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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8 décembre 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. de Naeyerµ, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 261) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Reynaertµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :

« La dame de Bienne, veuve Verhagen, insiste pour qu'il soit statué sur sa pétition présentée à la Chambre le 16 novembre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Desutter, combattant de 1830, demande la croix de Fer et la pension qui est attachée à cette distinction. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale de Naomé prient la Chambre d'accorder au sieur Brassine la concession d'un chemin de fer qu'il a demandée. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux du canton de Beeringen demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

« Même demande des secrétaires communaux de Saint-Symphorien, Villers, Saint-Ghislain et du canton de Namur (Sud). »

M. Lelièvreµ. - Je demande le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport. Déjà des requêtes relatives à la même question ont été l'objet de semblables décisions. D'un autre côté, il est temps de faire droit aux justes demandes des pétitionnaires. Ces considérations justifient pleinement le prompt rappel que je sollicite.

M. Van Renyngheµ. - J'appuie la demande de M. Lelièvre.

- Adopté.


« Les instituteurs du canton d'Erezée prient la Chambre de décréter l'instruction primaire obligatoire et gratuite. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Des habitants de Bruxelles demandent le vote à la commune pour toutes les élections. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.


« M. le ministre de la justice transmet avec les pièces de l'instruction la demande de naturalisation ordinaire du sieur A.-C.-J. Parriaux.

- Renvoi à la commission des naturalisations..


MpdeNaeyerµ. - En exécution de la décision de la Chambre, le bureau a désigné, pour faire partie de la commission chargée d'examiner le projet de loi portant érection de la commune d'Aisemont : MM. Lelièvre, Moncheur, Brasseur, Drion et Le Hardy de Beaulieu.

Projet de loi modifiant la loi provinciale

MiKdLµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi portant modification de l'article 132 de la loi provinciale.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.

Rapports sur des demandes de naturalisation

M. Delcourµ et M. Woutersµ déposent des rapports concernant des demandes de naturalisation.

- Ces demandes seront portées sur le prochain feuilleton.

Interpellation relative à la ligne de chemin de fer vers Virton

M. Bouvierµ. - Messieurs, le conseil communal de Virton a eu l'honneur d'adresser à la Chambre une pétition dans laquelle il insiste avec raison pour qu'il soit donné une forte impulsion aux travaux de la ligne de chemin de fer vers cette ville, et pour le cas où la compagnie concessionnaire resterait en défaut de le faire, il prie le gouvernement de prononcer sa déchéance.

Je viens appuyer au sein de cette assemblée la réclamation de Virton qui me paraît juste et fondée, et nous allons nous efforcer de l'établir.

La loi du 1er décembre 1866 autorise le gouvernement à concéder un chemin de fer se détachant de la ligne de Namur à Arlon et se dirigeant vers la frontière française en passant par ou près Virton et à raccorder ce chemin de fer à la ligne française de l'Est, qui se trouve à 8 kilomètres environ de cette ville.

En exécution de cette loi, il est intervenu, à la date du 22 octobre 1868, une convention entre le gouvernement et le sieur Thevenet et Cie, par laquelle le premier garantit aux concessionnaires pour la ligne comprise sur le territoire belge (il y a un raccordement à faire sur le territoire français entre Lamorteau et Velosne sur une étendue de 3 kilomètres environ) pendant un terme de 50 ans, à titre de minimum d'intérêt, une somme annuelle de 275,000 francs.

Il ne s'agit dans cette convention que du chemin de fer passant par ou près de Virton dans la direction de Montmédy, ayant dans son ensemble une longueur de 35 kilomètres au plus, et il ne s'agit pas d'autre chose.

La garantie du minimum d'intérêt est calculée d'après la longueur de ce parcours. Les lettres et documents qui sont en possession du gouvernement confirment le fait que je viens d'avancer.

La convention détermine les clauses et les conditions de l'octroi de concession. Elle fait la loi des parties contractantes.

D'après l'article premier du cahier des charges y annexé auquel le concessionnaire s'est expressément subordonné, celui-ci est tenu de suivre la direction générale, le tracé que le gouvernement lui indique ; cela est écrit en toutes lettres dans le contrat.

L'article 2 du cahier des charges fixe le délai dans lequel le concessionnaire est tenu de soumettre à l'approbation de M. le ministre des travaux, publics les projets du tracé et des profils en long de la ligne. Dans les trois mois de la date de l'approbation du tracé et des profils, le concessionnaire présentera des projets complets et détaillés de tous les ouvrages et fournitures nécessaires pour l'établissement du chemin de fer. C'est l'article 3 de la convention qui prescrit cette charge, et les articles 19 et 59 portent expressément que la déchéance sera encourue en cas d'inexécution des conditions.

Je demanderai à la Chambre l'autorisation de lui lire l'article 19, qui est formulé comme suit :

« Le concessionnaire sera déchu de son droit s'il n'a pas été satisfait aux clauses et conditions de la convention spéciale du présent cahier des charges dans les délais respectivement prescrits, à moins que ces délais n'aient été prorogés par le gouvernement. »

L'article 59 suivant porte que « le concessionnaire se trouvera en demeure d'exécuter les obligations qui lui incombent aux termes de la convention (page 262) spéciale de concession et du présent cahier des charges par la seule expiration des délais prescrits et sans qu'il soit besoin, à cet effet, d'aucun acte judiciaire. »

Je vais établir que les délais prescrits (les trois mois indiqués dans l'article 2) sont expirés et que la déchéance est encourue de plein droit.

En effet, l'arrêté royal qui accorde la concession porte la date du 5 novembre 1868. Dans la séance du 26 novembre 1860, je prie de bien remarquer cette date, plus d'une année après l'octroi de la concession qui est du 5 novembre 1868, j'eus l'honneur d'interpeller l'honorable ministre des travaux publics, M. Jamar, pour obtenir la prompte exécution de la ligne.

M. le ministre me promit qu'il tiendrait la main à ce que le concessionnaire n'apportât pas le moindre délai à la réalisation des vœux que j'avais si souvent exprimés dans cette assemblée, et il ajouta qu'il était heureux de l'occasion que je lui offrais par une interpellation, de déclarer qu'il avait prescrit au concessionnaire de lui soumettre le plus promptement possible le plan du complément de la ligne vers Virton, en passant par Ethe, tracé que le département des travaux publics avait définitivement adopté.

Une longue année s'est écoulée depuis cette déclaration, et le concessionnaire, au lieu de se conformer aux prescriptions de M. le ministre des travaux publics, de lui soumettre les plans pour la direction par Ethe, soumet au département des travaux publics les plans d'une ligne passant par Meix.

Par ce seul fait, les délais étant expirés, il y avait lieu de prononcer la déchéance.

Pour répondre a un pareil procédé, que fait le gouvernement ? A-t-il user de rigueur et prononcer la déchéance contre un concessionnaire entête et opiniâtre ? Non pas, messieurs.

M. le ministre des travaux publics d'alors, charge un ingénieur d'un mérite éminent, M. Maus, qui se rend sur les lieux, d'étudier à nouveau le tracé du chemin de fer de Virton. Cet ingénieur reste convaincu que le tracé par Ethe, indiqué par la commission des ingénieurs, le comité consultatif institué au département des travaux publics et les ingénieurs des ponts et chaussées, enfin par tous ceux qui ont étudié cette affaire, que ce tracé est le seul qui satisfasse Virton, l'avenir de l'arrondissement que je représente dans cette enceinte, et les intérêts du trésor public engagés dans cette construction pour une somme annuelle de 275,000 francs.

Tous les ingénieurs, je le répète, y compris feu M. De Graudvoir, ingénieur en chef de la province de Luxembourg, qui avait été chargé par M. le ministre Vanderstichelen d'indiquer le tracé avant l'acte de concession, et dont les plans ont été déposés au département des travaux publics le 20 juin 1867, tous les ingénieurs, dis-je, passés et présents, tous les ministres également passés et présents, et j'ose presque affirmer que les ministres et ingénieurs futurs partageront cette opinion et seront d'un avis unanime, invariable, que le tracé par Ethe devait satisfaire tous les intérêts que cette question de direction soulève.

L'honorable ministre des travaux publics actuel, qui a examiné à fond l'affaire dont j'entretiens la Chambre, reste également convaincu que le tracé indiqué par ses agents est celui qui doit être suivi par le concessionnaire.

M. Boucquéauµ. - Les concessionnaires ne font jamais que ce qu'ils veulent.

M. Bouvierµ. - Eh bien, s’il en est ainsi, autant vaut dire que les concessionnaires sont les maîtres et que les ministres ne sont que des sous-maîtres, pour ne pas dire des valets. (Interruption.) Je réponds à l'interruption de l'honorable collègue qui siège derrière moi.

Sans autre digression, je poursuis mon argumentation.

La ligne de la Vire, autrement dit celle d'Athus par Musson et Halanzy, si riche en minerais oolithiques, doit relier, par ce parcours qui sera le plus court en passant par Jamoigne et Florenville, le bassin de Charleroi. Ce tracé par Ethe, par ses conditions de parcours le plus économique, satisfait également le bassin de Liège pour l'écoulement de ses charbons vers les usines, assises sur la ligne de l'Est français, dans la direction de Montmédy.

Tout le monde y trouvera son profit, même le concessionnaire s'il comprenait les intérêts des actionnaires et des obligataires aujourd'hui sacrifiés par une incroyable opposition au tracé imposé par le gouvernement. Mais ce concessionnaire, qui n'est que l'administrateur délégué, ne veut pas de ce tracé et s'obstine à s'y dérober.

Sa lettre adressée, sous la date du 4 novembre 1870, au rédacteur de L’Indépendant à Arlon, qui reçoit ses inspirations et ses nombreuses élucubrations, trop nombreuses pour les malheureux actionnaires et obligataires, est ainsi conçue :

« Tournai, le 4 novembre 1870.

« Monsieur le rédacteur de l'Indépendant, à Arlon.

« Vous avez annoncé dans l'un de vos derniers numéros que M. le ministre des travaux publics avait, par arrêté du 18 octobre dernier, approuvé le tracé par Ethe de la deuxième section du chemin de fer de Virton.

« Nous avons informé M. le ministre des travaux publics que nous ne pouvions pas accepter ce tracé.

« Voici quelques-uns des nombreux motifs de notre résolution.

« L'administration des ponts et chaussées qui a étudié un avant-projet dès 1867, avant que le chemin soit concédé, a formulé ses appréciations en n'ayant égard qu'à la seule ligne de Virton. Cet avant-projet est à quelques variantes près, le tracé d'aujourd'hui.

« Nous avons fait, nous, un travail d'ensemble et nous avons dirigé nos études de façon que notre ligne soit utile et ne fasse pas concurrence à la future ligne d'Athus vers Charleroi. Voilà la grande cause du différend.

