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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 18 juin 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1149) M. Dethuin, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart,

M. de Macar, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dethuinµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Le sieur Bruyère, distributeur des postes démissionné, demande une enquête contradictoire pour se justifier. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le collège administratif de la wateringue du nord de Furnes demande la prompte exécution des travaux pour l'amélioration du régime de l'Yser. »

« Même demande des membres du conseil communal de Pervyse. »

M. Bieswalµ. - Je demande un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Wadelincourt demandent le vote définitif du projet de loi sur la milice. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


M. le président. - J'ai reçu la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« Veuillez, s'il vous plaît, faire connaître à la Chambre, des représentants que, s'il m'avait été possible d'assister aux dernières séances de cette assemblée, j'aurais voté en faveur de l'amendement de mon honorable collègue M. De Fré, supprimant, dans la loi sur la milice, les exemptions de service en faveur des théologiens et autres citoyens belges.

« La Chambre des représentants voudra bien, j'espère, m'accorder une prolongation de congé de huit jours. Je suis retenu ici, pour une semaine de plus, par des affaires très urgentes.

« Agréez l'assurance de ma plus haute considération..

« Signé : David.

« Munich, 5 juin 1869. »

- Le congé est accordé.

Projet de loi relatif au mode d’avancement et au rang d’ancienneté des officiers de l’armée

Rapport de la section centrale

M. Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport sur le projet de loi portant modification à la loi du 10 mars 1847 relative au mode d'avancement et au rang d'ancienneté des officiers de l'armée.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Proposition de loi suspendant provisoirement la loi sur la contrainte par corps

Rapport de la commission

M. Guillery. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de présenter dans la séance d'hier.

- Plusieurs membres. - La lecture !

M. Guillery. - Messieurs, notre législation sur la contrainte par corps a soulevé de nombreuses et importantes controverses, qu'atteste suffisamment le projet de loi récemment admis par le Sénat. Ce projet a été renvoyé à l'examen des sections, et les questions qu'il soulève seront examinées avec maturité, avec le désir sincère de trouver une formule qui puisse réunir la majorité dans les deux Chambres.

Néanmoins, au milieu des opinions qui divisent les jurisconsultes les plus distingués, un point paraît généralement admis : c'est que la loi du 21 mars 1859 consacre des rigueurs inutiles.

S'il n'est pas possible d'élaborer aujourd'hui, à la fin d'une session, une loi définitive, ne pourrions-nous, sans compromettre l'avenir, sans préjuger aucune question, prendre une mesure provisoire, toute d'humanité, répondant aux sentiments qui sont au fond du cœur de chacun de nous ?

Que les détenus soient mis en liberté, provisoirement, pendant la période qui sera vraisemblablement consacrée aux débats de la législation : nos délibérations n'en auront que plus de liberté, plus de calme et plus de maturité.

Tel est, messieurs, le but de la proposition dont il a été donné lecture dans la séance d'hier et qui est ainsi conçue :

« Art. 1er. L'exercice de la contrainte par corps est suspendu jusqu'au 1er mars 1870.

« En conséquence, les détenus pour dettes seront immédiatement mis en liberté et les jugements actuellement rendus ou qui seront rendus ne pourront être exécutés par la voie de la contrainte par corps avant la date ci-dessus fixée.

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

Les sentiments d'humanité et le désir de préparer les voies à une conciliation qui ont dicté ce projet, ont été appréciés par votre commission : elle les a partagés unanimement. Le dissentiment ne s'est produit que dans l'application.

Un membre aurait voulu restreindre la proposition en introduisant des exceptions qu'il formule comme suit :

« L'exercice de la contrainte par corps est suspendu jusqu'au 1er mars 1870, sauf dans les cas suivants :

« 1. En cas de condamnation à des restitutions ou dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par des crimes ou délits, pour les sommes excédant trois cents francs, lorsque ces crimes et délits auront été reconnus par la juridiction criminelle.

« 2. En cas de condamnations à des restitutions ou dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par tout acte illicite commis méchamment ou de mauvaise foi pour des sommes excédant trois cents francs.

« 3. A l'égard des témoins défaillants. »

L'honorable membre, qui redoute les dangers de l'abolition pure et simple de la contrainte par corps, voit dans ce système une garantie de succès qu'il craint de ne pas trouver dans la proposition principale.

Il a été répondu :

Que la proposition perdrait son caractère, si elle préjugeait l'une ou plusieurs des questions soumises à la Chambre ;

Que la limite assignée à la durée de la loi proposée écarte toute idée de danger pour la société ou pour les particuliers ;

Que l'expérience même qui sera le résultat de cette mesure provisoire, fournira des éléments nouveaux pour la solution de la question ;

Que la mise en liberté provisoire de quelques détenus ne peut rien compromettre, alors surtout que l'intention du législateur est nettement formulée ;

Qu'enfin l'on ne doit pas perdre de vue que la loi du 21 mars 1859 reste toujours en vigueur, que les tribunaux continueront à l'appliquer et que l'exécution seule est momentanément suspendue.

Ces observations ont été admises par un membre de la commission adversaire de l'abolition pure et simple, mais qui a vu, dans la mesure proposée, un acte de pure humanité et un acheminement vers une transaction désirable. L'honorable membre a proposé toutefois d'introduire une exception concernant le témoin défaillant, cette voie d'exécution étant commandée par les nécessités de l'instruction judiciaire.

La commission s'inspirant de ces idées, et afin de ne laisser aucun doute ni sur le caractère provisoire de la mesure, ni sur le maintien de la législation actuellement en vigueur, a modifié la rédaction comme suit :

« Art. 1er. Provisoirement et jusqu'au 1er mars 1870, l'exécution de tout jugement prononçant la contrainte par corps est suspendue en ce qui concerne ce mode d'exécution, sauf à l'égard des témoins défaillants.

« En conséquence, les détenus auxquels s'applique la disposition précédente seront mis en liberté.

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

Cette rédaction a été admise par cinq voix contre une ; un membre s'est abstenu.

Tel est, messieurs, le texte que votre commission soumet avec confiance à votre approbation. Ce texte offre l'avantage de laisser toutes les questions entières, de ne rien préjuger.

Ne discutant aucune question, nous n'en résolvons aucune, et, en supposant que la mesure provisoire fasse sortir de prison quelques détenus qui devraient y rester ou qui devront y rentrer, il est évident que, dans le doute, on doit se prononcer en faveur de la liberté ; l'on ne peut refuser à ces détenus le bénéfice d'une mise en liberté provisoire que l'on accorde à des prévenus de délits correctionnels.

(page 1150) M. le président. - A quel moment la Chambre entend-elle disputer le projet de loi.

- Voix nombreuses. - Aujourd'hui !

M. le président. - On demande, messieurs, la discussion immédiate.

M. Coomans. - C'est aller trop vite.

M. le président. - Jusqu'ici il n'y a qu'une seule proposition ; c'est celle de discuter séance tenante. Je mets cette proposition aux voix.

- La Chambre, consultée, décide que la discussion commencera immédiatement.

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Delcourµ. - Messieurs, au sein de la commission, je n'ai pu me rallier au projet de loi présenté hier par l'honorable M. Guillery.

Ce projet de. loi va, selon moi, beaucoup au delà des nécessités du moment, et loin d'être un moyen de conciliation entre les deux Chambres, je crains qu'il ne prépare une nouvelle difficulté.

Comme, j'ai eu l'honneur de. le dire dans la séance d'hier, la proposition qui vous est faite peut être considérée sous deux rapports. Elle renferme des points sur lesquels nous sommes tous d'accord, la Chambre, et le Sénat. Que l'on supprime la contrainte par corps dans tous ces cas, nous le demandons et nous le désirons.

Mais en dehors de ces points, le Sénat et la Chambre sont d'un avis différent sur une situation des plus graves. Le Sénat pense, contrairement à l'opinion émise par la majorité de la Chambre, que la contrainte par corps doit être maintenue comme voie d'exécution des condamnations a des dommages-intérêts résultant, de tous faits illicites commis méchamment ou de mauvaise foi. La est le point litigieux, le point contesté.

Je ne discute plus le fond, mais il est bon de rappeler à la Chambre la source et l'objet du conflit qui existe entre les deux Chambres.

Le projet de loi du gouvernement proposait l'abolition absolue de la contrainte par corps. Vous n'ignorez pas, messieurs, que la section centrale ne s'était point ralliée à ce principe. Elle avait proposé de maintenir l'emprisonnement pour dettes dans les cas où le débiteur avait usé de violence, de dol ou de mauvaise foi. Cette proposition généralisait un principe écrit dans la loi de 1859.

La Chambre a repoussé ce système. De son côté le Sénat ne l'a point adopté. Mais il n'a pu consentir à l'abolition complète de la contrainte par corps. Il l'a considérée comme nécessaire lorsqu'il s'agit de condamnations à des dommages-intérêts résultant d'un fait illicite.

Le projet de loi ainsi amendé vous a été renvoyé, et la Chambre, contre l'avis de la majorité de la commission, a écarté l'amendement du Sénat et maintenu le projet primitif. L'honorable ministre des finances, en engageant la Chambre à persévérer dans son vote, avait fait espérer une conciliation qui était dans le vœu de tous, mais qui ne s'est point réalisée.

C'est, dans, ces termes que la question s'est présentée de nouveau au Sénat. Mais la. majorité du Sénat, sauf quelques petites modifications de détail, est restée fidèle à son opinion.

Tels sont les faits. Voyons maintenant quelle situation ces faits ont créée pour la Chambre.

La Chambre est en présence d'une proposition que le Sénat a maintenue deux fois, malgré les efforts qui ont eu lieu pour lui arracher un vote différent. Convaincu qu'il s'agit d'un principe d'ordre public, de sécurité indispensable pour les citoyens, convaincu qu'il y aurait des dangers incontestables à abandonner la victime à laquelle on ne peut rien reprocher, le Sénat n'a pas consenti à renoncer à la contrainte par corps dès que la condamnation aux dommages-intérêts repose sur un acte illicite commis, avec la volonté de nuire.

Au Sénat, quelques membres ont proposé un terme de conciliation qui n'en était pas un. La majorité a pensé qu'elle ne pouvait l'adopter sans abdiquer ses prérogatives constitutionnelles. Il est inutile de revenir sur ces détails : vous les connaissez. Après un temps déterminé, la contrainte par corps, à laquelle le Sénat ne voulait pas complètement renoncer, était définitivement abolie.

C'est ce qu'on a fait remarquer avec beaucoup de raison. Dans un esprit de conciliation, l'honorable M. Malou fit au Sénat la proposition que la loi serait réalisée par la législature dans la session de 1871 à 1872. C'était un terme moyen qui sauvegardait le droit des deux Chambres.

N'oubliez pas, messieurs, les conditions dans lesquelles le vote du Sénat a été émis. L'amendement de M. Malou, après une discussion des plus importantes, a été adopté au premier vote par 30 voix contre 24, et, au second vote, par 32 voix contre 25. L'opinion du Sénat, qui s'est manifestée à diverses reprises, ne se modifiera donc pas. La Chambre ne pourrait l'espérer que si la majorité du Sénat se déjugeait.

Dans l'espoir d'arriver a la conciliation, l'honorable M. Guillery a déposé, dans la séance d'hier, une proposition que je vais examiner.

L'honorable membre s'est proposé certainement un but des plus désirables. Mais son projet de loi l'atteindra-t-il ?

Je ne le pense pas ; c'est le motif qui m'a déterminé à le repousser, au sein de la commission.

