(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)
(page 1111) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures un quart.
Il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Dupontµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :
« Les sieurs Schuler et Cie demandent qu'il soit permis aux brasseurs de payer le droit d'après la quantité de farine employée, et prient la Chambre d'élever le droit d'entrée sur les bières étrangères. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les frères Ceysens demandent qu'il soit pris des mesures pour sauvegarder les droits de la presse compromis par un arrêt de la cour d'assises de Gand, dans son interprétation de l'article 451 du code pénal. »
« Même demande, de journalistes de Mons et de Hasselt. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« M. le ministre des travaux publics adresse à la Chambre 123 exemplaires d'une carte des chemins de fer de la Belgique dressée par les soins de son département. »
- Distribution et dépôt.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Rautenstrauch. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 126 exemplaires d'une publication préliminaire contenant le recensement de la population opéré à la date du 31 décembre 1866. »
- Distribution et dépôt.
« La commission d'agriculture du Limbourg adresse à la Chambre un rapport sur la situation de l'agriculture de cette province pendant l'année 1868. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Jouret fait connaître qu'une indisposition imprévue le met dans l'impossibilité d'assister aux funérailles de M. de Moor, ainsi qu'à la séance de ce jour et demande un congé. »
- Le congé est accordé.
« M. Van Humbeeck demande un congé. »
- Accordé.
M. le président. - Nous en sommes arrivés à l'article 24 ; il est ainsi conçu :
« Art. 24. Dans les cas prévus par les n°3, 4 et 5 de l'article 23, le milicien désigné pour le service acquiert, par le décès d'un membre de sa famille, même lorsqu'il est incorporé, un titre à l'exemption égal à celui qu'il aurait eu si le décès avait précédé sa désignation.
« il en est de même lorsque, par suite de l'une des circonstances déterminées par la loi et survenues après la désignation, des frères ou sœurs du milicien doivent être considérés comme orphelins.
« La réclamation, accompagnée des pièces à l'appui, est adressée au gouverneur, qui la soumet directement à la députation permanente. »
« En cas d'admission par ce collège, le milicien non encore incorporé est rangé parmi les exemptés ordinaires de sa levée, qui doivent être reportés sur l'une des listes d'ajournés de l'article 12.
« Lorsque la décision favorable concerne un milicien incorporé, il est rayé du contrôle de l'armée, s'il n'appartient plus à l'une des quatre levées les plus récentes.
« Tant qu'il en fait encore partie, il est simplement détaché du contrôle et il devra justifier annuellement de son droit. En cas de retrait de la dispense temporaire, le désigné reprend son service sans qu'il y ait lieu d'en défalquer le temps pendant lequel il en a été exempt. »
MiPµ. - Au paragraphe premier, il est nécessaire de dire au lieu de « les n°3, 4 et 5», « les n°3 et 4, » parce qu’un paragraphe a été supprimé.
(page 1112) Le paragraphe 2 peut être supprimé.
Enfin, dans les paragraphes suivants, au lieu de : « miliciens incorporés », il faut dire : « miliciens remis à l'autorité militaire ».
M. .Allardµ. - La section centrale a introduit une modification à l'article 24.
Lorsque dans une famille où il y a quatre garçons, par exemple, deux frères sont incorporés, les deux autres sont exemptés. Lorsque après l'incorporation, un des fils qui sont restés à la maison paternelle vient à mourir, un des deux miliciens est renvoyé dans ses foyers, et rayé des contrôles de l'armée.
D'après la disposition de la section centrale, il n'en sera plus ainsi ; ne pouvant partager son opinion, je viens proposer le maintien de la disposition primitive du gouvernement. (Interruption.)
Voici ce qu'on lit dans le rapport de la section centrale :
« Pour bien préciser la question, citons un exemple : il y a quatre fils ; l'aîné et le troisième servent, le deuxième ou le quatrième vient à mourir : doit-il y avoir exemption pour l'un des deux incorporés ? Oui, si l'on prend à la lettre le texte absolu et général du projet, car le décès est censé avoir eu lieu avant la désignation pour le service. Mais ce système ferait essuyer a l'armée des pertes notables d'hommes, attendu que les cas de cette espèce sont assez fréquents. »
Et plus loin :
« Sous la législation actuelle, la jurisprudence du département de la guerre ne présente aucun caractère de fixité sur ce point, que lui seul a mission de résoudre ; des décisions contradictoires ont été rendues. Désormais, si le système de la section centrale est admis, le milicien désigné pour le service, ne pourra se prévaloir du décès postérieur d'un membre de sa famille que. dans les cas suivants : 1° s'il est devenu, en réalité, ou par assimilation de l'article 27, l'unique descendant légitime d'une personne encore vivante ; 2° si la personne décédée est sa femme et qu'il ait un on des enfants de son mariage ; 3° si cette personne était le soutien indispensable de la famille, et que lui seul, étant en état de le remplacer en cette qualité, donne par sa conduite antérieure des garanties à cet égard. »
Je voudrais, je le répète, qu'on maintînt ce qui existe actuellement.
L'armée perdrait un homme, c'est vrai, en repoussant la proposition de la section centrale, mais il serait bien plus malheureux pour un père de famille de perdre un fils que pour l'armée un homme.
Or, le cas se présente en ce moment à Tournai. Un individu de cette ville avait quatre fils dont deux au service ; un de ceux qui étaient à la maison vient de mourir.
Je vous le demande, messieurs, est-il juste d'adopter la modification introduite par la section centrale à cet article ? Si elle était admise, la famille ne jouirait plus des mêmes avantages qu'elle possède actuellement d'après la loi en vigueur.
Je propose donc que la proposition primitive du gouvernement soit maintenue.
MiPµ. - Messieurs, la question relative à l'exemption des frères est une des plus difficiles que soulève le projet de loi sur la milice.
Cette question donne lieu a de grandes complications, que j'aurai occasion de faire connaître à la Chambre lorsque nous serons arrivés à l'article 26.
Je crois que si nous ajoutons à ces complications celle que vient de proposer l'honorable M. Allard, nous en arriverons réellement à une législation inextricable.
Il me paraît qu'il y a une raison déterminante pour ne pas adopter le système de M. Allard. C'est la décision que la Chambre a prise de ne pas admettre l'exemption en faveur de l'enfant unique.
