(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 249) M. de Vrints procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Villers-devant-Orval demandent que M. le ministre des travaux publics examine d'urgence les propositions de la Compagnie du chemin de fer de Virton et qu'en attendant il n'oblige pas celle-ci à exécuter le tracé de l'administration des ponts et chaussées. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Wauthier-Braine prie la Chambre d'accorder à la compagnie Rosart la concession d'un chemin de fer de Hal à Maestricht. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal et des habitants d'Opont prient la Chambre d'accorder au sieur Brassine la concession d'un chemin de fer d'Athus à Givet. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Tongres réclament l'intervention de la Chambre pour qu'on fasse cesser les irrégularités dans le service du chemin de fer Liégeois-Limbourgeois. »
- Même renvoi.
« Les secrétaires communaux de la province de Namur demandent que l'avenir des secrétaires, communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »
« Même demande des secrétaires communaux du canton de Wetteren et dans la province de Luxembourg» »
- Même renvoi.
« Des habitants de Bruxelles demandent le vote à la commune pour toutes les élections. »
- Renvoi à la section centrale pour le projet de loi sur la réforme électorale.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Everts, J.-L. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi fixant le contingent de l'armée pour l'année 1871.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la guerre, de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un rapport sur le projet de loi, allouant un crédit extraordinaire pour la voirie.
- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du jour.
M. Simonis (pour une motion d’ordre). - J'ai entendu formuler, à diverses reprises, des plaintes et des récriminations très vives au sujet de l'encombrement qui règne actuellement dans plusieurs stations du chemin de fer et spécialement dans la station d'Anvers. Des balles de laine, expédiées de cette dernière ville pour Verviers, ont mis un temps tout a fait anomal pour arriver à destination. D'un autre côté, des balles de laine, expédiées avec trop de précipitation, sont arrivées à Verviers non bâchées et, par conséquent, exposées -toutes les intempéries de la saison. Enfin, j'ai entendu dire que plusieurs colis, expédiés de Verviers vers Anvers pour y être embarqués, se sont égarés.
Voici ce qu'écrivait récemment à ce propos un commissionnaire expéditeur d'Anvers à une maison de Verviers :
« L'encombrement de marchandises est colossal, des centaines de waggons chargés arrivent chaque jour de la France, en partie pour embarquement et, en grande partie, pour être mis en sûreté ; ces waggons encombrent toutes les voies ferrées, ne trouvant pas de place dans les entrepôts déjà remplis. On dit que 1,400 waggons sont encore signalés de la frontière française. »
Cet état de choses, messieurs, est des plus préjudiciable au commerce et à l'industrie du pays.
Il me semble que c’est bien ici le cas d’appliquer le précepte : Charité bien ordonnée commence par soi-même. Aussi demanderai-je s’il n’y aurait pas moyen de faire en sorte que les marchandises dirigées de l’intérieur du pays vers Anvers aient le pas sur les expéditions arrivant de France. J’aime à croire que M. le ministre des travaux publics, soucieux des intérêts commerciaux du pays, se préoccupera vivement de cette situation déplorable et je le prierai de me donner quelques renseignements sur les mesures qu’il a prises ou qu’il compte prendre pour y porter remède.
M. Van Iseghem. - L'encombrement dont vient de parler l'honorable préopinant existe à Ostende comme à Anvers. Nous avons à Ostende des marchandises qui attendent sur le quai et dans la station depuis plusieurs jours leur tour d'expédition. Ces expéditions sont surtout arrêtées par suite du manque de bâches, qui font pour ainsi dire tout à fait défaut.
Je me joins donc à l'honorable député de Verviers et je prie M. le ministre des travaux publics d'étendre à Ostende les mesures qu'il prendra pour Anvers et principalement d'envoyer à Ostende des bâches.
M. Vermeire. - Il est parvenu à la Chambre une pétition d'industriels de Termonde signalant l'insuffisance du matériel de transport dans cette station.
Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire en sorte que si le matériel du chemin de fer est insuffisant, il soit augmenté ; et que, s'il n'est pas insuffisant, on le répartisse d'une manière plus équitable qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, les plaintes dont les honorables préopinants viennent de se rendre les échos sont réelles. Il y a effectivement un encombrement extraordinaire ; mais je crois pouvoir vous démontrer que l'administration n'y est pour rien ; cela provient exclusivement d'événements de force majeure dont elle ne peut nullement être rendue responsable.
(page 250) Pour vous en convaincre, messieurs, je vais avoir l'honneur de vous donner lecture d'une note que j'ai fait rédiger par l'administration des chemins de fer et qui vous expliquera d'une manière succincte, mais complète cependant, la situation telle qu'elle existe actuellement.
Voici cette note :
« Le commerce de Verviers se plaint du retard qu'éprouvent les expéditions de laine au départ d'Anvers (bassins), par suite de l'insuffisance du matériel de transport.
« Nous devons reconnaître que non seulement les laines, mais aussi les marchandises de toute nature éprouvent, depuis quelque temps, à Anvers, des retards très longs ; cela provient de causes diverses dont l'administration des chemins de fer de l'Etat ne peut pas être rendue responsable.
« L'une des principales causes de la situation doit être attribuée aux événements politiques qui ont fait affluer dans le port d'Anvers et sur les chemins de fer belges un trafic considérable hors de toute prévision et dépassant en importance le trafic que ces mêmes événements nous ont fait perdre.
« Rien que de Liverpool, nous recevons, toutes les semaines, quatre vapeurs chargeant de 4,000 à 5,000 tonnes et les vapeurs de Bordeaux, du Havre, etc., etc., qui, en temps ordinaire, ne font qu'un voyage tous les quinze jours, se succèdent de jour en jour.
« L'impossibilité d'écouler ces marchandises au fur et à mesure de leur arrivée a augmenté d'une manière notable le stock d'Anvers et les difficultés à surmonter.
« A la date de 2 de ce mois, les marchandises désignées ci-après attendaient leur tour de chargement, savoir :
« 12,289 balles de laine, la moitié pour Verviers et la moitié pour les autres localités du pays et pour l'Allemagne. Depuis le 17 novembre, 3,000 balles ont été expédiées et l'on charge tous les jours, dans la limite du matériel vide disponible et pouvant être mis en place ;
« 12,577 balles de coton pour l'Allemagne et la Belgique ;
« 0,755 tonnes de fontes brutes, de soude, d'huile, etc., pour la Baltique, l'Allemagne, la Suisse et la France ;
« 1,500 tonnes de sel pour le Luxembourg ;
« 1,424 tonnes de grains sur quai et dans les allèges ;
«.5,000 tonnes d'avoine et d'orge sur quai ;
« Des allèges portant de fortes cargaisons attendent dans les bassins pour débarquer dès que les tas du quai seront enlevés ;
« 880 tonnes d'épiceries dans le hangar ;
« 10,000 cuirs et peaux ;
« 53,840 barils de pétrole pour l'intérieur du pays, l'Allemagne et la France ;
« 400 tonnes de guano ;
« 1,000 tonnes de bois (planches et planchettes) ;
« 4 navires de vin en déchargement ;
« 12 navires de minerais en déchargement pour l'intérieur du pays ; 6 autres sont dans les bassins.
« Indépendamment des quantités considérables énumérées ci-dessus, il se trouve encore, dans les différents bassins, des allèges chargées de grains et autres marchandises dont il serait difficile de déterminer le chiffre et l'importance des transports destinés aux chemins de fer.
« Il s'est également produit un mouvement considérable en sens inverse ; de nombreux transports provenant de France, qui, en d'autres temps, empruntent les. voies du Havre et autres ports français, ont été dirigés sur Anvers pour y être embarqués.
« Dans ces conditions, l'encombrement était inévitable dans une station où les installations sont insuffisantes même en temps normal et l'on comprend les difficultés que l'administration a eu et à encore à surmonter.
« Pour parer à cette situation, elle n'a pas hésité à faire suspendre pendant quelque temps l'expédition de certaines catégories de marchandises en destination d'Anvers (transit) et à y faire affluer le plus de matériel vide possible et ce afin de dégager la station.
« Quatre voies nouvelles, permettant de garer trois à quatre cents waggons, ont été établies.
« Des hangars ont été loués et un autre a été construit pour l'emmagasinage des marchandises en destination d'Anvers et pour au delà.
« Les marchandises non enlevées dans les délais réglementaires sont déchargées et camionnées ou emmagasinées d'office par les soins de l'administration qui a demandé et obtenu le concours de l'autorité militaire pour suppléer au manque de bras, et les pénalités pour droit de dépôt et chômage du matériel sont rigoureusement perçues.
« Des trains nouveaux ont été organisés pour enlever le matériel chargé et ramener du matériel vide.
« En résumé, nous nous sommes trouvés et nous nous trouvons encore en présence d'une situation tout à fait anormale que rien ne pouvait faire prévoir, et l'administration ne peut que continuer les efforts qu'elle a faits depuis l'origine de celle situation, afin d'en atténuer les conséquences. »
Je dois ajouter, messieurs, que l'amélioration se fait déjà sentir et je puis espérer que, de jour en jour, elle deviendra plus sensible. Pour vous faire apprécier dans quelle situation nous nous trouvons, je vais avoir l'honneur de vous donner l'indication du matériel dont nous sommes privés par des événements de force majeure. Dans ce moment, nous avons en Allemagne 1,809 waggons, dont 789 sont en retard depuis plus de quinze jours et cela à peu près sans compensation. Nous avons, en outre, en Allemagne, 2,029 bâches dont 1,527 en retard depuis plus de quinze jours. En France, messieurs, nous avions aussi 945 waggons, mais nous avons pu en récupérer une partie et même nous sommes parvenus a louer une certaine quantité de waggons français, ce qui nous procure un allégement réel.
Nous avons en Belgique 1,273 waggons français à notre disposition et nous avons pu encore en louer 921. En résumé 3,002 waggons se trouvent hors du pays et nous n'avons pour les remplacer que 2,454 waggons étrangers.
Il y a donc, en ce moment, pour cas de force majeure qu'il nous est impossible de faire cesser, un déficit de 548 waggons.
J'espère être agréable aux honorables membres qui m'ont interpellé en leur faisant connaître une nouvelle mesure que je viens de prendre pour améliorer autant que possible la situation, surtout au point de vue du transport des laines et par conséquent à l'avantage du commerce de Verviers.
Je viens d'autoriser l'arsenal de Malines à mettre en service 150 bâches en toile, non préparées, pour pourvoir au plus pressé et éviter, dans la mesure du possible, les expéditions à découvert.
