Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 mai 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 987) M. Dethuin, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaert, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Coppin se plaint qu'un mandat d'amener a été lancé contre lui en contravention à l'article 9 du décret sur la presse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Legrand réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir justice des mauvais traitements dont il a été l'objet. ».

- Même renvoi.


« Le sieur Gérard prie la Chambre de statuer sur sa demande ayant pour objet une indemnité pour avoir été renvoyé par l'administration des chemins de fer, sans avis préalable. »

- Même renvoi.

Proposition de loi modifiant la législation sur l’impression et la publication d’ouvrages littéraires

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi déposée hier par deux de nos collègues.

Cette proposition est ainsi conçue :

« Modification à la loi du 25 janvier 1817, établissant les droits qui peuvent être exercés dans les Pays-Bas, relativement à l’impression et à la publication d'ouvrages littéraires et de productions des arts.

« Article unique. L'article de loi du 23 janvier 1817 est remplacé par la disposition suivante :

« Ladite formalité doit être accomplie pour chaque édition de l'ouvrage.

« (Signé) Louis Hymans. Thonissen. »

Cette proposition sera développée mardi.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre IV. Des exemptions des dispenses d’incorporation et des exclusions

Article 23

M. le président. - Hier, la Chambre a ajourné le paragraphe premier de l'article 23 ainsi conçu :

« 1° Celui dont la taille, dépassant un mètre quatre cents millimètres, n'atteint pas un mètre cinq cent cinquante millimètres. »

Des renseignements ont été demandés à M. le ministre de la guerre, qui est aujourd'hui présent.

MgRµ. - Messieurs, la taille minimum exigée pour les miliciens a été fixée, dans les différents pays, sur des bases dont je vais donner un relevé officiel. Vous pourrez vous assurer qu'à l'exception de l'Italie, t'est en Belgique qu'on trouve l'abaissement le plus considérable.

L'Angleterre admet comme minimum, pour le train, l m 598 ; pour l'infanterie de ligne, 1 m649 ; pour la cavalerie, 1 m 776.

En Prusse, la taille inférieure est de 1 m 62. Cependant, comme le recrutement se fait par district, et qu'il se pourrait que, dans certaine zone, on ne trouvât pas assez d'hommes de celle taille, on permet de descendre jusqu'à 1 m 57.

Lorsqu'un district ne peut parvenir à compléter son contingent par défaut d'hommes de la taille indiquée, on prélève ce qui manque sur les districts mieux partagés. Ces chiffres sont fixes par l'article 13 de la loi du 30 janvier 1868, sur le recrutement de l'armée.

Dans le Wurtemberg, le minimum de la taille est de 1 m 56. Article premier de la loi du 12 mars 1868 sur le recrutement de l'armée.

En Autriche, le minimum est de 1 m 551. Article 16 de la loi du 5 décembre 1868.

En Danemark, on exige 1 m 59 au moins. Article 20 de la loi du 6 mars 1869.

En Hollande, le minimum est de 1 m 56, d'après l'article 5 de la circulaire annexée à l'arrêté du 17 janvier 1862 sur le recrutement.

En Norvège, on a adopté 1 m 539. Loi du 12 mai 1866.

En France, d'après l'article 13 de la loi de 1868 sur le recrutement, 1« milicien doit avoir 1 m 55. Pour les remplaçants et les volontaires, la loi fixait 1 m 56, mais dans la discussion du budget qui a suivi la promulgation de la loi, on a fait remarquer qu'il était utile de fixer pour les remplaçants et les volontaires la même taille que pour les miliciens, et on a admis 1 m 55 pour toutes les catégories.

En Belgique, nous demandons1 m 55.

En Suisse, le règlement sanctionné par la diète le 20 juillet 1843 fixe à 1 m 56 la taille des chasseurs et des fusiliers. Le règlement du 23 novembre 1857 porte à l m 59 le minimum exigible pour le génie, à 1 m 665 celui de l'artillerie (le train compris) et à 1 m 59 celui de la cavalerie. Comme je vous l'ai dit, messieurs, il n'y a qu'un seul pays où le minimum soit inférieur à celui que nous proposons. En effet, dans ce pays l'article 78 de la loi du 20 mars 1854 porte le minimum 1 m 54.

Ainsi, messieurs, vous voyez qu'à l'exception de l'Italie, la Belgique et la France sont les pays où la taille exigée est le moins élevée.

J'ai lu dans les Annales parlementaires que l'honorable M. Kervyn avait dit qu'en Prusse les hommes qui entraient dans le train pouvaient avoir une taille inférieure.

M. Kervyn de Lettenhove. - En Autriche.

MgRµ. - En Prusse, il faut avoir au moins 1 m 62 pour être admis dans le train.

La loi autrichienne du 5 décembre 1868, s'exprime ainsi : « Pour les ouvriers de l'armée active, les matelots et les ouvriers de la marine, on ne tient pas compte de la taille. »

Et cela s'explique par la nature spéciale des travaux auxquels devront être soumis cette catégorie d'inscrits. Quant au train, la taille exigée est de 60 pouces ou 1 m 58.

La loi hollandaise de 1817 ne dit pas que les miliciens, quelle que soit leur taille, puissent être placés dans le train, l'intendance ou les ambulances... s'ils ont la constitution robuste ; elle porte simplement que « celui qui à cause de quelque infirmité sera trouvé inhabile au service de l'infanterie ou de la cavalerie pourra néanmoins être désigné pour le train s'il a les qualités requises pour ce service ».

Il n'est nullement question d'une taille réduite lorsqu'il s'agit du train, car on est obligé d'avoir, dans ce corps, des hommes d'une taille assez grande pour pouvoir seller facilement leurs chevaux.

Aussi, messieurs, les exceptions indiquées par l'honorable M. Kervyn n'existent ni en Autriche, ni en Hollande.

La taille moyenne n'est pas la même chez tous les peuples ; vous ne pouvez pas mettre en parallèle la race germanique et les races méridionales.

Les Italiens, les Espagnols, les hommes du midi de la France, qui ont une taille inférieure à la nôtre, sont d'excellents soldats ; mais dans notre climat, le défaut de taille est ordinairement l'indice d'une infériorité physique. En France déjà on a constaté qu'en dessous de 1 m. 54 c. il ne se trouvait presque plus que des hommes malingres et rachitiques.

Chez nous, la même fait se présente. Si vous diminuez trop la taille exigée, qu'arrivera-t-il ? C'est que vous ferez entrer dans les régiments un grand nombre d'hommes qui succomberont dès la première année.

L'honorable M. Vleminckx a déjà dit que, malgré les soins que peuvent apporter les conseils de milice dans l'examen des recrues on en a admis beaucoup qui sont incapables de supporter les fatigues du service.

Les uns sont mis en observation et si l'on reconnaît que leur santé est mauvaise on les réforme ; d'autres, qu'on croit pouvoir placer dans les rangs, ne tardent pas à peupler les hôpitaux et les infirmeries de nos villes de garnison.

Il faut, messieurs, pour porter le sac et manier les armes une constitution (page 988) robuste et je dis que c'est une question d'humanité que de restreindre l'incorporation d'hommes trop faibles on rachitiques.

Si vous descendez en dessous de la taille que nous avons indiquée, il est plus que probable que le nombre des malades se trouvera, dès la première année, considérablement augmenté.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, j’ai cité hier l’exemple de l’Autriche et de l’Angleterre. J’ai aussi rappelé notre ancienne législation, celle de 1817.

M. le ministre de la guerre ne conteste pas qu'il y avait dans la loi de 1817 une exemption en faveur des hommes de petite taille que l'on jugeait propres à entrer dans le service du train.

Si j'ai bien compris M. le ministre de la guerre, il a reconnu que cela existe également en Autriche, mais il a nié le fait en ce qui touche l'Angleterre. Or, j'affirme que j'ai eu sous les yeux un règlement anglais, qui émane de la secrétairerie d'Etat de la guerre de 1868 et qui porte que chaque fois que les hommes se présentant au service comme volontaires seront jugés propres à conduire des chevaux ou à entrer dans le train de l'artillerie, ils seront admis, quelle que soit l'exiguïté de leur taille.

Cela se justifie parfaitement. Aussi à l'opinion de M. le ministre de la guerre ai-je bien le droit d'opposer celle du gouvernement lui-même, qui, dans l'exposé des motifs, déclare, de la manière la plus formelle, que la vigueur de la constitution des jeunes gens ne dépend pas de la taille, et que l'expérience le prouve tous les jours.

Je comprends très bien que l'on repousse du service militaire les hommes rachitiques qui seraient incapables de remplir leurs devoirs ; mais ce n'est pas là ce que j'ai entendu. J'ai voulu parler des hommes qui, n'ayant pas une taille élevée, jouissent cependant d'une constitution robuste, qui les rend propres à toutes les exigences du service.

Dans la séance d'hier, j'ai rappelé que, dans les guerres de l'Empire, on s’était contenté d'hommes n'ayant que 1 mètre 480 millimètres, et que, dans les discussions à la chambre des députés, des généraux qui avaient fait les grandes guerres de l'Empire ont affirmé que des régiments composés de Basques et de Bretons, c'est-à-dire d'hommes ayant la taille la moins élevées, étaient signalés par leur force physique, qui leur avait permis de supporter toutes les fatigues de longues campagnes.

Si cela a eu lieu en France, je me demande, si en Belgique, alors qu'il s'agit d'atténuer les charges du service militaire, nous ne pouvons pas tenir compte de ces constitutions robustes et admettre une taille moins élevée que celle de 1 m. 55, proposée par la section centrale, et si, ici comme ailleurs, on ne pourrait pas placer un certain nombre de conscrits de la catégorie dont je parle, dans le train, dans les ambulances et dans d'autres services où la taille n'est pas nécessaire.

Il est un autre point sur lequel je désirerais connaître l'opinion de M. le ministre de la guerre.

Il nous a cité les règlements militaires d'un grand nombre de nations. Je voudrais savoir de lui si les modifications qui ont eu lieu dans la tactique militaire, et surtout par l'emploi des nouvelles armes, n'ont pas complètement effacé les motifs qui ont présidé à ces anciens règlements.

Ainsi, dans la séance d'hier, j'ai cru devoir citer l'ouvrage du général Trochu qui veut descendre plus bas que le chiffre de la section centrale, car il indique 1 m 54 au lieu de 1 m 55, et ce chiffre même ne lui paraît pas devoir être rigoureusement observé, car il ajoute dans une note que l'emploi des nouvelles armes rend en quelque sorte inutile et sans importance la taille du soldat. « La considération de la taille, dit-il, est sans valeur aujourd'hui. »

Voilà la déclaration formelle de M. le général Trochu.

Et voici, messieurs, quels sont les motifs qu'il en donne ailleurs : c'est que l'inflexible rigidité de l'ancienne ligne de bataille a été remplacée par l'élasticité, la mobilité, l'indépendance relative des éléments qui la forment.