Que demande l'honorable M. Guillery ? Que l'exercice de la contrainte, par corps soit suspendu jusqu'au 1er mars 1870, c'est-à-dire, si nous allons au fond des choses, que la Chambre, décide que, jusqu'à cette époque, pendant une période de six mois, la contrainte par corps soit abolie ; en d'autres termes, c'est la proposition du gouvernement, repoussée à deux reprises différentes par le Sénat, qui reparaît sous une forme nouvelle mais provisoire.

M. Guillery. - Du tout ; les tribunaux continueront à prononcer la contrainte par corps.

M. Wasseige. - Ce seront des condamnations platoniques.

M. Delcourµ. - Voici, messieurs, la situation vraie. Nous avons la loi de 1859. Mais, dit l'honorable membre, cette loi est maintenue ; elle sera même appliquée ; à la demande de la partie, le juge prononcera la contrainte par corps, seulement cette voie d'exécution sera suspendue jusqu'au 1er' mars 1870.

(erratum, page 1164) Messieurs, ne jouons pas sur les mots. La loi de 1859, continuera, dites-vous, à exister, et vous en suspendez l'exécution. Est-ce sérieux ?

Pour abroger une loi, il faut le concours des trois branches du pouvoir législatif. Il faut donc l'assentiment du Sénat et de la Chambre.

Le gouvernement n'a pas obtenu cet assentiment. Les Chambres sont d'accord sur certains principes ; et dans ces limites, rien ne s'oppose à ce que la loi de 1859 soit modifiée. Mais, hors de là, la loi de 1859 reste debout. Or, la proposition de l'honorable M. Guillery conduit à cette conséquence que la loi de 1859 cessera provisoirement d'être appliquée précisément dans les cas où le Sénat veut la maintenir.

Est-ce bien là, messieurs, une proposition de conciliation ? Elle ne pourrait avoir ce caractère qu'à la condition de ne pas préjuger des systèmes qui sont en présence, qu'à la condition, par conséquent, de ne donner raison ni au Sénat, ni à la Chambre.

La loi de 1859, dites-vous, restera debout et, au même instant, vous ajoutez qu'elle ne sera pas appliquée.

Ce rôle, messieurs, est-il digne du législateur ? Pouvez-vous espérer de déterminée le Sénat à le jouer ?

Tel est le motif, messieurs, qui m'a engagé à. déposer, au sein de la commission, l'amendement dont l'honorable rapporteur vient de vous donner lecture. Je pense, avec l'honorable rapporteur, qu'il ne faut rien préjuger, mais j'ajoute que son projet préjuge, contre le Sénat, au moins provisoirement, le point qui est contesté entre les deux Chambres.

Messieurs, prenons garde à la décision que nous allons prendre ; la question est des plus sérieuses. Je ne veux plus parler de la contrainte par corps, tout a été dit.

La question qui se présente, à mes yeux, est de la plus haute gravité. Il s'agit des prérogatives du parlement, de l'importance des Chambres législatives dans le jeu de nos institutions constitutionnelles. Chez nous, le Sénat est investi, quant au vote des lois, des mêmes prérogatives que la Chambre. Il doit être libre et indépendant, et, permettez-moi de le dire, je crains que la proposition qui vous est faite ne soit de nature à ébranler son indépendance.

Oui, messieurs, prenez garde de paralyser l'action constitutionnelle du Sénat.

Le jour où cette action ne pourra plus s'exercer librement, il n'y aura plus de liberté en Belgique et nos institutions auront perdu toute leur force.

Le Sénat participe comme nous à la confection de la loi, il émane du même corps électoral que nous ; c'est pourquoi, messieurs, je tiens à son indépendance autant qu'à la nôtre.

M. Watteeuµ. - Messieurs, l'honorable M. Delcour vient de dire que la proposition présentée par l'honorable M. Guillery et adoptée par la presque unanimité de la commission qui a été nommée hier, tendait non pas à faire disparaître le conflit, mais, au contraire, à en faire naître un nouveau.

C'est une profonde erreur. Cela est diamétralement opposé à la pensée qui a guidé l'honorable M. Guillery et non moins opposé aux sentiments qui ont inspiré la majorité de la commission.

Tous nous avons le désir sincère, de chercher à faire cesser le dissentiment qui s'est élevé entre la Chambre et le Sénat.

(page 1151) L'honorable M. Delcour nous disait qu'il eût mieux valu adopter la proposition sur laquelle les deux branches du pouvoir législatif sont d'accord.

Mais il n'a pas réfléchi a cette conséquence, qu'il voudrait obtenir de la Chambre ce qu'il ne veut pas demander au Sénat. Cela est de toute évidence. (Interruption.)

Vous voudriez que la Chambre cédât devant le Sénat et vous ne voudriez pas que le Sénat cédât devant la Chambre.

Dans cet ordre d'idées, vous ne faites qu'alimenter le conflit, que l'exciter davantage.

Nous, au contraire, nous demandons à l'apaiser.

Il ne faudra pas de bien grands efforts, je pense, pour prouver à la Chambre que ce résultat désirable peut parfaitement être atteint sans qu'il faille de part ni d'autre une abnégation bien grande.

Que demande le projet de loi présenté par l'honorable M. Guillery ?

Est-ce, comme on le disait, le triomphe du projet du gouvernement ?

Pas le moins du monde, et je tiens d'autant plus à relever cette erreur que je ne veux pas être taxé de me mettre en contradiction avec moi-même.

J'ai voté contre certaines dispositions du projet du gouvernement et j'ai voté, dans la commission, pour le projet de l'honorable M. Guillery. Ce dernier vote, je le renouvellerai dans cette assemblée.

Le projet du gouvernement consistait à supprimer la contrainte par corps en principe, à la faire disparaître de la législation.

La proposition de l'honorable M. Guillery, au contraire, respecte le principe, respecte la disposition législative et ne fait qu'en suspendre l'exercice pour un terme bien court.

Je demanderai maintenant à l'honorable M. Delcour, qui est jurisconsulte, si une proposition conçue dans ce sens a quelque chose d'exorbitant ?

Elle est si inoffensive, si peu exorbitante que nous trouvons une analogie parfaite dans le code civil. Nous ne faisons, en définitive, que proposer d'accorder d'une manière générale ce que chaque tribunal peut accorder en particulier au débiteur.

Je rappellerai que l'article 1244 du code pénal porte ce qui suit ;

« Les juges peuvent, en considération de la position du débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le payement, et surseoir l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état. »

La proposition qui vous est soumise a une analogie frappante, directe avec le pouvoir dont la loi a armé les juges pour donner, dans certains cas, des délais au débiteur.

Mais, dit l'honorable M. Delcour, vous n'obtiendrez pas du Sénat qu'il se déjuge.

Nous ne demandons pas au Sénat de se déjuger. Nous voulons, au contraire, respecter toute son indépendance, toute sa liberté d'action, et, ce qui prouve que le projet, s'il est adopté par vous, n'est pas de nature à atteindre même de la façon la plus indirecte ou la plus éloignée les prérogatives et la plénitude des pouvoirs du Sénat, c'est tout d'abord qu'il faudra que la proposition de M. Guillery obtienne l'assentiment du Sénat. (Interruption.)

Permettez ; non seulement il faudra qu'elle obtienne l'assentiment du Sénat, mais il faudra encore qu'avant le 1er mars 1870 nous nous soyons mis d'accord avec le Sénat pour trouver des dispositions législatives qui viendront remplacer celles qui ont été successivement rejetées.

Comment voulez-vous que le Sénat se refuse à une offre de conciliation comme celle-là ? La loi reste donc ce qu'elle est, les tribunaux continueront à l'appliquer, seulement l'exercice de la contrainte sera suspendu jusqu'au 1er mars 1870.

Que si maintenant la Chambre ne parvient pas à se mettre d'accord avec le Sénat, qu'arrivera-t-il ? C'est qu'au 1er mars 1870, la législation actuelle sera de plein droit en vigueur. Un pareil résultat autoriserait-il l'honorable M. Delcour à déclarer que c'était l'adoption du projet de loi du gouvernement que l'on voulait ? Mais le projet du gouvernement était définitif, tandis que si le Sénat ne se rallie pas aux propositions nouvelles que la Chambre pourra lui soumettre, la législation de 1859 reprendra sa force.

Je sais bien qu'on pourra objecter à ceux qui sont partisans de la contrainte par corps dans certains cas spéciaux, et vous savez que je me range dans cette catégorie, on pourra objecter que peut-être on donnera ainsi la liberté à des hommes qu'ils veulent maintenir incarcérés.

Mais ici encore, je me permettrai de faire une analogie ; |il y a une maxime de droit qui dit qu'il vaut mieux absoudre dix coupables que de condamner un innocent ; eh bien, je dirai à mon tour, sans rien répudier des considérations que j'ai fait valoir antérieurement, que s'il doit résulter de la proposition de M. Guillery la mise en liberté de quelques hommes qui, aux yeux des partisans de la contrainte par corps dans des cas spéciaux, ne leur paraissent pas dignes de cette faveur, ce n'est pas une raison pour maintenir en prison de malheureux débiteurs qui, de l'aveu de tous, sont incarcérés en vertu d'une législation qui ne devrait plus exister à notre époque.

Il y a ici une considération d'humanité qui doit nous porter à voter la proposition toute temporaire de M. Guillery, et je ne doute pas, quant à moi, que le Sénat, à son tour, guidé par les mêmes considérations et cédant aux mêmes sentiments, n'accepte ce gage de conciliation que la Chambre lui offre, toutes choses restant en état et les prérogatives, d'un côté comme de l'antre, restant intactes.

Nous agirons sagement, selon moi, en donnant un vote approbatif au projet présenté, qui, je ne puis assez le dire, rend hommage à l'indépendance du Sénat loin d'y porter la moindre atteinte.

M. Jacobsµ. - Je rends hommage aux intentions de l'honorable auteur de la proposition et à celles des membres de la majorité de la commission.

Je suis persuadé qu'ils ont cherché de bonne foi le meilleur moyen de faire cesser le conflit existant entre les deux Chambres ; je ne pense pas qu'ils aient réussi.

On propose une soi-disant transaction. Je ne puis voir une transaction dans la proposition qui nous est faite.

Cette proposition, en effet, est textuellement le projet adopté par la Chambre, à une seule différence près ; c'est qu'au lieu de l'abolition pure et simple pour toujours, nous aurons l'abolition pure et simple pour neuf mois.

M. Van Humbeeck. - Mais pas du tout.

M. Jacobsµ. - Je fais abstraction des fictions légales ; je parle des faits matériels. Oh ! sans contredit, les tribunaux continueront à prononcer la contrainte par corps ; mais ce sera comme s'ils ne la prononçaient pas.

En fait, tous ceux qui sont contraints par corps sortiront de prison, et en fait aussi aucun individu ne sera passible de la contrainte par corps pendant ces neuf mois. J'ai donc raison de dire qu'en fait, au point de vue matériel, pendant cette période de neuf mois, nous serons sous le même régime que celui qu'eût créé l'adoption du projet de la Chambre.

Lorsqu'on nous dit que nous ne préjugeons rien, je réponds que, au contraire, nous préjugeons tout ; oui, tout est préjugé par la proposition, Pour ne rien préjuger, qu'eût-il fallu proposer ?

Il eût fallu prendre les points sur lesquels Sénat et Chambre sont d'accord, abolir ou suspendre la contrainte par corps dans ces cas, sauf à revenir ensuite aux points contestés. Rien n'empêcherait même la Chambre de voter le projet de loi adopté par le Sénat, et le lendemain, soit le gouvernement, soit un membre de l'assemblée, usant de son initiative parlementaire, ferait une nouvelle proposition abolissant la contrainte par corps dans les quelques cas où elle est maintenue par le Sénat. Voilà ce qui s'appelle ne rien préjuger. Mais abolir la contrainte par corps absolument, intégralement pendant neuf mois, c'est évidemment tout préjuger.