J'ai pense qu'il valait mieux les employer telles qu'elles étaient et les envoyer immédiatement là où le besoin s'en faisait sentir.
J'aime à croire que mes honorables collègues verront dans ces explications que s'il y a réellement encombrement et embarras dans ce moment, ce sont les événements extérieurs qui en sont la cause et qu'il n'était pas en notre puissance ni de prévoir ni de prévenir ; ils voudront bien, j'espère, rendre à l'administration le témoignage qu'elle a fait tous ses efforts pour obvier aux effets de la crise.
- L'incident est clos.
« Art. 5. Autriche : fr. 51,500. »
- Adopté.
« Art. 6. Bavière, Wurtemberg, Bade et Hesse Grand-Ducale : fr. 26,000. »
M. Coomans. - Il m'est impossible de ne pas renouveler l'observation que j'ai eu l'honneur de présenter plusieurs fois déjà à la Chambre relativement à la quasi-inutilité d'un grand nombre de nos agents diplomatiques. Je fais particulièrement allusion à ceux qui sont indiqués dans l'article 6.
J'ignore, il est vrai que je suis très ignorant en ces matières, j'ignore quels services peuvent nous rendre nos diplomates chez des peuples dont les gouvernements ne jouissent pas, je ne leur en fais pas un crime, d'une influence politique supérieure à la nôtre.
Du reste, messieurs, j'ai surtout demandé la parole pour prier l'honorable ministre des affaires étrangères de nous apprendre où en sont nos relations diplomatiques avec le Mexique.
Lors de notre expédition militaire dans cette partie du nouveau monde, on a prétendu qu'elle aurait pour principal résultat de favoriser nos relations industrielles et commerciales avec l'Amérique du Centre. Or, il se trouve, si je suis bien informé, que ces relations ont à peu près cessé. Nos exportations au Mexique et les arrivages de ce pays ont diminué à ce point qu'ils donnent un chiffre presque négatif ; si l'on peut me prouver le contraire, j'en serai charmé.
Je conçois que la Belgique officielle ait un peu boudé le Mexique à la suite des mésaventures que nous, et de plus puissants que nous, y avons eues. Mais toute bouderie doit avoir un terme, surtout lorsqu'elle amène des torts faits à des gens qui n'en peuvent mais. Que notre monde officiel tienne rancune au Mexique, je le conçois, mais nos commerçants et nos industriels, nos travailleurs de toute catégorie seraient charmés de pouvoir reprendre les relations qu'ils avaient avec le Mexique et qui tendraient à (page 251) augmenter considérablement, lorsque nous avons voulu joindre le poids de notre influence militaire à notre influence morale de pays neutre.
Je ne demanderai pas, Dieu m'en garde, à l'honorable ministre de nommer un diplomate politique à Mexico. Je l'engagerai au contraire à n'en rien faire ni aujourd'hui ni demain, attendu que nous avons déjà, selon moi, beaucoup trop de ministres politiques. Mais la question est de savoir si le moment n'est pas venu de nommer un ou plusieurs consuls au Mexique, après avoir fait le nécessaire à cet effet.
J'ai appris avec plaisir que l'honorable ministre s'occupe incessamment de la grande question des consulats, institution excellente qu'il a améliorée, qu'il continue à améliorer ; qu'il a nommé ou qu'il va nommer de nouveaux consuls, rétribués ou non, là où ils sont nécessaires. L'honorable ministre doit en savoir plus que moi sur ce point. Je pense que si les consuls sont bons quelque part, c'est surtout dans les pays éloignés, où la protection que l'organisation civilisatrice accorde ailleurs au commerce, fait quelquefois défaut.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Messieurs, mon honorable ami M. Coomans critique le maintien d'un ministre dans certains pays et notamment en Bavière, Wurtemberg, Bade, liesse Grand-Ducale. Ces critiques s'adressent naturellement aux autres postes qui existent dans des pays de moindre importance que les grandes puissances auprès desquelles nous sommes également représentés.
Cette question de la représentation de la Belgique auprès des pays de second ordre a été déjà bien des fois traitée dans cette enceinte et je ne crois pas que la Chambre soit d'intention de rouvrir à ce sujet une discussion qui paraît avoir été tout à fait épuisée en 1869. L'honorable M. Vanderstichelen a répondu alors d'une manière complète à l'honorable M. d'Hane qui avait émis à peu près les mêmes idées que celles que vient de vous présenter mon honorable ami M. Coomans. Je ne pourrais rien ajouter aux considérations qu'a soumises à la Chambre mon honorable prédécesseur.
Je pense du reste que le moment serait mal choisi pour demander des réductions ou des suppressions dans le corps diplomatique. Jamais la diplomatie n'a été d'une plus évidente utilité que dans les circonstances où nous nous sommes trouvés et où nous nous trouvons encore ; il serait aussi inopportun de demander en ce moment la réduction de la diplomatie
L'honorable M. Coomans a demandé quelles sont les intentions du gouvernement relativement au Mexique. Je reconnais qu'il serait désirable de pouvoir établir un consul général dans ce pays. Il y existe déjà des consuls, mais un consul général serait d'une incontestable utilité.
Je ne perds pas de vue cet objet, on comprend ce qui a dû retarder l'envoi d'un consul général dans ces parages ; mais j'espère que bientôt il pourra être pourvu à ce poste, et qu'il sera ainsi fait droit au désir de l'honorable M. Coomans, de développer avec ce pays des relations qui sont d'un grand intérêt pour l'avenir commercial de la Belgique.
Un rapport remarquable a été fait au roi, en 1868, par mon honorable prédécesseur, relativement aux consulats. Ce rapport a reçu une approbation unanime ; je compte exécuter ce que ce rapport à promis et je m'efforcerai de réaliser, le plus tôt possible, les idées exprimées dans ce document.
- L'article est adopté.
« Art. 7. France : fr. 71,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Grande-Bretagne : fr. 71,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Italie et Rome : fr. 72,500. »
- Adopté.
« Art. 10. Chine et Japon : fr. 46,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Pays-Bas : fr. 46,500 »
- Adopté.
« Art. 12. Prusse et Confédération du Nord : fr. 51,500. »
- Adopté.
« Art. 13. Russie: fr. 71,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Brésil: fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 15. Danemark, Suède et Norvège : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Espagne : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Etats-Unis : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Portugal : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 19. Turquie : fr. 47,970. »
- Adopté.
« Art. 20. Indemnités à quelques secrétaires et attachés de légation : fr. 27,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Traitements des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 179,550. »
M. Sainctelette. - Messieurs, l'influence considérable que le canal de Suez est appelé à exercer sur le trafic de l'Europe avec l'extrême Orient a décidé le cabinet précédent à créer un consulat général à Alexandrie.
C'est une excellente mesure. Je viens prier M. le ministre des affaires étrangères d'examiner s'il n'y a pas lieu de la compléter parla création d'un consulat général à Bombay.
Par sa situation géographique, par son importance acquise, par les nombreuses voies de communication dont elle est déjà le point de départ ou le point d'arrivée, la ville de Bombay me paraît appelée à devenir le foyer asiatique de la circulation du canal de Suez, comme Alexandrie est appelée à en devenir le foyer européen.
Mais, à Bombay, les affaires sont, pour les négociants belges, plus difficiles qu'à Alexandrie par la raison que le grand commerce de cette ville, dont la population dépasse déjà 800,000 âmes, est dans les mains de maisons indoues, malaises et de négociants originaires de la Chine.
Les relations des Belges avec cette catégorie de négociants sont tout naturellement beaucoup plus difficiles à former et à entretenir qu'avec les maisons européennes.
Je pense donc que ce serait une excellente mesure que de créer à Bombay un consulat général.
On m'objectera peut-être qu'il y a un consulat général de Belgique à Calcutta.
Je répondrai que l'opinion que j'indique ici a été énoncée et très bien justifiée dans un rapport fort remarquable du fonctionnaire même qui représente la Belgique à Calcutta.
Une des dernières livraisons de notre excellent Recueil consulaire contient un travail extrêmement intéressant de l'honorable M. d'Eggermont sur l'importance considérable que doit prendre, dans un avenir très prochain, le port de Bombay.
Il n'hésite pas à dire que ce sera bientôt une des métropoles commerciales les plus importantes du monde. Il suffira d'ailleurs à la Chambre de se rappeler que le territoire de l'Inde a cinq fois au moins l'étendue de la France, qu'il est habité par une population de 150 millions d'âmes et une population industrieuse et riche, pour comprendre qu'un seul homme ne peut suffire à étudier et à suivre un mouvement commercial aussi considérable.
Je voudrais soumettre à l'honorable ministre des affaires étrangères une seconde observation, celle-ci relative à la distribution des consulats non rétribués en Europe.
J'ai pu constater, par l'examen de la liste de nos consulats au 1er janvier 1870, que nous ne sommes presque pas représentés dans l'Allemagne du Midi, que notamment nous n'avons pas une seule agence consulaire en Bohême, en Hongrie et en Galicie.
Cependant ces pays sont déjà arrivés à un développement commercial et industriel très remarquable.
J'ai eu entre les mains et j'ai pu communiquer à des hommes compétents des documents très intéressants qui prouvent que l'industrie a, en Bohême, acquis une importance dont on ne se fait ici aucune idée exacte. En Hongrie, en Galicie, de grandes lignes de chemins de fer sont étudiées. Il y a, évidemment, pour nous un sérieux intérêt à être tenus au courant de tous ces progrès.
Je crois que la création de quelques consulats non rétribués dans ces pays rendrait à la Belgique les mêmes services que l'institution a rendus relativement à l'Allemagne du Nord et à l'Italie.
Les consuls ont pour mission surtout de faire connaître à la Belgique les faits généraux de l'ordre industriel et commercial de l'étranger, comme (page 252) de faire connaître à l'étranger l'état général du commerce et de l'industrie en Belgique.
Il me semble que les mêmes raisons qui ont motivé l'organisation des consulats dans certains pays, s'appliquent à plus forte raison aux pays que je viens de citer et qui, comme l'Allemagne du Midi, sont appelés à faire partie de la grande usine qui s'appelle l'Europe.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. Dans le rapport auquel je faisais allusion tout à l'heure, se trouve le passage suivant :
« Nos consuls à Bombay et à Singapore sont des négociants belges, capables et zélés ; nous avons en outre des agents à Madras, Colombo, Pointe-de-Galles, Calcutta, Akyab, Rangoon et Maulmain. Le consul général dans l'Inde anglaise est revenu en Belgique pour cause de santé. Son poste ne restera pas vacant. Notre industrie est loin de prendre à l'approvisionnement du vaste marché Indo-Birman la part qui semblerait pouvoir lui revenir. »
L'honorable membre reconnaîtra par la lecture que je viens de donner à la Chambre que le département des affaires étrangères n'a pas négligé d'examiner la question dont il vient d'entretenir l'assemblée ; je continuerai cet examen, afin de juger s'il y a lieu de fixer le consulat général à Bombay, ou peut-être d'en créer un nouveau.