« Nous avons, en résumé, recherché les transports. Il résulte de nos appréciations que si nous construisions le tracé qui nous est imposé, nous perdrions presque tous nos transports lorsque la ligne d'Athus-Charleroi sera construite. Nous devons nous mettre en garde contre pareille éventualité.

« Le tracé par Ethe est de plus très coûteux et sera toujours, à cause du profil très accidenté, d'une exploitation beaucoup plus onéreuse. Les propositions que nous avons faites à M. le ministre ont pour objet, tout en sauvegardant nos intérêts, de donner satisfaction à un nombre triple de communes et de doter l'arrondissement de Virton d'un réseau sur lequel il n'avait jamais compté.

« Pour pouvoir terminer amiablement, si possible, le différend qui existe au sujet du tracé, nous avons proposé à M, le ministre la nomination d'une commission spéciale qui se réunirait d'urgence et qui aurait pour mission d'examiner toutes les questions relatives à l'affaire de Virton.

« Quand une affaire est jugée en première instance et que les parties ne sont pas satisfaites, on la soumet à de nouveaux juges en degré d'appel. Nous ne pouvons nous dispenser d'employer ce moyen, car il est évident que dans le cas actuel l'administration des ponts et chaussées, qui ne peut se déjuger administrativement, a été juge et partie dans sa propre cause.

« Nous avons confiance dans l'impartialité de M. le ministre des travaux publics et nous attendons sa décision.

« Nous regrettons ces retards, car il est certain que si nous n'avions pas été contrecarrés dans l'approbation de nos plans, le chemin de fer serait actuellement presque terminé jusqu'à Virton.

« Recevez, monsieur le rédacteur, l'assurance de notre considération distinguée»

« L'administrateur délégué, Parent-Pêcher. »

D'après cette lettre, l'administrateur délégué, qui a sans doute consulté les actionnaires et les obligataires, prétend doter l'arrondissement de Virton d'un réseau sur lequel cet arrondissement n'avait jamais compté.

C'est vrai, il n'y compte pas non plus surtout de la part d'un concessionnaire qui n'exécute pas même la ligne qu'il s'est obligé, en vertu d'un contrat, d'achever dans le délai de 18 mois.

Je n'ignore pas d'ailleurs que la ligne de la Vire est sollicitée par de puissantes maisons financières, entre autres celle de MM. Delloye-Tiberghien, et quant à la ligne d'Arlon, tout le monde sait que ce n'est qu'un mirage que M. l'administrateur délégué fait entrevoir pour obtenir le tracé par Meix, dont personne ne veut, excepté lui seul, ainsi que les habitants de cette localité.

L'arrondissement de Virton sera d'ailleurs relié à Arlon par Marbehan en perdant seulement 14 kilomètres sur la distance, lorsque le chemin de fer actuel sera définitivement construit, et quant à Saint-Léger et Châtillon, dont je ne négligerai jamais les intérêts, ils ne se trouvent respectivement qu'à une distance de 6 et 7 kilomètres de la station d'Ethe, et tous nos efforts tendront à ce que ces deux intéressantes localités soient desservies par un chemin de fer venant se souder à la station dont je viens de parler.

Au delà de Châtillon vers Arlon, on ne rencontre pas six maisons sur un parcours de plus de deux lieues entre ces deux localités, et il n'entrera dans le cerveau d'aucun homme sage qu'il faille établir un chemin de fer (page 263) dans ces contrées délaissées et stériles pour donner la satisfaction a M. l'administrateur délégué de passer par Meix.

Je ne dois pas vous laisser ignorer, messieurs, que cet administrateur a convoqué les actionnaires pour le 13 de ce mois, aux fins de prendre une décision dans le différend qu'il prétend exister entre le gouvernement et la compagnie.

Je ne vois pas de conflit, en présence de la démonstration que j'ai tentée devant vous, dans le fait que la société concessionnaire en vertu de son contrat est tenue d'exécuter le tracé que lui impose le gouvernement, et je l'engage à bien se pénétrer de l'importance de la lettre que je viens de recevoir de M. l'avocat Gilquin et qui porte ceci :

« Monsieur,

« Comme conseil de nombreux porteurs d'obligations de la compagnie du chemin de fer de Virton, je prends la liberté de m'adresser à vous à cause de l'intérêt que vous portez à cette affaire, ainsi que le démontre l'interpellation que vous vous proposez d'adresser vendredi au ministre des travaux publics.

« Les obligations ont été créées dans le but de faire face aux frais d'établissement du chemin de fer.

« Ce chemin, qui devrait être terminé à l'heure qu'il est, ne s'exécute point, mais en attendant les obligataires versent, sous la menace de la déchéance de leurs titres, sans advertance préalable et par le seul fait de non-paiement aux époques stipulées.

« Certains obligataires se sont libérés complètement dès le jour de l'admission de leur souscription. D'autres ont versé les 5/6 échus, d'autres enfin sont en retard de versement, mais tous s'inquiètent et à juste titre, et demandent ce que deviennent leurs fonds destinés à des travaux qui ne s'exécutent point.

« C'est en vain qu'ils ont, à cet égard, réclamé des éclaircissements ; on les a renvoyés de Ponce à Pilate. Dans ces circonstances, ils me chargent de vous prier d'insister auprès du gouvernement pour qu'il nomme immédiatement, aux termes de l'article 42 des statuts de la compagnie du chemin de fer de Virton, un commissaire spécial pour prendre connaissance des affaires de la société et veiller à l'exécution des statuts.

« Il me semble évident que si la compagnie n'exécute point les obligations qui lui sont imposées par la concession, les obligataires ont le droit non seulement de ne plus verser, mais encore de demander la résiliation de la convention et la restitution des sommes par eux payées.

« Agréez, je vous prie, monsieur le représentant, l'assurance de ma haute estime.

« Gand, 7 décembre 1870.. Gilquin, avocat. »

Cette lettre indique qu'un mécontentement se manifeste partout sur l'inaction de la compagnie concessionnaire et que le conseil communal de Virton a mille fois raison de demander la déchéance d'une compagnie qui, tout en compromettant l'intérêt de ses actionnaires et de ses obligataires, a perdu deux années et beaucoup d'argent en s'obstinant à vouloir un tracé que tous les hommes compétents ont repoussé et dont le chef-lieu de mon arrondissement, en vue duquel le chemin de fer a été décrété, ne veut à aucun prix.

Je demande, en conséquence, que M. le ministre des travaux publics, auquel je me plais à rendre hommage pour la fermeté de caractère dont il a fait preuve, veuille bien informer la compagnie concessionnaire que si, dans un délai très rapproché, elle n'a pas mis la main à l'œuvre avec le nombre d'ouvriers que le gouvernement a le droit de déterminer d'après le cahier des charges, il prononcera irrévocablement sa déchéance.

M. Dumortierµ. - En écoutant le discours de l'honorable membre, j'ai commencé par m'étonner que ce discours n'eût pas été prononcé il y a six mois, mais je me suis dit que probablement on n'avait voulu mécontenter ni les électeurs de la gauche ni les électeurs de la droite. Aujourd'hui on prend la parole, mais avez-vous donc perdu de vue que, dans les premiers jours de la session, le bureau a été assailli de pétitions précisément contre l'idée que vient de soutenir l'honorable membre ?

La première partie de la concession est admise unanimement par tout le monde ; je crois même qu'elle est déjà partiellement exécutée ; mais l'autre partie met tout à fait en lutte les villages de droite et les villages de gauche.

Eh bien, prononcez-vous pour les uns ou pour les autres, mais ne venez point parler de déchéance. Vous n'auriez pas osé le faire avant les élections.

M. Bouvierµ. - Je n'étais pas même soumis à la réélection cette année-ci.

M. Dumortierµ. - Je laisse à M. le ministre des travaux publics le soin d'examiner la question, et je suis certain qu'il l'examinera avec une entière maturité ; mais je ne puis admettre qu'on vienne demander la déchéance d'une société parce qu'il y a deux tracés en présence, que les concessionnaires demandent celui qui est le plus avantageux au point de vue de l'exploitation et qu'il y a une foule de pétitions en faveur du même tracé.

Je demanderai comment il se fait que l'honorable M. Bouvier n'ait pas combattu ces pétitions lorsqu'elles ont été soumises à la Chambre. La demande de déchéance est tellement exorbitante qu'il n'est pas un ministre sage qui puisse jamais l'admettre. Le ministre pèsera les intérêts des deux côtés, mais quant à se porter à cette extrémité de prononcer la déchéance, c'est une chose complètement impossible.

M. Bouvierµ. - Messieurs, je vois qu'il n'est pas de mauvaise cause qui ne trouve un avocat pour la défendre.

M. Dumortierµ. - Vous le prouvez souvent.

M. Bouvierµ. - En quelles circonstances, s'il vous plaît ? Et cet avocat n'est rien autre que l'honorable M. Dumortier. M. l'avocat Dumortier a l'étrange prétention de mieux connaître l'arrondissement de Virton que moi...

M. Dumortierµ. - Vous êtes orfèvre, M. Josse.

M. Bouvierµ. -... que moi qui représente cet arrondissement. Voilà la situation.

Est-ce que M. l'avocat Dumortier a répondu à l'argumentation que j'ai présentée ? Non.

Il vient me dire : Vous n'auriez pas osé parler de la sorte, il y a six mois, car vous étiez sujet à réélection.

Cela n'est pas exact. Dans deux ans je l'aurais été, s'il n'y avait pas eu de dissolution.

Je soutiendrai devant mes électeurs l'opinion que je défends ici, dussé-je perdre mon mandat, car je mets au-dessus de mon mandat les inspirations de ma conscience, devant laquelle tout doit fléchir. Je n'ai pas de mandat impératif comme certains députés que nous avons connus et que nous connaissons encore.

MpdeNaeyerµ. - Veuillez vous abstenir de pareilles insinuations.

M. Bouvierµ. - Je ne fais pas allusion aux députés d'Anvers, M. le président. Dieu m'en garde ! (Interruption.)

Mais, dit l'honorable M. Dumortier, c'est une question de droite ou de gauche pour l'établissement du chemin de fer de Virton.

C'est vrai, mais la question de droite est celle de la poche du concessionnaire. C'est celle-là que vous défendez, sans le vouloir, je le reconnais, car l'honorabilité de votre caractère vous met au-dessus de tout soupçon.

Nous, au contraire, nous défendons les intérêts généraux du pays et du trésor public qui est engagé pour 275,000 francs par an, ce qui n'est pas peu de chose.

Je suis en bonne société pour défendre la question de la gauche, puisque je me trouve d'accord avec les ponts et chaussées qui sont souvent en désaccord avec les membres de la Chambre.

Les ponts et chaussées ont été unanimement d'accord pour décider que le tracé actuel, qui est l'avenir du chemin de fer de Charleroi à Athus, devait être exécuté, parce que c'est celui là qui devait donner le plus de trafic et rendre nominale, au lieu de réelle, la garantie de 275,000 francs.