Tout à l'heure M. le ministre de la guerre a invoqué l'opinion de M. Vleminckx ; je suis complètement de l'avis de cet honorable membre : il ne faut pas admettre dans les rangs de l'armée des hommes incapables d'en remplir les charges ; mais je fais appel à l'honorable M. Vleminckx lui-même : je crois ne pas me tromper en disant qu'au sein de la section centrale il nous a fait comprendre avec toute l'autorité de ses lumières et de son expérience que les hommes de haute taille étaient souvent ceux qui remplissaient le plus mal, le plus incomplètement les charges du service militaire, et qu'à côté de ces hommes il y en avait d'autres, moins favorisés au point de vue de la taille, mais doués d'une constitution robuste qui les rendait plus propres au service.

La Chambre connaît, du reste, le terrain sur lequel je me suis placé. Il y a aujourd'hui un grand nombre de miliciens en faveur desquels ne milite aucune considération intéressante, aucune considération fondée sur la position de la famille, et qui néanmoins ne prennent pas part au tirage au sort.

Eh bien, messieurs, si vous pouviez réduire le nombre de ceux-là, vous assureriez certainement une position bien meilleure, bien plus juste à ceux qui prennent part au tirage au sort.

Dans la séance d'hier, j'ai en l'honneur de reproduire des passages du rapport de la section centrale ; j'en ai cité d'autres qui ont été puisés dans un mémoire de M. Quetelet. J'aurais pu m'appuyer aussi sur une pétition déposée sur le bureau de la Chambre, par le secrétaire d'une commune industrielle du pays, où la taille est peu élevée. J'y trouve indiqué le fait suivant qui me paraît caractéristique. L'auteur de la pétition déclare que, dans une période de dix ans, il a vu passer devant lui 344 inscrits et que 283 ont été repoussés pour défaut de taille.

Il est évident que pour certaines familles, appartenant à telle ou telle profession, où la taille n'est pas élevée, il y a une faveur que rien ne justifie. Au contraire là ou des mœurs plus simples et plus rudes, là où des travaux d'une autre nature, là où d'autres considérations hygiéniques multiplient les tailles élevées, les hommes sont atteints dans une proportion supérieure.

Eh bien, messieurs, si en France et en d'autres pays encore, eu diminuant la taille on a fait disparaître cette inégalité, il y a aujourd'hui pour nous un devoir à remplir, c'est de la réduire aussi dans les plus strictes proportions en tenant compte à la fois des rigueurs du service militaire et des légitimes intérêts des populations.

M. Vleminckxµ. - L'honorable préopinant vient de rappeler une opinion que j'ai émise au sein de la section centrale relativement aux hommes de taille élevée. L'honorable membre a parfaitement compris ; j'ai dit, en effet, qu'il est des hommes de taille élevée, qui sont plus mauvais soldats que d'autres, beaucoup plus petits.

Ceci est un fait en dehors de toute contestation, mais je n'ai pas entendu prétendre pour cela qu'il fallût diminuer la taille au-dessous du minimum fixé dans le projet que nous discutons. C'est à cette mesure que je me suis rallié.

Je crois, en effet, que c'est la taille que la Chambre doit admettre et qu'il y aurait de grands dangers, au point de vue des devoirs à remplir, à imposer le service militaire à des miliciens d'une taille inférieure.

D'après l'honorable M. Kervyn, il faudrait en quelque sorte établir autant de tailles qu'il y a de districts en Belgique.

Il est évident, en effet, que dans certains d'entre eux les hommes ont une taille relativement moins élevée que dans d'autres. Mais cela est tout à fait impossible : il est d'absolue nécessité d'établir une règle fixe pour tout le royaume. Celle que nous avons proposée ne pourrait pas être réduite, je pense, sans de sérieux inconvénients.

Pour le train, dit l'honorable M. Kervyn, on pourrait admettre des hommes d'une taille moins élevée que celle qui est inscrite dans le projet, et déjà, ajoute-t-il, cette autorisation était inscrite dans la loi de 1817. Mais l'honorable membre a perdu de vue que la disposition de la loi dont il s'agit a été révoquée, précisément à cause des abus auxquels elle a donné lieu. Le fait se trouve consigné dans le rapport de la section centrale, dans lequel je lis ce qui suit :

« La loi de 1817 avait si bien compris que la force physique ne consiste pas toujours dans la stature, qu'elle n'exemptait les jeunes gens d'une taille inférieure à cinq pieds Rhinland, que pour autant que. les conseils de milice les reconnussent inhabiles au-service du train. Si cette disposition a été abrogée par l'article 33, paragraphe 2, de la loi du 27 avril 1820, c'est qu'elle était entachée d'un double vice : elle faisait intervenir indirectement une juridiction administrative dans la composition spéciale du personnel d'un corps militaire ; d'autre part, ne s'arrêtant à aucune limite, elle se prêtait à une application trop arbitraire. »

Ce n'est pas, je suppose, à l'arbitraire de ce temps-là que la Chambre voudra revenir.

La Chambre établira, dans la loi, une taille fixe, au-dessous de laquelle il ne sera permis de descendre dans aucun cas. C'est le seul moyen d'être juste pour tout le monde.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai fait remarquer tout à l'heure que le général Trochu indiquait comme minimum de taille pour la France 1 mètre 54. Il me semble évident que la Belgique ne peut pas être plus rigoureuse que la France en ce qui touche les conditions du service militaire.

Et si, d'un autre côté, pendant les guerres de l'Empire on s'est contenté de 1 m. 48, il me paraît aussi évident que nous pouvons faire un pas de plus dans l’abaissement de la taille.

(page 989) Je comprends parfaitement l'argument de l'honorable M. Vleminckx et, hier déjà je l'ai déclaré, on peut ouvrir la voie à l'arbitraire en insérant dans la loi une disposition qui permettrait d'admettre certains hommes d'une taille inférieure à celle que la loi prescrirait d'une manière générale. Pour répondre à cette objection, je proposerai, par amendement, de fixer le minimum de la taille à l m 52.

MgRµ. - Il me semble, messieurs, que l'honorable M. Kervyn choisit un bien mauvais exemple en nous citant les guerres de la fin de l'empire.

Il ne se rappelle pas que les campagnes antérieures avaient laissé sur les champs de bataille de l'Europe, le plus pur du sang de la France.

Il ne nous dit pas non plus que les armées de l'empereur, peuplées d'hommes qui n'avaient pas encore atteint leur développement, laissaient sur les chemins qu'elles parcouraient des milliers de soldats malades et écloppés. Il ne nous dit pas ce qui s'est passé dans les hôpitaux d'Allemagne. Qu'il se souvienne des désastres de Mayence où un typhus épouvantable décimait l'armée française, qui n'était composée que de véritables enfants, incapables de supporter les fatigues de la guerre.

En descendant jusqu'à 1 m 48 on a été recruter dans la population française une foule de gens qui, dans des temps ordinaires, n'auraient certainement jamais été appelés sous les drapeaux.

M. Kervyn de Lettenhove. - Et les Basques et les Bretons !

MgRµ. - Je répète, messieurs, que l'élévation de la taille est généralement l'indice de l'aptitude physique, bien que la taille moyenne varie, suivant les climats.

En France, on a reconnu qu'en dessous de l m 55, on n'avait pour ainsi dire que des malingres.

Du reste, pouvez-vous comparer la race basque à la race celtique ? Prendrez-vous pour modèle les peuples du midi de l'Europe, et mesurerez-vous notre taille à la leur ?

Je maintiens qu'en abaissant la taille à 1 m 54, on augmenterait le nombre de malingres qui encombrent les hôpitaux.

La taille de 1 m 54 l indique que le développement physique de l'individu n'a pas eu lieu d'une manière normale, et je suis convaincu que les hommes de cette taille que vous enverriez aux armées ne seraient pas assez forts pour supporter les fatigues du service.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Kervyn, tendant à fixer le minimum de la taille à 1 mètre 52 est mis aux voix et n'est pas adopté.

Le paragraphe premier de l'article 23 du projet de la section centrale, qui avait été tenu en réserve, est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 23bis

M. le président. - La discussion sur l'article 23bis est reprise.

M. Orts propose l'amendement suivant :

« Ajouter aux mtis : définitivement les ministres des cultes, le paragraphe suivant :

« Ne sont pas compris sous la qualification de ministres des cultes les membres des ordres religieux qui ne sont pas revêtus de fonctions spirituelles rétribuées par l'Etat. »

M. le président. - La parole est à M. Orts pour développer son amendement.

M. Orts. - Messieurs, les développements de ma proposition seront très courts. Je suis partisan de l'exemption accordée par la loi aux ministres des cultes, mais à la condition que ce privilège demeure renfermé dans les limites de ce qui est juste, équitable, de. ce qui est légal au moment où nous parlons.

Or, l'exemption, pour rester juste, équitable et conforme à la loi, doit être restreinte aux ecclésiastiques qui rendent à l'Etat des services d'une utilité. sociale, au nom desquels la Constitution et la loi leur ont. garanti les traitements et les autres avantages que nous leur accordons et que j'entende leur maintenir. Ces services sont rendus par les ministres des cuites.

Ces services sont rendus par les ministres des cultes, chargés de pourvoir directement aux besoins des fidèles, rendant les services qui correspondent à ceux que rendent, dans la religion catholique, le clergé séculier, le clergé de nos paroisses et le clergé évidemment supérieur dans la hiérarchie religieuse séculière.

Je ne pense pas qu'il soit jamais entré dans la pensée des législateurs qui ont consacré, en France et dans les Pays-Bas, des exemptions du service de la milice au profit des ministres des cultes, de donner une autre extension à ces exemptions que celle que je viens de définir.

Jamais les membres des ordres religieux n'ont été rangés dans la catégorie des ecclésiastiques qui desservent nos paroisses, qui remplissent les fonctions de ministres des cultes proprement dites.

Dans ma pensée, je ne crois pas qu'on ait songé, dans les lois antérieures, à aller au delà de ce qui se trouve dans mon amendement, et en voici les raisons.

M. Delcourµ. - Je demande la parole.

M. Orts. - La milice, le recrutement, la conscription dans les lois qui ont régi notre pays, les unes empruntées au régime impérial, les autres empruntées au régime des Pays-Bas, ont été créées à une époque où les ordres religieux n'existaient pas.

Personne ne niera que, par exemple, lors de la première loi du recrutement en France, en l'an VI de la République, il ne pouvait pas entrer dans la pensée des législateurs de faire quelque chose pour les ministres des cultes, puisqu'ils n'existaient plus.

Plus tard, lorsque les cultes ont été rétablis par la loi organique promulguée par le pouvoir civil à la suite du Consulat, la proscription des ordres religieux composés d'hommes était maintenue, maintenue formellement par une disposition expresse du rapport présenté par Portalis en tête des lois organiques.

