(Annales parlementaires de Belgique, Chambre des représentants, session 1870 extraordinaire)
(Présidence de M. Vilain XIIIIµ.)
(page 75) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Woutersµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Vrints présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :
« La dame Bauthier réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils, Charles, retenu sous les drapeaux, malgré qu'il ait un remplaçant à l'armée, soit renvoyé dans ses foyers, et demande une indemnité en sa faveur pour le temps qu'il est resté indûment au régiment. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
MM. Thibaut et Cruyt demandent un congé.
- Accordé.
MaedAµ. - L'honorable M. Pirmez a entrepris hier une revue rétrospective dont, je dois le dire, dans les circonstances actuelles, je ne comprends ni le but ni l'utilité.
L'honorable membre approuve les projets présentés par le gouvernement ; il donne donc au gouvernement un concours au moins momentané, et en même temps, malgré les complications extérieures qui préoccupent tous les esprits, il a cru devoir chercher à affaiblir le gouvernement par les attaques qu'il a dirigées contre plusieurs de ses membres.
Je ne suivrai pas l'honorable M. Pirmez dans cette voie, bien que je puisse y trouver l'occasion d'une facile revanche. Nous avons, paraît-il, autre chose à faire que de nous livrer maintenant à de stériles tournois oratoires. Nous avons à examiner les lois urgentes et importantes qui vous sont présentées et le pays attend le vote de ces lois du patriotisme delà Chambre.
Je crois donc devoir me borner à répondre à deux questions que l'honorable M. Pirmez a adressées hier au gouvernement et à donner quelques courtes explications sur la conduite du ministère, explications qui feront, je l'espère, bonne et prompte justice des griefs articulés contre nous.
L'honorable M. Pirmez a adressé au gouvernement la question suivante :
« Il s'agit de savoir quelle sera votre attitude si une armée belligérante traversait notre territoire ? Cette question est importante, car l'attitude contraire à celle que nous comprenons est admise par l'honorable membre ; il importe donc, je pense, que nous ayons sur ce point une explication nette et catégorique. »
Je ne crois pouvoir mieux répondre à la question de M. Pirmez qu'en donnant lecture à la Chambre de la circulaire adressée, le 21 juillet dernier, à nos agents diplomatiques.
Cette circulaire explique et justifie la position prise par la Belgique, position résultant des traités qui la lient, et cette circulaire indique la marche qu'elle veut suivre, pour se conformer à ces mêmes traités :
« Bruxelles, le 21 juillet 1870. « La guerre est déclarée entre deux puissances voisines de nos frontières.
« Quelle sera, dans ces graves conjonctures, l'attitude des Etats liés avec la Belgique par des engagements de droit public, quelle sera celle de la Belgique elle-même ? »
« Les puissances signataires des traités de 1831 et de 1839 n'ont pas seulement consacré par un texte clair et précis l'indépendance et la neutralité de la Belgique ; elles ont pris soin de définir la pensée même dont cette clause n'était que la formule : « Agissant avec un parfait désintéressement dans les affaires de la Belgique, les cinq puissances n'ont eu en vue que de lui assigner dans le système européen une place inoffensive, que de lui offrir une existence qui garantit à la fois son propre bonheur et la sécurité des autres Etats. » (protocole du 27 janvier 1831.)
« Le traité qui fixa définitivement la position politique de la Belgique venait d'être conclu lorsque la situation générale de l'Europe parut un instant se troubler. Une yoix auguste, qui a longtemps et sûrement guidé la Belgique, s'exprimait ainsi en ouvrant la session législative de 1840 : « La position de la Belgique a été déterminée par les traités et la neutralité perpétuelle lui a été solennellement assurée. Mon gouvernement n'a négligé aucune occasion de faire connaître l'importance qu'il attache à cette garantie. Partout, je le dis avec satisfaction, nous n'ayons rencontré que des sentiments de bienveillance et de respect pour le principe inscrit dans notre droit public. La neutralité, nous ne pouvons trop nous en convaincre, est la véritable base de notre politique ; la maintenir sincère, loyale et forte, doit être notre but constant. »
« C'est dans ces conditions que la Belgique, durant une période déjà longue, a traversé toutes les crises par lesquelles l'Europe a passé.
« Dans aucune circonstances, les puissances ne se sont écartées des engagements qu'elles ont contractés envers nous. En 1840 comme en 1848, en 1853 comme en 1866 et 1867, nos droits ont été formellement partout reconnus.
« La Belgique, de son côté, a rempli dans toute leur étendue ses obligations internationales. Sa neutralité n'a pas cessé, un seul instant, de garder le caractère d'une impartialité absolue, et le pays s'est invariablement montré résolu à tous les sacrifices pour la préserver de toute atteinte.
« Le programme tracé par l'Europe et accepté par la Belgique, a donc été loyalement exécuté de part et d'autre et l'on peut dire, l'histoire en fait foi, que l'Europe et la Belgique ont eu à s'en féliciter.
« Nous n'avons donc pas aujourd'hui à chercher notre voie. Le passé nous l'indique et les faits témoignent qu'elle est comprise par les gouvernements étrangers comme par nous-mêmes.
« Les dispositions manifestées à notre égard par les puissances belligérantes répondent de tous points à notre attente et nous avons pris les mesures nécessaires pour attester, en fait comme en droit, notre intention franche et ferme de rester fidèles à tous nos engagements. C'est ainsi que, conséquents avec les principes et les précédents que je rappelais plus haut, nous avons mis notre armée sur le pied de guerre en apprenant le conflit actuel ; c'est ainsi que nous gardons avec toutes nos forces les routes qui empruntent notre territoire, tenus d'honneur que nous sommes de n'en permettre l'usage à aucune des forces belligérantes.
« Telle est notre situation ; telle sera notre politique au milieu d'un conflit dont la fin n'arrivera jamais assez tôt au gré de nos vœux. Les vues que je viens d'exprimer ne seront pour vous ni pour personne une révélation, mais pour avoir, été éprouvées par une expérience plusieurs fois renouvelée et toujours bienfaisante, elles n'en paraîtront que plus dignes de l'attention du gouvernement et des hommes d'Etat du pays dans lequel vous résidez.
«Agréez, (Signé) d'Anethan. »
(page 76) Messieurs, à la suite de cette circulaire, lorsque les événements eurent marché et que les armées belligérantes se furent rapprochées de nos frontières, j'ai écrit à M. le ministre de la guerre la lettre suivante, sous la date du 6 août. Les observations et les indications contenues dans cette lettre sont la conséquence de la circulaire que je viens de vous lire, elles ont été approuvées par mon honorable collègue de la guerre, qui a donné aux chefs de corps des instructions conformes à celles sur lesquelles j'avais appelé son attention.
Cette lettre n'est donc que la mise en pratique du principe indiqué dans la circulaire dont j'ai eu l'honneur de donner lecture à la Chambre :
« Bruxelles, le 6 août 1870.
« Monsieur le ministre,
« La guerre qui se poursuit entre deux Etats voisins de nos frontières pourrait donner lieu à des éventualités qu'il convient de prévoir.
« Le territoire de la Belgique est inviolable de droit, aucune force étrangère ne peut prétendre à y pénétrer ou à la traverser malgré nous et si une tentative de ce genre était faite, notre armée se trouvant en état de légitimé défense, aurait à repousser l'agresseur par tous les moyens en son pouvoir.
« Mais en dehors de ce cas qui, j'aime à le croire, ne se réalisera point, il faut peut-être s'attendre à voir soit des soldats isolés, soit dés corps de troupes refoulés par l'ennemi jusque sur notre sol.
« Laisser ces soldats ou ces troupes regagner leur patrie serait leur permettre de recommencer la lutté alors que, si votre territoire ne leur avait pas servi d'asile, ils eussent été faits prisonniers ; ce serait donc indirectement augmenter l'armée de l'un ou l'autre des belligérants, contrairement aux obligations qui découlent de la neutralité.
« En semblable occurrence, il faudrait désarmer, même par la force, les bandes qui chercheraient un refuge chez nous, interner les soldats et sous-officiers et ne laisser circuler les officiers que s'ils donnent, par écrit, leur parole d'honneur qu'ils ne passeront point la frontière.
« Quant aux armes, elles ne pourraient être restituées qu'après la conclusion de la paix
« Je vous prie de vouloir bien donner aux chefs de corps des instructions dans le sens des principes qui viennent d'être exposés et qui sont, du reste, conformés au droit des gens.
« (Signé) d'Anethan. »
Voilà, messieurs, les instructions qui ont été données à l'armée dans les circonstances graves où nous nous trouvons.
Je pense que la lecture de ces pièces satisfera l'honorable M. Pirmez qui me demandait une réponse nette et catégorique.
Là seconde question qu'a adressée au gouvernement l'honorable M. Pirmez et à laquelle mon honorable ami, M. le ministre des finances, a déjà répondu en partie hier, consiste à savoir quelles sont les intentions du gouvernement relativement à l'armée dans une situation normale. Je vais également répondre catégoriquement à cette question.
Le cabinet est convaincu qu'il y a nécessité pour notre pays d'avoir une armée fortement organisée, une armée qui puisse remplir la double mission qui lui incombe : celle de protéger l'ordre à l'intérieur et de défendre, le cas échéant, nos frontières si elles étaient menacées.
Pour atteindre ce résultat nous maintiendrons la loi organique de l'armée, loi votée en 1868, à la suite d'un examen fait par les autorités les plus compétentes.
Mais de ce que nous avons pris la résolution de maintenir intacte l'organisation actuelle de l'armée, s'ensuit-il que si, dans l'application, dans l’exécution de la loi, on pouvait parvenir à diminuer les charges qui pèsent de ce chef sur les populations, nous n'accepterions pas cet adoucissement ? Evidemment non, nous serions même les premiers à nous en applaudir dans l’intérêt même de l'institution, et à la condition expresse qu'elle conserve la force nécessaire pour continuer à remplir sa patriotique mission.
M. Van Humbeeckµ. - C'est le langage de la gauche cela.
M. de Rossiusµ. - Et contre laquelle la droite a protesté.
MaedAµ. - Je n'examine pas ce que peut penser ou ce que pense la droite ou la gauche ; j'exprime mon opinion et celle du gouvernement ; si la gauche l'adopte, je m'en réjouirai ; et si la droite se range au même avis, je m'en féliciterai également.
Du reste, messieurs, quant à la question militaire, il faut se garder de l'examiner en considérant la Belgique isolément ; dans cette question, la solution dépend de la position que prennent les autres puissances. S'il y avait un désarmement, s'il y avait seulement une réduction notable des forces militaires dans les pays voisins, la Belgique irait-elle conserver un état militaire qui ne serait plus en proportion avec ce qui se ferait dans les autres Etats ? (Interruptions.)
Il ne m'est pas possible de comprendre les interruptions qui se croisent ; si je les comprenais, je ferais mon possible pour y répondre.
M. Vleminckxµ. - Voulez-vous me permettre ?
- Plusieurs voix à droite. - Vous n'avez pas la parole.
M. Vleminckxµ. - M. le ministre ne m'a pas compris, laissez-moi m'expliquer.
MpXµ. - Pas de colloque, messieurs. Monsieur le ministre, parlez à la Chambre.
MaedAµ. - Je répète, messieurs, qu'il peut évidemment se présenter des circonstances où notre état militaire actuel devrait être modifié et réduit ; mais j'ajoute immédiatement que si les autres puissances, non seulement maintiennent leur armement, mais encore les augmentent, si, par exemple, le système prussien devient la règle générale, je dis qu'alors nous devrons suivre les exemples de nos voisins, et que notre armée, loin d'être diminuée, devra être augmentée par l'introduction de ce nouveau système. (Interruption.) La conclusion que je tire est parfaitement exacte. (Interruption.) Je me borne à expliquer ce que la raison demande et ce que l'intérêt de la Belgique peut réclamer.
Je crois avoir répondu aux deux questions qui ont été adressées au gouvernement et l'avoir fait d'une manière aussi complète et aussi franchement que possible.
Je demande maintenant à donner quelques explications sommaires sur la conduite du gouvernement et sa politique intérieure qui ont été critiquées par l'honorable M. Pirmez.
Les élections du 14 juin ont eu une signification qui a été reconnue par le cabinet qui nous a précédés, puisque, en présence du résultat de ces élections, le cabinet s'est retiré, abandonnant le pouvoir.
Le pouvoir nous a été offert et nous l'avons accepté, nous l'avons accepté parce que nous avons considéré les élections du 14 juin comme indiquant un retour évident du sentiment des électeurs vers notre opinion.
Nous n'avons pas hésité à accepter le pouvoir ; mais, en présence de la situation parlementaire, en présence d'une majorité douteuse dans l'une et l'autre Chambre, il était évident qu'il fallait faire un appel au pays.
Il fallait s'assurer si les élections du 14 juin avaient été, comme on a semblé le prétendre, un simple accident ou si le pays, consulté d'une manière générale, aurait confirmé le verdict du mois de juin et donné la majorité à l'opinion à laquelle la Couronne avait confié le gouvernement.
L'appel au corps électoral, c'est-à-dire la dissolution, était donc non seulement notre droit : c'était notre devoir. - Et pourtant l'honorable M. Pirmez a qualifié l'acte de dissolution un acte de violence.
J'avoue que je comprends difficilement comment l'exercice d'un droit légitime et dans les circonstances où ce droit a été exercé, puisse être considéré comme un acte de violence.
Du reste, s'il y a un acte de violence dans le seul fait de la dissolution, ce reproche de violence doit être adressé à bien d'autres que nous, car les nombreuses dissolutions antérieures n'ont jamais été faites par nôtre opinion.
M. Pirmezµ. - On n'a pas appelé cela une paix.
M. Frère-Orbanµ. - Vous appelez cela la paix. (Interruption.)
MaedAµ. - Je répondrai à cela tout à l'heure, je continue mes explications.
La dissolution du Sénat qu'on nous reproche était aussi nécessaire que celle de la Chambre des représentants.
Au Sénat, le ministère précédent prétendait avoir la majorité ; il convenait de faire cesser tout doute à cet égard et de consulter le pays également sur la composition des deux Chambres ; si nous ne l'avions pas fait, on nous en aurait fait un grief, on nous aurait dit : Vous avez peut-être la majorité à la Chambre, mais vous ne l'avez pas au Sénat.
