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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 14 mai 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolez)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 925) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal 2 heures et un quart.

M. Delaetµ. - Ce matin, en relisant aux Annales parlementaires le compte rendu de notre séance du 12, J'ai remarqué que mon nom ne figure point parmi ceux des membres de la Chambre qui ont voté le projet de loi accordant la grande naturalisation M. le professeur Haus. Comme j'ai voté ce projet de loi et que, pour ma part, j'ai été heureux de m'associer au témoignage de reconnaissance nationale donné un homme éminent dont personne ne conteste les grands services rendus au pays. je crois devoir signaler l'erreur commise et en. demander la rectification aux Annales.

M. le président. - Il est entendu que la motion de M. Delaet insérée aux Annales parlementaires servira de rectification de l'erreur qui a été commise.

M. de Rossiusµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Courtier réclame l'intervention de la Chambre pour rentrer en possession d'une somme de 150 francs versée à la masse de remplacement et des pièces justificatives qu'il a transmises au département de la guerre et demande que le Pro Deo lui soit accordé pour faire valoir ses droits.

- Renvoi la commission des pétitions.


« Des habitants de Bouillon prient la Chambre de voter le projet de loi autorisant la concession de chemins de fer. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Mortsel demande que le tracé actuel du chemin de fer en construction d'Anvers à Douai soit maintenu ou du moins qu'il soit dirigé sur la station de Vieux-Dieu. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi approuvant la convention relative à divers chemins de fer concédés.


« Le conseil communal de Hove déclare appuyer la demande du conseil communal de Contich relative au tracé du chemin de fer d'Anvers à Douai et prie la Chambre de faire établir une station à Contich. »

« Des habitants de Contich demandent le maintien du même tracé. »

- Même décision.


« Par messages en date du 13 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« Autorisant la concession d'un chemin de fer de Dour à Quiévrain et d'embranchements destinés à relier le chemin de fer du Haut- et du Bas-Flénu à la ligne de Saint-Ghislain ;

« Qui apporte des modifications à la loi provinciale ;

« Allouant des crédits supplémentaires au ministère des travaux publics ;

« Approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et l'Espagne, le 12 février 1870 ;

« Qui alloue des crédits supplémentaires au département des affaires étrangères ;

« Qui approuve la convention consulaire conclue, le 10 mars 1870, entre la Belgique et l'Espagne ;

« Conférant la grande naturalisation au sieur Jacques-Joseph Haus ;

« Conférant la naturalisation ordinaire à quinze étrangers. »

- Pris pour notification.

Projet de loi approuvant la convention relative à divers chemins de fer concédés

Discussion générale

M. le président. La discussion générale continue.

M. Hagemansµ. - Messieurs, moi dont le mandat expire cette année, je voterai cependant avec la plus vive satisfaction le projet de loi qui nous est soumis, et cela la conscience bien tranquille, quoi qu'en puisse dire ou croire l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu et si récusé que je puisse être par lui.

Je ne partage en effet en aucune, mais en aucune façon la manière de voir de cet honorable membre. Il est vrai que mes connaissances économiques sont très peu de chose en comparaison des siennes et que je ne me laisse guider que par mon simple gros bon sens.

Il me semble qu'il est un point que l'honorable membre perd constamment de vue ; c'est que les sociétés particulières, qui construisent, je le veux bien, à meilleur marché, travaillent surtout dans leur propre intérêt et pour se faire de gros dividendes. L'Etat, lui, il travaille au point de vue de l'intérêt général, dans l'intérêt de l'industrie, dans l'intérêt du commerce, dans l'intérêt de tous les habitants du pays. Cela mérite bien, me paraît-il, d'être pris en considération.

Aussi voudrais-je voir passer aux mains de l'Etat l'exploitation de toutes les lignes construites en Belgique. On aurait du moins ainsi de la régularité dans le service, de l'uniformité dans les tarifs, et ce serait là un véritable bienfait, à tous égards, pour le bien-être et la prospérité de notre pays.

Comme le faisaient fort bien remarquer MM. Beke et de Maere, la fusion des exploitations de chemins de fer en une administration unique offrirait d'incontestables avantages.

Mais je laisserai à de plus habiles que moi le soin répondre à M. Le Hardy de Beaulieu.

En demandant la parole, j'avais moins comme but de combattre les idées de l'honorable membre, que de prier M. le ministre des travaux publics de me donner quelques renseignements.

J'avais, entre autres, eu l'intention de demander des explications sur le sens et la portée du paragraphe final de l'article 17 de la convention.

Les explications données par M. le ministre des travaux publics, et reproduites dans le rapport, sont de nature à me rassurer. Je recommande, néanmoins, à la bienveillante attention de M. le ministre les sections restant à construire du chemin de fer de Frameries à Chimay et de ses extensions que je vois figurer dans cet article. Je lui recommande surtout le prompt achèvement de ces travaux et j'exprime le désir de les voir terminer dans le plus bref délai possible. Il y a si longtemps que les populations de notre arrondissement attendent, que c'est bien le moins que l'on exécute promptement ce qu'elles ont désiré si longtemps. Au reste, je me fie entièrement au bon vouloir du gouvernement et à l'activité si intelligente et si connue de M. Philippart, activité qui ne sera plus étouffée, comme elle l'était jadis en ce qui nous concerne, par des circonstances indépendantes de sa volonté.

Il est un point essentiel sur lequel j'aurais encore demander des explications à M. le ministre, On a pour ainsi dire tout prévu dans la convention, y compris la reprise du matériel, etc. ; mais il est une reprise dont il n'est rien dit, celle du personnel.

Une section a demandé quelles étaient les intentions du gouvernement au sujet de ce personnel en fonctions sur les lignes qu'il s'agit de (page 926) reprendre. Mais, dans le rapport de l'honorable Sainctelette, Je ne vois pas que réponse ait été faite à cette question.

C’est là cependant un point essentiel, sur lequel le gouvernement, dans son propre intérêt, ne peut garder le silence. Ces employés, et ils sont en grand nombre, deux mille au moins, ne peuvent rester dans l'incertitude. La plupart sont mariés, pères de famille ; des employés ne peuvent, comme des ouvriers, trouver du travail du jour au lendemain. Il faut donc qu'ils sachent s'ils seront maintenus et dans quelles conditions, ou s'ils devront chercher une position ailleurs.

C'est là une question de justice et d'humanité. C'est, comme je le disais aussi, une question d'intérêt pour le gouvernement, qui ne peut s'attendre à être servi avec zèle, activité et dévouement par un personnel qui ignore si l'on a l'intention de le garder ou non.

J'insiste donc vivement auprès de M. le ministre pour qu'il veuille bien me donner à cet égard quelques explications de nature à rassurer les intéressés sur leur avenir, ou de leur permettre du moins de chercher immédiatement un autre emploi. Mais je fais des vœux pour que la réponse de M. le ministre soit favorable à ceux au nom desquels je viens de parler.

Puisque j'ai la parole et qu'il est question de chemins de fer, qu'il me soit permis de faire une observation encore, bien qu'elle ne touche pas directement au sujet qui nous occupe.

Il surgit de toutes parts des réclamations au sujet de la négligence avec laquelle se fait le livret officiel des heures de chemins de fer.

Ce livret contient beaucoup d'erreurs, cause de grands ennuis pour les voyageurs. Si ce livret est officiel, qu'il soit au moins digne de son titre. Il serait à désirer aussi que, lorsque des changements sont faits dans les départs des trains, les livrets pussent être livrés assez à temps pour que le public soit prévenu, au moins la veille, des changements qui doivent avoir lieu le lendemain.

M. de Montblancµ. - Messieurs, les observations que je veux présenter sur le projet de loi n'ont trait qu'à la situation faite au réseau de la Flandre occidentale, par suite de convention qui nous est soumise.

Je n'examine donc pas la question de savoir s'il y a plus d'avantages ou plus d'inconvénients à concentrer l'exploitation des chemins de fer entre les mains de l'Etat, plutôt qu'entre celles d'une compagnie ; ce qui, à mon sens, est incontestablement avantageux, c'est le principe même de l’unification, appliqué à l'exploitation de réseaux dont les sections dépendent les unes des autres, et, à ce titre, le projet de loi est un progrès.

Mais tout en l'appréciant ainsi, je ne puis lui donner une approbation sans réserve. Comme député de la Flandre, J'ai avec peine que notre réseau tout entier était exclu des lignes qui allaient jouir des bienfaits d'une exploitation homogène.

L’exposé des motifs s'exprime ainsi : Les chemins de fer de la Flandre occidentale se trouvent compris dans l'angle formé par les lignes de Gand à Ostende et de Gand à Mouscron, et forment un groupe compacte qui peut très bien faire l'objet d'une exploitation indépendante.

Ici, en effet, les lignes absolument concurrentes de celles de l'Etat n'existent pas ; mais peut-on dire que ces lignes de la Flandre, qui ne sont en quelque sorte que les embranchements affluents des chemins de l'Etat, puissent normalement être séparées, et que l'Etat ne soit pas intéressé à les englober dans son réseau pour étendre ainsi le parcours de ses lignes et en augmenter le produit ?

Pour qu'un réseau puisse vivre indépendant, comme le dit l'exposé des motifs, c'est-à-dire être exploité avantageusement, à la fois, pour les actionnaires et pour le public, lui suffit-il de former une série non interrompue de sections de lignes aboutissant à des voies principales qui font partie d'une autre exploitation ?

Au contraire, la première condition est, avec celle d'un parcours étendu, de toucher à la fois à des centres de production et de consommation ; or, vous isolez le réseau de la Flandre des bassins houillers ; les approvisionnements ne seront plus directs, les points d'échange seront multiples, et de plus, le parcours aux frais de la Société générale étant plus réduit, l'exploitation en sera forcément plus onéreuse que par le passé, et c'est, en définitive, le public qui paye les frais.

La reprise du réseau de la Flandre était la conséquence nécessaire de la reprise des autres lignes exploitées par la Société générale.

Le manque de renseignements précis ne me permet pas d'établir jusqu'à quel point cette reprise eût été onéreuse pour l'Etat ; mais il me paraît que la convention, telle qu'elle est actuellement, s'étant faite dans des conditions favorables au trésor public, l'exposé des motifs l'assure, ce devait être pour le gouvernement le cas de se laisser guider par le principe qu'il ne perd jamais de vue quand il s'agit d'une compagnie concessionnaire et qui consiste à lui imposer la construction et l'exploitation d'embranchements médiocres, en même temps qu'il leur accorde les bénéfices des lignes fructueuses.

Dans la voie où le gouvernement vient de faire le premier pas, la reprise générale de tous nos chemins de fer est un fait à prévoir.

J'admets volontiers que le réseau de la Flandre étant la moins bonne partie de l'exploitation restée aux mains de la Société générale, et dans les conditions où il se trouve actuellement, l’Etat puisse, dans l’avenir, le reprendre d'autant plus avantageusement ; mais l'intérêt de l'Etat ne se sépare pas de celui du public, et, en attendant ce moment, le commerce et l'industrie de toute une province souffriront de cette situation, qui, sous certains rapports, peut devenir plus fâcheuse.

L'esprit d'équité eût dû assurer à tous une part égale dans les avantages résultant de la convention, aux habitants de la Flandre occidentale aussi bien qu'à ceux du Hainaut, et comme plusieurs de mes honorables collègues, c'est à bon droit que je crois pouvoir réclamer en faveur des intérêts qui sont ici en cause.

M. Sainctelette, rapporteurµ. - Messieurs, j'entreprends de répondre au discours que vous avez entendu hier au soir, et pourtant les quelques observations que je me propose de faire ne seront pas complètement adéquates à celles qui ont été faites par M. Le Hardy de Beaulieu. Je ne me propose pas de rencontrer tout ce qu'il vous a dit et, d'un autre côté, je crois indispensable de parler de choses qu'il a complètement laissées de côté.

L’honorable M. Le Hardy nous a parlé d'abord et longuement de choses parfaitement étrangères au débat : de l'Angleterre, des chemins anglais, de l'enquête parlementaire sur l'exploitation des chemins de fer anglais.

Il nous a fait de ce document de longues citations, dont je ne discuterai pas la portée parce que, à mon sens, elles sont faites hors de propos.

L'honorable M. Le Hardy à perdu de vue une circonstance qui fait que la situation est complètement différente en Belgique de ce qu'elle est en Angleterre et que, par conséquent, ce qui se dit en Angleterre n'a aucune espèce d'application possible en Belgique.

En effet, en Belgique, nous avons une situation à conserver, une situation susceptible d'être développée graduellement, et que nous avons les moyens de développer graduellement.

Cette situation, on ne la rencontre pas en Angleterre.

En Belgique, l'Etat a déjà une exploitation de chemins de fer. Les populations en sont très satisfaites. On ne peut pas songer à supprimer cet état de choses. il faut nécessairement le conserver. Le revenu de cette exploitation fait partie du revenu national. Il y compte pour un gros chiffre. De ce point de vue encore, il est juste de dire qu'il faut conserver, qu'on peut accroître, mais qu'on ne peut pas songer à supprimer.

Rien n'oblige à étendre brusquement sur le pays tout entier cette exploitation par l’Etat. Rien n'empêche qu'on n'y procède graduellement en reliant tantôt tel réseau, puis tel autre, selon les besoins du pays et les occasions qui se présenteront.

Nous avons les moyens d'augmenter l'exploitation par l'Etat. Les populations la connaissent et l'acceptent. Nous avons une administration spéciale dont l'éducation est complète, dont les traditions sont excellentes, dont la prudence et l'habileté inspirent une grande confiance.

En Angleterre, au contraire, il a pas d'exploitation par l'Etat. La question est donc entière. On peut prendre l'un ou l'autre parti, faire ou ne rien faire.

