(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Crombez, deuxième vice-présidentµ.)
(page 787) M. Dethuin, secrétaireµ, fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Edouard-Henri-Guillaume-Alexandre Ban, rentier à Bruxelles, né à Varsovie, demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Coque se plaint du mauvais état dans lequel se trouve parfois l'enduit gommeux des timbres-poste d'un centime. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Par deux pétitions, des négociants de communes non dénommées présentent des observations relatives au projet de loi sur les protêts. »
« Mêmes observations d'huissiers à Audenarde, à Arlon. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les membres des conseils communaux et des propriétaires d'Heyst-op-den-Berg, Iteghem, Boisschot, Hulshout, West-Meerbeek, Oosterwyck, prient la Chambre de voter les crédits nécessaires pour la construction de ponts à barrages sur la Nèthe. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Des électeurs à Louveigné demandent qu'un deuxième conseiller provincial soit attribué à Louveigné. »
- Renvoi a la commission des pétitions.
« Les sieurs de Man et Spillemaeckers font connaître le motif qui les a empêchés de donner suite a la proposition qu'ils avaient faite au gouvernement pour établir une ligne de bateaux-poste à vapeur entre Anvers et la Plata. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Par message du 23 avril, le Sénat fait connaître a la Chambre qu'il a adopté les projets de loi :
« 1° contenant le budget du ministère de la guerre pour l'exercice 1869 ;
« 2° approuvant l'article additionnel au 20 décembre 1868, au traité du 17 juillet 1858, entre la Belgique et les Etats-Unis, concernant la propriété des marques de fabrique. »
- Pris pour notification.
« Par message du 25 avril, le Sénat informe la Chambre qu'il a passé à l'ordre du jour sur la demande de naturalisation du sieur Jean Giebels, étant d'avis que le pétitionnaire possède la qualité de Belge. »
- Pris pour notification.
« M. Lemaire fait hommage à la Chambre de deux exemplaires des conclusions prises et des plaidoiries et jugements intervenus dans le procès de presse qui lui a été intenté par le sieur A.-J. Hap, bourgmestre, à Ixelles. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Petry transmet à la Chambre la note, communiquée à l'Académie royale de médecine sur le cowpox spontané ou vaccin originel qu'il a découvert à Esneux en juillet 1868 sur plusieurs vaches de cette commune. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Jonet, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Beeckman, retenu à Diest par un deuil de famille, MM. Hagemans et Vilain XIIII, retenus chez eux par une indisposition, demandent un congé de quelques jours. »
- Ces congés sont accordés.
M. Bara. - Messieurs, d'après les ordres du Roi et en l'absence de mon honorable collègue M. le ministre des finances, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi ouvrant au département des travaux publics un crédit de 6,500,000 francs à valoir sur le budget de 1869.
Ce crédit est nécessaire pour le cas où le Sénat viendrait à se séparer avant le vote du budget des travaux publics. Si ce budget était voté avant la séparation du Sénat, le crédit serait inutile.
Je propose à la Chambre de renvoyer le projet à la section centrale du budget des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, dans le courant de l'année dernière, l'honorable ministre des travaux publics a fait adresser aux chefs de certains établissements industriels des questions relatives à la condition des ouvriers et aux améliorations à y apporter ; je suppose qu'à l'heure qu'il est les réponses à ces questions doivent être parvenues au département des travaux publics.
Je demande à M. le ministre s'il pense qu'il y aurait quelque inconvénient à communiquer ces réponses a la Chambre ?
MtpJµ. - Messieurs, j'ai reçu la plupart des rapports des officiers des mines sur l'enquête que j'avais prescrite, au mois de novembre 1868. Je compte, aussitôt que la session sera terminée, m'occuper de coordonner ces rapports et en faire un travail d'ensemble. Non seulement je compte mettre ce travail sous les yeux des membres de la Chambre, mais mon intention est d'y donner la plus grande publicité possible. En prescrivant cette enquête, j'ai eu deux buts : le premier de réunir des documents statistiques propres a aider la solution de questions importantes soulevées dans ces derniers temps au sein du parlement ; j'ai tenu ensuite à mettre en lumière ce qu'un grand nombre d'industriels ont créé d'institutions utiles au bien-être moral et matériel de leurs ouvriers.
Le grand avantage de cette publication sera de montrer à quels résultats heureux on peut arriver à l'aide de sacrifices souvent minimes, et de généraliser, je l'espère, toutes les mesures dont une expérience intelligente aura démontré la valeur.
(page 788) MtpJµ. - Messieurs, M. l'administrateur délègue de la société des chemins de fer des Bassins Houillers du Hainaut a publié dans plusieurs journaux une lettre à propos des indications que j'ai données à l'honorable M. Hagemans au sujet des travaux du chemin de fer de Frameries à Chimay et de ses extensions.
Je comptais déposer sur le bureau tout le dossier de cette affaire ; mais je crois pouvoir me borner à mettre sous les yeux de la Chambre les trois dernières lettres échangées entre la compagnie et mon département.
Voici, messieurs, la lettre que j'ai adressée à la compagnie le 26 février dernier ;
« Messieurs,
« Par lettre du 19 décembre dernier, n°2938/64, j'ai eu l'honneur de vous faire connaître que vous pouviez considérer comme approuvé le tracé des parties du chemin de fer de Frameries à Chimay comprises entre Hautes-Wiheries et Thirimont, et entre Strée et la ligne de Charleroi à Erquelinnes.
« Quant aux parties non approuvées, je vous ai priés de me soumettre des projets nouveaux.
« Je vous invite, messieurs, à hâter l'envoi de ces projets.
« De nombreuses pétitions, adressées tant aux Chambres législatives qu'a mon département, demandent avec les plus vives instances l'achèvement du chemin de fer de Frameries à Chimay et de son embranchement vers Beaumont, et je dois m'attendre à des interpellations à cet égard lors de la prochaine discussion du budget des travaux publics ; il importe donc, messieurs, que vous me mettiez à même de fournir la preuve que la prompte exécution des travaux est assurée.
« Le ministre des travaux publics.
« Signé : A. Jamar. »
Vous supposez, messieurs, que j'ai reçu en réponse, à cette lettre si explicite et si précise des protestations analogues à celles que vous avez pu lire dans les journaux ces jours derniers. Jugez-en vous-mêmes, messieurs. Voici la réponse, en date du 3 mars, de la compagnie des Bassins Houillers.
« Monsieur le ministre,
« Nous avons l'honneur de vous faire connaître, en réponse a votre, dépêche en date du 26 février dernier, n° 2938/64 de sortie n° 4752, que depuis plus de deux mois nous avons des agents qui s'occupent activement des études définitives de la section de Beaumont à Chimay, études qui sont longues par suite des difficultés que le terrain présente. Nous comptons cependant en soumettre les projets à votre approbation pendant la seconde quinzaine du mois d'avril au plus tard.
« Les difficultés du terrain sont les plus grandes autour de Beaumont, et elles subordonnent complètement l'emplacement de la station de cette ville au tracé de la section de Beaumont à Chimay.
« Afin de vous mettre à même de statuer définitivement à cet égard, nous ne soumettrons, M. le ministre, à votre approbation la partie non approuvée de l'embranchement de Thuin à Beaumont qu'en même temps que le tracé de la section précitée, et nous croyons par conséquent inutile jusque-là de vous présenter aucune observation, quant au tracé, que vous nous avez invités d'étudier par votre dépêche du 19 décembre dernier, n° 2938/04.
« Nous vous soumettrons aussi alors nos observations quant au tracé de la partie du chemin de fer de Frameries à Chimay, comprise entre la ligne du Centre et Beaumont.
« Veuillez agréer, etc.
« Pour l'administrateur délégué :
« Le secrétaire, signé : Wilmart. »
Ainsi, on étudie en ce moment les plans définitifs de la ligne de Beaumont à Chimay qui, aux termes du cahier des charges, devrait être actuellement en exploitation.
Il reste enfin, messieurs, une lettre adressée à la compagnie, le 15 avril, mais comme elle est assez longue, je me bornerai à l'insérer aux Annales parlementaires. Elle est beaucoup plus nette et plus catégorique que je ne l'ai été dans les indications données à la Chambre.
« Messieurs,
«Je vous ai déjà fait part de réclamations qui ont été adressées tant aux Chambres législatives qu'à mon département, au sujet des retards fâcheux que vous apportez à l'exécution des travaux de construction du chemin de fer de Frameries à Chimay et de ses extensions.
« Dans ces derniers temps, des plaintes nouvelles ont encore été adressées au Sénat et les discussions qui ont eu lieu au sein de cette assemblée m'imposent le devoir de prendre des mesures pour assurer l'accomplissement des engagements que vous méconnaissez d'une manière aussi regrettable.
« Non seulement vos travaux n'ont pas reçu l'impulsion que comportent les délais dans lesquels ils doivent être achevés et l'importance des intérêts qui sont laissés en souffrance ; mais, contrairement aux dispositions formelles des cahiers des charges qui régissent vos concessions, les projets de vos ouvrages ne sont pas même encore présentés d'une manière complète à mon département.
« Il vous reste à cet égard à fournir les projets définitifs des sections de Bonne-Espérance à Wiheries, de Thirimont à Beaumont, de Beaumont à Chimay qui appartiennent à la ligne de Chimay, ainsi que du raccordement, entre Strée et Beaumont, de l'embranchement qui fait partie de la même concession.
« Il vous reste de même, en ce qui concerne les extensions à la ligne dont il vient d'être parlé, à soumettre à mon approbation les projets des lignes de Péronnes à Vellereille-le-Sec et de. Marchienne-au-Pont vers Thuillies, le projet de la partie de la ligne de Piéton à Gosselies comprise entre Courcelles et la dernière, de ces localités, de manière à raccorder la ligne de Piéton à Gosselies avec le chemin de fer de l'Etat et la mettre en rapport avec, les lignes de Marchienne-au-Pont à Jumet et de Luttre à Châtelineau ; enfin, l'ensemble du projet de l'embranchement vers Luttre de la ligne de Piéton à Gosselies.
« Les informations contenues dans la lettre du 3 mars dernier de votre administrateur délégué ne me donnent à l'égard de ces projets que des assurances aussi incomplètes qu'insuffisantes, et je viens insister ici de la manière la plus formelle pour que vous me transmettiez, sans aucun délai, les projets que vous devez encore me fournir.
« Je dois mettre la même insistance au sujet des lenteurs que subit l'exécution des lignes dont les projets ont été approuvés. Les travaux n'ont reçu d'impulsion que sur la seule section de Piéton à Trazegnies ; et, à part un commencement d'expropriation, ils sont encore à entamer sur les sections de Bascoup à Trazegnies, de Thuin à Piéton et Bonne-Espérance, de Thuillies à Berzée, de Thuin à Strée et de Wiheries à Thirimont.
« Un pareil état de choses ne peut pas durer plus longtemps et, en vue d'aviser aux moyens propres à le faire cesser, je viens vous inviter à m'adresser, d'une part, un rapport général sur les mesures que vous avez prises pour assurer l'exécution de vos engagements, et de l'autre, des rapports mensuels établissant, pour chaque section de chemin de fer, la situation des emprises de terrain faites pour leur établissement et, pour les sections où les travaux sont entamés, les états d'ouvriers de diverses catégories qui y sont employés.
« Le ministre des travaux publics,
« Signé : A. Jamar. »
Cette lettre est restée sans réponse, et sans la moindre protestation de la part de la compagnie. Ce n'est que lorsque les interpellations de M. Hagemans m'amènent à lui indiquer quelle est la situation de cette affaire que la Compagnie cherche à échapper à l’effet qu'elle redoute de ces indications en essayant d'établir qu'elle n'est pas en défaut.