L'abolition complète n'aura qu'une durée de neuf mois ; mais au bout de ces neuf mois on demandera une nouvelle prorogation pour neuf autres mois ; et le Sénat se fera ce raisonnement : On nous demande une période de neuf mois ; après cette période on nous en demandera probablement une nouvelle ; et ainsi de neuf mois en neuf mois, d'année en année on maintiendra perpétuellement l'abolition de la contrainte par corps, et nous aurons fait un marché de dupes.

M. Watteeuµ. - Il est toujours libre de se refuser à y consentir.

M. Jacobsµ. - C'est pour cela qu'il refusera sans doute maintenant ; et je ne sais vraiment comment on peut conserver l'espoir de voir accepter une pareille transaction.

Une transaction sérieuse doit porter non sur la durée des choses, mais sur le fond même. Or, quant au fond, le sénat nous a déjà fait des concessions. S'il n'avait écouté que ses propres sentiments, il eût maintenu la contrainte par corps dans un nombre de cas bien supérieur. Je ne désespère pas de lui en voir faire encore ; mais il ne faut pas tout lui demander ; il ne faut pas exiger de lui tous les sacrifices ; or, lui demander le sacrifice entier de son opinion pour un temps ou pour toujours, c'est absolument la même chose.

Que dirait-on, pour citer un autre exemple, si, la Chambre voulant supprimer les commissaires d'arrondissement et le Sénat tenant à les maintenir, l'on proposait, comme transaction, de les supprimer pendant 9 mois. Evidemment ce qui serait une transaction, ce serait de soustraire à la tutelle de ces fonctionnaires, après les communes de 10,000 âmes, (page 1152) celles de 5,000 âmes, puis celles de 4,000 âmes et ainsi de suite. Voila une transaction sérieuse ; mais la suppression d'une loi pendant une période déterminée équivaut à une suppression définitive ; ce n'est point là uns transaction.

Pourquoi Je Sénat s'cst-il opposé à l'abolition de la contrainte par corps dans tels et tels cas ? Mais parce qu'il a cru que cette abolition serait mauvaise et dangereuse.

Mais s'il la juge mauvaise, elle l'est pour 9 mois, comme elle l'est pour toujours ; le scrupule qui a arrêté le Sénat l'arrêtera encore.

Pour moi, disposé à voter l'abolition de la contrainte par corps lorsque le projet du Sénat nous reviendra, s'il ne' se complique pas de considérations étrangères au fond même des choses, je n'ai pas à me préoccuper aujourd'hui de cette question en elle-même ; je n'ai à m'occuper que du but du projet actuel qui tend à mettre fin au conflit entre les deux Chambres ; j'ai à juger le moyen qui nous est proposé ; et selon que je trouverai ce moyen bon ou mauvais, je devrai voter pour ou contre.

Je déclare que, dans les circonstances actuelles, ce moyen, bien loin de calmer le conflit, me paraît de nature à l'envenimer davantage ; il forcera le Sénat, dans l'intérêt de sa propre dignité, à repousse r une fois de plus une insistance nouvelle de la Chambre, une troisième édition d'un projet qui n'a subi aucune modification de fond.

Dans une telle situation, je ne puis m'associer à la proposition de M. Guillery ; je crois que les partisans absolus de la contrainte par corps ont grand tort de revenir à la charge en ce moment ; je suis persuadé qu'en froissant le Sénat et en ne le ménageant pas suffisamment, ils compromettent eux-mêmes l'avenir de cette réforme.

(page 1159) M. Teschµ. - Messieurs, je ne veux pas rentrer dans le débat ; je me bornerai à dire quelques mots pour motiver mon vote.

J'ai dit, lors de la dernière discussion sur la contrainte par corps, que la suppression de ce mode d'exécution créerait une lacune très regrettable et dangereuse dans notre législation. Cette lacune, je ne l'admets pas plus d'une manière temporaire que d'une manière définitive ; je voterai donc cette fois encore comme je l'ai fait précédemment.

Messieurs, je ne comprends pas la mesure qu'on nous propose. C'est une espèce d'épreuve qu'on veut nous faire faire, c'est ce que dit le rapport ; mais, à mon avis, l'expérience qu'on a l'intention de tenter n'aura pas de résultat.

En effet, on dit qu'on suspendra l'exécution pendant 9 mois, mais que l'on continuera à prononcer la contrainte par corps. Dans ces conditions, quelle expérience pourra-t-on faire ? On se trouvera sous l'empire de la contrainte par corps, on la prononcera, mais on n'exécutera pas ; quels éléments d'appréciation pourrez-vous dès lors avoir ? La portée de la proposition m'échappe complètement.

D'un autre côté, c'est un préjugé qu'on veut créer. Me demander à moi de voter provisoirement pour une mesure dont je ne veux pas, c'est me convier à me déjuger et à créer un préjugé ; je ne ferai ni l'un ni l'autre.

Quant à la transaction avec le Sénat, je ne pourrais que répéter ce que d'autres orateurs ont dit avant moi. Si la Chambre renvoie au Sénat une proposition qui maintient l'abolition absolue de la contrainte par corps, bien que pour un terme provisoire, je tiens pour certain que le Sénat persistera dans le vote qu'il a émis deux fois à cet égard. Si l'on veut transiger, il ne faut insérer dans la loi que ce sur quoi on est d'accord. Aller au delà, ce n'est plus transiger, c'est nous forcer à admettre ce que nous repoussons.

Je n'étendrai pas ces considérations davantage. Je voterai contre la proposition de loi.

(page 1152) MiPµ. - Messieurs, je partage, sur le fond de la question, les idées de l'honorable M. Tesch ; je pense comme lui que la suppression absolue de la contrainte par corps créerait dans notre législation une lacune ; je crois qu'avant d'adopter une mesure décrétant cette abolition complète, il y a lieu pour la législature de prendre certaines dispositions qui empêchent cette lacune de produire les mauvais effets que l'honorable membre en redoute.

Je suis donc décidé, pour ma part, à ne pas voter le projet de loi définitif, si l'on n'a pas d'abord introduit dans notre législation des modifications qui soient de nature à empêcher les inconvénients qu'on craint. Mais tout en conservant cette opinion qui n'a pas été ébranlée par les discussions qui ont eu lieu, je. crois devoir voter la mesure qui nous est aujourd'hui proposée.

Messieurs, je reconnais avec l'honorable M. Tesch que si l'on considère cette mesure comme devant constituer une expérience, l'expérience ne sera pas efficace. Je reconnais que les résultats des huit mois qui vont s'écouler ne peut donner aucune espèce de conviction sur l'utilité de la suppression complète ou plutôt sur les inconvénients que la suppression complète de la contrainte par corps peut présenter.

Je pense ainsi précisément par la raison qu'il vient de donner, c'est que la contrainte par corps devant être prononcée, la contrainte par corps continuant à menacer sinon immédiatement, tout au moins pour un temps très rapproché, ceux qui se rendraient coupables des faits qu'elle doit atteindre, elle conservera son effet comminatoire.

Mais bien loin de voir dans cette circonstance un motif de repousser la mesure, je crois, pour ma part, que c'est un motif de l'adopter et je vois précisément dans cette observation de l'honorable membre ce qui en constitue le caractère transactionnel ; cette remarque prouve en effet que même pour le temps très limité auquel la loi doit s'étendre, elle ne supprime pas la contrainte par corps.

Messieurs, nous avons essayé depuis quelque temps de transiger ; nous avons essayé de nous mettre d'accord sur l'étendue de la suppression de la contrainte par corps.

Il faut reconnaître qu'on n'est pas parvenu à fixer la limite de cette abolition. Mais, messieurs, on peut transiger non pas seulement sur l'étendue, mais aussi sur le temps d'une chose ; or, ce que la Chambre demandait en votant le projet, c'est la simple suspension d'une voie d'exécution pour un temps extrêmement limité.

Je reconnais que si nous avions devant nous toute une longue session, si nous pouvions espérer d'aboulir, d'ici à un délai assez court, à une solution de la difficulté, il vaudrait mieux aborder le fond de la question. Mais on doit reconnaître aussi que cela n'est pas possible en ce moment.

Il s'agit donc de savoir si la proposition qui vous est faite est une mesure acceptable par le Sénat et n'entraînant à aucun inconvénient dans la pratique.

Je dis d'abord que c'est une mesure acceptable par le Sénat.

En effet, de quoi s'agit-il ?

De préjuger un principe quelconque ?

Mais le rapport explique parfaitement qu'on ne préjuge absolument rien ; qu'on est, après l'adoption de cette mesure, parfaitement maître de voter comme on l'entend sur le fond de la question.

De quoi s'agit-il ? De faire que l'exécution par la contrainte par corps soit soumise à un terme. Un honorable membre a prétendu que donner un terme à la contrainte par corps c'était l'abolir.

M. Watteeu vous a cité un exemple qui est parfaitement juste. Il a parlé du terme de grâce qui ne libère nullement le débiteur de sa créance.

Il en est de même des sursis que les tribunaux accordent. Est-ce qu'ils ont pour effet de décharger le débiteur ? Evidemment non.

Il ne s'agit donc pas de renoncer à la contrainte par corps, mais simplement de la différer.

On nous dit, messieurs. Mais le Sénat va être dupe !

M. Jacobs a un grand désir de transaction entre la Chambre et le Sénat, mais ce désir me paraît se traduire un peu par des efforts faits pour empêcher la transaction et je crois que l'honorable membre n'a pas d'autre but que d'empêcher la transaction. (Interruption.)

M. le président. - Laissez à M. Jacobs sa pensée, M. le ministre.

M. Dumortier. - Voilà ce. qui mériterait un rappel à l'ordre !

M. le président. - Je remplis mon devoir vis-à-vis du ministre comme je l'ai rempli hier à votre égard, M. Dumortier.

MiPµ. - Je n'ai pas l'intention de dire la moindre chose blessante à M. Jacobs. Je retire donc ce que j'ai dit. Mais je dirai que le discours de M. Jacobs aura pour effet d'empêcher la transaction, ou, si l'on veut, que M. Jacobs ne parlerait pas autrement, s'il voulait empêcher la transaction.

En effet, messieurs, je trouve très étonnant que pour arriver à une transaction qu'on désire, on vienne dire à celui avec qui on veut transiger : Mais si vous acceptez cela, vous êtes dupe !

M. Jacobsµ. - Si c'est la vérité !

MiPµ. - Si c'est la vérité, je ne dis pas qu'on ne puisse pas le dire. Mais je dis que c'est un mauvais moyen, pour arriver à une transaction, que de représenter le moyen transactionnel comme devant faire une dupe.

M. Jacobsµ. - C'est pour que vous arriviez à un autre moyen.

M. Moncheurµ. - Prenez la proposition de l'honorable M. Delcour. Voilà la transaction.

MiPµ. - Je crois que l'arrondissement d'Anvers n'envoie pas à la Chambre et au Sénat des députés désirant beaucoup les transactions, et je crois que si l'on voulait analyser les votes des deux sénateurs de la députation d'Anvers, on trouverait que ces votes n'indiquent pas un grand désir d'arriver à une transaction.

M. Coomans. - Vous voulez parler de MM. Loos et Joostens ? (Interruption.)

MiPµ. - On est arrivé à ceci : c'est que les abolitionnistes complets, comme l'honorable M. Jacobs, ne veulent pas d'une proposition qui est une abolition partielle. L'honorable M. Jacobs nous a dit : Si l'abolition complète est mauvaise, l'abolition partielle doit l'être aussi. Si l'honorable membre voulait s'appliquer son raisonnement, il devrait donc dire : Si l'abolition complète est bonne, l'abolition partielle doit l'être aussi.