Dans le cas prévu par l'honorable membre, il s'agit d'une famille composée de deux fils, dont l'un est au service et dont l'autre vient à mourir. Evidemment, celui qui est au service n'a aucune espèce de raison d'exemption, puisque, comme je viens de le dire, l'enfant unique lui-même n'est pas exempt.
La disposition indiquée par l'honorable M. Allard n'aurait donc pas toutes les conséquences qu'il veut bien lui attribuer.
J'ajouterai, messieurs, que la loi est bien plus indulgente, lorsqu'il s'agit d'une famille composée de plusieurs fils, que dans le cas d'un enfant unique.
Ainsi, lorsqu'elle prend l'enfant unique à une famille, elle lui prend tout ; tandis que, dans les familles de plusieurs fils, elle ne prend que la petite moitié pour l'armée active.
Je crois donc, messieurs, que la disposition proposée par le gouvernement doit être maintenue.
M. Allard. - Je crois que je ne me suis pas suffisamment expliqué : du moins, la réponse de M. le ministre me le ferait supposer.
Que dit la proposition du gouvernement ? Dans les cas prévus par la présente loi, le milicien incorporé acquiert, par le décès d'un membre de sa famille, le même droit a l'exemption que si le décès avait eu lieu avant sa désignation pour le service.
Quand il y a quatre garçons, il y en a deux qui doivent partir ; s'il y a trois garçons, il n'y en a plus qu'un qui part.
MiPµ. - Un et demi.
M. Allard. - Convenez qu'il vous est impossible de faire partir un demi-milicien.
Si un des quatre frères meurt, vous ne pourrez plus, d'après la loi, en faire partir qu'un seul.
Pas toujours, me dit M. le ministre de l'intérieur ; à mon avis, cela devrait toujours se faire ; cela ne doit pas rester abandonné au caprice du département de la guerre. Il existe toute espèce de motifs pour qu'il en soit ainsi. Que dit, en effet, M. le rapporteur de la section centrale ?
« Sous la législation actuelle, la jurisprudence du département de la guerre ne présente aucun caractère de fixité sur ce point, que lui seul a mission de résoudre : des décisions contraires ont été rendues. »
Je demande qu'on maintienne ce qui existe. J'aime mieux que ce soit l'armée, plutôt que la famille, qui perde un homme.
Ma proposition se résume à demander que l'article 24 proposé par le gouvernement, commençant par ces mots : « Le milicien incorporé acquiert, par le décès d'un membre de sa famille, le même droit à l'exemption que si le décès avait eu lieu avant sa désignation pour le service, etc., etc. », soit substitué à celui formulé par la section centrale.
- L'amendement de M. Allard est appuyé. Il fera partie de la discussion.
M. Kervyn de Lettenhove. - M. le ministre de l'intérieur a rappelé tout à l'heure, comme, l'avaient fait plusieurs orateurs, un des votes les plus importants de la Chambre, un vote sur lequel, à mon avis, elle aura probablement à revenir au second vote ; je veux parler de la disposition qui fait marcher l'enfant unique, lorsqu'il n'est pas pourvoyant.
Je ne sais si la Chambre a pesé suffisamment la différence qu'il y a entre le cas d'aisance et le cas de pourvoyance ; la limite est souvent bien difficile à déterminer ; et si l'on se borne au cas de pourvoyance, il n'en sera pas moins vrai que dans beaucoup de cas le départ de l'enfant unique non pourvoyant dans une famille où l'aisance ne règne pas, sera une cause de ruine ou du moins de gêne considérable.
Messieurs, j'avais l'intention de présenter ces observations à propos de l'article 26 ; ce sont les paroles prononcées par M. le ministre de l'intérieur qui me forcent en quelque sorte a les produire immédiatement. Mais la Chambre verra tout à l'heure, lorsqu'elle arrivera à l'article 26, devant quelle étrange contradiction elle se trouvera placée. D'une part, lorsque dans une famille il y aura un enfant unique non pourvoyant, il devra marcher ; d'autre part, lorsque dans une autre famille, il y aura trois fils, également non pourvoyants, en vertu de l'article 26 on permettra à la famille de conserver ce qu'on appelle la petite moitié, c'est-à-dire 2 sur 3, de sorte que par la loi nouvelle, vous ferez en même temps marcher l'enfant unique, alors que vous permettrez à la famille de conserver deux enfants sur trois.
Il y a là, je le répète, une étrange contradiction. Je persiste à croire que la Chambre n'a pas pesé suffisamment le vote qu'elle a émis, lorsqu'elle a écarté la condition de l'aisance ; car limiter l'exemption au cas de pourvoyance, c'est entrer dans une voie de rigueur extrême, il y a une foule de familles où le cas de pourvoyance ne se présente pas, et où cependant le départ d'un enfant unique sera une véritable cause de ruine.
Nous cherchons tous à alléger le fardeau de la milice, et si la Chambre persistait dans le vote qu'elle a émis, nous nous trouverions devant une mesure que nous regretterions plus tard.
M. Coomans. - Messieurs, l'observation très juste présentée par l'honorable M. Allard est une preuve de plus que la législation qui nous est soumise empire celle qui est en vigueur ; c'est ma conviction profonde, je l'ai déjà exprimée ; j'aurai l'occasion de la justifier encore.
Je suis peut-être trop généreux en cherchant à améliorer, ne fût-ce que pour la forme, un projet de loi que je trouve aussi radicalement mauvais. Mais excès de générosité ne nuit pas et je proposerai de supprimer une faute de langue dans l'article 24.
Je lis au paragraphe final : « En cas de retrait de la dispense temporaire, le désigné reprend son service sans qu'il y ait lieu d’y défalquer le temps pendant lequel il en a été exempt. »
(page 1113) Le premier « en » est de trop, à moins que le gouvernement ne croie le contraire, et s'il l'affirme, je ne répliquerai pas.
M. Kervyn de Lettenhove. - Cela se rapporte au mot « service » et non à la dispense.
M. Coomans. - Evidemment le mot « en » est de trop, d'autant plus qu'il y a trois « en » dans le paragraphe, dont un de trop.
MiPµ. - J'avoue qu'il m'est absolument indifférent qu'on maintienne le mot « en » ou qu'on le supprime.
M. Coomans. - Cela n'est pas indifférent vis-à-vis de l'Académie.
MiPµ. - Le mot « en » est inutile, parce qu'on comprend facilement, sans ce mot, le sens de la phrase, mais il n'y a pas là de faute grammaticale. « Le désigné, dit l'article, reprend son service, sans qu'il y ait lieu d'en défalquer, etc. » Cette phrase est très correcte : « en » remplace « service ». Pour moi, il m'est impossible de me prononcer sur une question de cette gravité, car je ne vois pas de différence entre les deux textes.