Quant aux indications et aux dates dont la compagnie des Bassins Houillers fait suivre sa lettre, je les rectifierai dans un tableau qui paraîtra aux Annales parlementaires.
Il me suffira, quant à présent, pour vous donner une preuve du peu de bonne foi que, la compagnie apporte en cette affaire, de vous dire que, mise en possession le 19 décembre dernier, d'une lettre où je disais : Vous pouvez considérer comme approuvés tel et tel tracé ; elle dit aujourd'hui qu'elle n'est pas saisie d'un arrêté ministériel dans la forme ordinaire.
Il lui suffisait, si elle jugeait cet arrêté nécessaire, de me transmettre une expédition des plans approuvés, ou la partie de ces plans au sujet de laquelle il y avait des réserves.
Quoiqu'il en soit, j'engage la société des Bassins Houillers à substituer des actes à une polémique qui ne peut avoir que des résultats excessivement regrettables pour elle.
Si elle veut se mettre résolument à l'œuvre, je suis sûr que les populations lui pardonneront facilement ses péchés anciens ; et je suis prêt, pour mon compte, à lui prêter tout mon concoure comme par le passé.
(page 789) (Suite une longue note indiquant la marche de l’instruction des projets signalés dans le relevé joint à une lettre du 23 avril 1869 de l’administrateur délégué de la compagnie des chemins de fers des Bassins Houillers du Hainaut pour la ligne de Frameries à Chimay et pour les extensions de celle-ci. Cette note n’est pas reprises dans la présente version numérisée.)
M. Eugène de Kerckhoveµ. - Messieurs, il est une question qui préoccupe vivement, depuis quelque temps, l'arrondissement de Malines. Je veux parler des travaux projetés pour l'amélioration du cours de la Senne, à partir de Bruxelles jusqu'à la Dyle.
C'est qu'en effet, ces travaux n'intéressent pas seulement la capitale et la banlieue, mais ils touchent aussi et très sérieusement aux intérêts de plusieurs communes importantes de l'arrondissement de Malines et même de la province de Brabant.
Ce point paraît avoir été perdu de vue lors de la confection du plan primitif des travaux. En effet, dans ce plan on ne s'était préoccupé que de l'amélioration de la rivière en amont de Vilvorde, et l'on n'avait pas songé aux conséquences de ce travail pour les communes situées en aval. Aussi, de divers côtés, des réclamations se sont élevées : les conseils provinciaux d'Anvers et du Brabant et surtout l'administration communale de Malines, sont naturellement et légitimement intervenus dans le débat. Certes, il n'entrait dans la pensée de personne de contester l'utilité, la nécessité, des travaux entrepris dans le voisinage de Bruxelles, mais voici quelle était l'objection.
Les intéressés soutenaient avec raison que, si l'on se bornait à améliorer la rivière, à l'approfondir, à amener un volume d'eau plus considérable en amont de Vilvorde, sans améliorer également le reste du cours, les riverains en aval auraient inévitablement à souffrir des inondations.
Le simple bon sens nous dit qu'ils avaient raison. L'administration des travaux publics a paru admettre la justesse de ces observations ; car des études d'ensemble ont été prescrites, et de ces études est sorti un projet remarquable à tous égards, dû à l'excellent ingénieur chargé de la direction des travaux de la Senne, M. Léon Derote.
Sauf quelques objections de détail, le projet a paru acceptable et a été adopté par la députation permanente de la province d'Anvers, ainsi que par l'administration communale de Malines.
Mais il s'agissait d'exécuter ce projet.
Or, il semble résulter de certaines communications récentes de M. le ministre des travaux publics que ces travaux, au lieu d'être exécutés dans (page 790) leur ensemble, conformément au projet de M. Léon Derote, au lieu d'être exécutés sur tout le parcours de la rivière, ne seront exécutés, pour le moment, qu'en amont. Pourtant, encore une fois, le simple bon sens nous dit que, si l'on voulait scinder les travaux, et commencer par une partie plutôt que par une autre, il fallait commencer en aval. Mais c'est le système contraire qui prévaut au département des travaux publics.
L'administration communale de Malines s'est très justement émue de cette situation ; et elle a adressé de nouvelles représentations à M. le ministre. Il faut espérer que, cette fois, elles aboutiront.
Messieurs, je ne veux pas entrer dans plus de détails à cet égard ; je craindrais d'abuser des moments de la Chambre, et puis, la question est suffisamment connue de l'honorable ministre des travaux publics. Je me bornerai donc, tant en mon nom qu'au nom de mes honorables collègues de Malines, et je pourrais dire au nom de toutes les communes intéressées, à engager l'honorable ministre à renoncer à toute division des travaux ; le priant instamment de prendre en sérieuse considération les observations qui lui ont été présentées et de faire, par conséquent, exécuter le projet de M. Léon Derote, tel qu'il a été accepté.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que, si M. le ministre des travaux publics pouvait encore concevoir des doutes sur la légitimité de nos réclamations, nous sommes, mes honorables collègues de Malines et moi, à sa disposition pour lui fournir toutes les explications désirables.
Puisque je viens de parler d'inondation, je demanderai la permission d'appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la situation de la ville de Malines elle-même.
L'honorable ministre n'ignore pas, sans doute, que la ville de Malines est régulièrement inondée chaque année à l'époque des grandes marées. Je ne sais pas si l'honorable ministre a déjà eu à souffrir d'inondation, mais je puis lui assurer que c'est chose fort désagréable. Je suis convaincu que si M. le ministre voulait honorer la ville de Malines de sa visite, dans un moment d'inondation (et je m'empresse d'ajouter qu'il y serait accueilli avec reconnaissance), il comprendrait sans peine que c'est là un inconvénient contre lequel on ne saurait trop réclamer, quand il dépend de l'administration de le faire disparaître.
On a, il est vrai, essayé dans le temps de préserver la ville de Malines de ces inondations ; on a fait des ouvrages qui sont très bien conçus, j'en suis convaincu, et très bien exécutés ; mais ils ont un défaut, un seul défaut : c'est qu'ils ne fonctionnent pas ; et il y a près de vingt ans de cela !
Or, messieurs, le mal que je signale va nécessairement augmenter. Par suite des travaux du barrage de l'Escaut, le niveau de la marée tend à s'élever constamment et nous avons l'agréable perspective de nous voir inonder chaque année un peu plus, malgré nos travaux de défense. Franchement, je trouve qu'il y a là quelque chose de pénible, j'ai presque dit d'humiliant pour notre corps des ponts et chaussées.
Nous pouvons affirmer, sans doute, que nous avons un des meilleurs corps des ponts et chaussées de l'Europe.
Eh bien, messieurs, si j'avais l'honneur d'être ingénieur des ponts et chaussées, je souffrirais d'un pareil état de choses. Quand il vient des étrangers à Malines, surtout des Hollandais, c'est-à-dire des voyageurs appartenant à un pays où les travaux hydrauliques sont si parfaitement compris et exécutés, je suis honteux, je l'avoue, de leur montrer ce triste monument ; j'aimerais mieux, pour la réputation de nos ingénieurs, le voir disparaître complètement.
Je le répète, si j'avais l'honneur d'appartenir au corps des ponts et chaussées, il me semble que je voudrais consacrer tous mes efforts à la solution d'un pareil problème, dussé-je périr à la tâche. (Interruption.) Je crois n'avoir rien dit qui puisse porter atteinte à la juste réputation de notre corps des ponts et chaussées, je ne comprends donc pas cette interruption. Ou bien le dévouement serait-il devenu chose si rare dans le monde qu'on n'ait même plus le droit de l'invoquer ici ?
Quoi qu'il en soit, j'engagerai l'honorable ministre des travaux publics à bien vouloir faire examiner à nouveau cette question ; il y a là, j'en suis convaincu, quelque chose à faire.
Je ne parlerai plus de l'honneur du corps des ponts et chaussées, puisqu'il paraît que je me suis mal exprimé tout à l'heure, mais j'insisterai sur l'intérêt matériel de la ville de Malines. C'est assez et c'est beaucoup.
Je passe à une autre question.
Nous avons à Malines un commerce très important, qui tend à s'accroître d'année en année : je veux parler du commerce des bestiaux. L'année dernière, les principaux marchands de bestiaux de Malines m'ont communiqué une pétition qu'ils comptaient adresser à l'honorable ministre dis travaux publics pour obtenir une gare d'évitement et une halte à proximité de leur marché, c'est-à-dire à l'endroit appelé het Bergske, entre Malines et Wavre-Sainte-Catherine.
J'ai beaucoup engagé ces commerçants à envoyer leur pétition ; et moi-même, pendant l'absence de M. le ministre des travaux publics, j'ai fait, à l'administration centrale, les démarches qui me paraissaient nécessaires. On m'a répondu que la chose serait examinée avec bienveillance. De son côté, l'administration communale de Malines s'est également occupée de la question, et on lui a donné les mêmes assurances. On a même annoncé que la mesure sollicitée allait être prise ; mais jusqu'à présent rien n'a été fait, et la pétition date déjà d'une année. Je suis convaincu qu'il aura suffi d'appeler sur ce point l'attention de l'honorable ministre pour obtenir enfin une solution.
Pour dire deux mots des motifs invoqués par les pétitionnaires, il s'agit pour eux non seulement de. transporter et de débarquer plus facilement leurs bestiaux, mais aussi d'éviter un long passage à travers la ville.
Maintenant d'ailleurs, à l'arrivée des bestiaux, la station de Malines est littéralement encombrée.
Il y aurait, dans le projet des pétitionnaires, un avantage pour l'administration, pour la ville et pour le commerce dont il s'agit. Les bestiaux seraient débarqués à l'endroit appelé het Bergske, et ils n'auraient plus besoin d'encombrer la station, ni de traverser la ville : ce qui est souvent un véritable danger pour fa population.
Puisque je parle de pétitions, je me permettrai d'en mentionner une qui vient précisément d'être déposée sur le bureau ; elle émane de propriétaires et de membres des conseils communaux de Heyst-op-den-Berg et d'autres localités.
Les pétitionnaires demandent que la question de la Grande-Nèthe, qui occupe la Chambre et l'administration déjà depuis plusieurs années, soit enfin vidée. Il s'agit d'établir des ponts à barrages, afin de faciliter les irrigations.
Les pétitionnaires s'engagent à constituer une wateringue, dès que ces travaux seront exécutés. Cette pétition vient à l'appui des excellentes observations de mon honorable, ami, M. de Zerezo de Tejada, sur le même point. Je ne sais si j'ai bien entendu, mais il m'a paru que l'honorable ministre des travaux publics, en répondant à M. de Zerezo de Tejada, avait fait entrevoir que l'affaire était en bonne voie.
Je souhaite de n'avoir pas mal compris ; et, de toute façon, j'espère que la question pourra bientôt obtenir la solution qui est depuis si longtemps et si justement réclamée.
Je terminerai en demandant à l'honorable ministre de vouloir bien nous dire ce qu'est devenue la question du contrôle sur les convois. L'année dernière, M. le ministre des travaux publics, parlant au point de vue de l'humanité, et même au point de vue de la régularité du service, nous avait promis la suppression du mode si dangereux (j'ai presque dit si barbare) de contrôle imposé jusqu'ici aux gardes des convois.
Je dois supposer que l'honorable ministre n'aura pas rencontré cette année de plus grandes difficultés que l'année dernière, et nous avons le droit d'espérer qu'enfin nous verrons disparaître dans notre pays un procédé qui, je pense, ne se pratique nulle part, si ce n'est peut-être sur quelques lignes des bords du Rhin.