Y a-t-il un inconvénient à supprimer la contrainte par corps pour un terme aussi limité que huit mois ?

Mais on nous dit (je reviens à l'argument que l'interruption m'avait fait perdre de vue) : Le Sénat sera dupe ; après cette suspension momentanée, on en fera accorder une autre et jamais plus on n'emploiera cette voie d'exécution. Mais si on ne l'emploie plus, c'est que le Sénat y consentira.

Evidemment, on ne préjuge rien d'ici au mois de février. Pour ma part, je déclare que je ne voterai pas la loi prononçant l'abolition complète. Mais nous devons sortir de la situation actuelle. La Chambre peut dire au Sénat : Je ne préjuge rien sur l'étendue de la réforme ; mais je demande de suspendre pendant quelques mois l'exécution de cette voie de contrainte. En quoi le Sénat abdiquerait-il sa dignité en consentant à cette suspension ?

Mais l'honorable M. Delcour fait, une proposition, appuyée par l'honorable M. Tesch. Je crois cette proposition inexécutable. En effet, la disposition que propose l'honorable M. Delcour est une disposition qui attache la contrainte par corps à certaines circonstances indiquées dans la loi qu'il propose et qui doivent être déterminées par le juge.

Ainsi, en matière commerciale, la contrainte par corps n'est plus (page 1153) attachée à l'exécution de tous les jugements. Il faut qu'il y ait acte illicite, mauvaise foi et différentes autres circonstances. Or, les personnes qui sont aujourd'hui détenues en vertu de la législation actuelle le sont en vertu de jugements qui déclarent la contrainte par corps applicable.

M. Delcourµ. - Nous leur donnons la liberté.

MiPµ. - Vous ne pouvez leur donner la liberté. Je suppose qu'il y ait un de ces débiteurs qui, pour une dette de commerce, ait commis un acte illicite, ait été de mauvaise foi et soit dans le cas de la loi nouvelle. On ne pourra lâcher ce débiteur.

M. Dumortier. - Il ne faut pas le relâcher.

MiPµ. - Le projet de loi de M. Guillery relâche tous les détenus pour dettes.

M. Dumortier. - Je dis qu'il ne faut pas le relâcher.

MiPµ. - L'honorable M. Dumortier se vante toujours de ne pas être avocat, de ne pas être jurisconsulte. Mais je le prierai alors de ne pas entrer dans la discussion de questions de droit.

Messieurs, la proposition faite par l'honorable M. Guillery est une proposition dont l'exécution n'entraînera aucune espèce de difficulté pratique, mais je dis que, dans la proposition de l'honorable M. Delcour, il y a une difficulté insurmontable ; si un individu est détenu en vertu d'un jugement du tribunal de. commerce, qui ne détermine pas les circonstances de la loi nouvelle ; si l'on fait opposition à sa mise en liberté, est-ce que le directeur de la prison va être appelé à juger ? Mais le directeur de la prison maintiendra l'incarcération. Y a-t-il un danger public assez considérable pour entrer dans de pareilles difficultés ?

Dans la proposition de M. Guillery, la peine de la contrainte par corps ou la quasi-peine de la contrainte par corps, si vous le voulez, continue a exister, avec faculté pour le Sénat de l'appliquer à dater du 1er mars. Le danger qu'il peut y avoir et qu'il y aurait réellement, selon moi, dans la suppression complète de la contrainte par corps, n'est donc pas à craindre puisque la commination de la peine existe tout entière.

L'amendement rejeté par le Sénat a pour conséquence de supprimer la contrainte par corps au bout d'un certain temps ; y a-t-il quelque chose de semblable dans la proposition de M. Guillery ?

Evidemment non. Le Sénat peut conserver son opinion, il a la certitude complète de faire prévaloir cette opinion pour le 1er mars. Il n'abandonne pas sa position ; il lui suffira de sa simple volonté pour que la loi en vigueur recouvre ses effets ; ce n'est certes pas abdiquer que de conserver cette plénitude de pouvoirs.

Celui qui a prise de corps contre son débiteur ne peut pas le faire incarcérer maintenant, mais il a la certitude, si le Sénat le veut, de le faire incarcérer au 1er mars prochain.

Je pense donc, messieurs, que l'on peut parfaitement déclarer que la proposition de M. Guillery conserve au Sénat le plénitude de son autorité et qu'on ne lui demande que de différer pendant quelques mois la faculté qu'on lui donne de remettre en vigueur la contrainte par corps.

M. Coomans. - Permettez-moi, messieurs, une observation préliminaire, c'est que si nous avions fait une loi définitive, nous ne nous serions guère trouvés devant des difficultés plus grandes que celles que nous rencontrons en ce moment ; si la discussion reste libre comme elle devrait l'être, elle peut durer très longtemps : on est bien d'accord sur ce point que la contrainte par corps doit disparaître dans certains cas, mais à mes yeux, il ne s'agit plus de contrainte par corps, il s'agit d'une contrainte ministérielle, il s'agit de la contrainte du Sénat. (Interruption.)

L'honorable ministre vient de déclarer que nous pouvons voter pour ou contre sans préjuger notre opinion sur le fond ; il ne s'agit donc plus de la contrainte par corps, il s'agit de la contrainte ministérielle, il s'agit de la contrainte du Sénat.

Maintenant, puisqu'il ne s'agit pas de la contrainte par corps, je n'en parlerai pas. Je dirai qu'il me paraît assez étrange que le ministère, l'honorable M. Frère en tête, insiste tant aujourd'hui pour obtenir la suppression absolue de la contrainte par corps ; que sa conscience l'y oblige, au point qu'il veuille contraindre le Sénat, alors que lui, ministre, et d'autres de ses collègues ne se sont pas aperçus de tout cela depuis vingt ans.

En 1847, l'honorable ministre arrive au pouvoir ; il trouve la contrainte par corps excellente, et n'en souffle ni n'en laisse souffler mot.

En 1859, après douze ans d'études, de réflexion, d'expérience, l'honorable ministre vient nous proposer de maintenir la contrainte par corps qu'il trouve bonne, qu'il trouve très constitutionnelle, ce qu'elle n'est plus aujourd'hui !

II est étrange qu'il ait fallu que l'honorable M. Bara vint. (Interruption.) On a dit : Enfin Malherbe vint.

La comparaison n'a rien de désobligeant pour l'honorable M. Bara. Il est donc étrange qu'il ait fallu que M. Bara vînt pour éclairer ses collègues et la Chambre presque tout entière, et pour prouver à l'honorable M. Frère que lui, M. Frère, s'est montré inhumain, inconstitutionnel', absurde, inique pendant vingt ans.

Je n'accepterais de pareilles observations ni surtout de pareilles conclusions de la part de personne. Je conçois que l'on pose des questions ministérielles sur des affaires de conscience, sur des convictions bien arrêtées.

Ainsi il est évident que je ne serai jamais rien dans le gouvernement si deux ou trois de mes idées ne sont pas acceptées. Mais sur des points que j'aurais trouvés bons pendant de longues années, je ne poserais pas de question ministérielle, et je n'aurais garde de me critiquer cruellement moi-même.

Donc, encore une fois, je trouve étrange qu'on veuille contraindre le Sénat sur des points tellement douteux qu'on ne les a jamais aperçus pendant vingt ans.

Il faut, dit l'honorable M. Pirmez, que nous sortions de cette situation. Je ne vois pas cette nécessité en ce qui me concerne. La situation ne me gêne pas du tout. Elle gêne le cabinet, et c'est lui qui ne veut pas en sortir, non seulement de la situation, mais du ministère. (Interruption.)

Voilà la vérité. (Interruption.)

Vous sentez bien que ce point-là ne m'émeut guère !

Est-ce ma faute si vous avez posé légèrement et indûment la question de portefeuille sur la contrainte par corps ? Est-ce ma faute si vous retirez.non pas le projet de loi, mais la question de portefeuille quand vous vous êtes aperçus que la menace n'a pas opéré. Vous vous êtes trop avancés et vous cherchez toutes sortes de reculades. Je ne trouve pas cela parfaitement digne.

Je trouve que tous les corps, y compris le ministère, doivent sauvegarder leur dignité.

Le Sénat a sauvegardé la sienne. Nous sauvegardons la nôtre du mieux que nous pouvons. Que le ministère en fasse autant. Mais ce n'est pas aux dépens d'un grand corps de l'Etat qu'un autre, le ministère par exemple, doit se sauver ni provisoirement, ni définitivement, surtout pas définitivement.

Messieurs, j'ai dit que je ne reparlerais pas de la contrainte par corps. Je finirai par en dire deux mots.

Je suis pour le maintien de la contrainte par corps en matière de. commerce, j'ai eu ce qu'on appelle le courage de l'avouer, parce que je crois que c'est une garantie en faveur des petits débiteurs, parce que je crois consciencieusement que vous nuisez aux petits commerçants, à ceux qui n'ont pas de crédit matériel, en faisant disparaître cette garantie de la contrainte par corps qui est considérée, à tort ou à raison, comme réelle par beaucoup de prêteurs et de bailleurs de fonds.

Voilà mon opinion sur la contrainte par corps en matière commerciale.

Quant à la presse, je l'ai dit depuis de longues années, la contrainte n'a pas de raison d'être. Pourquoi ? Parce qu'elle est toujours inefficace, et je ne la veux pas en matière de presse pour la même raison que j'en veux en matière de commerce.

Cette opinion n'est pas conforme à celle du Sénat ; je la crois la meilleure... (interruption) et je la garde parce que c'est la mienne, mais si l'on m'en donnait une que je pourrais trouver meilleure, je la préférerais à la mienne.

En deux mots donc, je voterai pour la conclusion qui sera la plus désagréable au gouvernement, parce qu'avant de vouloir l'abolition de la contrainte par corps, je désire l'abolition du ministère.

M. Dumortier. - Messieurs, nous sommes arrivés à une situation réellement étrange, sans exemple en Belgique, sans exemple dans aucun gouvernement constitutionnel.

L'abolition de la contrainte par corps a été proposée d'abord à la Chambre et votée, mais le Sénat l'a repoussée. La loi est revenue à la Chambre, où le gouvernement a fait de son adoption une question de cabinet.

Cette déclaration a été cause que plusieurs membres de la gauche, M. Rogier notamment, qui avaient pris la parole contre l'abolition de la contrainte par corps, ont voté la loi. Le gouvernement se présente de nouveau au Sénat avec cette loi et la question de cabinet. Le Sénat ne tient aucun compte de la question de cabinet et rejette encore une fois la loi.

Voilà la situation. Au premier vote, chaque Chambre a pu voter librement ; au second vote, les Chambres ont voté sous la pression ministérielle, car poser une question de cabinet est toujours une pression.

(page 1154) Malgré la question de cabinet, le Sénat repousse l'abolition de la contrainte par corps à la majorité de 32 voix contre 25.

Vous croyez qu'à la suite de cette résolution, les principes posés par le gouvernement vont suivre leur cours ? Comme j'ai eu l'honneur de le dire hier, après avoir posé la question de cabinet, le gouvernement, dans la situation qui lui était faite, par le vote du Sénat, n'avait que deux choses à faire : proposer au Roi la dissolution du Sénat ou déposer ses portefeuilles.

C'est la marche régulière, de tous les gouvernements représentatifs quand la question de cabinet a été posée. Et remarquez-le, elle a été posée, non seulement pour la Chambre mais pour le Sénat.

Eh bien, que fait le gouvernement ? Il reste au pouvoir ; soit, mais il va plus loin aujourd'hui, il fait une tentative que l'on décore du beau nom de transaction et qui n'est rien autre chose qu'une tentative d'anéantissement, d'avilissement du Sénat.