M. Coomans. - Comme vous voulez !
MiPµ. - Je dois faire observer à l'honorable M. Allard que la loi est déjà très large en matière de dispense des frères, et je ne pense pas qu'il faille encore augmenter les dispenses qui se trouvent inscrites à cet égard dans l'article 26. L'honorable membre voudra bien remarquer que lorsqu'une exemption pour cause de service de frère est accordée, cette exemption n'est pas retirée au cas où la composition de la famille viendrait à changer ; ainsi, la survenance de nouveaux enfants n'a point pour effet de faire retirer une exemption accordée. Or, il me paraît que, par une juste réciprocité, il faut aussi qu'un changement en moins dans la famille n'ait point pour effet de faire accorder une dispense.
Lorsqu'un milicien est déjà incorporé, le plus grand sacrifice est fait ; il n'y a pas autant d'intérêt pour la famille à obtenir l'exemption de celui qui est incorporé que d'obtenir celle d'un fils qui n'est pas encore incorporé ; je crois donc qu'il ne faut pas admettre la proposition.
M. Dumortier. - Je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Allard. Je la trouve légitime, fondée, juste.
Quand, dans des lois existantes, il se trouve des dispositions qui ne rencontrent pas d'opposition dans le pays, qui ont, au contraire, l'approbation du pays, je regarde comme une faute de les modifier. D'ailleurs, ce que vous a dit l'honorable M. Allard est complètement juste, complètement' exact.
M. le ministre de l'intérieur répond toujours par le vote qui a été émis et qui décide de faire partir l'enfant unique. Ce vote n'est pas définitif et j'espère bien qu'au second vote la Chambre le modifiera.
Dans tout ceci, que fait-on ? On regarde la société comme étant composée d'individus, sans voir que ces individus sont unis par des liens de famille. Il y a des familles à côté des individus, Eh bien, c'était la famille que la loi avait en vue. Ici, au contraire, la famille n'est plus rien. Comment ! voilà un enfant unique qui est l'espoir exclusif de la famille, et vous ne respectez pas une pareille position, une position qui est sentie par tout le monde ? Ah ! je le conçois, si cet enfant appartient à une famille riche, elle mettra un remplaçant.
Mais si cet enfant unique est pauvre, est-ce qu'il est moins, par hasard, l'espoir de la famille tout entière ? C'est peut-être sur lui que repose le bonheur de tous les siens. Il y a quelque chose dans la société qui est au-dessus de l'individu, c'est la famille, et c'est au nom de la famille que j'appuie l'amendement de M. Allard.
- L'amendement de M. Allard est mis aux voix et adopté.
L'article 24, ainsi amendé, est adopté avec la rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur.
« Art. 25. Les exemptions mentionnées sous les lettres A, B, C du n°4 de l'article 23, lorsqu'elles sont prononcées pendant quatre années consécutives et qu'elles ont, à l'exclusion de toute autre cause, procuré la libération de ceux qui les ont obtenues, ne peuvent se reproduire dans la même famille, à moins que les exemptés ne soient décédés ou atteints de l'une des infirmités qualifiées par le n°1 de l'article 26bis, ou que, depuis la quatrième année de l'exemption, des circonstances malheureuses, bien constatées, n'aient gravement empiré la condition de cette famille. »
MiPµ. - Je proposerai de simplifier la rédaction de cet. article. Il y a, du reste, une partie de phrase qui peut être supprimée : c'est celle qui est ainsi conçue : « .... ou atteints de l'une des infirmités qualifiées par le n°1 de l'article. » L'article 26bis contient, en effet, des dispositions générales qu'il est inutile de rappeler dans les articles particuliers.
C'est, du reste, le motif qui a déjà fait supprimer un paragraphe de l'article précédent.
D'accord avec l'honorable rapporteur de la section centrale, je proposerai, pour éclaircir la rédaction, de formuler l'article comme suit :
« Une exemption du chef de pourvoyance ne peut être accordée en faveur d'une famille qui jouit actuellement d'une autre exemption du même chef.
« La même prohibition s'applique à la famille qui a joui définitivement d'une exemption de cette catégorie, à moins que l'exempté ne soit décédé ou que des malheurs exceptionnels n'aient grandement altéré la condition de cette famille. »
M. Coomans. - Je propose à l'article 25 un paragraphe 25 bis qu'on pourrait rédiger ainsi :
« Le fils aîné est exempté. »
Je me bornerai à quelques considérations très sommaires. Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le faire remarquer dans mon premier discours, la plus légitime peut-être de toutes les exemptions est celle dont profiterait le fils aîné, c'est-à-dire la famille tout entière.
Dans la plupart des cas, le fils aîné est, sinon le chef de la famille, au moins le représentant du chef de la famille, le continuateur vraisemblable de la famille.
J'ai examiné de près le fonctionnement de nos lois de milice et j'ai remarqué que jamais la famille ne se croyait aussi frappée que lors du départ du fils aîné.
Le fils aîné est celui que le père de famille voue, pour ainsi dire, à la continuation de son œuvre.
Evidemment, je n'ai pas besoin de vous le dire, je n'admets pas qu'on force au service militaire le second fils, mais l'iniquité est beaucoup plus grande quand elle frappe le premier.
Je ne m'attends pas à une contradiction de la part de l'honorable ministre de la guerre, car elle n'aurait aucune raison d'être.
Je ne propose pas de diminuer son effectif, je n'amincis pas la coupe annuelle qu'il organise. Il aura toujours son chiffre fatal de 12,000 hommes et il n'y a pas de raison de croire que le second fils n’ait pas autant de qualités militaires que le premier.
La première année, la seconde encore, l'innovation que je propose pourrait produire un certain trouble dans le partage des lots militaires, mais, au bout de peu de temps, l'équilibre serait rétabli et vous auriez rendu, j'ose le dire, un grand service aux familles, non seulement un service matériel, mais un service moral.
Messieurs les ministres (interruption), s'ils daignent m'écouter, me feront cette objection qu'après avoir supprimé l'exemption de l'enfant unique, il serait peu logique d'exempter le fils aîné.
Je ne crois pas que l'objection serait bien forte, même en supposant que la non-exemption de l'enfant unique soit maintenue.