Partout ailleurs, le contrôle se fait à l'entrée et à la sortie des gares et des stations, et, à mon avis, cela suffit complètement.
Du reste, quant à la régularité même du contrôle, je crois que le système français et allemand est bien préférable au nôtre.
Je me permettrai de demander en même temps à l'honorable ministre ce que devient la question des abonnements. Cette question est agitée depuis plusieurs années ; moi-même, l'année dernière, je m'en suis occupé, et il me semblait que M. le ministre des travaux publics avait accueilli mes observations avec bienveillance.
Cependant jusqu'ici rien n'a été fait sur les lignes de l'Etat. Partout les sociétés nous devancent. Ainsi, je viens d'apprendre, par les journaux, que l'administration du chemin de fer de Lierre à Turnhout a également établi des abonnements et des billets de retour. Je ne sais pourquoi les lignes de l'Etat seules restent en retard.
J'avoue (il est possible que je me trompe) que je ne vois aucune raison pour refuser plus longtemps au public cette amélioration.
Je demanderai aussi à l'honorable ministre s'il est vrai qu'il est question de supprimer les examens des employés des chemins de fer, postes et télégraphes. Je n'ai pas à me prononcer sur la question de principe. Il est possible que ces examens soient inutiles. Quant à moi personnellement, j'en suis partisan pour cette administration comme pour toutes les autres. Mais enfin il semble que les examens ne se font plus régulièrement. Je désirerais être édifié sur ce point : le gouvernement entend-il maintenir les examens, ou compte-t-il les supprimer ?
Enfin, pour ne pas retenir plus longtemps la Chambre, je finirai par un mot de félicitation à M. le ministre. Depuis quelque temps, j'ai constaté (page 791) avec satisfaction qu'il n’y a plus, dans les heures de départ des convois, ces changements continuels qui nous embarrassaient si souvent autrefois. C'est là un grand progrès, aussi je me plais à croire que M. le ministre y persistera, et nous donnera enfin ce qui existe dans tous les autres pays, cette fixité d'heures qui est si désirable pour les négociants, pour les industriels, pour tous les hommes d'affaires. Ici, en Belgique, nous avons vécu dans un système tout opposé, quoique, dans le pays même, sur la ligne du Nord, par exemple, le système de la fixité fût admis et fonctionnât parfaitement. Comme j'aime à espérer que M. le ministre me donnera une réponse favorable sur ce point, je n'hésite pas à l'en remercier à l'avance.
M. de Maere. - Je voudrais appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une question qui intéresse à un haut degré le développement commercial de la ville de Gand. Je veux parler de l'état précaire dans lequel se trouve un des principaux diffluents de notre bassin ; à savoir le canal de Terneuzen.
Messieurs, la question est fort importante, car le canal de Terneuzen peut être considéré comme la dernière expression d'un besoin qui s'est manifesté dans la ville de Gand depuis des siècles : celui d'une communication directe avec la mer.
Ce besoin a dû se produire de tout temps, car il trouve sa raison d'être dans la position géographique de la ville. Bâtie au confluent de deux grandes rivières, celle-ci n'a d'accès naturel à la mer que par le seul Bas-Escaut c'est-à-dire par un cours d'eau qui, après avoir poussé à l'est jusqu'à Anvers, faisant un détour de 35 lieues, tourne brusquement sur lui-même vers l'ouest et repasse au nord de Gand à une distance de 6 à 7 lieues seulement.
Il est évident qu'à toute époque, soit pour écouler les produits arrivant de France, du Hainaut ou des Flandres, soit pour recevoir ceux qui venaient du Nord, les Gaulois ont dû se préoccuper de la nécessité de créer une voie directe vers la mer.
Eh bien, cette voie directe dont l'existence importait tant à la prospérité de la ville, que les tentatives faites pour l'obtenir se retrouvent à travers les siècles, à chacune des pages de ses annales, cette voie directe, telle qu'elle est établie aujourd'hui, est complètement insuffisante. Je n'aurai pas de peine à le démontrer.
En effet, le canal de Terneuzen a une longueur totale de 34,116 mètres. Il est divisé en trois biefs.
Le premier bief de Gand au Sas est long de 21,360 mètres ; il a une largeur au plafond de 10 mètres et un tirant d'eau de 4 m 40.
Quand les eaux intérieures de Gand sont à l'étiage d'été, il existe aux écluses dites du Tolhuis et du Muide, à Gand, une chute de 0 m 74.
Le deuxième bief s'étend du Sas aux écluses de Terneuzen. Il est long de 12,736 mètres, large au plafond de 12 à 20 mètres, il a un tirant d'eau de 4 m 40 et une chute à l'écluse du Sas de 0 m 40.
Le troisième bief se compose de deux branches longues chacune de 600 mètres et allant des écluses à Terneuzen jusqu'à la mer.
La chute dans ce bief dépend de la marée.
Examinons de plus près ces cotes.
Le buse de l'écluse à Gand est placé à 0 m 40 au-dessous du zéro de notre échelle ; l'on sait que ce zéro correspond à la basse marée moyenne de Terneuzen, il faut donc que l'étiage du premier bief du canal marque 4 mètres, pour que le tirant d'eau soit de 4 m 10.
Le buse d'amont de l'écluse au Sas se trouve comme celui de Gand à 0 m 40 au-dessous du zéro ; mais le buse d'aval de la même écluse est placé 0 m 40 plus bas.
Cet abaissement du buse correspond à la chute de 0 m 40 que nous avons dit exister au Sas. Il résulte de ceci, que dans le deuxième bief l'étiage doit marquer 3 m 60 à nos échelles, pour que ce deuxième bief ait sa jauge de 4 m 10.
A Terneuzen, les buses des écluses sont placés à deux mètres au-dessous du zéro ; l'on rencontre donc sur le radier de ces écluses un tirant d'eau de 3 m 60, quand le deuxième bief est au niveau.
Ces diverses dimensions rendent-elles le canal de Terneuzen propre à desservir d'une manière complète le port de Gand ; ou bien, le canal tend-il à devenir insuffisant ?
Nous n'hésitons pas à répondre affirmativement à la dernière question ; et cela pour deux raisons, l'une locale, l'autre générale : En premier lieu, raison locale, le niveau réglementaire du canal n'est presque jamais atteint, et en second lieu, raison générale, le tonnage moyen des navires augmente d'année en année.
Voyons de plus près ces deux causes et l'insuffisance du canal.
Il résulte des tableaux de la situation des eaux de Gand que j'ai sous les yeux, que durant six mois de l'année, de mai à octobre, le niveau des eaux reste inférieur à la jauge légale.
Ainsi, du 1er juin au 12 juillet, l'étiage normal du bassin est atteint une fois par semaine seulement et ce à l'arrivée du bond d'eau de l'Escaut ; en d'autres termes : il faut emmagasiner à Tournai, durant huit jours, toutes les eaux du Haut-Escaut ; n'en rien perdre en route, pour que, venues à Gand, elles soient en quantité suffisante pour élever le niveau de notre bassin à sa hauteur légale.
Du 12 juillet au 21 septembre, ce même niveau reste toujours en dessous de la cote réglementaire, et la baisse des eaux se manifeste dès le lendemain de l'arrivée du bond d'eau et se maintient sans interruption jusqu'au bond suivant, à raison de 4 à 5 centimètres par jour en moyenne.
Eh bien, messieurs, si c'est là la situation du bassin de Gand proprement dit, celle du canal est bien pire encore.
En effet, la moyenne des cotes pour le canal de Terneuzen est pour les mois de :
juin : premier bief de 0 m 37 et deuxième bief de 0 m 60 ;
juillet : premier bief de 0 m 45 et deuxième bief de 0 m 50 ;
août : premier bief de 0 m 42 et deuxième bief de 0 m 55 ;
septembre : premier bief de 0 m 30 et deuxième bief de 0 m 70 ;
octobre : premier bief de 0 m 10 et deuxième bief de 0 m 14
au-dessous du niveau réglementaire.
Ces chiffres sont trop éloquents pour que j'y ajoute quelque chose. Inutile de démontrer qu'un canal, dont la jauge légale est déjà insuffisante, ne répond plus du tout aux besoins de la navigation, lorsque ses eaux restent à plus d'un demi-mètre en contre-bas de l'étiage normal.
Je passe à la seconde cause d'insuffisance : l'augmentation constante du tonnage des navires. C'est là une cause générale qui se produit ailleurs qu'en Belgique et qui ne se fait pas sentir seulement à Gand ; en Hollande aussi, elle a fait naître des difficultés telles, que la ville d'Amsterdam, pour garder sa position de métropole commerciale, abandonne le canal de la Nord-Hollande, fait pourtant exclusivement à son profit, et cherche en ce moment même, une voie nouvelle plus profonde et plus large vers la mer, en perçant les dunes de la côte occidentale.
Pourtant ce canal, le grand canal de la Nord-Hollande n'existe que depuis 1825 et offre un tirant pour les navires de 5 m, tandis qu'avant sa construction le passage se faisait par le Zuiderzee et la jauge des bateaux était réduite, à 3 m 50.
Donc, à peine pendant un quart de siècle, ce canal a pu répondre aux besoins de la ville d'Amsterdam ; son insuffisance doit être attribuée en majeure partie aux dimensions plus fortes qui ont été données, dans les derniers temps, aux grands navires de commerce.
Ce sont les termes mêmes dont se servait, en 1859, une commission spéciale d'ingénieurs du Waterstaat, instituée pour étudier les travaux à exécuter audit canal.
Vous le voyez, messieurs, la ville d'Amsterdam se trouve en face du canal de la Nord-Hollande exactement dans la même position que Gand vis-à-vis du canal de Terneuzen. L'un et l'autre de ces deux canaux ont été faits à la même époque, au profit exclusif des deux villes ; ils ont à peu près les mêmes dimensions : 10 m de largeur au plafond et une profondeur de 4 m 40 à 5 m.
Une même cause générale, augmentation de tonnage, les a rendus insuffisants, au bout de la même période.
Voici maintenant, en ce qui concerne le port de Gand, la marche que cette augmentation du tonnage a suivie dans les dernières années.
Il est entré en 1842 341 navires mesurant en moyenne 98 tonnes, en 1847 257 navires et 102 tonnes, en 1852 227 navires et 124 tonnes, en 1857 270 navires et 135 tonnes, en 1860 357 navires et 138 tonnes, en 1861 346 navires et 160 tonnes, en 1863 306 navires et 165 tonnes, en 1864 292 navires et 165 tonnes, en 1865 417 navires et 175 tonnes et en 1867 412 navires et 187 tonnes.
On peut conclure de ces chiffres :
1° Que l'augmentation du tonnage moyen n'est pas un fait qui s'est produit accidentellement ;
2° Que cette augmentation s'est maintenue depuis 25 ans sans interruption et d'une manière régulière ;
(page 792) 3° Qu'en cet espace de temps le tonnage moyen a presque doublé.
Si l'on considère maintenant, d'une part que par l'abaissement des eaux dans le canal, la jauge légale de 4 m 10 (14 1 2 p.) est bien souvent réduite à 4 mètres (13 p.) et d'autre part, que le tonnage moyen de 187 est loin d'avoir atteint sa dernière limite, puisque en fait, après avoir allégé, des navires de 600 tonneaux (3 mâts-barques) visitent notre port, et ont a pleine charge un tirant d'eau de 18 pieds, soit 5 m 40, l'on conviendra que l’état de choses actuel est loin d'être satisfaisant et que l'on peut considérer l'insuffisance du canal de Terneuzen comme démontrée.