Mais, d'un autre côté, il n'y a aucune raison de faire, pour une partie du pays, ce qu'on ne ferait pas pour les autres. Il faudrait nécessairement créer une exploitation immense ou ne rien créer. Or, il n'y a là aucun élément préexistant qu'il suffise de développer. Il n'y a pas d'administration de l'Etat. Il n'y a pas non plus de populations habituées l'intervention de l'Etat en cette matière. Il faudrait donc, en Angleterre, créer le système tout entier et dès lors, il ne peut y avoir, de ce point de vue, aucune comparaison possible de l'Angleterre à la Belgique.

Il y a une seconde différence tout aussi importante et qui pourtant a échappé l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

Il n'y a aucune espèce de rapport entre la question agitée en Angleterre et la proposition qui vous est soumise, pas plus, du reste, qu'entre la législation des chemins de fer en Angleterre et la législation des chemins de fer en Belgique.

En Angleterre, la concession n'est qu'un acte de l'autorité législative, rien que cela. Les compagnies sont propriétaires des chemins de fer. Pour leur en retirer l'exploitation, il faudrait les exproprier et, par conséquent, il faudrait leur payer la valeur des lignes, la valeur des travaux qu'elles (page 927) ont faits, des terrains qu'elles ont dû acquérir, de toute l'installation. En Belgique, au contraire, le décret de concession n'est pas seulement un acte des pouvoirs publics, c'est en même temps un contrat fait entre l'Etat et les concessionnaires.

Les personnes qui établissent les chemins de fer concédés les construisent pour l'Etat. La propriété en appartient immédiatement et exclusivement à l'Etat. Le concessionnaire n'a qu'un droit mobilier à la perception de péages pendant une durée déterminée. Ce droit n'a ni la même nature, ni la même portée, ni la même durée que le droit des compagnies anglaises ; et il ne s'agit pas, pour nous, d'exproprier, il s'agit tout simplement de reprendre l'exploitation.

Et cette reprise, comment propose-t-on de la faire ? Est-ce, comme en Angleterre, sous la forme d'un rachat et pour un capital déterminé Du tout. Est-ce même sous la forme d'un bail moyennant un fermage ? Pas davantage.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu nous disait hier qu'il avait jugé la convention mauvaise pour l'Etat, avant même de la connaître et que, l’ayant lue, il l'a trouvée détestable. Eh bien, à la première lecture l'honorable M. Le Hardy n'avait pas aperçu et il n'a pas aperçu depuis la différence, cependant très appréciable, qu'il y a entre l'affermage et l'opération qu'on vous propose. S'il s'agissait d'un bail, nous aurions à payer au bailleur un fermage déterminé, un fermage invariable, quelque événement qui puisse se produire. Au contraire, on ne vous demande pour lui et on ne vous propose de ne lui accorder qu'un droit de prélèvement et de partage dans la recette brute.

En sorte que la rémunération payée à l'ancien exploitant reste associée, dans de certaines limites, aux chances bonnes ou mauvaises de l'exploitation.

Il n'y a donc aucune espèce de comparaison à établir entre la question qui était soulevée devant le parlement anglais et la question qui est débattue aujourd'hui devant vous.

L'honorable M. Le Hardy nous a cité ensuite une résolution de principes, émanée de cette même commission, à savoir que le parlement n'a pas plus le droit d'intervenir dans la fixation des prix des transports que dans la fixation des prix des matières premières. Cette déclaration n'a aucun rapport avec la question que nous débattons devant vous.

Il ne s'agit pas ici de faire une loi sur le prix des transports, de fixer législativement le prix d'une marchandise qui, comme toutes les marchandises, échappe à l'action législative et dont les prix sont déterminés uniquement par le jeu des lois de l'économie politique. Il s'agit tout simplement d'apprécier un contrat d'exploitation et de rechercher si à un exploitant il faut en substituer un autre et à quelles conditions.

Il faut donc, messieurs, laisser de côté ce qui se dit en Angleterre, parce que, ce qui se fait en Angleterre n'est pas ce qui se fait chez nous.

Voyons quelle est chez nous la situation. Quelle est la question posée à la Chambre ? Celle de savoir s'il faut entrer dans la voie de l'unification des réseaux, si cette unification doit se faire par l'Etat plutôt que par les compagnies, s'il est des raisons d'entrer dans cette voie d'abord par des négociations avec la Société d'exploitation plutôt qu'avec quelque autre réseau déterminé.

Ces divers points peuvent examinés à deux points de vue : au point de vue de l'intérêt des consommateurs de transport, au point de vue de l’intérêt du trésor national.

L'honorable M. Le Hardy a complètement omis d'envisager la situation sous son principal aspect, du point de vue des intérêts publics.

Je vais chercher à réparer cette omission.

Voyons donc quel est aujourd'hui l'état des choses, et demandons-nous ce qu’il sera demain, si la convention soumise aux délibérations de la Chambre est approuvée par elle.

Et d'abord, messieurs, que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu me permette de lui reprocher de ne tenir aucun compte de l'opinion publique en Belgique.

Il a fait hier au gouvernement un grief de ne pas avoir procédé comme on fait en Angleterre, de ne pas avoir ouvert une enquête immense, de ne pas avoir appelé tout le monde à faire connaître son opinion sur une question de cette importance. Mais la question qui s'agite devant vous, messieurs, n'est pas une question nouvelle. Dieu merci, elle est posée depuis assez longtemps devant l'opinion publique. Il n'y a pas de voyageur, il n'y a pas d'expéditeur, il n'y a pas de destinataire qui soit appelé tous les jours à apprécier le mérite relatif de l'exploitation par l'Etat et de l'exploitation par les compagnies.

Ce n'est pas là non plus un de ces problèmes de métaphysique économique que les docteurs seuls puissent résoudre. Chacun est parfaitement apte à juger de la situation, à comparer les prix et les conditions des chemins exploités par l'Etat avec les prix et les conditions des chemins exploités par les compagnies.

Eh bien, j’en appelle aux appréciations de toute la Chambre. Laquelle des deux exploitations est la plus populaire ? J'en appelle aux souvenirs de toute la Chambre et de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu lui-même : laquelle des deux exploitations est la plus critiquée ? Entend-on jamais prendre parti pour l'exploitation des compagnies contre l'exploitation de l'Etat ? Est-il quelque consommateur de transport, voyageur, expéditeur ou destinataire qui préfère sincèrement l'exploitation par une compagnie à l'exploitation par l'Etat ? Est-ce que, depuis que des compagnies exploitent en Belgique, de tous côtés on ne se lève pas pour réclamer l'exploitation par l'Etat ?

La question a été agitée dans la presse, discutée dans des réunions publiques, quelque groupe industriel important, quelque association commerciale considérable, ont-ils jamais défendu l'exploitation par les compagnies ? Est-il une voix autorisée quelconque dans le pays, qui se soit élevée pour attaquer, pour blâmer l'exploitation par l'Etat et demander l'extension de l'exploitation par les compagnies ?

Evidemment, il y a là un état de l'opinion publique qui ne laisse aucune place au doute. Le sentiment public est presque unanime et il est très sympathique à l'exploitation par l'Etat.

L'honorable M. Le Hardy nous parlait hier des faits visibles et tangibles. En voilà un que tous nous avons pu constater. Et, en le faisant, nous avons dû reconnaître que le sentiment public était d'accord avec les résultats auxquels conduit l'appréciation des faits sérieusement, scrupuleusement analysés.

En effet, messieurs, voici quelle est la situation qu'il s'agit de corriger et quelle est la situation qui sortira du projet de loi présenté par le gouvernement.

Les transports se font, qu'il s'agisse de voyageurs ou de marchandises, sous trois régimes différents.

Ils ont lieu : d'un point à un autre d'une même exploitation, en tarif intérieur ; d’un point d'une exploitation à un point d'une autre exploitation, en tarif mixte ; d'un point du pays à un point d'un autre pays, en tarif international.

Il faut donc rechercher ce qu'cst, sous le système de la diversité des exploitations et ce que deviendra, sous le régime de l'unité d'exploitation, le transport du voyageur ou de la marchandise en tarif intérieur, en tarif mixte, en tarif international.

Commençons par les tarifs intérieurs. Qu'il s'agisse de voyageurs ou de marchandises, les tarifs intérieurs des compagnies sont différents entre eux et le plus souvent supérieurs au tarif de l'Etat.

Que les tarifs intérieurs diffèrent entre eux, rien de plus facile à expliquer. Car, de cela il y a plusieurs raisons. Les conditions d'exploitation ne sont pas toujours les mêmes et, conséquent, les frais variables diffèrent.

Le mouvement n'a pas partout la même importance et, par conséquent, la répartition des frais fixes ne conduit point partout aux mêmes résultats.

De la cherté relative des compagnies pour les transports intérieurs, il y a une raison de science économique que l'honorable M. Le Hardy récusera pas.

L'honorable M. Le Hardy vous a dit hier, ce que, du reste, nous savions tous, que l’intérêt individuel est beaucoup plus éveillé et beaucoup plus énergique que l'intérêt public, que l'action personnelle vaut mieux que l'action collective et il en a conclu que les compagnies doivent exploiter à meilleur marché que l'Etat. Mais, messieurs, si l'intérêt individuel est plus vigilant que l'intérêt public lorsqu'il s'agit de produire, il l'est donc aussi lorsqu'il s'agit de vendre.

Que le particulier produise le transport à meilleur marché que l'Etat, je le veux bien, mais accordez-moi de même que le particulier cherche nécessairement à vendre son transport plus cher que ne fait l'Etat.

Voilà pour le transport intérieur. Voici pour le transport en service mixte.

Comment le transport en service mixte est-il régi ? Par les conventions que font entre eux plusieurs exploitants de chemins de fer, ayant des relations, ayant les uns du trafic à expédier, les autres du trafic à recevoir. Ces exploitants conviennent de ce qui doit régler les rapports des exploitants avec le public ; de ce qui doit régler les rapports des exploitants entre eux.

On convient du tarif à imposer au public, mais on convient aussi de la direction des transports, des conditions de la circulation du matériel, de la location des waggons. etc., des frais d'exploitation des parties communes, du partage des recettes.

(page 928) Voilà donc toute une série de points sur lesquels il faut, pour qu'il puisse y avoir service mixte, que les exploitants de chemins de fer se mettent et restent d'accord.

Or, cet état de choses créé par un contrat de service mixte peut être modifié du jour au lendemain, soit par un fait nouveau, comme la construction d'une ligne parallèle, comme aussi un raccourcissement, soit par quelque conflit surgissant entre les contractants sur l'un ou l'autre des nombreux points que je viens d'énumérer.

Dans ces cas, la convention de service mixte est dénoncée.

Or, quel est le résultat de la dénonciation ? C'est le retour à l'état sauvage de l'exploitation primitive. C'est la réinscription pour les personnes, pour les bagages et pour les marchandises. C'est le retour pour les voyageurs, au défaut de correspondance, à l'obligation de changer de train, à l'obligation de prendre de nouveaux billets.

C'est, pour les bagages, l'obligation du transbordement. C'est, pour le matériel, quelque chose de plus sauvage encore. C'est l'interdiction de circulation ; c'est la défense au matériel des grandes lignes de venir prendre charge aux carrières et aux hauts fourneaux.

C'est un exploitant disant à l'autre : Votre matériel ne circulera pas sur mes rails et si l'on veut transporter des marchandises d'un point de votre ligne à un point de ma ligne, il faudra qu'on prenne mes waggons à partir de l'entrée dans mon périmètre, fallût-il décharger les marchandises de vos waggons et les recharger sur les miens.

M. Dumortier. - Le contraire est toujours stipulé dans le cahier des charges.

M. Sainctelette, rapporteurµ. - Voilà quels sont les effets de la dénonciation. On les a constatés. J'en appelle au souvenir de tous les membres de la Chambre. Hier encore, l'honorable M. de Maere a rappelé le trouble qu'avait jeté dans les relations commerciales la menace faite par la Société générale d'exploitation de dénoncer les conventions de service mixte conclues avec l'Etat. Cette menace fut faite au mois de juin 1868, si je ne me trompe, et le trouble produit par elle est encore présent à tous les esprits.

Dans ces conditions-là, y a-t-il, messieurs, cette facilité, cette fixité, cette durée qui seules peuvent faire créer de grandes entreprises, provoquer d'importants échanges ?

Evidemment non. On vit dans une situation précaire. On se sent à la merci du bon vouloir de compagnies disposées beaucoup plus à écouter leurs intérêts personnels qu'à ménager les intérêts publics.

Quant aux tarifs internationaux, les inconvénients que je viens de signaler pour les tarifs mixtes se reproduisent sur une échelle d'autant plus grande qu'il y a plus de parties prenantes.

Les tarifs internationaux aussi résultent de contrats susceptibles d'être résolus par une simple dénonciation d'une seule des parties contractantes.

Ainsi, de ce côté encore, la situation présente est précaire et incertaine. A cela, que veut-on substituer ? Un régime qui facilite les relations internationales, qui supprime les services mixtes, qui n'établit qu'en seul et même tarif intérieur pour près de 2,000 kilomètres.

Et de quelle façon propose-t-on de faire cette substitution à l'état de choses ancien d'un état de choses nouveau très favorable au commerce par la simplicité, la facilité et la sécurité qu'il donnera à tout le monde ?

C’est en adoptant le tarif le plus simple, le plus facile, le plus réduit, en concentrant l'exploitation dans les mains de celui des exploitants qui, jusqu'à présent, a toujours pris l'initiative des réformes en matière de chemins de fer et qui les a réalisées sur la plus large échelle et dans la plus grande mesure.

