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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 janvier 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIIIµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 385) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart. Il lit le procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Woutersµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Chênée protestent contre la décision prise par le conseil communal en matière d'inhumations et demandent soit la révision du décret du 23 prairial an XII, soit une nouvelle loi sauvegardant les droits de l'église et ceux de la police locale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Picrart prie la Chambre d'empêcher qu'il soit donné suite à un traité ayant pour objet le transfert à prix d'argent d'un notariat. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Chièvres demandent l'établissement d'un bureau de perception des postes et d'un bureau télégraphique au centre de cette ville. »

- Même renvoi.

M. Descampsµ. - Je demande, en outre, que la commission soit priée de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Clercken. réclament l'intervention de la Chambre pour que la société concessionnaire soit mise en demeure d'exécuter le tronçon de chemin de fer de Roulers à Dixmude par Hooghlede, Staden et Clercken. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des secrétaires communaux dans le canton de Lens demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré ; que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

« Mêmes demandes de secrétaires communaux dans le Brabant. »

- Même renvoi.

M. Van Renyngheµ. — Je demande, en outre, que la commission des pétitions soit priée de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des obligataires des chemins de fer repris par l'Etat prient la Chambre d'introduire dans la convention avec la société des Bassins houillers du Hainaut les modifications indispensables à la sécurité de leurs titres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la convention.


« Des habitants de Stockhem demandent, pour toutes les élections, le vote à la commune ou du moins au chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la section centrale pour le projet de loi sur la réforme électorale.


« Par deux pétitions, des habitants de Haeren et de Machelen demandent, pour toutes les élections, le vote à la commune. »

- Même renvoi.


« Des instituteurs communaux à Cheratte proposent des mesures pour améliorer leur position. »

« Même pétition d'instituteurs communaux à Serinchamps, Termonde, et dans les cantons de Peer et d'Achel. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi établissant une caisse centrale de prévoyance des instituteurs primaires.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Carpentier. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. Reynaert, empêché pendant plusieurs jours d'assister aux séances de la Chambre, demande un congé.

- Accordé.


M. Verwilghen, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de huit jours.

- Accordé.


M. Thibaut, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.

- Accordé.


M. de Liedekerke, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours.

- Accordé.


M. de Borchgrave demande un congé.

- Accordé.

Compositions des bureaux de sections

Les sections du mois de janvier se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Julliot

Vice-président : M. de Muelenaere

Secrétaire : M. Van Outryve

Rapporteur de pétitions : M. Magherman


Deuxième section

Président : M. Thonissen

Vice-président : M. Snoy

Secrétaire : M. Cruyt

Rapporteur de pétitions : M. Pety de Thozée


Troisième section

Président : M. Tack

Vice-président : M. Wouters

Secrétaire : M. Visart (Amédée)

Rapporteur de pétitions : M. Lescarts


Quatrième section

Président : M. Lefebvre

Vice-président : M. Van Iseghem

Secrétaire : M. de Montblanc

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Cinquième section

Président : M. de Smet

Vice-président : M. Drubbel

Secrétaire : M. de Vrints

Rapporteur de pétitions : M.Van Renynghe


Sixième section

Président : M. De Le Haye

Vice-président : M. Van Cromphaut

Secrétaire : M. Hermant

Rapporteur de pétitions : M. Biebuyck

Projet de loi relatif à la convention conclue avec la société des Bassins houillers du Hainaut, pour la reprise de son matériel

Discussion générale

MpXµ. - La parole est à M. Jamar.

M. Jamarµ. - Nous n'avons qu'à nous applaudir de notre attitude dans ce débat. Elle commence à porter ses fruits.

Les justes observations de l'honorable M. Frère-Orban au sujet de la création de la caisse d'annuités ont déterminé le gouvernement à prêter son concours à un ensemble de mesures dont le seul but est de paralyser l'influence fâcheuse de cet instrument si inconsidérément mis à la disposition de la compagnie des Bassins houillers.

Dès maintenant aussi, le gouvernement reconnaît qu'il y a convenance et justice à ne pas capitaliser 13 millions des 20 millions dont le gouvernement, dans le projet primitif de capitalisation, nous conviait à voter la remise au 1er janvier à la compagnie des Bassins houillers.

Je me borne à constater ce résultat, dont les intéressés s'applaudiront sans aucun doute ; mais je tiens, à l'ouverture de ce débat, à restituer à la convention du 25 avril son véritable caractère et à montrer surtout qu'elle n'a aucun lien avec la caisse des annuités, dont elle ne rendait pas la création nécessaire, comme on l'a dit dans cette enceinte.

S'il est une loi qui ait eu le rare privilège de rencontrer, sur les bancs de la Chambre et du Sénat, une approbation presque unanime, c'est, à (page 386) coup sûr, la loi du 3 juin 1870, sanctionnant la convention conclue entre l'Etat et la compagnie des Bassins houillers du Hainaut.

La raison de cette faveur s'expliquait aisément ; ceux-là mêmes qui n'avaient pas étudié attentivement cette question comprenaient quel intérêt public considérable s'attachait à l'unification de l'exploitation de nos voies ferrées.

Au reste, la solution de ce problème, telle que la convention du 25 avril, la consacrait en principe, avait été nettement indiquée par l'opinion publique, dont la presse belge tout entière s'était faite l'organe dans cette occasion.

A la Chambre des représentants, 52 membres contre 10 votèrent le projet de loi qui réunissait au Sénat l'unanimité des voix des membres présents, parmi lesquels se trouvaient MM. d'Anethan et Malou.

L'examen de ce projet de loi fut fait à la Chambre avec un soin que révèle le rapport de la section centrale, qui comptait parmi ses membres MM. Descamps, Dewandre, Sainctelette et Vermeire, à qui ces questions étaient familières, et dont l'opinion en ces matières avait une légitime autorité aux yeux de la Chambre.

Enfin, la commission du Sénat rendait un légitime hommage au rapport de M. Sainctelette, qui reste un document parlementaire important.

Si je rappelle ces circonstances, messieurs, ce n'est point, gardez-vous de le croire, pour faire peser sur le pouvoir législatif de cette époque une part de la responsabilité que le cabinet précédent revendique tout entière. C'est afin de rendre attentifs les membres qui siègent dans cette enceinte depuis le 2 août. Je tiens à les prémunir contre la valeur des allégations qui se sont produites, soit dans cette Chambre, à l'occasion des discussions auxquelles a donné lieu déjà le projet de loi que nous examinons en ce moment, soit en dehors de cette enceinte, où l'on a cherché à soulever l'opinion publique en cherchant rendre la convention du 25 avril responsable d'une situation grave et fâcheuse que la caisse des annuités avait seule fait naître.

L'article 59 de la convention est, dit-on, la cause de tout le mal. Il fallait s'enquérir de la situation des obligataires, stipuler en leur nom certaines garanties ou s'opposer à tous transferts loin de les faciliter.

Ceux qui tiennent ce langage, messieurs, n'ont saisi ni l'esprit, ni la portée de cet article. L'économie de la convention leur échappe et je n'aurai point de peine à le démontrer.

J'ai toujours pensé, messieurs, que la convention du 25 avril remplissait la condition essentielle au succès d'un contrat de cette espèce. Elle assurait, en effet, un échange égal d'avantages à toutes les parties contractantes, en comprenant parmi celles-ci, bien qu'elles ne fussent point représentées directement au contrat, les compagnies qui avaient construit les lignes qui constituaient le réseau de la Société générale d'exploitation, et dont l'adhésion était réservée.

Il importe de bien préciser la situation, au 25 avril, de ces diverses parties : de l'Etat, de la société des Bassins houillers, des tiers intéressés et notamment des porteurs d'obligations émises par les sociétés qui avaient construit les lignes.

Quel était pour une part considérable le réseau dont l'Etat reprenait l'exploitation ? Etait-ce un ensemble de lignes exploitées dans la sphère d'action que leur avait assignée le législateur en les concédant : chemins de fer industriels, voies ferrées vicinales affectées au service de l'industrie et de l'agriculture locale, constituant, en un mot, d'utiles affluents aux lignes dont se composait le réseau de l'Etat ? En aucune façon.

La plupart de ces lignes avaient perdu le caractère que les pouvoirs publics avaient entendu leur donner en les concédant.

Un homme avait conçu une combinaison hardie, qui dans sa pensée devait le rendre maître, à un jour donné, des destinées des chemins de fer exploités par l'Etat.

Fusionnant un grand nombre de lignes isolées, faisant de chemins de fer industriels tels que ceux du haut et bas Flénu de véritables têtes de lignes, cherchant à transformer en grandes voies de communication des chemins de fer vicinaux votés par la législature, avec cette dénomination expresse et ce caractère nettement déterminé, on avait, par un ensemble de lignes parallèles et concurrentes du réseau de l'Etat, créé une situation périlleuse pour un grand nombre d'intérêts.

Des actes d'une nature grave avaient éveillé l'attention publique sur cette situation.

La rupture des relations de service entre les deux réseaux avait surtout alarmé l'industrie et le commerce du pays, en leur montrant quelles entraves l'absence d'unité dans l'exploitation pouvait apporter à l'activité des échanges et par conséquent au développement de la production.

Cette première rupture fut de courte durée ; une nouvelle convention de service fut conclue.

C'est à ce moment que la Société générale d'exploitation vint offrir au gouvernement d'affermer ses lignes de chemin de fer moyennant des conditions assez favorables, tout en maintenant les tarifs actuellement en vigueur, contre lesquels cependant l'on avait fait entendre de si vives protestations.

Je refusai, messieurs, d'entamer des négociations sur ces bases. Ce n'était pas, en effet, à l'heure où l'Angleterre, au prix de sacrifices considérables, aux applaudissements de la nation tout entière, rachetait ses lignes télégraphiques concédées, qu'il eût pu nous venir à l'esprit d'affermer les chemins de fer dont l'exploitation par l'Etat avait eu une si féconde influence sur le développement de la prospérité publique.

D'autres offres furent faites plus tard à mon honorable ami M. Frère-Orban, qui vous en rendra compte à son tour, pour la reprise du réseau de la Société générale d'exploitation. Mais comme il s'agissait, en dernière analyse, de faire peser sur le trésor public le poids d'engagements pris d'une manière téméraire par la Société générale d'exploitation, nous fûmes unanimes à reconnaître que, sur cette base, l'entente était impossible.

Mais ces offres repoussées, je ne me dissimulai pas que l'heure était proche où il n'y aurait plus de terme possible entre une lutte à outrance et une paix établie sur des bases inaltérables.

Je me préparai à cette lutte que l'Etat n'avait pas provoquée. J'avais le droit et le devoir de chercher à ressaisir le trafic que l'on avait détourné de nos lignes par les moyens que j'ai indiqués tout à l'heure : j'avais le devoir d'empêcher surtout que l'on ne dénaturât à l'avenir le caractère des lignes qui restaient à construire.

La concession à la société de Tournai à Jurbise d'une ligne de chemin de fer de Bois-du-Luc à Neufville, qui devait ramener sur la ligne de Tournai à Jurbise, exploitée par l'Etat, le trafic détourné depuis une couple d'années, amena de la part de la Société générale d'exploitation une déclaration de guerre formelle. J'y étais préparé et je n'en redoutais pas l'issue. La lutte, en effet, était par trop inégale entre l'Etat disposant de ressources considérables et une société dont le crédit était mal assis, précisément à raison de la lutte que ses combinaisons hardies ne pouvaient manquer d'allumer entre elle et l'Etat.

Pourtant, messieurs, deux considérations nous déterminèrent à chercher à éviter cette extrémité cruelle.

La première, c'était la pensée du trouble que cette lutte ne pouvait manquer d'apporter dans les transactions commerciales, et du préjudice qui, en dernière analyse, devait retomber d'une manière fâcheuse sur les consommateurs de transport.

Mais la seconde considération et la plus puissante était celle du sort des porteurs d'obligations émises par les sociétés qui avaient construit les lignes cédées à bail à la compagnie des Bassins houillers ou à la Société générale d'exploitation.

Etrangers aux combinaisons aventureuses de M. Philippart, sans action sur les résolutions des conseils d'administration de sociétés dans lesquels ils avaient eu confiance, les porteurs d'obligations devenaient les premières, les seules victimes de la lutte qui allait détruire, en grande partie, le gage de ces obligations. Cette pensée fut décisive dans mon esprit, comme dans celui de mes collègues, et il fut convenu que je chercherais une combinaison qui, même au prix de certains sacrifices, pût concilier les intérêts si considérables engagés dans cette affaire et ces intérêts privés, dont on nous accuse aujourd'hui, sans raison et sans droit, d'avoir déserté la défense. Les négociations furent longues et difficiles. Elles aboutirent à la convention du 25 avril.

L'impression qu'elle produisit dans le monde financier, et qui fut reflétée par la presse, était que la convention était trop favorable aux intérêts de l'Etat. L'examen qu'en firent la Chambre et le Sénat démontra à ceux qui étudièrent attentivement la convention qu'elle avait, comme je le disais tout à l'heure, cet avantage considérable de concilier tous les intérêts qui s'y trouvaient engagés.

Pour l'Etat, la compagnie des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation, comme aussi pour les diverses parties du pays, desservies par les 1,200 kilomètres de chemins de fer qui formaient l'objet de la convention, elle avait des avantages communs considérables sur lesquels il est inutile que je m'appesantisse. Ils résultaient, en effet, de l'unité et de l'harmonie d'exploitation succédant à une lutte dont l'imminence et le danger croissaient chaque jour.

La société des Bassins houillers voyait, en outre, son crédit affermi ; (page 387)

elle pouvait espérer de trouver les ressources nécessaires pour réaliser les concessions restées jusque-là inertes entre ses mains, faute des capitaux nécessaires à l'exécution de ses engagements.

Les obligataires y trouvaient, à leur tour, des avantages aussi considérables. Il importe, pour bien les comprendre, de déterminer quelle était leur situation au 25 avril.

