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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 22 mars 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 615) M. Dethuinµ fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture da procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrints présente l'analyse des pièces adressés à la Chambre.

« Le sieur Mollings demande que les officiers d'infanterie ne soient plus admis à l'examen pour l'intendance ou du moins qu'à leur admission dans l'intendance, ils soient classés à la fin des officiers de leur grade. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bruyère, ancien distributeur des postes à Waterloo, déclare qu'il n’est pas signataire de la pétition portant son nom et qui avait pour objet une demande de secours. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Saint-Jean-Geest prie la Chambre d’accorder à la compagnie Dessart la concession d'un chemin de fer de Maestricht par Jodoigne et Wavre. »

« Même demande de l'administration communale de Marilles-Nodrange et de Bomal. »

- Même renvoi.


« Des instituteurs assermentés de l'arrondissement d'Audenarde demandent une augmentation de traitement et leur assimilation aux secrétaires communaux quant à la dotation de leur caisse de retraite. »

M. Lelièvreµ. - J'appuie la réclamation et j'en demande le renvoi à la commission des pétitions qui sera invitée à faire un prompt rapport. La position des instituteurs et celle des secrétaires communaux méritent d'être prises en considération.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Vonêche prient la Chambre d'autoriser M. le ministre des travaux publics à accorder au sieur Brassine la concession d'un chemin de fer d'Athus à la frontière française dans la direction de Givet. »

« Même demande d'habitants de Monceau, Naomé, Graide, Oisy, Bourseigne-Vieille, Jehouville. »

M. Thibautµ. - Messieurs, depuis un mois, la Chambre a reçu de nombreuses pétitions qui demandent, les unes la concession d'un chemin de fer de Jemelle à Givet, les autres la concession d'une ligne de Givet à Athus.

Déjà l'honorable M. Vander Donckt a fait rapport sur quelques-unes de ces pétitions et j'ai vivement regretté qu'une indisposition ne m'ait pas permis d'assister, la semaine dernière, à la séance ce rapport a eu lieu.

J'aurais appuyé de toutes mes forces le vœu des pétitionnaires. Du reste, j'espère que la question ne tardera pas à être discutée devant la Chambre.

Pour le moment, je me borne à demander un prompt rapport sur la pétition qui vient d’être analysée et sur d'autres pétitions de même nature qui pourraient encore être déposées sar le bureau.

- Cette proposition est adoptée.


« Des femmes de compagnie du régiment des grenadiers réclament contre la réduction du prix de leur salaire qu'on veut leur faire subir partir du 1er avril. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Zele propose des modifications la loi sur le domicile de secours. »

« Même pétition des membres du conseil communal de Basel. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi modifiant la loi sur le domicile de secours.


« Le sieur Landinois demande que la taxe des lettres qui se transmet dans l'intérieur de la commune soit réduite à 5 centimes et que celle des cartes de visite soit augmentée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi portant abaissement de la taxe des lettres. »


« e sieur Félicien-Joseph Deroyer, tailleur à Anthée, né dans cette commune, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des sauniers de Gand demandent que le sel raffiné soit frappé à l'entrée d'un droit de 6 francs par 100 kilogrammes et proposent une modification à l’article 11 du projet de loi qui porte abolition du droit sur le sel. »

Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi.


« Des cultivateurs à Deynze, Gavre, Asper demandent une modification à l’article 5 de la loi du 27 juin 1842 sur les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi portant augmentation des droits sur les eaux-de-vie.


« La commission d'agriculture de la province d'Anvers demande que le nouveau code rural contienne des dispositions pour la conservation des bois, bordures et taillis principalement. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de code rural.


« Des brasseurs de Bruxelles, Lierre, Anvers et Flobecq demandent l'abolition du droit d'entrée sur les orges. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Par message du 18 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi qui apporte des modifications à quelques dispositions des lois électorales. »

- Pris pour notification.


« M. Vanden Broeck fait hommage à la Chambre d'un exemplaire de l’ouvrage qu’il vient de publier sous ce titre : « La Magistrature tournaisienne » (1789-1870).

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Schollaert, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à la concession ferroviaire de Dour à Quiévrain

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à concéder un chemin de fer de Dour à Quiévrain.

- La Chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et met le projet à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1871

Discussion générale

M. le président. - La parole est continuée à M. Le Hardy de Beaulieu.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je vous disais, dans la (page 616) séance de vendredi, que je considérais comme un acte regrettable à tous les points de vue, que eût supprimé virtuellement l’amortissement de la dette publique. Supprimé virtuellement ; car, en effet, d’après cette loi, quand les fonds sont au-dessus du pair c'est-à-dire lorsqu'il y a abondance d'argent, l'amortissement cesse pour ne reprendre que lorsque les fonds sont au-dessous du pair, c'est-à-dire lorsqu'il y a disette d’argent et lorsque l'Etat est plus près d'emprunter que de payer.

J’ajoutais que je considérais cette mesure comme contraire aux intérêts bien entendus, aussi bien de l'Etat, comme représentant des intérêts généraux de la nation, que des prêteurs et surtout des contribuables.

C’est pour la démonstration de cette proposition que je vous demande quelques instants d'attention. En mème temps, je me propose de rechercher par quels moyens on pourrait arriver à réduire, aussi promptement que possible, les charges considérables que la dette impose aux contribuables.

Voyons d'abord les faits.

Messieurs, tous les Etats qui sont en voie de prospérité s'attachent à amortir leurs dettes. Tous les Etats, au contraire, qui n'amortissent pas, ou qui diffèrent d'amortir, qui attendent, pour le faire, des occasions meilleures, finissent par arriver à des positions extrêmement difficiles, quelquefois désastreuses. La banqueroute attend d'une façon mathématiquement certaine les Etats qui n'amortissent pas.

Voyons ce qui se fait ailleurs. L’Angleterre, au sortir des grandes guerres continentales, en 1816, avait à peu près pour 22 milliards de francs de dettes ; elle n'en a plus aujourd'hui que 16 à 17 milliards. Tous les efforts de ses financiers ont constamment tendu depuis la paix, malgré les obstacles de plus d'un genre mis en travers que leurs vues, particulièrement depuis 1822, à réduire ce lourd fardeau et à l'alléger autant que possible.

Des propositions qui seront probablement soumises dans le cours de la session actuelle au parlement, auront pour but de hâter le moment de la délivrance.

Les Etats-Unis, qui n’avaient eu jusqu’en 1862 qu’une dette extrêmement légère, presque nulle à certains moments, ont été chargés à la suite et comme conséquence de la guerre de sécession, d’une dette considérable ; tous leurs efforts, depuis quatre ans que la guerre est terminée, se concentrent sur la réduction de cette dette et que, d’après les derniers rapports du ministre des finances, comme d’après les propositions actuellement en discussion au congrès, cette dette sera allégée dans très peu de temps en intérêts comme en capital, d’une somme considérable.

L'Allemagne du Nord, qui avait également contracté de grandes obligations par suite de la guerre de 1866, a fait tous ses efforts pour ne pas inscrire de nouvelle dette au grand-livre.

Au contraire, l'Espagne qui, de 1857 à 1861. avait joui d'une prospérité relative, au lieu de profiter de l'occasion favorable et d'employer ses ressources à alléger ses engagements, a profité de cette prospérité passagère pour agrandir encore ses obligations envers ses créanciers.

Je n'ai pas besoin d'entrer dans de longues considérations pour vous faire connaître la situation financière actuelle de l'Espagne ; on peut dire qu'elle se débat bien plutôt contre ses difficultés financières que contre des causes politiques. Citerais-je l'Autriche, l'Italie et d'autres Etats qui empruntent toujours et n'amortissent jamais, se créent des difficultés inextricables et voient leurs hommes d'Etat sans cesse arrêtés dans leurs intentions les meilleures par les difficultés qui naissent d'une situation financière embarrassée.

Messieurs, ces considérations que j'abrège vous montrent combien il est dangereux pour les Etats endettés de ne pas profiter des moments de prospérité, des moments d'abondance d'argent pour amortir leurs dettes, et c'est précisément, comme je vous le disais tantôt, ce que nous avons fait l'année dernière.

Messieurs, j'ai déjà abordé cette question l'année dernière, mais je crois le moment opportun pour reprendre cette importante discussion. On objecte que dans ce moment les créanciers de l'Etat, les porteurs d'obligations des emprunts nationaux seraient lésés, si l'Etat remboursait tout à coup sa dette. C'est possible, si l'on n'examine la situation qu'au jour le jour ; mais qui nous garantit que l'intérêt de demain ne sera pas diamétralement contraire à celui d'aujourd’hui ?

Ne regretteraient-ils pas, les créanciers de l'Etat, la cessation de l'amortissement si un événement quelconque venait troubler nos finances, de ne pas avoir reçu le montant ou l'équivalent de leur créance dans un moment de prospérité ?

Messieurs, nous ne représentons pas ici les capitalistes, ni les créanciers de l'Etat. qui étaient libres de prêter ou de ne pas prêter. Nous représentons les contribuables, qui ne sont pas libres. eux, de ne pas payer les impôts, et c'est au point de vue de ceux-ci que nous devons nous placer.

M. Bouvierµ. - Et le crédit de l’Etat ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Or, messieurs, les contribuables ont l'intérêt le plus immédiat, le plus direct à être allégés des dettes dont ils doivent servir les intérêts.