On substitue ù la question ministérielle posée, celle de savoir si nos institutions resteront entières, si le Sénat restera comme corps délibérant, comme grand corps de l'Etat, oui ou non.

Eh bien, à mes yeux, il y a ici une question d'une gravité excessive et qui prime toutes les questions de la contrainte par corps, toutes les questions administratives, toutes les questions ministérielles : c'est le jeu libre et régulier des institutions de notre pays. Je dis que le jeu des institutions n'existe plus quand l'une des deux Chambres cherche à peser tellement sur l'autre qu'elle parvient a la supprimer. Le jour où vous arriverez, après une série de votes de parti successifs, à obtenir ce qui, j'espère, n'aura pas lieu, l'affaiblissement, l'anéantissement du Sénat, ce jour-là, qu'auriez-vous fait ? Vous auriez porté la plus grave atteinte à nos institutions constitutionnelles ; et vous auriez, en fait, supprimé un des grands corps, un des pouvoirs de l'Etat.

Bien évidemment, messieurs, si l'on présente ce système, c'est que l'on a certains calculs en tête : on espère ramener, par des moyens que j'ignore, certains membres du Sénat, et conserver son portefeuille après avoir anéanti la prérogative parlementaire du Sénat.

Si c'est là le but que l'on se propose, je dis que ce but est immoral ; si l'on se propose un but de corruption, par quelque moyen que ce soit, on a un but immoral ; si l'on se propose ce but de pression sur un seul membre du Sénat, ce but est essentiellement immoral, car il faut que les Chambres ne soient point atteintes de servilisme parlementaire.

Or, vous ne pouvez pas supposer que le Sénat accueille votre proposition actuelle qui, sous une forme différente, n'est autre chose que celle qui lui a été présentée deux fois et qu'il a rejetée deux fois. Vous ne pouvez pas compter sur un pareil résultat, si vous n'avez pas dans votre pensée certains moyens pour agir, soit par corruption, soit autrement, sur certains membres du Sénat, afin de les faire changer d'opinion.

Le Sénat s'est prononcé par 32 voix contre 25 ; quatre membres seulement étaient absents. Eh bien, à supposer que ces quatre membres soient favorables à l'abolition complète de la contrainte par corps, vous aurez encore 32 voix contre 29, c'est-à-dire trois voix de majorité contre votre proposition.

SI donc, je le répète, vous espérez le succès de cette proposition, c'est que vous comptez exercer une pression quelconque sur certains membres du Sénat, et s'il en est ainsi, vous arriverez à ce régime que l'Angleterre a tant détesté, au régime de Walpole.

Mais, nous dit-on, c'est un système de transaction. Messieurs, je n'aime pas à voir se jouer des mots et torturer leur sens grammatical ; je n'aime pas que, dans un parlement, la parole soit donnée à l'homme pour dissimuler sa pensée.

De transaction, il n'y en a pas ici la moindre apparence. Ne dites pas que vous faites une proposition de transaction, cela est inexact ; dites plutôt que vous proposez une loi de mystification et vous serez dans le vrai.

Une transaction ! mais l'honorable M. Pirmez ne vient-il pas de vous dire lui-même qu'il s'agit d'abolir la contrainte par corps pendant neuf mois ?

MiPµ. - J'ai dit : de la suspendre.

M. Dumortier. - Vous avez dit abolir ; c'est l'expression dont vous vous êtes servi et je l'accepte ; qu'il s'agit d'abolir la contrainte par corps pendant neuf mois, l'honorable membre s'est servi de cette expression...

MiPµ. - Pas du tout.

M. Dumortier. - Vous l'avez dit.

D'après M. le ministre de" l'intérieur, ne pas exécuter la contrainte par corps pendant neuf mois, ce n'est pas la supprimer.

Mais, messieurs, ainsi que l'a dit mon honorable ami, M. Jacobs, ce n'est pas abolir la contrainte par corps en droit, mais l'abolir en fait ; vous abolissez en fait la contrainte par corps pendant neuf mois. Voilà ce que vous faites,

Vous n'avez le courage, ni de trancher le principe, ni de prendre une solution définitive ; vous faites une loi d'expédient pour chercher à amener l'avilissement, l'asservissement du Sénat, c'est-à-dire d'un des plus grands corps de l'Etat.

Et vous dites que c'est là sortir de la situation. Oh ! je conçois que vous entendez par là sortir de la situation que vous vous êtes faite ; mais vous n'en sortez qu'en faisant sortir le Sénat de la situation constitutionnelle qui lui est assurée.

Voilà comment vous entendez sortir de la situation.

Vous parlez de danger public ; je dis, moi, que c'est vous qui créez un danger public. En effet, il y a un véritable danger public, de la part d'une Chambre, de vouloir violenter, pressurer, opprimer l'autre Chambre. Si le Sénat se conduisait ainsi à l'égard de la Chambre des représentants, nous aurions à repousser avec la dernière énergie un semblable procédé. Quant à moi, je déclare que, quelle que fût ma conviction sur le fond d'une question qui nous serait présentée dans de. pareilles conditions par le Sénat ; je déclare que si le Sénat voulait pressurer, violenter, opprimer l'opinion de l'autre Chambre, l'amour dont je suis animé pour nos institutions me ferait élever le premier la voix pour défendre l'intégrité de nos prérogatives parlementaires.

Ce n'est pas là ce que vous faites ; vous n'avez qu'un but : c'est de forcer une troisième fois le Sénat à marcher comme vous l'entendez ; et vous renouvelez ce proverbe des écoliers et des gamins : « La troisième fois, nous y verrons le droit. » Voilà votre but.

« Mais le Sénat, dit l'honorable M. Pirmez, conserve la certitude complète de maintenir son opinion le 1er mars 1870. » Comment ! il conserve cette certitude complète ! Quand vous serez arrivés par votre pression à la faire changer, viendrez-vous dire qu'il aura encore sa liberté d'opinion complète ? Non, il ne l'aura plus : vous l'aurez forcé, par votre pression immodérée, inconstitutionnelle, dont on ne voit d'exemple dans aucun autre pays représentatif ; vous l'aurez forcé, dis-le, à se ruiner lui-même, à se déjuger. Lorsqu'un corps s'est déjugé lui-même, il n'a plus cette force, cette virilité dont il a besoin pour maintenir une loi qui est bonne.

Il est donc tout à fait inexact de dire que le Sénat conserve, dans le cas actuel, sa complète indépendance, et qu'il pourra l'exercer au 1er mars 1870.

Comment ! il l'exercera le 1er mars 1870, lorsque dans le mois de juin 1869 vous l'aurez supprimée.

Ce n'est pas tout : votre loi, telle qu'elle est formulée aujourd'hui, est une véritable atteinte à la prérogative, non seulement du Sénat, mais encore du pouvoir judiciaire. Et ici je prendrai la défense du pouvoir judiciaire, parce qu'il est dans son droit ; et je le soutiendrai toujours en pareil cas. (Interruption.)

Vous ricanez, M. Frère, c'est votre usage ; mais ce n'est pas un argument.

Je viens, moi, soutenir aujourd'hui la prérogative du pouvoir judiciaire, parce qu'il est dans son droit ; dans l'exercice de mon mandat de représentant, j'ai été quelquefois dans la nécessité de prendre une autre attitude à l'égard de la magistrature, de combattre ce que je croyais être des abus ; et sur ce point j'ai obtenu raison de cette assemblée.

Dans la question des toelagen, personne ne contestera que j'ai obtenu raison de l'assemblée.

Qu'est-ce que porte l'article 30 de la Constitution ?

« Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi. »

Ainsi la Constitution exige que tous les arrêts et jugements rendus par nos cours et tribunaux soient exécutés. Et que fait-on ?

On dit que, d'ici au 1er mars, les arrêts et jugements ne seront pas exécutés. Voilà votre loi.

Je sais bien que la Constitution n'est pas pour vous une gêne ; je sais fort bien que vous trouvez toujours que j'ai tort. Mais pour moi, la Constitution est formelle.

« Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi. »

Voilà ce que dit la loi, la loi des lois, la Constitution, et ce que vous proposez c'est que les arrêts et jugements rendus avec la contrainte par corps ne seront plus exécutés.

L'atteinte à la prérogative du pouvoir judiciaire est ici de la dernière évidence.

On me dira : C'est une loi.

Eh bien, vous n'avez pas le droit de faire une loi qui soit contraire au texte formel de la Constitution ; vous n'avez pas le droit de modifier la Constitution par une loi, et votre loi serait une modification flagrante, une violation flagrante du texte de la Constitution.

(page 1155) A l’article 67, il est vrai qu'il s'applique au Roi, il est dit que le Roi peut remettre les peines, mais sans jamais pouvoir ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution.

Ainsi vous le voyez, votre projet de loi est évidemment anticonstitutionnel. Il supprime la disposition si formelle de l'article 30 de la Constitution.

Tout cela prouve une chose : c'est que la passion est aveugle, qu'elle est mauvaise conseillère, et maintenant que vous êtes agités d'une grande passion, vous voulez avoir votre vengeance du Sénat et vous mettez de côté, pour l'obtenir, tout ce qui est formel, tout ce qui est prescrit par la Constitution.

Vous supprimez en fait une des deux Chambres, un des deux membres du pouvoir législatif.

Comme le disait l'honorable M. Coomans, ce n'est pas de la contrainte par corps qu'il s'agit en ce moment, c'est de la contrainte du Sénat.

Opposé toujours au système de contrainte, je déclare formellement que je ne puis pas admettre un projet de loi dont le but évident, manifeste est de contraindre l'autre Chambre à revenir sur une décision qu'elle a deux fois émise avec pleine et entière connaissance de cause.

Le ministère veut un arrangement. Mais c'est simple comme bonjour ; qu'il retire son projet de loi. S'il veut rester aux affaires, je n'y fais pas opposition ; mais qu'il retire le projet de loi, et le conflit disparaît.

Mais ce qu'il faut, le voici : il faut obtenir per fas et nefas, par tous les moyens imaginables, le triomphe d'une idée, même en diminuant la valeur des corps politiques. Eh bien, messieurs, et c'est par là que je finis, qu'est-ce qu'un pareil système ? Un pareil système, il n'y a qu'un mot dans la langue pour le définir : c'est l'anarchie ! C’est l'anarchie que l'on veut introduire en supprimant les corps politiques pour se cramponner au pouvoir, pour se cramponner aux portefeuilles, dont on ne veut à aucun prix se séparer.

M. le président. - La parole est à M. Watteeu.

M. Watteeuµ. - J'y renonce.

M. Guillery. - Je ne prolongerai pas le débat. Mais je demande de revenir à la proposition elle-même et de ne pas permettre qu'on en méconnaisse le principe.

Plusieurs membres, préoccupés outre mesure, me semble-t-il, de la dignité du Sénat qui n'a été attaquée par personne et faisant assez bon marché de celle de la Chambre, disent qu'il y a un moyen bien simple de vider le conflit : c'est que la Chambre qui croit l'abolition de la contrainte par corps commandée par la situation, réclamée par l'opinion publique, déclare purement et simplement que le projet de loi est retiré et qu'on ne s'en occupera plus. Voilà ce que l'honorable M. Dumortier appelle respecter les grands corps de l'Etat, respecter la dignité parlementaire.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Guillery. - Ce sont les paroles dont vous venez de vous servir à la fin de votre discours et dont vous vous êtes servi plusieurs fois dans le cours de votre discours.