La création de la société des Bassins houillers et les contrats d'exploitation qui fusionnèrent un grand nombre de lignes sous son patronage eurent, il faut le reconnaître, une influence favorable sur les valeurs émises par les sociétés qui avaient construit ces lignes.

Plusieurs de ces titres étaient alors frappés d'un discrédit dont témoigne la cote officielle de la Bourse. Je n'ai pas à rappeler ici les tristes et nombreuses fluctuations que ces valeurs subirent.

Je n'entends pas non plus, à cette heure, discuter les causes de ce discrédit.

On a cherché à faire diversion aux légitimes préoccupations des intéressés en leur montrant cette cause soit dans le tarif des chemins de fer de l'Etat, soit dans la concession de lignes inutiles ou parasites.

Nous ne fuirons pas plus ce débat que nous n'avons déserté celui qui s'engage. On verra alors l'inanité des accusations que l'on a cherché à faire peser sur nous.

Mais je pense que cette discussion serait inopportune. Je me borne à indiquer les faits, à préciser les situations.

- M. de Naeyer remplace M. Vilain XIIII au fauteuil.

M. Jamarµ. - A partir du moment où les lignes furent exploitées par la Société générale, leur situation s'améliora d'une manière sensible, mais la crainte d'une lutte entre la société des Bassins houillers et l'Etat rendait précaire les valeurs attribuées à ces titres.

La convention du 25 avril fit disparaître ces préoccupations avec la possibilité d'un conflit et, dès lors, la situation des porteurs d'obligations fut nettement déterminée.

ii y avait, à la vérité, une différence entre le produit du prélèvement de 7,000 francs par kilomètre et le montant des engagements pris par la société des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation, mais plusieurs moyens s'offraient de combler cette différence.

Une conversion d'abord faciles opérer. Il s'agissait d'offrir aux porteurs d'obligations le remboursement de leurs titres avec une prime de 15 à 20 francs sur la cote du 25 avril. C'était la pensée des administrateurs avec lesquels je négociais. Des pourparlers étaient engagés, me disait-on, avec plusieurs établissements financiers de France pour trouver les ressources nécessaires à la réalisation de cette opération, qui sauvegardait d'une manière complète les intérêts des obligataires.

On pouvait en outre opérer la conversion en transférant une certaine quotité des prélèvements aux sociétés bailleresses, en laissant à ces compagnies le soin de la répartir entre les porteurs de leurs valeurs.

Si ces deux modes n'aboutissaient pas, il restait à la compagnie des Bassins houillers à faire, pendant un certain nombre d'années, l'application à l’exécution de ses engagements d'autres ressources, parmi lesquelles figurait, en première ligne, le matériel que l'on propose si inconsidérément de capitaliser aujourd'hui jusqu'au moment où la progression de ces prélèvements kilométriques constituerait une ressource qui pût suffire seule à l'accomplissement des obligations de toute nature qu'elle avait contractées.

Voilà, messieurs, les seuls plans dont nous ayons reçu la confidence et nous y applaudissions, car, exécutée dans ces conditions, la convention du 25 avril faisait aux porteurs d'obligations une situation très favorable.

La compagnie des Bassins houillers y trouvait, de son côté, un profit assuré dans le bénéfice qu'elle ne pouvait manquer de trouver dans la construction de lignes nouvelles. Enfin, un avenir peu éloigné peut-être lui eût assuré une situation fort belle lorsque le prélèvement par kilomètre aurait atteint onze mille francs.

Mais cette situation devait être la rémunération non seulement des efforts et des combinaisons qui avaient amené la convention du 25 avril ; mais surtout des sacrifices que la compagnie des Bassins houillers devait s'imposer pendant quatre ou cinq années pour remplir les obligations qu'elle avait contractées vis-à-vis des sociétés bailleresses.

Si, au contraire, la société des Bassins houillers ne pouvait trouver les 15 ou 20 millions qui lui étaient nécessaires pendant quelques années, elle devenait un intermédiaire parasite entre les sociétés qui avaient construit les lignes et l'Etat qui avait la charge de les exploiter. Dès lors, cette part considérable de bénéfice devenait injustifiable.

Au reste, messieurs, chaque fois que l'on s'est adressé au gouvernement, soit pour lui proposer d'affermer ses chemins de fer, soit pour lui céder l'exploitation du réseau de la Société générale d'exploitation, on nous a toujours indiqué l'intervention de tiers d'une solvabilité indiscutable comme devant fournir à la compagnie des Bassins houillers les moyens, de faire face aux sacrifices reconnus nécessaires dans l'une et l'autre combinaison.

Mais, à mon grand regret, au lieu d'une solution propre à établir l'harmonie entre tous ces intérêts, on est venu jeter le trouble et la défiance dans l'esprit des porteurs d'obligations.

On a constitué une caisse d'annuités dans laquelle les intéressés ont vu l'instrument à l'aide, duquel on allait tenter ce qu'ils considéraient comme une spoliation audacieuse. Et que l'honorable ministre des finances me permette de le lui dire, il s'est trompé en supposant qu'en dehors de la caisse d'annuités il se soit trouvé un établissement financier belge ou étranger disposé à traiter des prélèvements, que menaçaient à tant de titres de légitimes revendications, sans stipuler des garanties sérieuses en faveur de ceux qui pouvaient élever ces revendications. La réalisation dans d'autres conditions que par la caisse d'annuités était donc absolument impossible.

Mais, dit-on, il fallait rendre cette réalisation plus impossible encore en vous opposant aux transferts, au lieu de les faciliter.

Ceux qui tiennent ce langage ne se sont peut-être pas enquis de l'importance des droits d'enregistrement dont la convention consacrait l'exemption.

Le droit fixe est de 1 franc seulement avec 30 centimes additionnels et ceux qui savent comment s'opèrent certaines réalisations, les profits considérables qu'elles laissent aux mains de certains intermédiaires seront convaincus avec moi que ces frais d'enregistrement n'auraient été qu'une barrière inefficace contre les projets qu'on a tenté de réaliser.

Mais j'affirme que ce droit de transférer était une condition me p4 non des négociations. Ces facilités de transfert étaient, en outre, une nécessité impérieuse ; on savait à l'avance qu'il n'eût pas été possible de traiter avec la compagnie du Nord pour le chemin de fer de Saint-Ghislain, avec la Société du Haut et Bas-Flénu sans transférer à ces compagnies une quotité du prélèvement équivalente au prix du bail qu'elles avaient consenti.

On savait d'avance, en outre, qu'on n'aurait jamais trouvé les capitaux nécessaires pour la construction des lignes nouvelles si on n'avait trouvé le placement des annuités afférentes à ces lignes.

J'appelle sur ce point toute l'attention de la Chambre, non seulement ces prévisions se sont réalisées ; non seulement on a fait des transferts au profit de la Société du Haut et Bas Flénu, maison en a consenti au profit des porteurs d'obligations de Baume à Marchienne, de la première série d'obligations des chemins de fer de l'Ouest de la Belgique, et au profit de la société des chemins de fer de la Jonction de l'Est.

C'est là l'usage loyal de l'article 59 de la convention du 25 avril ; quant à l'usage déloyal qu'on pourrait tenter d'en faire, les intéressés trouveront une protection qui ne leur fera pas défaut : celle des tribunaux !

Dans la lettre publiée à la page 25 de la brochure qui vous a été distribuée hier, l'administrateur délégué de la société des Bassins houillers du Hainaut fait, des négociations auxquelles a donné lieu la rédaction de l'article 59 de la convention, un historique qui a le tort grave d'être complètement inexact.

Mon honorable ami, M. Frère-Orban, qui, en sa qualité de chef du département des finances, s'est plus particulièrement occupé de cette question, rétablira les faits dans leur vérité et l'on verra ce que valent les allégations émises dans cette correspondance.

Il n'est qu'un seul point que je veuille rencontrer ici pour montrer devant quelles audacieuses assertions l'on n'a point reculé.

En terminant cette lettre, M. l'administrateur de la société des Bassins houillers ne craint pas de dire :

« Nous vous dirons encore à cette occasion, si vous désirez les connaître, bien d'autres choses intéressantes et nous vous expliquerons à quelles causes politiques était due la promptitude que met le ministère, à opérer la reprise des lignes de notre réseau. Vous regretterez, peut-être, après toutes ces explications, la légèreté de vos insinuations. »

Or, messieurs, voici deux lettres d'administrateurs des Bassins houillers qui vous édifieront sur la promptitude mise par le ministère à conclure la convention du 25 avril.

Le 23 février, un administrateur m'écrivait :

« Je ne vous cache pas que je suis pressé très vivement et qu'il me serait très agréable d'avoir, lundi, une appréciation sérieuse et, si possible, une offre de solution. »

Enfin, le 6 avril, M. Philippart lui-même me mettait en demeure de me prononcer définitivement sous peine d'être dégagé vis-à-vis de moi.

(page 388) « M. Gendebien, m'écrivait-il, aura l'honneur de se présenter à votre audience samedi malin pour savoir si le conseil des ministres accepte les bases essentielles.

« Dans l'affirmative, la compagnie des Bassins houillers restera engagée sur ces bases jusqu'au samedi suivant pour permettre la rédaction d'une convention définitive.

« S'il n'a pas été possible au conseil des ministres de statuer, nous ne considérerons pas les négociations comme rompues, mais la compagnie des Bassins houillers se regardera comme libre de donner suite à des négociations financières entamées depuis longtemps et demeurées en suspens depuis un mois. »

Et l'auteur de cette lettre ose prétendre, messieurs, que c'était nous qui exercions une pression sur lui pour le déterminer à traiter plus promptement !

Voilà, messieurs, par quels tristes, par quels honteux moyens on cherche à énerver à l'avance nos justes critiques en les représentant comme dictées par la passion politique.

Les combinaisons financières et économiques de M. l'administrateur délégué des Bassins houillers n'ont rien à faire avec la politique. La politique, messieurs, c'est votre domaine ; celui des convictions loyales et profondes, de ces luttes ardentes dans lesquelles nous ne cherchons, par le triomphe de nos principes et de nos idées, qu'à assurer la prospérité du pays. Mais sur ce terrain, les financiers de l'école de M. Philippart ne sauraient se complaire.

Il me reste, messieurs, un mot à dire de la lettre qui sert d'introduction à la brochure distribuée hier.

Je vous ai montré quelle était la portée vraie de l'article 59 de la convention du 25 avril. Mon honorable ami, M. Frère-Orban, complétera cette démonstration.

Quant à ce que dit M. Philippart de l'article 10 de la convention et de ce qu'il appelle la question des dix-huit millions, je n'ai qu'un mot à répondre : C'est un tissu d'assertions mensongères et calomnieuses.

Les conséquences de la convention du 25 avril pouvaient être très graves, soit au point de vue du trésor public, soit au point de vue de l'avenir de l'exploitation de nos chemins de fer.

Aussi, après avoir chargé quelques-uns des principaux fonctionnaires du département des travaux publics de suivre ces négociations, je les priai de rédiger un rapport complet destiné à mettre sous les yeux du conseil des ministres, avec les phases de ces négociations, les considérations de toute nature qui pouvaient engager l'Etat à conclure cette convention.

Voici comment s'exprime le rapport sur la valeur du matériel :

« Le matériel roulant, l'outillage, le matériel mobile et le mobilier à reprendre peuvent être évalués, d'après la société, à 18 millions environ. »

Ce rapport est signé par MM. Van der Sweep, inspecteur général de l'exploitation, Dédier, Belpaire et Mongenast, directeurs des voies et travaux, de la traction et du matériel et de l'exploitation.

Ce sont non seulement quatre fonctionnaires d'un mérite hors ligne, mais ce sont encore des hommes d'honneur, dont le témoignage n'a jamais été suspecté. Aussi, je le dis sans crainte : entre leurs affirmations et l'assertion de M. l'administrateur délégué de la société des Bassins houillers, il ne s'élèvera pas l'ombre d'un doute dans l'esprit de personne.

Je crois avoir prouvé, messieurs, aux membres qui siègent dans cette enceinte depuis le 2 août dernier, quel est le véritable caractère de la convention du 25 avril.

Pour les autres, mes explications étaient inutiles : ils avaient la conscience, comme je l'ai moi-même, de n'avoir prêté leur concours qu'à un acte irréprochable, au point de vue des droits et des intérêts des tiers, à un acte favorable à l'Etat, avantageux à l'industrie et au commerce.

J'ai prouvé également que cette convention n'avait aucun lien avec la caisse des annuités, dont elle ne rendait pas la création nécessaire.

La création de cette caisse a été une faute ; la capitalisation des annuités serait une faute plus grave encore, à mon sens. Ne l'envisageant qu'au point de vue du profit que le gouvernement pouvait en retirer, les fonctionnaires du département des travaux publics pensaient que le payement au comptant était le mode le plus favorable aux intérêts de l'Etat.

Nous ne nous sommes pas ralliés à cette opinion, guidés en cela par deux considérations importantes toutes deux.

La première, c'était la préoccupation des droits que pouvaient avoir les sociétés, non seulement sur le matériel cédé, mais sur celui construit en renouvellement et en extension de ce matériel, droits dont la nature est, du reste, définie dans certains contrats dont vous avez connaissance et qui ont été passés entre la société des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation.

La seconde considération, c'était qu'en présence des engagements considérables pris envers l'Etat par la compagnie des Bassins houillers, il y avait un intérêt important à garder par devers soi des garanties pour l'exécution complète de ces engagements.

L'honorable M. Jacobs, quand il dirigeait le département des travaux publics, a pensé comme nous. Usant de ce droit d'option dont il semblait, à l'entendre dans une de nos dernières séances, que le gouvernement n'avait pas fait usage, il a déclaré à la société des Bassins houillers que le gouvernement entendait payer le matériel par annuités.