Il ne pouvait donc pas entrer dans la pensée du législateur du Consulat et de l'Empire d'étendre l'exemption accordée au ministre des cultes, quant au service de la conscription, au delà du clergé séculier.

Lorsque en 1817 une loi sur la milice a été promulguée par le gouvernement des Pays-Bas, la conscription pour les ordres religieux composés d'hommes était également maintenue, et le rapport présenté en tête du projet de loi fondamental par le comte Destienne, aux notables appelés à prononcer sur son adopption ou son rejet, déclarait positivement que jusqu'à disposition ultérieure à prendre par les états généraux et par le roi, le législateur constituant dans le projet de loi fondamental de 1815 considérait les ordres religieux comme supprimés.

Il est évident, messieurs, que. si on avait considéré à cette époque comme ministres des cultes, au point de vue de l'exemption de la milice, tous les membres des ordres religieux qui ne remplissaient aucune fonction ecclésiastique de l'Etat, on aurait pris, à leur égard, quant au recrutement et quant aux jeunes gens qui se destinent à cette profession, la même mesure que celle qu'on a prise à l'égard des étudiants en théologie, parmi lesquels on ne comprenaient pas les novices, futurs membres de congrégations religieuses, puisque la loi de 1817, ou plutôt les arrêtés royaux rendus immédiatement après la loi de 1817 pour en assurer l'exécution, disaient qu'on ne considérait comme étudiants en théologie au point de vue de la religion catholique que les étudiants en théologie dans les grands collèges épiscopaux.

Je ne vois rien, messieurs, dans le texte de nos lois belges depuis 1830 qui ait modifié cette manière de voir. Il peut s'être fait que, dans la pratique, on soit allé plus loin, mais si cette pratique est une tolérance qui se concilie avec les expressions de la loi, ce que je ne veux pas examiner, cette tolérance ne doit pas être inscrite dans la loi même, parce qu'alors cette tolérance, qui peut se justifier dans certains cas, se transformerait en une règle, en un droit positif, en un privilège incontestable.

Je pense donc que, sous ce rapport, mon amendement dans son principe est justifié. J'ai introduit dans cet amendement une réserve et la voici : Les membres des ordres religieux, au moins de certains d'entre eux, peuvent être appelés, par leur règle, à exercer le ministère ecclésiastique dans nos paroisses. Il y a des ordres religieux parmi lesquels sont pris, dans le moment où je parle, des vicaires et des curés.

Lorsque des membres des ordres religieux rempliront ces sortes de fonctions chez nous, ils se trouveront dans le même cas d'exemption que les membres du clergé séculier. Je ne veux, sous ce rapport, porter aucune atteinte préjudiciable aux situations, et je crois équitable, juste et légitime d'accorder la même exemption à ceux qui rendent à l'Etat les mêmes services que le clergé séculier proprement dit.

Voilà les raisons de mon amendement et je le soumets en toute confiance à votre appréciation.

MiPµ. - Messieurs, l'article que nous discutons sort de la matière propre de la milice, pour engager une question constitutionnelle ou, tout au moins, une question qui touche à des principes importants.

Cette question est née d'attaques très vives dirigées à plusieurs reprises contre le gouvernement et la majorité par M. Coomans ; l'honorable membre a annoncé la présentation d'amendements que jusqu'à présent nous n'avons pas vus paraître, mais qui, d'après lui, devaient avoir pour résultat de rendre la loi plus mauvaise et d'amener tôt ou tard la ruine du système que consacre cette loi. Quoi qu'il en soit, messieurs, nous avons à examiner d'abord s'il est (page 990) vrai que la dispense qui est proposée par le projet de loi en faveur des élèves en théologie est inconstitutionnelle. C'est la thèse qu'a soutenue hier l'honorable M. De Fré.

L'honorable membre a interprété nos principes constitutionnels en ce qui concerne les rapports de l'Eglise et de l'Etat comme entraînant la séparation complète, absolue, de l'Etat et de l'Eglise.

J'ai déjà eu occasion de débattre avec lui cette question. Je crois que l'honorable membre exagère la portée de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Sans doute cette séparation est un des principes fondamentaux des sociétés modernes, principe de la plus haute importance que j'entends, comme lui, respecter complètement. Mais on ne doit pas oublier qu'à côté de la séparation qui est complète en ce qu'elle assure la pleine liberté d'action de l'Etat et de l'Eglise, la Constitution a maintenu des liens importants. Elle a maintenu pour l'Etat le devoir d'entretenir les cultes, c'est-à-dire de fournir aux besoins de ce qu'elle a considéré comme étant un service public.

Avant la révolution de 1789, l'Eglise subsistait au moyen de fondations, au moyen de sa dotation territoriale ; lorsque les biens-fonds attachés au service ecclésiastique furent supprimés, on substitua aux ressources provenant de la propriété les ressources provenant du budget. J'ai déjà eu occasion d'examiner la question de savoir si les traitements du clergé constituent une indemnité, et de démontrer que cette question doit être résolue par la négative ; mais il n'en est pas moins incontestable que le mode de maintenir le service des cultes a été changé, et que l'Etat a pris l'engagement de fournir aux cultes ce qui leur est nécessaire.

Aussi, messieurs, nombre de dispositions que nous votons chaque année consacrent ce système ; le budget de la justice contient un poste important destiné à rémunérer les ministres des cultes ; d'autres crédits sont consacrés à l'entretien des églises ; nous avons même une législation spéciale pour les fabriques d'église et le projet de loi sur le temporel des cultes n'est pas autre chose que la consécration de l'obligation qui existe pour l'Etat de donner aux cultes les moyens d'exister.

Puisqu'il en est ainsi, messieurs, il est évident que, sans blesser la Constitution, la loi peut prescrire les mesures pour assurer aux cultes des moyens d'existence. Les cultes sont sous ce rapport dans les mêmes conditions que l'enseignement donné par l'Etat, lequel est également consacré par la Constitution.

Il est aussi nécessaire aux cultes d'avoir leurs ministres qu'à l'enseignement d'avoir ses professeurs.

Reste à savoir comment il convient de pourvoir à cette nécessité ?

Il est très vrai que l'on pourrait, dans la matière en discussion, s'abstenir de stipuler des exemptions ; il suffirait, en effet, de donner, tant aux ministres des cultes qu'aux professeurs, des traitements assez élevés pour que l'attrait de la profession y appelât un nombre de personnes suffisant. Mais ce qui est également vrai, c'est que si nous pouvons donner, nous pouvons aussi ne pas prendre ; si nous sommes libres d'assigner sur le trésor public des traitements aux ministres des cultes et aux instituteurs, nous sommes libres aussi de les exempter d'une charge ; c'est payer en moins prenant.

Lequel de ces deux systèmes est-il le plus avantageux ? Il est incontestable, selon moi, que le système de l'exemption offre plus d'avantages que le système d'une rémunération plus élevée.

En effet, pour devenir instituteur ou pour devenir prêtre, il faut dès l'enfance se livrer à des études spéciales. Or, pour que les jeunes gens se décident à commencer de si bonne heure ces études, il est indispensable qu'ils aient la certitude de s'y adonner utilement. Si nous n'ouvrons pas à ces jeunes gens la perspective d'une exemption de la milice, il est clair que beaucoup d'entre eux ne s'exposeront pas à faire inutilement des sacrifices de temps et d'argent.

Voilà, messieurs, l'avantage du système de l'exemption sur celui de l'augmentation de traitement ; le premier système rend tous les efforts vers le but fructueux, le second ne peut que rémunérer ceux qui ont atteint le but, entre ceux qui en route ont échoué contre le mauvais sort de la milice.

Il est, du reste, incontestable que, dans l'état de la société actuelle, les instituteurs primaires et les ministres des cultes ne se recrutent pas dans les classes les plus élevées de la société. C'est un fait que l'honorable rapporteur de la section centrale a constaté dans son remarquable travail et qui, je crois, ne peut être dénié. Il est, au surplus, pour les ministres des cultes, des raisons toutes spéciales qui doivent nous engager à adopter pour eux l'exemption.

Il est hors de doute que le séjour dans les casernes et les habitudes des camps ne sont pas une bonne préparation à l’état religieux. (Interruption.)

Je ne veux nullement médire, messieurs, de l'état militaire, mais vous reconnaîtrez évidemment avec moi qu'il y a, entre les deux professions et entre les dispositions qu'elles requièrent, une incompatibilité complète.

Je crois qu'à part certaines exceptions, que l'on remarque parce qu'elles sont extraordinaires, généralement l'homme qui aura fait un temps de milice, qui aura pris les habitudes de la vie militaire, deviendra très difficilement un bon prêtre.

L'Etat, qui consacre chaque année un grand nombre de millions à l'entretien des cultes, aurait tort, à mon avis, de ne pas admettre tout ce qui peut contribuer à former un bon clergé.

Mais si je pense que l'exemption doit être accordée, il reste à savoir dans quelles limites, et ici je trouve l'occasion de répondre à l'honorable M. Orts qui, du reste, déjà a répondu en partie lui-même à sa question.

Dans quelle limite faut-il accorder ces exemptions ?

Il y a, messieurs, deux catégories de prêtres, ceux qui appartiennent à l'ordre séculier et ceux qui appartiennent aux ordres réguliers.

La distinction est importante, considérable, l'histoire apprend qu'entre ces deux ordres il y a eu de longues et profondes divisions.

L'honorable M. Orts a démontré que la loi qui nous régit ne peut avoir pour but d'assurer l'exemption des prêtres qui appartiennent aux ordres religieux.

Notre Constitution, qui a paru après cette loi, l'a-t-elle modifiée ? Elle a consacré un très large système de liberté pour les ordres religieux ; rien ne les entrave ; chacun peut entrer dans l'ordre qui lui convient le mieux, chacun peut en créer de nouveaux, l'autorité n'a rien à y voir.

Je crois que ce principe est précieux, comme tous ceux que renferme la Constitution. Mais je dois constater qu'il n'y a là rien de plus que la liberté et que si nous introduisions un privilège à cet égard, nous aurions été à l’encontre des idées constitutionnelles.

Liberté entière ; pas de privilège. Voilà les règles que les ordres religieux doivent maintenir et ont intérêt à maintenir, car en demandant un privilège, ils compromettraient ce qu'il y a de plus précieux pour eux, la liberté.

Ainsi la question qui se pose sur la situation de la législation est celle-ci : Il est impossible de supposer que la loi de 1817, introduite à une époque où tous les ordres religieux étaient proscrits, leur ait accordé un privilège. Le législateur de cette époque avait donc voulu que les ministres des cultes formant le clergé séculier fussent seuls exemples ; la Constitution, en donnant la liberté aux ordres religieux, a-t-elle modifié cette situation ?

Les termes généraux qui sont dans la loi de 1817 se sont-ils trouvés modifiés, étendus par la Constitution et, par suite, alors qu'on ne pouvait considérer précédemment comme élèves en théologie que les élèves des séminaires se destinant à l'état séculier, a-t-on pu considérer pour l'avenir tous les élèves en théologie sans distinction comme devant jouir de l'exemption ?