A Gand donc, aussi bien qu'à Amsterdam, l'on se voit forcé, au bout d'un tiers de siècle, d'agrandir un canal dont on croyait les dimensions à tout jamais suffisantes, et l'une et l'autre de ces villes, sous peine de déchoir, sont obligées de s'ouvrir des voies plus larges et plus profondes vers la mer.
Le mal dont souffre le port de Gand étant ainsi constaté, il nous reste à examiner les remèdes qui ont été proposés pour le combattre.
Ces remèdes, messieurs, ont été longuement examinés par le conseil communal de la ville de Gand dès l'année 1865.
Les deux principaux auxquels on s'est arrêté consistent le premier dans un approfondissement du canal, le second dans le relèvement des eaux à la surface.
Le premier, l'approfondissement du canal, je dois le dire, a été depuis abandonné par tout le monde. Approfondir le canal, c'est, en effet, le refaire. C'est refaire au moins deux des trois écluses à sas existantes ; c'est renouveler les ponts, construire des murs de quai dans la traverse des agglomérations ; c'est faire une dépense qu'on peut évaluer à 6 ou 7 millions ; c'est demander trop, c'est vouloir ne rien obtenir.
Mieux vaut donc améliorer le régime du canal par le relèvement des eaux à la surface. C'est le remède auquel tout le monde s'est rallié, maintenant.
Le voici.
Nous avons dit. que le premier bief du canal de Terneuzen est séparé du bassin de Gand par les écluses du Tolhuis et du Muide (placées à l'origine même du canal), et qu'à ces écluses existe une chute de 0 m 74.
Evidemment, si les eaux du premier bief pouvaient être relevées de 0 m 74, et être ramenées dès lors, au niveau de celles de notre bassin, les écluses dont nous parlons deviendraient inutiles et pourraient rester ouvertes, tant, du moins, que les eaux intérieures de Gand ne dépasseraient pas l’étiage d'été.
Tant donc que la cote du bassin de Gand serait égale à 4 m 74, les écluses du Tolhuis et du Muide resteraient ouvertes ; de Gand au Sas la navigation deviendrait libre, et se ferait avec un tirant d'eau de 5 m 14, soit 17 pieds.
Je. n'ai pas besoin d'insister sur les avantages de toute nature qui résulteraient d'un tel état de choses ; particulièrement pour les usines placées à l'aval des écluses dont nous nous occupons.
Le principal est de voir si l'idée peut être réalisée.
La question est évidemment du domaine des ingénieurs de l'Etat ; il ne nous appartient pas de la résoudre, et c'est pour ce motif que j'ai l'honneur de la poser à l'honorable, ministre des travaux publics.
Il est à peine utile de faire remarquer qu'il sera urgent de parer aux inconvénients qui résulteront, pour les terrains situés le long du canal, de la surélévation des eaux de celui-ci ; la construction d'un canal latéral ou collecteur, se déversant au moyen d'un siphon dans le Moervaert, atteindra évidemment ce but.
Le tableau de la situation des eaux du bassin de Gand, dont nous avons parlé, indique que les cotes du Moervaert ont oscillé en moyenne, durant les mois d'été des deux dernières années, de 2 m 50 à 3 mètres de nos échelles ; celles du canal variant, pendant la même période, de 4 mètres à 4 m 50 ; il résulte de là une différence de niveau de plus de 1 m 50 en moyenne.
Cet écart entre les deux surfaces démontre à la fois l'utilité et l'efficacité du siphon dont on demande l'établissement.
D'ailleurs, déjà la Hollande, à la suite des négociations qui ont eu lieu entre elle et la Belgique, s'est engagée, par le traité du 5 novembre 1842 (article 20), à construire, sur son territoire, des canaux spéciaux pour la décharge des eaux des polders bordant à droite et à gauche le canal de Terneuzen, de telle sorte qu'à partir du 5 novembre 1844 le canal ne dût plus servir que pour la navigation maritime et intérieure, ainsi que pour l'écoulement des eaux qui y sont amenées par l'écluse du Tolhuis à Gand, et par les aqueducs débouchant dans la partie supérieure du canal. (Convention du 20 mai 1843, article premier.)
Il s'agirait donc de faire, en Belgique, des travaux analogues à ceux qui ont été exécutés en Hollande, et d'assurer, par la construction d'un siphon, l'évacuation des eaux des affluents du canal, tels que le Caelene, le Burggravenstroom, etc., et de celles des terres basses de Wondelsem, Everghem, Cluysen, etc., tout en fermant les aqueducs actuellement existants.
Un autre travail fort recommandable ferait l'endiguement de la plage de Sluiskille.
La plage de Sluiskille, située à la droite du canal, à environ 6 kilomètres en aval du Sas de Gand, a une étendue de 150 hectares. Elle est en communication directe avec le canal, d'autre part entourée d'une digue de faible dimension appelée le Suikerdyk.
Le fond moyen de la plage correspond à la cote de 2 m 60 ; il en résulte, puisqu'elle communique librement avec le canal, qu'elle est généralement recouverte d'une couche d'eau de 0 m 80 d'épaisseur suivant l'étiage du canal.
Le volume d'eau qu'elle absorbe, calculé à raison de sa superficie, égale à 1,500,000 mètres carrés, devient énorme ; il est de 1,200,000 m. cubes pour la jauge ordinaire du canal.
On voit dès lors à quelle perte d'eau on est entraîné chaque fois qu'il s'agit de relever la ligne de flottaison dans le deuxième bief ; pour une surélévation de 0'"10 seulement, la plage à elle seule absorbe, sans profit aucun pour le canal, un volume de 150,000 mètres cubes.
Les inconvénients au point de vue de l'alimentation du canal de Terneuzen, qui résultent de cet état de choses, sont si sérieux, qu'ils ont, depuis longtemps, fait surgir les réclamations les plus vives. Aussi le gouvernement belge s'est-il réservé la faculté (article 21 du traité du 5 novembre 1842) « de faire endiguer à ses frais la plage de Sluiskille, conformément au projet à approuver, de commun accord, par les deux gouvernements. »
Je demande donc que cet article du traité de 1842 ne reste pas plus longtemps une lettre morte. Maintenant surtout, que toute crainte d'inondation pour le bassin de Gand peut être bannie, l'existence de la plage dont il s'agit n'a plus de raison d'être ; son utilité comme réservoir a cessé.
Je finis, messieurs.
Je crois avoir démontré, avec des chiffres à l'appui, que la communication directe de Gand à la mer, celle qu'elle est établie par le canal de Terneuzen, ne répond plus aux besoins de notre époque ; que, partageant en cela le sort de son aîné, le canal de la Nord-Hollande, celui de Terneuzen est devenu insuffisant, en présence de l'augmentai ion constante du tonnage des navires, augmentation de tonnage qui est un fait général, résultant des progrès accomplis dans l'art du constructeur, comme, de l'application de cette loi économique qui, en toutes choses, cherche à réduire les frais généraux d'exploitation.
J'aime à croire que l'honorable ministre se rendra à l'évidence de cette démonstration, et que, dans un avenir aussi rapproché, que possible, il prendra telles mesures que de besoin pour remédier au fâcheux état de choses que j'ai signalé.
C'est au nom de l'avenir commercial de la ville de Gand que je l'en prie.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je me propose de vous entretenir de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat. J'examinerai si cette exploitation rentre dans les fonctions naturelles et constitutionnelles du gouvernement et si le gouvernement est l'agent qui puisse faire cette exploitation le plus économiquement et avec le plus de profit pour tous. Je donnerai ensuite les conclusions auxquelles cette étude m'a conduit.
Messieurs, avant d'aborder le sujet, je dois vous dire comment j'ai été amené à traiter cette question dans le cours de cette session. Car je n'en avais d'abord nullement le projet. Je m'attendais depuis longtemps à une crise dans l'exploitation des chemins de fer de l'Etat, mais j'avoue que je ne m'attendais pas à ce que cette crise se déclarât si promptement. On ne viole pas longtemps, ni impunément les lois de l'économie politique. On peut, pendant un certain temps, en remonter en quelque sorte le courant, mais il faut toujours finir par y céder.
Je me suis aperçu que la crise était proche, lorsque, le 13 février dernier, j'ai entendu l'honorable ministre des finances nous déclarer que l'industrie des chemins de fer, après trente-quatre ans d'expérience, était encore dans la période d’étude et d'essais, en entendant, d'autre part, l'honorable M. Bruneau nous conseiller la reprise de tous les chemins du fer par l'Etat, j'ai cru de mon devoir, ayant appris à connaître les allures de la Chambre, lorsqu'il s'agit de décider de questions aussi importantes, j'ai cru, dis-je, qu'il était de mon devoir de lui apporter au moins en partie les éléments de la question, afin que personne ne puisse être pris à l'improviste et afin que le pays tout entier puisse l’étudier pour prendre ensuite sa décision en connaissance de cause.
(page 793) Messieurs, qu'est-ce que le transport ? Qu'il s'agisse de personnes ou de choses, c'est un acte commercial, c'est une entreprise industrielle et particulièrement s'il s'agit de marchandises, c'est une partie intégrante, je dirai même essentielle du commerce. Le gouvernement est-il institué pour faire des actes de commerce ? Si nous voulions examiner cette question au point de vue général et philosophique, nous pourrions faire un long discours sur le sujet.
Je crois cependant qu'on peut résumer toute la discussion sur ce point, en disant que les gouvernements sont institués pour protéger le commerce, pour protéger les actes commerciaux des citoyens et non pas pour leur faire concurrence.
Mais je ne veux pas me lancer dans cette étude tout à fait théorique, je vais aborder la question au point de vue du gouvernement belge et de la Constitution qui en a établi les bases.
L'article 25 de la Constitution, que vous connaissez tous parfaitement, décrète que tous les pouvoirs émanant de la nation seront exercés de la manière établie par la Constitution.
Ces pouvoirs sont divisés en trois : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Il est évident que ce n'est pas le pouvoir législatif qui puisse être chargé de faire des actes de commerce et particulièrement de faire des transports.
Ce n'est pas davantage le pouvoir judiciaire, par conséquent ce ne pourrait être que le pouvoir exécutif.
Le pouvoir exécutif, vous le savez, messieurs, est représenté par le Roi. L'article 78 de la Constitution décrète que le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux qui lui sont attribués formellement par la Constitution et les lois particulières portées en vertu de cette Constitution.
Le pouvoir exécutif n'a donc d'autres pouvoirs que ceux inscrits dans notre pacte fondamental ; d'autre part, le pouvoir législatif n'a pu lui donner d'autres pouvoirs qu'en vertu des prescriptions de la Constitution.
J'ai cherché vainement dans tous ses articles celui qui donne au pouvoir exécutif celui de poser des actes de commerce et de se faire concurrent de l'industrie privée.
J'ai trouvé un nouvel obstacle dans l'article 113 de la Constitution qui défend à l'Etat d'exiger aucune rétribution des citoyens qu'à titre d'impôt au profit de l'Etat, de la province ou de la commune. La seule exception indiquée est le régime des polders et wateringues.
Voilà donc, messieurs, un premier obstacle à l'exploitation d'une industrie par l'Etat ; mais cet obstacle a été franchi. La Chambre a décrété que le gouvernement construirait et exploiterait des chemins de fer.
Examinons comment la Chambre, malgré une très forte opposition, est arrivée à cette conclusion. Pour s'en rendre compte, il faut se reporter en arrière, à l'époque où les chemins de fer ont été décrétés, c'est-à-dire en 1834. Ceux d'entre vous qui sont au courant des idées qui avaient cours à cette époque savent qu'un très grand mouvement intellectuel, moral et politique s'était produit, en Europe principalement, depuis 1825. Saint-Simon et Fourier, en France, Owen, en Angleterre, remuaient le monde des idées et prêchaient le socialisme universel.