C'est entre les mains de l'Etat qui a donné au public d'abord les services mixtes, puis les tarifs différentiels, enfin la quatrième classe pour les transports de matières pondéreuses et qui, récemment, a pris l'initiative d'un tarif de voyageurs sans précédent dans aucun pays, d'un tarif de voyageurs dont les effets seront considérables au point de vue politique comme au point de vac économique, qui fera connaître à toute la population toutes les différentes parties du pays, qui facilitera l'échange des idées tout autant que le développement des relations industrielles et commerciales, et dont l'influence financière se résumera, en fin de compte, dans l'augmentation de la recette en voyageurs et en marchandises. Car, pour le dire en passant, quand on étudie l'action des tarifs, il ne faut pas seulement en rechercher les résultats immédiats, les effets directs, il faut savoir tenir compte des influences indirectes et prendre garde aux réactions.

Il est impossible d'apprécier équitablement l'action d'un système de tarifs des voyageurs, si l'on ne prend garde à l'influence que la plus grande facilité de transport donnée aux personnes a dû exercer sur le trafic en marchandises.

C'est donc entre les mains de l'Etat qui a réalisé tous ces progrès, qui de plus est en position d'en réaliser peut-être de plus grands encore ; c’est entre les mains de l'Etat qu'on vous propose de faire cette cession.

Quelle objection peut-on faire à cette proposition ? Y a-t-il dans le pays une seule voix autorisée, un seul groupe quelque peu d'intérêts industriels ou commerciaux qui demande que la préférence soit donnée à une compagnie ? Insiste-t-on pour rester dans le statu qu0 et s'oppose-t-on à ce que l'exploitation des chemins de fer par l'Etat s'agrandisse ? Quelles raisons peut-on invoquer en faveur de l'exploitation par les compagnies ?

L'an dernier, la question a été agitée dans la presse. Je n'ai pas besoin de vous dire de quelle façon elle a été résolue. Il n'y a eu qu'un grand cri d'indignation contre ceux qui, dans un but que je ne veux pas rechercher ici, avaient mis en avant l’idée d'une cession à des compagnies de l'exploitation du réseau de l'Etat. Tout le monde s'est prononcé immédiatement et sans aucune hésitation, aucune indécision. Et le sentiment public a été, en ce cas, encore parfaitement conforme aux inspirations du bon sens, aux conseils d'une saine appréciation des faits.

En effet, messieurs, entre l'Etat et les compagnies il y a, dans les situations, des différences considérables dont le public apprécie parfaitement la portée.

L’Etat n'a pas d'actionnaires directs, ou plutôt l'Etat a pour actionnaires ses clients. C'est aux contribuables que l'Etat doit les ressources dont il dispose, et c'est au profit des contribuables que l'Etat administre les chemins de fer.

Il suit de là que lorsque l'Etat améliore les transports, en réduit les prix, en augmente les facilités, c'est comme s'il distribuait aux actionnaires-contribuables un dividende en argent. L'Etat peut choisir, chaque année, l'un ou l'autre de ces deux partis : verser dans le trésor national, à la décharge des contribuables, tout le produit net de l'exploitation, ou bien réduire les tarifs, augmenter le matériel roulant, ajouter au bien-être des voyageurs. Quelque parti qu'il prenne, c'est au profit des mêmes personnes qu'il agit, c'est toujours le même intérêt qu'il sert.

L'Etat peut donc à sou gré se servir de l'exploitation pour augmenter les ressources du trésor ou pour faire, dans le pays, une abondante distribution de dividendes en nature.

Selon les circonstances, il fera l'un ou l'autre ; le plus souvent, il prendra l'un et l'autre parti.

Au contraire, messieurs, les compagnies n'hésiteront jamais entre les deux résolutions. Et cela, par cette excellente raison que les compagnies sont constituées en vue non pas du bien public, mais d'un intérêt privé. Les compagnies n'ont pas le droit de se préoccuper du bien public ; elles ont le devoir de se dévouer exclusivement à l'intérêt de leurs actionnaires ou du moins, elles n'ont le droit de prendre l'intérêt public en considération que dans la mesure où cet intérêt est d'accord avec l'intérêt de leurs actionnaires.

Je sais bien que les compagnies intelligentes reconnaissent qu'à maintenir obstinément l'un ou l'autre tarif, elles courent le risque de voir le trafic leur faire défaut ou l'accroissement de trafic sur lequel elles avaient compté ne point se produire.

Elles cèdent donc, pour un temps, dans une certaine mesure, mais dès qu'elles ont entrevu la limite jusqu'à laquelle il y a pour elles un intérêt réel, un profit sérieux de descendre, elles s'arrêtent dans la voie du progrès ; elles ne font que ce qu'il est rigoureusement nécessaire de faire pour alimenter leurs lignes, pour satisfaire aux exigences de leur situation financière. En un mot, l’Etat cherchera toujours à augmenter à la fois le mouvement et la recette. Les compagnies ne se préoccupent que de la recette, ne tenant compte du mouvement qu'en tant qu'il agit sur la recette. Entre deux systèmes de tarifs, l'Etat optera pour celui qui, à conditions à peu près égales de recettes, lui procurera le plus de mouvement. Les compagnies, à conditions égales de recettes, préfèrent le système qui provoque le moins de mouvement.

Et, messieurs, ce n'est pas aux compagnies de chemins de fer seulement que cette attitude est particulière : c'est à tout ce qui est concession. Je saisis cette occasion de le dire à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Contrairement à son sentiment, l'opinion de beaucoup d'hommes d'affaires du pays est défavorable au système des concessions, système qui est bien loin d'avoir toujours aidé aux progrès de l'industrie belge. Je vais vous en citer quelques exemples.

Les chemins de fer du Flénu ont été concédés en 1833, un an avant la construction des chemins de fer de l'Etat.

Ces chemins de fer ont été exécutés à la voie d'un mètre vingt de largeur et on était alors, même en Angleterre, dans la persuasion que (page 929) l'exploitation des chemins de fer, pour marchandises, ne pouvait se faire que par chevaux.

On a donc fait les chemins de fer du Flénu avec des courbes très restreintes et cela dans la pensée que le trainage ne pourrait jamais s'y rfaire par locomotives. On a calculé les péages en conséquence et, par l'acte de concession, on les a fixés pour 90 ans, comme si la traction devait toujours s'y faire par chevaux ; on a laissé le matériel de transport à la charge de l'expéditeur et on a ajouté que l'exploitant ne serait pas forcé de faire les transports en remonte.

On a donc, en 1833, et pour 90 ans, accordé une concession qui liait à jamais l'industrie houillère du couchant de Mons dans les conditions que voici : un péage de 60 centimes par tonne pour un parcours moyen de trois kilomètres sans transport en remonte et matériel à charge de l'expéditeur.

Qu'est-il arrivé cependant ? Moins de dix ans après la concession, on a inauguré des locomotives sur les chemins de fer du Flénu. On avait d'abord cru impossible de construire des locomotives en état de circuler sur un chemin de fer d'une voie aussi restreinte et avec des courbes à rayon aussi étroit ; plus tard, on a reconnu que c'était une erreur.

Les exploitants du chemin de fer ont voulu essayer ; ils persévéré dais leurs essais et ils ont parfaitement réussi.

Aujourd’hui, vingt ou vingt-cinq locomotives circulent sur leur chemin de fer.

Les conditions en vue desquelles ce péage exorbitant avait été consenti étaient donc complètement modifiées.

Cela n'a pas empêché les exploitants d'exiger les péages de 66 centimes par tonne jusqu'à une date toute récente.

On a donc là accordé un prix invariable pour un service que le progrès de la science et de l'art de l'exploitation devait nécessairement rendre chaque jour plus facile.

Ce que je dis des chemins de fer du Flénu, se peut dire de toutes les concessions. Je citerai les concessions municipales d'éclairage par le gaz, et aussi les concessions de distribution d'eau.

D'honorables collègues et moi nous avons appris dernièrement d'une façon certaine qu'en matière de distribution d'eau, on abandonnait en Angleterre le système des concessions de distribution d'eau pour organiser, dans beaucoup de grandes des régies.

Pourquoi ? Par la raison bien simple qu'on ne peut pas, en accordant une concession, réserver suffisamment l'avenir, calculer exactement le rapport qui s'établira, après un très court laps de temps, entre le mérite réel du service rendu et le prix qu'on en a donné au premier moment, parce qu'il n'est pas donné à la prévoyance humaine d'apprécier les progrès possibles d'une industrie, les applications possibles d'un principe, les exigences futures d'une situation, et aussi parce que les titulaires des concessions ne se préoccupent que de leurs intérêts particuliers, n'apprécient le progrès que dans la mesure où il influe sur l'importance des bénéfices et ne se laissent en rien toucher par la considération exclusive du bien public.

La même chose a eu lieu pour l'éclairage au gaz. Est-ce qu'il n'y a pas en Angleterre, en France et dans notre pays même un véritable mouvement dans les municipalités pour reprendre les entreprises d'éclairage au gaz, qui, primitivement, avaient fait l'objet de concessions ?

Les prévisions des villes n'ont-elles pas, à peu près partout, été complètement dépassées et le prix de fabrication du gaz d'éclairage ne s'est-il pas presque partout trouvé hors de proportion avec le péage accordé ?

Voilà, messieurs, ce qui fait qu'à mes yeux le système des concessions est déplorable. Voilà pourquoi je le considère comme ayant entravé plutôt qu'aidé l'essor de la Belgique industrielle. Est-ce ce système là qu'on proposerait d'appliquer au plus grand outil de production du pays, à nos chemins de fer ? Evidemment, il faudrait pour cela n'avoir aucune mémoire de ce qui s'est passé sous nos yeux depuis l'inauguration des chemins de fer en Belgique.

Du point de vue des consommateurs de transport, il n'y a donc pas d'hésitation possible. Il n'y a pas lieu de délibérer. Leur intérêt manifeste est que l'unité d'exploitation succède à la diversité des exploitations, et que ce soit par les mains de l'Etat, non par celles des compagnies, que l'unité se fasse.

Si J'ai été assez heureux pour faire comprendre à la Chambre combien l'unité d'exploitation est préférable à la diversité et pour lui montrer quelle distance il y a de l'exploitation par l'Etat à l'exploitation par les compagnies, il ne me reste plus à examiner qu'un point : la situation réciproque du réseau de l'Etat et du réseau de la Société d'exploitation.

Est-ce par l'absorption du réseau de la Société d'exploitation qu'il faut commencer ? Evidemment oui, et ici il n'est pas sans intérêt de rappeler à ceux des membres de la Chambre qui peuvent l'avoir oublié, comment s'est formé le réseau de la Société générale d'exploitation. Les exploitants du couchant de Mons demandaient la réduction des péages perçus sur les chemins de fer du Flénu. A l'occasion d'une extension de concession demandée par le chemin de fer du Flénu, ils insistaient auprès du gouvernement pour le rachat da ce chemin de fer.

Le gouvernement n'y voulait pas consentir. Un homme intelligent était devenu depuis peu concessionnaire du chemin de fer de Frameries à Chimay. Il avait le long parcours et il cherchait l'autre facteur du produit, c'est-à-dire le trafic. L'idée lui vint d'intervenir dans ce conflit et de l'apaiser en donnant satisfaction aux intérêts opposés. Il garantit au concessionnaire primitif, pendant toute la durée de la concession, son revenu d'alors ; aux exploitants des mines, il accorda une partie des réductions qu'ils sollicitaient, et lui, il y trouva ce profit de relier le chemin de fer du Flénu au chemin de fer de Frameries à Chimay. Plus tard, il a fait la même chose pour le chemin de fer de Hainaut et Flandres et il eut ainsi une grande ligne traversant tout le pays, du nord au midi, avec une grande source de trafic. Plus tard, il y joignit les lignes concédées isolément de la Flandre Occidentale et compléta ce système par l'acquisition, dans le Couchant de Mons, du chemin de fer industriel de Saint-Ghislain, concentrant dans les mêmes mains le chemin de ceinture du bassin houiller de Mons et le réseau tout entier de sa principale zone de clientèle en Belgique.

Il a fait la même opération pour le bassin du Centre, acquérant le chemin de fer du Centre et tous les chemins de fer particuliers qui y relient les mines ou les usines.

Il s'est transporté à Charleroi où il a, il est vrai, trouvé installées les lignes du Grand-Central et celles de l'Etat, mais où il a su devenir concessionnaire du réseau de ceinture et puis d'autres réseaux d'une importance secondaire.

Il a appliqué au Hainaut tout entier le système qui lui avait si bien réussi pour le couchant de Mons, et de lignes sans relations, sans trafic, sans ressources, sans crédit, il a fait, par d'habiles combinaisons, un ensemble ayant du parcours, du trafic, du mouvement, par conséquent de la valeur.

Voilà donc un nouveau réseau installé au cœur de la zone que l'on croyait réservée au réseau de l'Etat avec des lignes qui constituent presque toujours des raccourcissements et ayant littéralement capté le trafic. Car je ne puis mieux définir ce qui a été fait relativement aux expéditions à faire par les grands groupes producteurs qu'en disant qu'on les a cernés, absolument comme lorsque, voulant dériver une source d'eau, on l’enveloppe de toutes parts.

Voilà donc la Société générale d'exploitation ayant un réseau à elle au milieu du réseau de l'Etat, mettant directement en relation par ses lignes les groupes producteurs avec la plupart des centres consommateurs de la région occidentale, intermédiaire obligé en tous cas des groupes producteurs avec les lignes de l'Etat, ayant des lignes de raccordement, par conséquent des frais d'exploitation moindres.

Quel parti prendre ? Que faut-il faire ? Quelle raison y a-t-il (et c'est là que j'attends l’honorable M. Le Hardy de Beaulieu), quelle raison y a-t-il de penser que cette situation se modifiera au profit de l'Etat ? Il n'y en a aucune.