Nous devions donc, pour être conséquents et avoir une position nette, dissoudre les deux Chambres ; c'était le seul moyen d'assurer la marche régulière du pouvoir législatif.
On ne peut trouver aucune trace de violence dans l'acte de la dissolution. Mais y a-t-il une violence dans la conduite du gouvernement pendant la lutte électorale ?
Qu'a fait le gouvernement ? Il a conservé en place tous les fonctionnaires nommés par ses prédécesseurs ; il les a conservés tous, à l'exception d'un seul, qui a en quelque sorte donné Iui-même sa démission, puisqu'il avait (page 77) refusé de se conformer aux instructions ministérielles : un seul fonctionnaire a été démissionné ; tous les autres ont été maintenus en fonctions.
Quelles instructions avons-nous données aux fonctionnaires ? Nous leur avons ordonné de s'abstenir d'une manière complète ; nous leur avons dit de laisser aux électeurs une liberté entière ; nous leur avons défendu d'intervenir en quoi que ce soit dans la lutte électorale et d'exercer aucune pression quelconque. Il me semble qu'on ne peut pas agir avec plus de modération. (Interruption.)
M. de Rossiusµ. - Citons, comme exemple, vos instructions aux bureaux administratifs des athénées.
MaedAµ. - Nous leur avons ordonné, je le répète, de s'abstenir d'une manière complète et de n'exercer sur les électeurs aucune pression, et je demande à mes honorables adversaires, qui m'interrompent, si l'on a toujours agi ainsi.
M. Baraµ. - Avec l'espionnage en plus. (Interruption.)
MaedHµ. - Je ne sais à quoi fait allusion l'honorable membre qui m'interrompt en parlant d'espionnage.
Et le gouvernement donne à cette allégation un démenti formel. Je le donne en mon nom et au nom de mes collègues.
« Mais, dit l'honorable M. Pirmez, la lutte s'est engagée dans tous les arrondissements. On nous a fait une guerre acharnée. » Qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve que dans tous les arrondissements il y avait des griefs sérieux contre votre administration et que dans tous les arrondissements on a fait des efforts, qui étaient parfaitement légitimes, pour remplacer vos amis par des personnes ayant une opinion différente.
Voilà la seule conséquence à tirer de cette lutte générale dans tous les arrondissements. Elle ne prouve guère en faveur de la sympathie dont jouissait votre administration.
M. Pirmezµ. - Je n'ai pas critiqué cela, j'ai dit qu'il ne fallait pas appeler cette lutte une paix.
MaedAµ. - Je ne comprends véritablement pas ce que peut signifier dans le cas actuel cette expression de l'honorable M. Pirmez, que l'honorable M. Frère a répétée tout à l'heure.
Vous nous dites : Vous parlez de paix et vous faites la guerre.
Entendons-nous ; quand nous avons parlé de paix et d'union, nous avons indiqué par là quelle serait notre politique intérieure, le cachet de nos actes administratifs ; nous avons fait allusion à la modération que nous voulions pratiquer pour la marche et la conduite des affaires ; mais cela n'a rien de commun avec une lutte électorale, cela n'indiquait pas l'intention d'engager nos amis à se croiser les bras, à laisser un triomphe facile à nos adversaires.
M. Frère-Orbanµ. - C'était donc la guerre.
MaedAµ. - Oui, si vous appelez guerre la lutte électorale ; mais dans ce cas, il faut supprimer les élections ou se laisser battre sans combat. Cela aurait été plus avantageux pour vous, j'en conviens ; mais si nous sommes modérés, je désire que nous ne soyons pas dupes.
Autre objection de l'honorable M. Pirmez : Les électeurs avaient des griefs différents ; chez les uns, il s'agissait de la question militaire ; chez les autres, c'était la réforme électorale. D'un autre côté, c'était la réduction des impôts.
Mais je vous le demande, qu'est-ce que tout cela signifie ? Est-ce que es électeurs ne sont pas libres de porter leur choix sur tels ou tels candidats, d'accepter telle ou telle candidature ou de se déterminer par telle où telle raison ? Qu'importent donc les motifs qui n'entravent en rien la liberté des électeurs ?
Mais voyons le résultat. Or, quel a été ce résultat ? Le résultat a été que vos amis ont presque partout succombé ; c'est un fait que vous ne pouvez pas méconnaître. Peu importe, je le répète, les motifs qui ont déterminé les électeurs.
M. de Rossiusµ. - Peu importe les armes employées !
MaedAµ. - Est-ce un reproche adressé aux électeurs ?
Car il ne peut s'adresser au gouvernement qui a déclaré, qui affirme encore, et vous ne pourriez prouver le contraire, qu'il a gardé dans les élections une parfaite neutralité. Ce reproche s'adresse donc aux électeurs ; c'est une injure pour le corps électoral.
M. Delcourµ. - Pour la souveraineté nationale.
MaedAµ. - Je constate de nouveau le résultat, Vous ne pouvez méconnaître que le résultait du 2 août a été fatal à votre opinion. Le résultat a été la consécration des élections du 11 juin. Les élections du 2 août ont consommé votre défaite, vous ne pouvez le nier. Vous aviez déjà reconnu une première défaite le 14 juin en vous retirant. Evidemment, vous ne pouvez dire que vous avez pris une revanche le 2 août.
Voilà, quant à vous, le résultat non contestable de l'élection du 2 août ; quant à nous, nous croyons que cette élection a amené dans cette Chambre une majorité favorable à notre opinion. M. Pirmez a semblé le méconnaître. Il s'est efforcé de décomposer cette majorité ; il a plaisanté agréablement sur les éléments dont cette majorité se compose, et dans laquelle il a découvert une haute droite et une basse droite qui seraient divisées et nullement homogènes.
Qu'il me soit permis de faire observer à M. Pirmez que cela regarde la droite, et la droite répondra, j'en suis persuadé, par son attitude et par ses votes aux suppositions de M. Pirmez.
- Un membre. - Nous le savons.
MaedAµ. - Si vous le savez, à quoi bon le nier et supposer de prétendues divisions ?
La droite doit, du reste, se montrer très reconnaissante de la sollicitude que l'on montre à son endroit, pour s'assurer de son homogénéité ; je doute toutefois que nos adversaires se montrent très heureux de la constater plus tard.
Messieurs, nous ne demandons pas à nos amis de la droite un vote de confiance anticipée, nous demandons à nos amis de nous attendre à l'œuvre et de nous attendre avec bienveillance. Voilà les rapports et les liens que nous désirons avoir avec la majorité.
Si, comme nous en avons la ferme volonté, nous marchons résolument dans la voie du progrès, si nous suivons les règles de la modération et de la justice, si nous présentons des lois utiles au pays, nous sommes persuadés d'être soutenus par nos amis qui nous accorderont alors leur appui et leur confiance, appui et confiance dont nous serons fiers, parce que nos amis nous les donneront librement, spontanément, sans pression, en n'obéissant qu'à leur conviction et en n'écoutant que le cri de leur conscience.
M. Coomansµ. - Messieurs, je me proposais de voter sans phrases contre les lois militaires qui nous sont soumises, mais le discours si plein de prétentions excessives, de récriminations injustes et d'inexactitudes grossières de l'honorable M. Pirmez m'a obligé à prendre la parole.
Je tâcherai de rencontrer brièvement les reproches qu'il nous a adressés.
Je m'attacherai aux principaux, à ceux qui ont quelque valeur, s'il en est.
D'après l'honorable membre, il ne fallait pas d'élections au 2 août, parce qu'il importait de ne pas agiter l'opinion publique en face des événements extérieurs, parce qu'il fallait une union absolue, une sorte de communion en Belgique.
M. Pirmez. - Je n'ai pas dit un mot de cela.
M. Coomansµ. - Pas d'élections, avez-vous dit vous et vos amis, au 2 août, parce que vous agiteriez déplorablement le pays. Pas d'élections, mais bien des discussions !
Ainsi, d'après l'honorable membre, il ne fallait pas que le pays fût consulté, mais il est bon, il est utile, il est politique que la Chambre, plus importante que le corps électoral, en ce qui concerne le mouvement politique, s'agitât et discutât.
Selon moi, le corps électoral a montré beaucoup plus d'union le 2 août que ne le fait la Chambre aujourd'hui et, à part les tapageurs doctrinaires (il n'y en a plus d'autres en Belgique), qui ont cherché à renouveler les exploits nocturnes de 1857 à Gand, à Bruxelles et à Anvers, les élections du 2 août ont été parfaitement pacifiques, plus pacifiques que nos débats depuis quelques jours, grâce aux querelles suscitées ici par les honorables MM. Anspach, Bara et Pirmez.
Messieurs, ce n'est pas la dissolution des Chambres qui vous a vexés, c'est la dissolution du parti doctrinaire, car si ces élections vous avaient été favorables, vous y eussiez applaudi.
Je sais bien qu'entre le 14 juin et le 2 août, vous avez toujours dit qu'il ne fallait pas d'élections nouvelles ; mais pourquoi ? Parce que vous saviez que ces élections-là vous auraient condamnés.
Vous étiez sûrs de votre insuccès.
Vous aviez peur, vous sentiez que le corps électoral et surtout que l'opinion publique était désireuse de vous chasser du pouvoir. C'est pour cela que vous protestiez contre la dissolution des Chambres qui était la dissolution de votre majorité doctrinaire.
Messieurs, à mon sens, le meilleur acte du ministère a été le maintien (page 78) de la dissolution et je vais vous en dire deux ou trois motifs entre un grand nombre.
Le 14 juin vous avait abattus, parce que le pays vous connaissait trop et qu'il nous connaissait assez, mais le 14 juin n'avait pas formé une majorité gouvernementale.
Le pouvoir a été recueilli par l'honorable M. d'Anethan parce qu'on ne pouvait le laisser dans la rue.
L'honorable baron a bien fait de le recueillir, mais lui et ses amis ne formaient, après le 14 juin, qu'un cabinet provisoire ; il n'y avait pas de majorité réelle dans les deux Chambres et le gouvernement était dans la situation la plus dangereuse où l'on puisse mettre le régime représentatif, celle d'un équilibre tellement parfait, qu'il aurait suffi d'un rhume de l'un d'entre nous pour changer les destinées de la Belgique.
Messieurs, une pareille situation était impossible, comme vient de le dire l'honorable chef du cabinet. C'était son devoir de dissoudre, Eh quoi, le premier intérêt d'un pays n'est-il pas de posséder un gouvernement solide et respectable ?
Celui du 14 juin n'était pas solide, quoique respectable.
Un gouvernement solide et respectable est plus nécessaire qu'une armée, c'est ma conviction profonde ; donc il fallait une dissolution et cette dissolution je l'approuve, j'y applaudis, je m'en réjouis non seulement parce qu'elle vous a renversés, ce qui serait déjà un motif suffisant, mais parce qu'elle a doté la Belgique d'un gouvernement solide et respectable, qui était la première nécessité,... après votre chute.
Ah ! si ces élections du 2 août avaient tourné autrement, si elles vous avaient rendu l'avantage, si elles avaient vérifié cette affirmation très inexacte que celle du 14 juin était un accident, vous auriez applaudi aux élections du 2 août et vous auriez brûlé une grande chandelle à M. d'Anethan. Mais le corps électoral, sous la pression de l'opinion publique, le corps électoral vous a abattus et pour longtemps, j'espère. Inde irae ; le reste n'est que verba et voces.
L'honorable M. Pirmez, j'arrive au chapitre des inexactitudes grossières, l'honorable M. Pirmez s'est permis d'affirmer que c'est le gouvernement doctrinaire qui a sauvé la Belgique en nous dotant de l'organisation militaire dont nous jouissons aujourd'hui, que, pour ma part, je subis malgré moi. Messieurs, c'est pousser loin la vanité de parti, c'est la pousser jusqu'à la fatuité. Quoi ! c'est la différence de 2,000 conscrits par an qui a déterminé les cinq puissances à respecter notre indépendance ! (Interruption.)
N'y a-t-il pas eu ici de longues et chaleureuses discussions sur ce chiffre ? Reniez-vous donc vos discours d'alors ? Ne nous avez-vous pas dit que ces 2,000 malheureux étaient indispensables au salut de la Belgique ?
Quoi ! si nous n'avions que 60,000 ou 70,000 soldats au lieu de 100,000, l'Angleterre ne serait pas intervenue, la France et la Prusse nous auraient envahis, et c'est Anvers, ce sont les belles citadelles d'Anvers qui ont écarté de nos frontières la France et la Prusse !
Messieurs, cela n'est pas flatteur pour la bonne foi de l'Angleterre et cela n'est pas flatteur pour la bravoure prussienne et française. Dire de l'Angleterre qu'elle nous appuie parce que nous avons forcé 2,000 malheureux de plus par an à entrer dans la conscription, et dire de la Prusse et de la France qu'elles ont respecté nos frontières parce que ces 2,000 malheureux sont inscrits dans les cadres de notre armée, c'est se moquer de l'Angleterre, de la France et de la Prusse et même de l'Autriche et de la Russie ; du reste, M. Pirmez est homme à se moquer de tout le monde.
Remarquez qu'entre nous et beaucoup de vos amis, de vos amis plus ou moins ennemis, il n'y a que cette différence de 2,000 conscrits.
Or, voilà toute votre organisation militaire. Eh bien, je dis que vous auriez eu une bien plus forte majorité pour votre loi si vous n'aviez pas insisté sur l'adjonction de ces 2,000 conscrits à l'ancien contingent.
Messieurs, vous exagérez étonnamment.
Non ; ce qui nous a sauvés, - il faut dire toujours la vérité, surtout dans les circonstances difficiles, - ce qui nous a sauvés, c'est la modération de la France et de la Prusse ; c'est l'amitié de l'Angleterre ; c'est la bienveillance de l'Autriche et de la Russie. Voilà la vérité pure.
Car enfin, je vous le demande, s'il avait plu à la France et à la Prusse d'entrer chez nous avec 500,000 hommes par le midi et 500,000 hommes par l'est, qu'eussiez-vous fait ; qu'eût fait l'Angleterre ? Ni vous, ni l'Angleterre, vous n'y auriez rien fait.