La démonstration matérielle de cette vérité s'est faite dans cette enceinte il n'y a pas longtemps, quelques jours à peine.

Qu'est-ce qui a permis à 1'honorable ministre des finances, ces jours derniers, de nous proposer l'abolition du droit sur le sel et la réduction du port des lettres à dix centimes, si ce n'est l'économie qu'il a réalisée l'année dernière par le remboursement de la dette 4 p. c.

C'est bien là une preuve décisive de l'intérêt des contribuables au remboursement de la dette ou à son amortissement. Que ne pourrions-nous pas réaliser d'économies dans le budget de l'Etat, que ne pourrions-nous pas faire de choses utiles si nous n'avions pas l'obligation d'inscrire annuellement à notre budget ce chiffre de 30 millions pour subvenir aux intérêts de la dette publique ?

Comme je vous le disais vendredi dernier, à aucune époque de l’exécution la plus fiévreuse de nos travaux publics, nous n'avons dépensé pour ces travaux plus de 23 millions.

Si donc nous n'avions pas à payer 30 millions par an pour les intérêts de notre dette, nous pourrions consacrer cette somme entière soit à 1'exécution de choses utiles, soit à réduire les impôts d'une somme équivalente. Si elle servait à l'exécution de travaux utiles, il ne resterait aucun intérêt à servir, aucune obligation à remplir à la suite et l'on pourrait s'arrêter le jour même où l'intérêt de l'Etat l'exigerait, sans laisser aux générations qui nous suivent aucune charge par l'exécution de ces travaux.

L'intérêt des contribuables à être déchargé de la dette est donc aussi clair, aussi évident, je pense, qu’il est possible de le démontrer,

Reste à examiner si l'intérêt de l'Etat comme représentant l'ensemble des intérêts de tous, est d'accord avec celui des créanciers et des contribuables.

Messieurs, il va de soi que l'Etat ayant à payer et l'amortissement de ses emprunts doit, chaque année, avoir recours à des impôts, car l'Etat n'a rien que ce que lui payent 'les contribuables. S'il survient un incident politique ou autre, s'il survient une simple perturbation diplomatique et que l'Etat soit obligé d'augmenter subitement les dépenses arrêtées, il sera obligé ou de demander aux contribuables de nouveaux sacrifices ou de recourir au crédit ; tandis que si la dette était remboursée, s'il n'avait pas eu cette lourde charge inscrite annuellement en tète de son budget, il est évident qu'il serait beaucoup plus libre dans ses allures, exactement comme le particulier qui, n'ayant ni dettes ni intérêts à payer, est beaucoup plus libre dans son action.

L'intérêt de l'Etat. comme représentant des intérêts généraux, est donc aussi clair, aussi évident dans cette question de l'amortissement que celui des créanciers de l'Etat et des contribuables.

Messieurs, j'appellerai encore votre attention sur un autre point de la question.

Les dettes de l'Etat sont dues par tout le monde : tous les contribuables à quelque catégorie qu'ils appartiennent, doivent en prendre leur part, qu'ils aient ou qu'ils n'aient pas voulu de ces charges, qu'ils y aient ou non consenti. Et chez nous, messieurs, vous le savez, un très petit nombre de contribuables prennent part au gouvernement de l'Etat, et par cette circonstance que des charges considérables peuvent être contractées à leur corps défendant non seulement par des contribuables qui n'y trouveraient aucun intérêt, mais même par des générations qui ne seraient pas encore nées et qui pourraient juger que ces dépenses ou étaient inutiles ou même leur sont nuisibles.

Aussi, est-ce mû par cette considération que, l'année dernière, j'ai exprimé que, d’après moi, notre mandat, notre pouvoir ne va pas jusqu'à imposer des dettes à la nation. D'après le texte et l'esprit de la Constitution, nous avons certes plein pouvoir pour voter annuellement tous les dépenses que nous jugeons nécessaires ou utiles et toutes les ressources pour y faire face. Mais elle ne nous donne nulle part aucun pouvoir pour répartir les dépenses et les charges sur les années qui suivent, d'ou il résulte implicitement pour moi la négation de notre pouvoir de créer des dettes à charge des contribuables présents et futurs. Il résulte de là que non seulement nous n'avons pas d'intérêt à créer des dettes, mais lorsqu'elles existent, nous avons un intérêt direct, immédiat à les amortir ; en outre, quand sans cause de force majeure, (page 617) nous créons des dettes, nous ne le faisons qu'en outrepassant notre droit.

M. Bouvierµ. - C'est trop fort ! Je demande la parole.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Oui, c'est même beaucoup trop fort. Comment ! quand il s'agit de payer l'impôt, tout le monde est égal devant la loi, tout le monde est appelé à la caisse, mais quand il s'agit de contrôler, de voter, alors c'est autre chose. Combien y en a-t-il qui sont appelés devant l'urne électorale ?

M. Bouvierµ. - Nous ne discutons pas la réforme électorale.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ferai remarquer à M. Bouvier que c'est lui qui m'a interrompu.

Messieurs, ce n'est pas la seule remarque que j'ai à faire sur ce point.

La population des campagnes, qui forme les 4/5 de la nation belge et qui, à raison de son nombre, contribue dans une large proportion aux dépenses de l'Etat, par conséquent, au payement des intérêts de la dette publique, la population des campagnes, dis-je, est très souvent complètement désintéressée dans les dépenses que les emprunts ont pour objet de solder.

- Une voix. - C'est trop fort !

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J’ai déjà eu occasion de citer mon propre arrondissement comme exemple de cette absence d'intérêt, et puisque l’on dit que c'est trop fort, je me permettrai de revenir sur cet exemple.

Mon arrondissement contribue pour sa part proportionnelle aux charges de l'Etat annuellement pour une somme d'environ 4 1/2 millions, je voudrais bien savoir ce que l'Etat lui donne, sous une forme ou sous une autre, en échange de cette somme. J'ai à m'en rendre compte, et je ne suis pas arrivé à 1 million ; encore suis-je très large ; que l'on fasse les calculs et on s'en convaincra,

Or, messieurs, ne comprenez-vous pas que c'est là la cause première, sinon directe, de l'émigration des populations des campagnes vers les villes ?

Les impôts que nous payons à l'Etat sont en moyenne de plus de 30 fr. par tète, c'est-à-dire de plus 150 francs par famille ; ne comprend-on pas dès lors que les populations des campagnes qui n'ont pas de salaires élevés et qui n'ont pas un travail assuré toute l'année ne puissent pas résister au poids des charges qui leur sont imposées et qu'elles sont obligées de chercher des salaires plus élevés dans les grands centres ?

M. de Brouckere. - Elles ne payent presque rien.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Permettez-moi d'attendre une autre occasion pour vous répondre ; je pourrais facilement faire le compte de ce que chacun paye en Belgique. Je me borne, dans ce moment, à vous dire, pour ne pas entrer dans un autre ordre d'idées que celui je me trouve, qu'il n'y a pas en Belgique un seul chef de famille qui ne paye au moins deux fois ce qui lui serait nécessaire pour être électeur ; que si l'on pouvait, par un coup de baguette magique, transformer en charges directes les charges indirectes supportées par les populations, nous arriverions certainement à cc résultat.

Vous voyez donc, messieurs, que des intérêts très compliqués et surtout très graves, comme je le disais vendredi dernier, se trouvent cachés derrière les 30 millions d'intérêts de la dette publique et que, si nous ne prenons pas des mesures pour alléger les charges que cette dette impose à tout le pays et particulièrement aux campagnes, nous pourrons arriver tôt ou tard à des conséquences excessivement graves.

Pour résumer cette partie de mon exposé, je dirai donc que le contribuable a le droit, puisqu'il a l'intérêt, d'exiger que nous portions toute notre attention sur la question de la dette publique, que nous l'allégions rapidement et par les moyens les plus économiques possibles. Eh bien, c'est pour voir si, en continuant le système dans lequel nous nous sommes jetés par la loi du 27 mars de l'année dernière, que je viens vous apporter le faible contingent de mes recherches.

Est-il possible de rembourser notre dette ou de l'alléger sensiblement, si nous ne pouvons la rembourser hic et nunc ? Est-il possible de soulager, d'une façon qui en vaille la peine, les contribuables des villes aussi bien que ceux des campagnes ?

Je réponds immédiatement que cela est possible. Je sais bien que l'honorable ministre des finances, dans une réponse qu'il a faite l'année dernière à la section centrale, pour la loi que je viens de citer, a émis un avis diamétralement contraire, et c'est précisément parce qu'il a émis cet avis contraire que j’aurais désiré de le voir à son banc et que j'avais demandé examiner la question en sa présence, afin d'avoir, sur ce point, une discussion véritable. Mais, puisqu'il n'est pas ici, je discuterai la question devant la Chambre, comme je la discute devant le pays.

Messieurs, plusieurs moyens ont été employés, en Angleterre particulièrement, et d'autres sont proposés en Amérique, pour arriver à la réduction aussi prompte et aussi peu onéreuse que possible des dette qui chargent ces deux pays. Je puis donc résoudre affirmativement la question que je posais tantôt. Ce qui est possible en Angleterre n'est pas nécessairement impossible en Belgique. quoi qu'on en puisse dire. Par conséquent, nous ne perdons pas notre temps en recherchant les moyens d'alléger le fardeau de la dette de l'Etat.

