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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 27 mai 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 975) M. Reynaert, secrétaireµ, fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- Lla rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Lépreux prie la Chambre de ne point exempter du service de là milice les élèves normalistes et les instituteurs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la milice.


« Le sieur Van Meensel demande qu'à partir du mois de juillet prochain, aucun instituteur ne soit plus autorisé à exercer les fonctions de secrétaire communal et, qu'à l'avenir, il ne puisse davantage remplir les fonctions de receveur communal. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« MM. Sabatier et T'Serstevens, obligés de s'absenter pour affaires urgentes, demandent un congé d'un jour. »

- Accordé.


« MM. de Baillet-Latour et Guillery, obligés de s'absenter pour affaires urgentes, demandent un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné la demande de crédit spécial de 625,000 francs au département des affaires étrangères pour construction d'un steamer.

Projet de loi sur la contrainte par corps

Rapport de la commission

M. Delcourµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission qui a examiné les amendements du Sénat au projet de loi portant abolition de la contrainte par corps.

Projet de loi prorogeant le mode de nomination des jurys d’examen et le système d’examen

Rapport de la section centrale

M. Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la prorogation, pour 1870 et 1871, du mode de nomination des jurys et du système d'examen établis par la loi du 1er mai 1857.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Plusieurs de nos honorables collègues ont déposé un projet de loi. Les sections seront convoquées demain pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.


M. Thonissenµ (pour une motion d’ordre). - Je prie la Chambre de mettre la loi sur la contrainte par corps immédiatement après l'examen du budget des finances pour 1870. Il y a là une question qui préoccupe l'opinion publique, et il importe qu'elle soit résolue le plus tôt possible.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre IV. Des exemptions des dispenses d’incorporation et des exclusions

Article 23

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, la Chambre a sous les yeux l'article 23 de la loi. Elle a pu remarquer que les différents paragraphes de cet article concernent des questions tout à fait différentes.

Je crois que, dans l'intérêt du débat, il serait utile que la Chambre voulût bien discuter séparément chaque paragraphe et c'est ce que je lui propose.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - Voici, messieurs, l'article 23.

« Art. 23. Sont exemptés pour une année :

« 1° Celui dont la taille, dépassant un mètre quatre cents millimètres, n'atteint pas un mètre cinq cent cinquante millimètres ;

« 2° Celui qui, atteint d'infirmités curables, n'est pas jugé capable de servir avant l'expiration des trente jours de la remise des miliciens à l'autorité militaire ;

« 3° Celui qui est l'unique descendant légitime d'une personne encore vivante, pourvu que la famille ne soit pas dans l'aisance, ou qu'elle ne puisse pas, sans cesser d'en jouir, pourvoir au rachat du service personnel ;

« 4° Celui qui est l'indispensable soutien : A de ses père et mère, ou de l'un d'eux ; B si ces derniers sont décédés, de ses aïeuls ou de l'un d'eux ; C d'un ou de plusieurs frères ou sœurs orphelins ;

« Sont assimilés aux orphelins, ceux dont le père, et la mère, ou le survivant, sont invalides et complètement entretenus aux frais d'une caisse publique ; ceux dont le père et la mère, ou le survivant, subissent, par suite de condamnation, un emprisonnement qui doit encore avoir au moins trois mois de durée à partir du jour de la remise des miliciens ; ceux, enfin, dont le père et la mère, ou le survivant, ont disparu depuis plus d'un an de leur domicile ou de leur résidence, sans qu'on ait eu de leurs nouvelles ;

« 5° Le père resté veuf avec un ou plusieurs enfants ;

« 0 Celui dont le frère remplit un terme de huit années de service ;

« En cas de deux frères appelés ensemble, à faire partie d'une levée, et dont les numéros ont été atteints pour la formation du contingent, si la famille n'est tenue alors qu'à fournir un fils à l'armée, l'aîné définitivement désigné pour l'incorporation exempte son frère, comme s'il était déjà au service.

« Lorsque la priorité d'âge entre des frères jumeaux ne résulte pas des actes respectifs de naissance, elle est déterminée par la priorité d'inscription aux registres de l'état civil ;

« 7° Les condamnés pour délit correctionnel que l'article 28 n'exclut pas du service militaire et dont la détention ne doit pas expirer dans les trente jours de l'incorporation, ainsi que les détenus dont la cause n'est pas jugée avant cette époque. »


M. le président. - La discussion s'ouvre sur le premier paragraphe.

MiPµ. - Messieurs, la section centrale a cru devoir indiquer dans l'article en discussion que la taille doit dépasser un mètre 400 millimètres sans atteindre un mètre 550 millimètres.

Le but de la section centrale a été de distinguer nettement l'exemption provisoire de l'exemption définitive. L'exemption est définitive lorsque la taille n'atteint pas un mètre 400 millimètres ; elle n'est que provisoire lorsque la taille dépasse un mètre 400 millimètres sans atteindre un mètre 550 millimètres.

Je crois qu'il est suffisamment clair, d'après la comparaison des deux articles, que lorsque le cas d'exemption définitive se présente, il ne peut être question d'exemption provisoire.

Je proposerai donc de supprimer les mots : « dépassant 1 mètre 400 millimètres.

M. Mullerµ, rapporteurµ. - Je n'attache aucune importance au maintien ou à la suppression de ces mots.

M. Van Iseghem. - Je demande la parole.

M. le président. - Est-ce sur le paragraphe premier ?

M. Van Iseghem. - Non, monsieur le président. Je voudrais présenter quelques observations au sujet du paragraphe 10 qui n'a pas été maintenu par la section centrale.

M. le président. - Vous devriez alors faire une motion pour te reproduire. Je ne puis vous donner la parole sur le néant. La discussion porte, en ce moment, sur le paragraphe premier.

La parole est à M. Kervyn de Lettenhove.

M. Kervyn de Lettenhove. - La question soulevée par le paragraphe premier présente un incontestable intérêt.

Lorsqu'on jette un coup d'œil sur le tableau des exemptions, on y voit qu'elles sont assez nombreuses, pour que le chiffre de ceux qui prennent part au tirage au sort soit réduit chaque année dans une proportion considérable, dans la proportion d'un tiers environ.

Il en résulte, messieurs, que lorsque nous songeons à étendre les exemptions au profit de la famille, nous nous trouvons toujours arrêtés par cette considération que nous rendons de plus en plus mauvaise la position de ceux qui prennent part au tirage au sort.

Certes, nous entrerions dans une voie meilleure, si nous pouvions (page 976) réduire le nombre des exemptions que j'appellerai physiques, c'est-à-dire des exemptions pour défaut de taille, et si en même temps nous pouvions faire profiter de cette modification des catégories intéressantes appartenant à la famille.

Il faut donc, messieurs, poser la question dans ses termes les plus rigoureux. Il est évident qu'un homme qui par sa santé, par sa constitution, ne peut pas acquitter le service militaire doit rester étranger au tirage au sort. Mais il y a lieu de rechercher si le minimum de la taille indiqué par la section centrale est tel, qu'on ne puisse pas descendre en dessous et faire disparaître ainsi une quantité considérable d'exemptions.

Vous avez sous les yeux, dans l'excellent rapport de M. Muller, une page où l'on rappelle les discussions qui se sont élevées à cet égard dans la section centrale.

Vous voudrez bien remarquer d'abord que le projet du gouvernement portait la taille à l m. 565, et cependant le gouvernement, dans l'exposé des motifs, avait déjà inscrit cette déclaration si importante :

« La stature n'étant pas proportionnellement égale chez les individus des diverses localités, toute mesure invariable qui ne descend pas assez au-dessous des tailles moyennes exempte plus d'hommes ici que là. La vigueur de la constitution des jeunes gens ne dépend pas, d'ailleurs, de leur taille, l'expérience le prouve tous les jours. »

La section centrale rappelle de plus dans son travail que, d'après la loi de 1817, la taille n'était pas rigoureusement exigée ; qu'on tenait compte des forces physiques et que ceux qui réunissaient cette qualité et qui cependant n'avaient pas la taille requise, étaient employés dans le service du train.

Cela fut modifié, il est vrai, par la loi de 1820 ; l'honorable rapporteur de la section centrale en a fait connaître le motif.

A ce sujet, l'honorable rapporteur de la section centrale a jugé utile de présenter un tableau des inscrits depuis 1857 jusqu'en 1865 et des exemptés pour défaut de taille. Vous y verrez à la première ligne que telle année où il y avait 40,000 inscrits, il y a eu 4,200 exemptés pour défaut de taille ; c'est-à-dire que la proportion des exemptés dépassa 10 p. c.

J'ai sous les yeux un autre travail émané d'un de nos savants les plus éminents, du président de la commission de statistique, l'honorable M. Quetelet ; dans ce tableau, qui se rapporte à la levée de milice, il constate que, dans une période qui s'étend également de 1856 à 1865, près de 30,000 inscrits ont échappé à l'obligation du tirage par suite de défaut de taille.

Cette question de la taille mérite donc, messieurs, toute votre attention. Je ne veux pas la reprendre dès son origine. Cependant un coup d'œil rétrospectif très sommaire ne manquerait pas d'intérêt.

En remontant très haut, on trouve qu'un jour un empereur romain ayant entendu dire que les récits mythologiques représentaient Hercule comme ayant atteint je ne sais quelle stature, ordonna que ses gardes prétoriennes eussent la même taille. En Prusse, Frédéric le Grand voulut que ses soldats fussent mieux que des hercules ; il exigea chez ses soldats la taille des géants. En France, la première ordonnance sur la taille remonte à Louis XIV. Lorsque survint la révolution, les prescriptions relatives à la taille furent bientôt oubliées. Elles reparurent sous l'Empire ; mais dès 1811, une instruction administrative admit tout les conscrits qui atteignaient la taille de 1 mètre 48.

Sans la Restauration, on imposa une taille bien plus élevée, mais en 1830, quelques mois avant l'expédition d'Alger, on reconnut qu'il y avait lieu à un abaissement notable. Et dans la discussion qui a eu lieu en 1832 à la chambre des députés, on rappela (ceci mérite de fixer toute notre attention) quelle influence avait exercée cet abaissement. On affirma que, pour la levée de 1830, près de 55,000 individus sur 162,000 avaient été compris dans la levée de milice par suite de la réduction de la taille.

Le gouvernement proposait alors l m 57 ; la chambre des députés adopta 1 m 56. A une époque toute récente, au mois de janvier 1868, lorsque le corps législatif s'occupa de nouveau de la question militaire, on fixa la taille de 1 m 55. Mais plusieurs membres de l'assemblée avaient proposé de la réduire à 1 m 54. Il y en eut même plusieurs qui soutinrent que cette question de la taille était aujourd'hui indifférente, parce qu'il fallait s'attacher, avant tout, à la constitution et aux forces physiques du milicien.

La section centrale a considérablement amélioré le projet du gouvernement, puisqu'elle a fait descendre la taille à 1 m 55 ; mais je crois qu'elle n'a pas fait assez. Il faut tenir compte, dans une mesure sérieuse, du changement notable introduit dans les armées par l'emploi des armes nouvelles. Un général dont je ne cesse d'invoquer l'autorité parce qu'elle n'est contestée par personne, et que M. le général Renard la proclame lui-même, M. le général Trochu demande jusqu'à quel point il faut maintenir ce minimum de la taille. Il indique non pas un mètre cinq cent cinquante millimètres, comme le propose la section centrale ; il descend bien en dessous : il insiste précisément sur ces modifications stratégiques qui exigent aujourd'hui, chez le soldat, la mobilité, la vivacité, l'indépendance relative des mouvements ; car désormais il faudra considérer comme les meilleurs soldats, non pas ceux qui offrent le plus de prise aux balles, mais ceux qui par leur constitution peuvent le mieux surmonter les fatigues des campagnes.