Oh ! sans doute, si vous aviez donné l'ordre à notre brave armée de combattre cette double invasion, l'armée aurait obéi ; elle se serait fait massacrer jusqu'au dernier homme, mais vous auriez eu tort de lui donner cet ordre ; et vous ne l'auriez pas donné. Donc, ce n'est pas à cause de vos 125,000 à 30,000 hommes, éparpillés sur nos frontières, relativement très étendues, que notre neutralité a été respectée par la France et par la Prusse ; et la preuve, messieurs, c'est que le petit duché de Luxembourg, qui n'a que 200 guerriers pour se défendre, est aussi respecté que la Belgique.
- Plusieurs voix. - Très bien !
M. Coomansµ. - Ce que les puissances ont respecté en nous, c'est d'abord, j'aime à le croire, - quoique je ne croie guère au droit des gens, - c'est d'abord leur propre signature ; c'est la bonne foi qui reste toujours au fond de la diplomatie même la moins morale ; - c'est aussi la bonne conduite de la Belgique ; peut-être même est-ce cette élection modèle du 2 août... (Interruption.) Oui, cette élection modèle du 2 août a offert à l'Europe le magnifique spectacle d'un peuple sachant pratiquer les institutions libérales en plein incendie militaire, spectacle qui n'a été compromis que par vos amis, car, sans les manifestations gantoises et bruxelloises, nos élections du 2 août eussent été immaculées.
Ce n'est pas nous qui y avons imprimé la tache qui les a déshonorées, ce n'est pas vous qui m'écoutez, ce sont vos amis intimes.
Ce qui a encore sauvé la Belgique, - permettez-moi de vous le dire,- c'est la chute du gouvernement doctrinaire. Le gouvernement doctrinaire avait tellement aplati nos institutions et tellement surexcité l'opinion publique contre lui qu'il était une cause d'affaiblissement pour la patrie. (Interruption.) Il y a eu, lors de votre chute, un soulagement réel dans l'opinion, non seulement dans la droite, dans la haute et la basse droite, mais à gauche ; tous les vrais libéraux ont été heureux de votre chute. (Interruption.)
Quant à moi, je considère la Belgique comme beaucoup plus forte aujourd'hui qu'avant le 2 août, Quoi ! c'est la gauche, et par gauche on entend toujours les doctrinaires, parce qu'eux seuls comptent dans le parti ; ils forment, eux, la haute gauche... (Interruption.) la grande gauche ; elle a fait assez de gaucheries pour mériter ce nom. (<i<Nouvelle interruption.)
C'est la gauche qui a sauvé la Belgique en aggravant toutes les charges militaires.
L'honorable M. Pirmez a parlé beaucoup des divisions de la droite. Cela est peut-être vrai dans une certaine mesure, mais il n'a soufflé mot de celles de la gauche et il nous a fait une histoire romanesque ; il a arrangé ou plutôt dérangé étonnamment l'histoire des dernières années ; il a une imagination fallacieuse et quand il prétend que c'est la gauche qui a toujours sauvé le pays en aggravant les charges militaires, il se trompe étonnamment ; il me suffira, pour l'établir, de rappeler quelques souvenirs très fidèles consignés, vérifiés et consacrés par les Annales parlementaires.
Si la gauche seule avait fortifié, comme on l'a dit, notre organisation militaire, la gauche seule, je ne l'en féliciterais pas ; mais cela est faux.
Messieurs, le vote du budget de la guerre vers 1850 était devenu impossible... (Interruption.), le vote du budget de la guerre était devenu impossible, parce que la plus grande fraction du parti libéral ne l'acceptait plus et l'honorable M. Frère est venu le confesser très publiquement, courageusement si vous voulez, mais imprudemment, que c'était pour faire cesser les divisions dans le parti libéral ; il est venu déclarer à la Chambre qu'il entrait dans ses vues de réduire le budget de la guerre à la somme maximum de 25 millions. (Interruption.)
Mais, messieurs, les Annales parlementaires sont là, ce sont presque tous des votes libéraux que les votes hostiles ; quand M. Frère venait nous déclarer, à cette époque, qu'il entrait dans ses vues de faire diminuer le budget de la guerre jusqu'à 25 millions, est-ce qu'il venait déclarer cela pour nous faire plaisir à nous, qui étions 25 à droite, presque tous militaristes, hélas ! C'était pour faire cesser les divisions dans le parti libéral... (Interruption.)
Vous l'avez dit, c'est ainsi !
La droite, à cette époque, était généralement militariste ; en voulez-vous un témoignage ? C'est celui de l'honorable M. Del fosse, avec qui j'ai voté presque seul, pendant des années, contre le budget de la guerre.
Le sort de l'armée fut remis en question afin de faire cesser les divisions dans le parti libéral et quand ? je vous prie ! En pleine crise européenne, plus dangereuse selon moi pour la Belgique que celle que nous traversons aujourd'hui.
Alors la crise était européenne, sociale ; aujourd'hui elle est épouvantable, affreuse, mais, Dieu merci ! elle n'est que militaire et puisse-t-elle rester telle !
Ainsi vous voyez que les éloges que vous venez de faire de votre parti doivent être réduits considérablement. On parle de mystifiés. Mais qui fut mystifié par la grande commission (page 79) militaire ? Ce ne fut pas moi, car j'eus soin de vous prédire les résultats des travaux de celle commission.
Je sais ce que font toutes les commissions, quand je sais qui les nomme. Si vous me laissiez nommer une commission quelconque, je vous dirais d'avance quelles seront ses conclusions. (Interruption.)
Mais qui donc fut mystifié à cette époque ? Sur les bancs de la droite, il y avait peut-être deux ou trois membres qui le furent, mais la masse des mystifiés était assise à gauche. C'étaient notamment MM. Delfosse et d'Elhoungne, les grands admirateurs de l'opinion que je professais à cette époque ; c'était M. Vandenpeereboom et autres, qui avaient sérieusement cru qu'il entrait dans les vues du gouvernement de réduire le budget de la guerre à 25 millions.
Je sais fort bien que, depuis, M. Frère et d'autres ont dit que telles n'avaient jamais été leurs intentions : je ne l'ignore pas ; mais si telle n'était pas leur opinion, pourquoi l'énonçaient-ils à cette époque ? Les mystifiés, je le répète, furent ceux qui avaient cru à ce chiffre de 25 millions, et la plupart appartenaient à la gauche. Je ne fus donc pas mystifié ; je fus fâché ; c'était assez.
Mais, messieurs, après les travaux sacro-saints de la grande commission militaire, croyez-vous que la gauche vota unanimement le budget de la guerre ?
Mais, M. Pirmez, vous n'avez pas de mémoire et c'est un compliment que je vous fais en vous disant que vous n'avez pas de mémoire, car toutes nos annales parlementaires font foi de ce fait très remarquable que, parmi les opposants annuels au budget de la guerre, il y avait autant de libéraux que de cléricaux, presque tout autant. (Interruption.) Oh ! le budget de la guerre a été plusieurs fois rejeté par autant de libéraux que de catholiques, notamment par un chiffre qui variait de 30 à 36 voix, chiffre déjà considérable.
Mais une chose dont vous ne parlez pas et qui est très curieuse, c'est que les trois présidents de votre choix ont le même jour voté avec moi contre le budget de la guerre longtemps après les travaux de votre grande commission militaire.
Je parle des honorables MM. Vandenpeereboom, Moreau et Crombez. Dieu sait quels efforts on a dû faire sur leurs consciences pour obtenir d'eux d'autres votes les années suivantes !
En voilà assez, je pense, pour vous prouver que la question militaire, comme le disait hier l'honorable M. Jacobs, n'a jamais été, en réalité, une question de parti. Elle n'a pas été une question de parti, car si elle en était une, depuis bien longtemps j'aurais été excommunié, et je ne le suis pas encore. Non, cela a été une question économique, politique et sociale, et telle elle est encore.
Je suis bien sûr aujourd'hui que la gauche est à peu près émancipée, que je trouverai autant d'appui bientôt, pas aujourd'hui, mais demain ou après-demain, autant d'appui sur ces bancs que sur ceux-ci.
Je suis sûr que bientôt, le plus tôt possible, c'est notre vœu à tous, j'en suis convaincu, nous serons presque généralement d'accord pour brûler tout ce que nous avons adoré trop longtemps.
L'honorable M. Pirmez vante, au moins implicitement, le régime de la conscription ; c'est un grand grief contre nous que d'avoir combattu la conscription !
Eh ! messieurs, la conscription, mais elle est morte ; ce sont les Prussiens qui l'ont tuée. (Interruption.) La conscription est morte...
Vous voilà aujourd'hui devant cette alternative : ou le désarmement général ou l'armement général. Mais voire infâme, votre inique, inefficace et impuissante conscription est morte. Certes, je ne suis pas partisan de l'armement général, précisément parce que je le suis du désarmement général. Mais ce que j'ai toujours désapprouvé, ce qui a été le motif principal de la guerre que je fais depuis trente-sept ans à la loterie militaire : c'est l'injustice de l'impôt militaire ; c'est que vous ne placez pas sur la même ligne le riche et le pauvre ; c'est qu'alors que vous rendez l'impôt proportionnel pour toutes les charges publiques, vous ne le rendez pas proportionnel pour la plus lourde de toutes, qui est la charge militaire.
Eh bien, il faut abolir la conscription ; elle le sera, quoi qu'il arrive, et j'espère que, sur ce point encore, j'aurai eu raison. (Interruption.) Eh ! j'aurai raison sur bien d'autres encore.
Messieurs, je trouve sur ce morceau de papier deux ou trois notes que je désire vous communiquer. On blâme aujourd'hui le ministère d'avoir fait des dépenses sans notre autorisation. Pour ma part, je le regrette aussi. Mais je trouve étrange que ce blâme vienne de la gauche, alors que la gauche a fait la même chose en 1866, dans des conditions toutes différentes. En 1866, vous pouviez consulter les Chambres ; vous les aviez sous la main. Aujourd'hui vous n'aviez pas de Chambres et je conçois que le gouvernement, avec une bonne foi à laquelle je rends hommage, quoique je vote contre le projet, ait fait, avec les convictions généreuses et patriotiques qu'il a, j'en conviens, les dépenses qu'il a*ordonnées.
M. Pirmez nous a reproché bien vivement d'avoir, dans la lutte électorale, parlé à divers appétits ; d'avoir dit : Nous réduirons les impôts, nous réduirons les charges militaires.
Mais l'honorable M. Pirmez, encore une fois à cause de ce manque de mémoire dont je l'ai félicité tout à l'heure, ne fait pas attention que toutes les associations libérales ont fait la même chose. Quand les doctrinaires d'Anvers ont inventé ce truc étrange d'un accord immédiat entre les doctrinaires et les libéraux libres, ils ont inscrit sur leur programme, et cette inscription, la plupart des associations libérales du pays l'ont adoptée, les députés de Bruxelles en tête : Diminution des charges militaires et réduction des impôts. (Interruption.)
Je reçois toutes sortes de signes affirmatifs qui justifient ce que je dis. Donc, quand l'honorable M. Pirmez nous fait un grief de cela et quand il n'en fait pas un grief à ses amis intimes, il est injuste et, de plus, il est maladroit.
Car plus il croit que ses coups sont durs pour nous, plus ils sont durs pour ses amis, et le coup qu'on reçoit d'un ami est plus sensible que celui d'un adversaire.
Nous avons eu grandement tort (nous qui parlons très sincèrement, vous en aurez bientôt la preuve) de réclamer une. réforme électorale.
Mais la réforme électorale a été demandée par toutes les associations libérales. Si vous aviez à obtenir aujourd'hui un vote de la Chambre, il y aurait peut-être autant de partisans à gauche qu'à droite de la réforme électorale, surtout depuis le 2 août. Dans toutes les associations libérales, vous avez fait absolument ce que nous avons fait dans nos associations cléricales, avec cette différence que la plupart d'entre nous étaient sincères tandis que la plupart d'entre vous ne l'êtes pas. Je ne nomme personne, mais j'affirme que la plupart d'entre vous n'étiez pas sincères, parce que je ne crois pas à ces convictions improvisées devant l'urne électorale.
Je n'y crois pas. Je n'aime que les convictions éprouvées par des revers et qui survivent aux échecs. Or, moi j'ai eu le malheur et l'honneur, selon ma conscience, d'avoir été défait vingt fois et j'ai toujours maintenu mes idées et à ce titre-là elles sont respectables même à vos yeux.
Nous avons donc, dit-on, exploité le thème militaire, le thème de la conscription ; mais, je le répète, vous avez fait la même chose avec moins de succès, parce qu'on ne vous a pas crus et on nous a crus nous.
Voilà pourquoi le même argument n'a pas eu le même effet dans des bouches différentes.
La conscription, je l'avoue, j'ai été seul, pendant quelque temps, à la combattre, mais aujourd'hui à gauche on est généralement de mon avis à cet égard.
On reconnaît généralement aujourd'hui que la conscription est au recrutement universel ce que le vieux fusil à mèche du roi Henri IV est au chassepot ou au fusil à aiguille ; avec la conscription, vous ne sauverez rien ni la Belgique ni le gouvernement, et elle ne vous a pas sauvés, vous le savez bien.
Ainsi, messieurs, il y a à gauche un grand nombre de membres qui pensent comme la droite sur cette question et même sur celles dont l'honorable M. Pirmez nous a tant parlé hier. Cette basse droite et cette basse gauche, parlez-en avec respect, du moins avec une certaine prudence, car elles tiendront bientôt le haut du pavé politique ; quoiqu'il arrive, n'en doutez pas.
Messieurs, voilà quelques vérités intéressantes que je tenais à vous rappeler. Quant à moi, je conserve mes principes et j'en attends le prochain triomphe.
L'honorable M. Pirmez (je demande la permission à la Chambre de finir par une question presque personnelle), l'honorable M. Pirmez m'a fait très injustement le reproche de renier mes principes, d'émettre des votes contraires à mon langage.