Voilà les principaux motifs qui ont guidé les ponts et chaussées et tous les ingénieurs qui se sont occupés de la direction de la ligne.

Si vous n'avez pas confiance dans ce corps si honorable et si respecté, vous devez au moins en avoir dans un ministre selon votre cœur, l'honorable M. Wasseige.

M. Defuisseauxµ. - Et avec raison.

M. Bouvierµ. - Et avec raison, dit un de mes honorables collègues. Je ne dis pas le contraire ; mais alors pour quelles raisons l'honorable M. Dumortier le combat-il, puisqu'il a définitivement approuvé le tracé par Ethe ? Cela n'est pas logique.

L'honorable ministre des travaux publics n'a pas désavoué le corps des ponts et chaussées et je dois dire à son honneur qu'il a maintenu, malgré les intrigues, la direction qu'ils ont indiquée et qu'il a jugée, après avoir mûrement examiné l'affaire, être la plus convenable aux intérêts engagés ; il a donné raison au corps des ponts et chaussées contre les concessionnaires. Il a bien fait. Je l'en félicite.

M. l'avocat Dumortier n'ayant pas produit d'autre argument que celui concernant mon élection et celui ayant pour objet la bourse des concessionnaires, je crois ne pas devoir en dire davantage pour ne pas abuser de votre bienveillance.

(page 264) M, Balisauxµ. - Mon honorable collègue, M. Bouvier, voudra bien m'excuser d'intervenir dans un débat qui paraît intéresser plus spécialement l'arrondissement de Virton qu'il représente dans cette Chambre. Cette intervention est justifiée par l'intérêt que l'arrondissement industriel de Charleroi trouve non seulement dans l'exécution de ce chemin de fer, mais dans son mode d'exécution, dans le tracé qui sera autorisé par le gouvernement.

J'approuve les instances que M. Bouvier fait auprès du gouvernement pour qu'il use de toute son énergie contre les compagnies concessionnaires qui n'exécutent ni leurs conventions, ni leurs cahiers de charges. Divers arrondissements industriels ont, depuis quelques années, beaucoup souffert d'une tolérance, sinon coupable, au moins blâmable.

Mais, messieurs, je trouve que mon honorable collègue pousse la sévérité trop loin.

En effet, la concession du chemin de fer de Virton n'est faite que depuis deux ans, c'est-à-dire depuis le 5 novembre 1868, date de l'arrêté royal qui l'autorise.

M. Bouvierµ. - Tout l'argent est empoché.

M. Balisauxµ. - Je l'ignore.

M. Bouvierµ. - Je le sais, moi.

M. Balisauxµ. - Depuis deux ans donc, la compagnie du chemin de fer de Virton est concessionnaire, mais la véritable cause de l'inexécution complète de ce chemin de fer ne se trouve pas dans le mauvais vouloir du gouvernement, non plus que dans celui de la compagnie concessionnaire, elle se trouve dans les termes trop généraux de l'acte de concession, acte que je vais avoir l'honneur de vous lire. Voici dans quels termes cette convention est conçue : « L'obligation de la compagnie concessionnaire consiste, d'après la loi et la convention, à construire un chemin de fer se détachant de la ligne de Namur à Arlon et se dirigeant vers la frontière française, en passant par ou près la ville de Virton, et à raccorder ce chemin de fer à la ligne française de l'Est, dans le cas où le gouvernement français autoriserait ce raccordement. »

Rien, messieurs, n'est plus large que les termes de cette convention. Quand elle permet un raccordement à un point quelconque de la ligne du Grand-Luxembourg entre Namur et Arlon, le gouvernement autorise le concessionnaire à prendre Namur pour point de départ et à établir une ligne parallèle à celle du Grand-Luxembourg, en passant toutefois par Virton, pour se relier au chemin de fer de l'Est français. Cela me paraît incontestable ; l'interprétation grammaticale aussi bien que l'interprétation logique de cette clause donnent ce pouvoir à la société concessionnaire.

M. Brasseurµ. - Ce point n'est pas en contestation.

M. Balisauxµ. - La compagnie concessionnaire ne voulut pas d'une interprétation aussi large ; elle se mit d'accord avec le gouvernement pour adopter un point de raccordement avec la ligne du Grand-Luxembourg ; c'est, je crois, Marbehan.

Quant aux difficultés qui sont survenues entre diverses administrations communales du Luxembourg sur la question de l'emplacement de ce chemin de fer, le concessionnaire exécute dans tous les cas les obligations résultant de son cahier des charges, dès qu'il passe par Virton ou près de Virton pour atteindre ensuite le chemin de fer de l'Est français.

Or, le concessionnaire ayant proposé au gouvernement l'adoption de plans desquels il résulte que le chemin de fer passerait à Virton, l'arrondissement et la ville de Virton ont toute satisfaction.

J'ai cependant constaté que 31 villages ayant ensemble 38,000 habitants, que l'administration communale d'Arlon, que la chambre de commerce d'Arlon demandent au gouvernement d'approuver le tracé présenté par la société concessionnaire, et si vivement combattu par l'honorable M. Bouvier.

D'autres villages protestent, et ils ne comptent ensemble qu'une population de 16,000 âmes.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas à chercher où est la vérité ; je m'en réfère sur ce point entièrement à l'opinion de mon honorable collègue, M. Bouvier, et je veux bien reconnaître qu'il a raison.

Je ne prends donc la parole que pour appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'exécution de ce chemin de fer, au point de vue des intérêts industriels de l'arrondissement de Charleroi.

Le gouvernement, messieurs, par l'intermédiaire des Chambres, a été saisi de la question de l'exécution d'un chemin de fer de Givet à Athus ; l'arrondissement industriel de Charleroi et toute l'industrie métallurgique du Hainaut demandent instamment que le gouvernement décrète la concession d'un chemin de fer qui les relie aux gisements miniers du Luxembourg et de la Moselle.

Or, messieurs, M. Parent-Pécher, le concessionnaire, a soumis à l'approbation du gouvernement un plan duquel il résulte que ce chemin de fer de Virton, en se dirigeant vers Halanzy, constituerait une tête de ligne du chemin de fer à concéder vers Givet.

Or, au nom de l'arrondissement de Charleroi et de notre industrie métallurgique, j'appelle tout particulièrement l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cette question, qui a une importance majeure.

En effet, messieurs, vous savez, peut-être, que l'industrie métallurgique en Belgique n'a plus d'existence assurée que par les minières du Luxembourg ou de la Moselle. Le Grand-Duché du Luxembourg a des gisements miniers considérables, un chemin de fer y a été concédé et porte le nom de réseau du Prince-Henri ; une voie ferrée, reliant Givet à Athus ou même à Virton, si les propositions de M. Parent-Pécher étaient adoptées, satisferait l'arrondissement industriel de Charleroi.

Je viens de vous dire, messieurs, que la métallurgie en Belgique n'a plus d'existence sérieuse si elle ne trouve moyen de s'alimenter, à bas prix et facilement, de minerais dans le Luxembourg. Or, nous n'avons qu'une seule ligne, c'est la ligne du Grand-Luxembourg qui exécute ce service.

Je ne sais par quelles circonstances : est-ce la difficulté d'exploitation ou l'insuffisance du matériel, mais un fait est constaté : c'est que cette ligne n'est pas à même d'opérer les transports considérables des minerais vers Charleroi ; c'est qu'en outre le tarif de transport représente un chiffre d'environ 8 francs par 1,000 kilogrammes. Or, le chemin de fer de Givet à Athus ou de Givet à Virton venant se relier au tronçon demandé par M. Parent-Pécher vers Halanzy ou Athus, permettrait un tarif maximum qui, d'après le barême de l'Etat du 1er février 1868, ne dépasserait guère 5 fr. 50 c. par 1,000 kilogrammes, soit environ une différence de 2 fr. 50 c. de réduction sur le tarif du Grand-Luxembourg.

Vous comprenez, messieurs, l'importance que l'industrie métallurgique, qui occupe dans notre pays 12,000 à 15,000 ouvriers, attache à cette question ; vous la comprendrez d'autant plus que, si l'état actuel des choses persiste, j'ose affirmer que l’industrie métallurgique belge se trouve compromise dans l'avenir. C'est ce qu'a exposé clairement le comité de l'association métallurgique de Charleroi, dans une lettre qu'il a adressée à M. le ministre des travaux publics, sous la date du 1er novembre dernier.

Je vais vous donner lecture d'un passage de cette lettre :

« La gravité du mal une fois reconnue, il semble que, pour y remédier autant que possible, on ait bien vite dû pourvoir à ce que ces transports imposés par la force des choses fussent au moins assurés d'un service d'expédition suffisant et régulier, s'effectuant avec l'application des tarifs les plus modérés, afin qu'ainsi soit sauvegardée l'existence de l'une des principales sources de notre richesse publique.

« Et ce remède à une situation fâcheuse semblait nécessairement indiqué.

« Malheureusement, monsieur le ministre, non seulement jusqu'ici nous n'avons pu l'obtenir, mais nous nous trouvons, au contraire, desservis aujourd'hui par la compagnie du Grand-Luxembourg, dans des conditions si exceptionnellement désavantageuses, que notre position est devenue vraiment intolérable.

« Ecrasés sous le poids de tarifs on ne peut plus élevés, nous subissons un service d'exploitation à tel point insuffisant et défectueux, qu'il nous est radicalement impossible d'obtenir l'expédition des quantités de minerais nécessaires à la marche de nos usines dont, à plus d'une reprise, plusieurs ont été à la veille de devoir éteindre leurs hauts fourneaux faute de matières premières pour les alimenter.

« Un pareil état de choses, s'il devait perdurer aux jours de malaise et de crise, finirait par conduire notre industrie à un véritable désastre. »

Vous voyez donc, messieurs, que mon appréciation personnelle n'est pas exagérée ; je ne suis que l'écho des réclamations de la grande industrie métallurgique de l'arrondissement de Charleroi. Cette industrie a une importance et une valeur beaucoup plus considérable même que l'intéressante ville de Virton, si chère à mon honorable collègue.

M. Bouvierµ. - Messieurs, un deuxième avocat se présente dans l'arène pour rompre une lance en faveur du tracé que l'administrateur délégué du chemin de fer de Virton veut substituer à celui qui lui est imposé par le gouvernement.

L'honorable préopinant a cependant fini par me dire que j'avais raison. Il aurait pu commencer par là, mais nous eussions été privés de son discours. Il constate que l'honorable M. Balisaux confond deux choses : la convention faite par le gouvernement et dont nous nous occupons, et la création d'une nouvelle ligne que le délégué administrateur veut y substituer, qui est (page 265) celle de la Vire, autrement dit celle d'Ethe vers Athus par Latour, Signeulx, Baranzy, Musson, Halanzy, etc., et que le préopinant considère comme la tête de ligne vers Charleroi. Je vais tacher de faire disparaître cette confusion aux yeux de mon honorable collègue.