C'est à cette résolution que je convie l'honorable ministre à revenir. Qu'arriverait-il, en effet, si, après avoir payé une première fois ce matériel à la compagnie des Bassins houillers, les tribunaux déclaraient que c'est indûment que ce payement a été fait ? Cette éventualité, messieurs, n'a rien d'improbable et il suffit qu'elle existe pour que la Chambre ne veuille point faire courir de pareilles aventures au trésor public.

Ceux d'entre vous, messieurs, qui ont examiné attentivement les documents déposés par le gouvernement sur le bureau de la Chambre auront vu avec un certain étonnement que la société des Bassins houillers du Hainaut cède à l'Etat, avec les 600 kilomètres repris au 1er janvier, pour 28,000,000 de matériel, alors qu'elle n'en garde que pour 5,000,000 pour l'exploitation des 400 kilomètres qu'elle se réserve. Cette proportion ou plutôt cette absence de proportion que je signale à l'honorable ministre des travaux publics, qui a la police des chemins de fer concédés dans ses attributions, indique nettement de quelles convoitises le trésor public est l'objet. Mais j'ai la confiance que la Chambre ne se décidera pas à prêter son concours à des combinaisons financières dont le débat qui commence ne manquera pas de démontrer la moralité et le caractère.

MpdeNaeyerµ. - Il n'y a plus d'orateurs inscrits ; si personne ne demande la parole, je devrai clore la discussion générale.

M. Frère-Orbanµ. - Je suis disposé, M. le président, à parler immédiatement, mais ce sera évidemment dans le même sens que mon honorable collègue qui vient de se rasseoir. Je demande donc si le gouvernement n'a lui-même rien à répondre aux observations qui viennent d'être présentées. Je pourrai alors prendre la parole à mon tour.

MfJµ. - On a annoncé, messieurs, que le discours de M. Frère-Orban serait le complément du discours de l'honorable M. Jamar. M. Tesch a déclaré également qu'il présenterait plusieurs interpellations. On comprendra donc que je ne prenne pas immédiatement la parole, mais que j'attende, pour répondre collectivement aux différentes observations qui auront été présentées.

M. Frère-Orbanµ. - On a eu tort, messieurs, d'essayer de faire de la question qui nous est actuellement soumise une question politique. C'est par un esprit d'opposition que nous agissons. Nous eussions fait ce que le ministère actuel a fait si nous avions continué à occuper le banc ministériel. C'est là, messieurs, un thème commode dont on a souvent usé et dont on s'est même parfois assez mal trouvé, je pense, mais il a, dans les circonstances actuelles, un grand défaut : c'est que nous venons soutenir, à la place que nous occupons aujourd'hui, ce que nous avons soutenu lorsque nous étions au banc ministériel ; mais, en ces matières, il y a des cécités volontaires ; il est très facile de dire : Vous avez le regret de n'être plus ministre ; ce n'est pas l'intérêt de la chose publique qui vous inspire ; ce n'est pas le sujet même que vous discutez en réalité ; ce sont des arrière-pensées qui dictent vos paroles.

Cependant, comme nous avons, cette fois, des actes à invoquer pour nous défendre ; comme nous pouvons invoquer ce que nous avons fait, ce que nous avons voulu, ce que nous avons voulu persévéramment, d'une manière énergique et inébranlable contre des projets condamnables, peut-être pouvons-nous espérer de faire tomber les préventions. Si je parviens à vous démontrer que nous sommes conséquents avec tous nos actes antérieurs, j'espère que j'aurai ainsi fait disparaître ce prétexte à certains votes : c'est une question politique.

Messieurs, vous le savez, un certain nombre de sociétés se sont constituées pour exploiter des lignes de chemins de fer. On a créé dans ce but une société dite : Société anonyme des chemins de fer ; on a créé la société des Bassins houillers, pour exploiter et construire, puis enfin, greffée sur le tout, la Société générale d'exploitation.

Dans l'origine, ces sociétés, qui semblaient sagement conduites, se proposaient, avant tout, de réunir des exploitations morcelées, espérant en (page 389) diminuer les frais. Mais bientôt la direction qui leur fut imprimée suscita des inquiétudes et des défiances.

On annonça aussi successivement de vastes projets. Il s'agissait d'organiser une concurrence aux chemins de fer de l'Etat ; il s'agissait de faire passer dans les caisses de ces sociétés, à l'aide de combinaisons plus ou moins adroites, plus ou moins habiles, les revenus ou une partie des menus des chemins de fer de l'Etat.

Je n'ai, pour ma part, jamais été ému de ces projets annoncés à son de trompe. J'ai toujours été parfaitement convaincu qu'ayant à lutter contre l'exploitation de l'Etat, les projets de ces compagnies ne sauraient pas se réaliser. En effet, après une expérience d'assez courte durée, nous fûmes suffisamment convaincus que ces compagnies étaient aux abois.

La compagnie des Bassins houillers, qui avait obtenu des concessions considérables, se trouvait dans l'impuissance de les exécuter.

Elle était sous le coup de déchéances qui, prononcées, eussent été sa ruine. Nous avons donc tenu en nos mains, à ce moment, le sort de la société des Bassins houillers. Il a dépendu de nous de le décider par un simple acte qu'il était dans notre droit et qu'il était peut-être, dans notre devoir d'exécuter à raison des intérêts des populations qui étaient engagés dans la création de ces chemins de fer.

Mais l'acte n'eût pas été sans gravité ; il pouvait avoir des conséquences, qui nous préoccupaient, non pour les Bassins houillers qui ne nous auraient pas arrêtés, mais pour d'autres intérêts qui s'y rattachaient. C'est pourquoi nous avons pris sous notre responsabilité d'accorder des délais et des atermoiements successifs. Des délais étaient en effet, disait-on, tout ce que pouvait réclamer la société des Bassins houillers et grâce à ces délais, elle aurait pu parfaitement remplir ses engagements.

Il n'en fut précisément pas ainsi : elle continuait à s'exécuter péniblement. C'est alors qu'une grande campagne fut entreprise dans la presse pour démontrer les graves inconvénients qui résultaient d'un grand nombre d'exploitations différentes de chemins de fer, d'où l'on concluait qu'il était indispensable que l'Etat remît ses chemins de fer aux compagnies. Il y avait là des compagnies toutes prêtes qui les auraient achetés et en auraient tiré bon parti, surtout dans l'intérêt public. C'est ce qu'on essaya de démontrer dans de nombreux articles publiés par de nombreux journaux. M. le ministre des travaux publics a soufflé sur ce rêve, en déclarant qu'on n'aliénerait pas les chemins de fer de l'Etat.

Qu'arriva-t-il alors ? La chose la plus simple et la moins inattendue. Puisque, nous dit-on, vous ne voulez pas céder les chemins de fer de l'Etat, ne voudriez-vous pas reprendre ceux des compagnies ?

Un avocat, membre en ce temps-là de cette Chambre, et qui était chargé des intérêts de ces compagnies me fit des ouvertures à cet égard ; il exposa l'intérêt qui semblait commander que les chemins de fer de la Société générale d'exploitation fussent repris par l'Etat.

Voici, messieurs, quelles auraient été les conditions de cette reprise suivant une note qui ne fut remise sous la date du 16 décembre 1869 :

« 1° Reprise immédiate par l'Etat moyennant 50 p. c. de la recette brute ;

« 2° Droit pour l'Etat de racheter en tout temps le réseau de la Société générale moyennant une rente de 13,000 francs par kilomètre et par an ;

« 3° Affectation de la part appartenant à la société dans les recettes.

« La société, en traitant avec l'Etat pour l'exploitation et éventuellement pour la cession de son réseau, doit nécessairement fixer sa position vis-à-vis des tiers, c'est-à-dire qu'elle doit régler le service des obligations et rentes dont elle s'est chargée pour la plupart de ces lignes envers les concessionnaires primitifs ou leurs ayants cause ou qui résultent de la construction par la société elle-même de ses autres lignes. Le montant en représente aujourd'hui 11,000 francs par kilomètre, qui ne sera plus dépassé et au payement duquel la société affecte en premier ordre les 50 p. c. de la recette brute qui lui appartiennent.

« L'Etat, contre due garantie, accepterait cette affectation. En conséquence, il ferait pour la Société générale, et à valoir sur les 50 p. c. de la recette à elle attribués, le service de l'intérêt et amortissement des obligations dont la Société générale s'est chargée et des rentes dues par elle, le tout à concurrence de 11,000 fr. par kilomètre.

« Pour couvrir l'Etat de cette charge, qui suppose une recette brute de 22,000 francs par kilomètre, l’Etat recevrait la garantie d'un minimum de recette brute dans les conditions du minimum qu'il garantit lui-même à certaines lignes. A cet effet, la Société générale garantirait à l'Etat pendant un terme d'exploitation à convenir et elle lui ferait garantir de même par des tiers d'une solvabilité suffisante, un minimum de recette pour son réseau à concurrence dudit chiffre de 22,000 francs par kilomètre, de telle façon que si ce chiffre n'était pas atteint, la différence serait versée dans les caisses de l'Etat par la Société générale et les garants, en conformité des comptes provisoires arrêtés semestriellement de commun accord et des, comptes définitifs arrêtés au 31 décembre de chaque année.

« L'exécution de ce service des obligations et rentes serait réglée par le traité, la Société générale et ses garants se réservant la faculté soit de les représenter par des titres spéciaux à créer et à échanger contre les titres actuels, soit d'apposer sur ceux-ci une mention qui les distingue, échange on mention à faire par les garants.

« On voit que par ces stipulations l'Etat est garanti, d'une part, qu'il sera remboursé semestriellement de toute avance qu'il aura faite par suite de l'insuffisance des 50 p. c. dévolus à la société et qu'il est garanti, d'autre part, contre toute chance de voir l'exploitation qu'il reprend des lignes concédées, compromettre le boni par lequel solde aujourd'hui l'exploitation de son propre réseau.

« Il est vrai que cette double garantie sera limitée au terme présumé de l'abaissement anomal qu'éprouve la moyenne kilométrique des recettes du réseau de la société par l'effet de la récente mise en exploitation des lignes nouvelles ; mais le chiffre à atteindre, qui n'est que de 22,000 francs, tandis que l'Etat fait plus de 48,000 francs, et le progrès économique que l'Etat réalise dans son exploitation, doivent faire admettre qu'après la période transitoire, les chances de perte n'existeront plus, tandis qu'au moyen du rachat qui lui est assuré d'une manière irrévocable, c'est l'Etat qui a seul toutes les chances de bénéfice de l'avenir. »

Messieurs, après que j'eus donné quelques explications verbales à la personne qui me faisait ces communications, on insista pour avoir une note écrite exposant sommairement les raisons que j'avais données de vive voix.

Je fis cette note.

Après avoir donné quelques indications de nature à établir que la proposition semblait, au premier abord, peu justifiée, après avoir établi que la recette nette accusée par les publications de la compagnie n'excédait pas 7,416 francs par kilomètre, bien que les dépenses fussent réduites à leur plus simple expression et ne comprenaient que d'une manière tout à fait insuffisante ce qui était nécessaire à la réfection de la voie et au renouvellement du matériel roulant, je terminais par des considérations qui vont montrer dans quel esprit le gouvernement croyait pouvoir agir en cette circonstance.

« Quoi qu'il en soit, disais-je, il y a de ce chef un examen à faire pour lequel les éléments font complètement défaut.

« D'un autre côté, il serait impossible, à l'aide des moyens d'appréciation que l'on possède, d'indiquer quelles seraient les conséquences financières de l'exploitation du réseau de la Société générale par l'Etat aux conditions que l'on propose.

« Si l'Etat reprenait cette exploitation, quelles que fussent les conditions stipulées entre lui et la société, il assumerait des obligations dont il doit avant tout mesurer l'étendue.

« L'Etat n'est pas dans la condition d'une simple compagnie. Il n'a pas à envisager seulement le côté strictement légal, mais aussi le côté moral qui naît de ses engagements.

« En se chargeant de l'exploitation, il doit prévoir, si les résultats ne répondaient pas à l'attente des tiers intéressés, qu'il sera l'objet de plaintes auxquelles il échappera d'autant plus difficilement, que ces résultats seront imputés, non à la situation propre des affaires et aux engagements précédemment contractés, mais au mode d'exploitation ou aux tarifs adoptés par l'Etat.

« Il importe donc, avant tout, de connaître d'une manière exacte tous les traités, sans exception, qui lient la Société générale d'exploitation quant au réseau que l'on offre de remettre à l'Etat. »

On ne mit, messieurs, aucun empressement à communiquer les documents que nous réclamions.

Cette hésitation nous était déjà quelque peu suspecte. Elle l'était, d'autant plus, que l'on nous donnait pour raison qu'il y avait des contrats qui n'avaient pas été enregistrés, que l'on craignait qu'il n'y eût des droits à payer et d'autres motifs de ce genre qui n'avaient aucune espèce de fondement.

Un jour, messieurs, l'administrateur délégué des Bassins houillers se présenta à mon cabinet.

Je ne le connaissais point. Je le voyais pour la première fois, et après une seconde visite, dont je parlerai tout à l'heure, je ne l'ai plus revu. Je tiens à le constater dès ce moment. Je rappellerai le fait dans le cours de la discussion.

Il me parla des communications réclamées, mais il sembla n'avoir pas (page 390) autorisé les ouvertures qui m'avaient été faites. C'est ce que je dus inférer de son langage.

Je lui dis que dès lors toute conversion devait cesser, puisque le gouvernement n'avait pris aucune initiative et ne voulait pas en prendre à ce sujet.

Dans une seconde visite, il me déclara qu'il n'était pas opposé à la production des pièces, mais que tout au moins il faudrait que l'on sût si le gouvernement n'était pas opposé, en principe, à la reprise des lignes que tenait la Société générale d'exploitation. Je répondis que tout dépendait des conditions ; que celles qui m'avaient été soumises ne paraissaient pas acceptables ; mais que s'il voulait faire d'autres propositions, il devait s'adresser au département des travaux publics ; que, quant à moi, je n'avais pas à m'en occuper davantage. A la suite de cette conversation, M. l'administrateur délégué se rendit, en effet, au département des travaux publics, où s'ouvrirent les négociations qui ont abouti à la convention du 25 avril dernier.