Les exemples qu'il en a donnés ne sont pas heureux. Il a parlé notamment de l'exemption des élèves ecclésiastiques de la milice. Eh bien, j'en appelle à tout le monde, j'ai proposé la suppression complète de toutes les exemptions, les ecclésiastiques y compris, et qui a voté contre moi ?
L'honorable M. Pirmez et ses amis ; mais il y a eu entre vous et moi cette différence que vous vouliez faire marcher les séminaristes per fas et nefas, tandis que, moi, je ne voulais contraindre personne.
Je trouvais très juste qu'on obligeât le séminariste à payer une certaine somme en rapport avec son revenu pour s'exempter du service militaire.
Je vous ai proposé cela, je vous ai proposé de rendre l'impôt de milice proportionnel comme tous les autres impôts et cela pour les séminaristes (page 80) comme pour tous les citoyens, rien de plus juste, rien de plus rationnel, vous ne l'avez pas voulu.
Je suis donc resté fidèle à mon principe qui est l'égalité de tous les Belges devant la loi, les séminaristes compris ; vous ne l'avez pas voulu.
Je sais bien pourquoi. Vous étiez ministre alors. (Interruption.)
Oh ! je suis persuadé que demain vous tâcherez d'incorporer les séminaristes, mais je ne vous suivrai pas plus demain qu'hier, parce que je ne veux incorporer personne.
On me rappelle l'affaire de l'honorable M. de Macar, mais je ne me suis pas contredit dans le vote.
J'ai dit que l'honorable M. de Macar ne pouvait être admis dans la Chambre si on lui appliquait les principes que l'on avait appliqués à d'autres honorables collègues.
J'ai déclaré qu'à mon sens il était élu ; mais comme il fallait émettre un vote secundum jus, j'ai voté contre son admission. Je n'ai donc pas été illogique.
Messieurs, je crois pouvoir en rester là. Je suis fatigué et vous aussi.
M. Frère-Orbanµ. - Messieurs, les circonstances au milieu desquelles nous vivons paraissent avoir inspiré à M. le ministre des finances des ardeurs de bataille qui ne sont pas trop du goût de ses honorables collègues, si j'en crois M. le ministre des affaires étrangères, mais qu'il semble assez difficile de contenir. Prenant pour la première fois la parole comme membre du gouvernement, l'honorable ministre des finances a fait la grâce à l'opposition de ne pas lui faire la sommation de s'expliquer. Hier, l'honorable ministre des finances nous a invités à nous taire d'un ton qui ne nous permet pas de garder le silence. Peut-être que si l'honorable ministre des affaires étrangères avait pu dire à son honorable collègue qu'il ne comprenait rien aux discussions soulevées en ce moment, aurait-il arrêté son zèle.
Je vais tâcher de répondre aux impatiences de M. le ministre des finances. Je vais dire ce que je pense de la situation.
Tout d'abord je déclare que je vote, sans la moindre hésitation, les crédits qui sont sollicités.
C'est ainsi que j'entends, l'union. Etant au pouvoir, j'ai convié mes adversaires à l'union, mais en vain, sur la question de la défense nationale.
Je ne changerai pas de langage dans l'opposition.
Ni mes amis ni moi nous n'imiterons ce qui a été fait à d'autres époques. Nous n'imiterons pas cette fraction de l'opposition à la tête de laquelle se trouvait l'honorable ministre des finances et qui, dans des circonstances tout aussi graves, plus périlleuses peut-être qu'aujourd'hui, refusa d'accorder au gouvernement un bill d'indemnité pour avoir rempli le devoir sacré d'assurer la défense nationale.
La section centrale chargée, à cette époque, d'examiner la demande de crédit qui lui était soumise pour les dépenses faites en 1866 et 1867, s'exprimait ainsi :
« La section centrale n'hésite pas à reconnaître que le gouvernement, en prenant sur sa responsabilité l'initiative des dépenses dont la régularisation vous est demandée, a accompli un devoir rigoureux. Il fallait, de toute nécessité, pourvoir, en présence de symptômes de la plus haute gravité, aux moyens d'assurer la sécurité du pays ; il fallait y pourvoir sans bruit et sans éclat, à peine d'aggraver encore la situation du commerce et de l'industrie, déjà fortement troublés, et que la prudence commandait de ne pas alarmer davantage. »
C'est en présence de ces considérations, de ces faits ainsi constatés et qui étaient d'ailleurs notoires qu'a été émis le vote que je viens de rappeler.
Après 1866, après Sadowa, il n'est pas d'homme politique doué de quelque perspicacité qui n'ait compris le danger auquel l'Europe tout entière se trouvait exposée.
Il à fallu une cécité extraordinaire pour oser le contester, lorsque nous avons sollicité un bill d'indemnité qui nous a été refusé par M. le ministre des finances. On a, il semble, apporté la même perspicacité dans l'appréciation de la situation présente.
Dans le discours de la couronne, après avoir constaté que nous avions reçu des puissances belligérantes les déclarations les plus formelles que notre neutralité serait respectée, après avoir annoncé que l'Angleterre venait de conclure des alliances afin d'assurer le maintien de cette neutralité, on concluait par cette déclaration qui, en vérité, allait jusqu'à l'inconvenance, que jamais la Belgique ne s'était trouvée dans une situation plus périlleuse que celle où elle se trouve aujourd'hui. Mais si lorsque les puissances belligérantes déclarent qu'elles respecteront la neutralité de la Belgique, il lorsque l'Angleterre s'engage à nous défendre, notre situation est plus périlleuse que jamais, je demande quand nous serons en sécurité ? Les situations périlleuses pour la Belgique sont celles qui ont suivi là révolution de février 1848, celles qui ont suivi le coup d'Etat en 1851, celles qui ont suivi Sadowa, au moment où s'élevait la question du Luxembourg. Aujourd'hui les dangers ne sont pas où vous paraissez les voir.
Je ne conteste pas qu'il y ait à prendre des précautions, loin de là ; mais à l'heure présente, notre indépendance n'est pas en question ; notre neutralité est garantie ; nous remplissons nos devoirs pour la faire respecter, si elle pouvait être menacée par les péripéties de la guerre. Mais le danger peut naître de ce grand drame qui se déroule actuellement à nos portes. Qu'en sortira-t-il ?
Peut-être le cabinet a-t-il pensé, et c'est une mauvaise politique, qu'il devait un peu effrayer les populations, grossir les dangers, au risque d'alarmer les intérêts, afin de mieux justifier les dépenses considérables qu'il s'agit d'imposer au trésor public.
Je ne marchande pas, je suis très large à l'égard de ceux qui ont la responsabilité. Mais il est permis de constater que, pour traverser la crise de 1848, nous avons sollicité un crédit de 9 millions sur lesquels seulement 7 millions ont été dépensés, qu'après le coup d'Etat nous avons sollicité un crédit de 4,700,000 francs, qu'en 1859 les dépenses ne se sont pas élevées au delà de 9 millions, et que, pour 1866 et 1867, les crédits n'ont pas excédé six millions de francs. Aujourd'hui, si les divers crédits sollicités par le gouvernement sont alloués par la Chambre, la dépense ne sera pas moindre de 20 millions de francs.
Il est vrai que nous n'étions pas antimilitaristes. Mais, selon nous, il y a un très grand danger à remettre la clef du Trésor au ministre de la guerre. Il en use largement : cela est dans la nature des choses ; tous ceux qui ont une responsabilité cherchent à la couvrir autant que possible ; ce sont les diverses responsabilités qui doivent s'équilibrer et indiquer ce qui est nécessaire dans une circonstance donnée.
Vous avez agi, et nous le verrons par toutes vos autres mesures, comme si nous étions sous le coup d'une menace d'invasion : vous avez créé deux armées, l'armée d'Anvers et l'année d'observation.
La situation, au début, ne semblait pas commander ce déploiement de forces.
Cela n'était peut-être pas opportun ; vous eussiez dû ménager davantage les populations et les ressources du trésor. Les ministres politiques, ceux qui ont une responsabilité, M. le ministre des finances en particulier, devaient ici intervenir pour réagir. Mais, je le répète, je ne veux pas marchander de ce chef.
J'appelle seulement l'attention de la Chambre sur cette situation. Nous comparons ce qui s'est fait autrefois et ce qui se fait en ce moment.
Peut-être aussi cette facilité à accorder de nombreux millions vient-elle d'un optimisme financier contre lequel je crois utile de prémunir le cabinet.
Je lis dans le rapport de la section centrale sur le crédit de quinze millions, que M. le ministre des finances a été interpellé ; qu'on lui a demandé comment il serait fait face aux dépenses projetées ; et M. le ministre des finances a répondu : La situation financière est excellente.
Oui, messieurs, nous sommes d'accord ! la situation financière est excellente ; c'est celle que nous vous avons laissée. Mais elle est excellente en ce sens que nos dépenses ordinaires sont inférieures de 6, 8,10 ou 12 millions, selon les circonstances, aux recettes de même nature, aux recettes ordinaires. Mais vous comprenez qu'il faut très peu de chose pour compromettre une pareille situation ; et que, pour peu que le programme du cabinet, renforcé par le programme de Saint-Nicolas, s'exécute, cette bonne situation financière n'existera plus longtemps. A ce point de vue, il y a des précautions à prendre.
Mais en quoi le cabinet se trompe complètement, c'est en supposant que les dépenses extraordinaires qu'il a à faire peuvent aisément être couvertes à l'aide des ressources dont nous disposons. En cela, son erreur est complète. Si nous devons dépenser les crédits qui nous sont demandés et en supposant que nous n'ayons pas d'autres dépenses à faire ultérieurement, nous aurons un déficit de 30 millions de francs.
Voici, messieurs, quelques chiffres qu'il est bon de mettre sous vos yeux.
D'après l'Exposé de la situation du trésor au 1er janvier 1870, les crédits extraordinaires ouverts aux divers départements ministériels s'élèvent à 48,039,623 fr. 87 c.
Depuis, celle situation s'est modifiée. Des crédits nouveaux ont été alloués aux divers départements ministériels jusqu'à concurrence de 20,423,559 fr. 78 c.
(page 81) Les crédits proposés, y compris l'avance pour les travaux d'Anvers, s'élèvent à 20,180,000 francs.
D'où il suit que nous aurions un passif de 88,649,183 fr. 65 c.
Et quelles sont les ressources pour faire face à ce passif ?
Les seules ressources liquides et disponibles que nous ayons s'élèvent à 45,832,080 fr. 75 c.
Le déficit serait donc encore de 42,817,095 fr. 92 c. Mais si les circonstances ne sont pas trop défavorables, si le ralentissement des affaires, les souffrances et les gênes à l'intérieur ne réduisent pas dans une trop forte proportion les revenus des impôts, nous pouvons espérer un excédant de recettes de douze millions de francs.
C'est une hypothèse ; nous ne savons pas ce que les derniers mois de l'année nous réservent ; mais en supposant qu'ils nous soient favorables, nous pouvons espérer que l'excédant des recettes extraordinaires sur les dépenses de la même nature sera de douze millions. Il nous restera donc un découvert de 50,817,095 fr. 92 c. Et encore faut-il également supposer que nous n'aurons pas de dépenses extraordinaires ultérieures à faire pour l'armée, car les crédits ne sont établis que jusqu'au 20 septembre, et que l'état de l'industrie et de nos populations n'exigera pas d'intervention de la part du gouvernement.
Je crois donc qu'il sera prudent d'être très attentif aux dépenses extraordinaires que le gouvernement pourrait avoir à nous demander.
Messieurs, on a dit avec raison : II ne suffit pas d'assurer la défense nationale et un bon système financier, il faut aussi un bon gouvernement.
Plus les crises sont à redouter, plus ce bon gouvernement est nécessaire.
Je me demande si le cabinet que nous avons devant nous répond à la situation.
Je ne veux pas, messieurs, examiner les questions qui nous divisent, nos questions de partis, elles se présenteront en temps opportun, en temps normal ; nous les discuterons lorsque le moment sera venu. Je ne demande pas aujourd'hui au ministère d'où il vient, où il va ; je ne veux pas rechercher son programme réel sous son programme apparent.
J'examine si, dans les circonstances où nous sommes, le ministère répond à la situation, et je crois pouvoir résoudre cette question d'une manière négative.
Le ministère a été affaibli à son origine par sa constitution même. Il a perdu immédiatement le prestige qui peut s'attacher à un pouvoir nouveau. Des hommes qui avaient pris des engagements publics, qui dans des occasions solennelles s'étaient engagés d'honneur à certaines choses, ont renoncé à leurs promesses et à leurs convictions apparentes pour prendre un portefeuille. (Interruption. )
Il est certes permis de changer d'opinion, comme le disait hier M. le ministre des finances ; mais quand on change d'opinion sur des points essentiels, on doit le faire avec désintéressement. Les changements d'opinion qui ne s'opèrent que pour prendre un portefeuille sont suspects, ils sont condamnables,
Hier, messieurs, vous avez vu, à l'embarras qu'éprouvait M. le ministre des finances, combien cette situation est fausse, combien, je dois le dire, elle est déplorable, (Interruption.) Depuis hier, cette situation s'est aggravée encore.
M. le ministre des affaires étrangères est venu aujourd'hui infliger un désaveu complet à M. le ministre des finances. (Interruption.) Je vais vous l'expliquer.
M. le ministre des finances vous disait hier :
« Nous avons déclaré, pour la question de l'armée, que nous nous réservions d'examiner cette grosse question à fond et à nouveau. Non, nous n'avons pas demandé à l'honorable général Guillaume le sacrifice, d'un homme ni d'un cheval. Mais l'honorable général ne nous a pas demandé davantage le sacrifice d'aucune de nos opinions.
« Nous nous sommes dit sincèrement, loyalement : Nous examinerons ensemble. Et puis au-dessus de nos opinions personnelles il y avait l'appel au pays. C'est lui, disions-nous, qui décidera par ses représentants ; la Chambre ne subira pas la loi du gouvernement ; c'est à elle, c'est au pays à dicter la loi ; le ministère aura à voir, en présence de la majorité et de ses tendances, s'il lui convient de rester à son banc. Cette majorité décidera les questions relatives à l'armée. »
Ainsi il y avait, d'après les paroles de M. le ministre des finances, un programme à double face. Il y avait le programme de M. le ministre de la guerre déclarant qu'on ne sacrifierait ni un homme, ni un cheval, ni un canon.