Ce que je demande, c'est qu'aucun des deux systèmes qui sont en présence ne soit consacré par la loi ; c'est que personne ne triomphe et que personne ne succombe ; et si la proposition que j'ai l'honneur de déposer pouvait blesser en quoi que ce soit la dignité, la susceptibilité du Sénat, comment aurais-je jamais eu l'idée de la présenter à la Chambre, sachant que c'est le Sénat lui-même qui aura à statuer sur ce que lui commande sa dignité ? Eh bien, j'ai confiance dans sa décision ; je suis convaincu que les suggestions et les provocations qui sont parties de différents bancs de cette Chambre ne seront pas écoutées au Sénat, que ce corps sage et éclairé rendra justice à l'esprit de conciliation qui m'anime.

On prétend, d'un coté, que la proposition est uniquement le projet de loi de la Chambre ; que c'est la suppression de la contrainte par corps. On y insiste, et l'honorable M. Delcour lui-même qui a assisté aux débats de la commission où la question a tant de fois été présentée, est revenu sur cette allégation, comme si rien n'avait été répondu à ce qui avait été dit à cet égard.

D'un autre côté, l'honorable M. Tesch vous dit que votre projet de loi ne constituera pas une expérience, parce qu'en réalité la contrainte par corps ne sera pas supprimée, que les tribunaux continueront à la prononcer et que les personnes condamnées seront toujours sous le coup de l'exécution à partir du 1er mars prochain.

Ainsi, d'un côté, la proposition est condamnée parce qu'elle abolit la contrainte par corps ; d'un autre côté, elle est condamnée parce qu'elle n'abolit pas la contrainte par corps. Je demande la division.

En réalité, nous demandons que la Chambre ait le temps nécessaire pour examiner avec maturité, pour examiner éventuellement avec des membres du Sénat, (car il sera bon peut-être de poser, au sein de cette Chambre, ce moyen de conciliation), la nomination d'une commission de la Chambre chargée de négocier avec une commission du Sénat, quel est le système qui sortira de ces conférences ou officielles ou officieuses.

Vous avez entendu l'honorable M. Coomans qui est partisan du maintien de la contrainte par corps en matière commerciale ; d'autres membres veulent la supprimer en matière commerciale et la maintenir en d'autres matières ; on ne peut donc pas prévoir quel est le système qui prévaudra.

Lorsqu'il s'agira de négocier, il faudra que chacun de son côté fasse des concessions. Mais n'est-il pas évident que ce n'est pas d'ici à demain que nous pouvons faire de pareilles négociations, que nous pouvons examiner avec maturité toutes les questions qui s'y rattachent ?

Que faire dans cette situation ? Faut-il maintenir les détenus en prison provisoirement, ou faut-il les mettre en liberté provisoirement ? Le projet de loi propose une mise en liberté provisoire ; il propose que le bénéfice du doute profite aux détenus jusqu'à ce qu'on se soit mis d'accord. En attendant, la loi de 1859 continuera à fonctionner, et je ne comprends pas qu'on assimile la suspension d'une voie d'exécution à la suspension d'une loi, à l'abrogation d'une loi. Comme on l'a fort bien dit, en nous combattant, les tribunaux prononceront la contrainte par corps. Ce n'est donc pas l'abrogation de la peine, la peine subsiste, la menace subsiste, nous ne suspendons qu'un moyen d'exécution.

Est-il juste, est-il raisonnable que, pendant la discussion entre la Chambre et le Sénat, ce soient les détenus qui souffrent de notre désaccord ?

Mais, dit-on, il y a un point sur lequel nous sommes tous d'accord, et c'est sur ce point que devrait porter la loi. Tout le monde est d'accord pour mettre en liberté les détenus pour dettes.

Je réponds : Mais il n'y a pas de point sur lequel tout le monde soit d'accord, il n'y a pas de projet sur lequel tout le monde soit d'accord, et si nous votions aujourd'hui sur un projet portant : « La contrainte par corps est supprimée en matière commerciale » il y a des membres qui repousseraient cette loi. Il y a des membres qui ne veulent pas supprimer la contrainte par corps en matière commerciale et qui sont bien plus convaincus qu'il y a équité à la supprimer en matière de dommages-intérêts. On peut même dire avec beaucoup de raison, que si elle n'était pas maintenue en définitive que contre la presse, ce serait une violation directe de la Constitution, qui veut que le jury statue en matière de presse. La contrainte par corps exercée dans les affaires de presse n'était justifiable que lorsque l'on soumettait les actions en dommages-intérêts au droit commun.

L'argument a été produit. Il mérite, à coup sûr, d'être discuté. Ne dites donc pas qu'il y a un point sur lequel on est d'accord, que l’on pourrait facilement arriver à faire voter un projet qui satisferait tontes les opinions.

Nous ne pouvons admettre qu'à titre provisoire on prenne un système que nous condamnons. Mais ce que nous demandons, c'est que, sans discuter aucune question, sons adopter ni l'un ni l'autre système, on prenne une mesure provisoire toute d'humanité.

C'est là ce qui domine tout le projet.

Nous ne demandons pas que l'on consacre même le principe de l'abolition de la contrainte par corps pendant huit mois. Nous ne demandons que la suppression à titre provisoire d'un moyen d'exécution.

Tel est l'esprit du projet de loi. Je ne saurais trop insister sur ce point puisque l'on paraît en méconnaître l'inspiration : c'est que c'est une pensée de transaction, de conciliation, de bienveillance, pour le corps avec lequel nous nous trouvons momentanément en dissentiment sur une question qui n'est pas une question politique, qui a inspiré l'amendement.

M. Delcourµ. - Messieurs, je désirerais faire quelques observations en réponse à ce que vient de dire l'honorable M. Guillery.

L'honorable membre s'appuie, pour combattre mon amendement, sur la divergence des opinions qui existe relativement à l’utilité du maintien ou de l'abolition de la contrainte par corps.

L'honorable membre a confondu deux choses.

Sans doute, si on ne considère que les publicistes ou les jurisconsultes qui ont écrit sur cette question, on peut dire qu'il y a autant d'opinions que de têtes. Mais nous sommes appelés à examiner la question à un tout autre point de vue.

En ce qui concerne le Sénat et la Chambre, je n'aperçois qu'un point sur lequel l'accord n'existe pas.

J'analyse le projet tel qu'il nous a été renvoyé par le Sénat.

La contrainte par corps est supprimée (voilà le principe reconnu), sauf les modifications suivantes.

L'article 2 maintient la contrainte par corps en matière répressive.

(page 1156) Le gouvernement s'est rallié à cet article et je pense que la Chambre l'admettra également.

Sur ce point donc, il n'y aura plus de difficulté, selon moi.

Vient l'article 3, c'est le seul point sur lequel il y a dissentiment entre les deux Chambres. Il s'agit là de la contrainte par corps prononcée par des condamnations à des dommages-intérêts résultant de faits illicites commis méchamment ou avec intention de nuire.

Le Sénat a maintenu deux fois cette disposition, qui n'a pas obtenu l'assentiment de la majorité de la Chambre.

Que faut-il faire en pareille circonstance ?

La raison vous l'indique, messieurs.

Prononçons l'abolition de la contrainte par corps pour tous les cas sur lesquels nous sommes d'accord et réservons le point litigieux ou contesté.

L'amendement que j'ai eu l'honneur de faire a la section centrale n'a pas d'autre objet.

Vous voyez, messieurs, que les difficultés ne sont pas aussi grandes que le pense l'honorable rapporteur,

Oui, les uns pourraient soutenir que la contrainte par corps est nécessaire en matière commerciale, lorsque d'autres la considéreront comme inutile ; mais la n'est/pas la question. Nous ne devons l'apprécier qu'au point de vue parlementaire.

Je suis étonné de l'opposition que rencontre ma proposition. Elle est cependant dictée dans un esprit de conciliation.

Peut-on être plus conciliant envers un contradicteur, que de lui dire : J'accepte votre proposition, mais je réserve le point contesté. Nous étudierons et nous chercherons a nous entendre.

M. le ministre de l'intérieur a fait une objection. Avez-vous réfléchi, a-t-il dit, aux conséquences de votre amendement ? Son application entraînera dans la pratique de graves difficultés. Vous avez oublié que le Sénat maintenait la contrainte par corps toutes les fois qu'il s'agit de condamnations aux dommages-intérêts résultant d'actes illicites ; il faudra rechercher, à l'égard de chaque détenu pour dettes, s'il ne tombe pas sous l'application de cette exception.

Messieurs, je suis étonné d'entendre une telle objection.

Le projet amendé par le Sénat peut donner lieu à la même critique. L'article 4 porte en effet :

« En dehors de ces exceptions, les jugements déjà rendus ne seront plus exécutés en ce qui concerne la contrainte par corps ; toute exécution déjà pratiquée sera abandonnée, et la liberté rendue immédiatement aux débiteurs incarcérés. »

Une disposition semblable se trouvait dans le projet de la section centrale, dans Jl projet de la commission du Sénat, et personne n'a pensé aux difficultés d'exécution soulevées par l'honorable ministre de l'intérieur.

Afin de me rendre compte des conséquences des diverses propositions soumises à la Chambre, j'ai consulté la statistique des détenus pour dettes, statistique qui a été communiquée par M. le ministre de la justice à la section centrale et dont les tableaux ont été annexés au premier rapport.

Cinq débiteurs seulement étaient incarcérés pour dettes civiles en 1866, et, pour aucun d'entre eux, l'emprisonnement ne pouvait excéder 9 mois.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a une erreur.,

M. Delcourµ. - Non, M. le ministre, il n'y a pas d'erreur. Ce chiffre est indiqué dans le tableau que vous avez remis à la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ils ne sont probablement plus en prison.

M. Delcourµ. - Peu importe. Voyons ce qui en est des détenus pour dettes commerciales.

(erratum, page 1164) D'après le même tableau, le nombre de ces détenus s'était élevé, pour la période de six ans, de 1859 à 1865, à 670. Ils recouvreront tous la liberté selon mon amendement. (Interruption.) Cela n'est pas contestable ; le rapport de la commission du Sénat, celui de la commission de la Chambre des représentants déclarent, en termes formels, que la contrainte par corps ne sera plus appliquée en matière commerciale.

Quant aux débiteurs incarcérés pour condamnation à des dommages-intérêts, le nombre n'est que de 38, parmi lesquels se trouvent des débiteurs qui ont été condamnés à des restitutions ou à des réparations civiles par les tribunaux de répression.

Ces chiffres établissent que la liberté sera rendue aux 99/100 de détenus ; nous le désirons tous.

(erratum, page 1164) Le nombre total des détenus d'après les documents officiels fournis par le gouvernement, avait été, en 1866, de 854, toujours pour la même pétiode de six ans.

En fait, mon amendement aboutira à peu près aux mêmes conséquences que la proposition de l’honorable M. Guillery ; mais il aura l’avantage de ne pas avoir préjugé les questions qui divisent le Sénat et la Chambre.

En parlant de l'amendement du Sénat, l'honorable ministre des finances l'a considéré comme une offense envers la Chambre. Evitez qu'on ne donne à la proposition de l'honorable M. Guillery une signification semblable et qu'on ne la considère comme une offense à la dignité du Sénat.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Delcour :

« Art. 1er. L'exercice de la contrainte par corps est suspendu jusqu'au 1er mars 1870, sauf dans les cas suivants :

« 1° En cas de condamnation à des restitutions ou dommages-intérêts en réparation de préjudice causé par des crimes ou délits pour des sommes excédant 300 francs, lorsque ces crimes et délits auront été reconnus par la juridiction criminelle ;

« En cas de condamnation à des restitutions ou dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par tout acte illicite commis méchamment ou de mauvaise foi pour des sommes excédant 300 francs ;

« 3° A l'égard des témoins défaillants. »

- L'amendement est appuyé.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

On passe à l'article premier.

Un amendement a été présenté à cet article par M. Delcour.