En Angleterre, il n'y a pas d'amortissement fixe, mais la chambre des communes comme tous les chanceliers de l'échiquier s'attachent chaque année à réaliser sur le budget toutes les économies possibles. Tout l’excédant du budget est employé à l'amortissement de la dette. C'est le véritable, le. seul amortissement. Car amortir comme nous le faisons quelques années et notamment depuis que je siège dans cette Chambre, amortir 34 millions et en emprunter 120, me paraît pas d’une saine logique financière.

De plus, depuis plus de vingt ans les financiers anglais n'ont emprunté que temporairement à très courts délais, et ils ont eu pour principe de faire supporter les dépenses extraordinaires en très grande partie par l'impôt sur le revenu. Tout le monde sait que les frais de la guerre de Crimée, comme la guerre d'Abyssinie entre autres, ont été payés sur les ressources provenant de l'impôt sur le revenu, et cette année, les charges produites par ces deux guerres étant fort allégées, cet impôt sera notablement diminué, afin de pouvoir l'augmenter, le cas échéant, si de nouvelles charges extraordinaires venaient à se présenter.

L'emploi de tous les excédants des budgets, tel est un des moyens les plus efficaces de réduire la dette, employés en Angleterre.

On en a d'autres. De temps en temps, en 1855 notamment et probablement cette année encore, on crée ce qu'on appelle, en Angleterre, des annuités terminables ; au moyen des fonds produits par la rente de ces annuités, on rembourse d'autant la dette consolidée. Les annuités terminables consistent en ceci. L'Etat vend une livre, soit 25 francs de revenu, pendant 30 ou 50 ans par exemple contre un capital qu'il reçoit comptant.

Les dettes terminables en 1885 se vendent actuellement la bourse de Londres 11 1/2 livres. Vous achetez donc 11 1/2 liv. soit 290 francs, un revenu annuel d'une livre ou 25 fr. 1/4 jusqu'en 1885. A cette époque, toutes les obligations de l'Etat cessent.

Il y a actuellement 100 millions payés chaque année par le trésor anglais pour cette dette terminable, de sorte qu'en 1885. le budget de la dette publique anglais sera allégé de 100 millions de francs. M. Gladstone en 1866, et depuis, son successeur M. Lowe, ont proposé une nouvelle opération de ce genre.

L'Etat ou, si l'on veut, le trésor anglais, émet aussi sur une échelle beaucoup plus réduite, parce que, sans doute, il n'a pas encore trouvé des formules aussi économiques et aussi avantageuses, pour les particuliers, des rentes viagères dont le capital est également employé à la réduction de la dette consolidée.

Vous voyez donc, messieurs, que les moyens de soulager le peuple du fardeau de la dette existent en réalité, et je puis penser qu'il ne serait pas impossible de les réaliser dans notre pays, sinon sur une aussi grande du moins sur un pied proportionnel aux ressources du pays.

En Amérique, dans ce moment, on propose de convertir la dette, c'est-à-dire de remplacer une dette contractée, au moment des grands besoins et de la rareté d'argent, à un intérêt élevé, par une dette nouvelle contractée au moment de la prospérité, et à un intérêt moindre. Vous avez pu lire ce matin dans l'Indépendance une correspondance de New-York qui donne à ce sujet de grands détails, que je n'ai pas besoin de répéter ici, et qui vous donnera tous les renseignements nécessaires.

Pour alléger et ensuite pour faire disparaître la dette, je recommande donc, pour me résumer, la création d'annuités terminables, de rentes viagères, les économies sur les budgets, surtout celles-là, et enfin la conversion.

A mon avis, messieurs, après avoir examiné ces différents systèmes, je crois que nous devons employer, et cela le plus tôt possible, pendant l’ère de prospérité financière que nous traversons et sans attendre une époque malheureuse, que nous devons employer aussitôt les moyens que j'ai eu l'honneur d'indiquer.

J'ai parlé de la conversion. Qu'est-ce que la conversion ? C’est l’émission d'un emprunt à intérêt réduit et le remboursement au pair des dettes qui portent un intérêt supérieur. D'après moi, le moment est très favorable pour cette conversion et je crois, ainsi que je vais avoir l’honneur de le (page 618) démontrer, qu'il est possible de convertir toute notre dette 4 1/2 p. c. en dette 3 p. c.

Nous devons encore actuellement, d'après l'exposé du projet de budget de la dette publique, un capital de 448 millions portant un intérêt annuel de 4 1/2.

Je ne parle pas de la dette de 2 1/2 p. c. inconvertible, ni de celle à 3 p. c. qui va finir bientôt.

A quel taux pourrait-on émettre un emprunt à 3 p. c. ?

Le 3 p. c., d'après le taux de la Bourse de ces derniers jours, et particulièrement de la bourse d'hier, est à 91.

L'Etat a racheté l'année dernière, d'après la note jointe aux développements du budget, pour 1,891,000 francs de 3 p. c., à un taux dépassant 91.

Le 3 p. c. n'atteint donc pas encore le taux du 3 p. c. anglais, bien que l'intérêt de l'argent, d’après le dernier rapport de la Banque Nationale, ait été à meilleur compte en Belgique qu'en Angleterre dans le cours de l’année dernière.

Si ce taux ne s'élève pas plus haut malgré des circonstances tout à fait favorables, puisqu'il ne reste plus que quelques annuités de 5 p. c. à payer, c'est dû à la concurrence du 4 1/2 p. c. qui ne se vend que 104 au plus.

Le 4 1/2 p. c. est donc, relativement à l'intérêt produit, à infiniment meilleur marché que le 3 p. c., et les capitalistes ayant le choix entre les deux dettes, s'ils sont attirés d'un côté, par l'espoir aléatoire de voir une hausse sc produire sur le 3 p. c. par suite du prochain remboursement de cette dette, ils sont retenus, d'autre part, par le bon marché relatif du 4 1/2 p. c. Il se décide, par conséquent, presque toujours pour le 4 1/2.

Il est évident, messieurs, qu'une dette remboursable qui peut être remboursée au pair, ne s'élèvera jamais de beaucoup au delà de ce pair. Par conséquent, le taux de 4 1/2 ne représente pas exactement le taux de l'intérêt en Belgique.

D'autre part, examinons les emprunts des villes. je vois que l'emprunt de Bruxelles, 3 p. c. 1853, est à 101 fr. 50 c.

M. de Brouckere. - Il est à prime.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - La prime est très peu de chose. Elle n'explique certainement pas la différence des cours qui existe entre des obligations également à primes et dues par la même ville. Ainsi, le 1853 est 101.50, le 1856 à 98.75, le 1862 à 102 et le 1867 à 104. Tous ces emprunts sont à primes.

Prenons le 2 1/2 p. c.. de Liége, le 2 p. c. 1853, 73.25, le 3 p. c. 98,30, le 1859 d'Anvers 102, le 1867 99.25 ; tel est le cours des emprunts de villes 3 p. c.

M. Bouvierµ. - Avec prime.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Si nous examinons le 3 p. c. des chemins de fer concédés, nous voyons qu'ils atteignent le taux de 320 pour 15 francs de rente.

Pour rembourser les 468 millions de la dette existante à 4 1/2 p. c. par une émission en 3 p. c., en la supposant à 90, c'est-à-dire de 1 p. c. de moins que le cours actuel et de 9 à 14 p. c. de moins que le cours des emprunts émis par les villes, on devrait émettre un capital nominal de 498 millions ; la dette s'accroitrait donc en capital de 30 millions.

Mais l'intérêt annuel descendrait de 20.268,000 fr. à 14,940,000 fr., il aurait donc une économie sur l'intérêt de 5,308,000 francs.

Si l'on ajoute à cette première économie celle de 2,253,000 francs employée à l'amortissement, on obtient annuellement 7,700,000 francs d'économie sur le budget de la dette publique. Eh bien, messieurs, n'est-ce pas là une chose qui doit attirer toute votre attention ? Doit-il nous être indifférent d'économiser annuellement une somme de 7 1/2 millions ? Mais notez, messieurs, qu’en le faisant, en diminuant ainsi l'intérêt payé aux créanciers de l’Etat, nous servons l'industrie qui produit le travail et comme conséquence les salaires.

Quelle est la grande difficulté de l'industrie les trois quarts du temps ? C'est de se procurer des capitaux à bon marché, et que faisons-nous lorsque nous créons des emprunts à un intérêt élevé ? Nous enlevons les capitaux nécessaires à l'industrie et réclamés par le travail.

Oui, voilà que nous faisons, de telle sorte qu'en ne remboursant pas la dette, vous feriez un double mal aux classes laborieuses ; vous augmenteriez le prix du capital qui doit produire le travail, et, comme conséquence, vous diminueriez le travail et du même coup le salaire des travailleurs. D'un autre côté, vous leur enlèveriez même une partie des salaires qu'ils gagnent, car sur quoi payent-ils les impôts si ce n'est sur leur salaire ? Or, quelque minime que soit l'impôt, il est toujours trop fort pour des gens qui ne gagnent pas même toujours de quoi subvenir à leurs besoins les plus pressants.