Supposons que la convention ne soit pas ratifiée, quel moyen y a-t-il d'empêcher que toutes les lignes concédées soient construites, que tous les raccourcissements projetés soient exécutés, que par conséquent toutes les dérivations de trafic projetées s'accomplissent, que le mouvement de la Société d'exploitation aille toujours en s'accroissant et que la recette kilométrique de l'Etat aille toujours en diminuant ?

C'est là une conséquence mathématique de la situation des deux réseaux. Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte pour s'en rendre le compte le plus clair qu’il est possible.

Que devait faire le gouvernement ? S'entêter dans les errements. suivis jusqu'à ce jour et, après avoir laissé échapper, il y a deux ou trois ans, l'occasion d’empêcher peut-être tout ce mouvement de la Société d'exploitation de se produire, fallait-il aujourd’hui le laisser grandir, se développer et attendre qu'il fût devenu tout à fait puissant pour avoir à traiter avec lui ? Evidemment non. L'Etat pris la seule résolution pratique qu'il fût, à mes yeux, possible de prendre. L'Etat a arrêté le mouvement de dérivation. Il a accepté les faits accomplis ; mais, quant à ceux qui ne sont pas encore accomplis, il les a prévenus à jamais !

Quand je dis que l'Etat a accepté les faits accomplis, je vais trop loin. Ne pouvant détruire les doubles emplois exécutés, l'Etat s'est réservé le moyen d'en tirer le meilleur parti possible. Il a stipulé qu'il aurait le droit de suivre, dans les transports, la direction la plus avantageuse à l'exploitation, (page 930) quelle que fût d'ailleurs la direction convenue comme base du partage des recettes. Il suit de là qu'en ce qui concerne les lignes construites, l'Etat réalisera désormais une économie d'exploitation.

Quant aux lignes à construire, l'Etat s'est réservé le droit de remanier le réseau, de modifier les tracés de façon à supprimer les doubles emplois.

Il résulte de là, quoi ? Que l'Etat conserve le trafic qu'il a actuellement, qu'il est certain que ce trafic ne lui sera pas enlevé dans l'avenir, qu'il le conserve et, avec lui, tous les développements dont il est susceptible. A la Société d'exploitation, l'Etat ne laisse que le trafic dont elle est en possession, celui qu'il est impossible de lui enlever et il ne le lui abandonne encore que dans de certaines limites et avec des chances appréciables de voir ses efforts bien combinés réduire encore l'importance du sacrifice consenti.

Ainsi on s'est assuré les moyens d'exploiter à meilleur marché, de conserver le plus de trafic possible.

Telle est, en deux mots, la portée de la convention soumise à vos délibérations.

Elle a reçu un excellent accueil du public, et je crois qu'elle a droit au même accueil de votre part. Si vous négligez cette occasion de ressaisir la direction du plus puissant outil de fortune industrielle dans l'une des plus riches parties du pays, vous la perdrez à jamais ou du moins vous ne la recouvrerez qu'au prix de sacrifices à desquels les chances de pertes qu'on peut courir dans l'exécution de la convention ne sont absolument rien.

J'engage donc vivement la Chambre à voter cette convention dont M. le ministre des travaux publics fera beaucoup mieux que moi comprendre toute la portée et dont il indiquera beaucoup mieux que moi le côté financier.

M. Dumortier. - Messieurs, l'honorable membre qui vient de se rasseoir a fait un discours à côté du projet (interruption), complètement à côté du projet. Il vous a parlé de l'utilité d'une entente en matière de chemins de fer, de la réduction des tarifs, de la création du chemin de fer du Flénu et de toutes les péripéties qui se sont présentées, de la construction, du gaz, des distributions d'eau ; mais il n'a pas dit un mot du projet lui-même. C'est donc un discours à côté du projet de loi.

Ainsi, messieurs, je ne suivrai pas l'honorable membre dans les développements de tout genre qu'il a présentés. Je sais que la Chambre est impatiente de se séparer et je désire avoir l'honneur d'être écouté. C'est pourquoi je laisserai de côté le discours de l'honorable membre.

Quand on vous dit que la fusion des petits embranchements est une chose désirable, on professe une opinion que tout le monde doit partager, on prêche des convertis. Tout le monde sait qu'à une certaine époque, surtout lorsque l'honorable M. Vanderstichelen était ministre des travaux publics, on a accordé une foule de petites concessions. Il en est résulté souvent une souffrance réelle pour l'exploitation des lignes. Il était donc à désirer qu'il y eût une entente entre les divers embranchements. C'est ce qui a eu lieu en France.

Lorsque le gouvernement français, après avoir concédé les grandes lignes, concéda les lignes latérales, il fit tous ses efforts pour établir l'entente ; l'entente s'est établie et tout marche maintenant au gré du public sans ce soit l'Etat qui exploite les chemins de fer. Cette entente peut donc exister sans que l'Etat devienne le grand voiturier, le grand transporteur de tous les produits et de toutes les personnes.

Messieurs, il est un point dont on ne parle pas et qui s’écarte complètement des théories que beaucoup de membres dans cette Chambre professent, c'est cette action de l'Etat en toutes choses, qui tend à faire au pays une espèce d'automate et du gouvernement un agent universel.

L'Etat grand maitre d'école, grand universitaire, l'Etat grand transporteur de voyageurs et de marchandises, voilà ce qui tend à s'introduire en Belgique.

Vous aurez l'Etat partout ; mais quand vous aurez tué les concessions, savez-vous ce que vous aurez fait ?

Vous aurez porté l'atteinte la plus grave au principe que vous professez vous-mêmes, le principe du laisser-faire, vous aurez tue l'élan qui existe dans l'industrie privée.

Il fallait donc arriver à une entente. C'est ce que fit un de mes concitoyens. Lorsque cette entente fut établie, tout le monde était satisfait. Mais cela pas fait le compte du gouvernement.

Le gouvernement a commencé par faire la guerre à la Société générale d'exploitation ; la Société a rendu cette guerre au gouvernement. Il en est résulté une lutte qui a fini par aboutir à la reprise des concessions par l'Etat.

Messieurs, quand il s'est agi des chemins de fer, il avait toujours été entendu dans ce parlement que l'Etat aurait les grandes artères qui partent du de la capitale, mais qu'il laisserait à l'intérêt privé le soin de créer tous les autres embranchements.

Voilà la donnée générale de l'honorable M. Rogier qui a proposé la construction des chemins de fer. Ce principe, il l'a souvent professé.

M. Rogierµ. - J’ai ouvertement combattu les concessions à tort et à travers en 1845.

M. Dumortier. - Et après cela, vous en avez présenté beaucoup vous-même, mon honorable collègue. On a dans la vie certaines vicissitudes. L'homme n’est pas comme les bornes qui sont là pour nous montrer le chemin. L'homme se perfectionne et vous avez éprouvé des perfectionnements. Je vous en fais pas un reproche. Je dis seulement que, lorsque vous avez proposé la construction des chemins de fer, vous avez admis, comme principe, la construction par l'Etat des grandes lignes. Vous avez présenté quatre lignes : Bruxelles à Anvers ; Malines à Ostende ; Malines à Liége, et un embranchement vers la France.

Plus tard, vous avez encore demandé la construction de deux lignes, mais il était entendu que toutes les autres lignes seraient confiées à l'intérêt privé

. Il y a donc ici une transformation complète. On ne veut plus de l'intérêt privé, on ne veut plus de l'action des citoyens.

Qu'est-il arrivé ? Dans l'hypothèse que l'Etat ne devait pas faire les petites lignes, on a été très facile les concéder, parce que les entrepreneurs agissaient à leur corps défendant.

On a concédé beaucoup de lignes que nous n'aurions jamais faites, parce qu'elles eussent été trop onéreuses. Aujourd'hui on nous propose de les reprendre.

Je vous montrerai tout à l'heure le préjudice immense que le projet de loi qui nous est soumis fait subir au trésor public. Il est plus désastreux encore pour les finances de la Belgique que l'abaissement des tarifs qui a eu lieu en 1866.

Quand je vous aurai démontré cela, vous reconnaitrez, je pense, que je suis dans la question et non à côté.

C'est vous dire aussi que je parle en faveur de la proposition d'ajournement qui vous a été présentée par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

Je vous le demande, est-ce le fait d'un gouvernement parlementaire, constitutionnel, de vous présenter, huit ou dix jours avant la clôture d'une session qui a duré sept mois, un projet de loi d’une pareille importance ?

Il y a trois jours que nous avons le rapport et nous avons eu une séance et demie de discussion.

Je crois, messieurs, que ce peu de mots vous feront comprendre la nécessité d'un mûr examen, d'un plus ample informé.

On ne traite pas le parlement de la sorte. On n'arrive pas, au dernier moment, avec des projets de lois qui peuvent devenir ainsi des objets (je ne dis pas que ce soit l'intention de MM. les ministres) mais enfin, je dois bien le dire, des objets d'escamotage.

Nous avons peine le temps de parler et nous devons supprimer la moitié des choses que nous voulons dire, afin de nous faire écouter.

Messieurs, quelle est la situation de notre chemin de fer ? Le chemin de fer, après diverses péripéties, était arrivé des résultats très heureux.

Chaque année, les finances s'amélioraient ; chaque année, les bénéfices du chemin de fer augmentaient de 1,200,000 à 1,500,000 francs.

C'était une situation magnifique, lorsque tout à coup, quand personne n'y songeait, parurent des arrêtés qui réduisaient outre mesure le tarif du transport des voyageurs. (Interruption.)

Réfléchissez-y, messieurs. Vous allez aujourd'hui pour 7 francs en première classe de Tournai en Prusse. On avait d'abord commencé par certaines réductions sur le tarif des marchandises et déjà ces réductions avaient amené une situation fâcheuse. (Interruption.)

J'ai ici des chiffres sur lesquels j'appelle l'attention de l'assemblée.

En 1860, les revenus des capitaux engagés dans la construction et l'exploitation des chemins de fer, je parle ici de la part de l'Etat, s'élevaient 6 6/10 p. c. ; en 1861, ce est arrivé à 7 3/10 p. c. (Interruption.)

Ces chiffres sont pris dans les documents officiels.

En 1863, le chiffre est de 7 2/10 p. c. ; en 1864, il n'y a plus que 6 8/10 p. c., mais en 1863, le tarif se relève et vous avez 7 8/10 p. c. Voilà quelle était la situation : on était parti de 6 6/10 p. c. pour arriver à 7 8/10 p. c. Arrivent, en 1866, les modifications aux tarifs. Ces modifications ne prennent cours qu'à partir du 1er mai. (page 931) Quatre mois étaient donc acquis à l’ancien tarif. Eh bien, malgré cela, le revenu de gouvernement, qui était de 7 p. c. en 1865, tombe à 5 4/10 p. c. en 1866.

En 1867, on est en plein dans les nouveaux tarifs ; à quel chiffre arrive-t-on ? A 4 5/10 p. c., c'est-à-dire un peu plus de la moitié du produit que l'on avait obtenu en 1864.

En 18868, et c'est le dernier compte que nous possédons, les revenus du capital engagé s'élèvent à 5 4/10 p. c.

Vous voyez, messieurs, le désastre que les finances de l'Etat ont subi par suite de cette énormissime réduction de tarifs. Et, veuillez-le remarquer : c'étaient les étrangers surtout qui profitaient de cette réduction.

L'action montoise, je regrette de devoir le dire à mon honorable collègue qui vient de se rasseoir et dont je reconnais toute l'intelligence, a toujours été fatale aux chemins de fer, et les fautes qu'elle a fait commettre sont retombées sur elle. (Interruption.)

On a voulu obtenir des abaissements considérables. Pour pouvoir lutter avec le canal de Charleroi, on a voulu des réductions déraisonnables en matière de chemins de fer.

Qu'est-il arrivé ? Jamais un hectolitre de houille étrangère n'était entré dans le pays.

Eh bien, vous avez ouvert la porte de la Belgique à nos concurrents, et aujourd'hui les houilles étrangères sont venues prendre place sur votre marché, et ce précisément à la faveur des mesures que vous avez votées dans un intérêt privé, dans un intérêt irréfléchi, dont vous ayez été la première victime.

MtpJµ. - Tout cela est étranger à l’objet en discussion.

M. Dumortier. - Ah ! Cela est tellement étranger au débat, que je vous prouverai tout à l'heure que vous faites pis encore et que la mesure que vous nous proposez en ce moment sera encore plus désastreuse que la réduction des tarifs. Pour cela, il faut bien que je commence par vous montrer quelle a été la conséquence pour nos finances de cette réduction de tarifs.

Je sais fort bien, messieurs, que beaucoup de personnes applaudirent cette réforme. Je sais aussi qu'il est fort beau de faire le bien quand il n'en coûte rien ; mais, comme l'a très bien dit l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, on finit toujours pas mettre la main dans la poche des contribuables. L'Etat, messieurs, n'est pas institué dans l'intérêt des fabricants et des exploitants ; il leur doit la protection de la loi, mais pas la protection de l'argent du pays. Eh bien, par votre projet de loi vous repoussez la protection de la loi et vous voulez la protection de l'argent du pays. Voilà votre système.

En effet que faites-vous ? Vous présentez à la législature un projet de reprise des chemins de fer par l'Etat. Et dans ce projet que voyons-nous ? Nous avons d'abord à examiner quelles sont les charges de la Société générale d'exploitation qui résultent des contrats.

J'ai pris, messieurs, la patience de compulser ces divers documents et voici quelques chiffres dont je puis garantir l'authenticité. (Suit le tableaux des charges des concessions du Flénu, de Saint-Ghislain, du Centre, de Hainaut-Flandres, de Courtrai à Denderleeuw, de Tamines à Landen, de Manage à Wavre, de Manage à Piéton, de Renaix à Courtrai et de Frameries à Chimay. Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

En tout 6,201,250 francs pour 64 kilomètres.