Le chemin de fer de Virton doit partir d'un point quelconque de la ligne de Namur à Arlon, passer par ou près Virton et se diriger sur Velosne, où elle rencontre la ligne française de l'Est. L'administrateur délégué veut habilement changer les termes de la convention ; au lieu de se raccorder à la ligne de l'Est dans la direction de Velosne et Montmédy, il veut se raccorder à l'Est français dans la direction de Longwy-Athus et escamote ainsi une ligne nouvelle que l'honorable M. Balisaux qualifie de tête de ligne d'Athus vers Charleroi. Mais ce n'est pas le texte ni l'esprit de la convention du 5 novembre 1868, c'est une ligne à part, celle de la Vire qui doit faire l'objet d'une nouvelle concession ; l'administrateur actuel peut équivoquer sur les termes de la convention, dans l'espoir d'obtenir du gouvernement la concession de la ligne qui est sollicitée par cinq ou six intéressés.

L'administrateur délégué veut faire le malin et l'honorable M. Balisaux se fait en quelque sorte le complice involontaire de cette malice.

Ainsi, messieurs, pas de confusion. Nous demandons avec le conseil communal de Virton, avec toutes les communes intéressées, que la compagnie exécute la convention qu'elle a signée ; si, après cela, le gouvernement décrète la ligne de la Vire, il examinera quels sont les titres de chacun des demandeurs à l'obtention de la préférence et il saisira la Chambre d'un projet de loi à cette fin ; mais je dois dire cependant que la manière insolite dont la compagnie de Virton remplit ses engagements dans l'affaire qui nous occupe en ce moment, n'est pas de nature à inspirer une grande confiance au gouvernement.

Du reste, je le répète encore une fois, ce réseau qu'on fait miroiter à nos yeux n'est qu'un réseau imaginaire, destiné à tromper les populations que j'ai l'honneur de représenter.

M. Lelièvreµ. - A l'occasion de l'interpellation de M. Bouvier, je crois devoir faire une demande de même nature à M. le ministre des travaux publics. Je désire savoir si l'on s'occupera bientôt du chemin de fer de Jemeppe-sur-Sambre, passant par Fosses et se rendant à Ia Meuse.

Celte voie ferrée est attendue depuis longtemps avec une légitime impatience.

Je prie M. le ministre de nous dire à quel point sont arrivées les négociations avec la société concessionnaire. L'ancien ministre des travaux publics avait, sur la fin de la dernière session, fait adopter par les Chambres législatives une loi qui permettait au gouvernement de conclure des conventions nouvelles relativement au chemin de fer dont il s'agit. Je désire savoir s'il y a espoir de voir enfin construire cet ouvrage d'utilité publique réclamé depuis longtemps par de nombreuses populations.

MtpWµ. - Messieurs, je dois protester tout d'abord contre l'interruption de M. Boucquéau déclarant que les concessionnaires ont toujours raison de la volonté du gouvernement. Le gouvernement examine ce que commande l'intérêt public et il a toujours eu et aura toujours, tant que j'aurai l'honneur d'être ministre des travaux publics, la fermeté et l'énergie nécessaires pour faire respecter cet intérêt malgré le mauvais vouloir des concessionnaires.

M. Boucquéauµ. - Je demande la parole.

MtpWµ. - Mieux que tout autre, l'honorable M. Boucquéau doit savoir que, dans des circonstances récentes, j'ai eu la fermeté de faire prévaloir ce que je croyais être commandé par l'intérêt public.

Maintenant, messieurs, je dois le dire, la discussion à laquelle nous assistons me paraît dérailler quelque peu. On dirait qu'il s'agit encore de discuter le tracé à adopter pour le chemin de fer de Virton. Cependant, je dois faire observer à la Chambre que nous n'en sommes plus à la discussion du tracé ; le tracé est adopté, la compagnie concessionnaire en est informée et je suis résolu plus que jamais à faire respecter l'arrêté qui a prononcé à cet égard ; mais je me vois obligé, pour répondre à quelques idées qui se sont fait jour, de reprendre, en quelque sorte, l'historique de l'affaire.

Je viens de dire que le tracé est arrêté et, dans mon opinion, définitivement arrêté ; je dois maintenant vous faire connaître sur quoi je me suis basé pour prendre la résolution que j'ai signée.

Lorsque je suis arrivé au département des travaux publics, l'affaire était encore en litige. Je dois reconnaître pourtant que mon honorable prédécesseur, M. Jamar, après avoir examiné la chose avec la plus grande attention et un grand désir de servir aussi utilement que possible l'intérêt public, avait annoncé à la société concessionnaire qu'il était disposé à arrêter le même tracé que celui que j'ai arrêté moi-même depuis.

Nous sommes donc d'accord, M, Jamar et moi, sur cette question. Ainsi qu'on vous l'a dit, la loi décrétant le chemin de fer de Virton date du 1er décembre 1866.

La convention provisoire passée avec M. Thévenet, actuellement représenté par M. Parent-Pécher, est du 22 octobre 1868, et l'arrêté royal accordant la concession est du 5 novembre de la même année. II porte en termes exprès :

« Article unique. Le sieur Thévenet, constructeur et entrepreneur, domicilié à Mont-sur-Marchienne, est déclaré concessionnaire d'un chemin de fer se détachant de la ligne de Namur a Arlon, et se dirigeant vers la frontière française en passant par ou près la ville de Virton. »

Il résulte donc de l'article unique de l'arrêté royal de concession que le chemin de fer devait partir d'un point à déterminer de la ligne de Namur à Arlon, passer par ou près Virton et se rattacher, vers la frontière française, à la ligne de l'Est. Messieurs, il y avait eu, avant l'arrêté de concession, des pourparlers et des études. Ces pourparlers et ces études n'étaient nullement ignorés du sieur Thévenet. Il y avait eu, entre autres, un plan dressé par l'administration des travaux publics, datant du mois de juin 1867, et ne laissant aucun doute sur la direction dont le gouvernement avait préconçu l'idée. C'était bien la direction par Marbehan, Sainte-Marie, Ethe, Virton et Montmédy. Ce plan était parfaitement connu, je le répète, de M. Thévenet, et cela résulte d'une lettre que j'ai au dossier, et qui, datée du 17 septembre 1868, est antérieure à l'arrêté de concession. M. Thévenet reconnaissait alors que la direction projetée était bien celle de Marbehan sur Virton et Montmédy. Inutile, je crois, de vous lire cette lettre ; mais elle est catégorique. M. Thévenet « s'y engage à construire la section de Virton à la frontière, dès que la concession aura été obtenue en France pour le prolongement vers Montmédy. »

Il déclare encore, dans une autre partie de la lettre, qu'il ira « jusqu'à la rencontre du chemin de fer de l'Est français dans la direction de Montmédy. »

Vous voyez qu'avant l'acte de concession, il y avait des études faites, que ces études avaient été communiquée à l'entrepreneur, que celui-ci ne pouvait les ignorer, et qu'il s'était engagé à les respecter.

Mais il y a plus, c'est qu'il n'était plus possible de changer cette direction sans rendre à la compagnie du Luxembourg le droit de préférence qui lui est acquis en vertu de l'article 47 de son cahier des charges.

Voici une lettre signée de l'honorable M. Tesch, président du comité local de la Grande Compagnie du Luxembourg ; elle établit à la dernière évidence le point que je signale. Cette lettre porte la date du 5 décembre 1868 ; elle est adressée au ministre des travaux publics d'alors, et elle est ainsi conçue :

« J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre en date du 18 novembre dernier, 2ème direction, n° 3317, qui ne donne lieu à aucune observation de la part de la compagnie, en tant que la ligne concédée soit construite en suivant le tracé et conformément aux plans qui nous ont été communiqués par votre lettre en date du 26 juin 1867. Si une autre direction devait être suivie, la compagnie demanderait que les nouveaux plans lui soient communiqués, afin d'examiner si elle exercera ou non le droit de préférence que lui assure son cahier des charges. »

Il s'agit bien ici des plans que je viens de faire connaître et qui ont été arrêtés le 20 juin 1867. « Si une autre direction devait être suivie »... Vous voyez donc que le gouvernement était parfaitement lié et que l'on ne pouvait plus même changer en quoi que ce fût la direction indiquée, sans ouvrir immédiatement, pour la compagnie du Luxembourg, le droit de préférence dont elle avait renoncé à faire usage quant à la direction par Ethe.

Ce n'est que vers le milieu de 1869, après que tout le monde paraissait d'accord, que la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Virton, ayant reçu l'ordre de présenter au département des travaux publics les plans pour l'exécution de la ligne, qu'une première divergence se révéla. C'est alors seulement, et pour la première fois, que cette compagnie présenta un plan par Meix et Dampicourt. D'après l'avis des ingénieurs consultés, d'après l'avis de mon honorable prédécesseur, M. Jamar, ce projet ne satisfaisait pas à la condition expresse de passer par ou près Virton ; au contraire, il s'en éloignait de 3 kilomètres.

Mon honorable prédécesseur rejeta donc le projet et adressa au concessionnaire l'invitation de présenter un nouveau tracé satisfaisant aux stipulations de la loi. Le concessionnaire le fit d'assez mauvaise grâce et en se réservant tous ses droits, mais enfin il se crut obligé de céder et il le fit.

(page 266) M. Bouvierµ. - A quelle époque ?

MtpWµ. - Vers le mois de mai 1869, si je ne me trompe.

C'est au moment où ce projet était à l'étude, que j'intervins. Un premier rapport du comité mixte des travaux publics ne me parut pas assez concluant ; j'en exigeai un second et celui-ci ne fit que me convaincre que le tracé d'Ethe était le seul qui satisfît aux prescriptions de la loi.

Je ne crus donc pas pouvoir faire autrement que d'arrêter définitivement le tracé par Ethe, et voici la lettre que j'adressai à cet égard au concessionnaire :

« La communication que vous me faites par votre lettre du 29 juillet dernier ne peut exercer aucune influence sur la décision que j'ai à prendre au sujet des plans que vous avez présentés pour la 2ème section du chemin de fer de Virton... »

(Je faisais allusion à ceci que, dans sa lettre, la société concessionnaire prétendait avoir un droit tellement évident, qu'elle se proposait de faire statuer par les tribunaux, si je ne lui donnais pas raison. C'est à cette menace que répondait ce que je viens de lire.)

« Le tracé général du chemin de fer de Virton dans la direction de Montmédy est déterminé d'une façon irrévocable et par l'acte de concession et par l'exécution que votre contrat a déjà reçue. La demande de concession du chemin de fer de Virton et l'instruction à laquelle cette demande a donné lieu ont eu pour objet une ligne se prolongeant vers Montmédy et, jusqu'au 29 juillet dernier, les concessionnaires, d'accord avec mon département, ont toujours interprété dans ce sens le contrat de concession. L'examen des plans présentés à mon département s'est fait jusqu'ici et se poursuivra dans cet ordre d'idées, dont je ne pourrais m'écarter sans méconnaître les obligations qui vous sont imposées par l'acte de concession.