Messieurs, si j'étais en Angleterre. je conseillerais, après avoir obtenu la conversion de la dette, de consacrer à l’amortissement toutes les économies à réaliser sur les budgets annuels.

En Angleterre, Je serais ainsi certain d'arriver assez rapidement à l'extinction de la dette. Car, depuis la dernière réforme électorale, on est arrivé dans ce pays, on est arrivé dans ce pays, chose assez singulière, à trouver le moyen de réduire le seul budget de la guerre de 67 millions, sans diminuer en quoi que ce soit les forces utiles de l'institution.

Sous l'influence de cette même réforme, on a diminué également le budget de la marine de plus de 50 millions sans amoindrir l'efficacité de celle-ci, toujours au dire des hommes compétents. Et, chose très remarquable que je vous signale comme un détail curieux, c’est que, dans l'examen de son budget, le ministre de la marine actuel a découvert que sur un seul grade il pouvait faire une économie de 8 millions de francs.

Il y avait pour 8 millions de sinécures dans un seul grade de la marine.

M. Mullerµ. - Elle était bien administrée, la marine !

MiPµ. - Tâchez de faire de pareilles découvertes.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Tant qu'on n'était pas certain d'avoir les contribuables derrière soi de très près, on ne découvrait pas ces choses. Il a fallu la réforme électorale pour arriver à ce résultat.

Je dis donc que si j'étais en Angleterre sous la même influence réformatrice et économique, je réclamerais l'emploi des excédants des recette sur les dépenses à l'extinction de la dette publique. Mais, comme nous sommes en Belgique et que j'aurais peu de chance de succès, je préférerais, pour arriver à l'extinction certaine de la dette, un moyen, un peu plus long, mais beaucoup plus sûr.

Je voudrais, par la loi de conversion, consacrer à cette extinction toute l'économie dont je parlais tout à l'heure, et je serais ainsi certain qu'en trente et un ans moins quelques semaines, nous arriverions à l'extinction complète de notre dette actuelle à 4 1/2 p. c.

Eh bien, messieurs, je crois que la nation prendrait facilement, je ne crois pas trop m'avancer en disant cela mais je maintiendrai le terme, prendrait facilement patience, si elle était certaine qu'au bout de trente et un ans elle pourrait voir allégée de 30 millions d'intérêts annuels la charge qu'elle supporte actuellement.

Elle verrait dans le fait de cette conversion un gage que nous cherchons à remplir, à son égard, toute notre première obligation, qui est de l'administrer le plus économiquement. je dirai même le plus parcimonieusement possible. Nous n'avons pas Ic droit de faire des largesses avec l'impôt, qui provient de tous..

Nous devons toujours nous souvenir que la grande majorité de ceux qui payent cet impôt ont à peine de quoi donner à manger tous les jours aux enfants qui entourent leur table.

Je dis donc que nous devons porter toute notre attention sur ce point, et c'est là le but du discours que je viens d'avoir l'honneur de prononcer devant vous ; c'est pour vous rendre attentifs à cette question que j'ai pris la parole.

Je n'ai pas l'intention de faire une proposition cette année. Je soumets la question à l'étude de M. le ministre des finances. J'espère qu'il nous fera une proposition pour le budget prochain.

Dans le cas où mon attente serait déçue, je me réserve d'user de mon initiative parlementaire.

M. Bouvierµ. - J'ai déjà eu l'honneur de le déclarer à la Chambre, et je le répète aujourd'hui, qu'à l'occasion soit du budget des finances, soit de celui des voies et moyens ou de celui que nous discutons ce ce moment, l'honorable préopinant qui vient de se rasseoir nous impose un discours, toujours le même, en quelque sorte stéréotypé à l'état fixe dans son cerveau. On a beau le réfuter, l'honorable membre recommence derechef et module de nouveau son thème unique, mais favori. Et certains de croire que l'honorable membre est dans le vrai et de l'estimer pour un économiste, un progressiste, tandis que je le classe parmi les utopistes et surtout les fantaisistes. et ce qui ajoute à l'originalité de la situation de l'honorable membre dans cette enceinte, c'est qu'après s'être escrimé pendant des heures entières sur le budget en discussion, il finit avec une grâce charmante, le sourire sur les lèvres, heureux et satisfait de lui-même par voter des deux mains le budget financier qu'il croit avoir pourfendu.

M. le président. - Rencontrez l'argumentation et laissez de côté les questions personnelles.

M. Bouvierµ. - Il n'y a rien de dans mon langage, M. le président. Je constate une situation. L’honorable membre nous pose un axiome financier qu’il est aussi mauvais pour les Etat que pour les (page 619) particuliers d'avoir des dettes ; que la nation qui a des dettes se trouve dans une situation plus défavorable que celle qui n'en a pas ; que sa puissance d'action et de production est diminuée de tout le montant de la dette qu'elle a à supporter ; que la Belgique marche, financièrement parlant, vers un cataclysme. L

'honorable membre serait dans le vrai s'il établissait et démontrait que les emprunts successivement contractés par la Belgique ont été dépenses sans profit pour la nation.

Personne n'ignore, dans cette assemblée. que nos emprunts ont eu pour but de développer et de consolider la défense nationale, et d'ajouter, par la sécurité du pays, la richesse nationale.

Mais quel est donc le montant de la dette publique qui renferme dans ses flancs tant de calamités ? Elle s'élève au chiffre de six cents et quelques millions, capital nominal, qui, en réalité, n'est que de cinq cents et quelques millions, capital effectif', et cette dette épouvantable a été, en grande partie, appliquée à l'établissement de nos chemins de fer. Mais l'honorable membre ne parle jamais que pour accuser des dettes, et oublie de s'occuper de notre actif social. Il semble que l'Etat ne possède absolument rien. Or. la nation possède pour plus de 300 millions de chemins de fer. La dépense faite de ce chef est-elle utile ? Est-elle nécessaire ? Est-elle productive ? Voilà la véritable question que l'honorable préopinant a soin de passer sous silence.

Mais, dit l'honorable membre, les campagnes de mon arrondissement ne jouissent pas de toutes les dépenses que l'Etat s'impose. Sur quatre millions qu'il verse au trésor public, il ne profite pas du quart de ce chiffre ; mais il oublie de démontrer que son arrondissement jouit de tous les services publics et de toutes les sommes qu'ils nécessitent, portées dans nos divers budgets.

Je demande à l'honorable membre comment on construirait le chemin de fer de Luttre, qui passe par son arrondissement et qui touche à Nivelles, chemin de fer qu'il a demandé à cor et à cri, si l'Etat n'empruntait pas pour le construire ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il y a quatorze ans qu'il existeràit, si l'Etat ne s'en était pas mêlé.

M. Bouvierµ. - Il y a quatorze ans qu'il existerait si l'Etat ne s'en était pas mêlé ! Cela m'étonne, et comment s'est-il fait que chaque fois qu'onc pétition arrivait à la Chambre, l'honorable membre a demandé, et avec raison, que le gouvernement s'empressât, dans l'intérêt de son arrondissement, de faire exécuter ce chemin de fer ? Et grâce aux réclamations et aux doléances de l'honorable membre, le gouvernement, avec les ressources que lui a fournies l'emprunt de 60 millions dont le préopinant se plaint, s'est exécuté, et le chemin de fer dont je parle sera bientôt une œuvre accomplie.

Mais si l'Etat mettait en pratique les axiomes financiers de l'honorable M. Le Hardy, il n'aurait pas emprunté, ce chemin de fer ne serait pas, et j'ajoute que l'Etat, empruntant pour le construire, obtiendra des revenus pour le service de la somme empruntée. L'honorable membre ne tient pas compte de ces revenus ; il ne voit que la dépense, rien que la dépense ; il ne voit qu'un passif, rien qu'un gros passif et il oublie avec une rare habileté de parler jamais de l'actif.

Avec les emprunts, nous avons ouvert des canaux ; nous en avons réduit les péages. Est-ce que ce n'est pas, encore une fois, dans l'intérêt de ces malheureux contribuables, que l'honorable membre a l'air de défendre seul dans cette assemblée ?

Messieurs, discuter de cette façon, surtout quand on est grand économiste, c'est, selon moi, se mettre à côté de la vérité et du bon sens.

Nous n'avons pas seulement emprunté, nous avons dégrevé ces fameux impôts de consommation dont l'honorable membre parle avec tant d'amour et que nous voulons à notre tour successivement voir disparaître dans la mesure du possible. Ainsi l'abolition de l'octroi n’a-t-elle pas dégrevé l'impôt de consommation de plus de 3 millions ? N'est-ce rien ? L'honorable membre, à la vérité, n'en tient aucun compte.

Les barrières ont été supprimées, 1,800,000 francs ont disparu de ce chef du budget des voies et moyens et sont entrés dans la poche de ces malheureux contribuables dont l’honorable M. Le Hardy paraît avoir seul souci. Pauvres contribuables !

L'honorable membre n'a pas soufflé mot de l'abaissement du tarif de nos chemins de fer. N'est-ce pas, encore une fois, dans l'intérêt de ceux mêmes qui profitent de toute la différence d'avec les anciens tarifs plus lourds pour eux que nous avons le tort grave d'abandonner à leur triste et malheureux sort ?