Ce qui fait, en moyenne, 10,000 francs par kilomètre ; tout l'heure nous en tirerons des conséquences.

Maintenant, d'après les documents que nous avons sous les yeux, les recettes brutes de la Société générale d'exploitation ont été, en 1868, dernière année dont nous ayons les comptes, ont été, dis-je, de 15,136 francs par kilomètre et l'Etat lui garantit 7,000 francs minimum des recettes.

Il en résulte que les recettes étant de 15,136 francs, il reste à l'Etat, par kilomètre, 8,136 francs, d'où il faudra encore déduire l’intérêt des capitaux qui seront payés à la Société générale d'exploitation pour la reprise du matériel.

Eh bien donc, en supposant que ce soit 1,350,000 francs, il restera net à l'Etat, par kilomètre, 6,786 francs.

Voilà ce qui résulte des documents officiels.

L’Etat, ici c’est un travail officiel qui le prouve, exploite à raison de 28,666 francs par kilomètre ; ainsi, si vous tenez compte du matériel acheté, l'Etat sera en perte actuellement de 21,780 francs par kilomètre et si vous en déduisez le matériel acheté pour 601 kilomètres, il arrivera à une perte annuelle de 4,889, 736 francs, c'est-à-dire 5.000 francs par kilomètre.

MiPµ. - Allons donc !

M. Dumortier. - Il n'y a pas ici d' « allons donc ! », ce sont des chiffres.

MtpJµ. - Des chiffres de fantaisie.

M. Dumortier. - Ce sont des chiffres très sérieux et il n'y a de fantaisie que ce qui sort de votre cerveau. (Interruption.) C'est une manière étrange, pour des ministres, de traiter l'opinion de leurs contradicteurs ; quand nous nous livrons à des travaux pour contrôler les vôtres, pourquoi traiter ainsi un membre de l'opposition ? Lorsqu'il apprécie un projet aussi dangereux pour les finances de l'Etat, vous osez dire que les chiffres qu'il présente sont des chiffres de fantaisie !

Eh bien, démontrez que ce sont des chiffres de fantaisie, et si vous n'avez pas ce courage, ne prononcez jamais ce mot à l'égard d'un membre de l'opposition discutant un projet de loi qui nous est présenté.

Voilà donc les résultats : 5,000 francs de perte par kilomètre. Eh bien, multipliez ce chiffre par le nombre des kilomètres et vous verrez que l'Etat va subir une perte annuelle plus grande encore que celle qu'il a subie par suite de la réduction des tarifs.

Au surplus, c'est au moment où nous n'avons pas le temps de l'examiner que l'on veut venir enlever un projet aussi grave, et je serais vraiment tenté de croire qu'on nous a présenté ce projet de loi dans les derniers jours de la session, parce qu'il y a une anguille sous roche, que vous ne voulez pas montrer. (Interruption.)

Voilà sept mois que dure la session et fallait-il attendre les derniers jours pour présenter un pareil projet de loi et empêcher qu'on l'examine avec maturité ?

Supposez que nos craintes ne soient pas fondées ; votre devoir était alors de le démontrer vis-à-vis du public, vis-à-vis de la nation, dont vous êtes les agents.

Je disais donc que l'Etat exploitait à raison de 28,666 francs par kilomètre ; M. Le Hardy de Beaulieu est arrivé au même chiffre que moi, et vos documents le constatent jusqu'à l'évidence, et vous allez, par l'adoption de votre projet, arriver à une perte de 21,780 francs ; ou bien l'arithmétique n'existe plus, ou bien cela est évident.

Je veux bien admettre que le projet de loi est avantageux pour certaines industries et je comprends qu'une partie du pays soit fort rapace d'arriver à cet état de choses.

Mais nous avons autre chose à faire, nous, représentants de la nation, c'est de voir les intérêts de la nation.

Je dis donc ce système est déplorable, et ce qui est plus déplorable encore, c'est que vous n'en faites pas profiter la généralité. Si, du moins, vous aviez généralisé votre système. tout mauvais qu'il est, si vous l'aviez étendu aux Flandres, au Luxembourg, aux diverses parties du pays, je concevrais qu'on prélevât sur le trésor public des sommes aussi considérables quand tout le monde en profiterait ; mais prélever de pareilles sommes au profit des uns et laisser les autres dans la situation où ils se trouvent, je dis que c'est une criante et déplorable injustice.

On a parlé des transports à bon marché. Bien évidemment, il est à désirer que les transports soient à aussi bon marché que possible. Mais faut-il que les transports soient tellement bon marché que l'Etat ne soit pas rémunéré ?

On vous parle toujours de l'abaissement des tarifs, des transports à bon marché ; mais on ne tient pas compte de ce grand fait de l'usure du matériel, de l'augmentation du personnel, de toutes ces dépenses qui arrivent nécessairement à doubler, à tripler avec la multiplicité des transports.

Ainsi, vous arriverez à voir un jour votre matériel complètement détraqué, vos rails seront usés et vous vous verrez obligés à des dépenses énormissimes.

Tout cela, on ne le compte pas ; les industries qui profitent de la situation s'inquiètent fort peu du trésor public. L'industriel ne demande qu'une chose : c'est de faire des bénéfices certains, et c'est naturel. Mais la Chambre, qui représente le pays, doit mettre un temps d'arrêt à de pareilles prétentions.

On doit dire : Nous n’irons pas jusque-là, parce qu’il n'est pas juste que l'on impose au pays de pareils sacrifices à votre avantage et que le premier principe de la Constitution, c'est l'égalité de tous devant la loi.

(page 932) Maintenant, les lignes que l'on vous cite, sur lesquelles les calculs ont été basés, à l'exception de la grande ligne d'Anvers à Douai, sont toutes les meilleures lignes exploitées. Celtes qui restent à faire, et pour lesquelles vous prenez des engagements, sont les petites lignes sur lesquelles il n’y aura pas de profits. Ne croyez donc pas que vous aurez un mieux avec le temps, vous aurez une perte plus forte.

Messieurs, je me trouvais, il y a un an environ, avec le président d’une société et d'une grande société de chemin de fer, qui en exploite plusieurs, et en parlant d'une ligne que je ne citerai pas ici, il me disait : Cette ligne ne rapporte pas de quoi graisser les rouages des voitures. Voilà ce que sont la plupart des petites lignes. Or, ces petites lignes se feront nécessairement ; car ceux qui construiront feront un bénéfice, et ces petites lignes, que vous vous êtes engagés à reprendre, viendront encore réduire vos bénéfices. Vous aurez aussi de ces lignes qui seront sans produits, sur lesquelles on ne gagnera pas de quoi graisser les rouages des voitures ; et votre denier, au lieu de s'élever, diminuera encore.

Voilà l'opération que l'on soumet à votre approbation, à la dernière heure de la session, lorsqu'on n'a plus le temps d'apprécier les conséquences très graves qui menacent le trésor public.

Je ferai des observations analogues pour le matériel.

La valeur du matériel est portée, dans la convention, à 18 millions de francs à payer par l'Etat par annuités.

Je désire savoir comment s'effectuera ce payement ; si l'Etat émettra des titres négociables ou bien s'il versera annuellement entre les mains de la société la somme qu'il s'engage à payer. Remarquez-le bien, messieurs, le matériel est le gage des créanciers de la société et si le gouvernement émettait des obligations négociables, les actionnaires seraient fondés à nous prendre à partie.

Je désire donc savoir quelle marche on compte suivre cet égard.

Messieurs, je conçois votre empressement à vouloir terminer cette session ; j'aurais volontiers parlé plus longuement sur cette question, mais je crois en avoir dit assez pour prouver qu'il est indispensable d'accepter la motion d'ajournement présentée par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

Maintenant, messieurs, si vous ne reculez pas devant les sacrifices énormes que cette convention imposera au trésor, eh bien, alors, soyez justes et acceptez les mêmes sacrifices au profit de toutes les localités. Comment voulez-vous que les sacrifices faits au profit de quelques provinces soient supportés par ceux qui continueront à subir des tarifs plus élevés ?

Messieurs, la suppression des sociétés d'exploitation est une grande et déplorable calamité pour le pays.

Il ne faut pas se faire illusion, vous avez un corps du génie qui renferme quelques hommes d'un grand mérite, auxquels je suis heureux de rendre hommage ; mais la plus grande masse se compose d'esprits étroits, encroûtés.

Ainsi à une époque où l'on réclamait si vivement contre l'état des chemins de fer, une grande commission fut nommée pour examiner les questions qui se rattachaient à nos voies ferrées, j'eus l'honneur de faire partie de cette commission, et dès la première réunion nous apprîmes que l'Etat venait de contracter un engagement pour la construction de 150 locomotives nouvelles ; mais nous apprîmes en même temps que des sociétés concurrentes avaient des locomotives d'un modèle infiniment supérieur, que les ingénieurs de l'Etat avaient accepté le modèle primitif.

Nous déléguâmes trois membres de la commission en Angleterre pour faire une enquête au sujet des locomotives employées dans ce pays, et savez-vous, messieurs, quel fut le résultat de cette enquête ? C'est que. depuis vingt ans, le modèle accepté par le gouvernement était abandonné.

Les délégués de la commission revinrent avec le nouveau modèle et le gouvernement fut obligé, malgré l'insistance de certains ingénieurs, d'annuler le marché qu'il avait fait pour les 150 locomotives et de contracter un marché nouveau pour 150 locomotives du nouveau modèle. Voilà, messieurs, ce qu'est un corps d'ingénieurs qui n'est point stimulé par l'aiguillon de l'intérêt privé.

Chacun connaît les réclamations si vives qui furent faites dans cette Chambre à l'époque où nos trains ne faisaient que quatre lieues à l’heure. Que s'est-il passé ? L'industrie privée est arrivée avec des perfectionnements, l'Etat a dû suivre et nous avons pris pour base la vitesse de huit lieues à l'heure.

Vous voyez donc, messieurs, que la suppression des compagnies d'exploitation est une grande calamité pour l'Etat, parce qu'il n'y a que l'intérêt privé qui suit tous les perfectionnements, qui les applique et les développe, qui sait réaliser des bénéfices et que, quand nous n'aurons plus ce stimulant côté de nous, nous nous trouverons dans un état stationnaire, qui ne sera pas à l'avantage de l'Etat.

MtpJµ. - L'excellent discours que mon honorable ami, M. Sainctelette, a prononcé, non point à côté de la question, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, mais au cœur même de la question, en démontrant, d'une manière si lucide, les avantages de l'unité d'exploitation, a singulièrement simplifié ma tâche.

Je n'aurai donc qu'à rencontrer d'une manière sommaire les observations qui ont été présentées par divers orateurs qui ont pris part ce débat.

Le premier, messieurs, qui se soit occupé du projet de loi dont l'examen vous est soumis en ce moment, l'honorable M. Beke, n'hésite pas à lui donner son approbation.

Il regrette toutefois qu'en traitant avec la Société générale d'exploitation, l'Etat ait laissé à cette société le soin d'exploiter le réseau des Flandres.

Il a énuméré les vices de la situation actuelle qui créent, en effet, à ces régions une situation d'infériorité incontestable.

Les réclamations dont l'honorable M. Beke s'est fait l'écho sont fondées. et en traitant avec la Société générale d'exploitation, je me suis efforcé d'améliorer cette situation de telle façon que les populations desservies par les chemins de fer des Flandres puissent jouir à l'avenir, au moins en ce qui concerne l'agencement du service des voyageurs, de presque tous les avantages que leur aurait assurés l'exploitation par l'Etat.

Ces efforts, messieurs, je suis heureux de l'apprendre à l'honorable M. Beke, ont été couronnés de succès et ont abouti à la signature d'une convention dont je me bornerai à lire le préambule, qui prouve sous l’empire de quels sentiments nous avons traité :

« Les soussignés ont examiné de commun accord les moyens d'améliorer le transport des voyageurs entre les lignes de la Flandre occidentale et les chemins de fer de l'Etat.

« Ils ont reconnu qu'eu égard surtout à l'exécution prochaine de la section de Thielt à Lichtervelde, qui joindra la ligne de Dunkerque à Lichtervelde par Furnes et Dixmude à la ligne de Thielt à Deynze, il importe d’organiser entre Gand et la Flandre occidentale par Deynze, Thielt, etc., des trains directs et de soustraire ainsi le public aux inconvénients de l'attente à Deynze ;

« Qu'il importe également d'organiser des trains directs transportant les voyageurs sans transbordement entre Bruxelles et Poperinghe par Denderleeuw, Sottegem, Audenarde, Courtrai, Ypres, etc. ;

« Que l'organisation entre Bruxelles et Poperinghe de trains indépendants de ceux qui circulent entre Bruxelles et Gand permettra de mieux assurer la correspondance, à Courtrai, des trains marchant dans les diverses directions. »

Messieurs, la convention qui, après ce préambule, règle l'exécution de ces nouveaux services porte qu'ils seront mis en vigueur à partir du1er juin, de telle sorte que les voyageurs qui se servent des lignes de la Flandre occidentale, jouiront, six mois plus tôt que les voyageurs des lignes que nous reprenons, des avantages de cette convention.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ils payeront toujours le double.

MtpJµ. - Je m'efforcerai d'établir également l'accord quant aux tarifs.

Je pense cependant que l'honorable M. Vandenpeereboom ne méconnaitra pas les sacrifices considérables que fait l'Etat pour faire jouir les voyageurs qui empruntent les lignes de la Flandre occidentale de la plupart des avantages que procure l'exploitation directe par l'Etat.

Le mal dont on se plaignait, avec raison, quant aux correspondances à Courtrai, provenait de ce que, en partant à la même heure de Bruxelles, d'une part, par la voie de Gand, d'autre part, par celle de Denderleeuw-Audenarde, il était impossible de correspondre à Courtrai.