Cela est admis aujourd'hui ; et si M. le ministre de la guerre était présent, il reconnaîtrait...

MfFOµ. - Il est malade.

M. Kervyn de Lettenhove. - ... qu'on a pu constater en Belgique que le régiment des grenadiers, qui est celui dont les hommes ont la plus grande taille, est le régiment qui offre le plus de malades.

Je pense donc, messieurs, que nous ferions chose utile en abaissant le minimum de la taille, pourvu qu'il fût entendu que les miliciens doivent présenter toutes les conditions du service militaire qui reposent sur les forces physiques et sur une constitution robuste.

J'éprouve, il est vrai, quelque difficulté à formuler un amendement. Lorsque je consulte les législations militaires contemporaines, lorsque j'ouvre la loi autrichienne du mois d'octobre 1858, lorsque je prends la loi anglaise, je remarque que presque, partout on a fait comme dans la loi de 1817. On a établi un minimum de taille, mais on a ajouté une autre disposition accessoire qui porte que, quelle que soit la taille des miliciens, on peut les accepter, lorsque leur constitution est robuste, pour les placer dans les services du train, de l'administration, de l'intendance, des ambulances et d'autres services analogues.

Je comprends que l'objection de la section centrale soit sérieuse, et que maintenir un article qui fixe un minimum de taille et introduire une autre disposition qui porterait qu'on ne sera pas lié par ce minimum de taille, ce serait, malgré l'exemple d'autres législations, insérer dans la nôtre un texte arbitraire et trop vague. Mais je serais heureux de savoir si M. le ministre de l'intérieur ne croit pas possible de réduire notablement le minimum de la taille en déclarant soit d'une manière expresse, soit d'une manière implicite, que la constitution robuste sera, quelle que soit la taille, la base de l'admission des miliciens.

On ne peut oublier, en effet, que, sous l'empire, alors que les régiments basques et bretons étaient les plus braves de l'armée, la taille était descendue à 1 mètre 48 centimètres.

Ne pourrait-on pas, dès lors, inscrire dans la loi nouvelle un minimum de 1 mètre 50 centimètres ? Cette disposition aurait pour conséquence de faire prendre part au tirage au sort un plus grand nombre de miliciens.

Il en résulterait un allégement pour beaucoup de familles sur lesquelles pèsent aujourd'hui les conséquences de ces exemptions, et la loi de milice ne frapperait plus avec la même sévérité les jeunes gens qui jouissent d'une taille élevée ; car, il faut bien le dire, c'est à la société, c'est à la population que l'on enlève aujourd'hui les éléments qu'il lui importerait le plus de conserver.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, j'avais l'intention de faire valoir quelques-unes des considérations que vous venez d'entendre.

Je me bornerai donc à faire une simple question. J'aurais voulu l'adresser à M. le ministre de la guerre, mais comme il est absent, j'espère que M. le, ministre de l'intérieur voudra bien me répondre pour lui.

Il est évident que l'exemption proposée est une prime considérable considérable donnée à celui qui n'a pas la taille exigée.

Il est évident que cette prime est assez forte pour que, dans beaucoup de cas, des moyens même violents aient été employés pour empêcher les garçons d'atteindre leur taille normale.

Maintenant que le service militaire n'est plus aussi dangereux, aussi dur qu'il y a un demi-siècle, ces moyens ne sont sans doute plus aussi fréquemment employés qu'autrefois, mais il n'en reste pas moins vrai que le défaut de taille reste une prime injuste au profit de ceux qui n'atteignent pas la taille réglementaire.

Je voudrais donc demander à l'honorable ministre de la guerre s'il n'y aurait pas dans l'armée certains services qui pourraient convenir à des hommes qui, bien constitués, n'atteindraient pas la taille d'un mètre 55 centimètres et si même dans certain cas il n'y aurait pas avantage à employer des hommes d'une taille plus petite.

Il est évident comme vient de le dire l'honorable M. Kervyn qu'en abaissant la taille on diminuerait d'autant les charges qui pèsent maintenant sur les hommes qui ont atteint la taille réglementaire et qui se trouvent frappés par là d'un surcroît de contribution qui est tout à fait injuste.

(page 977) Le législateur ne doit pas, me semble-t-il, favoriser l'abaissement de la taille ; il devrait au contraire, favoriser, autant qu'il est en lui, l'amélioration de la race, car, je le répète, l'exemption dont il s'agit est une prime à la petite taille. C'est pour cela que je me joins à l'honorable M. Kervyn pour demander qu'on examine s'il n'y aurait pas moyen d'abaisser la taille assez notablement pour que cela puisse être un soulagement pour ceux qui ont atteint une haute taille.

MiPµ. - La question soulevée concerne exclusivement mon collègue de la guerre qui est retenu, par une légère indisposition, loin de la Chambre. Il me serait impossible de discuter la question de savoir quelle taille doit avoir un milicien pour être un bon soldat. Pour ce qui me concerne, il m'est parfaitement indifférent de fournir à mon collègue des hommes d'une taille très élevée, ou d'une taille très réduite. Mais lui peut avoir des raisons pour ne pas les accepter ; je crois qu'il désire conserver le minimum de taille qui se trouve inscrit dans la loi et qui a fait l'objet de longues discussions dans les commissions et dans la section centrale.

Si donc il y a, à cet égard, une proposition, je demanderai d'ajourner ce numéro de l'article 23.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai l'intention de faire une proposition et je la produirai lorsque l'honorable ministre de la guerre sera présent.

MiPµ. - Alors il faut ajourner l'article ; à moins de le voter aujourd'hui, sauf à revenir sur cet article lors du second vote.

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, je dois expliquer h la Chambre comment la taille d'un mètre 55 centimètres a été adoptée par la section centrale.

Qu'il me soit permis, en passant, de signaler une erreur mentionnée à la page 67 de mon rapport, ligne 18. Il a été imprimé : « un mètre 555 millimètres », et c'est « un mètre 550 millimètres » qu'il faut lire.

Maintenant, messieurs, en section centrale, le projet du gouvernement fixait la taille d'un mètre 565 millimètres.

C'est l'honorable M. Kervyn de Lettenhove qui a proposé, en section centrale, d'abaisser la taille à un mètre 550 millimètres, comme terme de transaction entre la proposition qui était alors faite par le gouvernement et un abaissement plus considérable.

J'ajoute que l'honorable M. Kervyn s'est réservé de demander ultérieurement qu'on descendît encore plus bas. Je crois que je suis dans la vérité.

M. Kervyn de Lettenhove. - Parfaitement.

M. Mullerµ. - Il y avait un motif sérieux pour ne pas adopter la proposition telle que vient de la formuler l'honorable M. Kervyn et. qui consisterait à ne fixer aucun minimum de taille. C'est que les conseils de milice et les députations permanentes s'ingéreraient indirectement dans la désignation des hommes à tels ou tels corps spéciaux, ce qui est tout à fait inadmissible.

Maintenant quelle est la taille adoptée par la section centrale ? C'est celle qui a été réduite en France et en Hollande ; et en section centrale, l'honorable, M. Kervyn avait cité ces deux exemples pour démontrer qu'on pouvait abaisser sans inconvénient la taille à ce niveau, et il nous a tous convaincus.

Pas plus que l'honorable ministre de l'intérieur, je ne me reconnais compétent en cette matière ; mais s'il était possible, sans compromettre les exigences légitimes du département de la guerre, d'obtenir une concession de plus, il est évident qu'on réduirait quelque peu les inégalités qui existent forcément dans l'application de la loi de la milice.

Tels sont les éclaircissements que j'avais à donner à la Chambre. Elle les appréciera. Elle a vu, du reste, que j'avais tenu à mentionner dans le rapport cette circonstance favorable à notre pays, que, depuis un certain nombre d'années, les exemptions pour défaut de taille sont considérablement réduites ; ce qui prouve, par parenthèse, que notre race est loin de dégénérer, comme on le dit très souvent à tort. Des exemples cités, il résulte évidemment que la taille moyenne en Belgique tend à s'élever.

M. Allard. - Je fais remarquer que cet article fera l'objet d'un second vote, puisqu'il a été amendé. On pourrait attendre ce second vote et la présence de M. le ministre de la guerre pour s'occuper de la question soulevée ; sinon, nous aurons deux discussions.

M. Hayezµ. - Je ferai observer a la Chambre qu'en France le minimum de taille était de 1 m 54 et que tout récemment il a été réduit à 1 m 52. Je crois que nous pouvons facilement nous contenter du minimum que la France a adopté.

M. Muller, rapporteurµ. - C'est une erreur complète. Le minimum de la taille, en France, est de 1 m 55.

M. Hayezµ. - Elle est depuis longtemps de 1 m 54 et récemment elle a été abaissée à 1 m 52.

- Le vote sur le paragraphe premier est remis à demain.


« Paragraphe 2. Celui qui, atteint d'infirmités curables, n'est pas jugé capable de servir avant l'expiration des trente jours de la remise des miliciens à l'autorité militaire. »

M. Hayezµ. - Messieurs, parmi les cas d'exemption, se trouve la myopie ; il me semble que cette infirmité ne devrait pas exempter du service militaire, celui qui en est atteint.

En effet, ne voyons-nous pas quantité d'officiers qui portent lunettes ? Si la myopie n'est pas un cas de réforme pour les chefs, je ne vois pas pourquoi elle en deviendrait un pour les soldats.

Je pense donc qu'il y a lieu de supprimer la myopie des cas d'exemption.

MiPµ. - La loi n'énumère pas les infirmités qui donnent lieu à l'exemption ; c'est l'objet d'un arrêté royal. M. le ministre de la guerre pourra examiner l'observation de l'honorable M. Hayez.

Je proposerai, messieurs, de rédiger le paragraphe comme suit :

« Celui qui, atteint d'infirmités curables, n'est pas jugé capable de servir avant le 1er octobre de l'année courante. »

Lorsque l'article a été rédigé, l'époque de l'incorporation n'était pas fixée ; on peut maintenant abréger la rédaction en indiquant une date fixe.

-Le n°2° est adopté avec le changement de rédaction proposé par M. le ministre de l'intérieur.


« 3° Celui qui est l'unique descendant légitime d'une personne encore vivante, pourvu que la famille ne soit pas dans l'aisance, ou qu'elle ne puisse pas, sans cesser d'en jouir, pourvoir au rachat du service personnel. »

M. Thonissenµ. - Messieurs, la loi de 1864 accorde l'exemption du service au fils, enfant unique, et au petit-fils, enfant-unique, sans aucune espèce de condition.

Le projet actuel admet les mêmes exemptions, mais il y ajoute une condition ainsi formulée : « Pourvu que la famille ne soit pas dans l'aisance, ou qu'elle ne puisse pas, sans cesser d'en jouir, pourvoir au rachat du service personnel. »

Je crains, messieurs, qu'en pratique cette disposition ne donne lieu à de très grands abus, qu'elle n'ouvre une large porte à l'arbitraire.

En théorie, je le reconnais, rien ne paraît plus raisonnable et j'ajouterai plus juste.

Un père ou un aïeul désire conserver auprès de lui un fils ou un petit-fils. Il a le moyen de se procurer un remplaçant. Il n'a, dit-on, qu'à user de ce moyen. La loi ne doit pas tenir compte de son avarice. Voila la théorie qu'on met en avant.

Je reconnais aussi qu'en pratique il y aura des cas dont la solution ne présentera pas de difficulté, parce que l'existence de l'aisance sera manifeste. Quand il s'agira, par exemple, du fils ou du petit-fils d'un éligible au Sénat, on saura, à ne pas pouvoir douter, que la famille se trouve dans l'aisance.