Mais si, au lieu de voter le dégrèvement de ces impôts qui pesaient sur le développement de la production de la richesse de la nation, nous en avions appliqué les revenus au rachat de nos emprunts, oh ! alors, l'honorable M. Le Hardy se serait trouvé dans la jubilation, car son rêve sur la disparition se réalisait. Plus d'emprunt et partant plus de joie.

Mais encore une fois, Je le demande à cet honorable membre, ne valait-il pas mieux seconder les efforts de l'industrie et du commerce en amortissant avec le secours du temps nos emprunts.

Mais on n'amortit plus, s'écrie l'honorable membre. C'est une erreur ! Les intérêts des titres amortis ne sont plus affectés à l'amortissement mais l'amortissement continue toujours à opérer ; et c'est grâce à cet amortissement que notre état financier s’est toujours maintenu dans une bonne situation. Qu'est-ce qui influe d'ailleurs sur une pareille situation ? C'est quand les budgets s'équilibrent, quand les dépenses ordinaires ne dépassent pas les ressources ordinaires ; non seulement nos budgets s'équilibrent, mais, depuis une douzaine d'années, ils donnent des excédants de recettes considérables qui peuvent être évalués de 10 à 12 millions par an.

Ce n'est que depuis deux ou trois ans que les excédants ont diminué par des circonstances exceptionnelles : la guerre de 1866, le choléra, le manque de confiance dans l'état de l'Europe, l'abaissement des tarifs des chemins de fer, rompant l'équilibre momentané des recettes.

Pendant cette période d'années, nous ayons employé plus de 100 millions de francs à exécuter des travaux publics en dehors du budget ordinaire de ce département au moyen des excédants de recettes.

Ces cent millions de francs ont été employés à faire des canaux, des chemins de fer, des télégraphes, sans oublier la ligne de Luttre passant par Nivelles, si chère au cœur, mais peut-être trop cher en argent pour l'honorable député de cet arrondissement.

Moi aussi, messieurs, je lis les ouvrages des économistes et tous sont d'accord pour proclamer que les meilleures dépenses d'un Etat consistent dans l'établissement des routes, des canaux, des chemins de fer, enfin dans les travaux productifs qui enrichissent les peuples qui s'y adonnent.

Remarquez cependant, messieurs, les contradictions dans lesquelles verse l'honorable membre ; au commencement de son discours, il représente la Belgique allant à sa ruine, creusant le gouffre où elle ira se perdre, et pour couronnement de ce discours, nous le voyons convier le gouvernement à convertir notre dette de 4 1/2 en 3 p. c., afin de trouver dans cette conversion de nouvelles ressources pour notre trésor.

Or, messieurs, quels sont les Etats où la conversion est possible, praticable ? Mais ce sont ceux qui accusent une bonne situation financière. De telle sorte, messieurs. que la péroraison du discours de l'honorable membre est en contradiction flagrante avec son exorde.

Messieurs, je voulais prononcer à cette tribune ces quelques paroles, afin que, dans l'opinion publique, les idées émanées de l'honorable membre ne pussent se propager sans protestation de notre part.

En résumé, il est indiscutable que la situation financière de la Belgique est une des meilleures de l'Europe. Malgré toutes les excursions que l'honorable membre a faites en Angleterre et en Amérique, notre position financière peut être comparée avec avantage à celle de ces nations, et nous tenions à le proclamer dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt des contribuables et dans celui de notre crédit public.

M. Lelièvreµ. - Messieurs, la discussion du budget de la dette publique me donne l'occasion de recommander de nouveau au gouvernement le sort des anciens officiers pensionnés dont la position mérite tant d'intérêt et qui aujourd'hui touchent une pension qui n'est pas en harmonie avec leurs besoins.

Cette observation s'applique toutes les pensions militaires. Les intéressés demandent que ces rémunérations soient régies par les principes applicables aux pensions civiles et ils demandent à être traités sur le même pied.

Je prie M. le ministre des finances de faire étudier cette question, afin de mettre fin à des réclamations qui me paraissent présenter quelque chose de fondé.

Je saisis aussi cette occasion de recommander au gouvernement les réclamations des intéressés qui ont obtenu des arrêts charge du trésor public du chef des traitements d'attente.

Il ne s'agit que d'une somme peu importante, qui avait fait l'objet d'un projet de loi présenté par le ministère De Decker.

Moi-même j'avais, en 1858, déposé une proposition de loi sur cet objet.

La Chambre a été dessaisie de ces projets suite des dissolutions de 1857 et de 1864. Il s'agit de donner suite à des décisions judiciaires prononcées par les tribunaux.

La cour de cassation a même été appelée à se prononcer.

Au moment où, par des réformes utiles, j'en conviens, on diminue les (page 620) les recettes du trésor, il me semble que l’on ne doit pas perdre de vue des créances qui ont été reconnues légitimes par le pouvoir judiciaire.

Les décisions des tribunaux doivent être respectées, et c’est certainement par erreur que des créances reconnues fondées par la justice n’ont pas été acquittées.

Il ne peut appartenir au pouvoir législatif d’entraver les arrêts judiciaires.

J'appelle donc l'attention du gouvernement sur cet objet, et il n'est pas un seul jurisconsulte qui ne se range à mon opinion sur la question dont il s’agit.

Je sais parfaitement qu'il y a plusieurs années que la Chambre a fait ce que j'appelle un coup d'Etat parlementaire.

Elle a refusé d'exécuter des décisions émanées du pouvoir judiciaire, mais cette résolution a été l'objet de la critique générale. Je pense que, dans un pays civilisé régi par des lois, il est impossible de laisser subsister un pareil scandale. Quand des particuliers, après avoir parcouru tous les degrés de juridiction, ont vu leur créance reconnue par la justice, il est inouï que le pouvoir parlementaire porte atteinte aux décisions du pouvoir judiciaire. J'engage le gouvernement à faire cesser un ordre de choses contre lequel tous les jurisconsultes n'ont cessé de s'élever.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable préopinant vient de soulever deux questions ; celle des pensions militaires et l'ancienne question des toelagen.

On examine actuellement la première de ces questions au département des finances. Je m'en réfère aux déclarations déjà faites à cet égard. Quant à la seconde, elle s'est présentée à diverses reprises devant la Chambre qui, chaque fois, par un vote formel, a rejeté les réclamations auxquelles Il vient d'être fait allusion.

Je crois que M. Lelièvre n'est pas tout à fait dans la vérité lorsqu'il soutient que les décisions judiciaires qui ont été rendues en qui concerne les toelagen doivent être nécessairement exécutées par la législature.

Je dois rappeler ce qui s'est passé à cet égard.

Des contestations ont eu lieu devant les tribunaux sur la compétence respective du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire.

Le gouvernement a prétendu qu'il n'appartenait pas exclusivement au pouvoir judiciaire de trancher les questions de cette nature, attendu qu'elles dépendent du pouvoir législatif.

Les tribunaux cependant se sont déclarés compétents ; mais en quoi cette déclaration peut-elle lier la législature ? Soutiendrait-on, lorsqu'il y a conflit entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif sur un point de compétence, qu’il appartient aux juges seuls de trancher le conflit, et qu'il est du devoir du législateur d'accepter et d'exécuter la sentence ?

Résoudre affirmativement cette question, ce serait donner au pouvoir judiciaire une prépondérance qu'il ne peut avoir.

Il est impossible que le pouvoir judiciaire impose ses décisions au pouvoir législatif. Il est juste que le pouvoir législatif puisse revendiquer ce qu'il croit être de sa compétence.

C'est à ce point de que la Chambre s'est placée lorsqu'elle a repoussé le payement des anciennes indemnités qu'on appelait toelagen.

L'honorable membre doit reconnaître qu'il y a là matière à un conflit sérieux, et que la question ne peut être considérée comme jugée souverainement par des décisions du pouvoir judiciaire.

Au surplus, puisqu'il a déjà autrefois saisi la Chambre d'un projet de loi, abandonné depuis, rien ne s'oppose à ce qu'il l'introduise de nouveau et la question sera examinée une fois de plus.

L'honorable M. Bouvier a placé sur son véritable terrain la question soulevée par M. Le Hardy de Beaulieu.

L'honorable M. Le Hardy a fait le plus sombre tableau de notre situation financière.

On s'est attaché bien des fois à le rassurer, mais il paraît qu'à cet égard son idée est tellement fixe qu'il est impossible de la déraciner, quelque persistance qu'on mette à lui répondre et quelque décisive que soit la réponse.

L'honorable membre ne voit que la dette. Il proclame avec beaucoup du raison que notre dette nous oblige à servir un intérêt et un amortissement, que cet intérêt et cet amortissement nous obligent à disposer d’une certaine partie des recettes de l'Etat et, par conséquent, à lever des impôts qui frappent les contribuables.

Tout cela est incontestable ; mais pourquoi M. Le Hardy ne veut-il pas convenir que l'Etat a une contre-valeur de cette dette ?

Comment peut-il méconnaître que si nous avons emprunté, ce qui est mal, nous avons obtenu de l'emprunt des sommes considérables qui à sont un bien ; ces sommes ont été transformées en choses utiles que le gouvernement continue à posséder ; elles sont un bien supérieur au mal qui résulte de la dette.