Le gouvernement s'occupe, avec tout le zèle que cet objet réclame, de tout ce qui concerne les consulats ; déjà il a obtenu des résultats importants, grâce à mon honorable prédécesseur. Je m'efforcerai de poursuivre l'œuvre qu'il a commencée.
Quant à la question de savoir s'il y a lieu de créer des consulats dans des localités d'Europe où il n'y en a pas encore, je tiendrai note des indications de l'honorable membre, et je le remercie des renseignements qu'il a bien voulu me fournir sur les villes et les pays où il croit nécessaire d'établir des consulats. Ses observations seront prises en sérieuse considération.
M. le président. - La section centrale et le gouvernement sont d'accord pour porter le crédit demandé à l'article 21 à 184,530 francs. C'est une augmentation de 5,000 francs.
- L'article 21 est voté au chiffre de 184,550 francs.
« Art. 22. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »
M. le président. - La section centrale propose à cet article une réduction de 20,000 francs.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Il m'est impossible de me rallier à la réduction proposée par la section centrale.
Les frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, etc., sont portés à 70,500 francs.
La section centrale propose une réduction de 20,000 francs ; je pense qu'elle a été déterminée à faire sa proposition à raison des fonds qu'elle croit encore en ce moment disponibles sur ce crédit, et qui prouveraient que le chiffre demandé est trop élevé.
II me sera facile d'établir que ce que nous avons encore à payer sur le crédit demandé l'absorbera presque entièrement et ne nous laissera qu'une somme insignifiante pour les besoins qui se révéleront nécessairement d'ici à la fin de l'année.
Les frais de voyage proprement dits sont calculés sur la base de l'arrêté royal du 21 novembre 1846, mais en adoptant cette base, beaucoup d'agents diplomatiques et de consuls ne rentrent pas même entièrement dans les frais que leur occasionnent leurs déplacements.
On demande, et avec raison, de tous côtés, que l'on multiplie le nombre des consuls, que l'on crée de nouveaux consulats généraux, qu'on envoie des agents dans les pays les plus lointains, afin d'ouvrir de nouvelles voies au commerce ; mais ces voyages, mais ces explorations exigent des frais qui s'élèvent souvent à des sommes considérables. Ainsi, nous allons avoir à envoyer un consul général en Australie ; eh bien, pour couvrir les seuls frais de passage de ce consul et de sa famille depuis Southampton jusqu'à Melbourne, il faudra lui allouer une somme de 11,500 francs et il faudra, en outre, lui payer les frais de transport d'ici jusqu'à Southampton.
Nous avons encore à payer des frais pour le déplacement du consul qui est maintenant à Bucharest ; de ce chef, nous aurons à payer 06000 francs. Enfin, nous avons à payer, pour le retour d'un consul qui se trouve maintenant dans l'Inde, une somme de 10,000 francs et une somme égale pour l'envoi dans l'Inde de son successeur.
Conséquemment, nous avons encore dans le moment actuel à payer une somme de 41,000 francs ; de manière qu'il ne nous reste disponible sur le crédit de 70,500 francs que la minime somme de 2,000 francs, qui ne sera pas même suffisante pour couvrir les dépenses qui se révéleront évidemment d'ici jusqu'à la fin de l'année.
Il me semble donc absolument impossible de réduire la somme de 70,500 francs. L'expérience d'un grand nombre d'années est là pour prouver que cette somme est loin d'être exagérée, et l'augmentation du nombre des consulats dans les pays lointains aura encore pour conséquence inévitable un accroissement des dépenses imputables sur cette allocation. Si donc on veut indemniser convenablement nos ministres et nos consuls lorsqu'ils ont à se déplacer, il est absolument impossible de réduire le crédit de 70,500 francs alloué depuis bien des années au département des affaires étrangères.
Je ferai remarquer, en terminant, qu'en Belgique nous sommes très ménagers des deniers publics en cette matière.
Dans les autres pays, en France et en Italie, par exemple, on accorde aux ministres et aux consuls des frais d'installation qui vont jusqu'au tiers du traitement ; en Belgique, on ne leur donne absolument rien de ce chef ; ils n'obtiennent que des indemnités de déplacement et, je le répète, ces indemnités sont souvent insuffisantes pour couvrir les frais auxquels nos envoyés sont astreints, lorsqu'ils doivent se transporter avec leur famille et leur mobilier dans des contrées éloignées.
J'espère donc que la Chambre ne sanctionnera pas la résolution de la section centrale et qu'en présence des explications que je viens de lui donner et qui établissent l'impérieuse nécessité de maintenir le crédit le 70,500 francs, elle ne privera pas le gouvernement des moyens d'indemniser convenablement de leurs frais de transport des agents qui sont déjà si faiblement rétribués pour leurs importants services.
M. Thonissen. - Messieurs, je suis du nombre de ceux qui, au sein de la section centrale, ont voté la réduction de ce crédit de 70,500 fr. à 50,500 francs, et je regrette vivement que l'honorable ministre des affaires étrangères ne puisse pas se rallier à cet amendement.
Nous n'avons pas voté à la légère cette réduction de 20,000 francs. Nous ne nous sommes décidés qu'à la suite d'un examen attentif de documents officiels qui nous ont été communiqués par le département des affaires étrangères.
Ces documents nous ont, en effet, prouvé à la dernière évidence que le tarif qui règle aujourd'hui le taux des frais de voyage de nos diplomates est beaucoup trop élevé et a besoin d'être considérablement réduit.
En voici quelques preuves irrécusables :
Nous savons tous quels sont les déboursés à faire pour un voyage de Bruxelles à Paris.
Le prix du transport par chemin de fer, dans un compartiment de première classe et par train express, ne s'élève pas à 40 francs. Supposons qu'on prenne une voiture à Bruxelles, une autre à Paris, qu'on dîne en route et qu'on dîne même très bien, la dépense totale ne s'élèvera certainement pas à 60 francs. Eh bien, le gouvernement paye de ce chef une somme de 260 francs... Je me trompe : il paye 261 fr. 8 c. (Interruption.)
Voici d'autres chiffres bien plus extraordinaires :
Quand on se rend de Constantinople à Alexandrie, on prend les paquebots des messageries françaises, où l'on est très bien logé et très bien nourri.
Un de mes amis, qui a fait ce voyage, m'a affirmé que l'administration des paquebots exige, pour le transport et la nourriture, une somme de 500 à 600 francs ; or, pour ce voyage de la capitale de la Turquie à Alexandrie, le gouvernement belge paye 2,850 francs !
Prenons un autre exemple. Arrêtons-nous aux frais de voyage de Saint-Pétersbourg à Alexandrie.
Ce voyage est, sans doute, très long, mais il n'est ni aussi difficile, ni aussi dispendieux qu'on pourrait se l'imaginer. De Saint-Pétersbourg à Venise on a le chemin de fer, et à Venise on prend les paquebots qui se rendent en Egypte. De la sorte, ce voyage se trouve singulièrement facilité.
Eh bien, ici le gouvernement belge paye 11,000 francs ! Je ne crois pas me tromper en disant que la dépense réelle peut difficilement s'élever au tiers de cette somme.
Citons encore un cas.
Quand un attaché de légation se rend de Florence à Vienne, voyage de quelques heures, qui s'opère maintenant avec la plus grande facilité, le gouvernement belge paye 374 fr. 21 c. N'est-ce pas encore une somme manifestement exagérée ?
Je terminerai cette énumération en parlant d'un voyage plus rapproché de nous.
Quand un diplomate belge déménage de La Haye à Londres, savez-vous ce qu'on lui paye pour frais de déménagement ? On lui paye 5,000 francs !
(page 253) M. le ministre des affaires étrangères s'est donc trompé quand il a cru que la section centrale, en proposant la réduction du crédit, a tenu uniquement compte des sommes dépensées et des sommes non dépensées.
La section centrale a voulu savoir ce qu'on payait aux diplomates belges, et en vertu de quelle disposition légale les frais de voyage étaient aujourd'hui fixés ; c'est ainsi qu'elle a appris que ces frais ont été réglés par un arrêté royal du 21 novembre 1846, c'est-à-dire, par une disposition prise à une époque où il y avait beaucoup moins de chemins de fer, beaucoup moins de bateaux à vapeur que nous n'en avons maintenant ; à une époque où l'on voyageait habituellement en poste.
Or, les voyages en poste étaient fort lents et excessivement coûteux. Beaucoup de membres de cette assemblée en ont sans doute fait l'expérience. Aujourd'hui, au contraire, tout le monde le sait, on se transporte beaucoup plus rapidement, plus commodément et, en même temps, beaucoup plus économiquement.
Je crois donc que le tarif du 21 novembre 1846 doit être promptement révisé ; les sommes que l'on paye aujourd'hui sont véritablement exorbitantes.
Voilà les raisons véritables qui ont engagé la section centrale à réduire ce crédit.
Il est évident que, si l'on veut maintenir le tarif actuel, la somme de 70,000 francs sera nécessaire pour couvrir les dépenses jusqu'à la fin de l'année prochaine. Mais c'est précisément là un des motifs qui doivent engager le gouvernement à procéder, le plus tôt possible, à la révision du tarif de 1846.
Depuis 1846, de nouvelles voies de communication rapides et économiques ont été créées ; la situation de l'Europe, sous le rapport des moyens de transport, a complètement changé.
Que nos diplomates puissent voyager convenablement, rien de mieux et j’y consens volontiers ; mais une indemnité pour frais de voyage ne doit pas se transformer en gratification. Si un secrétaire de légation faisait cinq ou six voyages par an de Bruxelles à Paris, il y trouverait une véritable augmentation d'appointements.
Je prie donc de nouveau M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien opérer, le plus promptement possible, la révision du tarif de 1846 ; et, pour faire preuve de condescendance, je voterai encore, cette année, le chiffre de 70,500 francs.
