soutiens qu'il n'est plus en vigueur.
L'honorable M. Bara, évidemment, ne prétend pas qu'on doive demander à tout étranger qui se présente en Belgique, de justifier de ses ressources.
M. Bara. - Il ne s'agit pas de cela. Nous vous lirons le discours de M. Tesch.
M. Demeur. - Je l'ai lu.
M. Bara. - On le relira.
M, Demeur. - Vous voulez donc laisser aux employés de la police le droit de renvoyer du pays un étranger quelconque, par cela seul qu'il ne justice pas de ses ressources ? (Interruption.)
Vous ne voulez pas de cela ? Eh bien, alors vous soutenez la même thèse que moi ; vous êtes hostile à l'article 3.
Messieurs, il me reste à dire un mot de la loi du 23 messidor an III. On soutient que la loi du 23 messidor an III est encore en vigueur !
Cette loi de la Convention nationale a été rendue dans des circonstances peut-être encore plus exceptionnelles que celles de 1830. Vous vous rappellerez qu'il y a un an environ, la France a pris des mesures contre les Allemands qui habitaient son territoire ; on leur a ordonné de quitter le pays ; on les a expulsés. Cette mesure n'a pas obtenu, je pense, un assentiment général.
Elle a été reprouvée par beaucoup de personnes. Eh bien. la loi du 23 messidor an III est une mesure analogue de tous points à celle qui a été prise en France au début de la dernière guerre contre les Allemands, et cette loi, dans notre libre Belgique, en pleine paix, nous l'appliquons. C'est M. Mariette qui, dans la séance du 23 messidor an III de la Convention nationale, a présenté la loi au nom du comité de salut public et de sûreté générale.
Voici l'exposé des motifs de cette loi :
« Mariette, au nom des comités de salut public et de sûreté générale.
« Je viens vous proposer des mesures que les circonstances rendent nécessaires. Les puissances coalisées ont bien senti qu'invincibles au dehors, nous ne pouvions être vaincus que par nos divisions intestines. Voilà pourquoi le cabinet britannique sème parmi nous les haines. Les mouvements qui agitent les esprits, la fausse direction donnée à l'opinion publique annoncent assez qu'on met tout en œuvre pour nous amener aux déchirements de la guerre civile. Il y a en France et à Paris une foule d'étrangers sur lesquels il faut quelque chose de plus qu'une simple surveillance. Il en est parmi eux qui sont amis sincères de notre liberté ; il en est d'autres qui sont nos ennemis jurés. Vos comités se sont attachés à tracer entre les uns et les autres une ligne de démarcation. »
Après la lecture de cet exposé, le rapporteur proposa le projet de décret qui fut adopté sur-le-champ et qui porte comme partie finale : « L'insertion au bulletin tiendra lieu de publication. »
Ce décret ordonne l'expulsion de tout étranger appartenant à un pays avec lequel la République est en guerre, s'il n'a son domicile en France avant le 1er janvier 1792.
Et il renferme une disposition spéciale relative aux étrangers qui arrivent sur le territoire français.
Voici cette disposition :
« Art. 9. Tout étranger, à son arrivée dans un port de mer ou dans une commune frontière de la république, se présentera à la municipalité ; il déposera son passeport, qui sera renvoyé de suite au comité de. sûreté générale pour y être visé. Il demeurera, en attendant, sous la surveillance de la municipalité, qui lui donnera une carte de sûreté provisoire énonciative de la surveillance. »
Voilà, messieurs, la disposition qu'on prétend être encore en vigueur et sur laquelle on s'est basé pour ordonner la plupart des expulsions qui se sont faites dans notre pays. Il s'agit d'une loi qui ordonne à l'étranger arrivant à la frontière de déposer son passeport à la municipalité. le passeport doit ensuite être envoyé à la sûreté générale et, en attendant, on donne à l'étranger une carte provisoire. C'est cette carte provisoire qu'on avait donnée, en 1822, à M. Charras, à M. Edgard Quinet et à tant d'autres personnages qui sont venus alors se réfugier ici.
M. Thiers lui-même, si je ne me trompe en a reçu une.
Cet arrêté, messieurs, n'existe plus et les considérations que j'ai fait valoir, quant à l'arrêté de 1830, ont ici toute leur valeur : c'était une mesure prise à raison de circonstances spéciales ; ces circonstances spéciales n'existant plus, vous ne pouvez pas dire que l'arrêté existe encore. Je ne veux pas, messieurs, entrer dans des détails de la question de droit. M. Thonissen reproduira sans doute l'opinion qu'il a exprimée sur ce point en 1868.
Cet honorable membre, qui aura certes autant d'autorité devant M. Cornesse que M. Tesch, a démontré, dans le rapport qu'il a présenté alors à cette Chambre, que le décret de messidor an III n'existe plus. L'honorable M. Jacobs ne me contredira pas davantage, son opinion est conforme à celle que je défends.