L’honorable M. Le Hardy, lorsqu'il fait un marché pour son propre compte, doit être fort malheureux. Je suppose qu'il achète une maison à crédit. L'acquisition faite, il ne verra plus que le prix à payer et se lamentera sur les sacrifices que lui impose sa dette, il oubliera les avantages de la possession du bien acquis.

Est-ce là une manière raisonnable d'envisager une opération ? C'est celle qu'il apporte cependant dans la discussion de nos affaires financières. Pour lai répondre, il ne faut pas pousser plus loin le calcul financier, toute la science économique ne peut en dire plus.

Mais, messieurs, admettons qu'il ne faille voir que le mauvais coté de l'opération.

Il y a une dette, comment faut-il la faire disparaître ? Quel moyen emploierons-nous pour nous dégrever de cette charge qui afflige et qui effraye l'honorable membre ?

La dette publique, dit-il, oblige à lever des impôts, et l'argent qu'on obtient ainsi des contribuables, au lieu d'être employé à des services publies, doit servir payer la dette.

Comme remède, il propose d'abord un amortissement plus prompt ; mais si l'on appliquait son remède, il faudrait lever les mêmes impôts, il faudrait, pour le payement de la dette, appliquer les mêmes sommes qui pourraient être employées à des services publics.

L'amortissement serait exactement le même ; seulement les sacrifices que déplore l'honorable membre, au lieu d'être faits dans un temps aussi long, le seraient dans un laps de temps moindre, avec cette aggravation qu'ils seraient plus lourds pendant les années où il faudrait les subir.

Pour se dégrever d'une dette, je ne connais que deux moyens : la banqueroute et le payement. L'honorable membre ne préconisera pas sans doute le premier moyen, il est donc d'avis qu'il faut payer la dette. Or, pour la payer, il faut s'imposer une somme de sacrifices égale au montant de cette dette ; lentement ou rapidement effectué, le payement sera le même. Toute la question revient à savoir s’il est juste de faire peser sur quelques années la charge énorme qu'exige l'amortissement et s'il n'est pas bien plus sage de répartir l’amortissement sur un plus grand nombre d'années. Tout est là.

Prétendra-t-on que nous n'avons pas tenu compte de ce que nous devons aux générations futures, que nous avons disposé de l'avenir au profit du présent, qu'en dépensant immédiatement ce que nous avons emprunté, nous ne laissons rien à nos successeurs ? Si l'honorable membre posait la question sur ce terrain, mous examinerions si réellement nous avons manqué nos devoirs envers l'avenir. Mais quelle est notre situation ? La dette belge est à peu près représentée par des travaux publics qui subsistent et que nous laisserons à nos successeurs ; ceux-ci, à un moment donné, jouiront d'immenses travaux qui ne leur auront rien coûté.

Je demande si, au lieu de nous maudire, ils ne nous béniront pas. Prétendra-t-on que le pays n'a pas changé depuis quarante ans ? J'engage l'honorable membre à se rendre compte des améliorations qui ont été réalisées. N'a-t-on pas vu le pays décupler sa voirie vicinale, augmenter ses routes ordinaires, créer un magnifique réseau de chemins de fer, assurer la défense nationale, construire, pour ainsi dire, dans chaque localité des maisons d'école qui sont de petits monuments communaux ? Et c'est lorsqu'on a ainsi modifié la face du pays que l'honorable membre vient nous reprocher de laisser des charges à nos successeurs, charges résultant d’emprunts faits, selon lui, en violation de la Constitution !

Mais nous ne nous contentons pas même de cette situation : nous amortissons chaque année, et nos descendants, à un moment donné, n'auront plus la dette et ils auront tout ce que nous aurons créé avec la dette amortie par nous.

M. Le Hardy a fait son petit voyage habituel en Angleterre, en Amérique et dans d'autres pays ; il a même aujourd'hui passé cinq ou six fois la Manche et l'Atlantique. Or, je lui demanderai s'il connaît un pays dont la situation financière soit meilleure que la nôtre. L'honorable membre a fait le calcul de ce que les Belges payent en moyenne, par tête. Mais qu'il fasse également le calcul pour les autres pays, qu'il compare, et il verra que les charges en Belgique sont, eu égard aux ressources du pays, moindres que dans tous les autres pays du monde, peut-être... ; je dis peut-être, parce qu'il y a certains petits pays dont je puis ne pas connaître la statistique.

M. Bouvierµ. - Monaco.

MiPµ. - Il y a peut-être Monaco ; mais (page 621) il n'y a pas un pays considérable dont nos concitoyens doivent, au point de vue des charges publiques, envier la position.

L'honorable M. Le Hardy, dans ses appréciations désolées, a une singulière manière d'envisager les choses.

Ainsi, il nous a reproduit encore aujourd’hui sa théorie de la restitution de l'impôt, et c'est son arrondissement (ce qui est assez naturel) qui l'a particulièrement préoccupé.

Mon arrondissement, vous a-t-il dit, paye annuellement 4 millions et demi à l'Etat, et il n'en reçoit qu'un.

Je serais charmé de savoir comment l'honorable membre établit ses calculs ; je voudrais connaître ce qu'il porte au débit de son arrondissement. Je suis convaincu d'abord qu'il n'y porte absolument rien pour le gouvernement du pays, rien pour la liste civile, rien pour les Chambres législatives, rien pour la justice, rien pour l'armée !

Je comprends parfaitement, messieurs, qu’en ne tenant aucun compte de tous ces services publics qui sont cependant de première nécessité, M. Le Hardy arrive à trouver que son arrondissement ne reçoit que peu de chose. Il porte à l'actif de son arrondissement ce qui lui est accordé en faveur de l'agriculture, de la voirie vicinale et de l'enseignement primaire, mais quant au surplus, qui ne se paye pas directement à l'arrondissement, il ne veut point le reconnaître.

Il y a pour lui beaucoup de choses bien superflues.

L'armée, d'abord, qu'il considère comme inutile, attendu qu'il croit pouvoir arrêter l'ennemi au moyen de discours persuasifs. Pour obtenir cc résultat, il faudra tout au moins qu'il soit plus convaincant qu'il ne l’a été aujourd'hui.

L'honorable membre semble avoir la même idée de la police. Est-ce parce qu’aux Etats-Unis certains citoyens usent du revolver pour se protéger eux-mêmes, et M. Le Hardy voudrait-il introduire, au moins en principe, ce mode de procéder dans nos habitudes ?

M. Bouvierµ. - Dans l'arrondissement de Nivelles.

MiPµ. - Je voudrais, je le répète. que l'honorable membre nous fît connaître la manière dont il établit le passif et l'actif de son arrondissement, et je le prierai de vouloir bien faire, par la même occasion, un travail analogue pour l'arrondissement de Charleroi qui, j'en suis presque certain, ne reçoit pas plus que celui de Nivelles.

Je ne connais, en effet, aucune espèce de service se faisant dans l'un qui ne se fasse pas aussi dans l'autre, sauf peut-être quelques kilomètres de chemins da fer appartenant à l’Etat, et qui rendent bien ce qu'ils coûtent.

Mais ce n'est pas seulement pour mon arrondissement que j'invite l'honorable membre à faire ses calculs, c'est pour tous les arrondissements du pays, et je suis certain qu'il en arrivera à constater qu'aucun d'eux ne reçoit ni le tiers, ni même le quart de ce qu'il paye à 1'Etat.

Il en résulterait donc que les trois quarts des fonds dont l'Etat dispose auraient été dissipés sans aucune espèce de profit pour personne.

Or, je demanderai à M. Le Hardy de m'indiquer, dans le budget des dépenses, quel est l'argent qui est ainsi dépensé inutilement. L'honorable membre produit toujours ses critiques lorsqu'on discute soit le budget de la dette publique, soit le budget des voies et moyens, mais quand nous arrivons au budget des dépenses, il ne nous parle plus d'excédant et il ne nous propose jamais d'en supprimer aucune, sauf peut-être celles de la guerre.

M. Guillery. - C'est quelque chose.

MiPµ. - C’est quelque chose sans doute ; mais l'armée n'absorbe pas les trois quarts du budget ; il reste de la marge pour les réductions que l'honorable membre désire.

M. Le Hardy nous a toutefois indiqué aujourd'hui des moyens infaillibles, selon lui, de diminuer la dette publique.

Il nous a cité d'abord l'exemple de l'Angleterre et des Etats-Unis qui ont des dettes à termes fixes et des rentes viagères.

Quant aux dettes à termes fixes, j'avoue que je vois pas bien quel avantage elles peuvent présenter sur l'amortissement annuel.

Ce que je vois, c’est qu'elles peuvent donner lieu à de très grands inconvénients, attendu que les échéances de ces rentes arriveraient parfois à des époques où le trésor public ne serait pas en mesure de les acquitter. Les dettes à échéance fixe sont d'ordinaire des titres de dette flottante, des bons du trésor qu'il est prudent de convertir en rentes, quand ils ne peuvent être acquittés de suite.

Quant au système des rentes viagères, je ne pense pas qu’il soit exécutable en Belgique. Le chiffre des rentes de cette nature y est assez minime pour que l’on puisse affirmer que l'un trouverait peu de personnes disposées à convertir des rentes perpétuelles en rentes viagères.