Les documents réclamés n'ont été remis à mon collègue qu'à la date du 23 février. Ils nous donnaient de plus en plus la conviction que nous devions agir avec la plus grande circonspection, car les engagements qui avaient été pris étaient manifestement téméraires ; il était impossible d'y faire face, avec le produit des lignes et l'on semblait s'être prémuni contre des éventualités fâcheuses pour la compagnie par une stipulation des plus étranges, des plus extraordinaires, à savoir, que si la Société d'exploitation arrivait à ne pas tenir ses engagements, on s'interdisait le droit de la faire déclarer en état de faillite. C'est, semble-t-il, un bien grand excès de prévoyance.

Le produit était insuffisant pour la seule charge des obligations. Le réseau était de 900 kilomètres environ ; la recette nette de 7,416 francs par kilomètre ; la charge de 11,000 francs par kilomètre.

Mais ce n'était pas tout.

Les frais d'exploitation, au dire des hommes compétents dont j'ai vu les travaux, ces frais d'exploitation étaient insuffisants ; on exploitait, il est vrai, un certain nombre de lignes nouvelles ; on exploitait avec un trafic qui n'était pas encore suffisamment développé ; mais il n'était pas douteux qu'en appliquant à la réfection des voies, à l'entretien et au développement du matériel les sommes nécessaires, ces frais devaient s'accroître dans une notable proportion.

Au point de vue de la reprise, les résultats, tels qu'ils étaient accusés, devaient s'amoindrir encore, si l'on considère qu'il fallait y ajouter le montant des intérêts du capital qu'il aurait fallu affecter à l'achat du matériel.

Ces différents éléments, venant accroître les charges de l'exploitation, auraient constitué l'Etat en perte de sommes énormes pour l'exploitation de ce réseau. Il ne pouvait venir sérieusement à l'idée de personne, si ce n'est des compagnies, de charger l'Etat de payer les dettes de celles-ci.

Il est vrai qu'on disait : La compagnie garantira. Mais elle ne présentait elle-même aucune garantie sérieuse sous ce rapport ; et elle le sentait si bien qu'elle offrait de se faire cautionner par des tiers d'une solvabilité reconnue. Inutile de dire que des tiers, d'une solvabilité suffisante pour répondre d'un pareil contrat, étaient introuvables. Où étaient les tiers disposés à payer éventuellement des millions à la décharge de la compagnie ?

Dans le cours des négociations, cette proposition première a été successivement modifiée ; elle a été ramenée à 10,000 francs par kilomètre ; mais toujours sur la même base, sur le même principe. Cela ne pouvait pas être admis et a été repoussé.

Nous fûmes, messieurs, sur tous ces points, unanimes dans le sein du conseil des ministres, comme la Chambre, si nous avions eu la folie de faire un pareil contrat, aurait été unanime pour le rejeter. Nous admîmes comme base des négociations ce principe, et je vous prie, messieurs, d'y prêter quelque attention : point de quotité fixe, point de quotité garantie ; simple prélèvement sur la recette brute. C'était une mesure de prudence assurément très légitime au point de vue de nos finances.

S'engager, pour un réseau aussi vaste, à reprendre l'exploitation à raison d une rente fixe, c'était, en cas de crise industrielle, commerciale ou politique, assumer des charges extrêmement considérables.

En donnant une quotité de recette brute, la position était tout autre, quels que fussent les événements. La fixité ne pouvait être admise que dans l'hypothèse où, par suite de l'expérience acquise, on aurait bien constaté quel était le revenu possible de ces lignes, et qu'il était parvenu à un chiffre tel, qu'il ne pût plus être question pour l'Etat que de subir éventuellement une réduction de bénéfice et non pas d'essuyer une perte.

C'est sur cette base principale, émanée de nous, que les négociations ont été poursuivies. L'accord était très difficile à établir. La société était pressée et pressante, comme le constate la lettre de l'un des administrateurs à la date du 23 février, - lettre qu'il allait oublier lorsqu'il a jugé à propos, plus tard, dans un intérêt que vous aurez à apprécier, de nous accuser d'avoir élaboré et d'avoir fait voter à la hâte la convention dans des vues politiques.

Il résulte, en effet, des pièces déposées sur le bureau de la Chambre qu'un mois après cette date du 23 février où l'on nous pressait d'en finir, nous étions loin d'être d'accord.

De nouvelles propositions nous furent, en effet, transmises au nom des Bassins houillers, à la date du 22 mars. Voici, messieurs, ce qu'on remarque dans ces propositions :

Quant au matériel, si la reprise est opérée au prix de l'inventaire figurant à l'actif de la Société d'exploitation, l'Etat payerait en ce cas une rente de 4 p. c.

Si l'Etat veut reprendre, au contraire, le matériel à dire d'experts, il payera 5 p. c. de la valeur expertisée.

Quant aux lignes, on demandait une rente annuelle de 7,000 francs. « Ce chiffre, disait-on expressément, sera garanti comme minimum ; puis l'Etat prélèvera 11,000 francs. »

Venait ensuite une stipulation d'une grande importance, indiquant ce que cherchait toujours à obtenir la société des Bassins houillers et ce qui toujours a été refusé dans le cours des négociations. cette stipulation était ainsi conçue :

« La rente à payer pour le matériel et la rente annuelle de 7,000 francs par kilomètre, dont il est question ci-dessus, seront représentées par des titres de rente au porteur, divisés en coupures au choix de la compagnie des Bassins houillers. »

Messieurs, dans une brochure qui vous a été distribuée ce matin, au nom de cette même compagnie des Bassins houillers, il est écrit, pour justifier la proposition qui est faite aujourd'hui et qu'il s'agit de vous amener à voter, il est écrit, page 5 :

« Quant au matériel, dans toutes les bases de négociations, il était (erratum, p. 397) pr&alablement admis que celui-ci serait acheté et payé comptant par l'Etat. »

Page 11. « Ainsi que nous l'avons dit précédemment, toutes les bases de négociations, avec ou sans annuité, présupposaient le rachat du matériel par l'Etat et son payement au comptant, et il n'est jamais venu à la pensée d'aucun négociateur de contester en quoi que ce fût aux sociétés des Bassins houillers et d'exploitation la légitime propriété du matériel. Et cependant tous nos contrats se trouvaient dans les mains de M. Jamar.

« La proposition de payer le matériel par une annuité est venue de nous et non pas du gouvernement. Nous l'avons faite quand il a été question de créer des titres en représentation des annuités kilométriques. »

Voilà qui est bien clair ; mais vous savez déjà que l'idée d'avoir des titres est tout entière dans la note du 16 décembre 1869, et vous allez juger, par ce que je vais mettre sous vos yeux, du procédé de gens qui osent écrire, affirmer et signer de leurs noms que toutes les bases de négociations présupposaient le rachat du matériel et son payement au comptant, ce qui doit nécessairement déterminer à voter le projet de loi.

Voici ce qui se trouve dans les propositions du 16 décembre 1869, celles qui m'ont été remises par une personne, alors membre de la Chambre, par un avocat chargé des intérêts de la société :

« Le matériel de la société, les approvisionnements, ateliers, etc., etc., seront repris par l'Etat sur une estimation contradictoire et le payement pourra s'en faire sur le pied, par exemple, de 5 p. c. d'intérêt et d'un amortissement en 70 ans ; sur le même pied de remboursement, la société pourrait s'obliger à faire à ses lignes actuelles les compléments d'installation que le gouvernement désirerait à concurrence de 25 millions de francs. »

En effet, nous avons affaire à des personnages qui nagent dans les millions ; ils ont, au besoin, 25 millions à mettre à la disposition du gouvernement pour le parachèvement des voies de la compagnie...

Ainsi vous voyez, messieurs, comment il est vrai que cette proposition de payer une annuité pour le matériel n'est venue qu'au jour où il s'est agi de créer des titres en représentation des annuités ! Nous trouvons, au contraire, cette proposition dans la note du 16 décembre 1869, comme nous la retrouvons dans la lettre du 22 mars 1870.

Quoi qu'il en soit, messieurs, il importe de bien préciser ici ce que la compagnie voulait ; elle voulait donc clairement une rente de 7,000 francs, une somme fixe, une somme garantie, et non un prélèvement sur la recette brute.

(page 391) Elle voulait des titres représentatifs de cette rente. Or, évidemment tout cela lui a été refusé. Cela est clair comme le jour. Le gouvernement ne voulait à aucun prix consentir à donner une rente fixe ; le gouvernement voulait uniquement consentir à un prélèvement sur la recette brute, laissant ainsi la chance à ceux avec qui il traitait de ne recevoir, si les événements l'exigeaient, que la quotité que l'Etat lui-même aurait reçue. Et, en conséquence de cela, le mot « rente », qui se trouvait dans les avant-projets, a été rayé et remplacé par ceci : » Sur le montant de la recette brute, il sera prélevé, au profit de la société, une somme annuelle de 7,000 francs par kilomètre... » (Article 41 de la convention.)

La Société des Bassins houillers s'est alors rejetée, n'ayant pu obtenir de titres directs, sur la constitution d'une société qui capitaliserait les annuités et émettrait des titres qui en seraient la représentation.

Elle voulait par là échapper à l'une des objections qui lui étaient faites et qui, à part toute autre considération, était fondamentale, c'est qu'il était absolument impossible de consentir à l'émission de titres, pour un objet qui n'était pas certain, qui pouvait, qui devait varier. Elle voulait constituer une caisse d'annuités, une société quelconque, car le nom n'était pas même trouvé, qui capitaliserait les redevances et, émettant des titres en conséquence, répondrait de la différence éventuelle entre les titres délivrés et les annuités qui lui seraient payées par l'Etat.

De là la nécessité, dans ce système, d'un intermédiaire à qui les annuités seraient transférées et qui émettrait des titres en représentation des valeurs transférées.

Il n'en pouvait être autrement dès que l'on n'accordait qu'un prélèvement sur une recette éventuelle et non une rente ; que rien n'était fixe, que rien n'était garanti.

Or, tous les actes, sont formels à cet égard. Mais le refus du gouvernement de stipuler une rente, de donner quelque chose de fixe et de déterminé n'a pas empêché la société des Bassins houillers, au lendemain du contrat, de faire imprimer dans les journaux et de signer de son nom des choses telles que celles-ci : « Peut-on prétendre que nous aurions été embarrassés de trouver des acquéreurs pour une rente due par l’Etat belge ?

« Les titres de la caisse des annuités sont la représentation d'une rente due par l'Etat et ne peuvent être atteints que par les éventualités qui atteindraient le crédit de l'Etat lui-même. »

Ce ne sont pas là de simples réclames dans les journaux ; on les désavoue celles-là. Ce sont des pièces signées. Voilà, messieurs, ce qu'on a l'audace d'écrire alors que, grâce à notre opposition, et pour déférer au sentiment unanime de la Chambre, on vient faire des propositions en faveur des obligataires et que, à cette occasion, la compagnie des Bassins houillers est condamnée à venir reconnaître et confesser, par l'organe de M. le ministre des finances, que ce prélèvement de 7,000 francs n'est pas même certain et qu'il faut obtenir des garanties de personnes solvables, pour que, les trois premières années au moins, les créanciers, les porteurs de titres aient la sécurité d'être payés. Et c'est ainsi que les titres de la caisse des annuités constituent une rente sur l'Etat ; c'est ainsi que ces titres ne peuvent être atteints que par les éventualités qui atteindraient le crédit de l'Etat lui-même.

Voilà, messieurs, ce que la même personne ne craint pas de faire : reconnaître qu'il n'y a pas de certitude dans les payements, s'obliger à donner des garanties pour que ces payements soient faits au moins pendant les trois premières années, affirmer d'autre part que c'est une rente émanant de l'Etat qui ne peut être atteinte que par les mêmes causes, par les mêmes circonstances qui atteindraient les titres de la dette publique.

Voilà des actes, et nous sommes loin d'avoir fini, qui vous permettent de mesurer le degré de confiance qu'il convient d'accorder aux paroles des Bassins houillers.

J'ai dit, messieurs, ce qui avait déterminé l'Etat à entrer dans cette négociation, c'était l'espoir de préserver certains intérêts graves qui seraient compromis si la société des Bassins houillers venait à manquer.

Nous avons fait un contrat qui, loyalement exécuté, devait donner des garanties nouvelles et précieuses aux obligataires, relever le crédit de la compagnie et constituer non pas une source de bénéfice, mais une charge financière pour l'Etat.

Aussi longtemps que le produit kilométrique ne sera pas supérieur à 18,000 francs, l'Etat sera constitué en perte en exploitant. Je pense que M. le ministre des travaux publics le reconnaîtra.

Tout cela résulte des mémoires à l'appui des propositions qui vous ont été faites ; cela résulte du mémoire dont l'honorable M, Jamar vous a tout à l'heure lu un passage ; cela résulte du budget qui a été préparé, préalablement à la convention, pour bien connaître dans quelle mesure et dans quelle limite nous engagions l'Etat.

Pour les obligataires, pour les créanciers en général, ils avaient l'avantage de trouver le meilleur exploitant possible, celui qui pouvait tirer le meilleur parti de leurs lignes et assurément le meilleur débiteur possible.

Pour la compagnie, elle y trouvait ce grand avantage des chances éventuelles de bénéfice que lui donnaient les diverses annuités ; mais surtout par la stipulation en vertu de laquelle l'Etat reprenait, non seulement les chemins exploités, mais les chemins à construire sur le pied kilométrique de 7,000 francs, elle y trouvait la base, qui lui avait toujours fait défaut, d'une combinaison financière à l'aide de laquelle la compagnie pouvait exécuter ses concessions et réaliser d'importants bénéfices.

Ce que l'Etat cherchait donc dans cette combinaison, à part l'intérêt privé que je viens de signaler et qui était considérable, c'était l'intérêt public à satisfaire et nous pensons y avoir atteint.