Pour remédier à ce mal, l'administration s'impose la dépense de trains supplémentaires qui, partant de Bruxelles après ceux allant à Gand, pourront arriver à Courtrai en correspondance avec les premiers et réciproquement.

Elle va plus loin, elle organisera entre Bruxelles et Poperinghe, par Audenarde, Courtrai, Ypres, etc., des trains directs conduisant les voyageurs à destination sans changement de voiture.

Ce sont là des avantages très sérieux. Ceux que trouveront, dans la nouvelle organisation, les voyageurs arrivant les lignes de l'Etat par Deynze ne seront pas moindres.

Non seulement ces voyageurs n'auront plus les ennuis de l'attente à (page 933) Deynze, mais conduits directement à Gand, ils y trouveront un plus grand nombre de correspondances pour se rendre dans les diverses parties du pays.

Ce sont là, je le répète, des modifications considérables qui nécessiteront des sacrifices que ne sauraient méconnaître mes honorables collègues des Flandres.

L'honorable M. de Maere, dans l'excellent langage auquel il vous a habitués, a tracé à grands traits la situation de notre réseau de chemins de fer.

Il a indiqué d'une manière saisissante les vices de ce système de lignes construites par les compagnies, s'enchevêtrant dans les lignes exploitées par l'Etat, amenant chaque jour des conflits plus fréquents, une compétition plus ardente pour la possession du trafic, rendant l'exploitation plus difficile et plus onéreuse et menaçant de rompre, entre les sociétés et l'Etat, l'harmonie si nécessaire à l'intérêt public.

L'honorable membre a critiqué l'exagération da nombre des concessions qui ont été accordées, selon lui, dans des conditions aussi funestes pour les intérêts des sociétés elles-mêmes que pour les intérêts des chemins de fer de l'Etat ; mais il serait peu équitable de faire retomber uniquement sur les gouvernements qui se sont succédé depuis 1834, la responsabilité de cette situation. Il faut que la Chambre prenne une grande part de la responsabilité, par l'attitude qu'elle a toujours prise cette matière : pas une semaine ne s'écoule sans que des représentants n'insistent dans cette enceinte pour patronner des demandes de chemins de fer qu'ils croient favorables à leurs arrondissements, exerçant ainsi sur le gouvernement une pression regrettable.

Reconnaissons, au reste, que l'esprit humain ne pouvait avoir la prescience de l'avenir réservé aux chemins de fer et nulle part, on peut le dire, les pouvoirs publics n'ont organisé un système dont les avantages soient tellement incontestables, qu'ils aient rallié tous les bons esprits.

J'aurai l'occasion de démontrer quel a été le résultat de la liberté illimitée laissée, en Angleterre, à l'industrie privée en cette matière, liberté illimitée dont M. Le Hardy s'est constitué le défenseur et qui a produit de si funestes résultats pour l'industrie anglaise.

L'honorable M. de Maere nous a montré la force des choses amenant les fusions dont les chemins de fer de l'Etat ont été victimes et devant conduire à une concentration dans les mains de l'Etat de toutes les lignes construites par les compagnies.

L'honorable membre a pris soin de nous mettre en garde contre ces terreurs exagérées de l'influence que pourrait mettre entre les mains de l'Etat l'exploitation d'un réseau aussi considérable, en vous faisant remarquer que parmi les compagnies en France il en est plusieurs qui ont un réseau égal à celui que nous serons appelés à exploiter.

L'honorable membre loue la convention soumise à votre approbation dans son ensemble et dans ses détails ; il ne reste dans son esprit qu'un point noir, c'est de voir, comme M. Beke, le réseau des Flandres laissé en dehors de la convention ; je pense que les explications que je viens d'avoir l'honneur de donner à M. Beke auront dissipé tout nuage dans l'esprit de l'honorable membre.

Le discours de M. Le Hardy a été, comme il a pris soin de le dire lui-même en commençant, le contre-pied du discours de M. de Maere, non seulement dans le fond, mais dans la forme. A l'urbanité de M. de Macre, M. Le Hardy a cru convenable d'opposer une attitude qui vous a justement émus.

Après avoir déclaré, sans apporter la moindre preuve de cette accusation, aussi grave que téméraire, que le gouvernement, dans cette convention, avait sacrifié les intérêts publics à des intérêts privés, l'honorable membre a défendu à la moitié de la Chambre de prendre part au vote, leur déniant le droit et le pouvoir d'y prendre part.

La réprobation unanime de la Chambre, dont, en cette occasion comme toujours, l'honorable président s'est montré l'éloquent interprète, a fait justice de cette étrange attitude et de ces doctrines plus étranges encore.

La première partie du discours de l'honorable membre a eu pour but de critiquer ce que je disais, dans l'exposé des motifs, de la situation actuelle en Angleterre.

J'avais dit, messieurs, et je maintiens qu'en Angleterre, dans ce pays de liberté commerciale et industrielle, on est si frappé des effets désastreux produits par la concurrence que l'on considère le rachat des chemins de fer par le gouvernement comme une nécessité prochaine.

L'honorable membre, afin sans doute de venir donner lecture à la Chambre de ses notes sur l'enquête qui a été faite en Angleterre, a feint de croire que cette énonciation de ma part reposait absolument sur les conclusions de l’enquête.

Je me suis borné à mettre en note, dans l'exposé des motifs, l’opinion de sir Rowland Hill, l'un des membres les plus autorisés de la commission d'enquête et l'un des hommes les plus pratiques de l'Angleterre en cette matière.

Quant à la situation actuelle des esprits en Angleterre, sur cette question, je maintiens, je le répète, tout ce que j'ai dit dans l'exposé des motifs et j'indiquerai à la Chambre, en quelques mots, les faits qui ont amené cette situation en Angleterre.

Depuis le moment, messieurs, où le parlement anglais, concédant le premier chemin de fer, supposait que cette nouvelle voie de communication serait mise à la disposition du public, pour y faire circuler, moyennant une redevance fixe payée à la compagnie, des voitures que chacun serait libre de construire sur un modèle déterminé, bien des systèmes ont été préconisés pour la meilleure utilisation de cette force qui devait exercer sur la production une révolution telle, qu'on n'en saurait trouver d'analogue dans l'histoire des siècles passés.

L'erreur la plus longtemps accréditée en Angleterre, et dont l'industrie de ce pays reconnait aujourd'hui cruellement la fausseté, était qu'en cette matière comme dans toutes celles qui nous étaient connues, il suffisait de faire naître la concurrence pour en faire jaillir les grands profits qu'elle amène pour le consommateur.

Le succès qu'obtinrent les premières compagnies, l'esprit d'entreprise qui caractérise à un si haut degré la race anglaise, l'abondance des capitaux que la paix avait accumulés, la tendance manifeste du parlement anglais, de 1835 à 1845 surtout, à favoriser la construction de ces lignes sur tous les points du pays, amenèrent la construction de lignes multiples entre toutes les localités un peu importantes de l'Angleterre.

D'après le rapport pour 1866 du Board of Trade, les capitaux engagés dans la construction des chemins de fer anglais montent à plus de 12 milliards, qui se partagent comme suit :

Les compagnies ont reçu de leurs actionnaires ordinaires environ 5.700,000 fr. ; pour les actions privilégiées 3,350,000 fr. ; enfin elles ont hypothéqué les travaux existants pour une somme de plus de. 2, 975,000,000 fr. Total : 12,025,000,000 fr.

Avec cet argent on a construit 176 lignes mesurant ensemble environ 22,000 kilomètres, ce qui porte le coût kilométrique à 546,363 francs, ce qui, soit dit en passant, fait ressortir le prix moyen de construction des ligues anglaises à 120,000 francs de plus par kilomètre que le prix payé par l'Etat belge.

Les faits, messieurs, semblèrent d'abord justifier les prévisions du législateur anglais en réalisant les aspirations des industriels. Une lutte ardente s'établit entre les compagnies rivales qui, par des réductions générales de péages, ou par des avantages considérables accordés aux maisons qui pouvaient leur assurer un trafic important, cherchèrent à s'assurer la plus forte part du trafic en vue duquel elles avaient été créées.

Mais cette lutte, dont le commerce et l'industrie devaient, semblait-il, profiter dans une proportion presque indéfiniment croissante, eût une issue tout fait inattendue : la ruine d'une partie des compagnies qui avaient engagé entre elles ces luttes mortelles.

A la veille de sombrer dans un commun désastre, toutes ces compagnies firent entre elles des alliances d'autant plus étroites que leurs luttes avaient été plus acharnées.

L'industrie anglaise expie cruellement aujourd'hui son erreur ; aux tarifs de guerre, qui lui avaient fait une situation privilégiée, succédèrent des tarifs qui apportèrent une grande perturbation dans les relations que leurs lignes étaient appelées à desservir.

Les relèvements de tarifs furent d'autant plus considérables que les plaies à guérir étaient plus profondes.

Il fallait non seulement trouver dans le relèvement les moyens de faire face aux obligations que l'on avait contractées pour sortir de la lutte, mais il fallait encore trouver la rémunération des capitaux énormes engloutis dans la construction de trois ou quatre lignes parallèles alors qu'une seule ligne, desservant les mèmes relations, aurait trouvé, dans des tarifs moitié moins élevés, une rémunération très large.

Les fusions créèrent des monopoles dont les propriétaires abusèrent du droit de rançonner l'industrie et le commerce.

Les récriminations qui éclataient de toutes parts déterminèrent le (page 934) gouvernement anglais à créer, en décembre 1865, une commission royale ayant pour but d’étudier par voie d'enquête toutes les questions se rattachant aux progrès de l'exploitation des chemins de fer en général.

Le rapport, accompagné de trois volumes d'annexes contenant les dépositions de nombreux témoins anglais et étrangers, fut déposé le 7 mai 1867. C'est un tableau fidèle de l'étal des chemins de fer en 1865-66 et qui peut être regardé comme tout à fait complet, au moins en ce qui concerne le Royaume-Unis.

Rien de plus instructif que la lecture de ces documents.

Le régime suivi en Belgique, régime bâtard, il est vrai, a des inconvénients qui se sont révélés surtout dans ces dernières années, mais à ceux qui pensent que ce régime a créé au pays une situation d'infériorité sous le rapport de l'exploitation de nos voies ferrées, on peut sans crainte répondre que les conclusions de l'enquête anglaise révèlent dans ce pays, où une liberté complète a été laissée à l'initiative des compagnies, une situation inférieure à beaucoup d'égards à celle de nos chemins de fer.

Il suffit de parcourir la nomenclature des réformes que la commission indique comme désirables, pour comprendre combien, à certains points de vue, l'industrie et le commerce se trouvent sous la dépendance étroite des compagnies.

En fait de tarifs, l'arbitraire le plus absolu semble régner.

Un des vœux de la commission est de voir chaque station obligée, lorsqu'elle en est requise, d'exhiber une liste officielle des tarifs et des frais d'expédition de cette station, et de donner tous les renseignements nécessaires, quant aux contrats spéciaux, remises, rabais et autres réductions ou avantages, pour que chacun, ajoute le rapport, « puisse aisément s'assurer s'il est traité sur un pied d'égalité avec les autres. »

Il résulte, en effet, d'un travail remarquable publié dans la Quarterly Review que les compagnies ne seraient tenues à aucune obligation à cet égard. Il n'est point rare de voir des traités particuliers faire à des industriels de la même localité des conditions de prix différentes, pouvant ainsi ruiner ceux que l'absence de leurs faveurs place dans une position inférieure.

L'agencement des trains donne lieu à d'autres réclamations. Les compagnies ne semblent pas se croire obligées à pourvoir d'une manière suffisante aux besoins sans cesse croissants du trafic des voyageurs de troisième classe.

La commission exprime le désir de voir les compagnies obligées d'avoir, sur chaque ligne, au moins deux trains par jour munis de voitures de troisième classe, et de distribuer des coupons de retour de troisième dans les trains mixtes, lorsqu'il y en a pour les premières et les secondes.

La majorité de la commission n'indiquait point de modification radicale à apporter au système suivi en Angleterre, mais deux de ses membres insistèrent vivement pour que l'Etat prît en mains la propriété des chemins de fer, seul remède, selon eux, à la situation précaire actuelle.

L'un des membres de la minorité est sir Rowland Hill, le promoteur de la réforme postale en Angleterre dont on peut résumer ainsi le rapport :

Les chemins de fer ne sont pas des entreprises commerciales ordinaires : Ils constituent par leur nature de véritables monopoles. Il n'est donc pas rationnel de les abandonner à jamais à des compagnies qui les exploitent en vue de leurs seuls profits. ils devraient être dans les mains du gouvernement, seul chargé des intérêts généraux du pays.

Il conclut au rachat graduel par l'Etat de toutes les lignes du réseau anglais, en énumérant comme suit tous les avantages qu'il faut s'attendre à obtenir de cette grave réforme :

Bénéfice pécuniaire pour l'Etat.

Bénéfice pour les actionnaires, auxquels un revenu stable serait assuré.

Sécurité contre les contestations parlementaires, aujourd'hui si ruineuses.

Réduction, éventuellement très considérable, des tarifs de transport.

Efficacité plus grande d'une administration concentrée.

Facilités plus grandes pour le service postal.

Sir Rowland Hill insiste enfin pour que, quelle que soit la décision prise à l'égard de l'Angleterre, le rachat des lignes irlandaises vienne donner matière à une expérience en grand qui pourrait trancher la question et amener la conviction dans tous les esprits.

A voir l'ensemble des faits que l'enquête a constatés, il semble vraiment que les chemins de fer aient été, pour cette malheureuse Irlande, plutôt une entrave qu'un instrument de progrès.

Voici quelques chiffres qui établissent nettement la situation financière des compagnies irlandaises, et qui laissent pressentir l'influence désastreuse qu’elle exercent sur le commerce et l’agriculture dans ce pays.