M. Rogier. - Chaque fois que l'on propose dans cette Chambre des économies raisonnables, bien justifiées, je serai toujours prêt à m'y associer. Mais je suis un peu surpris de ce que, à l'exclusion de questions importantes qui auraient pu être soulevées dans la discussion du budget des affaires étrangères, la section centrale paraisse concentrer ses forces contre l'exagération des frais de route de quelques agents diplomatiques ou consulaires. Elle propose une réduction de 20,000 francs sur un crédit de 70,000. Pour ma part, je ne suis pas favorable à cette économie. Je crois que nos agents diplomatiques ainsi que nos agents consulaires ne reçoivent en général qu'une rétribution à peine suffisante. Quant aux frais de route dont on vient de nous donner quelques détails, il paraît qu'on n'a pas été au fond même de la question.
Si l'on parlait du transport purement personnel d'un agent qui se rend d'une ville à une autre, je concevrais que certaines sommes pussent paraître exagérées. Mais beaucoup de nos agents sont mariés ; ils ont une famille, un personnel qui les sert, un mobilier à transporter ; ils ont, en outre, des frais de déménagement et d'emménagement. Lorsqu'ils quittent une ville où ils sont établis, ils doivent renoncer à leur habitation avant que la durée du bail soit expirée et ils ont souvent de ce chef une indemnité à payer. A leur arrivée dans une nouvelle résidence, ils ont des frais extraordinaires à supporter : tout cela est compris dans les frais de voyage.
On vient de proposer, avec raison, d'augmenter encore le nombre de nos agents consulaires rétribués.
On a désigné un point très important où il s'agirait de nommer un consul général ; on a parlé de Bombay, qui n'est pas à quelques lieues d'ici. Eh bien, messieurs, est-ce le moment, lorsqu'on veut accroître le nombre des agents consulaires, de réduire le crédit destiné aux frais de voyage ?
Je crois donc que M. le ministre des affaires étrangères a parfaitement raison de s'opposer à cette réduction. Je ne pense pas, messieurs, qu'en général, au département des affaires étrangères, on gaspille l'argent. Il y a de bonnes raisons pour cela : les sommes à dépenser ne sont pas relativement considérables. Or, si l'on veut que nous ayons à l'étranger une représentation diplomatique ou commerciale sérieuse, il faut rétribuer convenablement nos agents, à moins qu'on ne veuille laisser ces places à des personnes qui, favorisées de la fortune, accapareront le monopole de ces fonctions et se substitueront ainsi aux hommes capables et intelligents qui n'auraient pas d'autre patrimoine.
Quant à moi, je ne voudrais pas d'un système qui exclurait des fonctions diplomatiques les hommes intelligents et capables au profit de concurrents qui se contenteraient quelquefois d'exercer ces fonctions à titre honorifique ; je tiens à ce que les fonctions diplomatiques et consulaires restent, comme les autres, ouvertes à tout le monde, que tous les Belges soient égaux devant les fonctions, qu'ils puissent y aspirer et les remplir honorablement.
Je m'oppose donc, pour ma part, à ces réductions qui ne sont pas, je le pense, dignes de nos discussions.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Je remercie l'honorable M. Rogier d'avoir bien voulu défendre le chiffre que je demande à la Chambre de voter pour l'article maintenant en discussion.
L'honorable M. Rogier a pris avec raison la défense des agents diplomatiques et des consuls, et ce sera un nouveau motif de reconnaissance pour eux envers leur ancien et honorable chef.
Je ne demande pas mieux que de réviser ou du moins d'examiner de nouveau le tarif de 1846. Mais je doute fort que la révision de ce tarif amène des économies et je suis porté à croire qu'un nouvel examen de cet arrêté amènera plutôt une augmentation qu'une réduction.
L'honorable M. Thonissen vous a cité quelques chiffres qui ont pu faire impression sur la Chambre, parce que, en effet, si ces chiffres s'appliquaient au voyage d'un seul individu, ils seraient d'une exagération évidente. Mais les ministres et les consuls ne voyagent pas seuls ; ils voyagent avec leur famille et souvent avec leur mobilier. Peut-on exiger qu'un ministre on un consul, en quittant son consulat ou son poste diplomatique, vende à perte les meubles qu'il avait ? Non, sans doute ; or, ils emportent avec eux leur mobilier ; ils ont des frais considérables à supporter lorsqu'ils ont à parcourir de grandes distances. Le tarif de 1846 est à peine suffisant dans ces circonstances.
Du reste, je puis le dire, et tous les agents diplomatiques vous certifieront qu'il en est ainsi, quand ils changent de poste et doivent se rendre à des distances un peu éloignées, loin de faire un bénéfice sur les frais de transport, ils y mettent ordinairement du leur.
L'arrêté de 1846 est donc loin d'être trop favorable pour les agents diplomatiques, déjà si faiblement rétribués.
J'espère donc que la Chambre, se rendant aux motifs si bien développés par l'honorable M. Rogier, n'hésitera pas à voter le chiffre que je demande et auquel d'ailleurs l'honorable M. Thonissen s'est rallié, au moins pour cette année. Je promets d'examiner attentivement l'arrêté de 1846 et s'il y a des modifications à faire, je les ferai.
M. Thonissen. - Dès l'instant que l'honorable ministre des affaires étrangère s'engage à réviser le tarif de 1846, le but que je poursuis est atteint ; mais, pour ma part, je ne m'attends pas du tout au résultat que prévoit l'honorable baron d'Anethan. Il dit que si l'on fait une révision du tarif de 1846, on devra peut-être, en 1870, arriver à l'adoption d'un tarif allouant des indemnités plus considérables. Cela me semble absolument impossible. Comme on voyage aujourd'hui plus rapidement et plus économiquement qu'en 1846, je ne vois pas comment les sommes déclarées suffisantes en 1846 pourraient être insuffisantes en 1870.
Du reste, il ne faut pas que la Chambre se trompe sur la nature des indications que j'ai eu l'honneur de lui fournir. J'ai eu en main un long tableau des sommes payées à des membres du corps diplomatique, et j'ai choisi de préférence les célibataires. Dans les diverses sommes que j'ai indiquées, il n'y en a que deux, je crois, qui aient été payées à des diplomates mariés. La somme de 11,000 francs notamment, pour un voyage de Saint-Pétersbourg à Alexandrie, a été allouée à un célibataire. ^
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Pas du tout ; il est très marié. (Interruption.)
M. Thonissen. - Supposons qu'il y ait là une erreur. Dans tous les cas, j'ai trouvé un secrétaire de légation célibataire voyageant de Florence à Vienne, et un autre, également célibataire, voyageant de Bruxelles à Paris.
Du reste, qu'on examine la question ; je ne demande qu'une révision impartialement faite par l'honorable ministre des affaires étrangères.
L'honorable M. Rogier, sans le vouloir, a indirectement confirmé mon système. Il a dit que nos diplomates sont peu payés, qu'ils sont insuffisamment rétribués, qu'il y a là une carrière ouverte seulement aux riches, tandis que, dans un pays démocratique comme le nôtre, il importe que toutes les carrières soient accessibles à tous les hommes de talent, quels que soient leur position sociale ou leur état de fortune.
(page 254) Je ne repousse pas, messieurs, ces idées généreuses ; mais la question a résoudre est d'une tout autre nature. Si les appointements accordés à nos diplomates ne sont pas assez élevés, qu'on vienne nous le dire avec franchise, et nous y aviserons au besoin ; mais qu'on ne vienne pas chercher, par voie détournée, une augmentation de traitement dans des frais de voyage, qui ne doivent être qu'une simple indemnité.
Voilà le véritable sens de mes critiques.
M. Rogier. - Messieurs, ce qui avait provoqué mes premières observations, c'est l'allusion qu'on vient de renouveler à l'égard de fonctionnaires avec lesquels j'ai eu des relations.
On a cité un voyage de Saint-Pétersbourg à Alexandrie. On a dit que le diplomate dont il s'agissait est célibataire ; c'est une erreur, il est marié et père de famille.
II ne s'est pas non plus rendu directement de Saint-Pétersbourg à Alexandrie, et a passé par Bruxelles et y a séjourné pour recevoir des instructions.
M. Thonissen. - Il n'y a rien de personnel à son égard dans ce que j'ai dit.
M. Rogier. - Je le défends, moi, personnellement.
Si je suis bien informé, la situation que ce fonctionnaire a trouvée à Alexandrie serait loin d'ajouter à ses ressources personnelles.
Il y a, messieurs, je le répète, des dépenses qui ne font pas partie des frais de transport et qui sont cependant indispensables ; il faut, au départ, vendre ses meubles à tout prix ou il faut les transporter, et le transport des meubles coûte très cher ; il faut se rendre au loin dans une résidence nouvelle et s'y établir à tout prix.
Voilà, messieurs, des considérations dont il faut tenir compte quand on a à s'occuper de la liquidation de frais de voyage des agents diplomatiques.
Je ne crois pas, messieurs, que l'honorable ministre des affaires étrangères soit plus disposé que ses prédécesseurs à gaspiller les fonds de l'Etat et je voudrais seulement voir disparaître l'impression qu'ont pu produire les critiques adressées à quelques agents diplomatiques et qui ne me paraissent pas fondées.
Ainsi, messieurs, on a parlé d'un voyage de La Haye à Londres. Il s'agissait, je crois me le rappeler, d'un déplacement qui a nécessité plusieurs voyages, transport de meubles, de chevaux et voiture, séjour à Bruxelles, etc. ; ce sont là des dépenses considérables.
On a dit, messieurs, que les frais de voyage par chemin de fer ne sont pas aussi coûteux que l'étaient les transports par les routes ordinaires ; cela est parfaitement vrai, mais, messieurs, il faut remarquer que pour les frais de voyage par chemin de fer, les indemnités par lieue de parcours sont réduites de moitié.
D'après ce que vient de dire l'honorable M. Thonissen, je ne sais pas s'il maintient sa proposition.
M. le président. - C'est la proposition de la section centrale.
M. Thonissen. - J'ai déjà dit que je voterais l'article pour cette année-ci.
M. Rogier. - Nous sommes d'accord, mais prenez garde d'avoir une augmentation l'année prochaine.
- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 23. Perception des droits de chancellerie, à Paris. Personnel : fr. 8,240. »
- Adopté.
« Art. 24. Perception des droits de chancellerie, à Paris. Frais divers : fr. 360. »
- Adopté.
« Art. 25. Traitement d'un drogman et indemnités à divers employés dans des résidences en Orient : fr. 15,650. »
M. le président. - La section centrale et le gouvernement sont d'accord pour porter ce crédit à 18,150 francs.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 26. Frais de correspondance de l'administration centrale avec les agences, ainsi que des agences entre elles ; secours provisoires à des Belges indigents ; achat et entretien de pavillons, écussons, timbres, cachets ; achat, copie et traduction de documents ; frais extraordinaires et accidentels : fr. 73,620. »
- Adopté.