Il y aura d'autres cas où l'indigence sera, elle aussi, tout aussi facile à constater. Tel sera notamment le cas d'une famille secourue par le bureau de bienfaisance.

Mais ces deux hypothèses sont loin de se réaliser aussi fréquemment qu'on pourrait le croire. Quand on consulte les tableaux publiés par divers départements ministériels, on acquiert la conviction que la majorité des familles se trouvent, pour ainsi dire, entre l'aisance et le besoin ; elles ne sont pas précisément dans la détresse, mais elles ne sont pas davantage dans une position qu'on puisse considérer comme aisée.

Il y a là une limite difficile à apprécier, d'autant plus qu'il existe beaucoup de familles que l'on croit être dans l'aisance et qui réellement ne s'y trouvent pas. C'est ici que la théorie ne suffit plus, en ce sens qu'elle ne nous fournit pas le moyen de sortir d'embarras.

Qu'est-ce que l'aisance ? Qu'est-ce qu'une aisance que le prix d'un remplaçant peut faire disparaître ? Car, remarquez-le bien, tel est le texte de la loi. Il faut une aisance avérée, ou du moins une aisance telle, qu'il soit certain que l'achat d'un remplaçant ne la fera pas disparaître.

MiPµ. - Il faut faire disparaître la seconde partie de la phrase.

M. Thonissenµ. - Je préférerais que l'on supprimât le tout et qu'on exemptât purement et simplement l'enfant unique. Jusqu'à présent il n'y a pas eu de graves inconvénients à l'application de cette règle, tandis que, si on la supprime, de graves et nombreux abus ne tarderont pas à surgir.

(page 978) De quelle manière procédera t-on, avec certitude, pour constater si une famille est ou n'est pas dans l'aisance ?

M. Kervyn de Lettenhove. - Je demande la parole.

M. Thonissenµ. - Je crois fermement qu'il y a moins d'inconvénients k maintenir ce qui existe. Je propose donc de rédiger comme suit le 3° de l'article 23 :

« Celui qui est l'unique descendant légitime d'une personne encore vivante. »

- L'amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable M. Thonissen n'avaient pas échappé a la section centrale, car elle a discuté, dans son rapport, certaines difficultés d'exécution que pouvait soulever l'appréciation de l'aisance ; mais elle a fait remarquer en même temps que les mêmes difficultés se présentent lorsqu'il s'agit de déclarer que tel individu est le pourvoyant de sa famille.

Dans mon opinion, il est bien plus facile de constater si une famille est dans un degré d'aisance tel, que le prix d'un remplaçant ne sera pas pour elle une trop lourde charge, que de constater qu'elle a besoin de son fils pour faire face aux dépenses d'entretien dont elle est grevée, et qui doivent être calculées minutieusement.

Je crois qu'entre le système de l'honorable M. Thonissen et celui qu'avait adopté la section centrale, il n'y a pas lieu d'hésiter, et plutôt que d'accueillir l'amendement, il vaudrait mieux, pour ceux qui ne se rangent pas à la disposition du projet, de supprimer complètement l'exemption.

Voici pourquoi.

Actuellement, il faut bien le dire, l'exemption d'enfants uniques appartenant à des familles fortunées a toujours été l'objet de récriminations très vives. Ces récriminations étaient évidemment fondées. Or, que propose l'Honorable M. Thonissen ?

C'est de maintenir l'état de choses actuel. Eh bien, cela n'est pas équitable.

La section centrale avait proposé une rédaction qui constituait en quelque sorte une transaction entre l'exemption absolue de l'enfant unique et son rejet : elle l'a donc subordonnée a la position de fortune de la famille.

Pour ceux qui, à tort, s'effrayent outre mesure de l'application de l'article proposé par la section centrale, et qui veulent le supprimer, il serai naturellement entendu que l'enfant unique ne pourrait être exempté qu'en vertu du 4°, c'est-à-dire s'il est l'indispensable soutien de sa famille.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je suis quelque peu responsable du système de la section centrale. En effet, il y a sept ou huit ans, lorsque j'ai formulé, comme je l'ai fait de nouveau récemment, un projet sur l'exonération, j'ai cru utile d'y placer, à côté de l'avantage que les classes aisées trouvent dans l'exonération, une compensation pour les classes laborieuses.

C'est alors que j'ai présenté le système qui a été accueilli par la section centrale et que je justifiais exactement par les mêmes considérations qui ont été développés par l'honorable M. Muller. Mais dès ce moment je prévoyais l'objection qui a été faite par l'honorable M. Thonissen et voici comment je l'exposais :

« Comment déterminer l'aisance ? Faudra-t-il faire sur les fortunes privées une enquête toujours indiscrète, toujours inexacte, une enquête énergiquement repoussée par nos mœurs ? »

Et je répondais que pour cette exemption, de même que pour l'exonération, il fallait établir la fortune des familles d'après des bases aisées à constater (c'est, selon moi, l'impôt personnel) ; et formulant ces idées dans un article de mon projet, je considérais comme étant dans l'aisance toute famille dont l'impôt atteignait un certain chiffre.

Je crois, comme l'honorable M. Thonissen, qu'il y aurait quelque inconvénient à ne pas préciser les bases de l'aisance : c'est que dans certaines provinces et dans certains districts de milice, on apprécierait d'une manière complètement différente les dispositions de la loi, et il en résulterait des inégalités fâcheuses.

Je considère donc la disposition comme juste en principe, et, au point de vue de l'application, je demande seulement qu'on détermine par un chiffre ce qui, dans toute l'étendue du pays, représentera désormais d'une manière uniforme, ce qu'on appellera l'aisance.

M. Wasseige. - Du moment que ce n'est pas une pensée de famille née en dehors de la position sociale, qui a fait maintenir l'exemption qui était antérieurement accordée à l'enfant unique, je me rallie complètement à l'idée qui vient d'être émise par l'honorable rapporteur de la section centrale.

J'aurais compris, quant à moi, le maintien de l'exemption telle qu'elle existait dans la loi de 1817, parce qu'il y a une mesure qui peut, à certains égards, se justifier par le désir bien naturel et bien légitime de ne pas faire partir pour l'armée un enfant unique.

Cependant, je reconnais qu'il y a aussi, dans ce système, des inconvénients graves et qui ont soulevé des susceptibilités nombreuses. Je suis donc, en examinant attentivement les deux intérêts en présence, décidé à voter la suppression de cette exemption, parce que ce système me paraît le plus favorable aux classes malheureuses, et je ne veux pas qu'elle soit subordonnée à la condition d'aisance.

L'aisance est une des choses les plus difficiles à constater. Déjà la qualité de fils pourvoyant, malgré les conditions bien plus faciles à reconnaître, et malgré la jurisprudence établie par une pratique déjà bien longue, est une des grandes misères de l'exécution de la loi sur la milice ; c'est ce que savent tous ceux qui ont dû appliquer cette loi ; c'est une des choses qui prêtent le plus à l'arbitraire. Or, vous allez rendre la chose bien plus difficile encore en constituant une nuance intermédiaire bien difficile à saisir et qui, j'en suis convaincu, si elle est établie, soulèvera des récriminations bien plus nombreuses et bien plus fortes que le maintien de l'exemption sans condition.

Je crois, messieurs, que nous devons ranger l'enfant unique exactement sur la même ligne que le fils unique : pour que l'enfant unique jouisse de l'exemption, il faut donc qu'il soit, comme le fils unique, le seul pourvoyant de sa famille.

En effet, messieurs, quant au chagrin que peut faire éprouver à une famille le départ de son enfant, ce sentiment est aussi vif qu'il s'agisse d'un enfant unique ou d'un fils unique ; et le pauvre malheureux qui voit partir son fils unique, est aussi sensible à ce départ que si ce fils était en même temps son enfant unique. Voilà pour le sentiment de famille ; mais les raisons sont encore bien plus catégoriques au point de vue matériel ; car le départ du fils unique ayant de jeunes sœurs diminue bien plus les ressources de la famille que le départ de l'enfant unique, et il me paraîtrait souverainement injuste de faire une position plus favorable à l'un qu'à l'autre.

Je reviens donc à l'idée suggérée par l'honorable rapporteur et je. désire voir ranger sur la même ligne l'enfant unique et le fils unique, soutiens de leur famille. C'est pour arriver à ce résultat que je propose par amendement la suppression du paragraphe 3 de l'article 23.

M. le président. - J'ai reçu de MM. Lelièvre et de Borchgrave un amendement conçu dans les mêmes termes. La suppression du n°3 de l'article 23 est donc proposée par MM. Lelièvre, de Borchgrave et Wasseige.

M. Lelièvreµ. - Je pense que ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de revenir au principe général établi par l'article 23 n°4 du projet. Il ne faut pas créer un privilège en faveur du fils unique. Celui-ci doit être mis sur la même ligne que les enfants en général ; par conséquent, il ne doit être exempt que pour autant qu'il soit l'indispensable soutien de ses parents.

Il ne faut pas créer un droit spécial en faveur du fils unique. Nul motif sérieux ne justifie semblable exception.

J'estime donc que nous concilions tous les principes avec les règles d'équité et d'humanité, lorsque nous n'exemptons le fils unique que dans le cas où son secours est indispensable à ses parents. Sous ce rapport nous rentrons dans la règle commune, et l'on sait que, surtout en matière de milice, la règle commune doit être adoptée comme le principe le plus juste.

M. Thonissenµ. - Le système mis en avant par l'honorable M. Muller et qui vient d'être formulé en amendement par quelques-uns de mes honorables collègues, pourrait, dans certains cas, conduire à une véritable cruauté. En voici la preuve évidente.

Supposons un ouvrier ayant un enfant unique. Cet ouvrier gagne sa vie par son salaire ; il vit de son propre travail et, par conséquent, son fils ne rentre pas dans la catégorie des enfants dispensés du service comme soutiens indispensables de leurs parents.

Eh bien, je dis qu'il y aurait une véritable cruauté, en temps de guerre à envoyer cet enfant sur le champ de bataille.

Vous voyez, messieurs, que lorsqu'on vient vous dire qu'on répond à tous les besoins en mettant sur la même ligne l'enfant unique et le fils unique qui doit fournir des moyens d'existence à ses père et mère, on affirme une chose qui n'est pas exacte. Il y a ici une distinction à faire, et je vous prie de bien réfléchir au cas que je viens de vous indiquer.

Il est très vrai que, dans le système actuel, il y a eu des plaintes et à certains égards, on se les explique sans peine. Certainement, il est dur pour un milicien indigent de voir exempter l'enfant unique d'un millionnaire ; mais, les riches, en Belgique, sont relativement très peu nombreux, et l'honorable ministre des finances nous l'a parfaitement prouvé dans une (page 979) autre circonstance. Vous aurez désormais, n'en doutez pas, des plaintes beaucoup plus nombreuses et plus vives, parce que les familles qui ne sont pas manifestement dans l'aisance sont beaucoup plus nombreuses que les familles manifestement riches.

Je prie donc la Chambre de maintenir purement et simplement ce qui existe et de ne pas accueillir l'amendement présenté, parce que cet amendement ne répond pas à tous les cas qui peuvent se présenter, parce qu'il n'est pas équitable et que, surtout, dans l'hypothèse que j'ai posée, il conduirait ù une véritable cruauté.

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, la section centrale avait eu égard à l'affection que des parents peuvent avoir pour le seul enfant qu'ils possèdent.

Seulement lorsqu'il était facile à la famille de garder près d'elle cet enfant, sans cesser d'être dans l'aisance, elle ne l'exemptait pas.

L'honorable M. Thonissen est venu combattre cette disposition, en demandant le maintien du système actuel : exemption dans tous les cas.