II est des députations permanentes qui ont jugé que pour être considéré, sous la législation actuelle, comme élève en théologie, il faut nécessairement étudier dans un séminaire. Telle est, notamment, la jurisprudence de la députation permanente de la province de Liège.

J'ignore si d'autres députations ont admis un système contraire. Il y a donc des décisions portant que, pour être considéré comme élève en théologie et jouir, comme tel, de l'exemption, il faut faire ses études dans les établissements désignés spécialement par la loi.

Mais cela suffit-il ? Si l'on déclare qu'on est élève en théologie, soit dans un séminaire, soit ailleurs, et qu'on se destine à l'état religieux, devra-t-on toujours être admis à jouir de l'exemption ?

Voici, messieurs, la solution que donne à cet égard M. Bernimolin, un des plus récents commentateurs de nos lois sur la milice ;

« L'exemption doit être accordée à tout milicien qui, par un certificat régulier, justifie étudier réellement la théologie pour se vouer à l’état de prêtre séculier (il va sans dire que le législateur n'a pas eu en vue le clergé régulier, c'est-à-dire les ordres religieux). Dans ce cas, il n'y a pas lieu de distinguer entre les établissements d'instruction, pourvu qu'on y enseigne notoirement la théologie et que le milicien en fasse son étude. Ainsi celui qui suit les cours théologiques d'un ordre religieux, tel que celui des jésuites, a droit à l'exemption tout aussi bien que le séminariste. »

Ainsi vous voyez que, dans l'opinion de ce commentateur, il faut, pour obtenir l'exemption, qu'on se destine à l'état de prêtre séculier. Toutefois, M. Bernimolin ne distingue pas, comme le fait la députation permanente de la province de Liège, quant au lieu où se font les études théologiques. (page 991) Dès qu'un étudie la théologie, il admet l'exemption, pourvu que le le but soit d'entrer dans le clergé administrant l'Eglise.

La députation permanente de Liège, au contraire, exigeait l'élude de la théologie dans un séminaire, considérant sans doute comme suffisamment prouvée, par ce fait, l'intention d'entrer dans le clergé séculier.

Voilà la situation actuelle.

Messieurs, que faut-il faire dans la loi que nous sommes occupés à discuter ?

D'abord je dois constater que M. De Fré et nos autres honorables collègues qui ont signé l'amendement arrivent à une singulière conséquence le système qu'ils présentent. Ils maintiennent l'exemption pour les ministres des cultes, mais ils la suppriment pour les élèves en théologie.

M. De Fréµ. - C'est une transaction.

MiPµ. - Oui, mais je vais vous démontrer que c'est une transaction qu'on ne peut pas raisonnablement admettre.

Si nous voulons donner une exemption au clergé, si nous voulons procurer au clergé le moyen de se recruter, il faut faire chose sérieuse. Je comprends qu'on dise : Je ne veux pas d'exemptions. C'est là un système sacré, net, absolu.

M. De Fréµ. - Voulez-vous l'accepter tout entier ?

MiPµ. - Je discute ; je vous explique ma manière de voir et je démontre quelle est la conséquence de votre système ; je dis que le système n'est pas possible, et voici pourquoi.

Quand se présente-t-on à la milice ? A l'âge de 19 ans. Mais y a-t-il jamais un ministre des cultes à l'âge de 19 ans ? (Interruption.) Non, et ainsi l'exemption ne sera jamais prononcée.

Comment les choses se passent-elles aujourd'hui. Le milicien qui est au séminaire se présente devant le conseil de milice à 19 ans ; il est provisoirement exempté ; on renouvelle cette exemption pendant qu'il est au séminaire et il est exempté ensuite, définitivement comme ministre des cultes, lorsque, ayant terminé ses études, il reçoit les ordres.

L'exemption définitive précédée d'une exemption provisoire est une chose sérieuse ; l'exemption provisoire conduit l'étudiant en théologie jusqu'à l'âge où il peut obtenir l'exemption définitive.

Mais, si vous supprimiez l'exemption préparatoire, les miliciens qui seront tombés au sort auront beau dire qu'ils seront ministres des cultes dans trois ou quatre ans, qu'ils sont au séminaire ; on leur répondra qu'il ne s'agit pas de savoir s'ils deviendront ministres des cultes, mais s'ils le sont, et on leur refusera l'exemption.

Il est donc clair comme le jour qu'avec le système de M. De Fré qu'il n'y a plus rien ou qu'il n'y a plus qu'une exemption postiche.

L'amendement de M. De Fré est, dans la vérité des choses, la suppression de toutes les exemptions.

J'ai démontré que nous ne devons pas les proscrire ; nous ne pouvons pas admettre l'amendement de l'honorable M. De Fré. Mais en maintenant les exemptions, nous devons entrer dans cette voie de n'accorder que les exemptions qui doivent servir au recrutement du clergé séculier, du clergé reconnu par nos lois, du clergé que nous reconnaissons remplir un service public.

Nous ne devons donc accorder les exemptions provisoires, les seules importantes, les seules qui soient utiles à ceux qui tombent au sort, qu'à ceux qui veulent entrer dans le clergé séculier.

Quelles seront donc les conditions à exiger ?

D'abord, que le milicien ait fait les études préparatoires à la théologie ensuite qu'il étudie la théologie ; mais ce n'est pas tout, il faut qu'il soit constant qu'il se voue à l'état ecclésiastique reconnu par les lois ; à sa déclaration, qu'il se destine au clergé séculier, doit s'en joindre la preuve par la circonstance de l'établissement où il se trouve : nous exigeons qu'il soit au séminaire, institution destinée à former les prêtres du clergé comme nous exigeons que l'élève instituteur soit à l'école normale.

La garantie que je demande contre l'extension de l'exemption est donc antérieure à l'ordination, mais elle me paraît suffisante et permettra de maintenir l'exemption définitive des ministres des cultes.

Il faut faire la loi d'après les faits existants ; or, il est certain qu'on ne forme dans les séminaires que des prêtres du clergé séculier, et qu'après les années de séjour au séminaire, on n'entre pas dans les ordres religieux, mais dans le clergé séculier.

Il est donc certain que si nous exigeons que les études des élèves en théologie se fassent au séminaire ; si nous exigeons cela jusqu'au moment où les ordres sont conférés, nous avons la certitude de n'avoir jamais comme exemptés définitifs que les prêtres du clergé réellement séculier.

Maintenant je reconnais qu'il peut arriver que, après l'exemption définitive, un prêtre du clergé séculier entre dans un ordre religieux. Mais ce fait est, dans la réalité, très rare, et ne se produit qu'après des années de prêtrise.

Mais ce résultat de voir la prévision de la loi déjouée peut se présenter dans tous les systèmes possibles ; on ne peut prolonger indéfiniment la surveillance ; elle doit prendre fin lorsqu'on a, d'après les faits normaux, une conviction morale que le but est atteint ; or, je pense que si nous exigeons les conditions que je viens d'indiquer, nous aurons la certitude complète que les prêtres qui seront ordonnés et qui obtiendront l'exemption définitive sont réellement des prêtres qui doivent entrer dans le clergé séculier.

Je pense que, par le système que je viens d'indiquer, j'atteins exactement le but que se propose l'honorable M. Orts. Seulement, la garantie est différente ; l'amendement de l'honorable membre porte sur l'exemption définitive, qu'il limite en laissant toute latitude pour l'exemption provisoire.

Je préfère maintenir cette exemption, en n'accordant l'exemption provisoire, qui en est le préliminaire indispensable, qu'à ceux qui sont dans des conditions déterminées.

Nous aurons donc, par ce moyen, atteint le but que se propose l'honorable M. Orts, et dès lors, je pense que son amendement devient surabondant.

Avant de donner lecture de l'amendement que je propose, je dois dire que j'ai introduit dans le texte la condition que l'honorable M. Rogier a rappelée dans la séance d'hier et qui se trouvait apposée à l'exemption d'un enfant unique.

Je propose de dire, après l'indication de la dispense définitive : « Provisoirement, à moins qu'ils n'appartiennent à une famille qui soit dans l'aisance :

« 1° Ceux qui, après leurs études moyennes, se destinent au ministère ecclésiastique et sont élèves en théologie, dans un établissement reconnu par la loi, s'il en existe pour leur culte. » (Interruption.)

Pour les élèves en théologie du culte catholique, il existe des établissements reconnus par la loi en vigueur et qui figurent au budget de la justice. Pour les autres cultes, il n'en existe pas et c'est pour cela que j'ai ajouté au second paragraphe de l'amendement les mots : « S'il en existe pour leur culte. »

- Une voix. - Il y aura donc un privilège pour les autres cultes.

MiPµ. - Comment ! un privilège ! Voulez-vous supprimer les séminaires ?

- Une voix. - Exemptons tout le monde.

MiPµ. - C'est incroyable ! comment ! ont fait figurer au budget de la justice des sommes considérables pour les séminaires ; on accorde aux séminaires la personnification civile ; on leur permet d'acquérir des biens ; et les cultes qui n'ont pas de pareils établissements seraient privilégiés !

C'est bien dans les séminaires que les prêtres catholiques sont formés. Ces séminaires figurent au budget de la justice, dans ce but, nous avons-le droit d'exiger que les études qui doivent justifier l'exemption se fassent dans les établissements que nous reconnaissons ; pour les protestants et pour les juifs, nous ne pouvons pas les soumettre à cette condition, puisqu'ils n'ont pas, pour la formation des ministres de leurs cultes, des séminaires que l'Etat subsidie. (Interruption.)

Ne jouons pas sur les mots : il s'agit de savoir si, oui ou non, on doit donner la prime de l'exemption à des jeunes gens qui n'ont encore aucun caractère ecclésiastique, uniquement parce qu'ils se destinent à la vie religieuse.

Je ne crois pas que cela soit possible ; je veux la liberté pour les ordres religieux ; mais je ne veux pas de privilège pour eux.

Je veux maintenir très loyalement l'exemption qui doit servir à recruter le clergé que la loi reconnaît ; je ne puis étendre cette faveur aux aspirants aux ordres religieux que la loi ne reconnaît pas.

Je crois que le système que je soumets à la Chambre tient un juste compte de tous les éléments de la question.

Je dois ajouter un mot d'explication sur deux points de détails.

La loi de 1817 renferme une disposition vicieuse, celle qui limite à 25 ans l'âge auquel, pour avoir droit à l'exemption, l'intéressé doit avoir obtenu la consécration.

Or, en réalité, il n'y a pas ou presque pas d'étudiants en théologie qui soient nommés prêtres à cet âge.

D'où il résulte que si l'on voulait rigoureusement appliquer la loi, on devrait faire marcher tons les séminaristes désignés par le sort avant qu'ils ne soient prêtres.