« Le texte du contrat de concession est trop clair, l'interprétation en est trop bien fixée par l'accord des parties contractantes pour que j'insiste sur d'autres considérations. Je me bornerai à vous faire remarquer que le point de départ et le point d'arrivée de la ligne font partie du tracé dont l'approbation est réservée au gouvernement. Mon département a adopté le point de départ de Marbehan et le tracé de la première section comme se rattachant à la construction d'une ligne qui se dirige vers Montmédy et je ne puis admettre qu'une discussion s'engage aujourd'hui sur la question que vous soulevez dans votre lettre du 29 juillet.

« La latitude que mon département vous a laissée de ne satisfaire que successivement et par section à l'obligation qui vous est imposée par les articles 2 et 3 du cahier des charges de la concession ne saurait vous autoriser à introduire dans l'exécution de votre contrat des modifications qui sont d'ailleurs en opposition avec les stipulations de l'acte de concession.

« Quant aux combinaisons nouvelles dont vous m'entretenez, elles devraient, le cas échéant, former l'objet de nouvelles dispositions législatives et de nouvelles concessions ; mais elles ne peuvent empêcher la construction d'une voie ferrée décrétée par la loi et dont l'exécution n'a été que trop longtemps retardée. »

C'est après cette lettre, messieurs, que j'ai signé l'arrêté par lequel je décrétais définitivement le tracé par Ethe. Cette lettre, je la livre aux méditations des actionnaires qui se réuniront le 15 courant, afin qu'ils ne se laissent pas entraîner, sans connaissance de cause, dans un procès qui ne pourrait, selon moi, tourner qu'à leur détriment.

Ainsi que je le disais déjà dans la lettre, la demande actuelle de M. Parent-Pécher ne se rapporte en réalité qu'à de nouvelles lignes, lorsqu'il parle d'un chemin de fer se dirigeant vers la Vire, lorsqu'il fait miroiter aux yeux du public une voie directe de Virton vers Arlon.

Je suis décidé à étudier ces projets, mais je suis décidé, avant tout, à poursuivre l'accomplissement de l'obligation que les concessionnaires ont contractée et qui est tout à fait distincte des lignes que je cite.

Je n'ai pas voulu accueillir leur demande pour une autre raison encore : c'est que je n'ai rien voulu faire qui pût entraver la solution de l'importante question du chemin de fer d Athus à Givet, dont vient de vous entretenir l'honorable M. Balisaux.

Je n'ai pas voulu qu'une tête de ligne vînt s'interposer dans une direction qui ne serait peut-être pas la meilleure.

En tout cas, messieurs, le tracé par Ethe a cet avantage spécial que tant que le chemin de fer d'Athus à Givet n'existe pas, il est bien certainement le tracé le plus court pour transporter les minettes de Halanzy vers Liège et Charleroi. On ne peut nier qu'il n'assure un raccourcissement et une diminution de frais de transport assez notable.

D'un autre côté, si la concession du chemin de fer d'Athus à Givet est un jour accordée, le tracé par Ethe pourra encore servir à cette ligne et ne sera pas notablement plus long que celui par Dampicourt.

Toutes ces considérations, messieurs, ont pesé fortement sur moi lorsque j'ai pris l'arrêté que je vous ai fait connaître tout à l'heure.

Après cela, je crois inutile de parler des pétitions qui vous ont été adressées. On sait comment elles s'obtiennent ordinairement.

Je dois cependant faire une remarque à propos de celles-ci. On vous a envoyé un recueil sur lequel on avait imprimé en lettres majuscules, ces mots : Pétition contenant 4,000 signatures ; vérification faite, il s'en est trouvé 1,419 !

M. Bouvierµ. - Voilà comment on écrit l'histoire !

MtpWµ. - Je crois également inutile de vous parler du chemin de fer d'Arlon. Je viens de dire que c'est une affaire à étudier plus lard.

Je dois cependant ajouter une observation qui m'a frappé. Arlon doit être relié un jour à Virton par une ligne passant par Halanzy. Or, une ligne directe d'Arlon à Virton offrirait un raccourcissement de si peu d'importance comparativement à la ligne par Halanzy et Athus que le minimum d'intérêt que l'on voulait transporter à cette ligne directe serait payé à toujours par le gouvernement, tandis que sur la ligne par Ethe nous avons l'espoir de le voir disparaître dans un avenir rapproché.

Voilà les raisons qui ont fait maintenir ce qu'avait décidé, en principe, mon honorable prédécesseur, de manière que force reste au gouvernement.

Je dois cependant dire à l'honorable M. Bouvier que je ne puis aller aussi vite qu'il le désire. Je dois suivre les conditions du cahier des charges.

Mon arrêté porte la date du 18 octobre. Le cahier des charges, dans ses articles 3, 19 et 59 combinés, donne un délai de trois mois aux concessionnaires pour s'exécuter.

Si donc, le 19 janvier 1871, ils ont persisté dans l'inaction où ils se tiennent, je maintiendrai avec toute l'énergie que l'honorable député de Virton a bien voulu me reconnaître la résolution que j'ai prise, en me servant des moyens de coercition que me donne le cahier des charges.

M. Boucquéauµ. - Je regrette que l'honorable ministre des travaux publics ait mal compris les paroles que j'ai prononcées pendant le discours de l'honorable M. Bouvier, qu'il ait cru y trouver quelque chose qui lui fût personnel.

MtpWµ. - J'ai défendu tous les ministres passés et présents.

M. Boucquéauµ. - Je me suis borné à dire que certains concessionnaires semblaient avoir pour principe de ne faire absolument que ce qu'ils voulaient, et d'opposer une force d'inertie à toute injonction du gouvernement ne rentrant pas dans leurs convenances. Je n'ai nullement entendu dire que l'on peut reprocher à l'honorable M. Wasseige de tolérer de pareils abus ; j'ai, au contraire, l'espoir que, par sa fermeté, il les empêchera de se produire ou de se prolonger.

M. Bouvierµ. - Je remercie M. le ministre des travaux publics des explications qu'il vient de nous donner.

M. Couvreurµ. - Puisqu'on parle de chemins de fer et de concessionnaires qui n'exécutent pas leurs obligations, je voudrais profiter de l'occasion pour demander au gouvernement des explications sur la non-exécution d'engagements où lui seul est en défaut.

Je désirerais savoir si la ville de Bruxelles peut espérer de voir bientôt la station du Nord reliée à la station du Midi par la ligne de Molenbeek.

Le projet de loi qui a décrété le raccordement date déjà de cinq ans. Je ne crois pas abuser des moments de la Chambre, ni faire preuve d'une bien grande impatience en venant demander aujourd'hui quand ce chemin de fer sera achevé. L'engagement avait été pris de le terminer vers le mois d'octobre ou de novembre, dans tous les cas avant la fin de l'année. Cet engagement jusqu'ici n'a pas été tenu et le service continue à se faire sur nos boulevards dans les conditions les plus défavorables pour les intérêts de l'exploitation et dans les conditions les plus dangereuses pour la sécurité publique.

MtpWµ. - J'aurai l'honneur de faire connaître à M. Couvreur que les travaux du chemin de fer de ceinture de Bruxelles sont très avancés ; les ouvrages d'art et de terrassements sont terminés, à l'exception d'un viaduc dans la tranchée du raccordement vers Laeken.

Il est, en effet, exact que la date du 1er novembre avait été fixée pour l'achèvement de tous les travaux d'art et de terrassements. Mais, d'autre pari, nous avons posé la voie sur la plus grande partie du parcours et (page 267) cela fait ample compensation. Je puis annoncer à mon honorable collègue que, dans le mois de février très probablement, le chemin de fer sera complètement terminé et pourra être livré à la circulation pour les marchandises sur tout son parcours et peut-être pour les voyageurs entre les stations extrêmes, les stations intermédiaires n'étant pas encore construites.

Interpellation relative au retrait de Malou comme ministre du gouvernement

M. Rogierµ. - Je désirerais aussi adresser une interpellation au ministère et particulièrement à l'honorable ministre des affaires étrangères.

Le Moniteur de ce matin nous a apporté une nouvelle assez surprenante, à laquelle, pour ma part, je ne m'attendais pas, et je crois que la plupart de mes collègues se trouvaient dans la même situation ; le Moniteur nous apprend que l'honorable M. Malou se retire du cabinet ; il n'est pas, jusqu'à présent, remplacé ; le Moniteur ne dit pas un mot sur les causes de la retraite de cet honorable ministre.

Si M. Malou était un homme entièrement nouveau, de peu d'importance politique ou administrative, on pourrait peut-être laisser passer ce fait inaperçu. Mais il n'en est pas ainsi : M. Malou est un homme politique important, d'une haute signification, d'une valeur que personne ne conteste. Il occupait au sein du cabinet une position, je ne dirai pas prépondérante, parce que je ne veux offenser personne, mais une position importante. Sa disparition inopinée doit donc donner lieu à diverses suppositions.

Je n'en connais pas la cause et je demande au ministre qui a contresigné, seul cette fois, l'arrêté qui concerne M. Malou, de vouloir bien nous dire, s'il n'y voit pas d'inconvénient, les motifs de cette retraite.

Lorsque cette nomination a eu lieu, elle a soulevé des critiques de divers ordres. Moi, je l'avais critiquée à un point de vue seulement : je croyais qu'il y avait là certaine incompatibilité, non pas constitutionnelle, mais incompatibilité résultant de la double position occupée par M. Malou dans le sein du cabinet et dans le sein d'un assez grand nombre d'établissements particuliers, financiers ou industriels. Il me semblait qu'il y avait entre ces deux positions une sorte d'incompatibilité dont M. Malou lui-même peut-être ne tarderait pas à s'apercevoir.

M. Malou a-t-il reçu, en entrant dans le cabinet, une mission spéciale ; cette mission se trouve-t-elle aujourd'hui accomplie et est-il permis à M. Malou de se retirer après l'avoir accomplie ; quelle pouvait être cette mission qui aura été de si courte durée ? Je l'ignore.

J'ai dû supposer que M. Malou, vu son expérience, vu ses anciens services, avait pu venir en aide, - je ne veux blesser personne, - à des commençants.

Le cabinet se composait d'hommes nouveaux, de novices même ; l'honorable M. d'Anethan était le seul qui eût passé déjà sur ce qu'on a appelé le banc de douleur.

M. Malou est-il venu apporter du lest à l'équipage ; est-il venu enseigner aux nouveaux ministres les éléments et les pratiques du gouvernement politique et administratif ; est-il venu faire l'éducation des ministres nouveaux, de ses jeunes élèves ? (Interruption.)

- Voix à droite . - Oh ! oh !