Or, j'ai dit à la Chambre, et l'honorable membre l'a reconnu, que des plaintes très vives s'étaient élevées et avaient souvent retenti à cet égard. Il objecte que les millionnaires sont très peu nombreux ; mais il ne s'agit pas simplement d'eux, il faut surtout faire état des familles qui sont dans l'aisance et qui peuvent parfaitement faire la dépense du rachat du service personnel de leurs fils.

Ces familles sont loin d'être aussi exceptionnelles que les millionnaires et s'il n'y avait eu en Belgique qu'une douzaine d'enfants uniques de familles très fortunées, jouissant de l'exemption et faisant marcher d'autres miliciens, les plaintes n'auraient pas retenti d'une manière aussi énergique et à tant de reprises.

Tantôt, j'ai dit que, dans ma conviction, il est au moins aussi facile de constater l'aisance que la nécessité de pourvoyance ; je le répète, et j'insisterai, au besoin, lors de l'examen d'un autre article.

Je tiens actuellement à constater que là suppression absolue de l'exemption accordée à l'enfant unique, sauf le cas ordinaire et général de la pourvoyance, ne doit pas, me semble-t-il, préjuger la question que soulèvent certaines dispenses, en ce qui concerne l'aisance des familles.

En terminant, je ferai remarquer que, par l'amendement de MM. Lelièvre et Wasseige, il s'agit tout simplement de voter sur le rejet ou sur l'acceptation de l'article. S'il est rejeté, il en résultera que l'enfant unique ne sera exempté, que lorsqu'il sera tout à fait indispensable à ses parents.

MiPµ. - J'ai écouté avec attention la discussion qui vient d'avoir lieu et je dois reconnaître que, pour toutes les opinions, on donne de très bonnes raisons.

. Mv Thonissen a parfaitement raison quand il parle des très vifs sentiments d'affection qui engageront les parents à conserver un descendant unique. Mais il me paraît impossible, lorsqu'il s'agit de personnes riches, de faire peser sur un autre milicien pauvre la charge de la conservation de l'enfant unique, qu'elles peuvent conserver au moyen d'un petit sacrifice d'argent.

Il me paraît donc impossible de maintenir la disposition de la législation actuelle.

.Je me place maintenant à l'autre pôle de la question. Pouvons-nous aller, avec M. Wasseige, jusqu'à supprimer complètement la disposition ?

M. Thonissen a fait à cet égard une observation qui me paraît très juste. Si vous supprimez la disposition en ne réservant que le cas de pourvoyance, il sera vrai que l'exemption fera défaut dans une famille d'ouvriers où le père et la mère gagnent assez pour ne pas dépendre de leur fils, mais n'ont que leur salaire pour vivre, et ne pouvant remplacer leur enfant unique, ne pourront le conserver.

Maintenant vient l'opinion de la section centrale qui tient un milieu entre les extrêmes et a ainsi beaucoup de fondement.

Je dirai toutefois qu'il serait impossible de maintenir dans l'article le terme supposant que l'aisance peut cesser par l'achat d'un remplaçant. Il est évident qu'il ne peut pas y avoir d'aisance venant à disparaître par le payement d'une somme de 1,000 fr.

J'ajouterai que tout en tenant compte de ce que cette opinion a de fondé on pourrait se rapprocher davantage de l'opinion qui proscrit l'exemption.

Je pense que nous devons maintenir l'exemption, mais n'en faire jouir que les familles où il y a absolue impossibilité de pourvoir au remplaçant.

Il est certain que le seul cas intéressant qui a été cité est celui de l'honorable M. Thonissen ; celui d'une famille où il n'y a absolument rien, où l'on ne peut pas pourvoir au remplaçant, qui cependant n'est pas l'indispensable soutien de la famille.

Je pense que dans ce cas nous pourrions parfaitement admettre l'exemption.

Nous aurions atteint ce résultat de ne pas priver la famille dont je parle de son seul descendant, sans rien exagérer, si nous disions que dès que par un sacrifice quelconque elle peut conserver ce descendant, c'est à cette famille à se le conserver et non pas à une autre famille qui lui est complètement étrangère.

Je proposerai donc, sans cependant affirmer à la Chambre que ma solution soit la meilleure, car je reconnais que la question est extrêmement douteuse, je proposerai, dis-je, de rédiger l'article de la manière suivante : « Celui qui est l'unique descendant de personnes encore vivantes, si sa famille est dans l'absolue impossibilité de pourvoir à son remplacement. »

M. Kervyn de Lettenhove. - Je voulais simplement faire observer que la suppression du troisième paragraphe aurait cette conséquence qu'il ne resterait plus dans la loi que le cas de pourvoyance. Ce serait la suppression de l'exemption écrite dans l'intérêt de la famille et cela me paraît quelque chose de profondément regrettable.

Il est certainement du devoir du législateur de veiller à ce que la famille ne soit pas mutilée, et c'est ce qui arrive évidemment lorsque l'enfant unique est forcé d'embrasser la carrière militaire.

Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir sans les confondre ces deux dispositions : celle qui se trouve dans le paragraphe 3 et celle qui existe dans le paragraphe 4. Pour ma part, je voudrais aller plus loin et je serais très disposé à saisir la Chambre d'un amendement qui exempterait non seulement l'enfant unique, mais aussi le fils unique.

Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.

M. Wasseige. - L'exemple qui a été cité par l'honorable M. Thonissen a paru faire,une certaine impression sur la Chambre.

Mais si cet exemple est vrai, il s'applique exactement et de la même façon au fils unique.

Quant à moi, je crois que l'ouvrier dont parlait l'honorable M. Thonissen et qui gagne suffisamment pour que son fils ne soit pas considéré comme un fils pourvoyant, éprouvera autant de chagrin de le voir partir que s'il était enfant unique et éprouvera en outre un beaucoup plus grand dommage matériel, si ce fils unique, lui laisse la charge de pourvoir seul à l'entretien de plusieurs sœurs.

Je persiste donc à croire, que ces deux catégories devraient être mises sur la même ligne.

Or, je ne pense pas qu'il entre dans l'intention de la Chambre d'admettre l'idée qui vient d'être indiquée par l'honorable M. Kervyn, c'est-à-dire d'admettre l'exemption du fils unique autrement que comme fils pourvoyant. Puisque donc, il n'est pas à supposer que. la Chambre consente à ranger le fils unique sur la même ligne que l'enfant unique, pour leur accorder la même exemption privilégiée, mieux vaut les ranger tous deux sous le droit commun.

La théorie de l'honorable ministre de l'intérieur est très belle. Si elle n'offrait pas d'inconvénient dans la pratique, je serais assez disposé à l'admettre. Sa théorie est celle-ci :

« Du moment que la famille peut pourvoir au remplacement de son fils, qu'elle le fasse, et dans ce cas point d'exemption. Nous n'exemptons l'enfant unique que si la famille est dans l'impossibilité absolue de pourvoir à son remplacement. »

Celte théorie est certainement très séduisante ; mais je suis convaincu que dans la pratique elle fourmillera d'inconvénients et, comme je le disais tout à l'heure, les réclamations seront bien plus vives contre la manière de mettre cette théorie en pratique qu'elles ne le sont actuellement contre l'exemption sans condition des enfants uniques.

C'est pour ces motifs que je maintiens l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer au n°3°, sans attacher la moindre importance, au mode à suivre pour atteindre ce résultat, soit par un vote sur mon amendement, soit par un vote direct sur ce numéro qui devrait, selon moi, être rejeté.

M. Couvreurµ. - Je reconnais que le cas est difficile à résoudre, qu'il soulève des problèmes très douloureux, mais c'est là une des conséquences de la loi même que nous discutons. Je reconnais encore que le système qui nous est proposé par l'honorable ministre de l'intérieur est un progrès sur la proposition de la section centrale ; cependant il y a une considération capitale qui m'empêche de m'y rallier.

On a déjà fait observer que l'enquête sur l'aisance sera un système très difficile à appliquer, qui ouvrira la porte à beaucoup d'abus ; mais il y a une considération plus puissante encore, puisée dans le domaine des idées morales, à faire valoir.

Aujourd'hui, beaucoup de familles, par un sentiment louable et qu'il (page 980) faut encourager, cachent leur détresse, l'insuffisance de leurs ressources. Les pousser à venir avouer devant les autorités la situation plus ou moins pénible dans laquelle elles peuvent se trouver, à avouer qu'il leur est impossible d'acheter des remplaçants à leurs fils, c'est là, me semble-t-il, une mauvaise, une très regrettable innovation.

Si vous favorisez l'aveu de l'impuissance à pourvoir au rachat du service personnel, vous allez créer dans les classes moyennes et bourgeoises un mauvais sentiment, ce même sentiment qui fait déjà tant de ravages parmi les classes ouvrières et qui les porte à se faire inscrire sur les listes des bureaux de bienfaisance alors qu'elles n'ont en réalité pas besoin de recourir à la charité publique.

Je crois qu'il faut encourager le sentiment qui porte l'homme à cacher sa misère ou son défaut de fortune. L'amendement de M. le ministre de l'intérieur, comme la proposition de la section centrale, fait le contraire. Il invite les familles à réclamer le bénéfice de l'indigence, même lorsqu'il n'y a pas de nécessité absolue. J'aime mieux que la loi les oblige à s'imposer des sacrifices, durs peut-être, mais qui relèvent leur courage et leur valeur morale.

C'est pour ces raisons que je repousserai l'amendement du ministre de l'intérieur pour me rallier à celui des honorables MM. Wasseige et Lelièvre, n'accordant l'exemption que lorsque le fils est nécessaire, est indispensable aux besoins de sa famille.

Quant à l'objection principale présentée par l'honorable M. Thonissen contre cet amendement, je lui ferai observer que si l'ouvrier dont il a parlé a non pas seulement un fils, mais un fils et une fille, on lui enlèvera ce fils sans pitié.

M. Thonissenµ. - J'ai parlé du fils, enfant unique.

M. Couvreurµ. - Si ce fils a une sœur, le père en sera-t-il moins frappé ?

M. Thonissenµ. - Je déclare retirer mon amendement pour me rallier à celui de M. le ministre de l'intérieur.

M. le président. - L'amendement suivant vient d'être déposé :

« Celui qui est l'unique descendant légitime d'une personne encore vivante, pourvu qu'elle ne verse pas au trésor plus de 50 fr. en impositions directes, patente, comprise.

« (Signé) Thibaut. »

M. Thibautµ. - Messieurs, je suis surpris que l'on n'ait pas indiqué le moyen que je propose par mon amendement, de sortir des embarras en présence desquels on se trouve.

On veut supprimer l'exemption accordée au descendant unique légitime d'une personne qui est dans l'aisance. M. le ministre, frappé des difficultés que présente le texte du projet de loi, propose d'indiquer en d'autres termes la même pensée ; il propose de dire : Pourvu que la famille soit dans l'impossibilité absolue de payer un remplaçant. Mais quand cette impossibilité existera-t-elle ? La solution de cette question sera tout à fait arbitraire ; on décidera différemment dans des cas qui seront pour ainsi dire identiques. Il en résultera de graves difficultés. La loi donnera naissance à des abus nombreux. Ces décisions contradictoires exciteront des murmures et les mécontentements les plus vifs.

Il me paraît donc évident qu'une disposition semblable ne peut être accueillie. Je crois qu'il conviendrait de tracer dans la loi une règle claire et expresse dont on ne pourrait pas dévier, qui serait la même pour toutes les députations, pour tous les conseils de milice, pour toutes les autorités chargées de l'application de la loi.

MfFOµ. - Cela vaudrait mieux ; mais vous ne trouverez pas un moyen pratique.