(page 992) Il est évident que la pratique a dû remédier à cette situation : on a dû accorder des congés destinés à remplacer l'exemption définitive.

Le projet tel que l'a rédigé la section centrale prolonge le terme indiqué de manière à remédier à l'inconvénient signalé.

Nous avons introduit dans la loi l’exemption pour les élèves en philosophie qui doivent entrer en théologie. D'après la loi actuelle, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, le département de la guerre accorde de très nombreux congés à ceux qui ne sont pas encore élèves en théologie, mais qui sont sur le point de le devenir.

La nécessité de ces congés est établie. En effet, il y a plus de la moitié des jeunes gens qui n'ont pas achevé leurs études en philosophie à l'âge de la milice : il n'y a que 40 p. c. qui ont terminé leur philosophie à l'âge de 19 ans.

Je pense, messieurs, qu'il faut régulariser cet état de choses au lieu de maintenir une situation que le département de la guerre règle comme il l'entend en accordant des congés que la loi n'autorise pas ; il vaut mieux déterminer dans la loi même quelles seront les exemptions.

Le projet de loi de la section centrale accorde l'exemption aux élèves en philosophie qui doivent entrer en théologie.

M. Muller, rapporteurµ. - Pourvu que l'année suivante ils soient entrés en philosophie.

MiPµ. - Qui sont en philosophie au moment du tirage et doivent être en théologie lors de l'incorporation.

M. le président. - Voici comment M. le ministre de l'intérieur propose de rédiger la première partie de l'article 23bis : « Provisoirement (erratum, page 1006), à moins qu'ils n'appartiennent à une famille qui suit dans l'aisance : 1° ceux qui après leurs études moyennes se destinent au ministère ecclésiastique et sont élèves en théologie dans un établissement reconnu par la loi, s'il en existe pour leur culte. »

MiPµ. - Puis viendrait la disposition finale :

« Sont assimilés aux élèves en théologie, les élèves en philosophie qui se destinent au ministère ecclésiastique et qui n'ont pas accompli leur vingtième année. »

M. Thonissenµ. - Messieurs, hier, l'honorable M. De Fré, en développant son amendement, a parlé de bien de choses. Il nous a entretenus de l'ancien régime du concordat, du royaume des Pays-Bas, de la révolution de 1830, du Congrès national, des églises d'Etat, de Bonaparte, de Louis XIV, de Guillaume Ier et même d'un banc de sable, qui s'appelle le Sénat belge, image pittoresque que, par parenthèse, j'ai eu le regret de ne pas retrouver aux Annales parlementaires.

Je ne suivrai pas l'honorable député de Bruxelles dans ces régions tant soit peu nuageuses. Le débat, tout en offrant un important problème à résoudre, ne comporte pas ces proportions immenses. Je le placerai sur le terrain des faits ; je discuterai l'amendement avec autant de concision que possible.

Eu entendant l'honorable membre se prévaloir de l'esprit qui régnait au sein du Congrès de 1830, je me proposais de lui prouver que cet esprit n'avait rien, absolument rien de commun avec la politique que représente ici l'honorable M. De Fré. Je m'apprêtais à lui dire que, si les doctrines soi-disant constitutionnelles dont il s'est fait l'organe, s'étaient produites sur les bancs du Congrès, elles y eussent été accueillies par des murmures unanimes. Je formai le projet de lui démontrer que le Congrès, qui connaissait, aussi bien que lui, les lois de milice, n'avait jamais songé à arracher les théologiens à leurs études, pour les jeter dans les camps et les casernes. Mais cette démonstration est devenue inutile. Elle a été faite avec 'éloquence et sans réplique par mon honorable ami, M. Dumortier. A l'honorable M. De Fré invoquant l'opinion du Congrès, il a répondu par les actes mêmes du Congrès. Il nous a prouvé que le Congrès, en s'occupant de l'organisation de la garde civique, loin de consacrer les doctrines prétendument égalitaires du député de Bruxelles, avait expressément accordé une dispense aux étudiants en théologie. Comment donc, ne voulant pas qu'ils servissent dans la garde civique, aurait-il condamné ces mêmes étudiants à la vie des camps et des casernes ? C'est un argument sans réplique. Les phrases les plus pompeuses ne peuvent rien contre l'évidence des faits. La décision du Congrès en matière de garde civique dissipe tous les doutes.

M. Rogierµ. - Service personnel.

M. Thonissenµ. - Service personnel ! En aucune manière. L'article 48 de la loi du 30 décembre 1830 disait qu'en matière de garde civique on pouvait se faire remplacer sous les conditions fixées par la loi.

M. Rogierµ. - Non ! non !

M. Thonissenµ. - Voici l'article :

« Lorsqu’un ban sera mobilisé, tout garde aura la faculté de se faire remplacer sous les conditions à fixer par la loi. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Lisez l'article des exemptions.

M. Dumortier. - Lisez la loi de mobilisation ; elle est plus claire.

M. le président. - Je demande qu'on n'interrompe pas. Le débat sera plus clair et plus régulier.

M. Thonissenµ. - Je lirai tout ce qu'on voudra, mais il est certain que la loi consacrait une exemption en faveur des élèves en théologie, et il est également certain aussi que l'article 48, que j'ai lu, admettait le remplacement en matière de garde civique.

M. Orts. - Les élèves en théologie dans les séminaires.

M. Thonissenµ. - Tout à l'heure je vous répondrai ; mais je réponds pour le moment à l'honorable M. De Fré, et je demande qu'on me laisse continuer à combattre son amendement.

Du reste, pour en finir avec l'interruption de l'honorable M. Rogier, à savoir si le service de la garde civique en 1830 était personnel ou non, je lui demanderai si le service, en matière de. milice, n'est pas toujours personnel pour l'homme qui n'a pas le moyen d'acheter un remplaçant ?

Je disais donc que l'on avait eu tort de se prévaloir de l'esprit qui régnait au sein du Congrès national.

L'honorable M. De Fré n'a pas été plus heureux quand, au début de son discours, il a fait valoir la générosité avec laquelle il a bien voulu consentir à ne pas astreindre les prêtres catholiques au service de la milice.

Il a oublié que, si les prêtres ne participent pas au tirage au sort, c'est, d'abord, parce que, à l'âge où ils reçoivent les ordres, ils ont depuis longtemps dépassé l'âge de la loterie militaire et, ensuite, parce que les évêques n'ordonnent que des aspirants affranchis du service. Il a perdu de vue que le problème à résoudre ne présente réellement un intérêt sérieux que pour les étudiants en théologie.

Nous n'avons pas de prêtres de dix-neuf ans, et nous savons depuis longtemps à quoi nous en tenir sur la générosité de M. De Fré à l'égard du catholicisme.

L'honorable orateur aurait pu, d'autre part, se dispenser d'invoquer le grand principe constitutionnel de l'égalité de tous les Belges devant la loi. Si ce principe, que nous admettons aussi bien que nos adversaires, avait la portée exagérée que lui attribue l'honorable membre, toute notre législation devrait être bouleversée. Les violations de la Constitution se compteraient par centaines ! Quand nos lois assignent les cours d'appel pour juges aux magistrats qui ont commis un délit correctionnel, quand elles dispensent quelques-uns d'entre eux du service de la garde civique, quand elles excluent quelques autres des corps électifs, quand elles renvoient devant la cour de cassation les ministres qui ont délinqué en dehors de leurs fonctions, quand, en matière de milice, elles laissent dans ses foyers l'enfant qui pourvoit à la subsistance de ses parents ; en un mot, chaque fois que, par un motif d'intérêt public, elles ont placé une catégorie de citoyens dans une position spéciale, elles auraient violé le grand principe de l'égalité constitutionnelle des Belges devant la loi !!

Le grand principe que vous invoquez n'entraîne pas ces conséquences absurdes. Il veut simplement dire que toutes les positions doivent être accessibles A tous les Belges, et que tous les Belges, placés dans une position donnée, doivent être traités de la même manière.

L'honorable M. Muller, qui n'a jamais été suspect de cléricalisme, a mis le débat sur son véritable terrain, quand il a dit, dans son remarquable rapport : « Nous n'admettons pas le système qui consisterait à ne pas se préoccuper, dans la loi de milice, des intérêts sociaux qui se rattachent au service des cultes. » Là est le véritable terrain de la discussion. Quand même on pourrait, dans un pays essentiellement catholique, ne tenir aucun compte des lois de l'Eglise, on devrait encore dispenser les théologiens du service militaire, parce qu'un intérêt social de premier ordre exige que cette dispense leur soit accordée.

Je me rends parfaitement compte de l'attitude prise par l'honorable M. De Fré.

M. De Fréµ. - Pas de mauvaises intentions.

M. Thonissenµ. - Je ne suspecterai pas vos intentions ; mais vous ne m'empêcherez pas de dire franchement la vérité.

Je disais donc que je comprends parfaitement l'attitude que vous avez prise. Chaque fois qu'il s'agira d'assigner aux catholiques une position moins favorable que celle qu'ils ont glorieusement conquise en 1830, l'honorable membre apparaîtra au premier rang.

M. De Fréµ. - Je demande la parole.

M. Thonissenµ. - Mais je ne comprends pas aussi bien le mobile (page 993) qui fait agir quelques autres signataires de l’amendement que nous discutons. Je n’aperçois pas clairement le but qu’ils veulent atteindre.

L'honorable M. Couvreur, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, d'autres encore sont les adversaires du service militaire forcé...

MiPµ. - Comme M. Coomans.

M. Thonissenµ. - Je ne m'occupe pas, en ce moment, de l'honorable M. Coomans. Il n'a pas signé l'amendement et, si on l'attaque, il saura bien se défendre lui-même ; et, d'autre part, je dois vous prier de ne pas confondre, en matière de milice, mes opinions avec celles de l'honorable M. Coomans. Sous ce rapport, tout en étant d'excellents amis, nous sommes à des distances énormes.

(erratum, page 1006) M. Hymans. - Il ne s'agit pas ici de milice, mais d'une question constitutionnelle.

M. Thonissenµ. - Je reprends mon discours.

Nos honorables collègues, MM. Le Hardy et Couvreur, sont, disais-je, des adversaires du service militaire forcé, et voici que, par leur amendement, ils veulent envoyer sous les drapeaux de jeunes miliciens que le gouvernement consent a ne pas arracher à leurs études. Tel serait, en effet, le premier résultat de l'adoption de leur projet. Le gouvernement laisse les élèves en théologie à leurs études, l'amendement veut qu'on les appelle sous les drapeaux. Que les adversaires du service forcé aient la bonté de m'expliquer cette inconséquence !