« Art. 27. Missions extraordinaires, traitements d'inactivité et dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 47,000. »
« Art. 28. Chambres de commerce : fr. .16,000. »
- Adopté.
« Art. 29. Frais divers et encouragements au commerce : fr.42,800. »
- Adopté.
« Art. 30. Services de navigation à vapeur entre Anvers et les ports étrangers ; remboursement des droits de pilotage, de phares et fanaux (crédit non limitatif) : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 31. Personnel actif et sédentaire, en disponibilité aux deux tiers de solde, en non-activité et non replacé : fr. 313,506. »
M. le président. - La section centrale et le gouvernement sont d'accord pour augmenter ce crédit de 10,000 francs et pour le porter à 323,506 francs.
M. Thonissen. - Messieurs, je profite de l'occasion qui se présente, pour appeler l'attention du gouvernement sur la position anormale, je dirai même étrange, dans laquelle se trouve aujourd'hui la marine militaire belge.
M. Coomans. - Je demande la parole.
M. Thonissen. - Cette marine militaire n'a pas toujours eu les tristes destinées qu'elle subit aujourd'hui.
Nous avons eu un instant, après la révolution de 1830, 14 navires portant 84 canons, 36 officiers, 6 comptables, 6 médecins et 760 marins.
Mais, la Chambre le sait, cette situation prospère ne dura guère. Notre marine militaire fut bientôt réduite à une goélette, la Louise-Marie, et un petit brick, le Duc de Brabant.
On alla même plus loin.
En 1860, on désarma la goélette et, en 1862, l'honorable M. Rogier prescrivit le désarmement du brick le Duc de Brabant, dernier et faible vestige de notre puissance maritime.
Aujourd'hui donc, messieurs, les bâtiments, le matériel, les canons, les comptables, les médecins, les marins, tout a disparu ; il ne nous reste que seize officiers sans navires et sans soldats.
M. Coomans. - Je crois que nous sommes d'accord.
M. Thonissen. - De ces seize officiers, deux sont en non-activité, neuf sont chargés de divers services maritimes complètement civils, et cinq commandent les paquebots chargés du service des postes entre Ostende et Douvres.
Eh bien, messieurs, croiriez-vous que, pour ces seize officiers sans navires et sans soldats, nous avons deux codes : un code pénal pour l'armée de mer et un code d'instruction criminelle pour l'armée de mer ? Et, chose plus bizarre encore ! aujourd'hui déjà, il est impossible de juger certains officiers.
L'article 20 du chapitre premier du titre II du code de procédure pour l'armée de mer dispose que, lorsqu'un délit est commis par un officier de la marine, l'instruction doit être faite par deux officiers d'un grade au moins égal à celui du prévenu. Or, comme nous n'avons plus que deux capitaines de vaisseau, si l'un d'eux se baltait en duel, il y aurait impossibilité absolue de le mettre en jugement. Il y a plus : bientôt si le système actuel n'est pas modifié, il y aura impossibilité absolue de composer un conseil de guerre maritime.
D'après l'article 113 du chapitre III du code de procédure pour l'armée de mer, il faut que le conseil soit composé de sept officiers. Or, des seize officiers qui nous restent, deux sont en non-activité et, parmi les quatorze autres, cinq ont dépassé de beaucoup l'âge ordinaire de la mise à la retraite. Il en résulte que, pour peu que la mort s'en mêle, le moyen de constituer un tribunal légal viendra complètement à manquer.
En réalité, la marine militaire belge est aujourd'hui une superfétation, une branche parasite qu'il importe d'élaguer du budget de l'Etat.
Non seulement les officiers sont sans navires et sans soldats ; mais, en outre, la marine militaire elle-même a été condamnée irrévocablement par la Chambre et par le gouvernement.
(page 255) En 1834 ou en 1835, on vint présenter dans cette enceinte un projet de réorganisation de la marine militaire ; mais la Chambre le repoussa à une immense majorité, et le gouvernement dut céder. On conserva seulement alors deux petits bâtiments, le brick et la goélette dont j'ai déjà parlé.
En 1862, M. Rogier, sans oser revenir sur la décision antérieurement prise, vint proposer à la législature, avec beaucoup de raison, l'organisation d'un service de paquebots-poste entre Ostende et Douvres.
La Chambre agréa le projet ; mais, craignant d'y voir le prélude de la résurrection d'une force maritime, elle profita de l'occasion pour supprimer le titre de marine militaire et lui substituer celui de marine de l’Etat. M. Rogier, il est vrai, ne se rendit pas complètement ; il déclara à la Chambre qu'il maintiendrait, comme noyau, le personnel militaire existant, parce que, disait-il, le pays éprouverait un jour le besoin d'avoir une marine militaire, et qu'alors on serait heureux de retrouver au moins un certain nombre d'officiers.
Il restait donc un espoir, mais cet espoir s'évanouit à son tour, et quelques années après, le ministre de la guerre, l'honorable général Renard, vint officiellement déclarer que la défense nationale n'avait nullement besoin d'une marine militaire.
Voilà donc une institution complètement condamnée. Pourquoi dès lors maintenir les officiers ?
Remarquez qu'il ne s'agit pas seulement ici d'une question d'économie, mais encore et surtout d'un acte de justice à accomplir à l'égard des officiers de marine.
En 1833 et en 1834, on a fait un appel aux jeunes officiers belges disposés à entrer dans la marine militaire. Un avis inséré au Moniteur portait que les examens pour les armes spéciales auraient lieu à telle époque et qu'il y aurait autant de nominations pour le génie, autant pour l'artillerie, autant pour la marine militaire.
N'est-il pas évident que, si les candidats avaient pu, un seul instant, soupçonner le sort futur de notre marine militaire, aucun d'eux ne se serait présenté ?
En fait, la marine militaire est supprimée, et l'on impose aux officiers un service purement civil. On leur a enlevé toute chance d'avancement régulier ; on a brisé leur carrière, et on veut cependant qu'ils restent officiers de la marine militaire belge, marine qui n'existe plus même de nom, et dont le gouvernement, par l'organe du ministre de la guerre, a déclaré pouvoir désormais se passer !
On croira peut-être que ces officiers, attachés aux paquebots chargés du service de la poste, font toujours un service d'officiers de marine.
Mais, remarquez-le bien, messieurs, il n'y a absolument rien de militaire dans ce service ; c'est un service purement civil. Ce qui le prouve surabondamment, c'est que, de nos six paquebots, il y en a un qui est commandé par un capitaine de la marine marchande et que, sur les cinq autres bâtiments, les commandants en second, les matelots, les chauffeurs, en un mot, tout le personnel est dépourvu de tout caractère militaire.
Il est vrai qu'aujourd'hui encore l'engagement du matelot se signe dans la forme usitée pour les engagements militaires ; mais, dans une circulaire relative à cet objet, l'honorable M. Rogier, alors ministre des affaires étrangères, a eu soin de déclarer que, nonobstant sa forme militaire, l'engagement conservait un caractère purement et radicalement civil.
Ainsi, messieurs, voici en deux mots la situation : on ne veut pas d'une marine militaire et l'on n'en conserve pas moins des officiers dont on a brisé la carrière et auxquels on impose un service purement civil ! Evidemment, une telle situation ne saurait durer. Je ne fais pas de proposition, mais je recommande l'étude de la question à M. le ministre des affaires étrangères.
Il pourrait prendre l'une de ces deux mesures également équitables : ou bien mettre les officiers dont je viens de parler en disponibilité illimitée avec allocation d'une somme suffisante pour leur permettre de subsister honorablement ; ou bien faire pour ces officiers ce qu'on a fait à une autre époque pour les officiers polonais qui faisaient partie de l'armée belge.
Un jour, pour de graves raisons politiques, il a fallu renoncer aux services de ces derniers officiers ; mais le pays ne les a pas renvoyés sans compensation : il leur a accordé une pension calculée de manière à les consoler de la perte de leurs chances d'avancement.
Dans le cas actuel, il y aurait d'autant plus de raison d'agir de la même manière que nos officiers de marine sont des Belges et qu'il faut, en toute justice, les traiter au moins aussi favorablement que les étrangers qui se sont trouvés dans une position analogue. Leur condition actuelle est une véritable anomalie ; il importe de la faire disparaître le plus promptement possible.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je désire appeler également l'attention de la Chambre sur la question traitée par l'honorable membre qui vient de se rasseoir, mais en me plaçant à un point de vue tout à fait différent. Mais, avant d'aborder cet examen, je rappellerai à M. le ministre des affaires étrangères la promesse qu'il nous a faite, lors de la discussion du budget des voies et moyens, de nous faire connaître le coût réel de notre service de paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres.
Je réserverai les observations que j'aurai à présenter sur ce point quand le renseignement demandé aura été produit.
En attendant, je vais reprendre le point qui a été traité par l'honorable M. Thonissen.
Pour moi, il est évident que la conservation du service de la malle d'Ostende à Douvres dans les attributions du département des affaires étrangères, n'est qu'une espèce de pierre d'attente pour reconstituer, dans l'avenir, la marine militaire belge qui, d'après moi, a été heureusement supprimée ou à peu près. S'il n'en était ainsi, la véritable place de ce service serait au département des travaux publics.
En effet, que sont les paquebots qui font le service de la malle entre Ostende et Douvres ? Ils ne sont que la continuation du chemin de fer à travers la mer.
Le service de ces bateaux devrait donc être complètement placé sous la direction du ministre qui a les chemins de fer dans ses attributions.
Il est évident que le fait que ce service se trouve sous la direction d'un autre ministre, doit amener à certains moments, des complications et des retards qui peuvent être quelquefois regrettables.
Je ne fais pas, cette année, des propositions à cet égard ; mais j'appelle l'attention spéciale de MM. les ministres des affaires étrangères et des travaux publics sur la convenance d'opérer le transfert dont je parle. Nous pourrions nous rendre beaucoup mieux compte que nous ne pouvons le faire maintenant, des dépenses que ce service occasionne.
Je ne vois pas dans le budget l'ensemble des dépenses qu'il nécessite.
C'est pour cela que j'ai demandé le tableau des dépenses, tableau que M. le ministre des affaires étrangères vient de déclarer être' prêt à déposer.
Si, l'année prochaine, le gouvernement ne prend pas l'initiative à cet égard, j'aurai l'honneur de proposer le transfert dont il s'agit.