M. Thibautµ. - Une quotité d'impôts directs payés au trésor de l'Etat me paraît une base acceptable. Celui qui paye 50 francs d'impôts sans être riche n'est pas dans une position malheureuse, n'est pas dans l'impossibilité absolue de mettre un remplaçant. Il me semble que c'est un moyen de couper court à toutes les difficultés.

M. Lambertµ. - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable préopinant et je dois repousser l'amendement qu'il vient de déposer. Il me semble que cet amendement pèche par sa base ; il repose sur cette idée que le payement d'une contribution quelconque prouve la fortune ; or rien n'est plus erroné ; il est un grand nombre de personnes riches qui ne payent aucun impôt ; il y a des rentiers millionnaires qui ne payent pas un centime d'impôt et dont les fils seraient exemptés, alors que le fils d'un petit boutiquier serait forcé de marcher ou de fournir un remplaçant. Il me paraît qu'il n'est pas possible d'admettre ce système.

Je repousse également l'amendement de l'honorable ministre de l'intérieur. La question de la possibilité de fournir un remplaçant présente exactement les mêmes difficultés que la question de la possibilité de constater l'aisance.

Nous faisons disparaître évidemment beaucoup d'injustices en supprimant le n°3 en discussion ; ceux qui ont suivi les opérations d'un conseil de milices-avent combien il est difficile de constater la position même du fils pourvoyant ; souvent il en résulte des injustices et, pour ma part, j'en ai constaté trop fréquemment.

Je crois, messieurs, que le meilleur moyen pour vider la difficulté, c'est de déclarer que le fils pourvoyant seul aura droit à l'exemption.

M. le président. - M. Kervyn a déposé l'amendement suivant :

« Celui qui est le fils unique ou le petit-fils unique d'une personne encore vivante. » »

M. Kervyn de Lettenhove. - Je n'abuserai pas des moments de la Chambre. Il est évident pour tout le monde qu'en ce qui concerne la position de la famille il y a peu de différence entre, l'enfant unique et le fils unique ; il peut y en avoir au point de vue de l'affection ; il n'y en a pas au point de vue des moyens d'existence. C'est le fils unique qui, avec le père, travaille pour la famille.

Messieurs, la loi de 1817 a été l'objet de la même révision de l'autre côté de nos frontières. Dans le royaume des Pays-Bas, il existe aussi une loi nouvelle en matière de milice, et là les considérations que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre ont été accueillies. J'ai sous les yeux l'article 47 de la loi hollandaise qui porte que dans tous les cas le fils unique sera exempté.

Il me semble, messieurs, que lorsque, nous aussi, nous modifions la loi de 1817 nous ne pouvons pas faire moins que nos voisins du Nord et il serait fâcheux que d'un côté de la frontière il y eût des dispositions plus libérales que de l'autre.

La Chambre des représentants belges, modifiant à son tour la loi de 1817, ne saurait faire moins que les états généraux néerlandais.

M. le président. - Je crois que nous devons d'abord mettre aux voix la proposition la plus large, c'est-à-dire celle qui consiste à supprimer complètement le n°3°.

M. Rogierµ. - Je demande la parole.

M. le président. - La discussion étant close, je dois consulter la Chambre.

M. Rogierµ. - Je crois que je n'abuse pas de la parole et que l'on peut bien me permettre de produire une observation.

M. le président. - Je regrette beaucoup, M. Rogier, que vous ne parliez pas plus souvent, mais je ne puis vous laisser parler en dehors du règlement, à moins que la Chambre n'y conseille.

- De toutes parts. - Parlez ! parlez !

M. le président. - M. Rogier, vous avez la parole.

M. Rogierµ. - Mon observation a une certaine importance.

L'article 23bls renvoie au 3° de l'article 23 qu'il s'agit de supprimer. Il doit être entendu que cette suppression ne préjuge rien quant au principe de l'article 23bis pour l'exemption des élèves en théologie et de ceux qui se préparent à l'enseignement primaire ; on tiendra compte de l'état de fortune de la famille. C'est un principe qu'il faut, selon moi, maintenir.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition des honorables MM. Lelièvre, de Borchgrave et Wasseige.

M. Muller, rapporteurµ. - Demander la suppression du 3°, c'est voter pour on contre l'article.

M. le président. - Ce serait parfaitement vrai, M. le rapporteur, s'il n'y avait que l'article en question. Mais comme l'article a été modifié par différentes dispositions, il faut que l'on procède comme je le propose, c'est-à-dire que l'on commence par la proposition la plus radicale, qui est la suppression du paragraphe.

- Il est procédé au vote par assis et levé.

Le n°3° est supprimé.


M. le président. - Nous passons au 4°, ainsi conçu :

« 4° Celui qui est l'indispensable soutien : A de ses père et mère, ou de l'un d'eux ; B si ces derniers sont décédés, de. ses aïeuls ou de l'un d'eux ; C d'un ou de plusieurs frères ou sœurs orphelins ;

« Sont assimilés aux orphelins, ceux dont le père et la mère, ou le survivant, sont invalides et complètement entretenus aux frais d'une caisse publique ; ceux dont le père et la mère, ou le survivant, subissent, par suite de condamnation, un emprisonnement qui doit encore avoir au moins trois mois de durée à partir du jour de la remise des miliciens ; ceux, enfin, dont le père et la mère, ou le survivant, ont disparu depuis plus d'un an de leur domicile ou de leur résidence, sans qu'on ait eu de leurs nouvelles. »

M. Muller, rapporteurµ. - Je tiens a redresser une des erreurs qui se sont glissées dans le cours de la discussion générale.

L'honorable M. Coomans, en attaquant le projet de loi, a cru qu'un frère ne pourrait pas, en fait, être le soutien indispensable de ses frères si ceux-ci n'étaient pas orphelins, alors qu'il leur serait nécessaire.

(page 981) Il y a, dans l'ordre d'idées où se tenait l'honorable M. Coomans, une erreur.

Le frère unique, soutien de ses frères ou de ses sœurs, sera exempté si les parents sont encore vivants et ont besoin de son travail pour subvenir à leurs charges de famille, et parmi ces charges doivent être comprises, sans contestation, celles qui résultent de la nourriture et de l'entretien d'enfants ne leur procurant pas de ressources. C'est à ce point de vue qu'on a toujours examiné la position des veuves ; c'est au même point de vue que seront désormais appréciées toutes les exemptions de pourvoyances, dont nous avons sensiblement élargi le cercle. On doit toujours tenir compte du nombre d'enfants en bas âge, de tous les membres de la famille incapables de travail, des vieux parents, du grand-père, de l'aïeule, etc. Il n'y a donc pas dans le projet la lacune qu'on a cru y découvrir.

C'est ce que je tenais à faire remarquer en réponse à une observation sans fondement.

M. le président ; - Quelqu'un demande-t-il encore la parole sur le n°4 ?

M. Mullerµ. - Il y aurait encore un amendement à présenter. (Interruption.)

II n'y a pas lieu de s'étonner des amendements de détail, la raison en est simple ; lorsque la section centrale a fait son rapport, elle n'avait aucune certitude que la remise du contingent à l'autorité militaire aurait lieu plusieurs mois avant la date de l'appel réel sous les drapeaux.

C'est sur ces questions accessoires que j'ai dû me concerter avec MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre.

Au second alinéa du n°4 il est dit : « dont le père, la mère ou le survivant subissent, par suite de condamnation, un emprisonnement qui doit encore avoir trois mois de durée à partir du jour de la remise, des miliciens » ; je propose de substituer à ces mots ceux-ci : « ... un emprisonnement dont le terme doit se prolonger après le 1er octobre de l'année courante... »

- Le paragraphe 4 ainsi amendé est mis aux voix est adopté.


« 5° Le père resté veuf avec un ou plusieurs enfants. »

- Adopté.


« 6° Celui dont le frère remplit un terme de huit années de service.

« En cas de deux frères appelés ensemble à faire partie d'une levée, et dont les numéros ont été atteints pour la formation du contingent, si la famille n'est tenue alors qu'à fournir un fils à l'armée, l'aîné définitivement désigné pour l'incorporation exempte son frère, comme s'il était déjà au service.

« Lorsque la priorité d'âge entre des frères jumeaux ne résulte pas des actes respectifs de naissance, elle est déterminée par la priorité d'inscription aux registres de l'état civil. »

M. Muller, rapporteurµ. - Je propose de remplacer le deuxième paragraphe de cet article, dont la rédaction est assez tourmentée, par le texte suivant :

« L'aîné des frères appelés ensemble à faire partie de levées et dont les numéros sont atteints pour la formation de contingents, exempte son frère comme s'il était au service, lorsqu'il est définitivement désigné et que la famille ne doit alors fournir qu'un fils à l'armée. »

Je propose en outre de supprimer (ce qui est inutile) l'épithète « respectifs » au paragraphe suivant et de dire : « Ne résulte pas des actes de naissance ».

M. Allard. - Et s'il y a trois jumeaux ?

M. Muller, rapporteurµ. - J'ai dit et écrit : L'aîné des frères.

M. Maghermanµ. - Le paragraphe 1 du n°6° me paraît conçu dans des termes trop absolus et contraires à l'esprit de l'article 26 qui permet d'appeler la moitié des fils d'une même famille. Sur quatre fils, par conséquent, l'Etat peut en réclamer deux.

Or, d'après les termes du paragraphe premier du n°6°, il pourrait arriver qu'un seul enfant, dans une famille même nombreuse, fût tenu de servir.

En effet, je suppose une famille composée de huit fils ; l'aîné est appelé au service et il est tenu de servir pendant huit ans. Les frères le suivent à des intervalles d'une année ; il pourraient donc invoquer tour à tour l'exemption du chef de leur frère aîné qui est sous les armes. Il en pourrait être ainsi, messieurs, si le paragraphe 1er du n°6° était pris dans son sens littéral.

Il est possible que l'amendement de l'honorable M. Muller pourvoie à cet inconvénient ; je n'en ai pas suffisamment saisi la portée pour pouvoir me prononcer à cet égard. Je désirerais donc que l'honorable rapporteur voulût bien nous donner une explication sur ce point.

M. Muller, rapporteurµ. - Je fais seulement remarquer qu'il y a un article qui règle l'ordre d'appel des fils d'une même famille, et c'est à cet article que se réfèrent les exemptions accordées pour service de frères, indépendamment de l'article 21ter. Il n'y aura donc aucune confusion, aucune incertitude à cet égard.

M. de Macarµ. - J'ai dû m'absenter de la Chambre au commencement de la séance, je n'ai donc pas entendu la discussion relative au 3ème de l'article 23. Je demanderai si le principe qu'il consacrait a été rejeté par le vote que la Chambre a émis.

M. Muller, rapporteurµ. - Non.

M. de Macarµ. - Dans ce cas, je ne vois pas de raison pour ne pas étendre ce principe au n° 6°* actuellement en discussion.

Il me semble que les motifs invoqués par la section centrale à l'appui du 3° peuvent aussi bien s'appliquer au 6°.

Quel est, en effet, le but de la section centrale ? C'est de diminuer autant que possible les charges qui pèsent sur les classes nécessiteuses en augmentant, dans une égale proportion, les charges des classes riches.

Il est évident que deux frères ayant de la fortune peuvent aussi bien payer leur rachat que le fils unique qui se trouve dans ce cas.

Le principe est exactement le même.

Le rapport de la section centrale démontre parfaitement que le traitement ne doit pas être le même pour toutes les conditions sociales, qu'il est équitable d'accorder l'exemption lorsqu'il y a gêne ou médiocrité da fortune, mais que le sentiment général n'accepte pas la même mesure appliquée à une famille riche.

Ces idées admises, je me demande pourquoi le principe ne serait pas étendu.