Encore une fois, messieurs, il est certain, c'est une vérité incontestable dans un grand nombre de familles, il est certain que l'enlèvement du fils aîné est une catastrophe ; l'enlèvement du second est souvent un malheur, toujours une douleur, mais l'enlèvement du premier est parfois un malheur irréparable.
Pour ajouter d'autres considérations, j'attendrai qu'on ait bien voulu réfuter celles-ci :
M. le président. - La proposition de M. Coomans ne se rattache pas directement à l'article 25 ; il pourrait faire l'objet d'une disposition spéciale qui suivrait l'article 25.
- La proposition de M. Coomans est appuyée ; elle fait partie de la discussion .
M. Kervyn de Lettenhove. - Je ne viens pas faire une proposition, mais simplement présenter une observation sur la durée nécessaire pour qu'une exemption temporaire devienne définitive.
L'article 25 mentionne un laps de 4 ans pendant lequel les exemptions du n°4 de l'article 25 sont renouvelées. La longue période où le milicien reste dans l'incertitude doit offrir certains inconvénients. Lorsque, dans le royaume des Pays-Bas, on a révisé la loi de 1817, le gouvernement, si je ne me trompe, a proposé de borner la durée des exemptions temporaires à deux ans, c'est-à-dire qu'après deux ans, l'exemption devait devenir définitive. Mais sur les observations présentées au sein des états généraux, cette assemblée, allant plus loin, a supprimé les exemptions temporaires pour en faire des exemptions définitives.
Je crois qu'en Hollande on est allé un peu loin, mais il n'est pas moins vrai qu'exiger que l'exemption temporaire soit reproduite pendant quatre (page 1114) ans, c'est prolonger trop longtemps l'état d'incertitude dans lequel se trouve le milicien.
MiPµ. - Je répondrai d'abord à l'observation de M. Kervyn. Ce n'est pas l'article que nous discutons qui mentionne l'époque à laquelle les exemptions deviennent définitives. L'article 25 dispose seulement que les exemptions ne pourront être renouvelées lorsque la famille en aura joui pendant quatre ans.
Quant à l'article qui détermine pendant combien de temps ceux qui jouissent d'une exemption provisoire doivent se représenter, il est depuis longtemps voté, c'est l'article 12 ; on ne peut y revenir maintenant.
- L'article, tel qu'il est amendé par M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous avons maintenant à voter sur l’amendement de M. Coomans.
M. Coomans. - Quand je dis le fils aîné, évidemment il y a plus d'un fils. Donc l'aîné est définitivement exempté.
M. Kervyn de Lettenhove. - Comme vous le savez., j'ai présenté un amendement tendant à faire exempter l'enfant unique. Selon moi, le fils aîné est dans une position moins intéressante que. l'enfant unique ; je désirerais le voir exempter comme représentant le chef de la famille, comme collaborant avec le père de famille pour pourvoir aux besoins de la famille.
Je ne m'oppose pas à la proposition de M. Coomans, mais je crois qu'il eût été plus juste de voter l'exemption de l'enfant unique.
MiPµ ; - M. Coomans, quoique adversaire des exemptions, en propose cependant encore de nouvelles.
Je suis convaincu que ces propositions parlent d'un très bon sentiment, mais les honorables MM. Coomans et Kervyn de Lettenhove n'ont en vue que les individus qu'ils veulent exempter : ils trouvent notamment la situation du fils unique et celle du fils aîné, très dignes d'intérêt. C'est ce qui absorbe toute leur attention. Mais ce que les honorables membres ne voient pas, c'est que chacune des exemptions qu'ils proposent doit avoir pour effet de faire partir un autre milicien, lequel subit ainsi les conséquences de l'intérêt qu'ils portent à celui qu'ils veulent exempter.
Il faut agir avec beaucoup de circonspection en matière d'exemptions et n'accorder que ce qui est absolument indispensable, parce que sans cela on altère les chances du sort et on fait supporter en définitive les conséquences des exemptions accordées par d'autres personnes qui, de leur côté, peuvent se trouver dans une position tout aussi intéressantes que les premières.
M. Coomans. - Vous ne m'avez pas compris.
MiPµ. - L'honorable M. Coomans veut exempter le fils aîné et par conséquent faire partir un autre milicien à sa place.
M. Coomans. - Je ne veux faire partir personne à sa place.
MiPµ. - Il s'agit de savoir quel est le chiffre de l'armée dont nous avons besoin en Belgique.
Sans doute M. Coomans qui, lui, ne veut pas d'armée du tout, ne verra aucun inconvénient à supprimer purement et simplement le service du fils aîné.
Mais comme la Chambre ne partage pas les idées de l'honorable membre, et n'est pas d'avis que l'on puisse diminuer l'armée, il est clair que si nous ne faisons pas partir un nouveau milicien, nous devrons augmenter le contingent normal.
Cela est incontestable.
Je dis donc qu'il faut être extrêmement circonspect, et ne pas faire, sans de graves motifs, partir des miliciens pour d'autres.
Je crois que l'honorable M. Coomans n'a pas prévu les conséquences de son amendement et n'a pas calculé à combien d'individus il s'appliquerait chaque année. Selon moi, le. nombre en serait très considérable, et voici ce qui me le fait penser.
La moyenne du nombre d'enfants dans chaque famille est environ de 4. Comme il y a garçons et filles, les familles de deux garçons doivent être extrêmement nombreuses. Or, l'amendement de M. Coomans aurait pour conséquence de faire rejeter tout le fardeau de la milice sur le fils puîné.
Ce serait là une mesure d'une iniquité révoltante ! Ce serait astreindre toute une catégorie d'individus à faire le service militaire pour une autre.
M. Allard. - Ce serait le droit d'aînesse.
MiPµ. - Et même quelque chose de plus odieux encore. Au moins, dans l'ancien droit d'aînesse, il ne s'agissait que de la disposition des biens, mais ici c'est le service du second fils qu'il s'agit de prendre ; ou veut, en un mot, faire du deuxième fils le remplaçant forcé de l'aîné, le placer dans une position subordonnée, lui donner toutes les charges et accorder à l'aine tons les avantages.
Cela n'est pas équitable et ne me paraît même pas avantageux.