Le socialisme de Saint-Simon, celui de. Fourrier rapportaient tout à l'Etat. Dans leur système, l'Etat devenait la véritable providence terrestre : l'homme devait vivre dans de grands phalanstères, à l'abri des besoins matériels et des soucis de la vie ; il ne devait travailler qu'une partie du jour pour subvenir à ses besoins matériels ; le reste il pouvait le consacrer au repos et au plaisir ; enfin la vie en commun était dépeinte sous les couleurs les plus brillantes et les plus attrayantes. L'expérience a démontré, quelle était la valeur pratique de ces idées ; il a été reconnu que c'est dans l'énergie individuelle seule, dans sa liberté et dans la responsabilité qui en est le corollaire que l'humanité peut trouver la force nécessaire au progrès.
Owen, en Angleterre, a poussé ses expériences plus loin encore ; ces expériences ont amené des conséquences plus désastreuses pour ceux qui avaient eu foi en ses doctrines ; aussi, en Angleterre, ces idées sont tombées beaucoup plus vite qu'en France et que sur le continent.
Néanmoins, il est resté de cette propagande, par laquelle d'excellents esprits se sont laissé séduire, cette idée que l'Etat pouvait faire quelque chose, et, lorsqu'il s'est agi d'établir de grands travaux publics, il a paru tout naturel à une foule de bons esprits que l'Etat, représentant la société dans son ensemble, pouvait réellement faire mieux et à meilleur marché et rendre sous ce rapport des services plus complets que les particuliers.
Eh bien, messieurs, nous avons maintenant devant nous l'expérience de 34 années de pratique de cette idée et je viens demander à la Chambre de vouloir bien me suivre dans l'examen auquel je vais me livrer des résultats qui ont été acquis.
Pour construire des chemins des fer, il faut des capitaux et des hommes.
Examinons l'action de l'Etat sous ces deux points de. vue. L'Etat, comme capitaliste, vous le savez tous, messieurs, est un gueux ; il n'a pas le sou, il n'a que des dettes. L'Etat belge particulièrement, dans ses trois branches, Etat, provinces, communes, j'en ai établi le compte au commencement de cette session, a quelque chose, comme 900 millions de dettes. Quand, pour faire des chemins de fer, il veut trouver de l'argent, il doit s'y prendre comme le premier banquier ou entrepreneur venu, il doit s'adresser au public, au même public que les particuliers qui font des chemins de fer.
II y a cependant une différence ; c'est que celui qui donne son argent au gouvernement pour faire des chemins de fer prête à l'Etat ; que celui-ci devient seul responsable tandis que le prêteur est dégagé de toute responsabilité. Peu lui importe désormais la dépense qui va être faite, l'emploi qui va être fait de son capital. Il ne s'en soucie plus ; il ne cherche ni à obtenir un contrôle sur cet emploi, ni des économies. Cela lui est parfaitement égal, le contribuable seul est responsable, il a hypothèque sur tout l'avoir social.
Sous le rapport des capitaux, l'Etat doit donc puiser aux mêmes sources que les particuliers ; il n'a, pas plus que ceux-ci, le pouvoir d'augmenter l'épargne ; l'Etat ne fait pas des capitaux, il les emprunte et tout ce qu'il emprunte est enlevé au commerce ou à l'industrie.
Lors donc que l'Etat emprunte des capitaux au public, il diminue d'autant les forces industrielles du pays. En épuisant l'épargne, il fait une concurrence presque toujours ruineuse au travail productif, car il détourne de leur courant naturel les capitaux qui seraient allés volontairement à l'industrie s'ils n'avaient trouvé un placement, en apparence au moins, plus fructueux et plus assuré ; de sorte que l'Etat, s'occupant de construire des chemins de fer, absorbe les capitaux qui y seraient allés naturellement, sous leur propre responsabilité, si les chemins de fer avaient été laissés à l'industrie privée.
Quant à l'action économique du fonds général des épargnes dans lequel puisent toutes les industries, tout le commerce, cette action est exactement la même, que ce soit l'Etat ou les particuliers qui empruntent. En effet, si 100 millions sont pris dans la bourse, du public, par l'Etat ou par l'industrie, le résultat économique est exactement le même, avec cette différence que si l'Etat dépense plus que les particuliers pour le même travail, il y a moins d'effet utile, obtenu avec cette somme au profit du public. En un mot, si l'Etat dépense 100 millions au lieu de cinquante ou soixante, le public a moins de chemins de fer.
Je vous ai dit, messieurs, que j'examinerais l'intervention de l'Etat dans les chemins de fer au point de vue des capitaux d'abord et des hommes ensuite. Examinons-la sous ce second aspect.
Qu'est-ce que l'Etat pris dans sa forme humaine ? Dans l'acception générale du mot, en Belgique, et c'est pour la Belgique que je parle, c'est ou ce devrait être l'ensemble des trois pouvoirs ; mais au point de vue particulier de l'exécution des travaux publics, l'Etat c'est l'administration.
Qu'est-ce que l'administration ? C'est l'anonyme irresponsable ; anonyme car d'une part, le public ignore de qui se compose l'administration, comment elle se recrute ; de l'autre, ceux qui prêtent leurs capitaux n'ont aucune action légale sur elle, que par l'intermédiaire des Chambres. Quelquefois le plus souvent même le public qui paye et qui seul en réalité est responsable est absolument sans action, parce qu'il ne connaît rien de ce qui se passe dans l'administration. Quand il apprend les résultats, il est presque toujours trop tard soit pour y porter remède, soit pour présenter ses observations.
Mais, me direz-vous, messieurs, l'administration est représentée par un ministre. La responsabilité ministérielle est là pour répondre des actes qui sont posés par son administration.
Oui, le ministre est responsable. Mais je vous le demande, messieurs, s'il s'agissait d'une responsabilité matérielle, quelle garantie trouveriez-vous vis-à-vis d'affaires qui comportent des sommes aussi considérables que celles employées par l'administration du chemin de fer ? Plus de 200 millions en capital, des recettes de plus de 40 millions annuellement.
Quelle que soit la fortune personnelle d'un ministre, il est donc matériellement irresponsable devant des capitaux aussi importants. Restent donc la responsabilité morale et la responsabilité politique. La responsabilité morale donne certainement une très grande garantie.
(page 794) Il est évident que, pour un pays, c'est une garantie très sérieuse que celle que lui offre un homme qui, se mettant à la tête d'une administration comme celle des chemins de fer, y apporte sa vie et son avenir politiques d'une part, son honneur de l'autre. Il y a là une garantie indiscutable.
Mais cette garantie peut quelquefois être diminuée jusqu'à un certain point par l'impuissance où peut se trouver un ministre, nouvellement investi de ses fonctions, de connaître dans ses détails, de connaître même dans son ensemble l'administration qu'il prend ; il peut donc arriver qu'il prenne, sans se douter des conséquences et de très bonne foi, des mesures qui touchent de très près à la fortune publique qui lui est confiée, d'une part, et aux intérêts particuliers de l'autre. Que devient dans ce cas la responsabilité ministérielle ?
Quant à sa responsabilité politique, elle dépend de la majorité. L'honorable ministre de l'intérieur, dans une circonstance récente, nous a expliqué ce qu'était cette responsabilité politique, et nous la voyons appliquée assez souvent pour en connaître la valeur. En fait, il est rare que la Chambre refuse d'assumer sur elle-même la responsabilité du pouvoir exécutif.
Si j'ai fait cette digression, messieurs, c'est pour arriver à cette démonstration que l'Etat, au point de vue industriel, offre beaucoup moins de garanties sérieuses au public que les particuliers, car tandis que les particuliers peuvent être attraits devant les tribunaux civils de. commerce, l'Etat, vous le savez, excipe de sa qualité pour se soustraire autant qu'il le peut à leur action, et quand il ne parvient pas à s'y soustraire, il rend très difficile et souvent onéreuse l'action qu'on pourrait avoir contre lui.
Mais, dit-on, il peut se présenter et c'est probablement là ce qui a déterminé les auteurs de la loi de 1834, il peut se présenter des circonstances où les forces particulières soient impuissantes à exécuter les travaux, à faire des entreprises d'utilité publique et qu'exigent les progrès de la civilisation.
Je crois, messieurs, que lorsqu'il s'est agi de construire les chemins de fer, c'est là le principal argument qu'on a fait valoir ; les particuliers, disait-on alors, seraient incapables d'entreprendre un travail aussi gigantesque ; on ne trouverait pas les capitaux nécessaires à ces grandes entreprises.
Eh bien, malgré la concurrence de l'Etat, malgré les difficultés que cette concurrence a apportées dans l'industrie des chemins de fer, les particuliers ont construit, en Belgique, à peu près huit fois autant de chemins de fer que l'Etat. Sur les quatre mille et quelques cents kilomètres de chemins de fer construits, ils en ont exécuté plus de 3,500, tandis que l'Etat n'en a exécuté que 558. Donc, cet argument qui a pu avoir une certaine valeur lorsque les chemins de fer étaient encore inconnus, cet argument, dis-je, est complètement tombé aujourd'hui.
Il est évident pour moi que si l'Etat ne s'en était pas mêlé, il y aurait aujourd'hui beaucoup plus de chemins de fer construits en Belgique, ils seraient mieux construits et surtout construits avec une meilleure entente des intérêts industriels et commerciaux du pays.
Je me réserve d'apporter plus tard la preuve matérielle de cette allégation.
Mais revenons à la construction des chemins de fer par l'Etat. L'Etat a eu le choix des lignes. L'Etat a eu les capitaux à bon marché ; sous ce rapport, je dois le dire, il est dans une meilleure situation que n'importe qui.
Dans ces conditions, l'Etat aurait donc dû construire les chemins de fer à meilleur compte que les particuliers, car il est évident, et c'est là un des éléments les plus simples de l'industrie, qu'un chemin de fer comme tout autre établissement industriel peut produire son utilité à d'autant meilleur marché, et peut soutenir la concurrence, avec d'autant plus de succès qu'il est établi avec des capitaux relativement moins considérables.
Si un chemin de fer, par exemple, coûte 100,000 fr. par kilomètre, il n'a que 5,000 fr. d'intérêt et d'amortissement à servir ; il pourra certainement faire des transports à meilleur marché qu'un chemin de fer qui aura coûté 500,000 fr., pour la même distance et qui devra servir 25,000 fr. d'intérêt et d'amortissement.
Ce serait faire perdre des moments précieux à la Chambre que de s'étendre sur la démonstration de cette proposition.
Or, voyons ce qu'a fait l'Etat comme constructeur de ses chemins de fer.
Généralement parlant, son réseau traverse des contrées en plaine sans difficultés considérables à vaincre, exigeant peu de travaux d'art, et cependant son prix de revient est le plus élevé de tous les chemins de fer belges.
Voici la liste du coût kilométrique de tous les chemins de fer établis en Belgique :
Le chemin de fer d'Anvers à Gand a coûté 104,000 fr. par kilomètre, Louvain-Herenthals 128,000 fr., Lokeren-Zelzaete 120,000 fr., Flandre occidentale 126,000 fr., Anvers-Rotterdam, 131,000 fr., Lichtervelde-Furnes 147,000 fr., Anvers-Hasselt 158,000 fr., Tamines 180,000 fr., Tournai-Jurbise 189,000 fr., Dendre-Waes 203,000 fr., Braine-le-Comte à Gan3d 200,000 fr., Spa frontière 207,000 fr., Eecloo-Bruges 218,000 fr., Est-Belge 256,000 fr., Entre-Sambre-et-Meuse 277,000 fr., Pepinster-Spa 286,000 fr., Liégeois-Limbourgeois 288,000 fr., Liége-Maestricht 290,000 fr., Hal à Ath 296,000 fr., Jonction de l'Est 311,000 fr., Beaume-Marchienne 328,000 fr., Grand-Luxembourg, 29,000 fr. malgré les dépenses considérables en pure perte qui ont été faites sur cette ligne.