Il y avait un programme qui était exposé par M. le ministre des finances pour son compte et pour le compte de M. le ministre de la justice et dans lequel on se réservait d'examiner à fond et à nouveau toutes les question» relatives à l'organisation de l'armée.
J'aurais demandé hier, si j'avais pris la parole, si c'était là le programme qui avait été soumis à la couronne et qui avait reçu sa sanction. Mais aujourd'hui M. le ministre des affaires étrangères a compris la nécessité impérieuse de donner une explication catégorique sur ce point ; il est venu nous déclarer que le cabinet voulait une armée fortement organisée ; il est venu nous déclarer que le cabinet s'était mi» d'accord pour maintenir l'organisation de l'armée. Il n'y a donc pas à examiner et à fond et a nouveau, c'est une question résolue ; il n'y a plus de défaite possible. (Interruption.) Ne serais-je pas dans le sujet par hasard ?... (Interruption.) Ne m'est-il pas permis de rapprocher deux déclarations ?
Ns suis-je pas autorisé à mettre en présence les paroles de M. le ministre des finances et celles de M. le ministre des affaires étrangères ?
M. le ministre des affaires étrangères vous a dit : Nous voulons toutes les économies possibles. Eh ! qui ne veut pas toutes les économies possibles ? Nous les voulons également. Mais la question n'a pas été ainsi posée. Il s'agissait de la réduction des charges militaires telles qu'elles existaient et il s'agissait de les réduire par la diminution de l'effectif, par la diminution du contingent. Voilà ce qui a été promis. Voilà les engagements d'honneur qui avaient été pris, et voilà les engagements qui ont été trahis.
MfJµ - Jamais ! Nous vous défions sur ce terrain.
M. Frère-Orbanµ. - M. le ministre de la justice n'a pas déclaré, dans les discours qu'il a prononcés avant les élections du 14 juin, qu'il voulait la réduction des dépenses militaires ? M. le ministre de la justice fait partie du cabinet.
Il a déclaré qu'il voulait la réduction des charges militaires qu'on venait d'imposer au pays, c'est-à-dire la réduction du contingent et de l'effectif. Voilà quels étaient ses engagements.
Or, messieurs, cette question n'est pas indifférente, c'est une question sur laquelle on a essayé de passionner l'opinion publique. C'est une question qu'on a agitée dans vingt meetings. C'est une question sur laquelle vous vous êtes fait des alliés, sur laquelle vous avez fait des alliances avec les représentants de l'Internationale. (Interruption.)
MjCµ. - Qui cela ?
M. Frère-Orbanµ. - Vous, monsieur.
M. de Kerckhoveµ. - Je proteste, je donne un démenti formel.
- Des membres à gauche. - A l'ordre ! à l'ordre !
M. de Borchgraveµ. - A l'ordre ! Pourquoi donc, M. Sainctelette ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
MpXµ. - Je demande le silence. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de rappeler M. de Kerckhove à l'ordre. Il a protesté contre les paroles de M, Frère.
- Des membres à gauche. - Il a dit : Je vous donne un démenti formel.
- Des membres à droite. - Il a eu raison.
M. de Kerckhoveµ. - Je puis donner un démenti à une pareille assertion.
M. Frère-Orbanµ. - Je ne vous ai pas nommé et je ne vous ai pas adressé la parole.
M. de Kerckhoveµ. -- J'ai entendu les mots : vous-même.
M. Frère-Orbanµ. - Je me suis adressé à M. le ministre de la justice. M. le ministre de la justice connaît très bien les processions de Liège.
MjCµ. - Je n'y ai jamais pris part.
M. Frère-Orbanµ. - Non, mais vos amis y ont pris part, (Interruption.) Vous pouvez les désavouer.
MjCµ. - Je n'ai pas d'ordres à donner à mes amis.
M. de Borchgraveµ. - C'est de la mise en scène.
MpXµ. - M. de Borchgrave, faites silence.
M. Frère-Orbanµ. - Il est notoire qu'à Liège des meetings ont été convoqués pour protester contre les charges militaires, pour demander leur réduction, pour demander la suppression de la conscription, et tout ce qui doit s'ensuivre.
(page 82) Il est certain que dans ces meetings figuraient des représentants de l'Internationale. (Interruption.) Cela est ainsi.
M. Coomansµ. - J'y étais, mais je n'en sais rien.
(erratum, page 87) M. Demeur.- J'y étals aussi et je les ai vus.
M. Jottrandµ. - Vous les connaissez et je vous dirai leurs noms, si vous le désirez.
M. Frère-Orbanµ. - Voilà des catholiques, des hommes de la libre pensée, des agents de l’Internationale réunis pour essayer de soulever une protestation énergique au sein des masses contre les dépenses militaires, et quand certaines fractions de ces opinions se réunissaient dans ces meetings, quand les amis de l'honorable ministre de la justice s'y trouvaient, l'honorable ministre de la justice, qui entendait bien profiter de leurs efforts et ne les désavouait pas, l'honorable ministre assistait à d'autres réunions où étaient seuls des catholiques purs, et dans ces réunions, les mêmes engagements ont été pris, les mêmes promesses ont été faites.
Là on voulait aussi la réduction des charges militaires, la diminution des dépenses de l'armée. Et c'est après avoir fait tous ces actes, après avoir égaré les populations, après les avoir trompées que l'on vient déclarer aujourd'hui que le cabinet dont on fait partie veut le maintien de l'organisation de l'armée que l'on combattait.
Eh bien, je dis qu'un ministère qui est dans de pareilles conditions est dans des conditions mauvaises, je dis que dans de pareilles conditions un ministère est affaibli et déconsidéré. (Interruption.)
M. de Rossiusµ. - Est-ce que la palinodie est une force ?
- Une voix. - L'opinion publique a prononcé.
M. Frère-Orbanµ. - Si l'opinion publique a prononcé, si le ministère qui a déclaré dans son programme qu'il allait consulter le pays pour se soumettre à sa décision ; si l'opinion publique s'est prononcée, quelle a été sa résolution ? Vous déclarez qu'elle s'est prononcée pour la réduction du budget de la guerre. (Interruption.) C'est là ce que vous déclarez. Eh bien, le cabinet n'est pas de votre avis, ou il ne se soumet pas à l'opinion publique que vous invoquez, car il vous déclare qu'il entend maintenir l'organisation de l'armée.
Il est vrai que M. le ministre des finances vous a dit que sur les questions d'organisation de l'armée, sur la question de savoir si l'organisation prussienne ou suisse est préférable à l'organisation française, il peut y avoir des sentiments, des appréciations, mais qu'il n'y a point là de conviction et que la conscience n'est pas engagée.
Mais quand il s'agit de savoir si une organisation sera substituée à une autre, en vue de réduire la dépense ; lorsqu'on déclare que les charges sont excessives et qu'il faut les réduire ; lorsqu'on est en présence d'une somme précise et bien déterminée ; lorsque l'on dépensera 30 ou 36 millions ou quelque autre somme et si l'on promet de faire une réduction, la conscience if est-elle pas engagée ?
MfJµ. - Jamais on n'a promis cela.
M. Frère-Orbanµ. - Votre collègue de la justice, monsieur Jacobs, a promis la réduction des charges militaires.
La conscience est-elle, oui ou non, engagée à réduire les dépenses militaires ?
MjCµ. - Je me suis engagé à rechercher.
M. Frère-Orbanµ. - Non pas à rechercher ; vous avez déclaré formellement qu'il fallait des réductions.
MjCµ. - Je m'expliquerai tout à l'heure.
M. Frère-Orbanµ. - Vous m'avez provoqué à parler. Ecoutez-moi.
Sur cette même question de l'armée et de la défense nationale, M. le ministre des finances vous avait annoncé hier qu'il persévérait dans la théorie qu'il avait exposée jadis ; que si notre territoire était violé, il faudrait y penser à deux fois avant de repousser l'invasion et, hier encore, il vous a déclaré que si notre territoire était violé, le gouvernement délibérerait.
M. de Borchgraveµ. - Il y avait certainement lieu de délibérer sur la manière d'agir et il y a beaucoup de membres de la gauche qui sont de cet avis-là.
M. Frère-Orbanµ. - Eh bien, M. le ministre des affaires étrangères est venu vous apprendre que tout cela était parfaitement réglé ; il est venu l'apprendre à son collègue des finances.
Il nous a fait connaître qu'il y avait une circulaire diplomatique annonçant nos intentions, disant que toute violation du territoire serait repoussée.
MfJµ. - Tout cela était décidé.
M. Frère-Orban. - Vous avez déclaré que si le cas se présentait, il y aurait lieu de délibérer. Vous avez voulu vous mettre d'accord hier avec vos discours d'autrefois.
Voici ce que vous avez dit :
« J'ai, dit-on, prévu un autre cas : celui où une armée violerait notre territoire par son passage sans nous déclarer la guerre et sans porter en aucune façon atteinte aux biens de nos nationaux, et j'aurais dit que, si ce cas se présentait, ce serait un point sur lequel le gouvernement aurait à délibérer que celui de savoir s'il devait immédiatement déclarer la guerre à celui qui aurait ainsi violé les traités qui assurent notre neutralité. On me demande : Maintiendrez-vous cette déclaration ?
« Il est certain pour moi, messieurs, que le gouvernement doit délibérer si un fait pareil se présente et qu'il doit consulter son patriotisme... »
Mais vous avez rétracté votre théorie et vos déclarations d'autrefois.
Vous n'osiez pas en faire l'aveu. Aujourd'hui, M. le ministre des affaires étrangères est venu nous faire cette déclaration complémentaire.
Messieurs, le ministère qui est donc affaibli dans sa constitution, n'a pas une position que l'on puisse nommer respectable dans le sens politique de ce mot.
Mais il reste au ministère la passion politique... (Interruption.) et il l'a au plus haut degré. Cette passion l'a aveuglé à ce point qu'il a prononcé la dissolution des Chambres deux jours après que M. le duc de Gramont avait porté à la tribune française des déclarations qui avaient épouvanté le monde.
J'ai vu dans les feuilles ministérielles qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce que le gouvernement sefût trompé sur le sens de ces déclarations, attendu que le jour même où paraissait l'arrêté de dissolution, le 8 juillet, si je ne me trompe, on voyait à Bruxelles S. A. R. Mme la princesse de Galles. Or, disait-on, puisque Mme la princesse de Galles voyage, il n'y a pas de danger.
Mais qui ne comprend que si le voyage de Mme la princesse de Galles s'était trouvé décidé avant que la déclaration fût même connue à Londres, si son départ était même effectué à cette époque, il n'y a qu'un argument puéril à tirer de cette circonstance et, au surplus, fût-on même en pleine guerre, S. A. R. peut voyager en parfaite sécurité.
Mais le ministère qui ne croyait à rien, le 8 juillet, pour lequel les déclarations de M. de Gramont étaient sans valeur, est tout à coup plein de terreur quelques jours après, quelques jours seulement ; il est troublé ; il jette l'alarme dans le pays, il met l'armée sur le pied de guerre, il crée deux armées, il fait redouter au pays les situations les plus périlleuses, de telle sorte que si les appréhensions du cabinet avaient été fondées, s'il y avait eu l'ombre de vérité dans la pensée qui le faisait agir, ce serait au sein du pays envahi que les élections auraient dû s'accomplir.
Elles auraient été impossibles et le gouvernement dans cette situation aurait été sans Chambres, sans moyens d'obtenir des levées d'hommes et d'argent, compromettant ainsi le sort du pays par la mesure la plus imprudente qu'on ait pu prendre à un pareil moment.
Aussi, messieurs, le cabinet a-t-il compris sa faute ; il a voulu revenir sur ce qu'il avait fait et je ne crois pas me tromper en disant qu'il y avait deux tendances dans le ministère sur ce point. On a consulté, on a entendu les ministres d'Etat ; les opinions s'étaient incontestablement prononcées en faveur du retrait de l'acte de dissolution, à une très grande majorité.
Mais les hommes violents sont intervenus ; on a dit : Il faut profiter des circonstances... (Interruption.) il faut, pour notre parti, que les élections s'accomplissent au milieu de cette terreur répandue dans le pays. (Interruption.)
M. Allardµ. - Oui, c'est bien cela...
M. Frère-Orbanµ. - Vous avez mis alors l'intérêt de parti au-dessus de l'intérêt national.
MiKdLµ. - Et les opinions émises par les ministres d'Etat ?
M. Frère-Orbanµ. - Une grande majorité a conseillé le retrait de l'arrêté de dissolution.
MiKdLµ - Et la vôtre ?
M. Frère-Orbanµ. - Je n'ai pas exprimé d'opinion, mais des doutes... (Interruption.) Mais je vous trouve étrange ! Vous vouliez que j'eusse une conviction précise, déterminée, sur un point sur lequel on me consultait à l'improviste ? Je n'avais pas même été averti de l'objet de la réunion.
(page 83) En débarquant à Bruxelles, j'avais été conduit au palais pour délibérer sur la question. J'ai entendu les opinions diverses exprimées ; j'ai dit mon sentiment ; j'ai dit qu'il y avait des doutes sérieux, des difficultés pratiques considérables ; qu'il était incontestable que faire revenir les Chambres dissoutes pour voter les mesures que commandaient les circonstances, était une situation grave. Mais vous pouviez attendre ; pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Pourquoi vous êtes-vous tant hâtés à faire cette dissolution ; pourquoi ne preniez-vous pas des informations à Paris, à Londres, à Berlin, avant de vous décider ? Ne pouviez-vous pas attendre huit jours ? Cela vous eût servi pour vous éclairer.
Vous ne l'avez pas voulu, ou bien j'ai le droit de vous accuser d'une impéritie extraordinaire.
Et c'est dans de pareilles circonstances, qui seraient bien graves déjà en temps ordinaire, c'est dans de pareilles circonstances qu'on nous dit : Prenons garde, ne parlons pas, vos discours sont intempestifs, il vaut mieux vous taire que parler en ce moment.