L'honorable membre indique encore un autre moyen ; il voudrait 9onvertir le 4 1/2 en rente 3 p. c. au taux de 00. Ce serait là l'opération financière la plus merveilleuse, si, comme l’a déjà dit, dans une autre circonstance, M. le ministre des finances, elle n'était pas impraticable.

Voici comment voudrait procéder l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

Vous avez une dette de 4 1/2 s'élevant à 450 millions à peu près ; votre 14 1/2 peut être converti en 3 pour cent à 90.

On voit quel énorme avantage en résulterait ; le 3 pour cent à 90 correspond à 3 fr. 30 c. de rente au lieu de 4 fr. 50 c. par 100 francs ! Réduire notre rente dans la proportion de 4 fr. 50 c. 3 fr. 30 c., ce serait, je le répète, merveilleux.

Mais une chose est indispensable : c’est de trouver des gens qui accepteraient du 3 p. c. à 90.

Où rencontrera-t-on des gens assez débonnaires pour cela ?

Remarquez que le 2 1/2 non convertissable n'est coté qu’à 62 ou 63 ; quel est le taux du 3 p. c. qui correspond à ce taux de 2 1/2 ? c’est 75.

Or, comment pouvez-vous concevoir que ceux qui peuvent acheter du 2 1/2 à 63, par exemple, iront acheter du 3 p. c. à 90 ?

Je sais que l'honorable membre vient de dire que le gouvernement a racheté du 3 p. c. à 91 dans le cours de l'année dernière. Cela est vrai, mais ce que l'honorable membre oublie de faire remarquer, c'est que notre dette 3 p. c., qui était à l'origine de 50 millions, est actuellement réduite à 14 millions ; l'amortissement primitif d'un p. c., augmenté des intérêts des sommes amorties, est aujourd'hui très considérable ; il est de 1,900,000 fr. par an. Cette somme doit être consacrée au rachat du 3 p. c. Il faut donc que M. le ministre des finances rachète, chaque année, pour près de deux millions de francs de la dette 3 p. c. qui n'est plus aujourd'hui que de 14 millions.

Les détenteurs savent parfaitement bien que, par l'action même de cet amortissement forcé, ils ne peuvent manquer d'avoir le remboursement au pair d’ici à un petit nombre d'années, dans six ou sept ans.

Le cours de 90 représente donc non la valeur d'une rente 3 p. c., mais la valeur d'une rente 3 p. c. remboursable au pair très prochainement.

Nous pourrions parfaitement convertir le 4 1/2 en rente 3 p. c. constituée dans les mêmes termes que celle qui existe aujourd'hui. Mais si nous faisions une pareille opération, celle-ci, au lieu d'être aussi belle que le suppose l'honorable M. Le Hardy, serait une très mauvaise opération. Nous devrions non seulement payer 3 p. c., mais nous devrions constituer un amortissement égal à celui qui existe pour notre dette 3 p. c„ fonds d'amortissement égal au 7ème de la dette. Ce serait donc un 7ème de toute notre dette que nous devrions ajouter aux intérêts de 3 p. c., et nous devrions, dans un avenir très prochain, rembourser tout notre emprunt. Or, je demanderai à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu comment il fera pour rembourser, dans un délai de six ou sept années, les 450 millions de la dette 4 1/2.

Je proposerai à l'honorable membre une opération financière ; je suis certain que mon honorable collègue des finances est prêt à en signer avec lui le contrat.

Au lieu de la conversion à 90, je propose à M. Le Hardy de prendre la somme de 3 p. c. nécessaire à la conversion, non pas 90, mais à 80.

Voyez quelle magnifique opération pourrait faire l'honorable membre en rendant un grand service au pays. On lui céderait la rente 3 p : c. à 80 ; il a la conviction de le replacer à 90. Il gagnerait immédiatement plus de 10 p. c., c'est-à-dire 45 millions de francs, et il aurait rendu un très grand service à lui-même d'abord, mais un grand service encore au pays.

Je suis surpris que l'honorable membre n'envie pas un tel rôle. Il est des hommes qui ont été éminemment utiles à leur pays en ne faisant pas du tout leurs affaires, en se sacrifiant même.

On peut ne pas envier ce rôle, mais rendre un service éminent au pays en faisant une opération si brillante pour soi-même, n'est-ce pas séduisant ? Je suis étonné que l'honorable membre ne fasse pas l'opération que nous lui proposons en ce moment ; s'il a confiance dans sa théorie, qu'il n'hésite pas.

L'honorable membre nous a indiqué aussi qu'il a appris qu'en Angleterre, on a découvert le moyen de faire 8 millions d'économie sur le solde d'un seul grade de la marine. Mais cela prouve qu'on dépensait en Angleterre 8 millions de trop de ce chef. L'honorable membre dit que peut-être les mêmes abus existent ici et que les contribuable n’y font pas attention. M. Le Hardy de Beaulieu est extrêmement clairvoyant, beaucoup plus (page 622) clairvoyant que la masse des contribuables. Je lui demande qu'il nous indique les économies que nous pouvons faire.

- Un membre. - Sur la marine.

MiPµ. - Non seulement sur la marine, mais partout ailleurs, et encore une fois il aura rendu un grand service au pays. Mais si ailleurs on a découvert des abus comme celui-là, je crois pouvoir dire qu'on ne découvrira rien de semblable chez nous, et que sous ce rapport encore nous n'avons rien à envier aux pays où l'honorable membre aime tant à se rendre.

L'honorable membre a des idées tout autres que celles du commun des hommes. Ainsi il prend, pour faire ses lamentables prévisions sur notre situation financière, le moment où l'on témoigne à la Belgique la plus grande confiance, où ses finances inspirent la plus absolue sécurité, où le cours de la dette est au plus haut point qu'elle ait jamais atteint. Il me paraît étonnant que ce soit ce moment que l'honorable membre prenne pour montrer notre crédit en décadence, devant tomber de branche en branche pour arriver à terre.

Mais l'honorable M. Le Hardy a pris soin de nous signaler qu'il y a entre le commun des hommes et lui une profonde différence. Tout cela, s'écrie-t-il, n'est pas « ce qu'on vain peuple pense ».

J'engage l'honorable membre, qui est un des prêtres de l'économie politique. à bien méditer cette question, car je crains que s'il continue à exposer ses étranges théories, on ne complète sa citation et qu'en lui en faisant l'application on ne dise :

« Ces prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense. »

M. Lelièvreµ. - Je dois répondre quelques mots à M. le ministre de l'intérieur relativement aux traitements d'attente.

De quoi s'agissait-il dans les procès auxquels j'ai fait allusion ? Il était question des arrérages d'anciens traitements. Les titulaires prétendaient que la créance par eux réclamée leur était due. Il s'agissait donc de véritables droits civils, dont l'appréciation appartenait aux tribunaux. Aussi, dans les trois degrés de juridiction que les affaires ont parcourus, pas un seul officier du ministère public n'a conclu à l'incompétence des tribunaux, et le pouvoir judiciaire à tous les degrés s'est reconnu compétent et a adjugé les sommes réclamées.

Eh bien, en présence de cette unanimité de tous les corps judiciaires, est-il possible de contester la compétence des tribunaux ?

Les titulaires avaient rendu des services, desservi certaines fonctions, il s'agissait de savoir si l'on pouvait se refuser à leur payer des arrérages de traitements appuyés sur des dispositions légales.

N'est-il pas évident qu'il s'agit là d'une créance qui constitue un droit civil, qui constitue même un droit de propriété ? Les tribunaux étaient donc incontestablement compétents.

Aussi la résolution de la Chambre, qui se reporte à une époque très éloignée, a-t-elle été l'objet de critiques sévères de la part des jurisconsultes. Il y a donc une véritable injustice à redresser et il serait digne du gouvernement de s'occuper de cette réparation.

Je ne pense pas que pour une somme de moins de 200,000 francs, on puisse laisser subsister un état de choses contraire à tous les principes et qui serait réellement une tache dans nos annales.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs. je croirais vous manquer si je ne me défendais du reproche qui vient de m'être fait de répéter sans cesse les mêmes discours.

Ce reproche pourrait s'adresser avec beaucoup plus de raison et de justice à ceux qui répètent si souvent les mêmes budgets, en les aggravant. Quels arguments toujours nouveaux peut-on trouver contre des budgets toujours les mèmes ? Je le déclare tout net, tant que nous n'obtiendrons pas à cet égard satisfaction, tant qu'on ne nous soumettra pas des budgets réduits, force nous sera bien de revenir souvent, sinon toujours, avec les mêmes raisons et les mêmes arguments.

Messieurs, je me bornerai à rencontrer les objections sérieuses qui ont été faites mon discours.

La dette, dit-on, et c'est là l'argument toujours répété, a été contractée pour l'exécution de travaux utiles ; nous avons en mains la contre-valeur de la dette contractée ; vous ne tenez jamais compte que de ce que nous avons payé, de ce que nous devons, et vous oubliez complètement ce que nous ayons reçu en retour.

Je dirai, messieurs, en réponse à cet argument, que nous pourrions avoir toutes ces mêmes choses, que nous les aurions certainement et probablement en plus grande abondance si nous avions tout simplement laissé faire l'initiative privée sans engager le pays.