Eh bien, si la compagnie, au lieu de se lancer dans des spéculations téméraires, pour ne rien dire de plus, au lieu d'essayer de ces spéculations au préjudice de ses propres créanciers, avait exécuté loyalement son contrat, elle eût fortifié son crédit, qui aujourd'hui est singulièrement ébranlé.

La bonne situation qu'elle aurait eue, la société l'a perdue par la mauvaise direction qui préside à ses affaires. Ayant obtenu par l'arrêté royal du 13 septembre 1870 l'autorisation d'établir une caisse d'annuités, la société n'a pas craint de déclarer que du moment qu'elle était en possession de ce moyen de capitaliser, de transférer les titres de la redevance, elle pouvait en disposer comme elle l'entendait. Elle l'a déclaré, elle l'a signé de son nom.

Voilà ce qui lui a causé un préjudice moral irréparable. Voilà ce qui a jeté l'alarme parmi les obligataires.

Elle a voulu leur imposer des conditions tout à fait injustifiables, se réserver tous les bénéfices du contrat et se les réserver d'une manière inique.

Si dès le début elle avait fait ce qu'elle fait aujourd'hui sous le coup de la réprobation générale, on aurait pu trouver les mesures insuffisantes, y indiquer des amendements, mais on n'aurait pas mis en doute ses intentions, on n'aurait pu l'accuser de vouloir divertir à son profit une chose due à ses propres créanciers.

Si elle avait agi ainsi - et nous ne pouvons compter de plus grand succès que de l'y avoir amenée par noire opposition, - si elle avait agi ainsi, elle aurait eu une position qu'elle n'a plus et que, je le crains, elle ne récupérera jamais.

L'émotion, messieurs, parmi les obligataires fut donc vive et légitime. Je n'examine pas ici, en droit strict, leur position ; je ne veux pas me livrer à une discussion juridique à cet égard-là ; nous n'avons à juger que ceci : la Société d'exploitation et la compagnie des Bassins houillers, toutes deux obligées au payement des obligations, tenues d'exécuter les contrats aux lieu et place des sociétés primitives, peuvent-elles employer un moyen quelconque pour ne pas appliquer le produit du bail au payement des obligations ? Les tribunaux feront le reste, ils jugeront la question de droit ; nous jugerons la question d'honneur.

Lorsque cette caisse d'annuités a été constituée sans condition, nous avons immédiatement dégagé notre responsabilité ; nous l'avons fait dans des termes d'une extrême modération, dont on ne nous a pas su gré et qui n'ont pas empêché que nous fussions traînés sur la claie par MM. les administrateurs de la compagnie des Bassins houillers, comme si, en dégageant notre responsabilité, nous avions injustement porté préjudice à leurs spéculations. Or, nous ne faisions que conserver une position que nous avons toujours prise dans cette affaire. Les faits vont l'établir.

A peine la société eut-elle obtenu la ratification de la convention par les Chambres qu'elle adressa au département des affaires étrangères un projet de statuts d'une société qu'elle appelait alors ; « Caisse d'administration de rentes publiques », qui devait capitaliser les annuités de l'Etat, des provinces et des communes du pays et de l'étranger. Les idées émises dans le cours de la négociation avaient déjà pris un nouveau développement.

Et ceci est important, messieurs, car vous allez apercevoir immédiatement ce qu'il y a de défectueux, d'impossible, d'absurde dans les prétentions que l'on affiche aujourd'hui, que tout était convenu à ce sujet par la convention du 25 avril.

A ce moment, les idées de la société n'étaient pas même assez arrêtées pour savoir au juste ce qu'elle voulait faire. Elle arrive avec le projet de (page 392) statuts d'une caisse qu'elle appelait : « Administration de rentes publiques », et elle sera peu après obligée de le transformer.

C'est au lendemain de la signature de la loi que ce projet est adressé au département des affaires étrangères. Le département des affaires étrangères adresse cette proposition au département des finances. Je la renvoie à mon administration, comme cela se fait ordinairement, pour examen. On fait des objections contre la constitution de cette administration de rentes publiques ; puis on ajoute ceci :

« Reste à examiner la question de la capitalisation des annuités dues par l'Etat... à la compagnie des Bassins houillers du Hainaut, le seul but que se proposent, en réalité, les fondateurs de la caisse d'administration des rentes publiques.

« Une opération de cette nature peut réduire à néant la valeur des obligations émises par les sociétés concessionnaires des chemins de fer que la compagnie des Bassins houillers exploite.

« Supposons, en effet, que cette compagnie cède à la caisse projetée les annuités qui lui sont dues en vertu de sa convention avec l'Etat et que la cession soit ratifiée par les actionnaires des compagnies concessionnaires.

« La cession devenant parfaite par la signification qui en serait faite à l'Etat, celui-ci se trouverait être débiteur de la caisse cessionnaire des annuités. Celle-ci se libérerait envers les Bassins houillers par le payement du capital des annuités. Ce capital deviendrait ainsi la seule garantie des obligations des compagnies concessionnaires. Et si la compagnie des Bassins houillers venait à le perdre, dans l'une ou l'autre de ses entreprises, que resterait-il, dans ces conditions, je ne dis pas aux actionnaires qui seront tous censés avoir ratifié les conventions, mais aux porteurs d'obligations qui auront dû les subir ? - Evidemment rien.

« On le voit, la capitalisation des annuités peut conduire à de véritables désastres.

« Mais il résulte de la convention conclue entre la compagnie des Bassins houillers et le ministre des travaux publics, que le gouvernement a prévu la capitalisation de l'annuité de 7,000 francs par kilomètre et y a, en quelque sorte, donné son adhésion.

« L'article 59 de cette convention porte, en effet, en termes formels :

« Transfert des annuités et émission de litres.

« Les transferts qui auraient pour objet les annuités à payer par l'Etat et les titres en nom ou au porteur, qui, en représentation des valeurs transférées, seraient émis pour toucher ces annuités, seront exempts des droits de timbre et d'enregistrement, etc. »

A la lecture de cette note de mon administration, j'ai rétabli immédiatement les faits.

Je ne suis pas pourvu du don de prescience. Je n'ai pas prévu, le 17 juin, quelles étaient les objections que je pourrais avoir à présenter aujourd'hui pour me défendre ; j'ai consigné immédiatement sur cette note, qui est au dossier, ce qui suit :

« Il y aurait d'abord à examiner, disais-je, si l'institution d'une simple caisse d'administration de rentes publiques, telle qu'elle est indiquée dans les projets de statuts annexés à la dépêche du département des affaires étrangères du 17 juin 1870, peut être établie sous la forme anonyme.

« Les administrations de rentes publiques sont régies, je pense, par une législation spéciale et il semble douteux, à première vue, qu'elles constituent des actes de commerce.

« Quoi qu'il en soit, j'e dois relever une erreur d'appréciation que renferme la note de la trésorerie. « Il résulte, dit-on, de la convention conclue entre la compagnie des Bassins houillers et le ministre des travaux publics, que le gouvernement a prévu la capitalisation de l’annuité et y a, en quelque sorte, donné son adhésion. »

« Le gouvernement a fait une seule chose : il a exempté les transferts éventuels, des droits de timbre et d'enregistrement. II n'a voulu préjuger ni le droit de transférer, ni les conditions auxquelles des transferts pourraient ou devraient être subordonnés dans l'intérêt des tiers. Il n'a pas voulu concourir d'une manière quelconque à modifier les droits des obligataires, à supposer qu'il le pût. La société des Bassins houillers a-t-elle le pouvoir de transférer les annuités qui lui sont dues par l'Etat ? Le peut-elle avec l'autorisation des sociétés qu'elle représente ? Les transferts ne seront-ils pas affectés par les clauses résolutoires insérées dans le titre même de la société des Bassins houillers ? Le sous-bailleur, en un mot, peut-il transférer plus de droits qu'il n'en a lui-même ? Quels sont les droits des obligataires, et le gouvernement peut-il prêter les mains à des mesures qui pourraient leur être préjudiciables, sans obtenir des garanties en leur faveur ?

« Ce sont là tout autant de questions que soulevaient les formules qui ont été proposées par la société des Bassins houillers en négociant le traité avec le département des travaux publics, et les formules qui semblaient résoudre les questions en faveur de la société ont été écartées d'une manière absolue par le conseil des ministres.

« Une formule a été soumise le 18 avril et a été l'objet, le lendemain, d'une note sommaire de M. le directeur général de la trésorerie. (La note est au dossier.)

« Elle stipulait, dans le contrat même, l’autorisation de transférer.

« Elle faisait viser les titres par la trésorerie, chargée, par la même disposition, de veiller à la stricte exécution des engagements qui auraient été pris dans le même article par la société, pour donner une garantie aux porteurs des titres représentant les transferts opérés.

« Cette intervention du gouvernement aussi bien que l'autorisation de transférer ont été unanimement repoussées par le conseil.

« La compagnie n'a plus insisté sur l'intervention de la trésorerie, comme le constate, en son article 59, le projet de contrat annexé à la note de la trésorerie du 25 avril ; mais elle persistait à demander à être autorisée par le contrat à transférer l'annuité à une société agréée par le gouvernement.

« Ainsi restreinte, la stipulation a encore été rejetée.

« On a enfin proposé de retrancher l'autorisation de transférer et l'agréation d'un établissement par le gouvernement et de se borner à stipuler que, si la société transférait, - ce qui excluait toute adhésion et toute participation de la part du gouvernement - les titres émis en représentation des transferts seraient exemptés des droits d'enregistrement.

« On ajoutait que cette exemption s'appliquerait également aux actions d'une société anonyme, dans le cas où l'on en créerait une à laquelle les annuités seraient apportées.

« M. le directeur général de l'enregistrement a été entendu sur cette proposition (voir sa note au dossier) et, bien qu'elle ne fût pas écartée par lui au point de vue fiscal, elle a été également rejetée par le conseil des ministres. On ne voulait pas même préjuger la question de l'existence d'une société anonyme à laquelle les transferts pourraient être opérés. Le sens de l'article 59, tel qu'il a été enfin adopté, est donc clair et évident. Il ne préjuge rien. C'est là la vraie pensée du conseil. Loin de renfermer une adhésion implicite soit à un transfert, soit à toute autre combinaison relative aux annuités, il est établi, au contraire, que, par cet article 59, le gouvernement n'a voulu prendre aucun engagement à cet égard. Il va de soi, d'ailleurs, que, comme le dit la note de la trésorerie, les droits des obligataires doivent, avant tout, être sauvegardés. »

Voilà, messieurs, ce que je consigne le premier jour où une proposition émane de la société des Bassins houillers pour constituer une société dont elle avait sans doute souvent parlé, qu'elle avait voulu faire admettre par le contrat même, mais sur laquelle nous n'avons jamais voulu nous prononcer en aucune façon, ni prendre aucun engagement.

Cette note est tellement décisive sur le sens de l'article 59 de la convention quant aux intentions du gouvernement, que manifestement il serait impossible de donner un autre sens à cet article, à moins de nier ce qui se trouve écrit, à moins de prétendre que nous n'avons pas déclaré ce qui se trouve consigné dans un document officiel, à une époque où l'on ne pouvait deviner les objections qui se produisent aujourd'hui.

Eh bien, messieurs, on n'a pas reculé devant cette extrémité. Si une chose apparaît clairement dans tous les actes que je viens de rappeler, c'est que la société a toujours positivement, invariablement, du premier jour jusqu'au dernier, demandé à avoir des titres sous une forme ou sons une autre, soit directs, soit par l'intermédiaire d'un établissement à agréer ou d'une société à créer, pour représenter la redevance ou les annuités stipulées par la convention.

Voilà ce qu'elle cherchait ; cela est indubitable.. Mais ce qui n'est pas moins indubitable, c'est que cela n'a pas été accordé ; c'est que cela a été rejeté. Il est évident, au plus haut degré, que le gouvernement n'a pas entendu, a refusé positivement de s'engager à cet égard.

Aussi, messieurs, a-t-on été condamné à soutenir que, par cela seul qu'on avait dispensé du payement des droits d'enregistrement, on avait autorisé toutes les énormités qui ont été depuis lors formulées.

Il est impossible, messieurs, de faire à cet argument les honneurs d'une réfutation sérieuse.

Le système qui a été inventé après coup et qui n'est soutenable qu'à la condition de nier ce qui est écrit, qu'à la condition de prétendre que nous avons fait un roman, - le système qu'on a inventé après coup consiste à soutenir qu'au moment de la convention tout était convenu, qu'en signant la convention, nous avions reconnu le droit de la société de transférer et même de constituer une autre société pour faciliter ces transferts. Voilà ce qu'on est condamné à soutenir. Le contraire résulte (page 393) manifestement des propositions successivement faites et successivement rejetées et des écrits qui le constatent. Mais si nous faisons abstraction de ces écrits, qui sont les pièces mêmes de la négociation, si nous nous occupons quelque peu des faits postérieurs, que constatons-nous ?

On se demandera d'abord pourquoi, si tout était convenu, on ne l'a pas dit, pourquoi on n'a pas inséré dans la convention ce qu'on prétend y trouver aujourd'hui et ce qu'on a, au contraire, refusé d'y insérer ?

Mais il y a plus : après la convention, on réunit un grand conseil d'avocats pour savoir si l'on a le droit d'opérer les transferts ; et l'on prétend que cela était convenu, que la convention l'a décidé !

Voilà ce qu'on ose soutenir : la convention l'a décidé, c'est fini, il n'en peut plus être question !

Vous venez de le voir, messieurs, dans la note que je vous ai lue, je pose toutes ces questions : La société a-t-elle le droit de transférer ; le peut-elle avec l'autorisation des sociétés ; dans quelles conditions peut-on créer une société de ce genre, etc. ? Toutes ces questions sont posées dans ma note.