M. Rogierµ. - Ce que je dis, messieurs, est très sérieux, je ne crois avoir offensé personne en disant cela ; et je ne crois pas dire une chose nouvelle en constatant qu'aucun des ministres ici présents, sauf M. d'Anethan, n'avait jusqu'à leur avènement exercé les fonctions ministérielles ; que plusieurs même sont très nouveaux dans la carrière parlementaire.

M. Liénartµ. - Il faut bien commencer même par être ministre.

M. Rogier. - Certainement, il faut commencer et je pense que mon honorable interrupteur, le député d'Alost, aurait pu commencer aussi ; ce n'est pas ma faute s'il n'a pas pu faire cette expérience. (Interruption.)

Messieurs, je ne voudrais pas que l'on prît mes paroles dans un sens que je ne veux pas leur donner. C'est un motif très sérieux qui a provoqué mon interpellation. Je trouve que lorsqu'un fait politique important nous est annoncé par la voie du Moniteur, nous sommes parfaitement en droit de demander au gouvernement les causes qui ont provoqué cet événement ; c'est là l'objet de mon interpellation, dont j'avais prévenu tout à l'heure M. le ministre des affaires étrangères.

MaedAµ. - Messieurs, je n'ai plus à revenir sur les motifs de l'entrée de mon honorable ami, M. Malou, dans le ministère ; une discussion a eu lieu à cet égard lorsque sur les bancs de la gauche ; on contestait à l'honorable M. Malou le droit de siéger et de parler dans cette enceinte.

Je n'ai donc pas à rendre compte des raisons qui ont déterminé le cabinet à s'adjoindre cet homme d'Etat éminent. Répondant à l'interpellation de l'honorable M. Rogier, je lui dirai que personne plus que moi ne regrette la résolution prise par mon honorable ami ; j'ajoute que nul dissentiment politique n'a motivé cette retraite. M. Malou a donné sa démission pour des raisons purement personnelles que je n'ai pas à faire connaître, et encore moins à expliquer à la Chambre.

L'honorable M. Malou, en se retirant, nous a donné l'assurance qu'il continuait au ministère son concours le plus sympathique et le plus dévoué. Si l'on croit utile de connaître les motifs personnels pour lesquels l'honorable M. Malou s'est retiré, il ne manquera pas d'amis de l'honorable M. Rogier qui pourront interroger l'honorable M. Malou au Sénat et mon honorable ami pourra alors répondre s'il le juge convenable.

M. Baraµ. - Messieurs, je m'étonne vraiment de la réponse que M. le ministre des affaires étrangères vient de faire à l'interpellation de M. Rogier. Mon honorable collègue demande d'une manière très convenable à M. le ministre des affaires étrangères de faire connaître à la Chambre les motifs qui ont déterminé la retraite d'un des hommes les plus importants du cabinet, retraite qui intéresse le pays, retraite sur laquelle la Chambre a le droit d'interpeller le gouvernement. Et que répond M. le ministre des affaires étrangères ? Que si les amis de l'honorable M. Rogier veulent poser cette question à l'honorable M. Malou, au Sénat, celui-ci y répondra, s'il le juge convenable.

Ce n'est guère poli. Si M. Malou peut donner aux sénateurs les motifs de sa retraite, pourquoi n'a-t-il pas autorisé le ministère à les faire connaître à la Chambre, qui avait droit à d'autant plus d'égards de la part de M. Malou, qu'elle lui a accordé le droit de parler devant elle, malgré toutes les raisons qui s'opposaient à cette décision ?

Je ne puis d'ailleurs considérer comme sérieuse la réponse de M. d'Anethan. (Interruption.) Oui, messieurs, ce n'est pas avoir égard à l'interpellation de l'honorable M. Rogier que de lui répondre : « M. Malou se retire pour des motifs personnels. »

- Un membre. - S'il n'y en a pas d'autres ?

M. Baraµ. - S'il n'y en a pas d'autres ! Mais vous savez parfaitement bien qu'il n'y a pas de motifs personnels ; si vous aviez la conviction intime que des motifs personnels ont amené la retraite de M. Malou, pourquoi ne les feriez-vous pas connaître ? Quel inconvénient pourrait-il y avoir sinon à les exposer, du moins à nous donner l'assurance qu'il y a quelque chose de sérieux dans l'assertion de M. le ministre des affaires étrangères ?

Les motifs véritables de la retraite de M. Malou ne sont autres que ceux que nous avons indiqués dans la discussion à laquelle M. le ministre des affaires étrangères a fait allusion : c'est l'incompatibilité qui existait entre la position de M. Malou dans la Société Générale et dans d'autres établissements financiers, et la position de ministre, et si vous ne faites pas connaître au pays la cause de la retraite de votre collègue, c'est parce que vous ne voulez point donner raison à vos adversaires qui sont venus, au moment de l'entrée de Malou dans le cabinet, exposer les inconvénients de sa présence au banc ministériel : c'est parce que vous ne voulez pas que le pays puisse constater que nous avions raison, dans l'intérêt du cabinet, dans l'intérêt de M. Malou lui-même, de soutenir cette thèse qu'il n'est pas possible d'être membre du gouvernement et d'être en même temps l'administrateur de nombreux établissements et d'une société qui a la main dans un très grand nombre d'affaires industrielles.

Croyez-moi, vous ne ferez pas croire au pays que ce soit la santé de M. Malou ou toute autre raison privée qui l'a engagé à quitter le ministère. Car si ce n'était qu'une question de convenance personnelle qui l'avait engagé à prendre cette détermination, quel rôle feriez-vous jouer à M. Malou ? Il a consenti à entrer dans un cabinet qui doit inaugurer une politique nouvelle et faire cesser tous les abus commis par l'infâme gouvernement libéral. (Interruption.) Oh ! je sais fort bien que vous n'êtes pas pressés de redresser ces prétendus abus, mais un jour viendra où nous vous demanderons raison de votre langage d'autrefois et de votre conduite actuelle. (Interruption.)

Ce n'est pas pour rester quelques jours membre du cabinet, pour vous aider à vaincre une difficulté passagère que M. Malou est venu se présenter à la Chambre, qu'il est venu lui demander le droit de prendre la parole et faire trancher une question constitutionnelle de la plus haute importance.

Son entrée dans le cabinet était, au contraire, de sa part chose grave, sérieuse, significative, et il n'est pas digne d'un homme comme M. Malou de se retirer pour un motif personnel, pour un caprice qu'on n'ose pas même divulguer.

M. Kervyn de Volkaersbekeµ. - On n'a pas parlé de caprice.

M. Baraµ. - C'est un caprice, puisqu'on se refuse à faire connaître la plus petite raison qui ait pu motiver la retraite de M. Malou.

(page 268) M. Dumortierµ On n'a pas le droit de faire connaître les motifs personnels pour lesquels M. Malou se retire.

M. Baraµ. - On a le droit de dire à ceux qui ne savent que répondre à l'interpellation de M. Rogier : M. Malou s'est retiré à cause de l'incompatibilité qui existe entre le mandat de ministre et le mandat de directeur de la Société Générale et d'administrateur de nombreux établissements financiers.

Voilà la vérité, mais vous ne la confesserez pas, parce que ce serait reconnaître la faute que vous avez commise en faisant entrer M. Malou dans le cabinet et consacrer, pour nous, messieurs, le droit et le devoir d'examiner avec la plus sévère attention tout ce qui a été fait par le ministère, au point de vue financier ou en matière de travaux publics depuis l'entrée jusqu'à la sortie de M. Malou.

Pour nous, messieurs, la faute est évidente, l'embarras seul du cabinet nous le prouve ; c'est un enseignement pour le pays, c'est un enseignement pour la Chambre.

MaedAµ. -Messieurs, je regretterais beaucoup qu'on pût considérer la réponse que j'ai faite à M. Rogier comme n'étant pas une réponse empreinte de convenance.

L'honorable M. Bara me dit : On avait adressé au gouvernement une demande dans les termes les plus convenables et comment avez-vous répondu ?

Je crois, messieurs, que si la demande a été convenablement faite, la réponse a été convenablement donnée. Comment vouloir que je dise à la Chambre la chose qui n'est pas, que je dise qu'il y a des raisons politiques qui ont motivé la démission de M. Malou ? Je répète, au contraire, qu'il n'y a aucune raison politique, je répète que M. Malou reste notre ami et qu'il continuera à nous accorder le concours le plus dévoué et le plus complet.

La seule chose que la Chambre ait le droit de demander, c'est de connaître les motifs politiques d'une démission ; or, si de semblables motifs n'existent pas, je ne puis pas les créer pour satisfaire M. Bara.

M. Baraµ. - L'incompatibilité est une question politique.

MaedAµ. - J'ai dit que M. Malou s'était retiré pour des motifs personnels et, je le répète, ce n'est pas à moi mais à M. Malou de les faire connaître, si cela lui convient.

Je ne puis donc que répéter ce que j'ai dit en réponse à la question de l'honorable M. Rogier ; il n'y a aucun motif politique dans la retraite de l'honorable M. Malou. Il est entré au ministère ; nous en avons expliqué et justifié les raisons ; et la Chambre, aune grande majorité, a donné son approbation à la décision prise par le gouvernement, en déclarant que l'honorable M. Malou, comme membre du cabinet, avait le droit de siéger dans cette Chambre. Que l'on proteste prétendument au nom du pays, je réponds à cette protestation par l'opinion de la majorité de la Chambre.

M. Rogierµ. - Messieurs, je remercie l'honorable M. d'Anethan de la réponse qu'il m'a faite. Cependant il faut reconnaître qu'il n'a pas été très loin et qu'il aurait pu dire quelque chose de plus. Se retrancher dans des motifs purement personnels, ce n'est pas, ce me semble, traiter l'honorable M. Malou avec l'importance qu'il mérite. Je ne comprendrais pas comment un homme aussi sérieux que l'honorable M. Malou, après avoir accepté, il y a à peine quelques mois, des fonctions importantes au sein du cabinet, se retirât tout à coup pour des motifs purement personnels. Je ne veux pas discuter ces motifs personnels ; je ne les connais pas. En général quand un fonctionnaire public a des motifs personnels pour motiver sa retraite, il s'agit ordinairement de l'état de sa santé ou des fatigues du service. Dieu merci, j'ai vu récemment l'honorable M. Malou et sa santé m'a complètement rassuré.

Ce n'est pas non plus les fatigues du service, puisque l'honorable M. Malou, qui n'avait pas de portefeuille, qui n'avait pas les soins et les travaux journaliers de l'administration, ne peut pas venir dire à la Chambre qu'il en avait assez, qu'il n'en pouvait plus, qu'il était fatigué d'administrer.

En dehors de ces deux causes personnelles, il m'est impossible d'en apercevoir une troisième.

Mais, dit-on, si vous êtes curieux, l'honorable M. Malou dira ses motifs au Sénat. Je présume qu'en effet il se trouvera des membres de cette assemblée qui, en acquit de leurs devoirs, demanderont aussi au cabinet quels sont les motifs de la retraite de l'honorable M. Malou, et peut-être là sera-t-on plus éclairé ou plus heureux que dans cette Chambre.