M. le président met cet amendement aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

81 membres répondent à l'appel nominal.

51 membres répondent oui.

49 membres répondent non.

1 membre (M. Nothomb) s'abstient.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui :

MM. Delcour, de Liedekerke, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Hayez, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mufle de Terschueren, Notelteirs, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vander Donckt, Van Wambeke, Verwilghen, Visart, Wasseige, Wouters, Coomans, de Borchgrave, de Clercq et E. de Kerckhove.

Ont répondu non :

MM. De Lexhy, d'Elhoungne, deMacar.de Maere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Thonissen, A. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Watteeu, Allard, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Carlier, Couvreur, de Baillet-Latour, de Brouckerc, De Fré, de Kerchove de Denterghem et Dolez.

M. le président. - M. Nothomb est prié de faire connaître à la Chambre les motifs de son abstention.

M. Nothomb. - Je suis partisan de l'abolition radicale de la contrainte par corps. J'ai parlé et voté deux fois dans ce sens.

Je conserve et défendrai la même opinion. Mais le débat a changé de face ; d'une thèse purement philosophique et juridique on a fait une question politique au premier chef et de confiance envers le cabinet.

De plus, je vois dans tout ce qui se passe une pression irrégulière exercée contre l'indépendance du Sénat, pression que je blâme.

Dans cette situation, j'ai été obligé de m'abstenir sur l'amendement de M. Delcour, comme je devrai le faire sur la proposition de M. Guillery et par les mêmes motifs.

M. le président. - Je vais mettre maintenant aux voix les articles de la proposition de M. Guillery.

« Art. 1er. Provisoirement et jusqu'au 1er mars 1871, l'exécution de tout jugement prononçant la contrainte par corps est suspendue en ce qui concerne le mode d'exécution, sauf à l'égard des témoins défaillants. En conséquence les détenus auxquels s'applique la disposition précédente seront mis en liberté. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

81 membres prennent part au vote.

50 répondent oui.

28 répondent non.

3 se sont abstenus.

(page 1157) Ont répondu oui :

MM. de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Preud’homme, Rogier, Sabatier, Thonissen, Alphonse Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Watteeu, Allard, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Carlier, Couvreur, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Delcour, de Liedekerke, de Muelenaere, de Naeyer, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Hayez, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vander Donckt, Yan Wambeke, Verwilghen, Wasseige, Wouters, Coomans, de Borchgrave, de Clercq et Eugène de Kerckhove.

Se sont abstenus :

MM. Nélis, Nothomb et Visart.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Nothomb. - Je me suis abstenu par les raisons données tantôt.

M. Nélisµ. - Je n'ai pas voté pour le projet, parce que je ne suis pas favorable à l'abolition complète de la contrainte pas corps.

Je n'ai pas voté contre, parce que la question a pris un caractère politique.

M. Visartµ. - Quoique partisan de l'abolition de la contrainte par corps, je me suis abstenu parce qu'il me paraît très peu probable que le projet puisse être adopté par le Sénat.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Magherman. — Messieurs, l'adoption du projet de loi sera pour le pays l'inauguration d'un système entièrement nouveau ; la construction et l'exploitation par l'Etat de chemins de fer vicinaux.

A ce point de vue, le projet de loi est d'une gravité extrême.

En effet, messieurs, il a pour but, ainsi que le déclarait l'honorable ministre des travaux publics à la séance du 22 avril dernier : « de rattacher au réseau de l'Etat les communes si importantes du canton de Quevaucamps, qui sont restées isolées jusqu'à ce jour. »

Ce but assurément est louable ; mais je le demande, est-ce bien là la mission de l'Etat ? Le gouvernement, en se chargeant de la création des grandes lignes internationales, a certes rendu un grand service au pays ; en prenant cette glorieuse initiative, la Belgique, la première sur le continent, a été dotée de cet admirable instrument de locomotion qui a si puissamment contribué à révéler à l'Europe la vitalité de notre jeune nationalité.

Mais ces grandes lignes construites, l'Etat a abandonné les lignes secondaires à l'industrie privée. C'est ainsi que la ligne du Luxembourg, qui aujourd'hui est une ligne de première importance, a été construite par l'industrie privée. Beaucoup d'autres lignes, également d'une importance considérable, ont été construites et se construisent encore tous les jours de, la même manière. Plus tard, l'Etat s'associa à l'industrie privée : celle-ci construisit quelques lignes, l'Etat les exploita : telles furent les lignes de Tournai à Jurbise, la ligne directe de Gand à Bruxelles par Alost et celle de la vallée de la Dendre. Mais dès 1856 déjà, le gouvernement sentit qu'il s'était engagé assez avant dans cette voie, et si importante que fût la ligne à ouvrir entre Gand et la bassin du Couchant de Mons, l'Etat refusa de se charger de l'exploitation de cette ligne, et ses concessionnaires durent se charger et de sa construction et de son exploitation.

Quelques années plus tard, cependant, faisant un pas en arrière, l'Etat se chargea encore de l'exploitation des lignes de Braine-le-Comte à Gand, et de celles de Tournai à Blandain et d'Ath à Hal. Il est vrai que ces deux dernières n'étaient, pour ainsi dire, que le complément ou la rectification de lignes déjà existantes, exploitées par l'Etat.

Il a encore été dérogé au principe de l'abstention de l'Etat en matière de construction de chemins de fer en faveur des lignes de Bruxelles à Louvain et de Charleroi à Bruxelles. Mais ces lignes se trouvent dans des conditions toutes particulières, et l'Etat ne pouvait pas les abandonner à l'industrie privée sans nuire considérablement à ses intérêts.

On pourrait dire la même chose des chemins de fer de ceinture de Bruxelles et de Gand qui ne sont que des jonctions entre diverses lignes de l’Etat, et que des considétations toutes spéciales empêchent de livrer à l’industrie privée.

Mais ces lignes terminées, on croyait généralement que l'ère des constructions de chemins de fer par l'Etat, et même celle de l'exploitation par l'Etat de nouvelles lignes, seraient définitivement closes.

Il paraît qu'il n'en est rien, et que dans un avenir prochain, l'Etat va se charger de doter à ses risques et périls, sans avoir recours à la concession, toutes les communes de quelque importance de voies ferrées.

C'est là, à mon avis, une voie dangereuse, et il importe de contenir le gouvernement avant qu'il s'y engage. Une fois entré dans cette voie, il lui serait bien difficile de s'arrêter. Comment, en effet, refuser à des communes beaucoup plus importantes que celles du canton de Quevaucamps, ce qui aura été fait en faveur de celles-ci ? Ce serait accorder à celles-ci un privilège, pour celles-là ce serait un déni de justice.

Et les communes beaucoup plus considérables que celles du canton de Quevaucamps qui se trouvent encore isolées de tout chemin de fer ne sont pas rares : il est même des villes qui n'y sont pas rattachées et parmi celles-ci je citerai un chef-lieu d'arrondissement, Maeseyck.

Pour ne pas sortir de ma province, que je connais le mieux, je désignerai Hamme qui a une population de 10,136 habitants, tandis que Belœil, la principale commune du canton de Quevaucanips, non reliée au chemin de fer, n'a qu'une population de 2,815 habitants, et que le chef-lieu Quevaucamps n'a qu'une population de 2,429 âmes.

La population de la commune de Hamme est aussi importante que celle de tout le canton de Quevaucanips, si l'on en distrait la commune de Basècles, qui a une station à sa bifurcation de la ligne de Hainaut-Flandres et celle de Basècles à Péruwelz et Tournai, ce qui prouve, par parenthèse, que le canton de Quevaucamps n'est pas aussi isolé.

Je citerai encore la commune de Cruyshautem, qui a une population de 6,020 habitants ; celle de Nederbrakel qui en a 3,582.

Toutes ces communes et beaucoup d'autres devraient avoir le pas sur Quevaucamps, et quand elles viendront réclamer, si nous posons le précédent auquel le gouvernement nous convie aujourd'hui, je ne sais trop à quel titre nous pourrions leur refuser la même faveur.

Et c'est dans un moment où nos finances se trouvent dans une situation moins satisfaisante que précédemment, que nous irions nous engager sans la moindre utilité dans une voie semblable ?

Si je dis sans aucune utilité, ce n'est pas que je conteste l'avantage de relier les communes du canton de Quevaucamps à la ville d'Ath et an chemin de fer Hainaut-Flandres. Mais il y a un moyen d'obtenir ce résultat sans que le gouvernement s'engage dans la voie périlleuse que je viens de signaler.

Il existe un dissentiment entre le gouvernement et la Société d'exploitation générale de chemins de fer, qui est aujourd'hui aux droits de la Compagnie Hainaut-Flandres, sur la direction à donner a l'embranchement que la Société générale d'exploitation, aux termes de l'acte de concession, doit construire entre St-Ghislain et Ath.

Cette société désirait se maintenir à l'ouest de la ville de Saint-Ghislain, ayant pour cet embranchement un petit parcours commun avec sa ligne principale jusqu'au territoire d'Harchies. Ce projet qui, je n'en doute pas, avait l'assentiment de nos honorables collègues d'Ath, desservait parfaitement les intérêts des communes du canton de Quevaucamps ; il traversait la commune de Belœil et y établissait une station. A la vérité, il allongeait quelque peu le parcours ; mais les intérêts des exploitants du Couchant de Mons étaient sauvegardés par l'offre faite par la compagnie de fixer la distance légale de Saint-Ghislain à Ath à 21 kilomètres, conformément à une indication de l'exposé des motifs de la loi de concession.

C'était là, ce me semble, une offre parfaitement raisonnable, plus avantageuse même pour les exploitants du Couchant de Mons que la construction de la ligne la plus droite de Saint-Ghislain à Ath : car si droite qu'on la fasse, on ne parviendra jamais à la réduire à 21 kilomètres, qui est une indication à vol d'oiseau. A moins de forcer la compagnie, ce qui ne serait pas raisonnable, à faire une trouée à travers la ville de Saint-Ghislain, d'abattre une foule d'édifices, peut-être l'église de Saint-Ghislain, de traverser les obstacles les plus sérieux, sans tenir aucun compte des règles ordinaires de construction en pareille matière, et d'imposer ainsi à la compagnie une dépense hors de toute proportion avec l'importance du résultat à atteindre, il est impossible que le parcours ne soit allongé au (page 1158) moins de cinq kilomètres, et davantage si l'on veut rendre la construction utile à certaines communes.

Mais, messieurs, veuillez considérer que le même exposé, des motifs fixait à 76 kilomètres la distance entre Gand et Saint-Ghislain.

Et cependant la ligne exécutée, que certes la compagnie n'a pas allongée à plaisir, se trouve avoir la longueur de 85 kilomètres, donc 9 kilomètres de plus que l'indication de l'exposé des motifs.

Cependant, c'est cette indication que l'honorable rapporteur du projet de loi reconnaît comme le principal argument en faveur de la ligne droite, et vous voyez, dans la pratique quelle valeur il a. Il faut donc le mettre absolument de côté ; car il est exclusif des engagements pris envers les communes du canton de Quevaucamps et de la vallée de la Hunelle. L'honorable rapporteur signale lui-même la contradiction.

Je puis affirmer que, dès le principe, l'intention de la compagnie Hainaut-Flandres a été de fixer le point de départ de l'embranchement d'Ath à l'ouest de St-Ghislain. Une carte distribuée, il y a plus de dix ans, aux actionnaires et dont je tiens ici un exemplaire à la main, en fait foi ; d'après cette carte, l'embranchement d'Ath passe par Belœil.