Sur 34 compagnies qui se partagent le réseau :

2 comprenant ensemble 11 lieues sont en faillite.

2 comprenant 18 lieues ont cessé l’exploitation.

6 comprenant 84 lieues ne paient pas de dividende depuis trois ans sur leurs actions privilégiées.

10 comprenant 72 lieues ne donnent pas de dividendes à leurs actions ordinaires.

7 comprenant 147 lieues donnent un dividende inférieur à 3 p. c., taux de l'intérêt des fonds publics.

6 comprenant 256 lieues donnent plus de 3 p. c., mais moins que l'intérêt commercial, leurs actions étant cotées au-dessous du pair.

Une seule exploitant une longueur de deux lieues est considérée comme une bonne spéculation industrielle, et ses actions font prime.

Cette triste situation a provoqué la nomination d'une nouvelle commission dite des chemins de fer irlandais, dont le but est de faire une enquête préliminaire à la question du rachat des lignes irlandaises.

Les résultats déjà obtenus sont consignés dans deux rapports ; l'un, déposé le 30 avril 1868, contient tous les faits relatifs à l'état de ces lignes pendant les trois dernières années ; l'autre, datant du 7 décembre, renferme une étude attentive des tarifs appliqués en Belgique et des résultats qu'on pourrait attendre pour le trésor de leur application à l'Irlande.

Ces faits devront de base à la discussion parlementaire qui décidera si l'on entrera, pour les chemins de fer irlandais, dans la voie qu'on a suivie l'an dernier pour les télégraphes anglais.

Mais, pour qui connaît l'Angleterre, ce qui est bien plus concluant que les enquêtes officielles pour se faire une idée de l'opinion publique dans la patrie des chemins de fer, ce sont les études nombreuses sur cette question que publient les journaux et les revues de toutes les opinions.

Reprenant la thèse déjà émise par M. Gall, en 1843, dans une brochure intitulée « Railway reform », qui fit beaucoup de bruit à Londres, plusieurs hommes dont le nom a une grande autorité dans cette question consacrent de nombreux articles à la défense de cette opinion que toutes les lignes de chemins de fer doivent être rachetées par l'Etat.

On peut citer parmi les organes les plus importants de la publicité appartenant à différents partis :

L'Economist dans les articles qu'il a publiés lors de la promulgation de la loi sur le rachat dos télégraphes, et où il émet le vœu voir tous les grands monopoles de la circulation placés dans les mains de l'Etat.

Le Daily News, dans une série d'études qui montrent la nécessité, la possibilité et l'avantage de la possession des chemins de fer par le gouvernement.

Enfin, la Quaterly Review, dans un long travail, analyse les rapports des diverses commissions d’enquête, et conclut en disant que le temps est venu où les grandes routes de la civilisation moderne doivent rentrer, comme jadis, dans les mains de l'Etat qui n'est que la société organisée.

Voilà quelle est l'opinion publique dans le pays où est née l'admirable invention des chemins de fer. Auprès de leur berceau et après quarante années d'une expérience que rien n'est venu entraver, on y déclare que le grand principe de la libre concurrence est absurde, lorsqu’on veut l'appliquer aux chemins de fer.

Quelle est la situation actuelle en Belgique ?

Les inconvénients de notre système bâtard, l'exploitation de l'Etat et des compagnies s'enchevêtrant, se sont accentués dans les derniers temps. Les compétitions pour la possession du trafic sont devenues plus ardentes, les conventions de services sont devenues plus difficiles à conclure et à maintenir, et c'est presque toujours l'administration des chemins de fer de l'Etat qui a fait tous les sacrifices en vue d'obtenir une harmonie si nécessaire pour assurer dans de bonnes conditions ce grand service public.

Le remède était-il dans l'abandon aux compagnies de l'exploitation des lignes de l'Etat que préconise l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ?

Je ne pense pas que cette idée rencontre dix partisans dans cette Chambre.

Pour moi, aux premières ouvertures qui m'ont été faites à ce sujet, j’ai répondu que ce n'était pas à l'heure où le gouvernement anglais, aux applaudissements de la nation tout entière, venait de racheter les lignes télégraphiques concédées aux compagnies, que j’entrerais en négociation pour vendre nos chemins de fer.

J'ai pu constater bientôt que sur ce point j'étais en communauté étroite de sentiments avec le pays tout entier. Quand la question fut soulevée dans la presse belge, l'opinion publique s'est énergiquement prononcée pour la concentration aux mains de l'Etat de toutes nos lignes de chemins de fer.

La convention que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation est un premier pas fait dans cette voie. Je crois qu’elle constitue (page 935) un acte et profitable pour tous. Je pense surtout que l'industrie et le commerce, dont le développement merveilleux a exercé une si grande influence sur la prospérité sans cesse croissante de notre cher petit pays, en obtiendront des résultats considérables dans l’avenir. Votre vote nous dira, messieurs, si le gouvernement a compris et réalisé vos aspirations.

La seconde partie, messieurs, du discours de l'honorable M. Hardy est la reproduction littérale du discours qu’il a prononcé à la séance du 27 avril 1869. L'honorable membre pense, sans doute, qu'il en est de ses discours comme de l'œuvre de certains compositeurs. A la première audition, la pensée du maître est à peu près incompréhensible pour les profanes qui, quelquefois, très irrévérencieusement, laissent entendre que leur oreille n'est pas absolument charmée ; on compte alors que l'éducation de ces oreilles rebelles se fera après deux ou trois auditions. Mais comme, pour ma part, je n'ai pas une foi aussi robuste que l'honorable membre, quant au plaisir que peut trouver la Chambre dans ces redites perpétuelles, je me borne à m'en référer aux Annales parlementaires, session de 1868-1869, pages 732 et suivantes. (Interruption.)

Un mot pourtant sur une idée que l'honorable M. Le Hardy a présentée sons une forme nouvelle.

Ce seront, a-t-il dit, les petits verres qui payeront le déficit produit dans les caisses de l'Etat par l'exploitation des chemins de der.

Et, messieurs, l'honorable membre est entré dans une très longue dissertation pour vous démontrer que l'exploitation des chemins de fer est une source de pertes pour le trésor public, au lieu d'être une source de profits, comme vous le supposiez.

Je n'entrerai pas, cet égard, dans de grandes digressions, le bilan général de nos voies de communication ayant une éloquence toute particulière.

Nos routes coûté, de 1830 à 1867, de 45 à 50 millions, leur entretien s'élève à près de 2 millions et depuis la suppression des barrières, elles ne produisent rien.

Nos voies navigables ont coûté bien près de 120 millions pour leur établissement ou leur achat ; elles coûtent d'entretien 14 ou 15 cent mille francs, et elles produisent 1,700 mille francs environ.

Il est bien évident qu'on ne saurait parler, pas plus pour les routes que pour les voies navigables, ni d'intérêt, ni d'amortissement.

Voici maintenant le compte général des chemins de fer de 1834 à 1867.

Les recettes de l'exploitation se sont élevées à 588,500,000 fr ; ; les produits indirects à 3,900,000 fr. soit 592,400,000 fr.

Les frais d'exploitation ayant été pendant cette période de 335,900,000 fr., l'excédant des recettes sur les dépenses est de 256,500,000 fr., qui ont été versés au trésor public.

Quant à l'exercice 1868, la différence entre les frais d'exploitation et les produits s'élève à 13,500,000 francs.

L'honorable me prouvera sans doute que je me trompe et que tant de millions versés dans le trésor public n'empêchent pas l'exploitation des chemins de fer par l'Etat d'être désastreuse pour les finances du pays.

L'honorable membre a-t-il été plus heureux dans l'examen des articles de convention ? Je ne le crois pas.

C'est l'article 44 que l'honorable membre critique surtout. Eh bien, messieurs, c'est précisément l'article dont je tire vanité et sur lequel je m’appuie pour déclarer que cette convention est une excellente affaire pour l'Etat.

Jusqu'à présent l'exploitation des lignes concédées se faisait par l'Etat, moyennant l'abandon d'une quotité de 30 p. c. du produit brut.

Cette quotité a donné en 1867, pour le chemin de fer de Dendre-et Waes, après onze années d'exploitation, 15,326 francs, comme annuité kilométrique.

Pour Tournai à Jurbise, après 10 années d'exploitation, une somme de 19, 520 francs par kilomètre.

Aujourd'hui, messieurs, non seulement l'Etat prélève, sur les premiers 18,000 francs, 61 p. c. au lieu de 50 p. c. ; mais, au delà de 15 mille francs, la recette tout entière appartient à l'Etat.

Quant à la garantie d'un revenu de 21,000 francs par kilomètre en 1871 et de 22,000 en 1872 et en 1875 dont l'énonciation a fait tant rire l'honorable membre et dont il parle comme d'un « truc » dont j'aurais été victime, je regrette que l’honorable membre n'ait pas lu l'exposé des motifs qui nous portaient à croire que le produit probable des lignes reprises s'élèvera à 22,000 francs par kilomètre en 1872 et que, des lors, il n'y rien de téméraire dans la garantie que nous donne la Société générale d'exploitation.

Ainsi que le disait tout l'heure l'honorable M. Sainctelette, l'opinion publique ne s'est point méprise sur les avantages considérables que l'industrie et le commerce peuvent raisonnablement espérer de l'exécution de la convention. Elle a accueilli le dépôt de ce projet, comme la plupart d'entre vous, messieurs, avec une faveur qui me console largement des critiques de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

L'honorable M. Hagemans m'a demandé des explications sur l'article 17 de la convention. Je suis obligé de m'en référer aux explications que j'al données à la section centrale et qui sont consignées dans son rapport.

Je promets bien volontiers à l'honorable membre d'avoir égard aux recommandations qu'il me fait au sujet de la prompte construction du chemin de fer de Frameries à Chimai et de ses extensions. C'est sous ce rapport surtout que la convention produira des effets vraiment providentiels pour les arrondissements de Thuin et de Charleroi en assurant la construction de chemins de fer concédés depuis tant d'années et que la Société des bassins houillers va pouvoir construire, grâce aux ressources nouvelles qu'elle trouve dans le concours da gouvernement pour la construction des lignes nouvelles.

C'est là un point que je trouve capital dans la convention, et toutes les populations, qui attendent depuis 1866 l'exécution de lignes qui doivent leur apporter des éléments nouveaux de prospérité et de richesse, seront sans doute de mon avis.

Quant au personnel de la Société générale d'exploitation, dont a parlé M. Hagemans, toute liberté est laissée au gouvernement. Nous apprécierons les aptitudes des employés de la Société d'exploitation, mais dans tous les cas, dans les mesures que nous prendrons, nous n'oublierons pas les considérations d'humanité dont a parlé l'honorable membre.

L'honorable M. de Montblanc a parlé également de la situation qui est faite au réseau de la Flandre occidentale. Je ne puis que m'en référer aux explications que j'ai données à l'honorable M. Beke et qui, je l'espère, satisferont également l'honorable M. de Montblanc.

L'honorable M. Dumortier, qui a accusé bien à tort l'honorable M. Sainctelette de faire un discours à coté du projet de loi, a fait, lui, ce qu'il reprochait, sans raison, à l'honorable rapporteur.

Il est venu nous faire un discours sur la réforme des tarifs de 1866 il n'a pas ajouté d'arguments nouveaux à ceux que, tant de fois déjà, il a indiqués dans cette enceinte.

Je regrette qu'il n'ait pas saisi l'occasion qui lui était offerte hier, par le projet de loi qui a été discuté, pour engager sur ce point une discussion sérieuse.

Nous avons soumis à la Chambre un rapport complet sur cette question, et je déclare que j'appelle de tous mes vœux, de même que mon honorable prédécesseur, une discussion approfondie sur ce rapport, persuadé qu'il nous sera facile de faire justice de toutes les accusations dont cette réforme a été l'objet.

Pour l’honorable membre, toute la question git dans le revenu qu'apporte à l'Etat l'exploitation du chemin de fer. Tout est pour le mieux quand le chemin de fer rapporte 7 à 8 p. c. da capital engagé dans la construction de nos chemins de fer.

Il ne tient aucun compte des avantages considérables que l'industrie le commerce ont recueillis des abaissements de tarifs.

L'honorable membre est venu parler ensuite des charges qui résultent, pour la Société d'exploitation, dos obligations qu'elle a contractées envers d'autres compagnies. J

Je crois que le gouvernement n'avait pas à s'immiscer dans cette question. La convention ne porte aucune atteinte aux droits des tiers, que ceux-ci ont à sauvegarder comme ils l'entendent.

Je termine, messieurs, par une observation propos du chiffre de 28,000 francs qui m'a fait dire à l'honorable membre que c'est là un chiffre de fantaisie, ce qui excité, chez l'honorable membre, une colère qui n'était nullement justifiée par mon reproche.

Je dirai que c'est un chiffre insuffisamment analysé.

Vous exploitez, dit l'honorable membre, à 28,000 francs par kilomètre eu quand, sur une recette de 15,000 francs, il ne restera que 8,000 francs, vous essuierez une perte de 20,000 francs par kilomètre.

Si l'exploitation de notre réseau actuel nous coûte 28,000 francs, c'est qu'il nous en produit 50,000 et nous avons à faire face à un trafic considérable.

(page 936) La vérité est qu’aujourd'hui nous exploitons à 55.90 p. c. du montant brut des recettes.

Et comme la convention nous assure 61 p. c. sur les premiers 18,000 francs, l'honorable membre voit que ses craintes sont puériles et qu'il nous reste une marge suffisante.

Je laisse de côté, messieurs, à l’heure avancée de la séance, les considérations qu'a fait valoir l'honorable membre pour se rallier à la motion d'ajournement de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

La Chambre comprendra que ce n'est point là une proposition sérieuse. C'est, il faut bien le reconnaître, le rejet du projet de loi.