L'honorable M. d'Anethan a répondu avec une grande politesse, je le reconnais ; mais il reconnaîtra aussi que cette réponse est tout à fait incomplète et insuffisante. Et, à sa place, j'aurais mieux aimé entrer dans quelques détails (interruption), que de laisser naître et circuler dans la Chambre et dans le pays des suppositions qui, peut-être, ne seraient pas à l'avantage de l'honorable M. Malou.

Si l'on trouve bon de laisser l'honorable M. Malot sous le poids de pareilles présomptions, je ne m'y oppose pas. Mais si j'étais son ami, je trouverais mal qu'on entourât l'explication de cette retraite de restrictions qui laissent ouverture à des suppositions de tout genre.

Messieurs, je ne peux pas forcer le ministère à parler. Je dois ajouter que j'éprouve, à certains égards, des regrets de cette retraite, parce que, quoique dans l'opposition, il ne me déplaît pas de voir, dans le gouvernement, dans le ministère que je combats, des hommes dignes de la lutte, des administrateurs capables, des esprits distingués.

Eh bien, sous ce rapport la retraite de M. Malou laissera une lacune dans le cabinet. (Interruption.) Oh ! messieurs, je suis bienveillant, mais je suis sûr que MM. les ministres eux-mêmes reconnaissent qu'ils n'ont pas encore la valeur d'hommes d'Etat qui ont siégé dans les Chambres ou dans les conseils du gouvernement pendant longtemps. (Interruption.)

Tous les hommes qui comprennent le régime parlementaire doivent désirer que le pouvoir soit représenté par des hommes considérables.

M. de Theuxµ. - Je demande la parole.

M. Rogierµ. - Si l'honorable M. de Theux était au pouvoir et qu’il vînt à se retirer, je dirais de lui ce que j'ai dit de M. Malou. Des hommes comme vous, M. de Theux, sont faits pour siéger au banc ministériel. (Interruption.)

Je ne veux pas dire que ceux qui y sont aujourd'hui remplissent mal leur rôle, et je n'ai pas à leur égard de sentiments malveillants.

En résumé, messieurs, nous voilà avertis que nous ne saurons rien des motifs de la retraite de M. Malou avant qu'il ait plu à cet honorable membre de s'expliquer au Sénat.

M. de Theuxµ. - Je commence par remercier l'honorable préopinant de ce qu'il a bien voulu me dire de flatteur, mais je ne puis admettre que le cabinet soit composé d'hommes nouveaux, inconnus du parlement ; les ministres actuels ont siégé longtemps au parlement et s'y sont distingués ; point n'était nécessaire de leur adjoindre M. Malou ; mais pareille chose s'est faite à différentes époques et je ne sache pas qu'il en soit résulté d'inconvénient.

En ce qui concerne spécialement l'honorable M. Malou, la Chambre a discuté la question, elle a apprécié les raisons données de part et d'autre et elle a voté en pleine connaissance de cause.

Maintenant l'honorable M. Malou se retire du cabinet, le ministère nous assure qu'il n'y a à cette retraite aucun motif politique, qu'il ne s'est élevé entre M. Malou et ses collègues aucune espèce de dissentiment ; il me semble, messieurs, que cette déclaration est de nature à satisfaire la Chambre.

Je me rappelle que, lorsque les honorables MM. Rogier et Vandenpeereboom se sont retirés, nous avons demandé quelques explications ; nous pensions qu'il y avait un dissentiment très considérable dans le cabinet. Eh bien, messieurs, nous n'avons eu aucune explication satisfaisante ; les ministres démissionnaires se sont déclarés amis du cabinet et nous avons eu quelques renseignements tels quels pour justifier la retraite d'un homme qui avait aussi occupé pendant longtemps et dans différentes circonstances les premières positions.

On nous a donné alors des explications telles quelles. Je crois que c'est un motif de ne pas insister davantage sur les explications données par l'honorable M. d'Anethan. Je crois que du moment qu'il n'y a pas de motif politique, ces explications sont suffisantes.

Si l'honorable M. Malou déclarait au Sénat qu'il a eu des motifs politiques, qu'il y a eu dissentiment sur certains points, nous pourrions reprendre ici cette discussion. Pour le moment il n'y a pas de raison de pousser ce débat plus loin.

M. Coomans.µ - Messieurs, un seul mot. Il me paraît que tout débat a besoin d'une conclusion. C'est au moins désirable.

La conclusion de celui-ci me paraît être que nous devrions, les honorables MM. Rogier et Bara en tête, aller prier M. Malou de redevenir ministre pour fortifier le cabinet et donner la réplique à ces honorables membres.

Si telle est la conclusion de l'opposition, il est possible, je ne dis pas certain, que je m'y associe.

M. Rogierµ. - Vous êtes plus fort que cela ordinairement, M. Coomans.

M. Vandenpeereboomµ. - L'honorable M. de Theux vient de dire que, quand M. Rogier et moi nous avons, en 1868, quitté le ministère, il n'a été donné à la Chambre que des explications telles quelles.

(page 269) La mémoire de l'honorable M. de Theux lui fait défaut. Jamais, dans aucune circonstance, crise ministérielle n'a été mieux expliquée que lorsque nous nous sommes retirés, M. Rogier et moi, du cabinet. L'honorable M. Frère, chef du cabinet modifié, a donné à la Chambre, après la reconstitution du ministère, lecture, sur la crise ministérielle, d'explications qui ont duré, si je ne me trompe, plus d'une heure, et après cette lecture, M. Rogier et moi, nous avons confirmé ces explications, et moi j'ai parlé pendant presque toute une séance pour développer clairement les motifs de la crise et de notre retraite.

Ces motifs, chacun le sait, étaient des dissentiments sur la question des écoles d'adultes et sur l'interprétation de la loi de 1842.

Nous nous en sommes franchement expliqués, d'abord au sein du cabinet et ensuite au sein de la Chambre.

Puis nous avons maintenu chacun notre opinion et j'ai défendu mon arrêté dans un discours qui a duré deux heures.

L'honorable M. Frère, resté au pouvoir, a défendu ses principes. L'honorable M. Pirmez, qui m'a remplacé, a pris un arrêté nouveau sur les écoles d'adultes, modifiant celui que j'avais contre-signé.

En un mot, nous avons pensé, mes honorables adversaires, l'honorable M. Rogier et moi, que ce seul dissentiment était assez important pour motiver une dislocation du cabinet et nous l'avons déclaré à la Chambre. Voilà l'explication de la crise de 1868 ; dans le discours explicatif et très net qu'a prononcé l'honorable M. Frère, il a ajouté que j'avais été heureux de trouver cette occasion de me retirer des affaires, après avoir dirigé pendant plus de six ans le département de l'intérieur. Jamais mon honorable collègue n'a dit plus grande vérité.

Pour me résumer, messieurs, je dirai que l'honorable comte de Theux se trompe, s'il pense que nous avons donné, à cette époque, des explications telles quelles, et son erreur est plus grande encore s'il compare ces explications à celles que vient de donner l'honorable ministre des affaires étrangères.

MpdeNaeyerµ. - Messieurs, je crois que cette discussion est épuisée.

M. de Smetµ. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il ne serait pas possible de donner une plus grande impulsion aux travaux du chemin de fer de ceinture de Gand.

On se préoccupe beaucoup à Gand des lenteurs que l'on apporte à l'exécution de ce travail et de l'endroit où la station sera établie. Sera-ce à la porte, de Bruges ou ailleurs ? Nous voudrions avoir à cet égard quelques ^explications.

M. Mullerµ. - M. le ministre des travaux publics devrait bien nous donner en même temps quelques explications sur le chemin de fer de ceinture de Liège.

M. Kervyn de Volkaersbekeµ. - Je suis très étonné de l'observation que vient de faire l'honorable M. Muller.

Nous avons ouvert la séance par une interpellation de M. Bouvier ; sans doute cette interpellation nous a beaucoup intéressés, mais elle a occupé une bonne partie de la séance. L'honorable M. Couvreur en a fait une à son tour et je ne vois pas pourquoi d'autres membres devraient s'abstenir d'en adresser au gouvernement.

Quant à moi, je me rallie à l'interpellation faite par mon honorable ami et collègue de Gand et j'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien donner à la députation de Gand quelques explications sur les travaux du chemin de fer de ceinture de Gand.

M. Mullerµ. - Je ne comprends pas bien pourquoi M. Kervyn de Volkaersbeke me met en cause.

M. de Smet a demandé à M. le ministre des travaux publics des explications sur le chemin de fer de ceinture de Gand ; il doit nous être permis d'en demander sur le chemin de fer de ceinture de Liège. Ce travail nous intéresse tout autant que l'autre peut intéresser M. de Smet.

M. Allardµ. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il compte bientôt mettre en adjudication les travaux de la station de Tournai.

M. Dumortierµ. - Je demande la parole.

M. Allardµ. - Les plans sont adoptés depuis longtemps et je ne vois pas trop ce qui peut arrêter le gouvernement.

M. Dumortierµ. - Je demanderai à M. Allard si le conseil communal de Tournai dont il fait partie a voté le million nécessaire pour créer les voies qui doivent mener à la nouvelle station ?

Aussi longtemps que vous n'aurez pas répondu à cette question, vous êtes bien mal venu à faire au gouvernement l'interpellation que vous venez de lui adresser.

Ah ! je comprends ce que vous voulez. Quand vous aurez une réponse formelle du ministre, vous direz à la ville de Tournai : Vous le voyez, nous sommes forcés de dépenser un million et, par conséquent, de vous imposer de vingt nouveaux centimes additionnels. Voilà ce que vous voulez : Endosser au ministre la responsabilité d'une obligation qu'incombe exclusivement à la ville de Tournai.

M. Allardµ. - M. Dumortier reprend aujourd'hui, sous une forme nouvelle, un thème qu'il nous a encore fait entendre il y a peu de jours ; il ne faut point faire de haltes, disait-il, avant que la ligne soit terminée.

Eh bien, messieurs, la dépense dont parle l'honorable M. Dumortier n'incombe pas à la ville de Tournai. C'est le gouvernement qui doit établir les voies nécessaires pour aboutir a la station.

M. Dumortierµ. - Ah !

M. Allardµ. - Certainement ; et pourquoi en serait-il autrement ; pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas à Tournai ce qu'il a fait partout ailleurs ?

Du reste, je ne me suis pas occupé des voies destinées à donner accès à la station.

J'ai dit que nous avions à Tournai un passage à niveau, qui est une cause permanente de dangers, et j'ai rappelé qu'il y a six semaines, un homme y a été tué et que, peu de temps auparavant, une voiture y avait été brisée. C'est là une situation à laquelle il importe de mettre un terme et c'est dans ce but que j'ai demandé à M. le ministre des travaux publics s'il compte mettre bientôt en adjudication la construction du pont qui doit permettre le passage des voitures et des piétons au-dessus du chemin de fer.