M. Coomans. - Messieurs, je ne suis pas aussi complètement d'accord avec M. Thonissen que l'honorable membre l'a supposé ; il y a chez lui la même erreur que chez l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ; il raisonne dans l'hypothèse que nous avons encore une marine militaire ; or, il n'y en a plus et depuis longtemps, et je m'en vante.
Pendant de longues années, moi et d'autres nous avons travaillé pour effacer du budget non seulement les crédits affectés à la marine militaire, mais le nom même, le nom ridicule de la marine militaire de Belgique. Enfin, nous y sommes parvenus, non sans peine, je l'avoue ; un beau jour, plus heureux que les années précédentes, nous avons eu une très grande majorité pour la suppression du nom de marine militaire dans le budget des affaires étrangères.
On nous disait alors qu'il ne restait plus que ce nom ; que j'avais tort de m'acharner contre ce nom. J'ai répondu que ce nom était de trop, et que j'aimais mieux qu'il disparût du budget que de l'y voir figurer encore. Enfin, on a fait disparaître le nom de marine militaire, et l'on nous a donné l'assurance que nous n'avions plus de marine militaire.
C'est dans cette conviction-là que j'ai lu avec surprise dans le rapport de la section centrale des prétentions et des expressions complètement inadmissibles.
Le rapport de la section centrale est une des nombreuses tentatives faites depuis quelques années pour remettre à flot notre marine militaire. La section centrale ne cesse de parler de marine militaire ; ce mot se trouve une douzaine de fois aux pages 13 et 14 du rapport ; non seulement on y parle des officiers de la marine militaire, mais on ajoute « qu'ils font un service plus actif, plus fatigant et plus périlleux que ceux de l'armée de terre ; - ils n'ont plus assez de caractère militaire.- Cinq encore appartiennent à la marine militaire. - Notre marine militaire n'existe plus que de nom, et cette marine militaire mérite un examen sérieux de la part du gouvernement. - Si ces officiers militaires étaient fonctionnaires civils, ils auraient droit à une pension, etc. »
Messieurs, il n'y a rien de vrai dans tout cela : nous n'avons plus de marine militaire. Elle a été supprimée au moins deux fois et la seconde fois d'une manière telle, que nous ne devions pas nous attendre à la voir ressusciter en tapinois comme elle essaye de le faire aujourd'hui.
La marine militaire a fait naufrage. Un autre jour encore, il y a treize ans, et je croyais à cette époque avec l'honorable M. Orts, qui a assisté à (page 256) ce naufrage, qui en a été un peu cause avec moi, je croyais, à cette époque, qu'on n'aurait plus jamais parlé de marine militaire. Le gouvernement avait nommé une commission solennelle de membres des deux Chambres, qui a tenu quinze ou seize séances avec Mgr. le comte de Flandre, qui a pris une large part à la discussion, qui a prononcé de très beaux discours. Après de longues et savantes discussions, la commission gouvernementale a décidé par 13 voix contre 2, je pense, qu'il serait reconstruit une marine militaire en Belgique et une marine militaire respectable d'une douzaine de millions au moins.
Dans la dernière séance on a dit à M. Orts et à moi, et à moi surtout : « Vous voyez bien que vous aviez tort, la commission a décidé à peu près a l'unanimité que nous aurons une grande marine militaire. »
J'ai répondu alors : Je vous défie de venir devant la Chambre avec des conclusions aussi ridicules que celles-là. Et, en effet, la proposition dont il s'agit n'a pas été déposée.
Je crois que c'était là la fin de notre marine militaire, mais à chaque instant, dans le Moniteur, par des arrêtés royaux où l'on multiplie le titre de marine militaire, dans d'autres documents, dans le rapport de la section centrale, on essaye de nous préparer à une sorte de restauration de la marine militaire.
Messieurs, j'espère qu'il n'en sera rien et je dis aux partisans d'une marine militaire belge d'avoir le courage de cette sotte opinion et de nous formuler ici une proposition de loi afin que nous puissions l'examiner et la rejeter immédiatement.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Je tiens, en ma qualité de rapporteur, à répondre quelques mots au reproche que vient de faire l'honorable M. Coomans à la section centrale, de vouloir restaurer la marine militaire.
Il est vrai, comme l'honorable membre vient de le dire, qu'il a présenté dans le temps, un amendement tendant à ce que la marine militaire soit appelée à l'avenir marine de l'Etat.
Mais il reste encore aujourd'hui dans le corps de cette marine 16 officiers qui ont été nommés il y a 15, 20, 30 ou 40 ans et qui ne peuvent être privés de leur position.
Ne pourrait-on faire pour eux ce qu'une loi a fait jadis pour les officiers polonais ?
A ces derniers, on a donné un traitement de disponibilité à peu près égal à leur traitement d'activité. L'honorable M. Thonissen a demandé qu'on examine s'il n'y a pas lieu de prendre une mesure analogue pour les officiers de la marine militaire. Il faut absolument qu'on régularise leur position. Je suis d'accord que presque tous exercent des fonctions civiles et que dans la position que ces officiers ont en ce moment, il n'y a presque plus rien de militaire. Mais aussi longtemps qu'une loi ne sera pas intervenue pour régulariser leur position, pour leur donner des fonctions civiles, il est impossible de ne pas leur conserver leur titre d'officiers de la marine militaire ; et c'est ce qui fait que la section centrale leur a donné cette dénomination.
Mais je puis assurer l'honorable M. Coomans qu'il n'y a pas eu dans mon rapport de tentative pour faire revivre la marine militaire.
L'honorable M. Thonissen est entré dans des détails pour prouver dans quelle position les officiers de la marine militaire se trouvent. Il est certain que c'est là une situation anormale qui ne peut continuer.
L'honorable membre a dit qu'on pourrait les mettre en disponibilité illimitée, soit avec un traitement d'attente, soit avec leur traitement entier. Mais si l'on régularise la position de ces officiers, je demanderai à l'honorable ministre des affaires étrangères que si quelques-uns d'entre eux désirent rester en qualité d'officiers civils, soit comme chefs de service, ingénieurs ou commandants de paquebots, avec leur traitement actuel et l'avancement ordinaire, de le leur permettre.
Je maintiens l'opinion exprimée dans mon rapport que le service que les officiers font en mer, est beaucoup plus fatigant et périlleux que le service des officiers de l'armée de terre.
Une des raisons pour lesquelles des officiers de marine désirent entrer dans le service civil, est la pension. Elle est vraiment insuffisante.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Je crois que l'honorable M, Coomans s'effraye à tort des paroles qui se trouvent consignées dans le rapport de la section centrale. Ni la section centrale, ni le gouvernement n'ont la moindre intention de rétablir la marine militaire. Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu de répondre aux craintes de l'honorable M. Coomans, qui ne me semblent avoir aucune espèce de fondement.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a demandé que je lui fournisse des tableaux établissant le coût réel du service des paquebots à vapeur et la recette qu'ils produisent.
En 1868, une commission a été nommée. Cette commission a fait un rapport des plus complets et des plus intéressants sur l'utilité de maintenir ce service entre les mains de l'Etat. Les considérations dans lesquelles cette commission est entrée sont de nature à justifier complètement toutes les mesures qui, jusqu'à présent, ont été prises par le gouvernement, pour établir d'abord, pour maintenir ensuite ce service. A ce rapport est joint un tableau détaillé qui donne exactement et les dépenses et les recettes depuis 1845 jusqu'à 1867. Ce tableau est joint au rapport fait à la Chambre le 17 février 1860 par l'honorable M. Van Iseghem sur le budget des affaires étrangères.
Ces renseignements, je les complète pour 1868 et 1869 et pour les premiers mois de 1870. Vous verrez par ces chiffres que la recette augmente considérablement et que, notamment en 1870, pour les neuf premiers, mois, nous avons eu une recette de 534,311 fr. 94 c., tandis que pour l'année 1869 entière, la recette n'avait été que de 520,720 fr. 71 c.
Nous avons de plus, maintenant, une recette provenant du passage de la malle des Indes, qui emploie nos paquebots pour arriver à sa destination.
L'on peut évaluer à environ 300,000 francs les bénéfices qui résulteront pour la Belgique du transit de la malle des Indes. (Interruption.)
J'espère bien que ce ne sera pas uniquement du provisoire, et nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour que ce passage devienne définitif. A cette fin, il faut que le service se fasse avec régularité et promptitude ; il faut que les paquebots n'éprouvent dans leur marche aucun retard, et arrivent toujours à temps pour le départ des convois du chemin de fer.
S'il n'en était pas ainsi, le transit pourrait nous être enlevé, mais malgré les sinistres pronostics de l'honorable M, Bouvier...
M. Bouvier. - Je tiens beaucoup à ce que cela devienne définitif.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - J'espère que nous parviendrons à conserver ce transit si avantageux. Si nous parvenons à ce résultat, non seulement toutes les dépenses seront couvertes par les recettes, mais il y aura encore un boni. Je mets les tableaux à la disposition de M. Le Hardy.
- Des membres. - Au Moniteur.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Je ferai insérer au Moniteur ce qui concerne les années 1868, 1869 et 1870.
(Service des malles-poste.
(Dépenses d'exploitation, y compris l'intérêt et l'amortissement des capitaux de premier établissement, de construction et d'achat de navires :
(1868 : fr. 1,504,538 08
(1869 : fr. 1,447,308 35
(Recettes directes :
(1868 : fr. 448,128 32
(1869 : fr. 520,720 71
(Les neuf premiers mois de 1870 : fr. 534,311 94
(N. B. A l'actif du service des malles-poste doivent figurer, en outre, le produit des lettres en transit pour 9/10, le produit de la correspondance internationale pour 2/3 et une grande partie du produit du transport de la malle des Indes. Ces données ne sont pas comprises dans les chiffres ci-dessus qui se composent exclusivement des recettes directes.
(La part du produit de la correspondance internationale et en transit qui doit être attribuée au service des milles-poste s'élèvent à 600,000 francs environ par an. Le transport de la malle, des Indes donnera, d'autre part, un revenu de plus de 300,000 francs par an.)
L'honorable M. Thonissen s'est préoccupé de la position des officiers de marine ; il a signalé quelques inconvénients que je reconnais, notamment en ce qui concerne l'application des lois pénales. Heureusement on ne s'est pas trouve dans le cas de devoir les appliquer et j'espère que ce cas ne se présentera pas.