Quel avantage, en effet, l'honorable M. Coomans voit-il à ce que la famille conserve le fils aîné ? Je pense, moi, que le service du fils aîné est souvent moins onéreux pour elle que celui du fils puîné. Si dans une famille il y a deux fils, dont l'un a dix ans de moins que l'autre, c'est, la plupart du temps, le plus jeune que les parents préféreront conserver. Pourquoi ? Parce qu'à l'âge où le fils aîné tombe au sort pour le service militaire, le père et la mère sont plus jeunes que lorsque le second fils se présente à la milice ; or, dans les familles où l'aisance, n'existe pas, ce qui malheureusement est le cas le plus fréquent, les parents, à mesure qu'ils avancent en âge, ont un besoin de plus en plus grave de leurs enfants.
Ainsi, loin que la proposition de l'honorable M. Coomans allège les charges de la famille, elle les aggrave ; elle n'est ni équitable, ni avantageuse ; il faut donc, selon moi. la rejeter et maintenir le projet qui est en délibération.
J'admets l'exemption du fils aîné, lorsqu'il est le soutien de la famille ; là il y a une raison suffisante.
M. Coomans. - Je dois répondre une troisième fois à cette incroyable objection que me fait M. le ministre de l'intérieur : de proposer des exemptions, alors que j'ai demandé la suppression de toutes les exemptions ; mais rien ne me paraît plus naturel. Votre système est celui de l'exemption ; mon système est celui de la non-exemption ; je ne veux exempter personne ; mais dès que vous m'attirez sur votre terrain à vous, sur celui des exemptions, il m'est bien permis, sans doute, d'apprécier la valeur des raisons que vous alléguez en faveur de telle ou telle exemption.
Le principe des exemptions étant admis, je puis vous dire très raisonnablement que telle exemption vaut mieux ou autant que telle autre. Supprimez toutes les exemptions, je ne demande pas mieux ; il n'en sera plus question ; mais aussi longtemps que vous maintiendrez les exemptions, vous devez nous permettre à nous de préférer telle exemption à telle autre.
Voilà donc la troisième fois que je réponds à cette banalité, et je vous jure que ce sera la dernière.
M. le ministre de l'intérieur me fait une objection que je ne puis comprendre : il vient de dire que je veux diminuer l'effectif de l'armée, les ressources que l'armée puise, chaque année dans la loterie militaire. Il n'en est rien. Dans mon système les 12,000 hommes restent acquis, et c'est pour cela que je disais à l'honorable ministre de la guerre que lui, au point de vue militaire, n'avait aucune objection à faire à mon système, puisqu'il était toujours assuré de son contingent. (Interruption.)
Si votre objection était fondée, elle condamnerait une autre disposition de la loi qui exempte le second fils, quand le premier est au service.
Vous exemptez le second fils, quand le premier est au service. Eh bien, à la place de ce second fils, un autre doit partir aussi. Mais vous perdez de vue que ma proposition est faite, non pas en faveur du premier fils, mais en faveur de la famille. Vous n'avez pas répondu à ceci, honorable ministre, que le fils aîné, selon moi, est le second chef de la famille. C'est un autre père de famille, un autre soi-même pour le père de famille. C'est le cas le plus général. Le fils aîné est le continuateur de la famille.
Et qu'on ne vienne pas, comme un membre, je crois, me l'a dit en m'interrompant, m'objecter que je veux rétablir le droit d'aînesse. Mais vous rétablissez alors le droit du second fils. Vous exemptez le second fils, quand le premier a dû marcher.
Ainsi, je ne diminue pas l'armée, je ne fais pas partir en réalité un autre milicien à la place du fils aîné, attendu que ce fils aîné sera remplacé par le fils puîné à la prochaine levée.
Il y a quatre fils dans une famille. L'armée lui en demande deux. Eh bien, que vous importe que ces deux miliciens soient l'aîné et le troisième, ou le second et le quatrième ? C'est un changement d'ordre dans l'appel que je vous demande et pas autre chose.
Encore une fois, ma proposition est faite dans l'intérêt de la famille, qui est celui que vous invoquez pour presque toutes les autres exemptions. Je demeure convaincu «pie vous rendrez service aux familles en exemptant toujours le fils aîné.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je désire savoir de M. le ministre de l'intérieur s'il s'opposerait à l'exemption temporaire du fils unique. En effet, les observations qu'il a présentées tout à l'heure au sujet du fils aîné ne s'appliquent pas le moins du monde au fils unique. Là il ne s'agit pas de la préférence de la famille qui peut se porter sur le puîné plutôt (page 1115) que sur l'aîné. Il n'y a qu'un seul enfant mâle. C'est sur cette unique tête que se porte toute l'affection de la famille. C'est là qu'en est la force, qu'en repose le soutien.
Mais M. le ministre de l'intérieur me permettra d'ajouter qu'une autre objection qu'il élevait tout à l'heure disparait également lorsqu'il s'agit du fils unique. Le nombre des fils uniques est bien moins considérable que celui des fils aînés.
Si j'avais à ma disposition les renseignements statistiques, il me serait aisé de convaincre que le nombre des fils uniques qui, chaque année, prennent part au tirage est bien peu considérable ; et lorsque tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur nous reprochait de faire de la théorie, de ne pas nous préoccuper suffisamment des nécessités du service et des charges qu'on fait retomber sur d'autres en exemptant quelques-uns, j'invoquerai volontiers l'exemple de ce qui s'est passé dans un pays voisin, où l'on a aussi réformé la loi de 1817 et où la législature a fait constamment preuve de la plus grande prudence et de la plus grande sagesse. Dans la loi du 18 août 1861, votée par la législature des Pays-Bas, il y a un article 47 qui accorde l'exemption au fils unique. Eh bien, lorsque nous nous trouvons si près du royaume des Pays-Bas, lorsque là aussi c'est la loi de 1817 qu'il a fallu réformer, il me semblerait fâcheux que nous n'entrassions pas dans la même voie.
Et lorsqu'il s'agit d'une théorie qu'on nous reproche, il doit m'être permis de dire que depuis 1861 jusqu'à ce jour, on a retiré les meilleurs fruits de cette disposition et l'on n'a pas constaté que la charge en devînt plus lourde pour d'autres.
MpMOreauµ. - La proposition quant à l'enfant unique a été adoptée. J'engage l'orateur à réserver ses observations pour le second vote.
M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai compris que la Chambre avait rejeté l'exemption définitive du fils unique, mais en ce moment nous nous occupons des exemptions temporaires et je demande à M. le ministre de l'intérieur s'il y aurait de l'inconvénient à accorder l'exemption temporaire au fils unique.