Et c'est ce même ministère qui, dans ces circonstances, fait la dissolution et soulève les passions dans le pays en les portant à leur paroxysme. (Interruption.) Comment ! la lutte électorale n'a pas été des plus vives, des plus violentes ! (Nouvelle interruption.)
Et le ministère, messieurs, après avoir commis ces fautes, au lieu de calmer, a irrité. Il était, on vient de le dire tout à l'heure, un ministère provisoire, il était sans pouvoir parlementaire ; il était dans une position analogue à celle du ministère démissionnaire.
Or, qu'avons-nous fait ? Après avoir donné nos démissions, nous avons pensé qu'en attendant nos successeurs nous n'avions plus autre chose à faire que de pourvoir aux besoins quotidiens de l'administration, nous n'avons fait notamment que les nominations nécessaires, indispensables, sans plus. Nous avons agi ainsi à toutes les époques.
Telle n'est pas la pratique de nos adversaires ; car, chaque fois que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons dû y mettre pour condition que les arrêtés proposés in extremis ne seraient pas exécutés. Le ministère actuel, au contraire, s'est empressé, dans la même situation, de faire des nominations administratives, judiciaires et politiques.
A peine installé, il a demandé où en étaient les nominations de bourgmestres et d'échevins pour y pourvoir immédiatement. On craignait, sans doute, que le 2 août ne vînt pas consacrer la réalisation des espérances du parti catholique (Interruption.). Mais, messieurs, je parle de vos actes. Vous vous êtes empressés de pourvoir à toutes les nominations et dans quel esprit l’avez-vous fait ? Dans un esprit de paix, d'apaisement, de conciliation et de concorde dont on nous a parlé tout à l'heure ?
Je ne citerai qu'un fait, il y en a beaucoup d'autres ; ils viendront à l'heure propice. Pour le moment, je ne veux que caractériser le ministère et vous montrer, par ses actes, l'esprit qui le domine.
Un fait donc me suffit.
Dans mon arrondissement, une commune a un conseil communal presque complètement composé de libéraux ; deux catholiques seulement s'y trouvent. Cette commune a peur bourgmestre le principal propriétaire de l'endroit, M. le comte d'Hemricourt, un homme très modéré.
Il y a une place d'échevin vacante. Que va faire le conciliant et modéré ministre de l'intérieur ? Un-t-il suivre les présentations administratives ?
Je ne sais même si elles ont été demandées. Mais, en vérité, je suis plus porté à croire à la présentation du curé. (Interruption.)
Voilà les actes pour calmer les passions pendant l'élection.
Donc dans ce conseil communal il y a deux catholiques ; tous les autres membres sont libéraux et on inflige au bourgmestre l'un des deux pour échevin.
M. Van Wambekeµ. - Vous n'en faisiez jamais d'autres. (Interruption.)
M. Frère-Orbanµ. - On m'assure que le bourgmestre a donné sa démission et voilà une administration communale désorganisée. (Interruption.)
MpXµ. - Faites silence, messieurs.
M. Van Wambekeµ. - Il y a cinquante communes dans les Flandres où vous avez fait cela.
M. Frère-Orbanµ. - C'est le même esprit de modération qui se retrouve dans l'élection.
M. le ministre des affaires étrangères nous a dit tout à l'heure : Nous avons voulu consulter le pays en le laissant se prononcer en toute liberté sans exercer de pression. Nous avons, dit M. le ministre, demandé la neutralité par notre circulaire. Voilà la théorie ; voici la pratique.
chambre des représentants. - session extraordinaire de 1870.
Parmi ces fonctionnaires il y a des suspects, les livres noirs ne sont pas encore rétablis, on n'a pas eu le temps. (Interruption.)
Mais ils existaient, ces livres, sous les administrations antérieures à nous. (Interruption.)
Oui, messieurs, sous les administrations catholiques.
Mais, jamais, pendant ma longue administration, jamais les fonctionnaires n'ont été molestés à cause de leurs opinions politiques. (Interruption.)
Si vous aviez eu des griefs à me faire, vous n'auriez pas manqué de les produire et jamais une attaque de cette nature ne m'a été adressée ni dans la Chambre ni peut-être même dans la presse.
M. de Borchgraveµ. - Ils avaient tellement peur qu'ils n'osaient parler.
M. Frère-Orbanµ. - La circulaire vient proclamer la neutralité. On a un suspect ; on le fait appeler, on charge son chef de le sermonner. On ne se contente pas de cela.
MiKdLµ. - Veuillez citer des noms.
M. Frère-Orbanµ. - J'irais vous citer les fonctionnaires ! j’irais vous les livrer. (Interruption.) Mais ceux qui ont été l'objet de ces attentions l'ont dit à vingt autres et ces vingt le diront à cent autres.
Mais on a fait mieux : on écrit aux fonctionnaires. J'ai vu, messieurs, une de ces pièces ; elle était ainsi conçue :
« On m'assure que vous ne vous conformez pas à la circulaire de tel jour ; nous vous avertissons..., etc. »
MiKdLµ. - Veuillez citer en entier et loyalement.
M. Frère-Orbanµ. - Je cite loyalement, quoique je le fasse, de mémoire. Vous connaissez, sans doute, M. le ministre, les documents dont je parle et vous savez que ce que je dis s'y trouve. Il n'y a pas dans ces lettres de faits relevés, elles ne contiennent rien de précis. On ne dit pas aux fonctionnaires : Vous avez fait telle chose, à tel jour, à telle date. Ils pourraient se défendre. Non, c'est l'intimidation que l'on veut exercer. Que dit ce fonctionnaire ? Il se demande ce qu'il a pu faire pour recevoir une lettre de ce genre ; il se tâte, il s'examine, il n'a rien fait. Et puis il songe à son pain quotidien ; il songe à sa femme et à ses enfants. Il se dit : Je suis suspect ; il faut que je fasse quelque chose ; ce n'est pas mon abstention qu'on réclame ; c'est mon action qu'on exige.
MiKdLµ. - Jamais ! (Interruption.)
M. Frère-Orbanµ. - Mais après avoir commis la faute de la dissolution, après avoir mis la modération que l'on sait dans les élections, le gouvernement va-t-il au moins nous donner une administration intelligence des grands intérêts de l'Etat ? Vous savez, messieurs, quelles mesures déplorables ont ébranlé la confiance publique jusque dans ses fondements ; je n'en accuse pas l'honorable titulaire du département des finances de cette époque. Ces actes sont des effets et je m'attaque aux causes.
Je m'attaquerai d'autant moins personnellement à lui que j'ai pour coutume de respecter les dévouements ; je rends hommage à l’honorable M. Tack, qui certainement n'a pas accepté un portefeuille par ambition, mais par dévouement envers son parti. Cela l'honore. Les actes que je veux signaler ne lui sont point personnels : il ne s'agit pas de cela. (Interruption.) Vous allez comprendre. .
C'est la politique tout entière du cabinet qui a amené ce résultat. C'est son appréciation de la situation qui a engendré tout ce mal.
Le cabinet a eu la fatale idée que nous étions menacés de l'invasion.
Eh bien, messieurs, c'est une appréciation politique des plus fausses et qui a amené les conséquences les plus pernicieuses pour nous. Et je ne fais point ces réflexions après coup.
Le lendemain du jour où les mesures que je critique ont été prises avec grand fracas, j'ai écrit à une personne qui avait autorité, qui avait influence, qui pouvait en exercer sur la Banque ; j'ai écrit incontinent, à l'instant même, et je lui ai dit : Ce que l'on fait est insensé. Il est d'une évidence palpable qu'au moment où la guerre éclate entre la France et l'Allemagne, ce n'est pas contre nous que les forces des belligérants seront tournées. Pourquoi, au début, y avait-il sécurité pour nous ? Parce qu'il y avait intérêt pour ces puissances à ne point nous troubler ; parce qu'aucun des belligérants ne pouvait vouloir commencer la guerre en se créant un ennemi de plus ; parce qu'il ne pouvait s'exposer à devoir contenir ou combattre un pays soulevé, une armée de cent mille hommes, et affronter en même temps l'hostilité (page 84) de l'Angleterre. Il était donc clair comme le jour que cette situation n'avait rien de grave ni de périlleux dans le moment, et l'on jetait l'effroi dans les rangs, comme si nous étions menacés d'une invasion !
Oh ! sans doute, les péripéties de la guerre pouvaient amener des modifications profondes dans cette situation. Le triomphe de l'un ou le triomphe de l'autre pouvait modifier la situation ; des accidents de guerre pouvaient faire aussi que notre territoire fût plus ou moins exposé. Des mesures de précaution étaient indispensables. Je les ai approuvées ; je les approuve encore. Mais cette appréciation politique fausse qui a engendré tant de mal, je la condamne. Si l'on avait dit au pays la vérité comme je viens de l'exposer, au lieu de créer une panique, on aurait maintenu la confiance, élément indispensable des affaires, du travail et du crédit.
Le cabinet se trouvait cependant dans des conditions exceptionnellement favorables. Il pouvait pourvoir largement à tous les besoins. On avait un encaisse formidable : 86 millions de francs. On ne devait pas passer par les douloureuses épreuves qui nous furent imposées, à diverses époques, non seulement en 1848, mais même en 1867, au moment où nous étions menacés de la guerre, qui vient d'éclater. Car elle pouvait éclater pour l'affaire du Luxembourg comme pour l'affaire de la candidature du prince de Hohenzollern. La situation du ministère n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. Je me suis trouvé alors dans de grands embarras dont je n'ai fait confidence à personne. Les ressources manquaient. J'ai fait de vaines tentatives sur diverses places de l'Europe pour obtenir de l'argent ; partout j'ai éprouvé des refus. J'ai fait vendre, en engageant ma responsabilité, des titres de la dette publique, des actions du chemin de fer rhénan. J'ai fait ensuite des opérations avec nos grands établissements financiers, avec la Société Générale, à l'aide desquelles j'ai constitué 66 millions de ressources. Mais sans être exposé à de terribles préoccupations, le cabinet trouvait une situation si bonne que, à ce point de vue des finances et du crédit, il lui suffisait de ne rien faire pour bien faire. Or, il a pris, sans l’ombre de raison, des mesurés qui nous ont mis aux bords d'un désastre.
On s'est dit : Nous avons un encaisse considérable ; nous allons le transporter à Anvers. Quelle nécessité y avait-il de porter l’encaisse à Anvers ? Evidemment, rien dans la situation ne commandait alors cette mesure.
Eh bien, l'on ne se borne pas à cela. On pouvait, du moins, agir prudemment, discrètement, sans éveiller l'attention et les inquiétudes du public. On l'a fait au grand jour. On a traversé les places publiques avec une sorte de convoi funèbre. C'était un sauve-qui peut.
On a transporté des millions à Anvers. Et du moment où le gouvernement qui était censé connaître la situation politique donnait de pareils ordres ; du moment qu'il prescrivait le retrait de l'encaisse métallique de toutes les agences en province ; du moment qu'il agissait comme si l'on était à la veille d'une invasion et même en prononçant ce mot, on devait prendre, par voie de conséquence, des mesures non moins déplorables ; le remboursement des billets de banque, sauf des petites coupures, se trouvait suspendu tout à coup dans les provinces et l'on imposait inopinément, du jour au lendemain, des restrictions à l'escompte. Evidemment, si l'encaisse du trésor était retiré ; si l'on ne pouvait plus garder dans les agences que les sommes destinées à acquitter les crédits ouverts, ce qui fut toujours pratiqué quant aux billets de banque, bien que ce soit une simple faculté, le remboursement des billets en province devenait impossible.
M. Tackµ. - Je demande la parole.
M. Frère-Orbanµ. - Je sais qu'après que les ordres avaient été donnés et exécutés et que l'on en avait vu les effets déplorables, on a cherché à incriminer la Banque en essayant de reporter sur elle, au moins en partie, la responsabilité des fautes qui ont été commises.
Messieurs, je ne suis ni le conseil, ni l'avocat, ni l'actionnaire, ni le créancier, ni le débiteur de la Banque Nationale ; je n'ai nul souci d'intervenir dans ses querelles avec le gouvernement, mais j'ai devant moi un gouvernement responsable et, en supposant un instant que la Banque ait commis quelque faute, que la Banque n'ait pas été plus sage que le gouvernement et que la Banque n'ait pas résisté à la panique que le gouvernement lui-même lui communiquait, je dis au cabinet : Si les mesures que prenait la Banque étaient de nature à nuire aux intérêts de l'Etat, vous êtes coupable de ne pas en avoir suspendu l'exécution. La loi vous en donnait le pouvoir.
Ainsi je n'ai pas à m'occuper des querelles entre le gouvernement et la Banque, le gouvernement seul est responsable.
Du reste, on ne s'est pas borné à ces mesures ; il y en a d'autres et non moins graves. Vous savez que dans nos localités industrielles où ne se trouvent ni agences de la Banque, ni même de banquiers, les billets de banque s'échangent communément chez les receveurs de l'enregistrement ou des contributions. II y a à la fois facilité pour les agents de l'Etat et pour le public. Les receveurs, au lieu de transporter du numéraire pour apurer leurs versements, portent du papier ; les industriels trouvent du numéraire en échange de billets pour le payement des salaires. Or, voici ce que j'ai appris à mon grand étonnement, à mon prodigieux étonnement ; un petit industriel me dit : J'ai voulu aller, comme de coutume, chez le receveur des contributions ou de l'enregistrement (je ne sais plus lequel) échanger un billet ; il a refusé.
Il a dit qu'il venait de recevoir une circulaire imprimée ou autographiée et dans laquelle il était enjoint aux receveurs de tous les chefs-lieux des provinces et des localités où il y a des agences de la Banque.de verser tous les jours le montant de leurs recettes ; pour les autres, de verser dès qu'ils avaient en caisse mille francs et dans tous les cas, de ne pas modifier la nature de l'encaisse, c'est-à-dire de ne pas mettre de papier à la place de numéraire.
Ainsi, voilà que sur toute la surface du pays on adresse à des milliers de fonctionnaires l'injonction de ne plus échanger les billets de banque. Et on veut que le crédit subsiste !