Qui donc a fait ces objections à la compagnie pour qu'elle réunît un conseil d'avocats afin de l'éclairer sur ces divers points après que la convention a été signée, quand il s'agit d'obtenir la constitution d'une société à qui les annuités seront transférées ?

On réunit ce conseil d'avocats et sa consultation m'arrive précisément au moment où je venais de les recevoir de mon collègue des affaires étrangères les projets de statuts de la société que l'on voulait créer.

La consultation m'est transmise par mon collègue, M. le ministre de l'intérieur, par un billet ainsi conçu :

« Mon cher collègue,

« Voici la consultation des Bassins houillers ; prière de me la renvoyer. Le point délicat est celui de savoir si les actes dont on parle permettent de transférer plus de droits que n'en a le sous-bailleur, c'est-à-dire s'il peut transférer sans clause résolutoire affectant son droit. »

Et voilà comment tout était décidé, voilà comment le droit de transférer avait été reconnu par les ministres en signant la convention !

Même, après cette consultation, mon collègue ne paraît pas du tout convaincu ; il y a toujours là, pour lui, un point délicat. Le point délicat c'est cela, c'est-à-dire précisément ce qui se trouve dans la note que j'ai moi-même consignée au dossier qui repose à la trésorerie.

Voyons, au surplus, sur quelle question étaient appelés à se prononcer MM. les avocats consultés par la société des Bassins houillers.

Voici comment ils s'expliquent :

« Par le traité fait avec l'Etat, la société des Bassins houillers acquiert, à charge de l'Etat, une créance qui, comme telle, est parfaitement cessible.

« La société peut donc la vendre à un tiers, tel par exemple qu'une institution dont les statuts autoriseraient pareil achat.

« Nous pensons que la validité de ce transfert n'est pas subordonnée à l'autorisation des porteurs d'obligations des différentes sociétés concessionnaires des lignes dont l'exploitation est reprise par l'Etat.

« Ces porteurs d'obligations ne sont, en effet, que de simples créanciers qui n'ont qu'un droit tout personnel contre leur débiteur.

« Mais en est-il de même des sociétés concessionnaires ?

« La question paraît plus douteuse.

« L'on peut soutenir que la cession du droit d'exploiter un chemin de fer concédé doit être assimilée au contrat de bail.

« Dans ce système, la société des Bassins houillers, en transférant à son tour à l'Etat son droit d'exploitation, ferait en réalité une sous-location.

« Et l'Etat sous-locataire se trouverait astreint, vis-à-vis le bailleur primitif, c'est-à-dire des sociétés concessionnaires, aux obligations résultant des articles 1733 du Code civil et 820 du Code de procédure civile.

« Nous estimons que, sans qu'il soit nécessaire de résoudre cette difficulté, la compagnie des Bassins houillers, dont l'opération ne sera efficace que si elle est à l'avance mise à l'abri de toute contestation, doit demander aux sociétés concessionnaires leur consentement au transfert de la rente due par l'Etat.

« Elle pourrait à cette fin soumettre à ces diverses sociétés la résolution suivante dont les termes nous paraissent répondre à toutes les conditions voulues pour que l'approbation soit complète :

« L'assemblée déclare approuver le traité intervenu entre l'Etat et la compagnie des Bassins houillers du Hainaut, sous la date du 25 avril 1870, et autorise, en ce qui la concerne, ladite compagnie à effectuer, conformément à ce traité, les transferts des sommes à payer annuellement par l'Etat, en exécution de la même convention. »

Et selon le thème d'aujourd'hui, tout était décidé, résolu par la convention. Et voici que l'on consulte, et qu'indépendamment d'une question douteuse qu'on ne résout point, on trouve qu'on ne pourra faire une chose admissible que si l'on obtient le consentement d'un tiers.

Ce système qui repose sur le consentement à obtenir des sociétés concessionnaires est tout nouveau ; ce système n'a pas subi l'épreuve du feu. Je n'admets pas, pour ma part, qu'on puisse à la majorité, dans une assemblée générale, supprimer la redevance, et supprimer ainsi en réalité la société, alors surtout que cette majorité pourrait être composée d'actionnaires ayant un intérêt direct à s'approprier la redevance. Je n'admets pas qu'une assemblée générale puisse exproprier la minorité et faire donation à un tiers du bien de la société.

Messieurs, je n'ai aucun doute sur les conséquences de procès portés devant les tribunaux, et qui auraient pour objet de faire statuer sur de pareilles questions.

Je ne les discute point ; il me suffît de les indiquer ; je dis que, dans tous les cas, il est absolument faux que tout ait été résolu par la convention du 25 avril, puisque postérieurement on a cru devoir consulter des avocats pour se fixer sur le droit de transférer et les conditions éventuelles du transfert.

Et cependant, cette même compagnie ose écrire, à la date du 6 janvier : « Le grief capital dans lequel se résument toutes les critiques formulées par les porteurs d'obligations, réside dans la faculté que la convention du 25 avril donne à notre compagnie, de transférer des annuités dues par l'Etat pour les lignes dont ils ont acquis les titres, est de disposer du prix du transfert au profit d'autres que d'eux-mêmes. Sans examiner si leurs plaintes sont ou non fondées, personne ne peut méconnaître que telle est bien la situation créée par la convention et par la loi qui l'a approuvée. » (Lettre du 6 janvier 1871.)

Ainsi ceux qui n'étaient pas même sûrs de leurs droits, ceux qui ont appelé un conseil d'avocats à se prononcer à la date du mois de mai, après la convention, sur le sens qu'avait pour eux cette convention, osent écrire, à la date du 6 janvier 1871, que personne ne peut contester que la convention leur donne le droit de disposer du prix du transfert au profit d'autres que les obligataires !

Et elle soutient que cela a été ainsi décidé parce que l'on a levé le seul obstacle qui s'opposait à ce que l'on pût opérer les transferts ; ce seul obstacle, c'étaient les droits d'enregistrement ; nous étions exposés à payer 2,500,000 fr. de droits ; l'obstacle est levé ; nous pouvons donc dire : Tout est fini ; notre droit est proclamé !

Ainsi, messieurs, parce qu'on est dispensé de payer les droits de timbre ou d'enregistrement, on peut s'approprier la chose d'autrui ! On peut faire disparaître la garantie des créanciers !

Mais, messieurs, la société des Bassins houillers avait d'autres annuités que celles dont nous nous occupons en ce moment. Elle a annoncé triomphalement dans les journaux qu'elle avait traité avec la Société générale. Qu'est devenu ce traité ?

Il paraît qu'il n'existe plus, qu'il est rompu. M. le ministre des finances pourrait-il nous dire la cause de la rupture de ce contrat ?

MfJµ. - Je sais qu'il est rompu de commun accord.

M. Frère-Orbanµ. - Et vous n'en connaissez pas les causes ?

MfJµ. - Non :

M. Frère-Orbanµ. - Eh bien, j'en suis vraiment étonné ! Comment ! nous nous occupons de la société des Bassins houillers, de la convention du 25 avril ; nous parlons de l'exécution de cette convention ; on vient nous proposer de capitaliser le matériel afin d'assurer mieux l'exécution des engagements qui ont été pris par la compagnie ; un contrat a été fait avec une société puissante et qui pouvait assurément donner des garanties à l'exécution de ce contrat. Ce contrat est rompu ; M. le ministre des finances le sait ; mais il ignore par quels motifs ce contrat a été rompu.

M. le ministre ne s'en occupe pas ; il ne sait rien ; il ne sait pas pourquoi !

M. Bouvierµ. - Quelle innocence !

M. Frère-Orbanµ. - Mais M. le ministre a un commissaire auprès de la Société générale. Ce commissaire doit lui rendre compte des opérations de la société, lui dire pourquoi des conventions qui intéressent l'Etat sont rompues.

On ne sait pas ! Mais on peut sans crainte admettre comme certain ce que la presse a dit à ce sujet. C'est parce qu'il n'est pas facile de transférer des annuités ; c'est parce que si l'on peut transférer des annuités libres, (page 394) il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de transférer des annuités qui sont grevées de charges ou qui sont exposées à des procès. Or, on n'a pas pu établir que les annuités étaient libres.

Voilà pourquoi le contrat a été rompu. Si on ne le dit pas, c'est parce que cette petite constatation ferait crouler par la base toutes les objections qui ont été faites, tout le système qu'on a créé a posteriori sur l'article 59 de la convention»

Non, on ne pouvait pas transférer sans créer soi-même une petite société ad hoc. Autrement, c'était un acte des plus difficiles à réaliser ; mais en eût-on le droit, il fallait nécessairement un intermédiaire pour opérer ce transfert. Et l'on est venu nous dire hier qu'on avait découvert dans l'article 59 que l’on n’avait pas même besoin de cet intermédiaire pour opérer cette capitalisation, qu'on pouvait émettre des titres directs.

Nous ne discuterons pas le système mis en avant en désespoir de cause. Nous attendrons qu'on le justifie ; mais en attendant, nous constaterons une seule chose : c'est qu'il n'est venu à l'idée de personne, c'est que ceux qui ont le plus grand intérêt à en profiter se sont bien gardés de le mettre en avant, c'est que personne jusqu'à cette heure n'y a pensé ; c'est qu'on déclarait au ministre des finances lui-même que la condition sine qua non de l'exécution du contrat du 25 avril était la création d'une caisse d'annuités.

S'il y avait eu un autre moyen, on l'aurait sans doute employé. Mais ce moyen n'existe pas. Vous n'avez pas pris garde à ce qui s'est passé, d'abord, aux refus successifs d'accorder l'émission de titres directs, à cette circonstance qu'jl ne s'agit pas d'une somme certaine, d'une rente, d'une somme fixe ou garantie ; vous n'avez pas pris garde surtout aux termes de l'article 59. Il oblige nécessairement à la création d'un intermédiaire, puisqu'il ne peut y avoir de titres émis que pour des valeurs qui ont été transférées et que si des valeurs n'ont pas été transférées, il n'y a pas de titres à émettre.

On disait donc ce que rien n'était moins difficile en principe que de vendre « cette rente et d'en réaliser le capital. » Je viens de vous montrer si c'était si facile. « Seulement, continuait-on, cette opération si simple à première vue était en réalité presque impraticable. Un acte de transfert d'une rente de 4,207,000 francs représentant un capital de plus de 90,000,000 de francs entraînait la perception de 2,500,000 francs au moins de droits d'enregistrement,

« Or, qu'ont fait MM. Frère et consorts ? Ils nous ont exonérés de ces droits, c'est-à-dire qu'ils ont fait disparaître le seul obstacle qui pouvait nous empêcher de faire la cession de ces annuités à un établissement financier.

« Si une semblable concession a pu compromettre les intérêts des obligataires, n'en accusez pas le cabinet actuel. Peu importe qu'elle ait été effectuée au profit de la caisse d'annuités ; peut-on, en effet, prétendre que nous eussions été embarrassés de trouver des acquéreurs pour une rente due par l'Etat belge ? » (Lettre du 6 décembre 1870.)

Vous remarquerez, messieurs, l'objection. Si vous n'aviez pas levé l'obstacle résultant de l'enregistrement, j'aurais exécuté mes engagements. Mais vous levez cet obstacle ; je puis disposer de la rente au profit de tiers ! On ne comprend pas cette oblitération du sens moral qui fait présenter une pareille objection ! C'est incompréhensible. C'était le seul obstacle ! mais cet obstacle est imaginaire.

Nous dirons d'abord que cette disposition n'a rien d'exorbitant ; des dispositions analogues se retrouvent dans presque tous les contrats de concession. Ainsi, voyez pour le chemin de fer de Dendre-et-Waes ; à l'article 25 du cahier des charges, on exempte même de la patente.

« Art. 25. L'enregistrement des actes de toute nature, relatifs à la présente convention ou de ceux auxquels cette convention donnera lieu, se fera moyennant un droit de 1 fr. 70 c. en principal. »

Ainsi, d'après le mode de raisonnement adopté, parce que les actes de toute nature sont exemptés des droits d'enregistrement, on peut faire des actes de toute nature, contraires à la morale, à la loyale exécution des contrats.

Chemin de fer d'Anvers à Hasselt :

« Art. 10. La présente convention, l'acte de concession et les conventions par lesquelles la Société du Nord de la Belgique céderait, en tout ou en partie, l'exploitation du chemin de fer, objet de la présente, seront enregistrés au droit fixe de 1 fr. 70 c. »

Enfin, pour le chemin de fer de Hali à Ath :

« Art. 18. L'enregistrement des actes de toute nature, relatifs à la présente convention ou de ceux auxquels cette convention donnera lieu, se fera moyennant un droit fixe de 1 fr. 70 c. en principal. »

Ainsi, messieurs, il y avait un droit considérable à percevoir pour la cession de chemins de fer ; une loi du 10 juin 1867 a aboli le droit proportionnel sur les cessions d'exploitations en général.

Mais quel était le droit à payer ? 1 p. c. plus les additionnels. Voilà tout ce qu'il y avait à payer. La société s'est imaginé que c'était 2,500.000 fr. et l'on a fait ainsi un grand effet sur le public Mais 2,500,000 francs c'était insignifiant pour une compagnie réduite à emprunter à très haut denier et à payer des commissions. Une commission, eût-elle été de 2 1/2 p. c, ne pouvait l'arrêter. Ce n'était pas un obstacle. Mais obtenir, en payant 1 fr. 30 p. c, un capital de plus de 90 millions, c'était une magnifique affaire.

Ainsi, messieurs, ces prétextes invoqués pour fausser le sens de la convention ne sont pas admissibles, on l'a compris. On a reconnu que pour expliquer comme on le fait l'article 59, il fallait aller plus loin ; il fallait aller jusqu'à nier complètement tout ce qui a été fait, tout ce qui a été dit, tout ce qui a été écrit. Il fallait aller jusqu'à donner un démenti aux documents officiels que j'ai lus, à ma note du 20 juin 1870. Il fallait aller jusqu'à insinuer que c'était là une pure invention. On n'a pas reculé devant celle extrémité. L'audace est grande, parce qu'il s'agit, en définitive, de documents qui reposent dans les archives du département des finances, que je ne suis plus à la tête de ce département et que ma note s'y retrouve.