Mais je vais plus loin. Je suppose que le décret existe. Je dis : Vous ne l'appliquez pas, et l'on pourrait vous mettre au défi de l'appliquer.
J'ai entendu dire dans cette enceinte que les passeports n'existaient plus. J'ai lu cela aussi dans le rapport de la section centrale qui a (page 1615) examiné la loi de 1868 sur les extraditions. On y invoquait la suppression des passeports pour justifier l'extension donnée aux extraditions. Je n'ai pas à examiner ici si les passeports n'existent pbs ; je crois qu'en droit ils existent parfaitement ; aussi la loi déclarée supprimée en 1868 a été ressuscitée dans ces derniers temps. Mais je dis que vous ne pouvez pas appliquer l'article 9 de la loi de messidor et que vous ne l'appliquez pas. Vous n'obligez pas l'étranger à déposer son passeport à la frontière et vous ne lui faites pas donner une carte de sûreté provisoire par la municipalité de la commune-frontière. Que faites-vous ? Vous vous aidez de cette loi comme d'un prétexte, comme d'un instrument pour arriver à l'expulsion des étrangers sans l'arrêté royal exigé par la loi de 1835.
La loi de messidor ne vous donne pas le droit d'expulser l'étranger. Elle ne parle pas de cela ; ce droit d'expulser l'étranger sans arrêté royal, en dehors de la loi de 1835, vous ne le possédez pas.
Néanmoins, l'administration de la sûreté publique a toujours prétendu qu'a côté de la loi de 1835, elle a le droit d'expulser l'étranger, quand bon lui semble, pourvu qu'elle déclare que l'étranger n'a pas de résidence en Belgique. Mais, autrefois, ce n'était pas la loi de messidor qu'elle invoquait, c'était la loi du 28 vendémiaire an VIvi. Voici ce qu'écrivait, le 22 janvier 1842, M. l'administrateur de la sûreté publique aux gouverneurs de province :
« L'article 7, titre 5, de la loi du 10 vendémiaire an IV porte : « A défaut de justifier dans deux décades son inscription sur le tableau d'une commune, l'individu arrêté pour défaut de passeport sera réputé vagabond et sans aveu, et traduit comme tel devant les tribunaux.
« Si l'on combine cette disposition avec la loi du 1er février 1792 et notamment avec l'article 11, il en résulte à toute évidence que le défaut de passeport ne peut constituer par lui-même un délit ; que ce délit n'existe que lorsqu'il s'est écoulé un certain intervalle sans que le voyageur ait justifié de son individualité ; dès lors ce n'est que par une interprétation abusive et qui est en même temps onéreuse au trésor, que certains fonctionnaires communaux mettent à la disposition des parquets, du chef de vagabondage, les individus arrêtés pour défaut de papiers.
« Appliquée aux régnicoles, la mesure rentre exclusivement dans les attributions des autorités communales ; mais s'il s'agit d'étrangers, elle est contraire aux droits que le gouvernement tient de l'article 7 de la loi du 28 vendémiaire an VI, qui place les étrangers sous sa surveillance spéciale. Il est arrivé à différentes reprises que des étrangers arrêtés pour défaut de passeport et remis à la disposition de MM. les procureurs du roi ont été laissés à la mienne par ces magistrats qui n'ont pas vu dans cette circonstance les éléments d'un délit. De là, frais inutiles pour le trésor, retards dans l'expédition des affaires, et parfois, détention non justifiée de l'étranger.
« Je vous prie, M. le gouverneur, de rappeler les autorités communales aux véritables principes et de les inviter à ne jamais mettre les étrangers dépourvus de papiers à la disposition du procureur du roi, à moins qu'ils né se soient rendus coupables de délits autres que ceux de vagabondage ou de mendicité.
« Je me réserve, en vertu de l'article 7 de la loi du 28 vendémiaire an VI, de mettre, s'il y a lieu, à la disposition de MM. les procureurs du roi, après examen des procès-verbaux et autres pièces à l'appui, les étrangers prévenus de l'un ou l'autre de ces deux délits. »
Il résulte de cette circulaire qu'en 1842, le gouvernement s'attribuait le droit d'expulser l'étranger dont la présence était, selon lui, susceptible de troubler la tranquillité publique. Ce sont les termes de la loi du 28 vendémiaire an VI.
En 1848, dans l'affaire que j'ai rappelée, la cour de cassation a décidé que la loi de vendémiaire a été abrogée et remplacée par la loi de 1835.
Aujourd'hui on ne parle plus de la loi du 28 vendémiaire an VI ; à la suite d'une question que j'avais posée dans ma section, la section centrale a demandé au gouvernement si la loi de vendémiaire an VI est encore en vigueur, et le gouvernement a répondu négativement.