M. Jacquemynsµ. - Il n'y a qu'une seule voie sur une grande partie du parcours.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - La compagnie du Nord, 417,000 fr. par kilomètre.
Enfin l'Etat belge, 420,000 fr.
Or, messieurs, pour comprendre ce petit tableau, il en faut un second. C'est celui de l'accroissement du coût kilométrique, qui nous prouvera que nous ne sommes pas au bout et que le chemin de fer de l'Etat coûtera, d'ici à peu, beaucoup plus cher encore.
Nous aurons peut-être alors l'explication des difficultés contre lesquelles cette entreprise se. débat maintenant.
En 1840, le chemin de fer de l'Etat coûtait, kilométriquement parlant, 224,000 fr. A celle époque il n'existait, il est vrai, que dans les plaines de la Flandre et du Brabant, et aucun grand travail d'art n'avait encore dû être exécuté.
En 1850, le coût kilométrique s'élevait déjà à 294,000 fr.
En 1860, il était de 324,000 fr. et en 1869 il est de 420.000. Il doit nécessairement s'élever encore à mesure que l'Etat fait des travaux dans les villes, qu'il exécute les stations qui lui sont demandées et qu'il relie son réseau à des lignes en construction.
On vient de me dire que le coût kilométrique élevé provenait en partie de ce que le chemin de fer de l'Etat est plus complet, plus achevé que les lignes des sociétés particulières et qu'il est partout à deux voies.
Eh bien, au prix où sont les rails, la seconde voie ne coûte guère plus de 25,000 à 30,000 fr. le kilomètre.
Tandis que la différence du coût kilométrique de l'Etat, d'après le tableau dont je viens de donner lecture, s'élève à un chiffre beaucoup plus haut. Pour moi, cette différence de coût provient, en grande partie, de ce qu'on a porté des frais d'exploitation au compte du premier établissement des chemins de fer.
MtpJµ. - Quand nous arriverons au chapitre de l'exploitation, je crois que je pourrai répondre à l'interruption de l'honorable ministre.
Ce qui me porte à croire qu'il en est ainsi, c'est que j'ai ici le tableau du coût kilométrique des grandes lignes françaises, où par suite des exigences de l'Etat d'une part, des travaux considérables qui ont dû être faits dans une grande partie du pays très accidentée, de l'autre, tels que grands fleuves à traverser, villes comme Paris, Lyon, Bordeaux, qui exigent des établissements considérables sur des terrains très chers, tout cela jusqu'à un certain point explique que ces chemins de fer doivent coûter très cher.
J'ai ici le tableau des dépenses de ces chemins de fer, et j'y vois que le coût kilométrique des chemins de fer de l'Ouest s'élève à 385,000 fr., celui des chemins de fer du Midi à 272,000 fr., celui du chemin de fer du Nord à 156,000 fr., et celui du chemin de fer de l'Est à 535,000 fr.
(page 795) Vous voyez par là, messieurs, qu'il y a une raison autre que l'exécution des chemins de fer dans un pays ou tout est relativement meilleur marché qu'en France, une raison spéciale pour que le chemin de fer de l'Etat se soit élevé à un coût kilométrique aussi considérable. Cette raison, probablement, ressortira de l'examen que je fais en ce moment ; mais je crois qu'une partie des frais qui auraient dû incomber à l'exploitation sont tombés dans le compte des frais de premier établissement,. Je trouve une seconde preuve de ce que j'avance dans l'examen que j'ai fait des chemins de fer en Angleterre.
En Angleterre, par suite des exigences de la loi qui n'admet nulle part les passages à niveau, par suite aussi de l'adjonction, à presque toutes les lignes de chemins de fer, de services qui, dans notre pays, n'incombent pas à ces exploitations ; en Angleterre, dis-je, le coût kilométrique s'est élevé, surtout depuis que la plupart des grandes lignes se sont efforcées d'atteindre le cœur même, de Londres, de telle façon que, presque sans déplacement, il est possible de se rendre de tous les quartiers de cette immense cité à n'importe quel point du pays.
Or, voici le coût kilométrique des chemins de fer qui aboutissent à Londres :
London et South-Western, 384,000 fr. ;
South-Eastern, comprenant plusieurs lieues de lignes dans Londres, 689,000 fr. ;
Great-Northern, 414,000 fr. ;
London-Brighton et South-Coast, également en grande partie dans Londres, 711,000 fr. ;
Midland, 490,000 fr. ;
Great-Western, qui a trois rails sur présente toute sa longueur et passe à travers plusieurs villes, 518,000 fr. ;
London et North-Western, 520,000 fr. ;
Great-Eastern, 468,000 fr.
Notons bien, messieurs, pour comprendre la valeur de ces chiffres, qu'en Angleterre la main-d'œuvre est plus que double de ce qu'elle est dans notre pays et que les travaux d'art et terrassements coûtent à l'avenant.
J'en conclus que, comme constructeur, l'Etat n'est pas l'agent qui produit les chemins de fer à meilleur marché ; qu'ayant produit chèrement cet instrument de travail nécessaire à l'activité du pays, il lui sera impossible, d'ici à longtemps, d'en réduire le prix des services comme pourront le faire les compagnies concurrentes dont les lignes coûtent moins cher.
Je le disais tantôt : il est impossible qu'un chemin de fer qui coûte 500,000 fr. par kilomètre puisse donner ses services à un prix aussi bas qu'un chemin de fer qui ne coûterait que 100,000 fr.
Messieurs, avant de quitter ce point, pour arriver à l'examen de l'exploitation du chemin de fer par l'Etat, je dois faire remarquer que si l'Etat a construit les chemins de fer dans une partie seulement du pays, l'injustice est d'autant plus grande envers les autres parties, qu'il a employées des ressources qui appartenaient à tous, pour en faire profiter seulement quelques-uns, et que cette injustice s'est accrue de tout ce que l'Etat a dépensé en trop pour atteindre le même objet.
Il est évident, en effet, que si l'Etat a construit des chemins de fer et qu'il ne peut pas en rembourser le coût par les produits, c'est le pays entier qui doit subvenir à ce remboursement. J'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer à cette assemblée que l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter a non seulement payé sa part dans la construction des chemins de fer faits ailleurs, mais que cette construction a amené une ruine véritable pour plusieurs industries autrefois florissantes, sans compter celle du roulage sur les grandes routes. Ce n'est que quand les sociétés particulières sont venues rétablir l'équilibre des transports que ces industries ont pu reprendre leur position naturelle et renaître à l'existence.
Or, ce qui s'est passé dans l'arrondissement de Nivelles s'est passé ou a pu se passer dans toutes les parties du pays.
Il en résulte que l'Etat aurait peut-être pu se faire excuser, s'il avait établi l'instrument des transports à un bon marché exceptionnel, qui n'aurait pu être atteint par l'industrie privée ; mais il est certainement inexcusable dès que c'est au moyen de l'impôt prélevé sur le pays tout entier qu'il devra demander les ressources nécessaires pour rembourser le coût des chemins de fer et, plus fard, les frais d'exploitation, s'il ne parvient pas à les abaisser notablement.
Messieurs, nous allons maintenant examiner l'Etat au point de vue de l'exploitation.
Comme constructeur, nous l'avons trouvé plus cher de beaucoup que les particuliers. Comme exploitant, peut-être va-t-il retrouver la différence et la compenser par une exploitation meilleure et plus économique ?
Messieurs, je ne vous fatiguerai pas par de longs développements. Je vais arriver immédiatement aux résultats.
Le compte rendu des opérations pendant l'année 1867, qui nous a été distribué au commencement de cette session, m'offre tous les éléments nécessaires pour arriver, sans grands calculs, à juger l'exploitation des chemins de fer par l'Etat.
Je continuerai à ne donner que des chiffres ronds.
Le produit brut de l'exploitation est de 40 millions. Ce produit est réduit, par suite des redevances ducs à des sociétés dont l'Etat exploite les lignes, à 36 millions.
Il dépense 24 millions, restent 12 millions.
Résultat : 66 p. c. de frais d'exploitation, si l'on prend les 36 millions comme recette de l'Etat et les dépenses d'exploitation seules déduites de ce produit.
MtpJµ. - C'est une base irrationnelle.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - C'est celle qui est indiquée dans le compte rendu. Je dois m'en tenir à vos chiffres.
MtpJµ. - Il faut prendre le produit tout entier.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Si je prends le produit tout entier et la dépense tout entière, j'arrive à 60 p. c. Je prends donc le chiffre le plus favorable à votre thèse.
A quels résultats arrive, de son côté, l'industrie privée ? Malheureusement, en Belgique, les comptes rendus des sociétés ne sont pas tous établis d'après les mêmes bases que ceux de l'Etat et ils diffèrent encore entre eux ; il faudrait les ramener tous aux mêmes éléments, pour pouvoir les comparer. Mais en réduisant les calculs relatifs aux dépenses d'exploitation des chemins de fer à peu près aux mêmes éléments que ceux de l'Etat, nous arrivons à ce résultat, qu'il y a des sociétés dont le revenu kilométrique n'est pas de la moitié de celui de l'Etat et qui, cependant, ne dépensent pas 50 p. c. de leurs recettes brutes.
Le produit brut kilométrique de l'Etat est à peu près de 60,000 fr. ; il y a des sociétés dont les recettes ne s'élèvent pas à 20,000 fr. et qui ne dépensent guère que la moitié ; d'autres sociétés, en France et en Angleterre, dont le revenu brut est supérieur à celui de l'Etat, ne dépensent que de 34 à 45 p. c. Mais certaines de ces sociétés, notamment en France, ont des charges assez lourdes, qui leur sont imposées comme conséquence du concours financier que l'Etat leur a fourni, charges qui ne peuvent incomber à l'Etat vis-à-vis de lui-même ; d'où il résulte, que si l'industrie des chemins de fer en France avait été complètement libre, si elle avait osé se livrer à l'exploitation des transports, sans se charger du concours onéreux de l'Etat, l'exploitation de leurs chemins de fer eût été beaucoup moins coûteuse et la construction des lignes françaises n'aurait pas exigé des capitaux aussi considérables.
Il résulte de ces faits, que je me borne à indiquer, qu'il m'est assez difficile de comparer les dépenses de part et d'autre, mais je puis dire, par l'examen que j'ai fait des dépenses des chemins de fer tant en France qu'en Angleterre et même dans d'autres parties de l'Europe, que le pays qui offre, à cet égard, les éléments de bon marché les plus certains se trouve être la Belgique : charbon à bon marché, fer, main-d'œuvre à bon marché, tout se trouve réuni en Belgique pour une construction et une exploitation économiques. Tandis qu'en Angleterre, on paye à l'ouvrier des chemins de fer en moyenne 3 à 6 fr. par jour ; tandis qu'en France, on lui paye de 4 à 5 fr. par jour, on paye beaucoup moins dans notre pays. Tandis qu'en France, la houille, le fer, le bois, en un mot tous les éléments d'exploitation sont d'un prix très élevé, on les trouve à des prix minimes en Belgique.