Voici ce qui a été écrit au nom de la société des Bassins houillers et signé, encore une fois, par l'administrateur délégué de cette compagnie pour réfuter les preuves que j'ai mises sous vos yeux.

« Le récit qu'il a fait à la Chambre, dans le discours que vous rappelez, manque absolument d'exactitude. Le gouvernement était si disposé à écarter des négociations tout ce qui pourrait concerner les obligataires et à prêter les mains à toutes les combinaisons que nous avions projetées, que dans le projet qui nous fut officiellement adressé par lui, la disposition qui devint plus tard l'article 59 était ainsi conçue :

« Art. 41. Les sociétés contractantes sont autorisées à transférer à un établissement financier agréé par le gouvernement la partie fixe des recettes stipulées ci-dessus. Cet établissement pourra émettre des titres spéciaux de rente au porteur ou en nom, dont l'intérêt et l'amortissement n'excéderont jamais le chiffre fixe de ces rentes. Les transferts dont il s'agit ne donneront lieu à aucun droit d'enregistrement.

« Le gouvernement ne pourrait donc exciper d'ignorance ni soutenir qu'il se refusait à admettre la combinaison financière que nous avions en vue, puisqu'il la présentait lui-même dans son projet de contrat. Nous, qui aimons par nature les positions nettes et franches, nous tenions à maintenir cette rédaction dans le traité définitif ; mais peut-être avait-elle un défaut ; c'était sa netteté. Elle dévoilait carrément l'opération qui faisait pour nous la condition du traité ; peut-être eût-on préféré qu'elle n'eût été dévoilée qu'après l'approbation de la convention par la législature, et chacun de ceux qui, dans le conseil des ministres, s'occupaient spécialement de la question, proposa une rédaction plus anodine : il y eut celle de M. Bara, celle de M. Pirmez, celle de M. Frère. Ce fut celle-ci qu'on nous proposa en dernière analyse. On nous disait au nom du conseil des ministres : « Acceptez l'article tel que nous vous le proposons. lI n'établit pas directement le principe de votre droit de transfert, mais vous n'en avez pas besoin, le transfert est de droit commun ; en tous cas, il le reconnaît et le consacre. Notre rédaction a le mérite de ne pas attirer l'attention. Elle vous donne ce dont vous avez besoin pour accomplir vos projets : la dispense des droits d'enregistrement. » Et pour mieux nous engager à l'accepter, on nous offrait pour nos titres une faveur que nous n'avons jamais sollicitée : la dispense des droits de timbre.

« On avait raison. L'attention de la législature ne fut pas attirée sur l'article ainsi libellé. Aucune voix ne s'élève, pas même la vôtre, monsieur le rédacteur, - qui faisiez alors partie de la Chambre des représentants - aucune ne s'élève pour s'écrier : « Mais si la compagnie peut transférer l'annuité sans payer de droit, et en émettre le capital sous forme de titres spéciaux, le revenu de ligne sera dorénavant représente par un autre titre que l'obligation qui se trouve en ce moment dans les mains du public ! » Personne, pas même vous, monsieur le rédacteur, ne demanda au gouvernement s'il ne croyait pas que les transferts, ainsi facilités et reconnus, compromettaient les droits des obligataires, et s'il n'avait pas pris des mesures pour sauvegarder leurs intérêts.

« Et, chose singulière ! c'est aujourd'hui M. Frère, c'est M. Bara, c'est vous-même, M. le rédacteur, qui vous élevez avec tant de vivacité contre les conséquences fatales d'une convention qu'ils ont proposée, et qu'en ce temps-là vous acceptiez des deux mains !

(page 395) « Nous tenons à votre disposition les différents originaux de l'article 59, documents que nous nous sommes bien gardés d'égarer. »

Et revenant sur le même sujet parce qu'il avait été contredit, il reprend en ces termes :

« Vous n'avez, dites-vous, nul moyen de les contrôler ; vous vous trompez, monsieur, et quand vous nous en manifesterez le désir, nous mettrons sous vos yeux toutes les pièces qui justifient nos affirmations, avec l'espoir d'éclairer plus complètement votre religion qu'elle ne le paraît avoir été jusqu'aujourd'hui. »

« Nous vous montrerons, monsieur, le premier projet qu'après nous être mis d'accord sur les bases de l'opération, nous avons soumis au gouvernement. Vous y lirez un article 20 ainsi conçu :

« Art. 20. La partie fixe des rentes sera versée au gré de la Compagnie des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut, soit dans les caisses de l'Etat, soit dans celles de la Banque Nationale ou de tout autre établissement financier à agréer par le gouvernement, au crédit d'une administration spéciale à laquelle la société des chemins de fer des Bassins houilles pourra la transférer et qui pourra émettre des coupures de rente à due concurrence. Les transferts dont il s'agit ne donneront lieu à aucun droit d'enregistrement. »

« Nous vous montrerons en second lieu le contre-projet qui nous fut adressé par le ministère des travaux publics, et dont l'écriture est tout entière de la main des expéditionnaires de ce département. Vous y lirez la disposition que nous avons déjà mise sous vos yeux, et qu'il nous paraît inutile de reproduire.

« Vous dites que nous citons comme proposition émanant officiellement du gouvernement celle qui précisément a été rejetée. »

« Vous voulez dire sans doute : celle que, dans son discours, M. Frère prétend avoir été rejetée, ce qui n'est pas précisément la même chose.

« Entre ces deux affirmations, où est la vérité ? Nous constatons à l'appui de la nôtre, que l'article ainsi libellé est contenu dans le projet de contrat émané du gouvernement. Or, quand, dans des négociations engagées entre deux parties au sujet d'un traité, l'une d'elles remet à l'autre un projet de convention, comme l'expression des conditions auxquelles elles la subordonne, il ne nous paraît pas que son intention soit de manifester par ce moyen qu'elle entend les rejeter.

« Nous vous montrerons en troisième lieu les épreuves de la convention du 25 avril 1870, imprimées, sur les ordres du département des travaux publics, par son imprimeur habituel. Cette impression n'a pu naturellement être ordonnée qu'après que le gouvernement se fût mis entièrement d'accord avec nous. Vous y lirez la même disposition libellée de la manière suivante :

« Art. 59. Transfert des recettes à un établissement financier et émission de titres. Les sociétés contractantes sont autorisées à transférer à un établissement financier agréé par le gouvernement, la part de 7,000 fr. par kilomètre exploité, qui leur est attribuée à titre de premier prélèvement sur les recettes.

« Cet établissement pourra émettre des titres spéciaux de rente au porteur ou en nom, dont l'intérêt et l'amortissement n'excéderont jamais le montant de ce premier prélèvement.

« Les transferts dont il s'agit ne donneront lieu à aucun droit d'enregistrement.

« Ainsi dans divers documents, émanant tous du gouvernement, dont l'un contient l'exposé de ses propositions, dont les autres doivent être considérés comme revêtant la forme d'une convention définitive, le gouvernement déclarait nous autoriser à effectuer les transferts et à faire émettre des titres de rente. »

Ainsi, messieurs, je n'ai rien voulu omettre.

Tout cela est bien précis.

Il y a des circonstances aggravantes.

Il y avait un mauvais coup à faire, un mauvais coup que projetait la société des Bassins houillers, et l'on nous disait ou plutôt nous disions : Nous voulons bien vous aider à faire ce mauvais coup ; mais, pour Dieu, que l'on n'y voit rien. N'allez pas faire que le texte soit tellement clair, tellement précis que la législature s'en aperçoive. Nous serons vos complices, nous voulons bien vous enrichir au détriment des créanciers ; nous occupons nos fonctions dans l'intérêt et pour le profit des maltôtiers ! Donc du silence, de l'astuce, de l'adresse, de la fourberie.

Et nous nous sommes prêtés à cela pour être agréables à MM. les administrateurs des Bassins houillers ; car il paraît que ce mauvais coup accompli, la loi étant votée, il paraît qu'on ne s'en serait pas aperçu et qu'on n'en aurait plus parlé.

Jamais plus on ne pouvait parler de cette affaire-là. C'est ingénieux l

Je vous ai dit, et c'était avec raison, au début de mon discours, que je n'avais vu l'administrateur des Bassins houillers que deux fois, que je ne le connaissais pas ; je suis enchanté de ne pas le connaître. Ce n'est donc pas de moi qu'il peut prétendre venir le discours honnête qu'il a imaginé ; quant à défendre mes collègues qui peuvent avoir eu des rapports avec lui de l'indignité, de l'infamie dont on ose les accuser, vous comprenez que je ne descendrai pas jusque-là.

Pour donner une certaine vraisemblance au roman que l'on a été condamné à fabriquer pour altérer la convention, on cherche à faire croire qu'on connaît ce qui s'est passé dans le conseil des ministres ; on parle de la rédaction de M. Bara, de celle de M. Pirmez, de celle de M. Frère ; mais c'est celle de M. Frère, dit-on, qui a prévalu. On tient la pièce écrite de la main d'un haut fonctionnaire du département des finances.

Eh bien, tout cela est faux ; il n'y a pas eu diverses rédactions en présence ou, comme on dit, celle de M Bara, ni de M. Pirmez, ni de M. Frère ; voici ce qui s'est passé : après avoir discuté les propositions de la compagnie, notre honorable ami, M. Pirmez, a résumé ce qui résultait de la délibération, et incontinent le texte qui se trouvait admis de commun accord a été passé au cabinet de mon secrétaire, qui l'a copié pour qu'il fût remis à la société intéressée, et l'on a imaginé qu'ayant en main la pièce écrite par mon secrétaire, c'était une rédaction qui émanait de moi.

Mais, messieurs, les fourberies ne réussissent pas aussi facilement qu'on se l'imagine : Quos vult perdere Deus dementat.

- Un membre. - Jupiter !

M. Frère-Orbanµ. - Moi je dis « Deus » ! (Interruption.) Vous l'avez entendu, messieurs, pour essayer d'expliquer le sens de l'article 59 dans l'intérêt de la société des Bassins houillers, il faut nier tout ce qui est écrit, tout ce qui s'est passé ; il faut aller jusqu'à soutenir avec la compagnie que la proposition est émanée du gouvernement, que c'est le gouvernement lui-même qui a proposé la rédaction de l'article 59. Eh bien, c'est ce qu'on ose affirmer.

Or, messieurs, nous avons demandé la production du dossier et nous y avons trouvé, sur papier de la compagnie des Bassins houillers, écrite de la main même de l'un de ses administrateurs, la proposition qu'on ose déclarer émanée de l'initiative du gouvernement. - Voilà à quelles gens nous avons affaire !

Vous pouvez voir cette pièce, elle est au dossier ; vous y lirez :

« SOCIETE DES CHEMINS DE FER des Bassins houillers du Hainaut.

« Administration : Adresser les lettres à M. Philippart, administrateur délégué, 10, Montagne-aux-Herbes-Potagères, 10. Bruxelles. »

Et de la main de l'un des administrateurs, se trouve écrite la fameuse proposition prétendument émanée de l'initiative du gouvernement. La voici :

« La compagnie des chemins de fer des Bassins houillers est autorisée à transférer à un établissement financier à agréer par le gouvernement la partie fixe des rentes stipulées ci-dessus.

« Cet établissement pourra émettre des titres spéciaux de rente au porteur ou en nom dont l'intérêt et l'amortissement n'excéderont jamais le chiffre fixe de ces rentes.

« Ces titres seront visés par la trésorerie, qui veillera à la stricte exécution de la clause qui précède.

« La possession de ces titres conférera un droit exclusif à la propriété de la portion de rente qui y sera inscrite.

« Les transferts dont il s'agit ne donneront lieu à aucun droit d'enregistrement. »

Cette pièce étant assez précieuse, nous avons jugé utile de la faire photographier. (Interruption.) La voilà.

Quelle preuve peut-on donner plus décisive que celle-là ? N'est-ce pas assez ? Veut-on davantage encore ? Eh bien, écoutez.

La compagnie des Bassins houillers affirme qu'elle a reçu officiellement et elle souligne, la proposition du gouvernement.

En effet, un avant-projet m'a été transmis à la société des Bassins houillers, sous la date du 22 avril, par l'un des négociateurs de cette convention, M. l'inspecteur général Vander Sweep. Il a préparé la minute, elle est aussi au dossier ; mais c'est la reproduction de la proposition émanée des Bassins houillers que je viens de communiquer à la Chambre. C’était tout simple : on négociait, une proposition était faite par les Bassins (page 396) houillers, qui devait être ultérieurement examinée par les ministres ; il fallait donc bien la reproduire dans le projet. Mais dans l'intervalle de la remise de cette proposition par les Bassins houillers, écrite de la main même de l'un des administrateurs, sur papier au timbre de la société, on avait su que l'intervention de la trésorerie était repoussée d'une manière absolue.

Le refus d'accorder une rente, la résolution de ne consentir qu'à un prélèvement sur la recette brute, étaient également connus ; l'article, déjà transcrit sur la minute, fut modifié dans ce sens, mais de manière cependant à permettre de relire encore la rédaction primitive ; et l'on voit, en marge de la rédaction modifiée, une note écrite au crayon par M. l'inspecteur général Vander Sweep et qui est ainsi conçue : « Rédaction proposée en dernier lieu par les Bassins houillers ; - à examiner par le département des finances. »

Et l'on ne craint pas d'affirmer que c'est nous qui avons proposé cette rédaction ! Voilà, messieurs, les gens avec lesquels nous avons été condamnés de traiter ; voilà les gens avec lesquels vous êtes obligés de traiter aujourd'hui. Voilà ce qu'ils feront des contrats que vous aurez passés avec eux ; voilà comme ils les arrangeront ; voilà comment ils en feront sortir ce qu'ils ont en vue dans leurs odieuses spéculations.