Mais on invoque la loi de messidor. Celle-ci dit simplement à l'étranger : En arrivant, vous montrerez votre passeport, Si donc l'étranger a un passeport en due forme, vous n'avez pas le droit de l'expulser. Mais Je suppose que le passeport soit irrégulier, avez-vous le droit d'expulser ?
Voilà un homme qui arrive à Bruxelles ; il n'a pas de passeport régulier, avez-vous le droit de l'expulser sans arrêté royal ? avez-vous le droit de l'envoyer à la frontière par la gendarmerie, sans aucune des mesures protectrices prescrites par la loi de 1835 ? Vous ne trouvez pas ce droit dans la loi de messidor.
L'absence de passeport régulier ne constitue même pas à elle seule un délit. Quels sont les droits de l'administration de la sûreté publique et de la police judiciaire vis-à-vis d'un individu qui se trouve dans le pays et qui n'a pas de passeport ? Il y a, pour résoudre cette question, des lois telles que vous n'oseriez peut-être pas les appliquer.
D'après le décret des 1er février-28 mars 1792, les personnes qui entrent dans le royaume sont tenues de prendre un passeport à la frontière ou municipalité frontière. S'il est trouvé dans le royaume sans passeport, il doit être incarcéré sur-le-champ et détenu jusqu'à ce qu'il justifie de son identité ; à défaut de quoi, il est réputé vagabond et sans aveu et traduit comme tel devant les tribunaux compétents.
Voilà ce que portent les lois sur les passeports.
Ce n'ont ni dans ces lois ni dans la loi de messidor an III, que l'on trouve le droit qu'a revendiqué l'honorable M. Tesch d'expulser l'étranger purement et simplement, par simple mesure de police, sans conditions, sans garanties.
On ne le trouvait que dans l'article 7 de la loi du 28 vendémiaire an VI, relatif aux étrangers voyageant ou résidant, et cette loi, le gouvernement reconnaît aujourd'hui qu'elle a été abrogée par la loi de 1835.
J'ajoute que si ce droit existait, il faudrait le supprimer.
En effet, pourquoi a-t-on fait une loi sur les étrangers ? On l'a faite en vue de permettre au gouvernement d'expulser les étrangers qui se trouvent dans certains cas, moyennant certaines conditions.
Avec votre système, cela n'est pas nécessaire ; aussi je m'étonne que le gouvernement se soit donné jamais la peine de présenter et de représenter la loi de 1835.
D'après l'interprétation qu'il donne à la loi de. messidor, il n'y a pas de limite ; il reste seul juge.
Quelle est la ligne de démarcation entre la loi de 1835 et les autres lois ?
Il y en aurait une.
La loi de 1835 s'applique à l'étranger résidant en Belgique avec l'autorisation du gouvernement, c'est-à-dire y ayant un établissement.
Celui-là, dit-on, ne peut être expulsé qu'au moyen d'un arrêté royal.
Mais voici un étranger qui arrive à Bruxelles ; il va loger dans un hôtel ; il loue un appartement. D'après la loi de 1835 nous avons le droit de l'expulser dans certains cas, par arrêté royal ; mais s'il n'est pas considéré comme résidant, on peut toujours l'expulser ; il ne faut pas d'arrêté royal ; on le somme de partir et on lui donne une feuille de route. C'est une affaire d'administration, de police. S'il ne part pas dans les vingt-quatre heures, on a recours à la gendarmerie.
Je veux bien, messieurs, maintenir les lois qui donnent la sécurité au pays, qui empêchent les étrangers d'en troubler l'ordre, mais ce que je ne veux pas, c'est l'arbitraire, c'est l'abus.
Voulez-vous que l'étranger vous soit livré à discrétion comme il l'a toujours été ? Si vous voulez donner à tout étranger la garantie de la loi de 1835, il faudra que vous en effaciez les mots : « résidant en Belgique », de façon qu'elle devienne applicable à| tous les étrangers qui se trouvent sur le territoire.
Alors, mais alors seulement, vous aurez mis en pratique le principe de l'article 128 de la Constitution : « Tout étranger qui se trouve sur le territoire jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. »
Je demande, et c'est l'objet de mon troisième amendement, que, en dehors des cas prévus par la loi de 1835 que nous sommes appelés à voter et de la loi du 3 avril 1848 sur les dépôts de mendicité, les étrangers qui se trouvent sur le territoire belge ne puissent être expulsés.
- Les amendements de M. Demeur sont appuyés ; ils font partie de la discussion.
M. Nothomb. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la translation de l'école militaire dans les bâtiments de la Cambre.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Jacobs, ministre des finances. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi autorisant le gouvernement à élever de 300,000 à 500,000 francs l'intervention du gouvernement dans le minimum postal à garantir à une ligne de bateaux à vapeur entre Anvers et New-York.
- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections,
- La séance est levée à 5 heures et un quart.