Nous aurions donc dû, en tenant compte de ces éléments, trouver ici le coût de l'exploitation réduit au minimum. Et la preuve, je puis la fournir à l'instant même : c'est que les sociétés particulières qui sont entrées forcément dans la voie de l'économie, parce que, malheureusement, elles n'ont pas toujours des capitaux disponibles comme elles le voudraient bien, exploitent à des conditions de bon marché qui ne sont atteintes nulle part.
D'où vient donc que l'exploitation par l'Etat soit aussi coûteuse ?
Beaucoup de causes contribuent à ce résultat, outre celles que j'ai citées, mais j'en ajouterai une seule, qui donnera probablement la clef de celles que j'aurai laissées en arrière.
J'ai trouvé dans l'Annuaire de M. Loisel, qui nous donne des renseignements si précieux sur la situation de tous nos chemins de fer, un tableau très curieux sur le personnel employé dans les chemins de fer en Belgique.
L'Etat, qui a exploité, en moyenne, en 1867, 790 kilomètres, avait 12,898 agents, employés et ouvriers de toute espèce.
Les compagnies particulières, qui exploitaient à peu près 2,000 kilomètres, n'employaient en tout que 11,216 personnes ; de sorte que si l'Etat (page 796) avait exploité tout le réseau, il eût employé 13,300 personnes au lieu de 24,000.
Ces chiffres vous donnent, messieurs, d'une façon sommaire, mais sensible, la cause ou du moins l'une des causes principales de la différence du coût de l'exploitation des chemins de fer, quand c'est l'Etat qui exploite. Mais, il y a encore une autre cause, que je ne puis pas négliger de signaler parce qu'elle a aussi une action très considérable sur le prix de revient de l'Etat.
Comme je le disais en commençant ce discours, l'Etat exploitant se résume, en définitive, dans l'administration, et cette administration est irresponsable. Elle agit dans le silence du cabinet, elle est inabordable et inattaquable. Ses actes sont, pour la plupart, inconnus, et lorsqu'ils arrivent à notre connaissance, ils sont accomplis depuis longtemps. Nous avons seulement le compte rendu des opérations de 1867. Les membres de l'administration n'ont aucun intérêt direct à l'économie. Au contraire, s'ils consultaient leurs intérêts, ils seraient plutôt poussés à augmenter les dépenses.
Evidemment, la nature même des choses veut que l'administration de l'Etat soit moins parcimonieuse que celle des compagnies.
D'autre part, elle ne cherche pas à augmenter le trafic, parce que, augmenter le trafic ce serait augmenter le travail, sans augmenter le salaire.
De tous ces faits, il résulte qu'en définitive, il y a moins de garanties pour le pays dans une administration irresponsable, agissant presque sans contrôle, dans la plénitude de son irresponsabilité, que dans les administrations particulières, qui ont à rendre compte, chaque année, de leurs actes à leurs commettants. (Interruption.) Je sais tout ce qu'on peut dire sur l'inefficacité du contrôle et de la surveillance des actionnaires ; je sais que la société anonyme, modelée, plus ou moins bien sur le patron de l'Etat, est, comme celui-ci, livrée trop souvent à elle-même et n'est contrôlée que très superficiellement par les actionnaires ; mais il y a cependant une différence en faveur des sociétés : c'est que leurs administrations sont, en général, composées des personnes les plus fortement intéressées dans ces entreprises.
Non seulement elles sont intéressées comme actionnaires, comme capitalistes, mais elles sont encore directement intéressées aux résultats favorables. Le salaire, très légitime, des administrateurs des sociétés est, en effet, pris sur les bénéfices réalisés. Il n'est donc pas du tout indifférent à ces administrations, même en présence d'actionnaires peu vigilants, de laisser faire à leurs employés tout ce qu'ils veulent. Il y a là la garantie d'un contrôle très efficace, très sérieux, qui se traduit en économies réelles et notables.
Vous jugerez peut-être, messieurs, que je suis descendu dans des détails peu importants, que j'ai délayé l'examen de la question d'exploitation par l'Etat plus que. je n'aurais dû le faire.
Mais j'ai été obligé d'entrer dans ces détails, pour faire comprendre que le pays, l'industrie, le travail ne peuvent espérer de bon marché dans les transports, si l'Etat en obtenait le monopole. C'est là une question vitale, une question de premier ordre pour le commerce et l'industrie. Ils ne peuvent espérer de bon marché dans les transports que dans la construction économique et, plus tard, dans l'exploitation économique des chemins de fer, quels que soient les noms qu'ils portent.
Or, comme il est impossible que l'Etat, à moins de sacrifier la justice, à moins de faire payer par les contribuables en général des frais d'exploitation qui incombent à ceux qui en profitent, que l'Etat, dis-je, puisse faire de l'exploitation que j'appellerai philanthropique.
II est évident et certain qu'à la longue les chemins de fer exploités par l'Etat finiront toujours par faire payer leurs services plus cher que les autres.
La loi de 1834, exigeant que les chemins de fer de l'Etat se suffisent à eux-mêmes, s'oppose, avec raison, à des réductions de tarifs qui mettraient le trésor public en perte.
Eh bien, messieurs, examinons maintenant la situation à ce point de vue.
L'administration, comme je le disais tantôt, pour maintenir l'exploitation des chemins de fer de l'Etat dans l'opinion publique, a été obligée, pendant très longtemps, contrairement aux prévisions de la loi 1834, de prendre sur les impôts une partie des intérêts des capitaux employés à la construction des chemins de fer. Il en est résulté une dette envers le trésor, qui n'est pas entièrement remboursée.
Plus tard, quand les lignes ont été complétées, quand de nombreux affluents sont venus leur apporter leur contingent, l'Etat a réalisé des bénéfices supérieurs aux charges, cette dette a commencé à décroître.
Il y a trois ans, l’administration, forte d'expériences précédentes qui avaient donné de bons résultats, entra dans une voie de réduction des tarifs, réduction jugée très diversement dans le pays, vivement critiquée par les uns, non moins vivement défendue par les autres et dont la discussion pourrait nous entraîner dans de très longues considérations, mais dont vous me permettrez, messieurs, de me dispenser pour le moment, en présence de la promesse qui nous a été faite d'un rapport circonstancié par l'honorable ministre des travaux publics.
Cependant, je dois vous dire un mot sur ce point, parce qu'il est au moins l'indice d'un changement dans la situation matérielle de l'exploitation des chemins de fer de l'Etat.
Il faut se rappeler la situation. D'abord l'Etat avait une sorte de monopole des transports ; mais peu à peu l'industrie a construit un réseau plus vaste, plus complet que le premier ; les exploitants ont fini par se concerter et ont fait une concurrence sérieuse au réseau de l'Etat.
On peut donc croire qu'en diminuant ses tarifs, celui-ci a bien plutôt voulu se défendre contre la concurrence et sauvegarder sa position, qu'augmenter ses recettes.
Il est possible aussi que l'administration ait, en même temps, voulu rendre les propriétaires de lignes concédées moins difficiles en cas de cession d'exploitation.
Quoi qu'il en soit, cette réduction a eu pour effet d'appeler l'attention publique sur l'exploitation des chemins de fer de l'Etat et d'amener une discussion qui ne peut être qu'utile au pays.
Je cite ce fait, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir, lorsque le rapport promis sera distribué, pour vous démontrer, messieurs, que si l'Etat avait eu des chemins de fer qui ne lui eussent coûté que 200,000 fr. par kilomètre, il aurait pu soutenir la concurrence des lignes concédées sans devoir recourir à des mesures extraordinaires.
Je reviens sur ce point, pour vous démontrer, messieurs, que la question du coût d'établissement des chemins de fer revient et reviendra forcément, dans leur exploitation, si on ne veut pas, comme je le disais tantôt, en faire supporter les charges par le pays tout entier.
Les tarifs de l'Etat sont-ils réellement réduits à un chiffre, tellement bas, qu'ils soient, en quelque sorte, une exception dans l'histoire de l'exploitation des chemins de fer ? En aucune façon. En Angleterre, il existe des lignes et des exploitations qui ont des tarifs bien plus bas que ceux de l'Etat belge. Le chemin de fer de Stocton à Darlengton, entre autres, transporte les charbons à raison d'un demi-penny par tonne et par mille.
Cela revient à moins de 3 centimes par tonne kilométrique.
En Amérique, le chemin de fer de Reading à Philadelphie fait encore les transports à meilleur marché ; il ne prend pas plus d'un centime et une fraction (moins de deux centimes) par tonne kilométrique. Cependant, ces chemins de fer donnent des revenus considérables et sont établis et entretenus de façon à laisser, je puis le dire, derrière eux tout ce que nous voyons dans notre pays. Le chemin de fer de Reading, par exemple, a deux ou trois kilomètres de quais d'embarquement sur la Delaware. Une tonne de charbon y arrive du fond de la mine jusqu'à bord du bateau, sans coûter un centime de transbordement et sans frais autres que les frais de transport. Il en est à peu près de même dans plusieurs ports de l'Angleterre.
Nous n'avons rien de semblable et nous avons beaucoup de chemin à faire pour mettre nos industries en possession d'instruments aussi économiques.
Cependant, dans ces deux cas, c'est l'industrie privée, livrée à ses propres et uniques forces, ne comptant et ne pouvant compter en aucune façon sur le concours de l'Etat, qui offre ces avantages au commerce.
Messieurs, je le disais en commençant, l'exploitation par l'Etat devait arrivera une crise. Pour moi, je ne me le dissimule pas, je crois que le moment de cette crise est arrivé. Je crois que, quoi que nous fassions et quelques sacrifices que nous soyons disposés à faire, nous ne pourrons la prévenir. Il nous faudra ou apporter à cette exploitation, d'ici à quelque temps, un large concours, ou accepter, pour dissimuler la situation, des propositions d'agrandissement considérable. J'ai indiqué dans une circonstance antérieure, le 13 février, que deux forces très puissantes concourent à nous pousser dans la voie de cet agrandissement.
La première, peut-être n'est-ce pas la plus active, ce sont les actionnaires, ce sont les obligataires des compagnies privées. Beaucoup aimeraient mieux avoir l'Etat pour débiteur. Peut-être serait-ce à tort, mais ils dormiraient plus tranquilles.
D'autre part, l'administration ne serait pas fâchée de voir son influence s'accroître et s'étendre sur tout le pays ; des chemins de fer plus étendus pourraient aussi amener des augmentations de position très recherchées.
Enfin, d'un autre côté encore, les politiques ne verraient pas avec (page 797) déplaisir des moyens d’influence plus considérables mis entre leurs mains,
Déjà, messieurs, je vous ai signalé, il y a deux ans, la pression considérable des administrations publiques dans notre système électoral ; cette influence, tout gouvernement désire l'accroître, dans le but chimérique de se perpétuer.
Eh bien, messieurs, ces trois influences convergeant vers un même but, pourraient, si nous n'y prenions garde (et c'est pour ce motif que j'ai pris la parole), nous entraîner vers l'absorption, par l'administration, de tous les chemins de fer et, par suite, dans une situation financière dont je vais vous présenter une légère esquisse.
Voici, messieurs, la situation, au point de vue des capitaux dépensés, des chemins de fer en Belgique.
L'Etat a construit pour 247 millions de chemins de fer ; il en doit encore 204 millions ; les lignes exploitées par l'Etat ont conté 82 millions.
Les lignes exploitées par le Nord-Belge ont coûté 137 millions.
Les lignes exploitées par la Société générale d'exploitation ont coûté 240 millions.
Les autres lignes ont coûté 435 millions.
Total, 1,100 millions.