Nous aurions plus de chemins de fer si l'Etat ne s'en était pas mêlé, que nous n'en avons maintenant, et je vais essayer de vous faire saisir la différence qu'il y a entre les travaux exécutés par l'initiative privée et ceux que l'on dit être exécutés par l'Etat aux frais et risques des contribuables ; c'est que par exemple lorsque nous nous servons des chemins de fer de l'Etat, nous payons notre place exactement comme sur les chemins de fer concédés, mais, en outre, nous sommes encore responsables de la dette contractée et nous en payons l'intérêt par l'impôt.

Que l'Etat n'obtienne pas un revenu suffisant pour couvrir les charges et les frais de ses travaux, les contribuables en sont responsables tout en ayant payé place chaque fois qu'ils se servent du chemin de fer. (Interruption.) Vous ne rencontrez pas l'argument. Je dis que vous devez payer sur le chemin de fer de l'Etat comme sur les chemins de fer privés, mais, qu'en outre, vous êtes responsables des charges que vos travaux publics ont créées pour leur établissement.

Messieurs, ce que j'avance est tellement vrai, la responsabilité financière pour les contribuables est tellement connue, que dans la plupart des constitutions des Etats-Unis d'Amérique il est expressément défendu d'emprunter pour faire des travaux publics, et vous allez en comprendre immédiatement la raison. C'est que l'on a découvert, par l'expérience des faits, que même là où la nation entière est appelée à exprimer son vote, plusieurs sections d'un même Etat peuvent se coaliser pour imposer aux autres sections des charges et des impôts qui leur seraient non seulement inutiles, mais même nuisibles et ruineuses.

C'est ce qui est arrivé, je l'ai démontré plus d'une fois, pour mon propre arrondissement.

Eh bien, pour maintenir tous les contribuables sur la même ligne, pour empêcher qu'ils ne soient exploités par des majorités intéressées ou des coalitions d'intérêts, on a défendu, dans la constitution de plusieurs des Etats américains, de contracter des emprunts pour des travaux ou autres améliorations publics.

Mais, messieurs, notez bien que chez nous, si nous n'y mettions pas une honnêteté à laquelle je me plais à rendre hautement hommage, nous pourrions, par les mêmes moyens, arriver à des conséquences excessivement graves.

Il suffirait, dans cette Chambre, d'une très petite majorité, qui ne serait élue que par une minime fraction du peuple, pour qu'elle parvînt à imposer au pays des charges qu'il ne pourrait supporter. On pourrait favoriser ainsi certaines classes de la population aux dépens de l'immense majorité, qui ne pourrait s'en défendre.

Jusqu'à présent, je le reconnais, cela ne s'est jamais produit, mais cela pourrait arriver.

L'honorable ministre de l'intérieur nous disait : Nous léguerons à nos descendants, les chemins de fer, les canaux, les routes, les écoles, les églises que nous avons construits ; mais, messieurs, c'est à la condition que nous amortissions la dette que nous avons contractée pour ces constructions ; sans cela où serait l'avantage pour nos successeurs ?

Comment ! les particuliers acceptent des concessions, ils les exécutent sous la condition de les abandonner gratuitement à l'Etat au bout de 90 ans ; et vous mettriez en parallèle les mêmes travaux exécutés par l'Etat, si le capital n'en était pas amorti ? (Interruption.)

L'année dernière on a virtuellement amorti l'amortissement. Au bout de six mois on a fait rentrer dans le trésor les sommes que l'on n'a pu consacrer à l'amortissement parce que le cours dépasse le pair.

L'honorable ministre de l'intérieur me reproche de ne pas éplucher les budgets au point de trouver des économies comme celles que j'ai signalées au budget de la marine anglaise. Mais je rappellerai à M. le ministre de l'intérieur que les commissions de budgets et autres sont généralement et exclusivement composées d'amis du ministère ; on m'a même, à cet égard, reproché ma théorie, on m'a dit que le gouvernement deviendrait impossible s'il en était autrement.

Or, je ne vois pas très bien, quoique je travaille beaucoup et que je cherche à m'éclairer autant que possible, comment on peut utilement faire des critiques, si on ne peut les faire passer dans les rapports des sections centrales et si on ne les accepte qu'avec des observations semblables à celles que je réfute dans ce moment. Il faut l'aide du gouvernement pour faire réussir les réformes les plus simples.

Les découvertes qui ont été faites cette année dans les budgets en Angleterre ont été faites par les ministres issus de l'élection du parlement réformé ; je crois que nous ne ferons, à notre tour, des découvertes semblables que quand nous ne serons arrivés à réformer le parlement par le corps électoral, mon avis, une des causes de la résistance que la réforme électorale rencontre dans notre pays est précisément la crainte qu'on ne fasse des découvertes semblables. (Interruption.)

(page 623) Je reviens, messieurs, si je puis employer cette expression vulgaire. à mes moutons, c’est-à-dire à la conversion de la dette.

Chose qui va vous surprendre, messieurs, mais peut-être en aurez-vous déjà tous fait la remarque, c’est que M. le ministre de l'intérieur vient d'apporter un argument des plus décisifs en faveur de ma thèse. Je le remercie de tout cœur de ses bonnes intentions à mon égard et de l’offre splendide qu'il me fait, mais je ne suis pas disposé à en profiter, n'étant pas financier et ne prêtant pas aux Etats.

J'avais signalé à l'honorable ministre le taux où se vendent les obligations 3 p. c. des villes ; il a passé derrière l'argument et je obligé de le lui rappeler.

Pourquoi les villes peuvent-elles vendre leur 3 p, c. au pair et même au-dessus du pair ?

M. Bouvierµ. - Parce qu'il y a des primes...

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Non pas parce qu'il y a des primes.

M. de Brouckere vous a dit tout à l'heure quelle était la valeur de ces primes : 1 p. c., ce qui n’est exact que pour une minime fraction de celles qui sortent aux tirages annuels, semestriels ou trimestriels.

Il y a six ou sept obligations qui sortent chaque tirage avec une prime, tandis qu'il y en a des centaines qui sortent au même tirage sans aucune espèce d'avantage.

Je répète ma question : Pourquoi les obligations des villes sont-elles au pair, au-dessus du pair ou aux environs du pair ? Tout simplement parce que les villes remboursent leurs obligations au pair et parce qu'elles font l'opération que décriait tantôt l'honorable ministre de l'intérieur.

Donc si, exécutant le plan que j'ai soumis à l'étude du gouvernement, on garantissait au porteur le remboursement au pair, en 31 ans, je ne puis m'empêcher de croire que, lorsque le 3 p. c. anglais est à 93 dans un pays où l'intérêt est plus cher qu'en Belgique, il est possible que nous arrivions placer notre 3 p. c. au-dessus même de 90, quoique je n'aie établi mes calculs que sur 90.

MfFOµ. - Je vous ai offert de faire l'opération.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ne suis ni financier, ni faiseur d’emprunts.

Je répète donc, messieurs, qu'en tenant compte des faits importants que je vous ai signalés, on arriverait facilement à placer le 3 p. c. belge au taux de 92, de 93 et peut-être à un taux plus élevé.

MiPµ. - Pourquoi le 2 p. c. n'est-il qu'au taux de 62 ou 63 ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. Je n'ai pas fait une étude spéciale sur ce point (interruption) ; mais je pense que cela est dû la concurrence du même fonds en Hollande, ou l'on peut s'en procurer tant que l'on veut.

L'honorable ministre trouve étonnant que je choisisse précisément pour assombrir, selon son expression que je n'accepte pas, notre situation financière, le moment d'une prospérité exceptionnelle, alors que les fonds sont au delà du pair, alors que le 4 1/2 p. c. est à 104.

Mais, messieurs, je ferai remarquer à l'honorable ministre, et je m'étonne qu'il l'ait oublié, que ce n'est pas au moment où l'on a besoin d'argent que l'on peut parler de conversion et de remboursement. C'est précisément parce que nous sommes riches, que nous pouvons nous livrer à ces calculs, que nous pouvons traiter d'égal à égal avec les financiers et les prêteurs d'argent.

Je ne crois donc pas avoir dit un seul mot dans tout mon discours qui puisse justifier les termes dont s'est servi l'honorable ministre de l'intérieur.

Je suis donc obligé de rappeler à M. le ministre des finances, actuellement présent, que je soumets la question à son étude ; que je me réserve d'user de mon droit d'initiative, pour le cas où il ne croirait pas devoir nous faire des propositions au budget prochain.

- La discussion générale du budget de la dette publique est close.

Projet de loi décrétant divers travaux d’utilité publique

Dépôt

Projets de loi allouant des crédits aux budgets des ministères des affaires étrangères et de la justice

Dépôt

MfFOµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :

1° Un projet de loi décrétant divers travaux d'utilité publique jusqu'à concurrence d'une somme de 15,545,500 francs.

2° Un projet de loi allouant des crédits supplémentaires au département des affaires étrangères.

3° Un projet de loi allouant des crédits supplémentaires au département de la justice.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances du dépôt de ces projets de loi qui seront imprimés et distribués, ainsi que les exposés des motifs qui les accompagnent.

La Chambre les renvoie à l'examen des sections.


M. Mullerµ. - J'ai un amendement à présenter au projet de loi qui modifie la loi provinciale ; je le dépose sur le bureau. je demande que la Chambre veuille en ordonner l'impression.

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.