MiPµ. - Il n'y a jamais eu d'exemption définitive, ni pour l'enfant unique ni pour le. fils unique, et cela par la raison fort simple que l'un comme l'autre peut perdre la qualité qui l'a fait exempter. Il n'a jamais été question que d'exemptions provisoires. Or, la Chambre a rejeté l'exemption provisoire de l'enfant unique ; il me paraît dès lors impossible qu'on vienne adopter aujourd'hui une exemption en faveur du fils unique, c'est-à-dire une exemption beaucoup plus étendue que celle qui a été rejetée.
Quant à ce qui se passe dans les Pays-Bas, on vient de dire que là on ne se refuse pas au progrès. Mais la question est précisément de savoir si ce que l'on considère comme un progrès en est réellement un.
L'honorable M. Kervyn dit que la charge n'y a pas pesé davantage sur les autres miliciens ; mais, en définitive, quand vous exemptez un milicien, il est bien évident que vous en faites marcher un autre.
M. Kervyn de Lettenhove. - Le nombre est très peu considérable.
MiPµ. - Le mal que vous faites aux uns est toujours exactement égal au bien que vous faites aux autres.
M. Dumortier. - Je ne conçois pas que M. le ministre de l'intérieur puisse tenir si fortement à faire partir le fils unique d'une famille et l'enfant unique d'une famille.
M. le président. - La Chambre a statué sur ce point.
M. Dumortier. - Je réponds à M. Kervyn et à M. le ministre de l'intérieur qui en ont parlé. Je dis que je ne comprends pas que l'honorable ministre veuille absolument prendre le fils unique, l'enfant unique, le seul espoir de la famille, celui en qui se concentrent toutes les affections.
Là où il y a plusieurs fils, vous ne prenez que la petite moitié, et là où il n'y en a qu'un vous prenez la totalité. Cela est complètement illogique.
Mais, dit M. le ministre, quand vous exemptez un milicien, vous en faites partir un autre. Tout le monde sait cela parfaitement ; supprimez alors toutes les exemptions ; ce. sont de ces arguments qui ne prouvent rien, parce qu'ils prouvent trop.
Lorsque vous exemptez le fils unique, c'est une chance dont peuvent profiter toutes les familles ; c'est une chance, comme le tirage au sort lui-même. Mais cette chance est réglée sur les lois de l'humanité, qui ne veulent pas que le service militaire spolie du tout au tout la famille.
Je vous le répète, quand la loi elle-même pose en principe que vous n'avez droit qu'à la petite moitié, il ne peut vous être permis de prendre l'entier.
M. le président. - M. Dumortier, veuillez réserver vos observations sur cet article pour le second vote. Ce n'est qu'alors que vous pourrez les produire régulièrement.
M. Coomans. - Messieurs, l'honorable ministre a mêlé la question du fils unique à celle du fils aîné.
Je tiens à démontrer que les deux questions sont très différentes.
Quand vous exemptez le fils unique, à quoi je ne m'oppose pas, vous accordez une faveur réelle et vous frappez les autres familles qui ont plus d'un fils.
Mais quand je vous demande d'exempter le fils aîné, je ne sollicite aucune faveur pour la famille. Elle vous doit la moitié de ses fils. Cette moitié vous l'aurez dans tous les cas si le sort est défavorable. C'est un ajournement de la dette.
Je ne comprends pas que M. le ministre ne me comprenne pas, je crois cependant m'être assez clairement expliqué.
Du reste, permettez-moi de vous le rappeler. Dans plusieurs lois de milice, le fils aîné a été exempté.
Dans la première loi de conscription que nous ayons subie, celle de 1702 qui est restée en vigueur jusqu'en 1700, le fils aîné était exempté. Les motifs que l'on en a donnés ont paru bons à celle époque et, comme la conscience humaine ne change pas, ils ne peuvent être absurdes aujourd'hui.
Donc, si l'honorable ministre ne me comprend pas, j'ai ce malheur avec les auteurs de plusieurs lois de milice, entre antres avec ceux de la conscription de 1702.
J'avoue, messieurs, que ceci n'est qu'un détail. Vous adopteriez cet amendement, que vous n'auriez guère amélioré votre loi, qui ne me paraît désormais plus améliorable. ; mais j'insiste sur cette question-ci, parce que c'est une question de justice, d'équité et de bonne économie politique.
M. De Fréµ. - Je demande à la Chambre la permission de. dire un mot sur la proposition de l'honorable M. Coomans.
Je pourrais citer au moins dix familles où le fils aîné est l'unique soutien de la famille.
M. Coomans. - Très bien.
M. De Fréµ. - Hier, j'ai eu chez moi, à la campagne, une femme dont le mari est malade. Il y a cinq enfants très jeunes, auxquels la femme est obligée de donner tous ses soins. Le fils aîné a obtenu un congé pour quelque temps et il devait partir aujourd'hui.
La mère m'a déclaré, et le bureau de bienfaisance a dû intervenir, que si le fils aîné devait rejoindre son corps, il n'y avait plus de quoi manger pour la famille.
Voilà un fait qui s'est passé hier dans la commune d'Uccle.
Je le répète, je pourrais citer dix familles qui tomberaient dans la misère si le fils aîné leur était enlevé, soit à cause de jeunes enfants qui ont besoin des soins continuels de leur mère, soit parce que le père se trouve momentanément empêché de travailler.
Je crois que la question soulevée est excessivement importante, mais il n'y a que les gens mêlés directement aux affaires qui peuvent bien en apprécier l'importance.
La Chambre fera ce qu'elle voudra, mais j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'indiquer ces faits pour éclairer la discussion.
MiPµ. - Je crois que, de toutes les manières d'examiner les lois, la plus mauvaise est celle qui consiste à les examiner sous l'influence d'impressions sentimentales, et c'est le cas de M. De Fré.
L'exemple que vient de citer l'honorable membre n'a absolument rien de commun avec la question que nous discutons (interruption), absolument rien, attendu qu'il s'agit là d'une véritable exemption pour pourvoyance. (Interruption.)
Vous venez de dire que vous connaissez un fils aîné qui est le soutien de sa mère et celui de ses frères et sœurs. Eh bien, ce fils est exempté ; lisez l'article 23 !
Cet article suffit donc pour le cas qui a frappé l'honorable M. De Fré, mais la proposition nouvelle qui serait adoptée sous l'influence de ce que ce cas offre d'intéressant, aurait pour effet d'exempter le fils aîné du riche comme celui du pauvre.