Les concessions accordées, les lignes en construction et celles dont la construction n'est pas encore commencée, coûteront, d'après les devis, 485 millions, et comme les devis sont généralement dépassés, nous pouvons dire 500 millions.
Nous avons donc dans l'industrie des chemins de fer un capital déjà engagé de 1,100 millions, qui sera porté à 1,600 d'ici à quelques années.
Or, supposons que l'Etat rachète toutes ces lignes, même sans bourse délier (je lui fais la position financière la plus facile) ; qu'il s'engage seulement à payer, soit une part dans les recettes, soit une redevance proportionnelle au trafic, ou toute autre combinaison analogue ; car nous pouvons être bien certains que les intérêts des concessionnaires seront bien défendus.
Eh bien, voyons, pour nous faire une idée de la situation qui pourrait être créée, dans l'hypothèse de la reprise des chemins de fer, ce qui se passe dans la réalité ; voyons quelle est la situation de l'Etat vis-à-vis des compagnies dont il exploite depuis quelques années les concessions.
Voyons d'abord Tournai-Jurbise, par exemple.
L'Etat, comme nous l'avons vu tantôt, exploite à 60 p. c.
Tournai-Jurbise reçoit 50 p. c. de la recette brute. Ajoutez-y 66 p. c, vous aurez 116. Perte pour l'Etat : 16 p. c.
Voyons Dendre-et-Waes. Là les éléments de. calcul précis manquent. Il serait assez difficile d'arriver à quelque chose d'exact. Mais enfin l'Etat donne à la société 75 p. c, non seulement du tarif pour le parcours de la ligne même, mais encore sur celui de ses propres lignes. 75 et 66 font 141 : donc, perte de 41 p. c.
Nous avons ensuite la compagnie de Braine-le-Comte à Gand. Là, la combinaison est différente. C'est la compagnie qui garantit à l'Etat une certaine recette.
Je ne suis pas en mesure de dire quelle est la perte ou le bénéfice sur cette exploitation, niais je suis tenté de croire, d'après le compte rendu de 1867, qu'il y a plutôt perte que bénéfice.
Notez, messieurs, que les lignes que je viens de. citer sont parmi les meilleures du pays, si l'on excepte bien entendu les lignes principales : Bruxelles-Anvers, Bruxelles-Gand, Bruxelles-Liége, etc.
Ne suis-je donc pas en droit, en prenant cet exemple, de vous dire que si l'Etat entrait d'une façon quelconque dans l'idée d'agrandir son réseau en y adjoignant des lignes nouvelles, il aggraverait immédiatement sa situation.
Quand il n'exploitait que 700 kilomètres, il faisait encore des bénéfices notables. Depuis qu'il en exploite 862, ses bénéfices sont considérablement diminués.
S'il arrivait à en exploiter 1,000 à 1,500, ses bénéfices seraient probablement entièrement absorbés.
La même situation se représente, du reste, ailleurs, en France comme en Angleterre, et probablement dans tous les pays.
En France, les seconds réseaux ont absorbé une partie des bénéfices des premiers et les compagnies, quand elles se sont engagées à accroître leur exploitation, ont dû stipuler avec l'Etat un certain revenu qui serait définitivement acquis à leur premier réseau. Et vous voyez, dans tous les comptes rendus que j'ai ici, que les seconds réseaux absorbent pour leur exploitation une partie considérable de leur produit brut.
En Angleterre, les mêmes effets se sont produits ; la plupart des lignes que les compagnies ont été tentées ou forcées de s'adjoindre pour éviter certaines concurrences leur donnent des pertes. Il en serait exactement de même ici, si l'administration voulait agrandir son exploitation. Elle peut être certaine qu'elle y perdrait les revenus nets qui lui restent.
Je pourrais, messieurs, étendre considérablement ces considérations ; je pourrais entrer dans d'autres détails, mais je veux abréger et je veux finir cette exposition, déjà de beaucoup trop longue. II y a cependant un point dont je n'ai pas dit un seul mot jusqu'à présent et qui devrait être, à mon avis, la raison péremptoire pour que l'Etat ne s'occupe jamais d'industrie ni de commerce. C'est la raison politique.
La discussion même de ce budget suffirait pour prouver ce que je vais dire. Je suis, je pense, le 28ème orateur...
MpCombrezµ. - Le 31ème.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - ... le 31ème orateur qui a pris la parole dans la discussion, qui est loin d'être terminée. Supposons que nous ayons un peu de l'esprit de combinaison qui règne en Amérique, par exemple ; que chacun des 53 orateurs, sauf moi, qui, cette fois du moins, n'ai pas plaidé pro domo mea, se coalise avec ceux qui se trouvent dans son cas, et je défie un gouvernement, quel qu'il soit, de résister à une combinaison d'intérêts quelquefois exclusivement personnels.
Il y a plus. Le vide qui existe sur le banc ministériel est une autre preuve du danger pour l'Etat d'être industriel.
Si l'Etat ne s'était pas mêlé de l'exploitation des chemins de fer, il n'aurait pas eu à craindre de concurrence et, par suite, d'embarras, et nous n'aurions pas eu dernièrement cette petite discussion à propos d'exploitation. (Interruption.) Je dis cette petite discussion, car j'ai eu beau chercher, je n'y ai trouvé rien autre chose qu'une question de casquettes, c'est-à-dire d'uniformes...
C'est, du reste, l'un des principaux arguments employés par l'honorable ministre des finances dans son discours du 13 février.
Je n'y ai vu, jusqu'ici, qu'une question d'uniformes, mais quant aux intérêts industriels, quant aux intérêts nationaux, quant aux intérêts stratégiques, j'ai eu beau chercher, je n'en ai pas trouvés...
MiPµ. - Cela ne prouve pas en faveur de votre clairvoyance.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Compte rendu nous sera donné, j'espère, et j'espère aussi qu'il nous sera démontré que d'autres intérêts étaient réellement engagés dans cette question.
Mais en définitive, l'Etat, s'il n'avait pas été directement engagé dans la question, comme je le disais tantôt...
MtpJµ. - La question ne me paraît pas très opportune en ce moment...
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Permettez, M. le ministre, je n'anticipe pas d'un seul mot sur les questions pendantes ; seulement, j'ai le droit de citer le fait de la situation actuelle, pour montrer au pays l'un des nombreux dangers de l'immixtion de l'Etat dans les opérations du commerce et de l'industrie. Je cherche, donc à prouver que, même au point de vue politique, si l'Etat n'avait eu à examiner la question à laquelle je fais allusion que comme protecteur désintéressé de toutes les industries, de tous les intérêts, il n'aurait eu à se préoccuper de transactions particulières qu'au point de vue de la stricte exécution des lois du pays ; ce rôle eut été plus facile, et moins compliqué.
Je suis donc autorisé à citer cet exemple, parce qu'il est palpable, pour démontrer que l'Etat court des risques de plus d'une nature, au point de vue politique, en s'occupant d'opérations qui devraient être laissées exclusivement du domaine de l'industrie privée.
J'arrive donc, en coupant, comme je le disais tantôt, à travers beaucoup d'autres considérations que je me proposais faire valoir devant la Chambre, pour prouver que, d'après moi, l'Etat ne doit, au moins, plus augmenter ses exploitations ; l'Etat ne doit plus s'engager dans des entreprises nouvelles, même s'il y était, en quelque sorte, contraint par les circonstances. Il doit préparer la cessation du monopole des transports. Je m'explique.
MiPµ. - Mais avant, laissez construire le chemin vers Charleroi. J'y tiens pour mon arrondissement.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Et moi aussi. L'Etat doit préparer la cessation du monopole des chemins de fer. Le véritable rôle des chemins de fer, dans l'avenir, sera d'être exploités par tout le monde, comme, le sont les canaux et les grandes routes. Je pourrais, je devrais peut-être, donner à cet égard des explications que la Chambre pourrait trouver un peu longues, si elles devaient être complètes. Mais elle me permettra de lui dire, en quelques mots, comment la chose est possible, car ce n'est pas une théorie que l'exploitation, par des particuliers ou des sociétés spéciales, de l'ensemble des lignes d'un pays.
En Pennsylvanie, depuis trente ans, les chemins de fer de l'Etat sont (page 798) exploités par des particuliers ou des sociétés concurrentes. A Philadelphie, on peut voir, en tête des enseignes des nombreuses exploitations concurrentes des chemins de fer, ces mots caractéristiques : « No monopoly », pas de monopole ! On peut donc expédier les marchandises par n'importe laquelle de ces exploitations, qui représentent là ce que Van Gend était ici pour les messageries et les diligences, et le public profite largement de cette concurrence. Les uns offrent l'avantage de la vitesse, les autres celui du bon marché : il y a pour tous les besoins, chacun a sa spécialité.
Quant au parcours des trains, il se fait exactement de la même manière que dans tous les autres pays. Aucun train n'y quitte la station sans être soumis au règlement qui fixe le temps et sans l'autorisation des chefs de gares. Les trains ne peuvent pas plus se rencontrer, ne peuvent pas plus courir les uns sur les autres que dans le système du monopole. Et l'on obtient ainsi le bénéfice de la concurrence, au lieu d'avoir les mauvais résultats du monopole.
De plus, ce système permet d'attendre un grand résultat économique, qui met le pays à l'abri de très grandes difficultés, de très grands dangers même, dans certains cas.
Ces grandes compagnies et l'Etat lui-même peuvent, dans certaines circonstances, être entravées dans leur exploitation par le manque de capitaux ou par d'autres causes particulières. Ils peuvent se trouver, par suite d'événements sur lesquels ils n'auraient aucun contrôle, dans l'impossibilité de continuer l'exploitation. Que ferait le pays dans un cas semblable ?
De son côté, l'Etat peut, dans certains moments, passer par des crises qui rendent l'exploitation très difficile, sinon impossible.
Les grandes compagnies peuvent aussi passer, et quelques-unes ont passé, par des crises qui les mettent dans l'impossibilité de continuer l'exploitation, tandis que si le trafic des chemins de fer était divisé entre un certain nombre d'exploitants spéciaux, dont le capital serait peu considérable et pouvant aller partout, comme cela était pour les diligences sur les routes et les bateaux sur les canaux, le travail et l'industrie rentreraient dans les conditions normales de la libre concurrence et ces dangers disparaîtraient pour eux. De son côté, la nation serait plus certaine de conserver en tout temps ses moyens d'action et de transport.
Messieurs, je soumets à votre appréciation les considérations que je viens de faire valoir.
J'étais résolu d'avance à ne faire aucune proposition. Je sais parfaitement que les discussions en quelque sorte théoriques, qui n'ont pas une proposition comme but, sont souvent mal accueillies ou sont écoutées avec indifférence.
Mais, comme je vous l'ai dit en commençant, et je terminerai de même, j'ai voulu attirer votre attention et surtout l'attention du pays sur les dangers divers qu'offrirait l'extension de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat. J'ai voulu aussi attirer l'attention des hommes politiques, des hommes qui prévoient l'avenir, sur la nécessité de préparer, le plus tôt possible, la transformation future de l'exploitation par monopole en exploitations libres par et au profit de tous. Si j'ai atteint ce but, je serai suffisamment récompensé.
M. Lelièvreµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Le rapport de, la section centrale énonce que M. le ministre des travaux publics a fait étudier la question de savoir s'il n'y a pas lieu d'améliorer la position des conducteurs des ponts et chaussées. Je désire savoir si les études sont terminées et s'il est permis d'espérer de voir apporter des changements à la situation actuelle, changements dont personne ne méconnaîtra la justice. Je ne puis, à cet égard, que recommander les fonctionnaires dont il est question à la sollicitude du gouvernement.
- La séance est levée à cinq heures.