L'amendement est d'autant moins raisonnable que, dans l'économie de la loi actuelle, on fait disparaître toutes les plaintes que provoquaient les exemptions de cette espèce. Aujourd'hui, quand on accorde l'exemption provisoire à un étudiant en théologie, un autre milicien doit prendre sa place. Désormais il n'en sera plus ainsi. L'élève en théologie sera censé présent au corps quant à la formation du contingent. L'Etat consent à ne pas l'appeler sous les drapeaux, tandis que les honorables signataires de l'amendement veulent que le gouvernement se montre moins bienveillant. Je le répète, je ne vois pas le but ostensible de cette rigueur.

D'un côté, les miliciens ne souffrent pas de la dispense accordée aux élèves en théologie ; de l'autre, aucune fraude n'est à craindre, puisque, si le théologien n'est pas entré dans les ordres sacrés à un âge déterminé, il est obligé d'accomplir tous ses devoirs militaires. Encore une fois, pourquoi cette rigueur nouvelle, pourquoi cette nouvelle atteinte aux intérêts essentiels du culte catholique ?

Que la Chambre ne se fasse pas d'illusion : il s'agit ici d'un intérêt social de premier ordre.

Il est de fait que le recrutement du clergé séculier devient de jour en jour plus difficile, et il n'y a pas lieu de s'en étonner. Il faut quatre années d'études moyennes et quatre années d'études théologiques, et, après cette longue période de travail et de sacrifiées, on devient vicaire avec quelques centaines de francs de traitement. Et à ces hommes de dévouement vous voulez encore imposer la lourde charge du service militaire ?

Dans le diocèse de Liège, on a été forcé de confier à des religieux l'administration de plusieurs cures et de plusieurs vicariats qui, sans cette mesure exceptionnelle, seraient restés vacants. Or, si l'on admettait le système de l'amendement que nous discutons, le recrutement du clergé rencontrerait un nouvel et sérieux obstacle. Le rapport de la section centrale nous donne, pour quatre années, le chiffre des miliciens dispensés comme élèves des séminaires : il y en a eu 61 en 1863, 41 en 1864, 58 en 1865, 49 en 1866 : en tout 209 pour quatre années, c'est-à-dire, plus de 50 par an. Si l'on avait arraché ces jeunes gens, ou du moins la plupart d'entre eux, à leurs études pour les envoyer dans les casernes, il en est bien peu dont la vocation sacerdotale eût persévéré, et, à l'heure actuelle, il y aurait un grand nombre de postes vacants, à moins que des religieux n'eussent consenti à venir les occuper : chose difficile, parce que les statuts de plusieurs ordres monastiques s'y opposent.

Dans quelques parties de la France, il y a des curés qui sont obligés de desservir deux ou trois paroisses. Les sentiments religieux en ressentent un préjudice considérable, et l'on sait quelles sont les conséquences naturelles, inévitables de l'affaiblissement des croyances.

Il y a quelque temps, il était de mode de se moquer de ce qu'on appelait le spectre rouge. On haussait les épaules, on nous prenait en pitié, on nous répondait par des rires ironiques, quand nous parlions des détestables passions, des dangereuses convoitises qui fermentent dans les régions inférieures du corps social. Je crois qu'à l'heure actuelle on sera moins disposé à rire de la révolution sociale qui se prépare dans l'ombre des conciliabules de la démagogie européenne.

M. Hymans. - Et à Saint-Genois.

M. Thonissenµ. - Restons sérieux. Vous avez tant écrit sur Saint-Genois ! N'en parlons plus.

M. Dumortier. - Je suis prêt à en parler, moi.

M. le président. - M. Dumortier, vous n'avez pas la parole.

M. Thonissenµ. - Qu'on regarde ce qui se passe à Charleroi, ce qui vient de se passer à Paris, à Lyon et ailleurs, et, la main sur la conscience, qu'on se demande si le moment est bien choisi pour entraver le recrutement des ouvriers évangéliques.

Il y a quelques mois, l'honorable ministre des finances disait : L'Europe est moralement malade, et nul ne connaît le remède. Nous connaissons, nous, le remède et le remède infaillible : c'est la restauration des idées religieuses, c'est la diffusion du culte qui condamne tous les vices, qui commande toutes les vertus, du culte qui dit à ses fidèles : Vous ne convoiterez pas le bien d'autrui. Diminuer le nombre des prêtres, soyez-en convaincus, c'est élargir le domaine, c'est aplanir les voies de la révolution démagogique. Je m'étonne que les honorables signataires de l'amendement, qui sont des hommes d'ordre, ne comprennent pas cette vérité, évidente comme l'existence, du soleil.

Je vais à présent, messieurs, vous entretenir un instant des amendements qui viennent d'être déposés par l'honorable M. Orts et l'honorable ministre de l'intérieur.

L'honorable M. Orts me semble avoir commis une double erreur : une erreur au point de vue de la mission religieuse des ordres religieux, et une erreur au point de vue de la législation.

L'honorable M. Orts a commencé par dire que c'était en considération des services rendus à la société qu'il voulait consentir à dispenser du service militaire le clergé des paroisses. Il doit cependant savoir que les ordres religieux rendent exactement les mêmes services ; ils administrent les sacrements,, ils donnent l'instruction au peuple, ils exercent le ministère sacré dans tous ses détails. De part et d'autre, les services rendus sont les mêmes.

On ne doit pas venir transformer ici une question de culte en une question de budget. Qu'importe que le prêtre soit payé par l'Etat ou qu'il ne le soit pas. C'est son caractère sacré qu'il faut prendre en considération, c'est la mission qu'il remplit qu'on doit envisager. Toute autre distinction est étroite, mesquine et indigne d'un gouvernement éclairé.

Ce que je dis est tellement vrai qu'il existe des ordres religieux qui ont uniquement pour mission de venir en aide au clergé séculier.

Les Prémontrés, par exemple, ont une douzaine de maisons où l'on forme des religieux destinés à occuper des cures et des vicariats.

M. Orts. - Je les exempte.

M. Thonissenµ. - Vous les exemptez quand ils sont installés comme curés ou vicaires, quand ils ont passé l'âge de la milice. Vous êtes à peu près aussi généreux que l'honorable M. De Fré !

L'honorable M. Orts s'est encore trompé au point de vue de la législation. Je n'admets pas, moi, toutes les théories qu'il a émises sur la situation légale des ordres religieux sous la République, sous l'Empire et sous le royaume des Pays-Bas. Je me réserve d'examiner ces théories avec une attention scrupuleuse. Pour le moment, je lui répondrai simplement que nous ne sommes plus ni sous la République, ni sous l'Empire, ni sous le régime des Pays-Bas. Nous sommes en Belgique, sous le régime nouveau et vraiment libéral inauguré en 1830.

Le gouvernement provisoire ne s'est-il pas empressé de proclamer la liberté d'association pour les membres des corporations religieuses comme pour tous les autres citoyens ? N'a-t-il pas ainsi manifestement reconnu le droit d'établir des ordres religieux ?

Quelque temps après, le Congrès proclama à son tour la liberté d'association la plus illimitée, et c'est sous l'empire de cette législation nouvelle qu'il accorda l'exemption du service de la garde civique aux élèves en théologie et aux ministres des cultes. A-t-il voulu faire une exception, au détriment des ordres religieux ? En consultant l'esprit du temps, on doit répondre négativement. On était large alors ; on ne connaissait pas les passions aujourd'hui coalisées contre les ordres religieux. Il est évident pour moi que le Congrès n'a pas voulu distinguer entre le clergé régulier et le clergé séculier.

Je dois également repousser le système présenté par l'honorable M. Pirmez qui, en apparence, va beaucoup moins loin que l'amendement de l'honorable M. Orts, mais qui, au fond, n'en est pas moins très dangereux pour les intérêts catholiques, et qui, à ce titre, nous est extrêmement pénible.

L'honorable ministre veut accorder l'exemption aux religieux prêtres, mais il refuse de l'accorder aux religieux novices, aux religieux étudiant en théologie. C'est là son système, je pense.

M. le président. - L'amendement de l'honorable ministre de l'intérieur ne porte que sur le paragraphe relatif à l'exemption provisoire, mais (page 998) non sur le paragraphe concernant l'exemption définitive accordée aux ministres des cultes.

M. Thonissenµ. - Je demande à M. le ministre de l'intérieur si, à ses yeux, le religieux qui est prêtre sera, oui ou non, dispensé de la milice. Je parle du prêtre.

M. Mullerµ. - Du prêtre dans une paroisse.

MiPµ. - Je m'expliquerai tout a l'heure.

M. Thonissenµ. - Si M. le ministre accorde l'exemption au religieux prêtre, et s'il la refuse aux novices qui veulent devenir prêtres, il encourt justement tous les reproches qu'il a adressés à l'honorable M. De Fré.

Il a dit à l'honorable M. De Fré : Vous voulez accorder l'exemption aux ministres des cultes, mais vous ne voulez pas que les cultes puissent se procurer des ministres.

MiPµ. - C'est clair.

M. Thonissenµ. - Je dirai, à mon tour, à l'honorable ministre de l'intérieur : Vous accordez l'exemption aux ordres religieux, mais vous ne voulez pas qu'ils puissent se recruter. Vous méritez le reproche que vous adressiez tout à l'heure à l'honorable député de Bruxelles.

M. Mullerµ. - Il faut étudier dans un grand séminaire.

M. Thonissenµ. - C'est un système des plus dangereux, parce qu'il tend à enlever au clergé séculier les auxiliaires qui lui sont indispensables pour l'exercice fructueux de sa mission. Vous allez ainsi aboutir a un système incompatible avec les principes larges et généreux de la Constitution de 1831.

J'adresserai à l'honorable ministre une autre question qui a son importance.

Si l'on force aujourd'hui les religieux à supporter les charges de la milice, il est évident que plus tard on les forcera également à participer au service de la garde civique. Or, ce dernier service dure jusqu'à l'âge de cinquante ans ; il faudra donc que tous les quinze jours les religieux, les capucins par exemple, se dépouillent de leur froc... (interruption), endossent la tunique et viennent faire l'exercice sur la place publique.

Si vous croyez que les catholiques belges acceptent jamais un pareil régime, vous vous faites singulièrement illusion ; et je demande formellement quelles sont, à cé sujet, les intentions du gouvernement.

Savez-vous, messieurs, à quoi vous allez aboutir avec tous ces amendements ? Permettez-moi de vous le dire avec franchise. Vous poussez la droite vers un vote unanime de désapprobation à l'égard du budget de la guerre.

Je suis l'ami de l'armée, je l'ai assez prouvé, et le concours que je lui ai toujours prêté m'a parfois coûté bien cher. C'est dans l'intérêt même de l'armée que je crois devoir vous avertir que, dès l'instant où vous voudrez astreindre le clergé séculier ou régulier à une partie quelconque du service de la milice, vous forcerez les catholiques à voter, tous les ans, contre le contingent et à repousser, tous les ans, par un vote unanime, le budget de la guerre.

MfFOµ. - C'est très patriotique.