Il est évident que la pensée qui a dicté la décision de la section centrale est celle-ci : Les charges de la milice ne sont pas les mêmes pour les classes riches et les classes pauvres.

Pour les unes, c'est une question de superflu ; pour les autres, c'est une question de sentiments de famille, peut-être d'existence ; en tout cas, une part de bien-être enlevée là où le bien-être est déjà rigoureusement, parcimonieusement mesuré.

Si le principe est maintenu, il y a donc lieu de l'étendre au paragraphe que nous discutons en ce moment.

Si la Chambre en décidait ainsi, je crois qu'on pourrait l'appliquer aussi à quelques paragraphes précédemment votés.

La conséquence, rien que pour le paragraphe 6, serait considérable.

Je vois dans le relevé statistique de 1866 qu'il y a eu 1,143 exemptions définitives rien que de ce chef, et qu'il y en a eu 3,356 provisoires.

Il est évident qu'il y a dans ce nombre des miliciens auxquels on ne pourrait appliquer la mesure ; mais il en resterait assez se trouvant dans une position de fortune convenable pour que les charges qui pèsent sur les classes pauvres soient de ce fait déjà sensiblement allégées. Selon moi, c'est ce but que nous devons chercher à atteindre.

M. Allard. - Tout à l'heure j'ai fait une réflexion ; c'est celle-ci : si dans une famille il y avait trois jumeaux ?

Il ne m'a pas été répondu, et permettez-moi de vous exposer ce cas-ci. Il existe dans une famille un garçon ; il survient ensuite, dans cette même famille, trois jumeaux. (Interruption.) L'aîné des fils tire au sort et le sort lui est favorable.

Sur quatre fils, la loi en prend deux, et je demanderai, dans ce cas, lesquels de ces trois jumeaux doivent entrer au service militaire. (Interruption.)

MiPµ. - Je crois que le cas signalé par M. Allard est peu probable.

M. Allard. -Comment ! c'est peu probable ?

J'ai parlé d'un fils et dans la même famille surviendraient ensuite trois jumeaux.

MiPµ. - Voici le système de la loi. D'après la loi, les jumeaux ont entre eux un ordre de primogéniture.

La loi détermine l'ordre légal dans lequel ils sont nés. On peut procéder dans ce cas, comme si les quatre enfants n'étaient pas jumeaux et comme s'il s'agissait de quatre fils nés successivement. Voilà la solution.

M. Allard. - Ainsi pour les trois jumeaux c'est le premier et le troisième qui seraient appelés ?

MiPµ. - Maintenant, messieurs, je dois dire que, pour ma part, il y aurait lieu de faire droit à l'observation de M. Magherman.

Il est certain que le texte critiqué par l'honorable membre, lorsqu'on le lit isolément, laisse à désirer. Mais je doute cependant qu'il faille y toucher, parce qu'il y aurait peut-être plutôt lieu de modifier l'article 26 de manière que le doute signalé disparaisse complètement.

Je demanderai donc à la Chambre de voter en principe cette distinction que lorsque l'on discutera l'article 26, il sera permis de revenir sur la texte primitif si, après examen, on reconnaît qu'il doive être changé.

Pour répondre à M. de Macar, je pense que l'observation qu'il a (page 982) présentée a déjà été rejetée par la Chambre par le vote qui vient d'avoir lieu à l'égard de l'enfant unique.

La Chambre a repoussé dans les exemptions de famille, la discussion de l'aisance. Il n'y aurait évidemment pas de raison de l'appliquer a l'exemption du frère.

- Le 6°* est adopté.


« 7° Les condamnés pour délit correctionnel que l'article 28 n'exclut pas du service militaire, et dont la détention ne doit pas expirer dans les trente jours de l'incorporation, ainsi que les détenus dont la cause n'est pas jugée avant cette époque. »

MiPµ. - Messieurs, je propose h la Chambre de supprimer ce numéro. Il accorde une exemption aux condamnés pour délits correctionnels dont la détention ne doit pas expirer dans les trente jours de l'incorporation.

Je trouve extrêmement rigoureux de faire partir un autre milicien à la place du coupable qui subit sa peine : c'est faire peser la peine sur un innocent. Il n'y a aucune espèce d'inconvénient à ne pas prévoir spécialement ce cas.

Il est évident que celui qui est détenu en prison y restera jusqu'à l'expiration de sa peine et que M. le ministre de la justice ne le rendra pas, avant cela, à son collègue de la guerre.

Mais lorsque la peine aura pris fin, il n'y a rien qui empêche le milicien d'aller rejoindre son corps.

L'article 84 porte ce qui suit :

« Dans le cas de détention subie en vertu d'un jugement, la durée du service militaire sera prolongée d'un temps égal à celui qui aura été passé dans cet état. »

Il est donc évident qu'une fois la peine du détenu terminée, le terme de huit ans, que ce détenu doit accomplir, commencera. Dès lors, pas de raison de faire remplacer le détenu, à l'armée, par un autre milicien.

Je propose, donc l'abolition de ce numéro.

- Le n°7° est supprimé.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Schmitzµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le. bureau de la Chambre le rapport sur le projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du département de la justice.

- Ce rapport sera imprimé, distribué, et l'objet qu'il concerne mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre IV. Des exemptions des dispenses d’incorporation et des exclusions

Article 23

MpMµ. - M. Van Iseghem a demandé la parole sur le n°16° de l'article 23 du gouvernement.

M. Van Iseghem. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il maintient le paragraphe 16 de l'article 23, relatif à l'exemption des marins,

MiPµ. - Non.

M. Van Iseghem. - Comme M. le ministre de l'intérieur est d'accord avec la section centrale, il est inutile, pour moi, de présenter un amendement : je n'aurais aucune chance de le voir adopter.

Toutefois, je demanderai au gouvernement : 1° Si la loi aura un effet rétroactif, pourrait-on encore appeler sous les armes les marins au long cours qui avant la promulgation de la loi ont déjà tiré au sort, mais dont les classes ne sont pas encore congédiées ? 2° Que fera-t-on avec les marins qui auront tiré un mauvais numéro, qui se trouvent en cours de voyage ? Quand leur classe sera appelée pour la première fois sous les drapeaux, auront-ils des difficultés ? 3° Après la promulgation de la loi, les marins qui auront fait leur premier terme de 2 ans, pourront-ils après continuer à naviguer et que fera-t-on avec ceux en cours de voyage, quand les miliciens de leur classe seront appelés à servir un mois, pendant trois ans ? Seront-ils considérés, dans ce cas, comme réfractaires ?

Voilà les trois questions que je crois devoir soumettre à M. le ministre de l'intérieur.

Je voudrais encore dire un mot du rapport de la section centrale.

A la page 81, l'honorable rapporteur dit : . « I| résulte des chiffres officiels et de renseignements que nous avons lieu de croire exacts, qu'une partie des administrations communales du littoral et notamment celle d'Ostende, ont renoncé à l'application directe du littera hh de l'article 94 de la loi de 1817. »

Je puis assurer à l'honorable rapporteur que les renseignements qu'il a obtenus ne sont pas exacts.

L'article 94, littera hh, de la loi du 8 janvier 1817, a été suspendu de 1831 à 1839, parce que la Belgique était alors en guerre avec la Hollande. Mais à partir de 1840, cet article a toujours été appliqué aux marins au long cours qui se trouvent dans les conditions voulues et conséquemment ceux-ci n'ont jamais été déduits du contingent à fournir par la commune.

M. Muller, rapporteurµ. - Je ne mets pas d'amour-propre à défendre les faits énoncés dans le rapport. Mais ils sont parfaitement exacts ; ils résultent de documents puisés dans les archives du gouvernement provincial de Bruges. Et vous allez voir combien notre assertion s'est vérifiée.

Voici le système qui était appliqué.

La loi actuelle accordait l'exemption aux marins qui se trouvaient dans telles conditions déterminées ; mais des réclamations s'élevèrent du chef de l'abus de ces exemptions, qui nécessitaient l'incorporation forcée d'autres miliciens ; le nombre en fut successivement restreint, et elles furent généralement remplacées par des congés illimités, des détachements sur les contrôles et des incorporations fictives. Cela résulte des chiffres officiels cités dans le rapport. Le nombre des exemptions qui était de 97 en 1857, tombe à 30 en 1865.

Je ne blâme pas les administrations d'avoir agi dans l'intérêt des marins, d'une part, et dans l'intérêt des autres miliciens, de l'autre. On enlevait simplement à l'armée les individus qui, n'ayant pas droit à être exemptés, étaient détachés des contrôles.

Mais si l'on accordait cette faveur aux marins, il aurait été juste d'agir de même pour d'autres professions qui exigent aussi des voyages et des séjours hors du pays, et qui sont exercées par des hommes appartenant aux conditions sociales les plus humbles.

A l'une des questions qui ont été faites par l'honorable M. Van Iseghem relativement aux effets transitoires de la loi, il est répondu par le dernier article du projet. Celui qui aura obtenu une exemption comme marin avant la nouvelle loi continuera à l'obtenir dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, puisqu'il est dit, dans les dispositions transitoires, que les exemptions continueront à être appliquées d'après le régime sous lequel elles ont été accordées.

Quant aux dispenses qui sont actuellement concédées par faveur, la loi n'a pas à s'occuper d'en régler les conséquences, attendu qu'elles ne sont fondées sur aucun texte législatif, et qu'il n'y a là aucun droit acquis.

M. Van Iseghem. - L'honorable rapporteur a répondu à la première de mes questions ; j'attends une réponse aux deux autres.

Je demande 1° ce qu'on fera des marins qui auront été compris dans la levée et qui se trouvent en cours de voyage quand leur classe est, pour une première fois, appelée sous les armes ?

2° Ce qu'on fera des marins .qui, après avoir servi pendant deux ans, seront partis pour un pays étranger et qui après sont appelés de nouveau pour servir un mois ?

Voilà deux questions que j'ai posées.

Maintenant, je dois répondre encore un mot à l'honorable M. Muller. Il y a deux catégories de marins : les marins qui ont navigué au long cours pendant deux ans avant leur inscription sont exempts en vertu de l'article 94, littera hh.

Ils ne demandent aucune faveur au gouvernement : la loi est pour eux, et ils ne comptent pas pour le contingent ; la commune doit fournir un autre homme à leur place.

Pour les autres marins, ceux qui naviguent au cabotage et à la pêche, depuis 1840 le ministre de la guerre leur a toujours accordé l'autorisation de continuer à naviguer après leur incorporation. Il a eu parfaitement raison. Personne n'était appelé à leur place, l'armée perdait seulement quelques hommes. Le chiffre des marins au long cours exempts par l'article 94 littera hh pendant les six dernières années s'élève en tout à 22 pour la ville d'Ostende ; cette réduction provient de la décadence de notre marine marchande.

MiPµ. - Messieurs, il a paru juste à la section centrale et au gouvernement de supprimer l'exemption dont jouissaient les marins. Quelque intérêt que l'on porte à la marine, on doit reconnaître que cette industrie doit être traitée comme toutes les autres industries et que l'individu qui gagne sa vie à naviguer doit être traité comme celui qui gagne sa vie à travailler dans un charbonnage.

L'honorable membre n'a pas à se plaindre de l'application de ce principe, car si l'on exemptait à Ostende un marin, on faisait partir un autre Ostendais à sa place.

L'honorable membre demande ce qu'on doit faire si le marin est absent au moment du tirage ; on fera ce qu'on fait pour tous les autres individus qui doivent tirer au sort. C'est au milicien à prendre ses précautions pour être à même de satisfaire à la loi ; s'il ne le fait pas, il est réfractaire.