Le gouvernement envoie dans nos provinces des agents du département de la guerre pour faire la remonte des chevaux ; il paye en billets de banque ; nos malheureux paysans veulent aller échanger ces billets, comme de coutume, chez les agents de la Banque ou chez les receveurs dès contributions ou de l'enregistrement, et on refuse !
Et vous trouvez que ces mesures étaient raisonnables ; vous trouvez que les circonstances les justifiaient ; vous trouvez qu'elles n'étaient pas de nature à alarmer tous les intérêts, à jeter l'inquiétude dans tous les esprits, à préparer l'effondrement du crédit et à créer une situation désastreuse au pays !
Alors on a fait appel à diverses personnes, à moi notamment, pour chercher les moyens de réparer le mal qui avait été fait, et l'honorable M. Malou a fait à cette circonstance une légère allusion l'autre jour. (Interruption.)
Messieurs, j'ai été, en effet, convié à me rendre au ministère des finances pour aviser aux remèdes qu'exigeait une situation déplorable créée comme à plaisir. Mais la veille du jour où l'on avait résolu de demander mes conseils, j'avais pris, à cause même des fautes qu'il-s'agissait de réparer, à raison de l'émotion indicible qu'elles avaient causée à Liège, j'avais pris une attitude telle, que, si le cabinet l'avait connue, il n'aurait pas songé à réclamer mon concours. A part toute autre considération, les convenances exigeaient mon abstention.
Mais, je l'avoue, j'ai trouvé plus qu'extraordinaire que dans un moment où l'on nous faisait, à mes amis et à moi, une guerre acharnée, on vînt nous dire, après les fautes commises : Venez-nous aider.
L'honorable M. Malou vous a dit : J'ai toujours offert mon concours, même à mes adversaires politiques, dans des circonstances graves, notamment en 1848.
En 1848, l'honorable M. Veydt, ministre des finances, institua à son département une commission, non pas pour réparer les fautes du ministère, mais pour examiner ce qu'il y avait à faire à l'égard de la Société Générale, qui réclamait le secours du gouvernement.
L'honorable M. Malou a fait partie de cette commission. Mais, en 1848, le gouvernement, donnant l'exemple à l'opposition, avait désarmé. Nous n'étions pas précisément dans la situation d'aujourd'hui ; les divisions des partis avaient été suspendues ; toutes les résolutions alors étaient prises de commun accord. C'était en quelque sorte à l'unanimité que l'on procédait.
J'ai, au surplus, messieurs, donné l'avis qui m'était demandé. Je l'ai donné par écrit, en répondant à M. le ministre des finances qui m'avait fait l'honneur de m'inviter à me rendre chez lui. Je lui ai dit: Les mesures qui ont été prises sont désastreuses ; elles n'étaient pas nécessaires ; rien ne peut les justifier à mes yeux et je les condamne hautement.
Qu'aurais-je pu dire de plus verbalement ? Il ne restait qu'à faire cesser les mesures, causes de tout le mal. Elles ont été retirées et la situation s'est ainsi successivement éclaircie ; mais des souffrances ont eu lieu ; le crédit a été ébranlé et il est de ces secousses qui laissent des traces ineffaçables.
Messieurs, je n'ai pas été seul à penser ainsi. Un autre honorable membre a aussi été appelé. C'est l'honorable M. Malou.
Je le connais depuis bientôt quarante ans. Nous avons été ensemble sur les bancs de l'école. Nous nous sommes retrouvés ensuite dans cette Chambre et au Sénat, toujours antagonistes, mais ayant toujours conservé des rapports bienveillants et courtois.
(page 88) J'espère que, quoi que mon devoir m'oblige à dire aujourd'hui, cette situation se maintiendra encore.
M. Malou ayant été appelé à aider le ministère dans des circonstances devenues difficiles par les fautes du ministère, l'honorable M. Malou a d'abord donné des conseils comme je comprenais qu'il pouvait et même qu'il devait les donner.
Mais il a pris, immédiatement après, une autre position ; il est devenu ministre d'Etat faisant partie du conseil et prenant part à ses délibérations. Vous avez jugé, messieurs, que cette situation lui donnait le droit constitutionnel de prendre part aux délibérations de la Chambre.
Je ne veux pas discuter la question de principe ; je n'y reviens pas ; mais il me sera permis de dire que nous avons maintenant un état de choses qui ne s'est jamais vu. (Interruption.)
- Une voix. - Cela s'est déjà vu.
M. Frère-Orbanµ - Ce qu'on a vu, ce qu'on pourra voir encore, c'est, lorsqu'une grande question politique ou diplomatique est à résoudre, qu'on appelle un homme considérable à donner l'appui de son autorité à un ministère. Mais ce qu'on n'a jamais vu, c'est un ministre suppléant, un ministre pour faire de l'administration journalière, un ministre qui prend, à son gré, la place des titulaires. (Interruption.)
Si l'esprit et le talent suffisaient pour dominer une pareille situation, l'honorable M. Malou la dominerait incontestablement. Mais cela ne suffit point. Il y a des positions qui sont plus fortes que les hommes et l'honorable M. Malou, avant peu, sera une cause d'embarras pour ses collègues ; leur dignité souffrira de sa présence dans le cabinet, et en cela il n'est pas une force, il est une faiblesse...
MaedAµ - Vous devez en être satisfait.
M. Frère-Orbanµ. - Je vous prie de considérer à quel point de vue j’envisage la situation : je la prends de haut et non au point de vue des partis.
Au point de vue de mon parti, je ne demanderais pas mieux qu'un ministère insuffisant, affaibli, déconsidéré. Ce que je demande, au contraire, dans les circonstances actuelles, c'est un ministère fort et qui réponde à la situation ; vous n'êtes pas ce ministère-là. Vous l'avez compris en appelant l'honorable M. Malou à délibérer avec vous ; eh bien, l'honorable M. Malou occupe une position telle, qu'il y a absolue incompatibilité contre les fonctions qu'il exerce aujourd'hui au ministère et celles qu'il exerce ailleurs. (Interruption.)
- Une voix : On a déjà dit cela.
M. Frère-Orbanµ. - Oh ! cette observation se reproduira souvent et sous des aspects divers. (Nouvelle interruption.) Vous êtes des hommes honnêtes, mais vous posez un précédent ; d'autres pourront vous succéder qui ne seront pas honnêtes et qui profileront de cette situation.
On comprend parfaitement que le fait d'administrer une société quelconque ne constitue pas une cause d'incompatibilité avec des fonctions ministérielles ; il peut en résulter parfois des inconvénients, je le veux ; mais l'organisation actuelle de la fortune mobilière ne permet pas de se soustraire d'une manière absolue à cette situation. Mais la Société Générale n'est pas un établissement quelconque ; la Société Générale est un établissement d'une importance extrême qui, par son importance même, s'élève à la hauteur d'une institution publique, c'est une banque puissante ; la Société Générale c'est le plus grand industriel du pays, c'est le représentant des plus grandes exploitations de chemins de fer du pays.
Voilà des intérêts qui journellement sont en contact avec ceux de l'Etat.
Comment voulez-vous donc que l'on concilie des devoirs différents et souvent opposés ?
L'Etat aura à traiter d'affaires financières : il se peut que le cabinet ait bientôt à s'en occuper. Il aura donc à faire des opérations financières avec la Société Générale. Sera-t-il possible que l'honorable membre faisant partie du cabinet traite simultanément les intérêts de l'Etat et les intérêts de la Société Générale ? Ou- bien faudra-t-il renoncer à traiter avec elle ? Mais alors ce sera au grand préjudice de l'Etat.
Or, je le demande, l'Etat peut-il abandonner cette grande Institution financière, qui peut lui être d'une haute utilité dans une circonstance donnée ?
L'honorable M. Malou a représenté des intérêts très respectables, les intérêts des chemins de fer concédés. Il a condamné en leur nom les mesures prises par le gouvernement en matière de tarifs de chemins de fer. Eh bien, comment pourra-t-il, en sa qualité de membre du cabinet, s'occuper de la réforme des tarifs de chemins de fer ? Et, s'il s'en occupe, comment pourra-t-il ne pas chercher à faire prévaloir ses idées, puisqu'il les croit meilleures que celles qui ont été pratiquées ? Qui défendra, en ce cas, ce que le département des travaux publics a fait et ce que l'industrie et le commerce considèrent comme répondant aux vrais intérêts du pays ?
Mais, à l'heure qu'il est, le gouvernement, invoquant les circonstances, propose un projet de loi qui autorisera à dispenser de l'adjudication publique les travaux et les fournitures à faire pour compte de l'Etat. Eh bien, je le demande, est-ce que l'honorable M. Malou va distribuer des commandes aux établissements métallurgiques qui sont en grande partie ceux de la Société Générale ?
MfJµ. - Ils sont d'accord sur la distribution.
M. Frère-Orbanµ. - Oui, ceux qui y sont compris ; mais les autres ?
MfJµ. - Tous y sont compris.
M. Frère-Orbanµ. - Il me paraît bien difficile qu'il en soit ainsi.
MfJµ. - Tous n'ont pas sollicité des commandes.
M. Frère-Orbanµ. – Tout cela-me paraît bien étrange ! Vous parlez d'arrangements, eh bien, vos arrangements sont suspects et, dans tous les cas, vous perdrez le bénéfice de l'adjudication ; cette grande garantie aura disparu. Est-ce possible ? Je ne le crois pas et je dis que, dans des circonstances normales, une pareille situation ne pourrait être considérée que comme un défi jeté à l'opinion publique.
II est vrai que ce n'est pas ce qui arrête.
Il s'est formé dans le pays une opposition d'un genre particulier, fondée sur un intérêt local et qui s'était établie sur des bases inconstitutionnelles. Un jour, ce parti a prétendu rendre le Roi personnellement responsable, et sous prétexte qu'il avait manqué à ses engagements, il l'a livré aux outrages des meetings ! Un autre jour, ce parti a décrété la grève électorale en violation de la Constitution qui oblige d'envoyer des représentants dans nos assemblées. Le cabinet a pensé qu'on pouvait, qu'on devait peut-être faire siéger une représentant de ce parti dans les conseils de la Couronne. Cette détermination est grave et vous ne pouvez contester qu'elle ait ému l'opinion publique.
Mais cela n'a pas paru suffisant. Une autre personne appartenant au même parti, élue dans les mêmes conditions, représentant les mêmes idées les mêmes principes, aurait fait quelque chose de plus : elle avait refusé de s'associer au témoignage de gratitude donné par le commerce d'Anvers qui voulait ériger une statue au fondateur de la dynastie nationale. L'intention d'offense était manifeste. Il fallait rappeler au peuple, que l'on avait égaré, que le Roi n'avait pas tenu ses engagements.
Ce grand acte de patriotisme a paru mériter une récompense nationale, et, sans respect pour la piété filiale, on accorde une décoration à l'auteur de l'acte que je viens de citer.
Mais il fallait faire davantage encore.
Léopold Ier, comme je le disais tout à l'heure, avait déclaré, dans son discours, qu'il fallait assurer la sécurité d'Anvers, c'est dans ce but que l'on érigeait les nouvelles fortifications, la grande enceinte si instamment réclamée et qui a coûté tant de millions au pays. L'œuvre décrétée aux applaudissements de la ville d'Anvers, on réclama des indemnités pour les. servitudes, et la résistance étant pressentie, on n'imagina rien de mieux que de prétendre, en vue d'intimider, que l'on avait érigé subrepticement, illégalement une vaste citadelle au nord de la place, que la sécurité d'Anvers n'existait point et que le Roi avait ainsi manqué à sa parole. De là la programme d'Anvers, qui est ainsi conçu :
« Démolition des deux citadelles, de la citadelle du Sud, parce qu'elle est l'œuvre maudite de la domination étrangère ;
« De la citadelle du Nord, parce qu'elle est le produit de l'a plus insigne déloyauté et qu'elle n'est destinée à agir que de manière à entraîner l'anéantissement de notre ville. »
L'un des adhérents à ce programme est aujourd'hui entré dans les conseils de la Couronne. Il est chargé d'y soutenir que la citadelle du Nord est l'œuvre d'une insigne déloyauté !
Or, il est avéré aujourd'hui que les meneurs, qui prétendaient l’avoir ignorée, ont vu les plans où la citadelle du Nord était figurée. Et c'est en pleine connaissance de ce fait qu'ils ont inscrit dans leur programme que l'érection de la citadelle du Nord était le produit de la plus insigne déloyauté !
(page 86) Voici une lettre qui le prouve d'une manière irrécusable. Elle est antérieure, à l'adoption du plan d'Anvers par les Chambres.
« Lettre adressée en juillet 1859 par M. Cogels-Osy, président de la commission de la cinquième section, à M, Vervoort, représentant d’Anvers.
« Anvers, le 31 juillet 1859.
« Monsieur,
« Après vous avoir exprimé mon sincère regret d'avoir été privé aujourd'hui de l'honneur de vous recevoir, je viens, en réponse à votre demande, vous faire connaître qu'après une discussion assez longue et un peu confuse, la commission a adopté la résolution suivante à l'unanimité : qu'il convient de prier nos représentants de demander l'insertion dans le projet de loi de garanties positives pour la démolition de l'enceinte actuelle.
« Ce qui effrayait quelques membres de la commission, était la construction d'une grande citadelle au nord.
« Nous avons donc soumis à son vote la question suivante divisée en deux parties :
« 1° Convient-il de faire auprès du gouvernement,
« 2° Convient-il de faire auprès des Chambres, avant le vote de la Chambre, des démarches officielles dans le but de faire apporter des modifications au projet quant à la citadelle du Nord ?
« Résolue négativement à une grande majorité.
« Je pense que nous avons agi sagement, car toute intervention même contre une petite partie du projet, pourrait fournir des armes à ceux qui désirent le rejet.
« Je vois avec plaisir que la commission a rencontré l'idée que vous aviez émise dans votre section et qui, sous votre juste influence, y a été adoptée.
« Veuillez croire, monsieur, à l'expression de ma haute considération.