M. Thonissenµ. - Ce n'est pas une menace ; je ne fais que manifester les appréhensions de mon patriotisme. Je suis, vous le savez bien, l'ami dévoué de l'armée ; je ne désire pas qu'on vote contre le contingent annuel ; je désire moins encore qu'on repousse le budget de la guerre. Mais croyez-vous que, si vous astreigniez les ministres des cultes et les élèves en théologie au service de la milice, un seul catholique pourrait encore défendre le maintien d'un état militaire qui amènerait de pareilles conséquences ? (Interruption.) Nous avons notre conscience, nous avons nos croyances, nous sommes libres de les avoir, nous y sommes attachés, et nous savons que les lois de l'Eglise ne permettent pas qu'on astreigne les membres du clergé au service militaire. Aussi, messieurs, je comprends, à certains égards, le système qu'on attribue à l'honorable M. Coomans.

M. Coomans. - Ah !

M. Thonissenµ. - Que veut M. Coomans ? Il est l'adversaire de l'armée telle qu'elle existe aujourd'hui, il veut anéantir le recrutement, il cherche, à faire repousser le budget de la guerre, et c'est pour atteindre ce but qu'il voudrait, peut-être, voir accepter par les membres de la gauche des propositions qui nous forceraient à voter contre le contingent et contre le budget de la guerre. (Interruption.)

Vous voyez, messieurs, que je parle avec franchise. Eh bien, je vous le répète encore, votez l'amendement de l'honorable M. De Fré, et vous amènerez le rejet infaillible du budget de la guerre d'ici a peu d'années. Je ne veux pas de ce résultat ; je le déplorerais de toutes mes forces, et c'est pour ce motif que je vous avertis.

Un dernier mot.

Je crois, dans toute la sincérité de mon âge, que les propositions qu'on nous soumet ne sont pas marquées au coin d'une politique saine et prudente. Les amendements sont de nature à blesser profondément les catholiques ; je puis dire qu'ils les frappent au cœur, parce qu'ils tendent à mettre un obstacle sérieux, je dirai même insurmontable, au recrutement régulier du clergé. Une telle attitude est-elle prudente et sage, dans les circonstances où le pays se trouve ? Est-elle prudente et sage, au milieu des complications qui peuvent chaque jour surgir sur le vaste théâtre de la politique européenne ?

Depuis quelque temps, nous sommes entrés, en Belgique, dans une période d'apaisement ; nos luttes sont moins ardentes, et, parmi nos adversaires, il en est beaucoup qui commencent à comprendre la nécessité de l'union de tous les hommes d'ordre contre les détestables passions qu'on surexcite dans les masses. Au milieu de cette situation relativement favorable, les amendements qu'on propose sont un nouveau brandon de discorde, un nouvel élément de dissension et de haine.

Je vous en supplie, messieurs, ne découragez pas ainsi le patriotisme de nos populations catholiques ! Ne leur faites pas croire que tout changement de législation sera pour eux le signal d'une atteinte nouvelle à leurs intérêts les plus chers. Ne leur faites pas concevoir la pensée que toutes les garanties qu'elles possèdent leur seront successivement arrachées par la majorité libérale ! Sans avoir aucunement le désir de vous adresser une menace, permettez-moi de vous dire que vous pourriez un jour déplorer amèrement les résultats de cette politique implacable !

MiPµ. - L'honorable M. Thonissen a terminé son discours on nous disant que, depuis quelque temps, une politique d'apaisement semble régner en Belgique. Il s'en félicite et fait appel à des sentiments de calme et de modération ; et au même instant l'honorable membre affirme les prétentions les plus absolues, les plus entières ; et il ajoute que si nous ne les subissons pas, nous devons nous attendre à voir la moitié de cette Chambre voter toujours et chaque année contre le budget de la guerre, c'est-à-dire contre ce qui est nécessaire à la défense de notre patrie.

M. Thonissenµ. - J'ai dit que vous nous auriez forcés de le faire.

MiPµ. - Je demande si c'est là un exemple de modération !

Vous voulez tout. (Interruption.) Vous ne voulez pas faire de concession ; vous voulez votre système entier, sans une ébréchure et vous nous dites : Vous l'accepterez, ou nous vous refuserons les moyens de défense du pays.

Je crois que je suis plus modéré que vous, M. Thonissen. Je viens vous apporter une proposition d'une extrême modération.

M. Thibautµ. - Nous n'en voulons pas.

MiPµ. - Parce que vous n'êtes pas modérés, parce que vous voulez des privilèges.

- Une voix à gauche. - Nous n'accepterons pas non plus de transaction.

MiPµ. - Quelle est, en effet, la proposition que j'ai faite à la Chambre ?

J'ai dit que nous voulons la dispense complète, l'exemption comme elle existe aujourd'hui pour ceux qui se destinent à entrer dans le clergé séculier.

Vous devez bien reconnaître que le grand intérêt religieux est dans le maintien et le recrutement du clergé séculier. Et quand nous vous donnons satisfaction sur ce point, satisfaction complète, quand, pour vous l'accorder, nous nous séparons d'une partie de nos amis, vous nous attaquez comme si nous vous refusions tout.

Et quelle est votre prétention aujourd'hui ? C'est que nous donnions un privilège, non pas seulement aux ministres du culte, non pas seulement à ceux qui veulent entrer dans le clergé séculier qui est l'organisateur du culte, mais à tous ceux qui ont l'intention d'entrer dans un ordre religieux.

Vous voulez qu'au moyen d'une dispense légale nous accordions un avantage spécial, un privilège pour que les ordres religieux puissent plus facilement se recruter !

M. Dumortier. - C'est ce qui se fait aujourd'hui.

M. le président. - Encore une fois, M. Dumortier, n'interrompez pas.

M. Dumortier. - Nous ne demandons que le maintien de ce qui existe. Mais c'est une guerre impie qu'on nous fait...

M. le président. - Pas d'interruption, M. Dumortier ; je vous en prie de nouveau. (Interruption.)

MiPµ. - Les honorables membres décourageraient réellement d'avoir des intentions modérées et conciliantes. (Interruption.)

(page 995) M. Dumortier. - Au profit des solidaires.

MiPµ. - Il est bien certain que l'honorable M. Thonissen n'aurait pas fait un discours plus violent contre moi si j'avais purement et simplement proposé de supprimer toutes les exemptions accordées au clergé ; et il est également certain que la menace qu'il nous fait de voter avec tons ses amis contre le budget de la guerre, n'eût pu être dépassée.

Eh bien, messieurs, cet insuccès de nos propositions de modération ne m'arrêtera pas et j'essayerai de me maintenir dans la ligne politique que nous suivons.

Nous ne voulons pas enlever au clergé les exemptions dont il a un besoin légitime ; nous voulons, au contraire, lui accorder, comme nous votons chaque année, la dotation du clergé, les subsides des églises, et tout ce que les besoins du culte réclament, nous voulons maintenir ce qui est sage et raisonnable.

Vous ne justifiez pas votre prétention à aller au delà, mais sous soutenez qu'à l'égard des ordres religieux je tombe dans le vice que j'ai reproché à la proposition de l'honorable M. De Fré ; de ne rien accorder parce que je limite l'exemption provisoire, rendant ainsi illusoire l'exemption définitive. Vous m'accusez ensuite de vouloir faire obstacle au recrutement des ordres religieux.

J'ai reproché à M. De Fré de faire une proposition qui équivaut à la suppression de toute exemption, sous couleur de transaction. Je reconnais que sa proposition aura pour effet de ne pas accorder de privilège à l'entrée dans les ordres religieux ; je le fais dans ce but.

Mais est-il raisonnablement possible de faire autrement ? Peut-on admettre que, par la volonté d'un individu non contrôlée par la loi, une dérogation à la loi soit faîte ; qu'il s'exonère d'une charge légale par l'intention de se consacrer à un état de vie que la loi ne reconnaît pas, qu'elle laisse dans le domaine de l'absolue liberté ?

Quand quelqu'un se destine à un service public que la loi paye, la loi peut aussi connaître le but auquel on tend, et dont elle facilite l'accès ; mais comment voulez-vous que, par la seule déclaration qu'on a l'intention de se faire religieux d'un ordre quelconque, on puisse se soustraire à cet impôt que beaucoup d'entre vous appellent le plus dur de tous ?

M. Dumortier. - Vous allez faire de l'inquisition.

M. le président. - N'interrompez pas.

MiPµ. - Je cherche à être aussi modéré que possible ; l'honorable M. Dumortier ne me fera pas sortir de ma modération ; il prétend que je vais faire de l'inquisition ; et pourquoi ? parce que je demande aux séminaristes s'ils sont dans les conditions voulues par la loi, s'ils se destinent réellement à l'état ecclésiastique ?

Mais si je ne puis demander au séminariste où il tend, quel est son but, je ne puis lui demander s'il veut se faire prêtre, et je ne pourrai accorder aucune exemption !

L'honorable M. Thonissen, auquel je reviens, me dit que je veux empêcher le recrutement des ordres religieux.

Mais est-ce empêcher une carrière que de ne pas accorder de faveur ? Je ne puis attacher un privilège à l'entrée en religion, mais je veux à cet égard la pleine liberté, comme pour toutes les autres professions.

C'est une liberté que je crois précieuse et que je défendrais avec l'honorable membre, si elle était attaquée ; mais je ne comprends pas que l'honorable M. Thonissen exige un privilège, et s'indigne parce qu'on ne donne que le droit commun ! Prenez-y garde : le privilège est dangereux à la liberté, il peut la compromettre ! (Interruption.)

El la garde civique, me dit-on, forcerez-vous les prêtres religieux à y entrer ?

Je pense qu'il faut les exempter de ce service ; il y aurait un inconvénient sérieux à exiger des membres des ordres religieux, des hommes qui ont reçu le caractère de prêtre qu'ils fassent partie de la garde civique.

Mais c'est précisément parce que j'aime mieux prévenir ces situations que de les régler que je crois, en ce qui concerne la milice que le meilleur système consiste à s'assurer des intentions réelles des étudiants en théologie, pour avoir la certitude qu'on n'exemptera que ceux d'entre eux qui se destinent à l'état ecclésiastique.

Je veux donc bien par ma proposition sauvegarder les intérêts ecclésiastiques ; mais je ne saurais accorder de privilège à ce que la loi ne reconnaît pas, parce que rien ne le justifie.

M. Thonissen invoque les lois de l'Eglise qui défendent aux prêtres de verser le sang.

L'honorable M. Coomans, à qui on objectait un jour cette loi de l'Eglise ; Ecclesia a sanguine abhorre(, a déclaré qu'il n'était pas possible d'invoquer cette maxime dans la matière qui nous occupe, c'est-à-dire quand il s'agit d'élèves en théologie. Je désire répondre à l'honorable M. Thonissen par les propres paroles de l'honorable M. Coomans.