Je n'ignore pas qu'on objecte que l'acte de concession mentionne seulement un parcours commun en faveur des embranchements de Gand à Tournai ; mais cette mention, qui indique une faculté, n'en exclut aucun autre. Si les concessionnaires avaient commencé par construire l'embranchement vers Ath à l'ouest de Saint-Ghislain, avant de construire, la ligne de Gand, le gouvernement s'y serait-il opposé ? Une juxtaposition de voies éluderait en tout cas cette interprétation trop littérale de la loi de concession.

Messieurs, si les Chambres accordent la demande du gouvernement, il y aura dans le petit trapèze forme d'une part par la ligne de Leuze à Saint-Ghislain et d'Ath à Mons ; d'autre part, de Leuze à Ath et de Saint-Ghislain à Mons, quatre lignes de chemins qui ne seront qu'à une distance moyenne, l'une de l'autre, de sept kilomètres. Un pareil résultat est-il utile, désirable ? Faut-il y entasser ligne sur ligne, tandis qu'il y a encore tant de localités importantes qui sont privées de ce moyen de communication ?

Il me semble que l'honorable ministre des travaux publics, en annonçant, à la séance du 22 avril, le projet de loi qui se discute aujourd'hui, a agi un peu ab irato. La compagnie d'exploitation générale peut avoir eu des torts à son égard, je n'affirme rien. En admettant que cela soit, je crois que l'honorable ministre ferait bien de montrer de la générosité, de ne pas tenir compte de ses griefs, de reprendre les négociations et d'arriver à ce résultat qui serait de construire une ligne unique qui desservirait les intérêts du canton de Quevaucamps et ceux des exploitants du Couchant de Mons.

J'ai la persuasion que ce résultat serait facilement obtenu.

Il éviterait ainsi à l'Etat de se jeter dans une voie nouvelle (la construction et l'exploitation de chemins de fer vicinaux) que je considère comme pleine de périls pour nos finances, et à laquelle je ne puis en aucune façon donner mon assentiment.

M. Allard. - En 1856, une loi a décrété la construction de trois chemins de fer partant de Saint-Ghislain, l'un vers Ath, l'autre vers Renaix et le troisième vers Tournai.

Une ligne seulement, celle vers Renaix, est exécutée jusqu'à ce jour ; celle de Saint-Ghislain à Tournai sera, enfin, achevée cette année.

Dans la discussion du budget des travaux publics pour l'exercice courant, l'honorable M. Dethuin a entretenu la Chambre de la ligne de Saint-Ghislain vers Ath par les Herbières et l'honorable ministre des travaux a dit alors que la compagnie des bassins houillers du Hainaut, qui est depuis longtemps disposée à construire une ligne de Blaton vers Ath, ne construira pas cette ligne.

Puis dans la séance du 22 avril, il a annoncé qu'il venait de donner l'ordre d'étudier le tracé d'une ligne qui, allant d'Ath à Basècles, rattachera au réseau de l'Etat les communes si importantes du canton de Quevaucamps, qui sont restées isolées jusqu'à ce jour.

Toutes les communes de l'arrondissement d'Ath et d'une partie de l'arrondissement de Tournai, la ville de Péruwelz, tout particulièrement, qui devaient jouir de ce chemin de fer devaient être satisfaites de cette déclaration. Aussi l'honorable député d'Ath, M. Bricoult, s'exprima alors en ces termes, en donnant son approbation à ce projet :

« Si l'honorable ministre des travaux publics peut faire exécuter la ligne de Saint-Ghislain à Ath, et une autre ligne de Basècles à Ath, tout le monde sera satisfait. L'essentiel, c'est qu'on mette la main à l'œuvre sans tarder. Je remercie l’honorable M. Jamar de sa déclaration nette et catégorique, elle calmera le mécontentement qui existe dans les cantons de Chièvres et de Queraucamps. »

Eh bien, messieurs, il ne s'agit plus aujourd'hui de la ligne d'Ath à Basècles. Le gouvernement nous propose la ligne de Blaton à Ath que voulait construire la société dis Bassins houillers. Cependant il importe que la ville de Peruwelz, qui, en fait des chemins de fer, n'a guère été favorisée jusqu'à ce jour, soit reliée directement à Ath par Basècles. L'exécution de ce nouveau chemin de fer international, je dis international puisqu'il aboutirait aux villes de Condé et de Valenciennes, serait pour cette ville et celles d'Ath, de Lessines, de Grammont, enfin pour toute la vallée de la Dendre et une partie des communes traversées par le chemin de fer d'Ath à Enghien, des plus avantageuses.

Je ne m'oppose pas du tout à l'exécution de la ligne d'Ath à Blaton ; cette ligne doit être exécutée, je déclare donc que je voterai volontiers le projet de loi ; d'autant plus que je crains bien que la ligne directe de Saint-Ghislain vers Ath se fera encore attendre bien longtemps.

Par sa déclaration du 22 avril, M. le ministre a mis tous les intérêts en jeu ; les communes de Blaton, Quevaucamps, Péruwelz, Basècles étaient satisfaites du projet de relier Basècles à Ath, et Saint-Ghislain à cette dernière ville, par une ligne directe ; maintenant qu'il n'est plus question de construire la ligne d'Ath à Basècles, de très vives et de très justes réclamations vont surgir des cantons de Péruwelz et de Basècles, il me paraît donc qu'il est indispensable que M. le ministre prenne des dispositions pour sauvegarder leurs intérêts. J'espère qu'il m'en donnera l'assurance.

Projet de loi sur la milice

Motion d’ordre

M. Kervyn de Lettenhove. - Il me semble, messieurs, qu'il importe à tous les membres de la Chambre de savoir si elle a l'intention de continuer la discussion du projet de loi sur la milice. J'ai soutenu qu'il était du devoir et de la dignité de la Chambre de terminer cette discussion avant de se séparer ; mais j'ai toujours entendu que la discussion fût sérieuse, qu'elle fût approfondie et je reconnais volontiers qu'il est difficile, au moment où nous sommes arrivés, que l'attention de la Chambre se fixe sur un projet de loi qui soulève des questions si compliquées et qui embrasse un si grand nombre d'articles importants.

Je crois donc que la Chambre agirait sagement en remettant à la session prochaine la suite d'une discussion si compliquée et si importante.

MiPµ. - Je crois qu'il serait très difficile d'obtenir de la Chambre le vole, pendant cette session, de la loi de milice ; l'assentiment qui a accueilli la motion de M. Kervyn me prouve qu'il ne faut pas l'espérer.

Cependant, je dois dire que le gouvernement le regrette, qu'il est prêt à continuer la discussion et qu'il ne dépend pas de lui que la loi ne soit terminée avant les vacances.

M. Orts. - Si l'on n'avait pas tant parlé de Saint-Genois, il y a longtemps que la loi de milice serait votée.

- La proposition de M. Kervyn est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

MtpJµ. - Messieurs, je ne sais pas si l'intention de la Chambre est de se réunir demain. Je demande donc à mes collègues qu'avant de se séparer ensuite de la décision que la Chambre vient de prendre, ils veuillent bien voter le crédit de 1,500,000 francs demandé pour mon département. Les considérations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre dans l'exposé des motifs du projet de loi peuvent servir de réponse aux observations qui ont été faites.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, il est impossible que vous votiez dans la session actuelle le projet de loi qui vous est présenté. Je viens en demander l'ajournement au commencement de la session prochaine.

Il s'agit, messieurs, d'un projet qui n'est pas étudié, dont nous ne connaissons ni le coût probable ni les conséquences économiques ou autres. Je demande tout simplement qu'on donne à M. le ministre des travaux publics le temps de nous présenter un projet suffisamment étudié.

L'urgence n'existe en aucune façon. Personne ne le sait mieux que nous, représentants de l'arrondissement de Nivelles.

Voilà quatre ans que des fonds ont été votés et jusqu'à présent, les travaux auxquels ils sont destinés ne sont pas commencés. Une seule section a été adjugée.

Il n'y a donc pas de motifs de presser le vote d'un chemin de fer dont nous ne connaissons aucun des éléments.

M. Bricoultµ. - Il y a treize ans qu'il en est question à la Chambre.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il y a au fond de cette affaire des questions de principe qui seront probablement soulevées au commencement de la session prochaine.

(page 1159) Le ministre des travaux publics nous a promis un rapport sur l'exploitation des chemins de fer. Nous pourrons utilement examiner le projet de loi qu'on nous propose lorsque nous serons saisis de ce rapport.

Je vous conjure donc, messieurs, d'ajourner cette discussion.

MtpJµ. - Je tiens à déclarer a l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qui appuie sa motion d'ajournement sur l'insuffisance d'études préparatoires, que les études très sérieuses qui ont été faites ont permis d'établir le coût kilométrique de ce chemin de fer à 80,000 francs.

Je pense donc que la proposition d'ajournement que formule l'honorable membre ne doit pas être admise.

- La proposition d'ajournement est mise aux voix.

Elle n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de quinze cent mille francs (fr. 1,500,000), pour être affecté au payement des dépenses à résulter de la construction d'un chemin de fer d'Ath à Blaton. »

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je me bornerai à une seule remarque qui montrera toute l'importance de la question.

Un canal a été construit. Il a été ouvert à la navigation il y a à peine quelques mois. Il n'est pas encore étanche, si je suis bien informé, et déjà l'on propose de s'emparer d'une des rives de ce canal pour y établir une concurrence.

Comment voulez-vous que l'industrie privée puisse encore s'occuper de travaux publics si, lorsqu'elle a consacré ses capitaux à certaines entreprises d'utilité générale, on vient immédiatement lui faire concurrence au moyen de capitaux pris dans la bourse de tout le monde.

MfFOµ. - Le canal a été construit après la concession du chemin de fer.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il n'en est pas moins vrai que l'industrie privée a consacré des capitaux considérables à la construction de ce canal et qu'avec l'argent de tout le monde on vient d'établir sur les rives de ce canal une concurrence. (Interruption.) Voulez-vous tarir la source qui a produit la plus grande quantité de chemins de fer, faites-le.

M. le président. - La parole est à M. Descamps.

- Voix nombreuses. - Non, non, la clôture.

M. Descampsµ. - Je désirerais beaucoup répondre aux observations présentées par MM. Magherman et Le Hardy, mais la Chambre étant impatiente de clore la discussion, je crois devoir renoncer à la parole.

Projet de loi sur la pêche fluviale

Rapport de la section centrale

M. de Rossiusµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur des demandes de naturalisation ordinaire et le rapport de la commission qui a examiné le. projet de loi sur la pêche fluviale.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Discussion des articles

Articles 1 et 2

- L'article premier est mis aux voix et adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

55 membres seulement répondent à l'appel ; la Chambre n'est pas en nombre :

Ont voté :

MM. de Lexhy, de Macar, de Maere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Magherman, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Tack, Alphonse Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Wambeke, Vleminckx, Watteeu, Allard, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult, de Borchgrave, de Brouckere, de Clercq et de Kerchove de Denterghem.

Etaient absents par congé :

MM. Lange, T'Serstevens, Crombez, Vilain XIIII, d'Hane-Steenhuyse, Hagemans, Jouret, Broustin, Van Overloop, de Montblanc et David.

Etaient absents sans congé :

MM. Eug. de Kerckhove, Delaet, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Muelenaere, de Rongé, de Theux, de Vrière, de Zerezo de Tejada, Dupont, Funck, Gerrits, Jonet, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Landeloos, Lebeau, Lefebvre, Lelièvre, Lesoinne, Liénart, Mascart, Moncheur, N'élis, Nothomb, Reynaert, Royer de Behr, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Van Merris, Vermeire, Verwilghen, Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Anspach, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Bruneau, Carlier, Coomans, Coremans, Couvreur, de Baillet-Latour, de Coninck, De Fré, de Haerne.

- La séance est levée à 5 heures.