La Chambre appréciera si, après les efforts qu'a faits le gouvernement pour aboutir à la conclusion d'une convention qui a rencontré une approbation aussi réelle dans le pays, elle veut prendre la responsabilité d’un pareil acte.

- La discussion est close.

M. le président. - Il y a lieu de voter d'abord sur la proposition d'ajournement.

- Il est procédé au vote par assis et levé.

L'ajournement n'cst pas adopté.

Vote de l’article unique

M. le président. Nous passons au vote sur l'article unique du projet.

Voici la rédaction nouvelle présentée par le gouvernement.

« Article unique. La convention relative à des chemins de fer concédés conclue, le 25 avril 1870, entre le gouvernement belge, d'une part, la Société anonyme des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut et la société anonyme dite : Société générale d'exploitation de chemins de fer, d'autre part, est approuvée moyennant les modifications ci-après :

« 1° La disposition suivante est ajoutée à l'article 43 :

« Pour le chemin de fer de Dour à la frontière française dans la direction de Cambrai, à l'expiration de la concession da chemin de fer de fer de Dour à Quiévrain.

« 2° Le chiffre de 12,500 francs est substitué au chiffe de 12,000 francs dans le paragraphe 2 de l'article 49. »

- L’article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal.

67 membres y prennent part.

53 répondent oui.

10 répondent non.

4 s’abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bricoult, Broustin, Castilhon, David, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Lesoinne, Lippens, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Thienpont, T'Serstevens, Van Cromphaut et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Vander Donckt, Van Wambeke, Wasseige, Wouters, de Liedekerke, de Naeyer, de Theux, Dumortier, Mulle de Terschueren et Schollaert.

Se sont abstenus :

MM. Couvreur, de Montblanc, Julliot et Le Hardy de Beaulieu.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître à la Chambre les motifs de leur abstention.

M. Couvreurµ - La nécessité de la reprise des lignes enchevêtrées dans le réseau de l'Etat me paraît démontrée ; c'est pourquoi je n'ai pas voté contre ; d'un autre coté, je n'ai pas voulu voter pour, à cause des conséquences du principe et à raison du peu de temps qui m'était donné pour émettre un vote éclairé.

M. de Montblancµ. - Je me suis abstenu pour les motifs que j’ai fait valoir dans mon discours.

M. Julliot. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pu assister qu'à une partie de la discussion.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai fait connaître à la Chambre.

M. le président. - La section centrale propose le renvoi de plu sieurs pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Ce renvoi est ordonné.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur la situation des fondations de bourses, prescrit par l'article 44 de la loi du 19 décembre 1864.

Motion d’ordre

M. Guillery. Je désire ne pas laisser clore la session sans avoir appelé l’attention de M. le ministre de l'intérieur sur les réclamations incessantes faites par des instituteurs primaires au sujet du payement de leurs traitements.

L'année dernière, j'ai déjà eu l'honneur d'adresser au gouvernement une interpellation à ce sujet.

L'honorable ministre de l'intérieur, dont la bienveillance pour les instituteurs primaires n'est pas douteuse et qui en a donné plusieurs fois la preuve, m'a répondu que ces réclamations portaient sur une erreur.

J’en conclus que sa religion a été trompée.

Evidemment il y a des vices dans l'administration ou dans les moyens employés pour régler ce payement ; évidemment les instituteurs primaires ont des ressources tellement modiques, que c'est bien le moins que ces fonctionnaires si dignes d'intérêt reçoivent régulièrement leur traitement comme les autres fonctionnaires publics.

J'appelle donc de nouveau l'attention de M. le ministre sur ce point, et je le prie, s'il a des renseignements sur les causes du retard que je signale, de nous les communiquer immédiatement.

MiPµ. - Je voudrais pouvoir entrer dans quelques détails sur la question qui vient de m'être posée ; mais je crois que le moment est peu convenable

Je me bornerai donc à faire remarquer que le traitement des instituteurs primaires est à la charge des communes et qu'elles doivent en faire le payement.

Je pense aussi, messieurs, qu'il y a, dans le Brabant surtout, certaines communes rurales qui ne font pas ce qu'elles doivent faire. Je dois con stater que les communes rurales de la province de Brabant se distinguent entre toutes par l'apathie qu'elles montrent à l'égard de l'enseignement primaire. Dans la plupart des communes de cette province, ce qu'on fait pour l'enseignement primaire est réellement illusoire.

Je suis très décidé à prendre les mesures les plus énergiques pour que ces communes se maintiennent à la hauteur du reste du pays

Je dois dire également que, selon moi, l'administration provinciale n'est pas tout à fait innocente de ce qui se passe à cet égard. Elle a maintenu, malgré tout ce qui se passe dans les autres provinces, une jurisprudence qui réduit pour ainsi dire à néant l'intervention des communes. Il résulte de là que, bien que la ville de Bruxelles ne reçoive pas de subside pour l'enseignement primaire, le Brabant reçoit cependant plus que sa part, relativement aux autres communes du pays.

Les communes qui font ainsi de si faibles sacrifices pour l'enseignement primaire sont peut-être quelquefois en retard de payer les instituteurs ; elles n'ont cependant aucune excuse à cet égard ; elles ont certes le moyen de payer le premier trimestre de traitement aux instituteurs communaux, et si elles ne le font pas, elles sont en défaut.

Les instituteurs n'ont qu'à s'adresser à la députation permanenta ; quant à moi, je n'ai reçu de leur part aucune réclamation à cet égard.

Mais je préviens publiquement les instituteurs qu'ils peuvent s'en plaindre à la députation permanente.

- Un membre. - Et l'inspection ?

Mipµ. - L'inspection, messieurs, s'exerce d'une manière très complète, mais les inspecteurs n'ont pas d'action à cet égard ; les instituteurs doivent s'adresser la députation permanente quand on ne paye pas leur traitement.

Remarquez qu'il s'agit d'un service communal et que d'ailleurs, à l'heure qu'il est, nous avons déjà liquidé les subsides de l'année pour presque toutes les provinces.

M. De Fréµ. - Après deux ans d'attente.

MiPµ. - Non, je parle des subsides de l'année courante, de 1870. fait valoir dans mon discours.

Le règlement définitif des subsides du Brabant présente certaines difficultés, parce que l'administration provinciale ne contraint pas les communes à subsidier l'enseignement primaire comme elles le doivent.

Mais je n'ai pas voulu que la liquidation des subsides dût souffrir du retard, et pour l'éviter, malgré les difficultés qui existent, j'ai fait liquider la moitié des subsides de l'année, de sorte que le premier semestre de 1870 est, à l'heure qu'il est, liquidé.

Mais je tiens à bien le constater, messieurs, les subsides ne fussent-ils pas liquidés, le traitement des instituteurs devrait encore être payé, parce (page 937) les communes n'ont pts le droit de dire qu'elles attendent que les subsides de l'Etat soient liquidés ; elles doivent payer, et elles le peuvent.

Il ne faut donc pas s'en prendre au gouvernement s'il y des retards à cet égard, ce qui ne m'est, du reste, pas signalé. On sait que, dans notre pays. il y a une grande indépendance communale ; et je n'ai pas directement le droit de faire mandater un traitement ; ce droit appartient la députation.

Mais il faut blâmer les communes qui ne font pas ce qu'elles doivent faire, et au lieu de demander toujours des subsides au gouvernement pour l'enseignement primaire, il faut qu'on ait le courage de dire à certaines communes que ce qu'elles font à cet égard est dérisoire et même ridicule.

Et si la Chambre le veut, j'indiquerai quelques chiffres pour montrer jusqu'à quel point les administrations communales sont répréhensibles.

Je prends la liste des communes du Brabant et j'en vois une qui reçoit du gouvernement 1,300 francs et en dépense 150 ; une autre commune reçoit 3,331 et en dépense 360 ; une troisième reçoit 816 francs et en dépense 50 ; une quatrième reçoit 1,333 francs et en dépense 71.

J'en citerai comme cela pendant une demi-heure.

Non seulement encore les communes ne donnent pas de fonds pour l'enseignement primaire, mais elles n'exigent pas de rétribution scolaire, et voici où nous en sommes arrivés.

Les rétributions scolaires du Brabant, pour une population de 860,000 habitants, s'élèvent à 56,000 francs et les rétributions scolaires du Luxembourg, qui compte 200,000 habitants, s'élèvent à 105,000 francs. ce qui fait sept fois autant !

M. Schmitzµ. - Ce qui prouve que le Luxembourg n'est pas seul à recevoir les subsides du gouvernement.

MiPµ. - Je rends justice à ce qui se fait dans le Luxembourg en matière d'enseignement ; aussi l'enseignement s'y développe parfaitement.

Voilà donc un fait bien remarquable que je signale : dans le Luxembourg, où les rétributions scolaires sont si énormément plus élevés que dans le Brabant, nous voyons que l'enseignement primaire est plus développé.

Vous voyez donc, messieurs. les difficultés qui se présentent ; je suis obligé de lutter avec les communes du Brabant pour qu'elles exigent une rétribution scolaire et qu'elles subsidient l'enseignement.

Ma réponse à l'honorable M. Guillery se résume donc en deux mots. Il n'y a aucun retard imputable au gouvernement et aucun fait spécial ne m'a signalé. S'il y a retard dans certaines communes, ce que j'ignore n'ayant pas reçu de plainte, il n'y a qu'un fait communal, local, ne tenant à aucune cause générale ; il appartient à la députation de faire effectuer les payements. Si, au surplus, des faits me sont signalés, je blâmerai les administrations retardataires et, s'il y a lieu, je verrai si des peines disciplinaires peuvent être prononcées.

M. de Rossiusµ. - C'est probablement parce qu'il y a des progressistes dans le conseil provincial du Brabant.

M. De Fréµ. - Les observations présentées par les instituteurs ne se rapportent pas à l'enseignement primaire proprement dit, mais surtout aux écoles d'adultes.

Il y un mois seulement que les subsides pour les écoles d'adultes pour 1868-1869 ont été liquidés.

Il en résulte que beaucoup de communes ont fermé leurs écoles d'adultes, telles que la commune de Droogenbosch et autres, dont je ne me rappelle pas les noms.

Je reconnais volontiers aussi qu'il y a des communes qui ne s'occupent pas suffisamment de l'instruction primaire, mais il faut rendre à chacun ce qui lui revient et reconnaitre que l'Etat était en retard en ce qui concerne son intervention pour les écoles d'adultes.

MiP. - En ce qui concerne les écoles d'adultes, je n'ai pas été prévenu et je ne puis répondre. M. Guillery n'a parlé que du traitement ordinaire des instituteurs primaires et j'ai pu lui répondre, mais je ne puis, sans prendre des renseignements, donner des explications sur ce que dit M. De Fré. Je ferai toutefois remarquer que le subside pour les écoles d'adultes monte à une très petite somme pour chaque commune, et qu'ainsi les communes peuvent parfaitement payer l'instituteur sans attendre les subsides. .

M. Guillery. - Je remercie M. le ministre des explications qu'il vient de donner. Qu'il s'agisse de l'instruction primaire proprement dite ou des écoles d'adultes, on ne peut pas dire que l'instituteur n'a qu'à se plaindre ; il me semble qu'il y a là une question qui n'est pas connue du ministre, c'est que les instituteurs n'osent pas se plaindre, car ils ont craindre les vengeances et les rancunes, et ce n'est que par personnes interposées que j'ai pu obtenir des renseignements.

J’insiste donc auprès de M. le ministre de l'intérieur pour qu'il agisse en cette circonstance comme il le désire d'ailleurs et qu'il soit le protecteur des instituteurs contre l'indigne conduite de certaines administrations communales.

M. Funckµ. - Ce n'est pas, comme le dit l'honorable M. de Rossius, parce qu'il y a des progressistes dans le conseil provincial du Brabant. que certaines communes de la province ne remplissent pas leurs obligations ; mais c'est surtout par la faute du gouvernement.

La loi de 1842 porte : « Les frais de l'instruction primaire sont à la charge des communes ». Les communes doivent donc porter à leur budget cette dépense qui leur est imposée par la loi, et quand elles ne portent pas à leur budget les sommes nécessaires pour faire face à leurs obligations, c'est, aux termes de la loi communale, au gouvernement à y porter ces sommes d'office. C'est donc le gouvernement ou son représentant, le gouverneur, qui devrait agir auprès de ces communes pour les obliger à remplir convenablement leur devoir en matière d'instruction primaire.

MiPµ. - Je tiens de dire précisément à la Chambre que j'agirai de tout mon pouvoir pour forcer les communes de la province du Brabant à porter ces sommes à leur budget, mais je trouve que c'est une singulière excuse de la conduite de ces communes. que c'est une singulière justification que de proclamer que les communes sont coupables, mais qu'elles trouvent une excuse dans l'absence de répression.

Sans doute le gouvernement doit agir et il agit ; mais on ne réforme pas une situation pareille en un jour.

M. Funckµ. - Personne ne cherche à excuser ces communes, mais à vous qui venez vous plaindre de leur conduite, on vous dit seulement : Faites exécuter la loi.

MiPµ. - Je le ferai ; mais blâmez ces communes avec moi, et vous, échevin de Bruxelles, qui ne reçoit pas de subsides parce que les communes rurales ne font pas ce qu'elles devraient faire, vous avez tous motifs pour vous joindre à moi et pour demander que ces communes rurales remplissent leurs obligations.

M. Funckµ. - Non seulement je me joins à vous ; mais je me plains de ce que vous n'ayez pas agi plus tôt, et je persiste à le regretter.

- L'incident est clos.

Ajournement indéfini de la chambre

M. le président. - Messieurs, je crois être l'organe de votre vœu en déclarant que la Chambre s'ajourne indéfiniment. (Oui ! oui !)

- La séance est levée cinq heures.