Voici ce que disait alors cet honorable membre : « Les séminaristes ne sont pas des prêtres ; le principe abhorret a sanguine Ecclesia ne leur est donc pas encore applicable ; ensuite, ceux des séminaristes qui auront horreur du sang se procureront un remplaçant, chose que font aujourd'hui les avocats, les médecins et d'autres. »

Vous voyez, M. Thonissen, que l'honorable M. Coomans était beaucoup plus avancé que moi ; puisque je maintiens l'exemption pour les séminaristes, me contentant d'appliquer le droit commun aux aspirants-membres des ordres religieux.

Vous voyez donc, messieurs, que rien n'est plus simple. Nous demandons pour le clergé séculier le maintien de l'exemption.

M. Wasseige. - Voilà où il y a une aggravation réelle.

MfFOµ. - Cela se fait ; c'est la législation actuelle.

M. Wasseige. - Cela ne se passe actuellement qu'à Liège. Cela résulte de la citation que vous nous avez faite des commentateurs de vos lois de milice.

M. Thonissenµ. - Mais pour le moine prêtre ?

MiPµ. - Permettez : d'après mon système, on arrivera à ce résultat, qu'on n'aura pas à prononcer sur l'exemption d'un religieux prêtre comme ministre des cultes.

M. Thonissenµ. - Mais en principe que pensez-vous ?

MiPµ. - Je résous le principe par le fait.

La question de l'exemption du prêtre ne se présente pas lors du tirage ; ni moines, ni séculiers ne sont prêtres à vingt ans ; il ne peut donc être question alors que d'une exemption provisoire ; l'aspirant religieux ne l'obtiendra pas. Donc, ou il renoncera à la vie monastique pour servir, ou il se fera remplacer, et dans les deux cas, il ne sera pas question de l'exempter comme prêtre.

Il faudrait donc supposer, pour qu'il en fût autrement, que l'élève en théologie suive, pendant des années, les cours du séminaire en déclarant vouloir entrer dans le clergé séculier, et qu'au jour de l'ordination il entre dans un ordre régulier. Le texte de l'amendement n'excepte pas ce cas de 1'exemplion définitive, parce qu'il est sans réalité pratique.

M. Thonissenµ. - Et pour la garde civique, que ferez-vous ?

MiPµ. - Je viens de le dire ; je crois que pour la garde civique il faut maintenir l'exemption ; je pense que le système contraire aurait de très grands inconvénients sans avoir d'avantages.

Mais, messieurs, je dois bien le déclarer ; certaines dispositions trop restrictives de la loi en vigueur ont donné lieu à des mesures qui ont été exagérées. On donne des congés de faveur, non pas seulement aux religieux qui sont prêtres, mais à ceux qui ne le sont pas.

Je crois, messieurs, qu'il y a là une situation à régler ; étendre la loi où elle est trop étroite pour qu'elle puisse être appliquée ; il faut adopter des mesures raisonnables qui respectent tous les intérêts légitimement engagés, mais il faut éviter les exagérations que le système de M. Thonissen consacrerait.

M. de Brouckere. - Messieurs, je m'étais fait inscrire avant l'ouverture de la séance dans l'intention de combattre l'amendement de M. De Fré.

Mais il m'est arrivé aujourd'hui ce qui m'arrive fréquemment, et ce qui m'empêche de prendre, à nos débats, une part aussi active que. par le passé.

J'ai été devancé par un membre du cabinet, et comme d'ordinaire ce membre du cabinet a si bien défendu l'opinion qui nous est commune, que je trouve inutile, pour le moment, de lui venir en aide.

L'honorable M. Thonissen lui-même a parlé contre l'amendement de l'honorable M. De Fré, et il l'a fait avec une violence que je n'imiterai pas. Mais enfin, dans toutes les séances, la Chambre n'a pas entendu un seul orateur qui se soit levé pour prendre la défense de l'amendement qui est le véritable objet de la discussion.

Je demande donc qu'on accorde la parole à un membre de la Chambre se disposant à défendre cet amendement. Je me réserverai alors de prendre la parole pour répondre à cet orateur dans le cours de la discussion.

M. le président. - Y a-t-il un orateur inscrit qui désire prendre la défense de l'amendement ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, la discussion à laquelle nous venons d'assister montre de la façon la plus évidente que j'étais dans (page 996) le vrai, que j'étais dans le juste, que j'étais dans le pratique, lorsque je proposais mon amendement à l'article premier de la loi, qui dispensait les Belges du service militaire lorsqu'ils n'en avaient pas la vocation. Si vous aviez adopté ce principe, toute la discussion a laquelle nous venons d'assister n'aurait pas eu lieu. (Interruption.)

C'est donc parce que la loi est la violation évidente d'un principe juste, qu'on est obligé dans 104 articles sur 105, d'apporter des corrections à l'article principe, à l'article premier de la loi. Votre loi, d'un bout à l'autre, n'est qu'un essai infructueux de corriger le mauvais principe qui y est contenu.

Messieurs, je pense que cette simple exposition justifie ma signature de l'amendement et je ne devrai pas m'étendre très longuement pour vous donner la preuve que cette signature se justifie parfaitement.

On a reproché aux signataires de l'amendement de ne pas avoir proposé la suppression de la disposition qui exemple les ministres des cultes. Messieurs, cette disposition qui exempte les ministres des cultes n'est dans la loi qu'un véritable trompe-l'œil. L'honorable ministre de l'intérieur vous l'a démontré tout à l'heure, et pour vous en convaincre davantage, si c'est possible, je vais vous le démontrer encore.

Cette exemption des ministres des cultes n'accorde absolument rien. Car, comme on vous l'a démontré tantôt, on n'ordonne de ministres, dans le culte catholique, qu'à l'âge de 25 ans, à un âge, par conséquent, où l'on a satisfait à ses devoirs vis-à-vis de la loi de milice. Par conséquent, laissez la disposition dans la loi ou supprimez-la, c'est exactement la même chose.

Ce qu'on a voulu en mettant cette disposition dans la loi, c'est attirer tout simplement les votes de quelques membres, qui auraient été froissés si cette disposition ne. s'y était pas trouvée.

M. Muller, rapporteurµ. - Pourquoi avez-vous signé l'amendement ?

M. Hymans. - C'est pour la frime.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'aurais demandé le maintien ou la suppression de la disposition, c'était pratiquement la même chose. . J'arrive maintenant à l'amendement. Que proposons-nous ? De mettre tous les Belges sur la même ligne. Qu'est-ce qu'un étudiant en théologie ? Qu'est-ce qu'un étudiant qui se destine à l'instruction primaire ? C'est un jeune homme qui cherche une position. Rien n'indique qu'il atteindra son but. Et parce qu'il déclare chercher une certaine position, vous voulez l'exempter d'un service public ! Mais alors, pourquoi n'exemptez-vous pas tous ceux qui cherchent d'autres positions ? Pourquoi certaines professions seront-elles favorisées lorsque d'autres ne le seront pas ? Ne voyez-vous pas que vous consacrez là une injustice flagrante, que vous entrez dans un système qui pourra plus tard vous attirer de sérieux reproches ?

J'ai donc signé l'amendement, messieurs, afin de maintenir tous les Belges à la recherche de n'importe quelle position dans une situation égale à celle des Belges qui recherchent la position de prêtre, d'ecclésiastique, ou la position d'instituteur. Ceux-ci doivent se soumettre aux lois du pays et aux obligations qu'elles imposent de la même façon que ceux qui recherchent la position d'avocat, de médecin, d'arpenteur, d'ingénieur, etc. ; dès qu'ils ont payé leur dette à l'Etat, ils peuvent suivre leur vocation.

Mais, dit le rapport de l'honorable M. Muller, mais, ajoute l'honorable M. Thonissen, vous allez rendre le recrutement du clergé impossible, si vous insérez ces dispositions dans la loi. Messieurs, j'aurais cru faire une injure imméritée au culte catholique en Belgique, si j'avais osé émettre une semblable proposition. Comment ! la religion de l'immense majorité des Belges ne pourrait pas recruter le personnel de son clergé, parce que 40 ou 50 élèves en théologie seraient annuellement appelés au service ! Mais ne sommes-nous donc plus assez riches pour payer quelques remplaçants ? Depuis quand l'Eglise n'a-t-elle plus la force de remplacer 40 ou 50 élèves en théologie qui pourraient être appelés à marcher ? En définitive, c'est pour une misérable somme de quelques milliers de francs par an que vous voulez introduire dans la loi un privilège énorme !

Messieurs, la même raison qui me fait repousser l'exemption en faveur des étudiants en théologie me fait repousser l'exemption en faveur des jeunes gens qui se destinent à l'enseignement. Ce n'est pas parce que l'Etat paye les instituteurs que je leur accorderais, en outre, le privilège d'être exemptés du service militaire.

Je dirai même plus. Si j'étais le moins du monde partisan du service forcé aussi bien que j'en suis l'adversaire, j'exigerais que tous les professeurs des écoles primaires eussent fait un temps de service et qu'ils fissent preuve des connaissances nécessaires pour enseigner à leurs élèves les premiers éléments de l'art militaire.

Au moins, de cette façon-là, nous pourrions, avec le temps, espérer de former des générations qui n'auraient plus besoin de passer des années dans les régiments pour être à même de défendre le pays.

Vous voyez, messieurs, que, sans entrer dans des considérations de parti et de Constitution, je suis parvenu à justifier d'une manière raisonnable, d'une manière pratique, l'amendement que j'ai signé.

Je convie les catholiques, je convie l'honorable M. Thonissen à bien réfléchir à la question ; je suis persuadé que s'il la dégage des nuages dont il l'a entourée et s'il se place sur le terrain pratique, il sera convaincu qu'il n'y a rien à gagner pour le parti catholique et surtout pour la nation belge que je place au-dessus de tous les partis, à introduire dans nos lois des privilèges et des exemptions qui ne devraient figurer nulle part.

M. le président. - L'honorable M. Coomans ne parle pas, je pense, contre l'amendement ?

M. Coomans. - Sur l'amendement, M. le président. '

M. le président. - Avez-vous un amendement, M. Coomans ?

M. Coomans. - Oui, M. le président.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. Coomans. - Je pourrais parler dès aujourd'hui. J'en suis très désireux, mais je vois que telles ne sont pas les convenances de la Chambre. J'ajournerai donc mon discours à demain.

Projets de loi ouvrant des crédits au budget du ministère de l’intérieur

Dépôt

MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi qui ouvre au département de l'intérieur des crédits supplémentaires et extraordinaires à concurrence de 268,998 fr. 58 c.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé, distribué et renvoyé à la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur.

Projet de loi assimilant, quant au droit à la pension, les directeurs des pensionnats annexés aux établissements d'instruction moyenne aux professeurs de ces mêmes établissements

Rapport de la section centrale

M. de Rossiusµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant assimilation, quant au droit à la pension, des directeurs des pensionnats annexés aux établissements d'instruction moyenne aux professeurs de ces mêmes établissements.

- Impression, distribution et mise à l'ordre du jour.

La séance est levée à 5 heures.