Et croyez-vous que ce soit tout ? Croyez-vous qu'armé de ces preuves, je ne puisse pas en fournir d'autres ?

L'honorable M. Tack, mon successeur au département des finances, fut amené à s'occuper de l'institution de cette fameuse société. Le dossier lui fut présenté ; il fut frappé des objections qui se trouvaient énoncées dans les pièces ; il fut frappé de la note de la trésorerie et de la mienne.

Il écrivit, en conséquence, à son honorable collègue du département des travaux publics, qui est M. le ministre des finances actuel, et il lui demanda son avis.

M. le ministre des travaux publics, de son côté, consulta l'avocat de son département ; et qui fut dans cette circonstance l'avocat du département des travaux publics ? Ce fut un des négociateurs de la convention du 25 avril.

Voici la réponse qu'il adressa au ministre le 25 juillet 1870 :

« Monsieur le ministre,

« Vous m'avez fait l'honneur de demander mon avis sur la requête de M. Philippart tendante à obtenir l'anonymat en faveur d'une société qui aurait pour objet le transfert et la capitalisation des annuités dues par l'Etat à la Compagnie des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut, en exécution de la convention du 25 avril 1870.

« La dépêche par laquelle votre collègue, M. le ministre des finances, vous a transmis le dossier relatif à cette affaire pose les deux questions suivantes :

« 1° Si le gouvernement peut légalement autoriser la Société à se constituer sous la forme anonyme ; 2° si, en admettant qu'il le pût, il n'encourrait pas une grande responsabilité en permettant le transfert dont il s'agit, sans que les porteurs des obligations émises par les concessionnaires aient été préalablement désintéressés.

« M. Philippart n'a cessé de déclarer, dans tout le cours des négociations, que le droit de déléguer à un établissement financier les annuités (on disait alors les rentes) qui seraient dues par l'Etat, était la condition sine qua non de la cession des chemins de fer, le seul moyen de la rendre possible. »

(On a pu le déclarer cent fois, mais nous avons toujours déclaré le contraire et il a bien fallu y souscrire, comme on l'établira plus loin.)

« L'Etat n'a donc point ignoré que le transfert était la condition du contrat, et il l'a facilité en l'exemptant du timbre et de l'enregistrement. Mais il s'est refusé à prendre aucun autre engagement, et a entendu, pour tout le reste, laisser les choses sous l'empire exclusif du droit commun, aux termes duquel, on le sait, toute créance est cessible, si le contraire ne résulte de sa nature ou d'une disposition expresse soit de la loi soit d'une convention particulière (article. 1598 C. civ.).

« La preuve en est dans les rédactions successives qu'a subies l'article 59 avant d'être adopté par le gouvernement.

« Voici la première rédaction proposée par MM. Philippart et Gendebien :

« Art. 59. La société est autorisée à transférer, en tout ou en partie, à un établissement financier agréé par le gouvernement les rentes dues par l'Etat en exécution du présent contrat.

« Cet établissement pourra émettre des titres spéciaux de rentes au porteur ou en nom, dont la propriété sera transmise, même à l'égard des tiers, par la seule tradition du titre, et sans qu'il soit besoin d'aucune signification.

« L'intérêt et l'amortissement de ces titres n'excéderont jamais le montant des sommes attribuées à la société en exécution du présent traité.

« Les transferts dont il s'agit ne donneront lieu à aucun enregistrement. »

« Sur le rejet du conseil des ministres, on proposa de rédiger l'article dans ces termes :

« Art. 59. Si la société des Bassins houillers transfère à un ou plusieurs établissements financiers la totalité ou une partie des annuités à payer par l'Etat et que, en représentation des valeurs transférées, ces établissements émettent des titres au porteur ou en nom pour toucher ces annuités, les transferts et les titres dont il s'agit seront exempts, des droits de timbre et d'enregistrement. Cette exemption s'appliquerait également aux actions d'une société anonyme, dans le cas où l'on en créerait une à laquelle les annuités seraient apportées. »

« Nouveau rejet, bien que les intéressés aient renoncé au dernier paragraphe relatif à la société anonyme.

« Enfin les parties adoptèrent la formule suivante :

« Art. 59. Les transferts qui auraient pour objet les annuités à payer par l'Etat et les titres, en nom ou au porteur, qui, en représentation des valeurs transférées, seraient émis pour toucher ces annuités, seront exempts des droits de timbre et d'enregistrement. Ceux de ces actes qui seront présentés à l'enregistrement seront enregistrés au droit fixe de fr. 2,20. »

« Les ministres ont procédé par élimination, et l'article 59, tel qu'il a été définitivement arrêté, est plus expressif encore, par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il dit. La pensée qui s'en détache à l'évidence, c'est de laisser chaque partie sur son droit, de n'altérer ni ceux de la Société des bassins, ni ceux des compagnies concessionnaires avec lesquelles elle a traité, ni ceux des obligataires respectifs, et de tenir l'Etat parfaitement neutre entre tous. »

C'est un des négociateurs, un avocat adjoint aux hommes du métier afin de régler les conditions de droit du contrat, c'est lui qui s'explique comme vous l'entendez sur le sens de l'article 59 de la convention du 25 avril.

« J'aborde maintenant les questions de M. le ministre des finances.

« La première est de savoir si le gouvernement peut légalement autoriser la société à se constituer sous la forme anonyme.

« L'affirmative ne me paraît pas contestable. Toute opération industrielle ou commerciale licite peut devenir l'objet d'une société anonyme, et tel est assurément le caractère de celle qu'on projette.

« Seulement le gouvernement est maître d'accorder ou de refuser son autorisation, et d'imposer les conditions qu'il juge convenable d'y mettre. Ce n'est donc pas une question de droit, c'est une question de fait.

« La seconde consiste à savoir s'il n'encourrait pas une grave responsabilité en permettant les transferts, sans que les porteurs des obligations émises par les compagnies concessionnaires eussent été préalablement désintéressées.

« Ici on doit faire une distinction.

« Le gouvernement n'encourrait aucune responsabilité légale, car il ne violerait aucune loi, aucun engagement ; il n'excéderait pas les justes limites de son pouvoir, il ne léserait aucun droit acquis en ce qui le concerne. En effet, les obligataires, comme tous autres créanciers chirographaires, n'ont d'action que sur leurs débiteurs directs et sur les biens de ceux-ci ', en tant qu'ils se trouvent entre leurs mains ; ils ne peuvent, quant aux tiers acquéreurs, opérer que par voie de saisie ou opposition.

« Mais il existe une responsabilité morale qui impose des devoirs non moins respectables quoiqu'ils soient dénués de sanction. Et c'est en acquit de ces devoirs que l'administration, plus encore qu'un simple particulier, est tenue de ne rien faire qui puisse préjudicier à des intérêts légitimes, sans les avoir mis, autant que possible, en garde contre des éventualités dommageables, et leur avoir permis de prendre des mesures conservatoires, le cas échéant.

« On comprend d'ailleurs que des devoirs de simple convenance et de bonne administration ne sauraient aller jusqu'à permettre de ne pas remplir des engagements formels pris envers d'autres, alors même que leur exécution pourrait plus ou moins préjudicier à des tiers auxquels l'Etat n'est rattaché par aucun lien direct et positif.

« Appliquons ces principes à l'espèce.

(page 397) « Le gouvernement, en achetant l'exploitation de chemins de fer concédés qui appartenait à la société des Bassins houillers ou plutôt que celle-ci avait cédée à la Société générale, a fait un grand acte d'utilité publique sans léser aucun droit acquis ; et de plus, comme il n'en payait pas le prix comptant, chacun avait le temps nécessaire pour agir et prendre ses garanties sur les capitaux considérables dont l'Etat restait débiteur.

« Toute publicité a été donnée a l'acte du 25 avril 1870, sa présentation et sa discussion aux Chambres, son insertion au Moniteur n'ont pas permis aux intéressés d'en ignorer. Aussi, dès le 11 mai suivant, les obligataires de la société de l'Ouest de la Belgique ont-ils fait entre les mains de l'Etat une signification pour sauvegarder leurs droits. Que les autres procèdent de même, s'ils s'y croient fondés, mais qu'ils songent bien que leur silence et leur inaction prolongée depuis trois mois dégagent l'Etat de toute responsabilité, même morale, envers eux, car la lésion dont ils auraient ultérieurement à souffrir serait imputable à leur propre négligence.

« Faut-il que l'Etat s'abstienne d'autoriser la formation d'une société anonyme pour ne pas intervenir, même indirectement, entre les parties, pour qu'on ne puisse pas lui reprocher d'avoir coopéré ainsi, même par la forme, à un acte dont les suites peuvent être dommageables aux obligataires ? Cette abstention serait efficace et pourrait par conséquent être justifiée, si elle avait pour effet d'empêcher le transfert des annuités et par là de laisser à toujours entre les mains du débiteur le gage sur lequel les obligataires ont dît compter.

« Mais il n'en est point ainsi. Au contraire, l'achat de l'exploitation du chemin de fer a été consommé conformément aux règles du droit commun ; et, d'après les mêmes règles, M. Philippart peut, à son gré, sans autorisation de qui que ce soit, céder à n'importe qui les annuités qui lui sont dues. Seul, l'anonymat permettrait au gouvernement d'imposer à ceux qui le demandent des conditions garantissantes au profit de leurs créanciers obligataires.

« Pourquoi donc ne pas le faire, alors que M. Philippart lui-même demande des mesures de cette nature ? Il a compris que les titres à émettre auront d'autant plus de valeur qu'ils jouiront de plus de garanties ; et ce sont ces garanties dont il sollicite la consécration gouvernementale, la forme anonyme devant déjà sauvegarder les actionnaires de l'imprudence ou de l'improbité d'un commanditaire, maître absolu de l'avoir social.

« Quant à ne permettre les transferts qu'autant que les porteurs des obligations aient été préalablement remboursés, il n'en peut être sérieusement question, parce que ce serait aller au delà de la convention du 25 avril, dont l'article 63 exige seulement la ratification des différentes sociétés concessionnaires, non celle des obligataires, ce qui eût été excessif, peut-être impossible, et aurait mis les Bassins houillers à leur merci, autre manière d'ôter à la convention toute valeur réelle.

« Dans l'état actuel des choses, la grave responsabilité dont on veut justement se garer naîtrait peut-être aujourd'hui de l'intervention du gouvernement et de son refus absolu d'autorisation.

« Il résulte, en effet, des notes de M. Philippart et de la conversation que je viens d'avoir avec MM. Gendebien et Joris, qu'en échange de l'anonymat, ces messieurs offrent de déposer, dans la caisse des consignations tous les titres correspondant aux 7,000 francs d'annuités à prélever par kilomètre, soit 4,200,000 francs, dûment capitalisés, qui seraient déclarés inaliénables et ne pourraient sortir de la caisse que contre les obligations dont ils assureraient le remboursement à leur taux moyen des trois dernières années (1867 à 1869).

« Ces titres devraient être visés par un agent de l'Etat et resteraient déposés pendant une année, après laquelle les obligataires perdraient le droit de faire l'échange dont il s'agit.

« Si le gouvernement autorisait, en outre, la formation de lots à primes, le dépôt durerait aussi longtemps que toutes les obligations ne seraient pas éteintes, et on les rembourserait à 10 p. c. de plus que la moyenne qui vient d'être indiquée.

« Enfin, la société s'interdirait de céder les annuités variables qui lui seraient dues par l'Etat, tant qu'elles ne seraient pas devenues fixes, aux termes de la convention ; et la garantie des porteurs d'obligations y gagnerait d'autant. Je ne parle pas des clauses garantissantes qui pourraient y être ajoutées.

« Il est bien entendu qu'il n'y aurait dans tout cela qu'une simple faculté pour l'obligataire, qui resterait libre de ne pas faire l'échange et de conserver son titre remboursable à 500 francs par voie de tirage au sort, avec 15 francs d'intérêt annuel jusque-là.

« Il vous appartient, M. le ministre, d'apprécier le parti que doit prendre le gouvernement dans ces conditions ; ma tâche se borne à constater les faits dont j'ai eu personnellement connaissance par suite de ma participation à la convention du 25 avril, et à vous exprimer mon opinion sur les points de droit qu'ils soulèvent.

« Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments les plus distingués.

« (Signé) Néoclès Hennequin.. »

Ainsi, messieurs, l'un des négociateurs de la convention, interpellé et appelé à émettre son avis, indique quel est le véritable sens de l'article 59 de la convention ; il déclare comment cet article a été entendu par les négociateurs de la convention, par lui-même qui était un des négociateurs : Le gouvernement n'a voulu s'engager sur aucun point, il n'a voulu rien faire qui pût être préjudiciable aux obligataires.

Comme vous l'entendez maintenant, la question n'est pas une question politique, c'est une question d'honnêteté.

Nous aurons à apprécier demain les conditions qui étaient indiquées dans la lettre adressée à M. le ministre des travaux publics et que l'on devait mettre à la création d'une caisse d'annuités. Nous dirons dès ce moment que, en principe, ces conditions ne sont autres que les propositions que l'on soumet aujourd'hui à l'agréation du gouvernement.

Décès de la princesse Joséphine

MaedAµ. - Messieurs, un douloureux événement vient de frapper la Famille royale. La Princesse Joséphine, fille de LL. AA. RR. le Comte et la Comtesse de Flandre, est morte aujourd'hui, à midi.

Le Roi m'a chargé d'en informer la Chambre qui, sans aucun doute, s'associera à la douleur de la Famille royale.

MpdeNaeyerµ. - Je propose à l'assemblée de charger son président de porter au Roi les compliments de condoléance de la Chambre.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère des travaux publics, pour matériel et installations ferroviaires

Dépôt

MfJµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi allouant un crédit de 6,500,000 francs au département des travaux publics pour l'augmentation du matériel ainsi que des installations du chemin de fer.

M. d’Andrimontµ. - Ce n'est pas assez.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen des sections.

- La séance est levée à cinq heures et un quart.