Les officiers de marine étaient dans une position fâcheuse ; depuis très longtemps ils étaient privés d'avancement. Depuis que je suis au ministère, j'en ai promu plusieurs à un grade supérieur, et leur position est ainsi notablement améliorée au point qu'aucun d'eux, je pense, n'a plus lieu de se plaindre. Ils auraient même quelque peine à quitter le service militaire pour accepter une position civile.
Il n'y a plus que 16 officiers, et, d'après l'âge qu'ils ont atteint, ce nombre va diminuer prochainement dans une proportion assez notable.
J'ajoute, pour justifier le maintien des officiers, que, récemment encore, un officier de la marine militaire, sur la demande de M. le ministre de la guerre, a été adjoint à l'état-major de l'armée d'Anvers, et il a rendu des (page 257) services qu'il n'aurait pas été à même de rendre s'il n'avait pas été officier dans la marine militaire.
Ces observations n'ont pas pour conséquence de nous refuser à l'examen que sollicite l'honorable M. Thonissen ; car je reconnais que la question soulevée par l'honorable membre a un côté très sérieux.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a annoncé l'intention de proposer le transfert au département des travaux publics de tout le service des paquebots. J'attendrai que l'honorable membre ait formulé cette proposition pour l'examiner et pour voir s'il y aurait quelque avantage à l'adopter.
- Le chiffre de 323,506 francs est mis aux voix et adopté.
« Art. 32. Personnel : fr. 21,447. »
- Adopté.
« Art. 33. Personnel. Traitements : fr. 320,766. »
M. le président. - La section centrale, d'accord avec le gouvernement, propose de réduire le chiffre à 193,266 francs.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 34. Personnel. Remises aux pilotes et aux receveurs du pilotage et des droits de fanal, et vacations aux agents du sauvetage (crédit non limitatif) : fr. 261,100. »
M. le président. - La section centrale et le gouvernement sont d'accord pour porter le crédit non limitatif, affecté aux remises, au chiffre de 620,000 francs.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 35. Personnel. Traitements : fr. 41,194. »
- Adopté.
« Art. 36. Personnel. Primes et remises (crédit non limitatif) : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art. 37. Personnel : fr. 19,380. »
- Adopté.
« Art. 38. Subsides aux caisses de prévoyance des pécheurs et encouragements à l'éducation pratique des marins : fr. 52,945. »
- Adopté.
« Art. 39. Dépenses diverses : fr. 911,104.
« Charge extraordinaire : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Art. 40. Premier terme de pensions à accorder éventuellement : fr. 2,300. »
- Adopté.
« Art. 41. Secours à des fonctionnaires, employés, marins et agents sans nomination, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 42. Créances arriérées des exercices antérieurs et dont la liquidation n'a pu être effectuée sur le budget de l'année à laquelle elles se rapportent : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1871, à la somme de trois millions six cent quarante-huit mille six cent trente-deux francs (fr. 3,648,632), conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. Les fonds qui, à la clôture de l'exercice 1870, resteront disponibles sur les articles 22, 26 et 28 pourront être transférés au budget de 1871. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.
90 membres y prennent part.
88 répondent oui.
2 répondent non.
En conséquence la Chambre adopte.
Ont répondu oui :
MM. Delcour, De Le Haye, de Moerman d’Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Hayez, Hermant, Jacobs, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Liénart, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rembry, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d’Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Allard, Balisaux, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Bouvier, Brasseur, Coremans, Cornesse, Couvreur, Cruyt, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, de Clercq, de Dorlodot, De Fré et de Naeyer.
Ont répondu non :
MM. Demeur et Jottrand.
M. le président. - Je propose à la Chambre de fixer son ordre du jour pour demain..
M. Sainctelette. - Qu'avons-nous à faire ?
M. le président. - Nous avons d'abord un feuilleton de pétitions et puis le projet de crédit à la voirie vicinale.
- Des membres. - A demain.
M. le président. - La Chambre vient de décider qu'elle se réunirait demain à 3 heures.
- Des membres. – Non, non.
M. Bouvier - Nous avons, vendredi, plusieurs interpellations et des prompts rapports. Je demande donc que, si la Chambre ne se réunit pas demain, elle se réunisse au moins vendredi.
M. Coomans. - Faites votre interpellation aujourd'hui.
M. le président. - Il y a une proposition de fixer la séance de demain à 3 heures.
- Des membres. - Pourquoi faire ?
M. Sainctelette. - Je propose à la Chambre de s'ajourner à mardi. Nous n'avons rien à faire... (Interruption.) Mais, messieurs de la majorité, vous ne nous avez pas fait distribuer de rapports ; les projets déposés ne sont même pas tous distribués. Est-ce pour entendre l'interpellation, sans doute fort intéressante de M. Bouvier, sur le chemin de fer de Virton, que nous devrions nous réunir demain ?
M. Bouvier. - Et les pétitions ?
M. Sainctelette. - Le code de commerce, qui aurait pu occuper la Chambre, n'est pas encore distribué. Que viendrions-nous faire, et demain et vendredi ?
M. le président. - Permettez-moi, dans l'intérêt de nos travaux, de faire remarquer que, quand il n'y a pas de séance publique, il est très difficile de réunir les sections centrales.
Je crois donc que la Chambre ferait chose utile en se réunissant demain à 3 heures ; nous avons à l'ordre du jour un feuilleton de pétitions et peut-être pourrons-nous discuter le projet de loi allouant un crédit extraordinaire pour la voirie.
Plusieurs sections centrales sont convoquées pour demain ; c'est un motif de plus pour que la Chambre se réunisse demain.
M. Sainctelette. - Je ferai remarquer que les rapporteurs des sections centrales auront d'autant moins de temps à consacrer à la rédaction de leur rapport qu'ils seront retenus ici par une séance publique. Ni le gouvernement, ni la majorité ne nous fournissent les matériaux des discussions ; pourquoi donc nous obliger à venir siéger ici avant mardi prochain ? Il ne s'agit pas de faire d'une séance publique le prétexte de réunions de sections centrales.
M. Dumortier. - Je ne m'attendais pas a voir surgir le clérical à (page 258) propos des travaux de la Chambre. Si nous n'avons pas de projet de loi à discuter, c'est parce que nous avons eu une dissolution, à la suite de laquelle le corps électoral vous a battus et nous a donné la majorité. Il est évident que les sections doivent terminer leurs travaux préparatoires avant que la Chambre puisse discuter les projets qui leur sont soumis.
Dans ma section, cinq projets ont été examinés ce matin ; les autres ont également travaillé et elles continueront certainement demain, mais pour autant qu'il y ait séance, car, l'expérience le prouve, quand il n'y a pas de séance, la plupart des députés prennent congé. Notre honorable président a donc eu parfaitement raison en proposant à la Chambre de se réunir demain à 3 heures.
M. le président. - Persiste-t-on à demander l'ajournement à mardi ?
- Quelques voix. - Oui ! oui !
- D'autres voix. - Non ! non !
M. le président. - Je mets donc cette proposition aux voix. - L'assemblée décide qu'elle se réunira demain ù 3 heures.
M. Elias. - On pourrait fixer à demain l'interpellation annoncée par M. Bouvier.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'espère avoir demain les renseignements nécessaires pour répondre à cette interpellation.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Dans la séance de vendredi dernier, l'honorable M. Rossius m'a demandé de déposer, le plus tôt possible, sur le bureau de la Chambre, les rapports triennaux sur l'enseignement primaire et sur l'enseignement moyen.
Conformément à l'engagement que j'ai pris, je me suis hâté de recueillir des renseignements à ce sujet ; mais je suis désolé de devoir apprendre à la Chambre que ce dépôt ne pourra pas avoir lieu dans un délai rapproché.
Le dépôt qui a été fait au mois de mai était une fiction parlementaire, comme cela arrive quelquefois. A ce moment, les deux rapports n'étaient pas même commencés ; et à l'heure qu'il est, le rapport sur l'instruction primaire n'est pas achevé ; par conséquent, l'impression n'en a pas été abordée. Quant au rapport sur l'instruction moyenne, il est un peu plus avancé ; les annexes, je crois, sont imprimées en partie, et le texte en est poussé assez loin.
Il ne dépendra pas de moi que ce travail ne se continue ; mais il m'est impossible de préciser dès à présent l'époque à laquelle les deux rapports pourront être distribués.
M. Pirmez. - La Chambre sait parfaitement ce que sont les rapports sur l'enseignement primaire et sur l'enseignement moyen ; ces rapports sont en très grande partie un recueil de documents, accompagné d'un exposé de tous les faits qui se sont passés pendant la période triennale dont on rend compte.
L'année dernière, et je crois même l'année précédente, j'avais donné pour instruction dans les bureaux du département de l'intérieur de préparer tous les documents qui devaient figurer dans les rapports triennaux, c'est-à-dire de ne pas attendre la fin de la période, pour commencer le travail.
Ce travail a donc été commencé à mesure que les documents paraissaient et de manière à mettre, le plus tôt possible, un terme aux plaintes que la distribution tardive des rapports avait provoquées.
A la fin de la dernière session, j'ai rempli la formalité du dépôt des rapports sur l'enseignement primaire et sur l'enseignement moyen, dépôt qui équivalait à demander à la Chambre l'autorisation de les faire imprimer.
Je n'ai pas déposé matériellement tous les documents dont ces rapports se composent. Un dépôt semblable n'a jamais eu lieu et ce n'est pas sans surprise que j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur s'étonner de ce que le dépôt qu'il a appelé une fiction parlementaire...
M. Coomans. - Le mot fiction est trop poli.
M. Pirmez - Je sais que la politesse pour vous est toujours de trop.
J'avais donc obtenu de la Chambre l'autorisation de faire imprimer les deux rapports pendant les vacances parlementaires.
D'après les renseignements que j'ai recueillis, le rapport sur l'enseignement moyen est très avancé ; on a déjà imprimé 150 pages d'annexés. Quant au texte, M. le ministre de l'intérieur sait parfaitement qu'il s'agit d'un simple exposé de faits, exposé dont la rédaction peut aller très rapidement.
Je me joindrai volontiers à M. le ministre de l'intérieur pour activer, en ce qui me concerne, le travail qui, je le répète, peut être achevé dans un bref délai pour l'enseignement primaire et pour l'enseignement moyen. Et je crois que si, depuis que M. le ministre de l'intérieur est aux affaires, il avait fait des recommandations à cet égard, je suis convaincu que les rapports auraient pu être déjà terminés.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, d'après les traditions ministérielles constantes, lorsqu'un ministre a déposé un rapport de ce genre sur le bureau, et qu'une nouvelle administration arrive aux affaires, c'est l'ancien ministre qui doit présider à la correction et à l'approbation du rapport, revêtu de sa signature.