M. Dumortierµ. - La situation dont on se plaint aujourd'hui est la conséquence inévitable d'un fait contre lequel je me suis souvent déjà élevé dans cette enceinte. Les accidents dont on vient de parler ne sont pas les seuls qu'on ait eu à déplorer ; il y a eu encore trois personnes écrasées à ce fameux passage à niveau. Voilà, messieurs, ce que produisent des passages à niveau à proximité des grandes villes.

Maintenant, vous dites que c'est à l'Etat qu'incombe l'obligation d'établir des voies de communication donnant accès à la station.

Mais c'est une étrange plaisanterie : comment ! l'Etat irait percer à ses frais des rues dans la ville de Tournai ! Cela ne s'est jamais fait nulle part, et il est bien certain que cela ne se fera pas plus à Tournai qu'ailleurs.

Oh ! nous le savons bien : vous avez voulu votre station uniquement en vue de servir certains intérêts privés ; et maintenant vous croyez endosser à l'Etat les frais de création des rues qui doivent y aboutir ; - ou plutôt vous voulez pouvoir vous armer de son refus pour rejeter sur lui l'obligation des charges que vous devriez imposer aux habitants. Voilà votre but ; il est bon qu'on le sache.

M. Allardµ. - Voilà comment M. Dumortier défend les intérêts de la ville de Tournai !

M. Dumortierµ. - Je suis, avant tout, député du pays ; et, à ce titre, j'avais le droit de parler comme je l'ai fait.

MtpWµ. - Vous comprendrez facilement, messieurs, que, n'ayant pas été le moins du monde averti de toutes ces interpellations, il me soit assez difficile d'y répondre d'une manière catégorique. Ce que je puis dire à mes honorables collègues de Gand, de Liège et d'autres villes, c'est que je ferai tous mes efforts pour activer autant que possible les travaux décrétés.

Nous avons le plus grand intérêt à occuper la classe ouvrière dans les circonstances pénibles que nous traversons.

C'est un motif de plus pour que les honorables membres soient bien convaincus qu'il ne dépendra pas de moi que les travaux décrétés soient poussés avec la plus grande activité possible, aussi bien au nord qu'au midi du pays.

Quant à la station de Tournai, elle a déjà fait l'objet de débats tellement vifs dans cette Chambre, qu'avant de m'engager plus loin dans cette question, je me réserve de l'examiner à fond.

Rapport sur des demandes en naturalisation

M. Thienpontµ. - J'ai l'honneur de déposer divers rapports sur des demandes de naturalisation. - Impression et distribution.

- Plusieurs membres. - A demain !

Motion d’ordre relative à une convention conclue avec la compagnie des Bassins houillers du Hainaut

(page 270) M. Brasseurµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le gouvernement a déposé, il y a quelques jours, un projet de loi qui vise l'exécution des articles 5 et 10 de la convention du 25 avril 1870 entre l'Etat et la compagnie des Bassins houillers du Hainaut.

L'article 10 de cette convention est ainsi conçu :

« Le matériel roulant, en service sur les lignes énumérées aux articles 1er et 2, ainsi que le matériel mobile des gares, le mobilier de leurs bureaux, salles d'attente, hangars, magasins, etc., les appareils télégraphiques, l'outillage de la voie et l'outillage des ateliers des lignes, ainsi que les chevaux et leurs harnais, seront évalués à dire d'experts. »

Cette expertise a commencé le 1er décembre d'après les termes de la même convention.

Je demande que cette expertise soit déposée sur le bureau de la Chambre et publiée, afin que la Chambre et le pays entier puissent la connaître et l'apprécier.

J'ai lu dans l'exposé des motifs du projet de loi, présenté au mois d'avril, que les évaluations faites sous l'administration de l'honorable M. Jamar s'élevaient à 18 millions approximativement et les évaluations faites sous l'administration du ministre des travaux publics actuel s'élèvent à 26 millions.

Vous comprenez que le pays tout entier a un immense intérêt à connaître d'une manière précise l'évaluation du matériel roulant ; car, d'après l'une des bases, le kilomètre aurait pour 30,000 francs de matériel roulant, et, d'après l'autre base, le kilomètre en aurait 43,000. Je me borne à dire, pour le moment, que ces deux prix me paraissent exorbitants, parce que les compagnies les mieux outillées n'ont pas de matériel roulant pour des chiffres aussi élevés.

Un autre motif rend la question beaucoup plus importante : c'est la situation des pauvres obligataires.

On m'a dit qu'une grande partie du matériel roulant est louée ; s'il en est réellement ainsi, j'ai le droit de m'étonner que le gouvernement veuille reprendre un matériel d'une compagnie qui n'en est pas propriétaire. Mais loué ou non, le matériel peut devenir l'objet des réclamations, parce que les obligataires se trouvent aujourd'hui complètement dépouillés du gage qui leur était affecté dans les différentes compagnies cédées aux Bassins houillers.

Vous comprenez quelle importance a cette question pour les tiers-créanciers, le jour ou ils se présenteront devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits méconnus ; il est donc essentiel que le matériel afférent à chaque ligne soit établi de la manière la plus nette dans l'expertise, autant que possible chemin de fer par chemin de fer, c'est-à-dire que l'expertise doit porter non seulement sur la valeur globale du matériel, mais jusque dans les moindres détails sur la valeur du matériel par catégorie de chaque chemin de fer, afin que les tiers puissent prendre connaissance du véritable état des choses, et faire valoir leurs droits s'ils le jugent convenable, mais surtout afin que la responsabilité du gouvernement soit complètement dégagée dans cette affaire. Ainsi je demande une expertise en détail par catégorie de chemin de fer et avec la plus grande publicité possible.

Je demande de plus à M. le ministre des travaux publics que cette expertise soit confiée à plusieurs personnes, afin que les intérêts du gouvernement soient défendus par suite d'un débat contradictoire.

Il s'agit ici d'une somme de 20 à 25 millions, bien entendu que je fais toutes mes réserves sur ces chiffres. Or, cette affaire est trop importante pour qu'on puisse, quelle que soit l'honorabilité du fonctionnaire qui en serait chargé, laisser un travail de cette nature à une seule personne.

Puisque j'ai la parole, je poserai encore une question à l'honorable ministre des travaux publics sur l'article 31 de la même convention, ainsi conçu :

« Le gouvernement fixera les époques auxquelles les travaux de chacune des lignes devront être entamés et terminés. » Cet article est extrêmement important, parce que les Bassins houillers sont tenus à rien, aussi longtemps qu'il n'y a pas de fixation de délai. Je désire savoir si M. le ministre en a soigné l'exécution. Il contient une faveur qui a été faite aux Bassins houillers ; je la comprends, parce qu'il y avait des lignes qui faisaient double emploi ; il fallait procéder à une certaine épuration, et il était, jusqu'à un certain point, difficile de fixer le délai endéans lequel les 601 kilomètres de chemins de fer devaient être construits, aussi longtemps que l'objet à livrer n'était pas nettement déterminé.

Ce travail d'épuration a eu lieu, il n'y a pas longtemps. La compagnie des Bassins houillers est-elle rentrée dans le droit commun ? Le délai de livraison est-il fixé ? Ce point intéresse d'autant plus vivement certaines localités que beaucoup de ces lignes sont des lignes qui depuis longtemps déjà auraient dû être construites par les Bassins houillers. Cette compagnie n'a jamais tenu ses engagements. L'article 31 de la convention renouvelle son droit.

Mais, encore une fois, lui a-t-on appliqué le droit commun ? Quand un concessionnaire se présente au gouvernement pour faire un chemin de fer, le gouvernement fixe, dans le cahier des charges même, le délai endéans lequel la ligne doit être terminée. Voilà le droit commun. On ne l'a pas observé pour les Bassins houillers.

Encore une fois, M. le ministre des travaux publics a-t-il fixé aujourd'hui le délai endéans lequel les travaux entrepris par la société des Bassins houillers devront être terminés ?

Pour le moment je borne à ces deux points les observations que j'ai à présenter relativement à cette célèbre convention sur laquelle je reviendrai plus d'une fois à d'autres points de vue.

MtpWµ. - Je commencerai par dire à mon honorable collègue que je me suis vivement préoccupé de l'exécution de cet article 31, mais qu'il n'y a pas longtemps de cela, attendu qu'il fallait d'abord que l'arrêté royal exécutant l'article 17 eût paru. Un arrêté sera inséré prochainement au Moniteur, et l'honorable M. Brasseur verra alors par quelles parties les travaux devront commencer, et quand, ils devront être terminés.

Toutes les sections concédées doivent être achevées dans les six ans. L'arrêté dont j'annonce la publication indiquera la date où chaque partie devra pouvoir être livrée à la circulation.

Quant à l'expertise du matériel roulant cédé à l'Etat par la compagnie des bassins houillers, je crois que cette opération, à laquelle je mettrai tous mes soins, donnera pleine satisfaction à l'honorable M. Brasseur. Le travail sera fait avec attention par mon département et je puis en prendre l'engagement, car j'ai mis à la tête de la commission chargée de cette besogne, un des hommes les plus intelligents, les plus capables, les plus énergiques, l'inspecteur général M. Cabry, dont le nom est une garantie en pareille matière.

Il s'occupe, en ce moment, de ce travail, et je puis affirmer, par des faits dont avis m'a été donné récemment, qu'il y met toute son intelligence et qu'on ne pouvait confier ces intérêts à de meilleures mains.

Deux mots seulement, messieurs, sur l'augmentation de l'évaluation qui avait été faite d'abord : je ne sais pas à quel chiffre aboutira l'expertise, mais, dans tous les cas, je crois qu'il serait heureux que les prévisions d'augmentation vinssent à se réaliser, car, si nous trouvons du matériel pour 26 à 28 millions au lieu d'en trouver pour 18 millions seulement, cela nous permettra, en ce moment où l'encombrement est grand, de mettre à la disposition de l'industrie et du commerce un matériel plus considérable, qui sera concentré dans les seules mains du gouvernement et pourra, par conséquent, être utilisé dans des conditions plus avantageuses au public. En toute hypothèse, l'augmentation signalée prouve une seule chose : c'est qu'il existe plus de voitures qu'on ne le pensait, et je ne vois pas qu'il y ait lieu de le regretter.

Quant au dépôt sur le bureau du procès-verbal d'expertise, il aura lieu, comme on vient de le demander.

- Des membres. - A demain !

- D'autres membres. - Non ! non ! Continuons.

MpdeNaeyerµ. - Je vais consulter la Chambre, mais je crois qu'il y a lieu d'abord de décider quand aura lieu notre prochaine séance. Je propose à la Chambre de se réunir demain à 2 heures. (Oui ! oui !)

- La Chambre décide qu'elle se réunira demain à 2 heures.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.