J'engage la Chambre à se montrer très réservée lorsqu'il s'agit de substituer certains miliciens à d'autres.
Je crois que l'article 23 contient toutes les réserves nécessaires, et nous en avons une nouvelle preuve par l'observation de M. De Fré, puisque le cas qu'il a cité est précisément prévu par cet article. Nous pouvons donc résoudre la difficulté indiquée sans adopter l'amendement de M. Coomans.
M. le président. - Le nouvel amendement de M. Coomans est ainsi conçu :
« Le fils aîné est exempté. »
- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
« Art. 26. Les exemptions du chef de service de frère seront soumises aux règles suivantes :
« 1° La somme des services demandés à une famille ne peut dépasser la moitié du nombre total des fils, ni excéder de plus d'un demi-service le nombre total des fils parvenus à l’âge de la milice ;
« 2° Le service dans la réserve ne compte que pour un demi-service ;
«5° Le se 3vice dans l'armée active exempte du service dans la réserve comme dans l'armée active ; le service dans la réserve ne procure que les exemptions nécessaires pour que la somme des services dus par les familles ne soit dépassée en aucun cas. »
MiPµ. - L'article 26 du projet résout une des questions les plus complexes du projet de loi sur la milice.
Il s'agit de déterminer comment sera répartie l'exemption que la loi accorde relativement au service des frères. Les combinaisons qui se présentent atteignent un chiffre extrêmement élevé.
Il est annexé au rapport de la section centrale un tableau qui prévoit la distribution de ces exemptions pour les familles dont le nombre des fils ne dépasse pas cinq.
L'honorable rapporteur de la section centrale a étudié cette question d'une manière toute spéciale et il a organisé un système très régulier que je crois assez simple et qui aura pour effet de résoudre toutes les difficultés.
Ce système est contenu dans l'article 26.
Je propose, d'accord avec lui, certaines modifications au texte de ce article.
Voici le but de ces modifications.
D'abord, l'honorable M. Magherman a fait l'observation que le texte de l'article 23, en ce qui concerne le service des frères, est trop général, et semble accorder toujours l'exemption a celui qui aurait un frère au service, de telle sorte que dans une famille de quatre fils, par exemple, si l'aîné est tombé au sort, les trois autres seraient exempts.
Cette objection disparaîtra si la Chambre consent à ce que l'article soit rédigé dans les termes que voici :
« Les exemptions du chef de service de frère sont déterminées par les règles suivantes.
« 1° Le service, soit dans l'armée active, soit dans la réserve, procure les exemptions nécessaires pour que la somme des services demandés à une famille ne dépasse pas la moitié du nombre total des fils.
« 2° Le service dans la réserve compte pour un demi-service. »
Ce qui explique à M. Allard ce qu'il faut entendre par un demi-milicien.
« 3° La somme des services ne peut excéder la moitié du nombre des fils en âge de milice, si ce n'est d'un demi-service, et dans le cas seulement où le sort désignerait le dernier inscrit pour l'armée active.
« 4° Le renouvellement annuel de l'exemption n'est subordonné qu'à la continuation du service qui y a donné lieu. »
Messieurs, il avait été inscrit dans le projet de la section centrale une disposition portant que lorsque l'exemption provisoire est accordée, les naissances qui se produiraient dans la famille ne pourraient pas avoir pour effet de faire cesser l'exemption.
Le n°3 rédigé comme ci-dessus pare à cet inconvénient.
M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole ?
M. Kervyn de Lettenhove. - Il est assez difficile de comprendre un amendement à la simple lecture.
Je ne. me rends pas bien compte de ce qu'on entend par les mots « en âge de milice. »
MiPµ. - Voici le système qui a été admis.
Lorsqu'il y a plusieurs fils dans une famille, l'Etat peut appeler au service militaire la moitié du nombre total des fils qui la composent.
Mais ce n'est pas la seule règle à suivre, il y a lieu d'apprécier également le nombre des fils en âge de milice, c'est-à-dire de ceux qui ont déjà participé au tirage au sort et de ceux qui participent au tirage de la classe actuelle. La loi ne permet pas que le nombre des services réclamés excède de plus d'un demi-service la moitié du nombre des fils.
J'applique cela, par exemple, au cas de quatre fils. Le nombre total des services que la famille doit donner à la nation, dans ce cas, est de deux services, dans aucun cas ce chiffre ne peut être dépassé. Je suppose, d'une autre part, que deux des fils soient arrivés à l'âge de milice ; tous deux sont tombés dans l'armée active, le second ne sera pas exempté parce que son service excède la somme des services que peut devoir la famille, elle peut être astreinte à deux services ; mais il sera exempté parce que deux fils seulement étant en âge de milice, elle ne peut devoir actuellement plus d'un service et demi.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je remercie M. le ministre de l'intérieur des explications qu'il vient de donner ; mais je suis réduit à lui demander de nouveau si, en présence du vote de la Chambre qui fait marcher l'enfant unique, il n'y a pas lieu de modifier la rédaction du dernier paragraphe.
MiPµ. - Messieurs, je ne suis pas partisan de la suppression de l'exemption pour l'enfant unique.
Mais en supposant même que la Chambre maintienne sa première décision, je crois qu'il y aurait encore des raisons qui justifieraient les exemptions de frères telles qu'elles sont formulées.
L'exemption de frères repose sur l'idée que quand une famille a fourni sa part à la milice elle doit être déchargée ; on comprend qu'on n'exempte pas l'enfant unique parce que la famille n'a rien payé, et qu'on maintienne l'exemption dans les cas où la famille a déjà payé plus que sa part de services, puisqu'elle a donné un fils sur deux, alors qu'elle n'en devait qu'un sur quatre.
En maintenant définitivement la proposition que je considère comme très rigoureuse, il y aurait encore des raisons suffisamment bonnes pour conserver le texte de l'article 26.
- La discussion est close.
L'article 26, tel qu'il a été amendé, par M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix est adopté.