« Signé : J. Cogels-Osy. »
Le signataire de cette lettre, qui avoue avoir connu les plans indiquant la citadelle du Nord, est le même qui a adhéré au programme dans lequel on déclare que la citadelle du Nord est le produit d'une insigne déloyauté et qu'elle a été ainsi érigée en violation des engagements pris d'assurer la sécurité d'Anvers ; le signataire de cette lettre est le même qui a été élu par le meeting pour aller au Sénat déclarer qu'on avait manqué aux engagements pris envers Anvers ; le signataire de cette lettre est échevin de la ville d'Anvers, dont le conseil a refusé de désigner un emplacement pour y ériger une statue de Léopold Ier.
Eh bien, .le signataire de cette lettre, on l'a décoré !
M. Coomansµ. - Et les électeurs l'ont élu plusieurs fois.
M. Frère-Orbanµ. - J'entends votre morale, elle est fort matérialiste. Ah ! vous croyez que parce que les électeurs ont élu quelqu'un tout est dit ! Marat a été élu du peuple et du suffrage universel ; il n'en reste pas moins un profond scélérat ; un malhonnête homme qui est élu reste lin malhonnête homme. (Interruption.)
MaedAµ. – Il a expliqué sa conduite.
M. Frère-Orbanµ. - Il l'aurait expliquée vingt fois, que la décoration n'en serait pas moins injustifiable.
M. Coomansµ. - M. Cogels-Osy est un parfait honnête homme.
M. Frère-Orbanµ. - Mes dernières paroles ne s'adressaient évidemment pas à M. Cogels-Osy. (Interruption.)
M. Coomansµ. - C'est un citoyen modèle.
M. Frère-Orbanµ. - J'ai répondu à l'interruption de M. Coomans, que Marat avait été l'élu du peuple, qu'il avait été même l'élu du suffrage universel et qu'il n'en restait pas moins un profond scélérat, et j'ai ajouté qu'un malhonnête homme élu n'en restait pas moins un malhonnête homme.
Voilà ce que j'ai dit, pas autre chose.
M. Coomansµ. - M. Cogels-Osy, je le répète, était un citoyen modèle.
M. Frère-Orbanµ. - Eh bien, je n'aime pas les citoyens modèles de ce genre.
M. de Kerckhoveµ. - Donc l'allusion est claire.
M. Frère-Orbanµ. - Non, elle est fausse.
Je dis, messieurs, que les actes que je viens de rappeler ont assez froissé le sentiment public dans tout le pays, pour que de hautes convenances eussent dû faire une loi impérieuse au cabinet de n'en point raviver le souvenir.
Je dis que le ministère a engagé, gravement sa responsabilité. Je dis que le ministère qui sème ainsi l'irritation, la déconsidération dans le pays, ne répond pas à la situation. (Interruption.) Mais je ne suis ici que l'écho du sentiment public.
Vous avez déjà entendu des grondements sourds qui ont été pour vous un avertissement, pour nous le signe d'un danger. Le ministère le sait. Il sait la faute qu'il a commise, et j'ai le droit de l'accuser, de le condamner, de montrer au pays qu'il n'accomplit pas la mission dont il est investi dans ces moments graves et difficiles.
Il a fait plus.
Des opérations financières, qui ont fait grand scandale dans le pays, ont occasionné des désastres considérables. Elles ont fait des victimes de plus d'un genre, les porteurs d'obligations d'abord, les actionnaires ensuite, mais aussi et surtout un grand nombre d'hommes honorables qui, voyant leurs amis politiques à la tête d'entreprises de ce genre, ont cru qu'ils pouvaient aussi leur donner leur concours. Ils en ont, j'en suis convaincu, éprouvé d'amers regrets.
Eh bien, au moment où. ces actes étaient accomplis et causaient la plus profonde émotion, le ministère a cru que le moment était venu, qu'il était opportun de décorer un des chefs de ces entreprises. Et vous croyez que vous avez fait ainsi chose utile au pays dans les circonstances actuelles ? Et vous croyez que vous avez ainsi apaisé les esprits ? Et vous croyez que vous avez ainsi fortifié le pouvoir ?
Messieurs, le ministère a fait là, en un si court espace de temps, des actes qui sont de telle nature qu'à mon avis, il ne peut faire qu'une chose, se retirer. (Interruption.)
M. de Kerckhoveµ. - Et vous donner sa place.
M. Frère-Orbanµ. - Oh ! vous riez ! D'autres majorités ont i aussi à la veille d'événements graves ; elles n'ont pas voulu écouter. Que sont-elles aujourd'hui ?
M. de Kerckhoveµ. - Et la vôtre ?
M. Frère-Orbanµ. - Elle à duré treize ans. Croyez-vous donc que je vous parle dans un intérêt d'opposition, dans un intérêt de parti ? (Interruption.) Mais vous avez la majorité, vous devez exercer le pouvoir. Je demande que vous l'exerciez. N'y a-t-il donc pas parmi vous assez d'hommes qui pourront venir remplacer ceux qui se trouvent au banc ministériel et réparer ainsi les fautes commises ?
La retraite du ministère serait une réparation à l'opinion publique, ce serait aussi, une expiation.
Ne croyez pas que je l'attende de votre bonne volonté ; je ne me fais point de pareilles illusions ; je dis ce qui devrait être dans les circonstances graves où se trouve le pays, circonstances qui peuvent s'aggraver encore et où le ministère serait radicalement impuissant à gouverner.
M. Nothombµ (pour un fait personnel). - Messieurs, vous venez d'entendre l'honorable préopinant faire une allusion qu'il m'est impossible de ne pas relever. J'ai dû me reconnaître dans la personne qu'il a désignée comme ayant été décorée par le gouvernement et comme ayant pris part à des opérations financières qui ont eu, dans le pays, un grand retentissement. Je m'y suis reconnu et je sais gré à M. Frère de m'avoir fourni l'occasion de m'expliquer à cet égard.
Oui, messieurs, j'ai été décoré par un gouvernement où siègent nos amis ; j'ai été décoré après avoir siégé pendant près de dix-sept ans dans la magistrature, huit ans au conseil provincial, près de trois ans au ministère et onze ans à la Chambre. Je n'étais pas décoré. J'ai obtenu la croix d'officier, c'est-à-dire le grade que devaient me faire obtenir mes services de magistrat à la cour de Bruxelles et de ministre.
Maintenant, je demande à la Chambre et à l'opinion publique, s'il y a dans la conduite de M. Frère à mon égard, dans les circonstances actuelles, quelque chose qui ne révolte pas... (Interruption.)
Ces sociétés, vous avez contribué à les ruiner, vous les avez accablées sous la calomnie pendant des années ; quand elles pouvaient être sauvées, vous avez empêché leur salut en faisant ouvrir, à propos d'elles, des poursuites et une instruction mal fondées.
Et maintenant savez-vous quel a été mon rôle dans ces sociétés ? Vous m'avez représenté comme en ayant été un des principaux chefs et comme y ayant fait une fortune scandaleuse. .
Eh bien, je vous oppose le démenti le plus absolu.
Je sors de ces sociétés appauvri et abreuvé de dégoûts. (Interruption.)
M. Borchgraveµ. - Je proteste contre les interruptions qui partent de la tribune des journalistes. C'est scandaleux !
MpXµ. - Messieurs les journalistes, Je vous Invite à garder le silence.
(page 87) M. Nothombµ. - Attendez donc que les tribunaux aient prononcé. Si nous avons, mes honorables amis et moi, encouru des responsabilités, nous sommes là pour les supporter ; attendez pour savoir ce que nous avons fait et voulu faire, mais ne poursuivez pas jusque dans cette enceinte ce système de dénigrement dont j'ai été l'objet et, je puis le dire, la victime.
Vous m'appliquez ici le régime des suspects : attendez du moins la décision des tribunaux.
Je repousse donc votre reproche. Il est Inconvenant.
Ici, je me contiens ; mais, ailleurs, j'aurais le droit de dire que l'attaque que vous dirigez contre moi dans une telle intention serait une insolence et une lâcheté !
- Voix nombreuses, à droite. - Très bien !
M. Baraµ. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Messieurs, vous...
MpXµ. - M. Bara, vous n'avez pas la parole.
M. Baraµ. - J'ai le droit de parler pour un rappel au règlement.
MpXµ. - Pas avant moi.
L'honorable M. Nothomb vient de se servir de deux paroles qui ne sont pas parlementaires. Je le prie de les expliquer ou de les retirer.
M. Nothombµ. - M. le président, j'ai parlé sous l'influence d'un sentiment que la Chambre comprendra.
Injustement accusé, représenté devant l'opinion publique comme ayant pris part à des actes répréhensibles, mon cœur et mon âme se sont soulevés d'indignation.
J'ai dit ce que j'avais sur le cœur. Dussé-je périr, je ne rétracterai pas.
- Plusieurs voix à droite. - Très bien !
M. Rogierµ. - Encouragez ces choses-là.
MpXµ. - M. Nothomb, je vous rappelle à l'ordre.
M. Baraµ (pour un rappel au règlement). - Messieurs, vous venez d'entendre les paroles prononcées par M. Nothomb.
Faisant allusion à un passage très modéré du discours de l'honorable M. Frère, M. Nothomb l'a taxé... (Interruption.)
Commencez- par m'écouter, messieurs. Si vous ne saviez pas supporter quelques explications, votre conduite ne serait pas digne de cette assemblée.
Mon honorable collègue a dit qu'au moment où des institutions financières qui avaient eu dans le pays un douloureux retentissement et qui avaient causé de grands désastres, étaient l'objet d'investigations judiciaires, le ministère avait décoré un des chefs de ces institutions au lieu d'attendre que la justice eût prononcé.
MpXµ. - M. Bara, vous ne parlez pas sur le règlement.
M. Baraµ. - Je suis obligé d'établir les faits pour conclure.
Ce langage, M. Nothomb l'a taxé d'insolence et de lâcheté.
Je demande à M. le président, je demande à la Chambre si l'on peut tolérer de pareilles violences dans une assemblée parlementaire, si l'on peut laisser outrager ainsi un homme qui est une des gloires de la représentation nationale.
MpXµ. - J'ai rappelé M. Nothomb à l'ordre. Le règlement a été observé. Que voulez-vous de plus, M. Bara ?
M. Baraµ. - Je n'avais pas entendu le rappel à l'ordre.
M. Frère-Orbanµ. - Messieurs, le régime parlementaire me paraît singulièrement exposé à l'heure qu'il est.
Il deviendrait impossible de discuter un acte intéressant un des membres de cette assemblée, si celui-là se croit autorisé à tenir le langage que vous avez entendu.
S'il s'agit de quelqu'un qui n'appartient pas à l'assemblée, on aurait autorisé, par ce bel exemple, toutes les violences.
M'étais-je, oui ou non, maintenu dans les termes d'une grande modération ? (Interruption.) Je ne suis entré dans aucune espèce de considération. Je le pouvais. J'avais le droit d'apporter ici certains actes publics, des actes qui ont même un caractère politique. J'aurais pu venir montrer ici ces négociations faites pour l'emprunt du pape, mettant en réquisition tout le clergé pour placer des actions avec prime... (Interruption.)
M. Baraµ. - Vous en verrez bien d'autres, attendez !
M. Frère-Orbanµ. - J'avais le droit de le faire, je ne l'ai pas fait. Je me suis borné à une simple chose. J'ai dit que le gouvernement avait commis un acte que l'opinion publique condamnait, quand, dans les circonstances actuelles, il avait été choisir, pour le décorer, un des chefs de ces opérations financières qui avaient fait un grand éclat et qui avaient surtout causé tant de désastres dans le pays.
Je n'ai rien dit de plus et l'on vient me dire : C'est vous qui, en poursuivant ces institutions, avez causé ces désastres dont vous parlez. Quelle audace !
Voici ce que disait l'un de vos meilleurs amis, un de vos plus grande défenseurs, le Bien public :
« "Qui a le premier donné l'éveil et mis le public en garde contre la mauvaise tournure des différentes entreprises créées par le trop fameux financier ? - N'est-ce pas M. Verhulst, vice-président de l’Association conservatrice Bruxelles !
« Quel est le témoin qui a fourni les données les plus positives sur les opérations équivoques auxquelles on se livrait ? Encore une fois, n'est-ce pas un catholique de notre ville, M. l'avocat Ch. Van Acker, ancien rédacteur du Beurzen-Courant ?
« Qui a donc a qualifié le plus sévèrement la conduite de Langrand et de ses administrateurs ? - N'est-ce pas M. Peeters, un curé brabançon, qu'il serait bien difficile de faire passer pour un doctrinaire ? »
Est-ce le témoignage de la Gazette de Liége que vous voulez sur l'impression produite par des débats fameux ? « Il ressort de ces débats, disait-elle, une triste et grande leçon. Des hommes jouissant d'une position élevée, d'une influence considérable, gratifiés par la Providence de talents reconnus, n'ont pas hésité à se compromettre dans des entreprises financières hasardées. (J'emploie ce mot par euphémisme.) Faudrait-il entendre mêler à tous ces noms d'agioteurs et de chevaliers d'industrie, des noms, hélas ! que le parti catholique a depuis longtemps appris à entourer de son respect ? »
Je vous fais grâce du reste. Pour caractériser l'impression produite dans le public, voilà des preuves convaincantes, elles sont prises chez vos amis. Et j'aurais dû me taire sur les décorations qui ont été données dans cette circonstance ; j'aurais dû m'abstenir par peur d'entendre proclamer mon insolence et même ma lâcheté ! J'attendrai, pour relever ces paroles comme elles méritent de l'être, que celui qui s'est permis de les prononcer ait été justifié devant les tribunaux.
- Voix à gauche. - Très bien !
M. Nothombµ. - Il fallait attendre pour m'attaquer que les tribunaux eussent fait décidé.
- Voix à gauche. - On ne vous avait pas attaqué.
M. Nothombµ. - Il fallait attendre que les tribunaux eussent fait la part des hommes mêlés à ces affaires et ne pas porter contre mol une condamnation préventive ; il fallait attendre que la justice eût prononcé,
M. Frère-Orbanµ. - Pour vous décorer.
- Voix nombreuses. - A demain.
M. Wasseigeµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur le projet de loi qui autorise une dérogation à l'article 21 de la loi sur la comptabilité.
- Impression et distribution.
La séance est levée à 3 heures et demie.