L'honorable membre demande si le marin qui est en voyage devra revenir, en cas de rappel, sous les armes après le service ordinaire.

(page 983) Si la question est posée en droit, je dirai : Oui, il doit revenir ; mais si elle est posée en fait, je ferai remarquer qu'il peut y avoir des ménagements. Je suis persuadé que s'il faut faire revenir pour huit jours un homme qui doit faire un voyage d'un an, on lui accordera un congé, sauf à lui faire faire son temps à son retour.


M. Couvreurµ. - Je désire adresser une question à l'honorable ministre de l'intérieur. La Chambre vient de supprimer le paragraphe 7 de l'article en discussion. Bien que le paragraphe 4 soit voté, je demanderai si le principe de la suppression de l'article 7, qui est de faire marcher les condamnés qui ne sont pas exclus du service militaire, si ce principe doit recevoir son application quant à celui dont le père ou la mère sont incarcérés.

S'il n'est pas juste de faire marcher un milicien parce qu'il a été condamné à une détention qui ne doit pas expirer dans les trent jours de l'incorporation, il ne me semble pas juste non plus de faire marcher un milicien parce que le père ou la mère d'un autre milicien se trouvent momentanément en prison.

Ce principe pourrait entraîner de graves conséquences. Certaines personnes pourraient pousser le dévouement jusqu'à se faire emprisonner pour exempter provisoirement leur enfant.

Hier, la Chambre n'a pas voulu exempter l'enfant naturel parce qu'une faute a été commise par la mère.

Il me semble que quand la faute a été commise par le père et la mère, cette faute ne peut être invoquée en faveur de l'enfant.

Je demanderai donc à l'honorable ministre de l'intérieur s'il ne jugerait pas à propos de supprimer cette disposition dans l'article 23.

M. le président. - Je dois faire observer à l'honorable membre que cela a été adopté.

M. Couvreurµ. - Oui, M. le président, mais il y a eu un amendement à l'article et il faudra y revenir au second vote.

MiPµ. - Je ne crois pas que la suppression que demande l'honorable M. Couvreur soit une conséquence nécessaire de la suppression du 7°.

En effet, dans le 7° on se trouve en présence de l'exemption du détenu même, que l'armée peut reprendre après sa détention, tandis que dans le 4° il y a lieu de pourvoir à la subsistance des orphelins qui ne peuvent attendre.

Mais je pense qu'il serait effectivement rigoureux d'imposer à une personne déterminée la charge de l'entretien de ces orphelins et de faire marcher, dans ce but, un autre milicien. La commune devrait intervenir en cette occasion.

Je fais cette observation pour faire ressortir qu'il n'y a pas de connexité entre les deux dispositions, mais cela posé je reconnais qu'il y a de fortes raisons de supprimer aussi le 4°.

Article 23bis

M. le président. - Nous passons à l'article 23bis ainsi conçu :

« Art. 23bis. Seront dispensés de l'incorporation, mais réputés au service, quant à la formation du contingent :

« Définitivement, les ministres des cultes ;

« Provisoirement, et sous la réserve apportée à l'application du n°3° de l'article précédent :

« 1° Ceux qui, après leurs études moyennes, se destinent au saint ministère dans l'un des cultes professés en Belgique et qui prouvent qu'ils sont élèves en théologie. Sont assimilés à ces derniers, les étudiants en philosophie qui se vouent à l'état ecclésiastique, tant qu'ils n'ont pas accompli leur vingtième année ;

« 2° Ceux qui se préparent à l'enseignement primaire ou moyen du degré inférieur, dans les écoles normales de l'Etat, ou à l'enseignement primaire, dans les établissements agréés par le gouvernement ;

« 53 Les élèves sortis de ces institutions munis d'un diplôme de capacité, lorsqu'ils sont attachés à un établissement public soumis à la direction ou à l'inspection de l'Etat. A partir de la délivrance du diplôme, un délai de deux ans est accordé pour remplir cette condition.

« Les dispenses provisoires sont annuelles. Les conseils de milice les prolongent, s'il y a lieu, jusqu'à ce que ceux qui les ont obtenues aient eu 27 ans accomplis dans le cours de l'année précédente. Si la dispense est retirée, celui qui en avait joui est, dès lors, assujetti au service militaire pour un terme de milice, sans que son incorporation ait pour effet de réduire le chiffre du contingent.

« Lorsque celui qui a droit à la dispense peut également faire valoir une cause d'exemption fondée sur la composition de la famille ou sur une inaptitude physique dont la constatation n'exige pas de visite corporelle, l'exemption sera prononcée, même d'office, en même temps que la dispense. Celui qui les aura obtenues ne sera, en aucun cas, compté en déduction du contingent. »

C'est à propos de cet article que la proposition suivante a été faite.

« Les soussignés proposent la suppression des n°1, 2 et 3 de l'article 23bis.

« (Signé) L. De Fré, Aug. Couvreur, Ad. Le Hardy de Beaulieu, G. Hagemans, H. Bricoult, N. Elias, Watteeu, E. Preud'homme, Alfred Dethuin. »

Je crois qu'il y a lieu de mettre séparément en discussion chacun des numéros de l'article.

M. De Fréµ. - Le service militaire étant une charge nationale que tout le monde doit supporter, il faut admettre le moins d'exemptions possible.

La proposition que nous vous avons soumise a pour but de supprimer les n°1, 2 et 3 de. l'article 23bis.

Je vais établir devant la Chambre, pour justifier notre proposition, que sous notre régime constitutionnel, sous le régime de la séparation des pouvoirs, les ministres des cultes ne peuvent pas jouir du privilège de l'exemption du service militaire.

Pas plus que d'autres citoyens ils ne doivent fournir un service personnel ; mais ils ne peuvent pas être exemptés de fournir leur part de charge. Ce privilèges est interdit par la Constitution.

Cependant les auteurs de la proposition ne proposent pas à la Chambre cette réforme radicale. Mais s'il est démontré que, même sous l'empire de la Constitution, les ministres des cultes ne peuvent pas jouir de l'exemption du service militaire, à plus forte raison les élèves en théologie ne peuvent jouir de privilèges.

J'ai parfois pris la parole dans cette Chambre pour indiquer les contradictions qui existent entre notre régime politique et quelques-unes de nos lois organiques ; j'ai souvent parlé de la nécessité d'établir cette harmonie, et il n'y a pas bien longtemps, à propos du décret de messidor relatif à l'intervention de la force armée dans les cérémonies d'un culte déterminé, j'ai cherché à établir que cette disposition, produit d'un autre régime, était contraire au régime actuel.

Aujourd'hui je viens signaler une contradiction qui existe entre notre régime politique et les exemptions qui sont indiquées à l'article 23bis du projet que nous discutons en ce moment.

L'article 91 de la loi de 1817 exemptait définitivement du service militaire les ministres des différentes religions et l'article 94 accordait une exemption pour un an aux élèves en théologie.

Le projet de loi que nous discutons reproduit pour les uns cette exemption définitive et pour les autres, cette exemption temporaire avec une modification que j'indiquerai.

On dirait vraiment qu'il n'y a pas eu de révolution de 1830, on dirait qu'il n'y a pas eu de Congrès national, on dirait que de l'œuvre du Congrès il n'est pas sorti un régime politique nouveau et que nous sommes encore sous le régime politique du roi Guillaume. Ces dispositions de la loi de 1817 que je viens de citer s'harmonisent parfaitement bien avec le régime politique du roi Guillaume, alors que n'existait pas la séparation des pouvoirs qui existe aujourd'hui, lorsqu'il n'y avait que les religions du concordat, protégées contré toutes les autres religions, mais en même temps asservies au pouvoir.

Car c'est ce qui arrive partout ; c'est ce qui est arrivé dans tous les temps et dans tous les pays ; là où le pouvoir protège un culte et lui donne des privilèges, il l'opprime en même temps. Il s'en sert comme d'un instrument despotique. Eh bien, messieurs, quand ce grand mouvement de 1830 a éclaté, quel fut le cri qui est sorti de Ions les cœurs ? Plus de privilège, plus de cette protection du pouvoir, qui humilie le culte, qui humilie la religion ; mais la liberté, l'égalité !

Il ne s'agit pas, et c'est ce que tous les hommes vraiment religieux disaient à cette époque, il ne s'agit pas d'appuyer le culte sur le pouvoir, mais de l'asseoir sur la liberté.

Devant une assemblée comme celle devant laquelle j'ai l'honneur de parler, devant une assemblée qui connaît toutes les discussions du Congrès et l'esprit qui a présidé à ces discussions, je n'ai pas besoin de rappeler tout ce qui a été dit en faveur de la séparation de l'Etat et de l'Eglise. Mais je demande seulement la permission de vous lire, à l'appui de la loi que nous discutons, quelques lignes des discours prononcés par certains des membres les plus illustres de cette grande assemblée.

M. de Robaulx disait :

« Les catholiques ne veulent pas être protégés, parce que protection implique surveillance et gêne. Une religion n'est autre chose qu'une association qui adopte une doctrine plutôt qu'une autre. »

Que fait le projet de loi ? Le projet de loi protège et c'est ce que le Congrès national n'a pas voulu.

(page 984) Et dans cette discussion relative à la séparation des pouvoirs, la liberté sans privilège, sans protection, a été définie par l'honorable M. J.-B. Nothomb dans les termes suivants :

« ... Il y a deux mondes en présence : le monde civil et le monde religieux, ils coexistent sans se confondre ; ils ne se touchent par aucun point, et on s'est efforcé de les faire coïncider. La loi civile et la loi religieuse sont distinctes : l'une ne domine pas l'autre ; chacune a son domaine, sa sphère d'action.

« M. Dcfacqz a franchement déclaré qu'il veut que la loi civile exerce la suprématie ; il pose nettement le principe qui lui sert de point de départ. Nous adoptons un principe tout opposé : nous dénions toute suprématie à la loi civile, nous voulons qu'elle se déclare incompétente dans les affaires religieuses. Il n'y a pas plus de rapport entre l'Etat et la religion, qu'entre l'Etat et la géométrie. Comme partisans de l'une ou de l'autre opinion religieuse, vous êtes hors des atteintes de la loi ; elle vous laisse l'existence absolue de la nature.

« MM. Dcfacqz et Forgeur ont cité des lois, des autorités qui appartiennent à un système que nous repoussons. C'est le régime de Louis XIV, le régime de Bonaparte. Ne relevons pas un système qui gît dans la poudre du passé.

« Voici donc notre point de départ ; séparation absolue de deux pouvoirs. Ce système est une innovation. Nous l'avouons. Il exige une indépendance réciproque ; l'article de la section centrale n'exprime pas cette réciprocité, et c'est en ce sens que je demanderai une rédaction plus complète. »

Je vous citerai seulement un passage, qui résumait, pour ainsi dire, toute la question : « Le prêtre est un citoyen et rien de plus. » (M. Verbeke.)

C'était là la pensée des membres du Congrès : liberté pour le prêtre comme pour tous les citoyens, plus de privilèges.

Eh bien, s'il est citoyen, il doit avoir les charges du citoyen. S'il jouit de la liberté du citoyen, comme le premier devoir du citoyen est de défendre le pays, le prêtre, comme citoyen, doit porter sa part des charges militaires.

Remarquez bien que je ne veux pas que le prêtre soit soldat, mais vous ne pouvez pas, sous le régime politique sous lequel nous vivons, l'exempter de ce service, à titre de privilège, le dispenser de fournir sa part, comme tout citoyen, dans la charge générale, soit personnellement, soit en se faisant remplacer.

Je vais vous démontrer de plus près que tous les avantages dont le clergé jouissait avant 1830 à titre de privilège, ont été écartés par le vote de l'article 117.