« Art. 26bls. La composition de la famille sera déterminée en tenant compte de ce qui suit :
« 1° Sont assimilés aux enfants décédés ceux qui sont atteints de paralysie grave, de cécité, de démence complète et d'autres infirmités analogues, qui doivent les faire considérer comme perdus pour la famille ;
« 2° Sont comptés comme s'ils étaient encore envie les frères décédés, soit pendant la durée, soit après l'expiration d'un service personnel régulier, ou dont le service est ou a été régulièrement rempli par remplaçant ;
« 3° Sont considérés comme s'ils étaient miliciens les enfants entrés au service avant l'âge de la milice. »
MiPµ. - Je propose de modifier fa rédaction du n°1° de l'article 26bis de la manière suivante :
« 1° Sont assimilés aux membres de la famille décédés, ceux qui par suite de paralysie grave, de cécité, de démence complète et d'autres infirmités analogues, doivent être considérés comme perdus pour la famille. »
Le texte primitif s'appliquait seulement aux enfants décédés ; or, la même disposition doit s'appliquer pareillement aux parents.
- L'article 26bis ainsi amendé est adopté.
« Art. 27. Dans une famille composée de plusieurs fils, dont le père ou la mère, l'aïeul ou l'aïeule, encore en vie, n'a aucun autre descendant légitime, si l'aîné des frères, en cas de deux, si tous les aînés, en cas d'un plus grand nombre, ont été appelés dans la réserve et y servent en personne, le plus jeune auquel échoit le même sort sera, s'il le demande, dispensé provisoirement du service par le conseil de milice, jusqu'à ce qu'il soit entré dans la quatrième classe ; le maintien de la dispense sera subordonné à la justification annuelle des causes qui l'ont fait obtenir. »
MiPµ. - Messieurs, la suppression de l'exemption en faveur de l'enfant unique conduit nécessairement à la suppression de l'article dont il s'agit.
Le but de cet article est de donner une exemption au plus jeune des fils lorsque tous les aînés de la famille ont été astreints au service dans la réserve. Ainsi, dans une famille de quatre fils, si les trois aînés ont servi dans la réserve, le dernier doit être exempt. Il a fallu une disposition spéciale, pour prévoir cette exemption, parce que le service dans la réserve ne comptant que pour un demi-service, il n'y a pas d'exemption produite par le service dans la réserve du reste de la famille.
Cette disposition n'avait d'autre but que d'éviter que l'on n'enlevât tous les enfants à la famille. Si l'on peut enlever à la famille l'enfant unique, on peut lui enlever aussi tous les fils pour le service peu rigoureux de la réserve.
J'ajouterai que cet article ne peut avoir d'application que dans des cas fort rares ; j'ai soumis à la section centrale les calculs de probabilité pour le nombre de cas qui peuvent se présenter. Je crois qu'ils ne doivent se présenter que cinq ou six fois par année au plus.
M. Kervyn de Lettenhove. - L'article ne pourrait-il rester en suspens jusqu'au second vote, alors qu'on aura tranché définitivement la question de l'enfant unique ?
(page 1117) MiPµ. - On peut supprimer provisoirement l'article. Si on rétablit l'exemption pour l'enfant unique, on reproduira aussi l'article.
M. Kervyn de Lettenhove. - C'est la même chose.
- L'article est supprimé.
« Art 28. Sont exclus du service :
« 1° Les individus qui ont subi devant un tribunal militaire une condamnation passée à l'état de chose jugée, qui prononce ou entraîne la déchéance militaire, et ceux qui ont été renvoyés pour inconduite ;
« 2° Les individus qui ont subi devant un tribunal ordinaire une condamnation, passée à l'état de chose jugée, qui prononce une peine criminelle ou un an d'emprisonnement et au-dessus pour vol, abus de confiance ou escroquerie, ou deux ans d'emprisonnement pour tout autre délit.
« Si l'individu a été maintenu par erreur sur la liste du tirage au sort ou s'il n'a encouru l'exclusion qu'après cette opération, il sera déclaré inhabile au service par le conseil de milice.
« L'exclusion sera, au besoin, déclarée, d'office par la députation permanente, nonobstant toute décision rendue, même par ce collège, dans l'ignorance de l'indignité, lorsque la preuve de cette dernière est fournie dans les trente jours de la remise du contingent à l'autorité militaire. »
M. Coomans. - Messieurs, je voudrais savoir exactement si le service de celui qui est exclu de l'armée profitera à son frère, c'est-à-dire si l'exclu sera considéré comme ayant accompli son terme de service.
MiPµ. - Non..
M. Coomans. - Je m'attendais à la négative, mais je dois faire observer que c'est là une résolution grave.
Les fautes sont personnelles et vous en rendez responsable un innocent. (Interruption.)
Cela me paraît clair. Un individu entre au service. Par sa faute, il n'accomplit pas son temps de service et il peut l'avoir rempli pendant un temps assez long...
MiPµ. - Du tout.
M. Coomans. - Alors voulez-vous m'expliquer la disposition ? Vous me rendrez service ; car je ne comprends pas.
MiPµ. - L'honorable M. Coomans ne se rend pas bien compte, de ce qui constitue l'exclusion ; il ne s'agit pas des miliciens qui sont renvoyés de l'armée après le tirage, il s'agit d'individus qui, ayant encouru une condamnation avant le tirage, sont exclus de la milice. Le projet portait même que le commissaire d'arrondissement doit les rayer avant le tirage.
M. Coomans. - J'en demande bien pardon à l'honorable ministre, mais il n'a pas lu l'article 28. Cet article porte :
« Sont exclus du service :
« 1° Les individus qui ont subi devant un tribunal militaire une condamnation passée à l’état de chose jugée... »
Devant un tribunal militaire. Il s'agit donc d'un militaire. Avez-vous jamais vu un individu de moins de vingt ans, non incorporé, jugé par un tribunal militaire ?
« Les individus qui ont subi devant un tribunal militaire une condamnation... »
N ai-je pas dû conclure de ces termes qu'il s'agissait de l'exclusion du service ? Or, on ne peut pas être exclu du service avant d'y être entré.
Je sais bien que. le cas indiqué par M. le ministre peut se présenter et je conçois parfaitement que, dans ce cas, le frère qui ne sert pas ne peut pas faire exempter son frère ; mais je parle du 1° de l'article 28 : « Les individus qui ont subi devant un tribunal militaire une condamnation... », et je pensais qu'il n'y avait que les militaires qui fussent soumis aux tribunaux militaires.
MiPµ. - On peut être volontaire à seize ans et on peut dès lors, avant l'âge du tirage au sort, qui est dix-neuf ans, subir une condamnation devant un tribunal militaire, et être exclu de la milice pour une condamnation militaire.
- L'article est mis aux voix et adopté.
M. Descampsµ dépose le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ouvrant un crédit au département des travaux publics.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à quatre heures.