Ces rapports ont été déposés au mois de mai dernier ; ils doivent donc être signés par l'honorable M. Pirmez, et il dépend de mon honorable prédécesseur d'activer l'impression le plus possible. De mon côté, j'y mettrai le même empressement.
C'est M. Jamart, naguère, chargé du service de l'enseignement primaire, qui continue à s'en occuper en ce moment. Mais il m'a fait observer avec raison qu'au mois de mai tous les renseignements qui occupent une si grande place dans les documents de ce genre n'étaient pas réunis et que pour certaines provinces on n'avait pu les obtenir qu'assez longtemps après. De là des délais qui s'expliquent parfaitement.
Ces explications suffisent, je crois, pour donner à la Chambre la preuve que les retards ne peuvent pas m'être imputés.
M. Coomans. - II est des gens qui croient se tirer d'embarras par une impolitesse, par un trait d'audace exagérée. C'est ce trait-là que M. Pirmez vient de me lancer. Il ose me dire que la politesse m'est étrangère !
Mais, messieurs, je ne pense pas en avoir manqué envers mes honorables collègues, pas même envers M. Pirmez.
J'ai dit à M. le ministre de l'intérieur que son expression était trop polie et je crois que l'expression de dépôt mensonger n'aurait pas été trop dure pour qualifier un dépôt qui n'a pas été fait. Voilà ce que j'ai dit et ce que je pense.
M. le président. - Je dois vous faire observer, M. Coomans, que cette expression n'est pas parlementaire.
M. Coomans. - Mais, M. le président, if n'y a point d'injure là dedans, l'injure est dans le fait.
Qu'a fait M. Pirmez ? Il a eu l'air de venir déposer sur notre bureau l'ombre d'un rapport avec l'ombre d'une signature, en nous montrant dans le lointain l'ombre d'un imprimeur ; il n'y a eu que des ombres dans tout cela et je ne puis pas dire que le mot « fiction » à est trop poli pour un pareil fait ! L'honorable ministre de l'intérieur fait, je crois, trop bon marché de notre dignité en nous disant que ces mystifications-là sont habituelles, que nous en avons été souvent l'objet. Je déclare que je n'ai pas cru avoir été joué de la sorte dans le courant de cette année et que si j'avais su qu'il n'y avait que du papier blanc dans ce que venait déposer M. Pirmez, j'aurais protesté au nom de la dignité de la Chambre et au nom de la mienne.
Eh quoi ! messieurs, la politesse m'est étrangère quand je dis cela ?
Mais M. Pirmez a-t-il été poli en venant dire à la Chambre : Voici un rapport, alors que ce rapport ne se composait que de feuillets blancs ? Evidemment non : l'impolitesse gît dans la mystification, et c'en est une. Je ne prétends pas que vous seul l'ayez commise ; je ne prétends pas que cet abus ne s'est pas produit souvent ; c'est possible, mais j'aime à croire que les ministres actuels ne s'en rendront point coupables et, quant à moi, désormais quand on viendra déposer des papiers sur le bureau, j'irai voir ce qu'ils contiennent (interruption), dussé-je passer pour impoli envers ceux qui les porteront à la tribune.
M. Pirmez. - J'avais parfaitement compris la portée de l'interruption de M. Coomans. J'avais parfaitement compris que quand il disait que le mot « fiction » était trop poli il avait une expression grossière à m'adresser. (Interruption.)
M. Coomans a dit que le dépôt que j'avais fait était un dépôt mensonger ; s'il trouve cela une expression polie, c'est qu'il n'a aucune espèce de notion du langage des gens bien élevés ; il a le langage de l'insolence, il n'en connaît pas d'autre. (Interruption.)
M. Coomans. - Dites cela autour de vous.
M. Pirmez. - Je n'accepte pas plus au fond le reproche que m'adresse M. Coomans que l'expression dont il s'est servi.
Je me borne à répéter que je n'ai fait que ce qui s'est toujours fait depuis que le Parlement existe, pour des rapports administratifs qui contiennent plusieurs centaines de pages et qui, imprimés aux frais de la Chambre, le sont cependant par les soins des départements ministériels.
Est-ce que le ministre examine d'abord tous ces documents ou les examine-t-il sur épreuve ? Il est naturel qu'il les examine sur épreuve (page 259) Or, pour voir les épreuves des documents, il faut les déposer et il faut l'autorisation de la Chambre pour les faire imprimer.
Qu'est-ce donc que le dépôt que l'on fait ? En quoi consiste-t-il ? Ce dépôt est la forme usitée dans le Parlement pour demander l'autorisation d'imprimer un document. Quand on dit que l'on dépose un document, on demande la faculté de le faire imprimer et la Chambre ordonne cette impression sur l'énoncé de son titre.
M. Coomans. - Elle ne savait pas ce qu'elle faisait.
M. Pirmez. - Mais les rapports de la Chambre ne se déposent-ils pas, à chaque instant, de la même façon ? On dépose souvent des rapports avant des vacances parlementaires pour pouvoir les faire imprimer pendant ces vacances.
Quand peuvent s'imprimer les rapports les plus volumineux ? C'est évidemment quand les Chambres ne sont pas réunies. Il est bien plus difficile d'obtenir cette impression pendant la session. Voilà ce qui explique ce qui s'est toujours fait, ce que j'ai fait conformément à une tradition constante, et ce qui me vaut les expressions que l'honorable M. Coomans emploie à mon égard.
Ce que j'ai fait est donc la chose la plus simple, la plus naturelle et la plus usitée, et je ne m'arrêterai pas plus devant les injures de l'honorable M. Coomans que devant les calomnies qu'il a dirigées contre moi dans son journal.
M. Coomans. - Je demande la parole.
M. Pirmez. - Messieurs, en réponse à M. le ministre de l'intérieur, je me bornerai à lui dire que dès que je recevrai les épreuves, elles seront immédiatement examinées par moi, tout travail cessant, et elles seront immédiatement remises. Si je les avais déjà reçues, elles eussent été aussitôt renvoyées.
M. Coomans. - M. Pirmez a bonne grâce vraiment de m'accuser d'impolitesse ! Il vient de se réfuter lui-même et de prouver qu'une réplique de ma part à cet égard est superflue ; j'ose le dire avec l'assentiment présumé de l'immense majorité de cette Chambre : M. Pirmez vient de m'accuser de calomnie. Le mot est donc parlementaire ! Eh bien, je somme l'honorable M. Pirmez de me dire en quoi je l'ai calomnié. Il est du devoir d'un honnête homme de prouver une accusation, et si vous ne prouvez pas votre accusation, et je vous en défie, je dis que le calomniateur, c'est vous !
M. Pirmez. - J'ai été, sans aucune provocation, alors que je discutais avec M. le ministre de l'intérieur une question avec le plus grand calme, accusé par l'honorable M. Coomans d'avoir fait un dépôt mensonger.
Le fait auquel j'ai fait allusion en relevant ces expressions est celui-ci : M. Coomans a dit dans son journal que j'avais reçu 100,000 francs d'un ami pour corrompre les électeurs de Charleroi.
M. Coomans. - Moi, j'ai dit cela ?
M. Pirmez. - Cela se trouve dans votre journal.
M. Coomans. - Dans mon journal ? C'est complètement faux. Je ne sais pas le premier mot de ce que vient de dire M. Pirmez.
M. Vandenpeereboom. - Vous ne lisez pas votre journal ?
M. Coomans. - J'ignorais même que cette accusation se fût produite, c'est le premier mot que j'en apprends, et je crois être très poli en disant à l'honorable M. Pirmez que, non seulement je n'ai écrit ni laissé imprimer cette accusation, mais que je n'y crois pas. Vous mériteriez peut-être que j'allasse moins loin que cela.
Moi, calomnier ! mais voilà trente-sept ans que je suis journaliste et j'ai signé tout ce que j'ai écrit ; tout ! tout ! J'ai quelquefois signé des articles de mes amis, oui ; quand ils me convenaient, mais je n'ai jamais évité la responsabilité de ma signature.
Maintenant je vous demande de préciser ; où et quand avez-vous lu ce fait qui était complètement en dehors de ma connaissance ?
M. Pirmez. - Dans le journal la Paix, quelque temps après les élections.
M. Coomans. - Je déclare que je n'en crois rien, mais si cela y est, ce n'est pas sous la forme que vous avez indiquée. Quel intérêt avez-vous à soutenir contre moi que je vous calomnie ?
M. le président. - La parole est à M. Pirmez ; je l'engage à être calme.
M. Pirmez. - La Chambre doit comprendre que je suis sous le coup d'une légitime émotion en présence des paroles que M. Coomans m'a adressées.
Quant aux expressions dont je me suis servi à propos de l'article auquel j'ai fait allusion, elles doivent être modifiées en présence de ce que vient de dire M. Coomans.
M. Coomans déclare qu'il est étranger à cet article, il est dès lors évident que mes expressions ne s'adressent plus à lui.
M. Coomans. - Je comprends le sentiment de la Chambre et je m'y rends. Je n'ai qu'une excuse, c'est d'avoir été indignement attaqué ; mon intention n'était pas de provoquer M. Pirmez ; j'avais le droit de dire que c'était trop poli que d'appeler fictif un dépôt qui n'a pas eu lieu.
Maintenant, je ne proteste que contre une chose, c'est contre le mot de calomnie et je somme M. Pirmez de le justifier.
M. le président. - L'incident est clos.
M. Demeur. - J'apprends que le rapport sur la pétition des prisonniers français est prêt ; nous avons peu de chose à l'ordre du jour de demain et après-demain il n'y aura peut-être pas séance. Je demande que ce rapport soit mis à l'ordre du jour de demain.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Messieurs, j'appuie la proposition de M. Demeur et je désire vivement que la Chambre puisse aborder, dès demain, l'examen de la pétition dont il s'agit.
- La proposition de M. Demeur est adoptée.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur, présente un projet de loi portant érection du hameau d'Esmont (province de Namur) en commune distincte.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen d'une commission de 5 membres à nommer par le bureau.
- Plusieurs membres. - A demain.
- D'autres membres. - A 2 heures.
M. le président. - La Chambre est-elle d'avis de revenir sur la décision qu'elle a prise tout à l'heure de ne se réunir demain qu'à 3 heures ?
- De toutes parts. - Oui ! oui !
La chambre consultée décide qu'elle se réunira demain à 2 heures.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.