D'après le système qui a été adopté en 1830, il n'y a rien de commun entre l'Etat et l'Eglise. Plus d'intervention de l'Etat ; voilà la règle. (Articles 14, 15 et 16 de la Constitution.)

L'Etat n'intervient dans les affaires des cultes que lorsqu'il s'agit de payer, car les traitements ont été maintenus par la Constitution. Voilà l'exception.

Et ici, messieurs, je vais vous faire voir que dans le projet de la section centrale du Congrès on voulait plus que les traitements du clergé. On voulait le faire jouir encore de tous les avantages dont il jouissait sous l'ancien régime.

Voici, messieurs, quel était l'article proposé par la section centrale :

« Les traitements, pensions et autres avantages de quelque nature que ce soit dont jouissent actuellement les différents cultes et leurs ministres, leur sont garantis. »

Voilà le projet tel qu'il est sorti du travail de la section centrale.

Il n'y avait pas seulement le traitement, mais on voulait encore faire jouir les ministres des cultes de tous les avantages dont ils avaient joui précédemment.

Et quelle a été la disposition telle qu'elle a été adoptée par le Congrès ?

« Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l'Etat. Les sommes nécessaires pour y faire face seront annuellement portées au budget. »

Ainsi donc, messieurs, on voulait encore accorder au clergé, à côté du traitement qui lui garantissait son existence en même temps que son indépendance, on voulait, dis-je, lui garantir le bénéfice des privilèges dont il jouissait sous l'ancien régime, renversé par la révolution et par le Congrès.

Le Congrès n'a donc pas voulu de ces lois de privilège et il a rejeté la proposition de la section centrale, qui voulait, avec la liberté nouvelle, donner en plus au clergé la position privilégiée d'autrefois.

Le Congrès national a dit : C'est assez de la liberté.

Le clergé a lutté en France et en Belgique pour conquérir cette liberté. En 1830, tous les droits pour lesquels il avait lutté avec tant d'énergie et tant de talent, il les a conquis et il a dit : Cela me suffit. Je ne veux plus de protection, car la protection conduit à la servitude. Mais, à côté de cette liberté, on avait essayé de maintenir des privilèges. Le Congrès n'en a pas voulu.

Aussi je demande à la Chambre si, en présence de ce régime politique nouveau et en présence de la modification qu'a subie l'article 117 de la Constitution, l'ancien privilège, en matière de milice, n'a pas été aboli ?

Cependant les honorables membres qui ont fait la proposition ont cru que ne pas abolir dans le projet de loi cet ancien privilège, c'était peut-être une mesure si radicale et que la majorité de la Chambre n'accepterait pas comme une conséquence trop logique de la Constitution.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. De Fréµ. - Nous avons pensé que si la Chambre adoptait la suppression d'un privilège, le Sénat conservateur ne l'aurait pas suivie et que le Sénat n'aurait peut-être pas adopté cette suppression.

Voilà les raisons pour lesquelles nous n'avons pas proposé cette suppression radicale.

Je ne parle pas des accusations dont d'honorables membres nous auraient accablés. Ainsi hier nous avons été accusés de vouloir porter atteinte à la famille, parce que nous voulions inscrire dans la loi une exemption en faveur du fils naturel ; nous pourrions aujourd'hui être accusés d'attaquer la religion.

Maintenant s'il est vrai que sous le régime politique actuel le privilège en faveur du ministre des cultes est incompatible avec le principe de la séparation des pouvoirs, avec le principe de la liberté et de l'égalité qui a été établi en 1830, nous sommes bien fondés, je crois, à demander de. faire cesser le privilège pour les élèves en théologie.

Il n'y a, messieurs, aucune raison pour exempter les élèves en théologie. Vous n'exemptez pas l'élève en médecine, et il est, comme on le dit à côté de moi, le médecin du corps ; l'autre vous l'exemptez ; vous créez en sa faveur un privilège. Et pourquoi ? Est-ce que vous êtes chargés de pourvoir à la nomination des prêtres ? Est-ce que le gouvernement a le droit de s'en occuper ? Je comprends que sous le régime du concordat, lorsque l'autorité civile intervenait dans les nominations, qu'elle exerçait une surveillance et une police sur les ministres des cultes, elle leur accordât un privilège. Mais nous vivons sous un tout autre régime, et si, sous notre régime de liberté, vous créez des exemptions en faveur des théologiens, il est impossible que vous n'en créiez pas en faveur des élèves en médecine.

Je demande qu'on me cite un texte de loi, qu'on me cite une raison sociale qui justifie un pareil privilège.

Je comprends qu'au commencement du règne du roi Guillaume, lorsque la Révolution avait décimé partout le clergé et lorsque des temples s'élevaient de tous côtés, il fallut pourvoir aux besoins du personnel. Mais aujourd'hui il n'en est plus ainsi. Il ne faut pas oublier que chaque fois que vous créez un privilégié, vous frappez un autre citoyen.

Messieurs, s'il faut admettre, en vertu des principes que je viens de développer, que les théologiens ne peuvent pas jouir de privilège, il faut aussi admettre que les élèves des écoles normales n'en jouiront pas non plus. Il faut mettre les uns et les autres sur la même ligne.

Il peut y avoir une objection sérieuse à produire contre la suppression du n°3 de l'article 23bis, qui concerne les instituteurs. L'Etat doit pourvoir à l'enseignement primaire. Donner l'enseignement est un devoir social, et par conséquent l'Etat doit protéger ses instituteurs pour apprendre au peuple à lire les lois qui peuvent le frapper. Voilà l'objection.

Mais tous les autres fonctionnaires de l'Etat sont absolument dans la même position que tous les autres citoyens.

Ainsi, il peut y avoir des substituts, des juges dont le temps de service n'est pas encore expiré, qui n'ont pas encore obtenu leur congé. S'ils sont rappelés, que devront-ils faire ? Ils devront mettre un remplaçant.

Dans tous les cas, l'on pourrait, si la Chambre, le désire, voter par division sur les n°1, 2 et 3.

Pour me résumer, j'engage la Chambre à se rapprocher le plus possible, dans la confection des lois, des principes de la Constitution qui doivent toujours la guider.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis pas laisser sans réponse les (page 985) paroles prononcées par l’honorable M. De Fré. Il s'agit d'une question de la plus haute gravité pour tous les gouvernements, qu'ils soient constitutionnels ou qu'ils ne le soient pas. Au point de vue politique, il est incontestable que l'existence des cultes est l'une des plus grandes nécessités d'un Etat et cette nécessité est d'autant plus grande aujourd'hui, que nous voyons dans beaucoup de pays, et même en Belgique, les mauvaises passions chercher à se faire jour et à faire naître le désordre, les perturbations et les bouleversements. Si donc cette question a été, de tout temps, l'une des plus graves pour la société, elle l'est surtout aujourd'hui en présence de ce qui se passe sous nos yeux.

L'honorable membre qui vient de se rasseoir propose la suppression de l'exemption des élèves en théologie appartenant aux divers cultes existant en Belgique. Il la propose au nom de ce qu'il appelle les principes de 1830, de la Constitution, de la suppression des privilèges.

Je dis, messieurs, que si l'honorable membre est conséquent avec les principes qu'il a posés, il ne doit pas s'arrêter la ; il doit demander la suppression de l'exemption de tous les ministres des cultes et faire des soldats de tout le monde.

Il doit aller plus loin, en vertu de son principe du non privilège, il doit faire servir dans l'armée tout les hommes petits ou grands, droits ou bancroches, il doit faire servir celui qui pourvoit à la subsistance de sa famille, car suivant son système ce sont là autant de privilégiés.

On dirait, dit l'honorable membre, qu'il n'y a pas eu de révolution de 1830, qu'il n'y a pas de Constitution.

L'honorable membre dit là une vérité plus grande qu'il ne pense.

Oui, on dirait qu'il n'y a pas eu de révolution de 1830, on dirait qu'il n'y a pas eu de Constitution, quand on entend professer les doctrines que vous venez d'entendre, des doctrines qui sont l'antithèse la plus complète des principes de la révolution de 1830.

Fournissez-moi, dit-il, un texte qui vienne à l'appui de la thèse que vous soutenez.

Mais ce texte existe.

Voyez la loi sur la garde civique votée par le Congrès, le 31 décembre 1830 ; cette loi contient les mêmes exemptions que la loi que nous discutons en ce moment.

Elle exempte par son article 5, du service de la garde civique, les ministres des cultes et les étudiants en théologie.

On vient, messieurs, nous faire des théories creuses sur ce qu'on appelle la séparation des pouvoirs.

Certainement le Congrès, en 1830, a organisé cette séparation, et il a bien fait, car cette séparation c'est l'émancipation de l'Eglise, c'est l'émancipation des croyants, c'est l'homme moral et religieux soustrait au pouvoir oppresseur. Mais le Congrès a-t-il entendu par cette séparation créer une guerre impie entre le gouvernement et les cultes ? a-t-il voulu faire de l'Etat l'ennemi de l'Eglise, et de l'Eglise l'ennemi de l'Etat ? S'il l'avait voulu, il aurait voulu la perte de la patrie.

Si un congrès constituant, dans un pays quelconque, entendait la séparation comme l'entend l'honorable M. De Fré, il travaillerait ipso facto à la destruction du pays lui-même.

Mais ce n'est pas là ce que le Congrès national a voulu.

La séparation pour vous c'est la séparation civile, le divorce des époux ennemis qui sont incapables de vivre ensemble. C'est le résultat de l'antipathie, de la haine peut-être.

La séparation comme le Congrès l'a voulue, c'est la séparation amicale, dans laquelle l'Etat et l'Eglise vivent côte à côte dans laquelle l'Eglise est pour l'Etat une force, un soutien. C'est la séparation politique que le Congrès a voulue et non point la séparation juridique que vous défendez.

C'est donc par suite de la confusion des idées que vous imaginez ces définitions absurdes de la pensée du Congrès qui, après 38 ans, viennent donner aux actes du Congrès une couleur diamétralement opposée à ce que cette assemblée a voulu et qui en sont l'antithèse.

L'honorable membre vient vous dire que sous le régime de la séparation, les ministres des cultes ne peuvent pas être exemptés du service militaire, mais je viens de vous prouver que le Congrès a lui-même exempté les ministres des cultes et les élèves en théologie. Le Congrès, par l'article 5 de la loi du 31 décembre 1830, a décidé que les élèves en théologie seraient exemptés du service de la garde civique.

D'ailleurs peut-il en être autrement ? Il n'y a pas de ministres des cultes à 19 ans ; si vous supprimez l'exemption pour les élèves en théologie, pour les élèves des séminaires et j'entends ici non seulement les séminaires catholiques, mais ceux de tous les cultes, mais vous tarissez la source du sacerdoce ; vous supprimez ipso facto le sacerdoce en Belgique, i Eh bien voilà ce que le Congrès n'a pas voulu et ce qu'aucun homme sensé ne voudra jamais.

Est-ce que l'exemption des ministres des cultes et des élèves en théologie constitue un privilège ? Nullement ; pourquoi exemptez-vous l'enfant qui est le seul soutien de son père ? Parce que vous reconnaissez là un grand besoin social ; eh bien, la loi a eu la sagesse de tenir compte des besoins sociaux en exemptant les ministres des cultes. Est-il un besoin social plus considérable que celui des ministres des cultes ? Oui, il semble que 1830 n'ait jamais existé, que la Constitution n'ait jamais été faite, quand on entend parler M. De Fré.

Je vous remercie de m'avoir permis de protester contre les paroles de M. De Fré ; je n'en dirai pas davantage pour le moment, mais si la discussion continuait, je vous demanderais à pouvoir reprendre la parole.

- Voix nombreuses. - A demain !

- La séance est levée à 5 heures.