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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 février 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 346) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Van Ryckeghem demande que le notariat soit rendu libre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des bateliers de Tournai demandent la suppression des droits qui pèsent, à différents titres, sur leur industrie. »

- Même renvoi.

« M. T'Serstevens, obligé de s'absenter, demande un congé de deux jours. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1869

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. Hymans. Mais un membre vient de se faire inscrire pour parler encore sur la question flamande. Permettez-vous qu'il parle avant vous, M. Hymans ?

M. Hymans. - Oui, M. le président.

M. le président. - La parole est à M. Vermeire.

M. Vermeireµ. - Messieurs, dans la séance d'hier, j'avais demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. De Fré, d'une part, vanter excessivement l'intelligence des populations flamandes dans les siècles passés, et, d'autre part, attribuer en quelque sorte la décadence des Flandres à la religion qui y est pratiquée aujourd'hui.

Je n'entrerai pas avec l'honorable M. De Fré dans le domaine de l'histoire. Seulement, je crois devoir dire que si nous voulions examiner froidement et impartialement la prospérité relative des Flandres d'autrefois et la décadence des Flandres d'aujourd'hui, nous constaterions, de part et d'autre, une exagération marquée.

Je crois que nous n'avons pas été aussi prospères qu'on veut bien le dire, dans les siècles précédents, et que nous ne sommes pas tombés dans une décadence aussi grande qu'on le prétend aujourd'hui.

Messieurs, lorsque vous comparez les deux Flandres avec les autres provinces du pays, je crois que le désavantage n'est pas au détriment des Flandres.

Dans le Hainaut et dans d'autres provinces où il y a des houillères, il y a beaucoup d'occupation pour les populations industrielles et minières. Si vous faites abstraction de ces circonstances extraordinaires, vous devez convenir cependant que les Flandres, qui n'ont aucune de ces ressources, ne sont pas tombées dans une grande décadence.

Vous n'avez qu'à aller, par exemple, dans le chef-lieu de la Flandre orientale, à Gand et vous y verrez toutes les fabriques en grande activité ; vous y verrez les relations commerciales et industrielles se développer tous les jours de plus en plus, et vous y verrez encore le bien-être relatif, aussi bien dans les classes ouvrières que dans la classe industrielle elle-même.

Si vous descendez du chef-lieu vers les villes secondaires, vous remarquez encore que partout la population augmente d'une manière considérable. Or, l'augmentation de la population a toujours été considérée comme un indice certain de prospérité.

Il n'y a pas de ville des Flandres qui n'ait vu s'accroître considérablement son industrie, et, en laissant de côté le grand développement que l'industrie gantoise a pris, je vous citerai d'autres villes.

La ville d'Alost marche à grands pas et suit de très près le développement industriel et commercial de la ville de Gand. A côté de la ville d'Alost, où la population, si je ne me trompe, a plus que doublé depuis vingt ans, vous voyez la ville de Saint-Nicolas qui, au commencement de ce siècle, ne comptait que 6,000 âmes et qui aujourd'hui en compte 23,000. Des fabriques se sont élevées dans cette ville, la prospérité y a grandi, les richesses s'y sont accumulées. On ne peut donc pas dire que les populations flamandes qui pratiquent principalement la religion de nos pères soient tombées par ce fait en décadence, comme on l'a insinué hier.

Vous parlerai-je de Termonde ? Si Termonde n'avait pas de forteresse, elle se trouverait dans des conditions aussi prospères que les autres villes ; et les conditions défavorables où elle se trouve ne l'ont pas même empêchée de voir augmenter sa population, de 6,000 âmes qu'elle comptait au commencement de ce siècle, aux 9,000 qu'elle compte aujourd'hui.

Le mouvement industriel ne se développe pas seulement dans les villes, il s'étend dans les villages qui les entourent.

Or, quand de pareils faits se produisent, on ne peut pas dire que les populations flamandes soient en décadence.

Vous parlerai-je encore de l'agriculture ? Mais, messieurs, ne voyons-nous pas les étrangers, de tous les pays venir dans nos Flandres, tombées en décadence, selon M. De Fré, pour y étudier, sur les lieux, le système de culture qui y est pratiqué et qui donne de si beaux résultats ? Les terres n'ont-elles pas, dans les Flandres, triplé de valeur depuis quarante ans ?

Et Anvers ! Anvers aussi s'est développé. Est-ce que le mouvement du port d'Anvers n'a pas augmenté ?

Tous ces bienfaits, messieurs, nous les devons à la liberté commerciale et industrielle, et, comme on l'a dit avec beaucoup de raison, de même que le despotisme est ennemi de tout développement moral et matériel, de même la liberté ne peut que le grandir. Faisons un pas de plus dans cette voie et abolissons toutes les barrières qui gênent encore la circulation de nos produits d'un pays vers l'autre et vous verrez que la prospérité grandira encore dans l'avenir.

Je n'ai demandé la parole que pour protester, en ma qualité de Flamand, contre le reproche de décadence adressé aux Flamands de la part d'un homme qui n'a pas impartialement jugé leur histoire.

M. Hymans. - Les hautes questions sociales qui ont occupé la Chambre depuis quelques jours ont fait perdre de vue quelque peu l'objet spécial de ce débat, qui est le budget de l'intérieur. Le pays ne se plaindra pas de ces discussions qui l'éclairent. Je crois cependant, messieurs, qu'on peut les clôturer aujourd'hui sans inconvénient, car elles se rattachent d'une manière générale à tous les budgets que nous pouvons être appelés à discuter. Ainsi la question flamande, avec la portée qu'on lui a donnée dans les deux dernières séances, se rattache tout aussi bien au budget de la guerre, au budget de la justice, au budget des finances qu'au budget de l'intérieur.

La question du travail des femmes et des enfants dans les manufactures elle-même, qui a été traitée avec tant d'éclat, avec une si grande élévation de pensée, à propos du budget de l'intérieur, se rattache tout naturellement au budget des travaux publics. Et, à ce propos, j'ai constaté un fait bizarre : tandis que des voix éloquentes s'élevaient, surtout de ce côté de la Chambre, pour reprocher au gouvernement son inertie, son action ; tandis que l'on prétendait que le gouvernement ne voulait rien faire, qu'il regardait d'un œil sec et impassible les misères des classes inférieures, M. le ministre des travaux publics venait de faire précisément ce qu'on accusait son collègue de l'intérieur de ne vouloir pas faire.

En effet, messieurs, à quoi a abouti ce débat ? Les orateurs qui se sont élevés avec le plus d'énergie contre les doctrines libérales se sont contentés d'une promesse d'enquête, de l'attente des lumières nouvelles qui pourraient être recueillies.

Or, depuis le mois de novembre, M. le ministre des travaux publics avait chargé les hauts fonctionnaires de son département de recueillir des renseignements qui permettraient de résoudre la question dans la mesure que comporte le respect de la liberté individuelle. Vous avez tous reçu ce document ; il a été publié dans le Moniteur et dans tous les journaux. J'y retrouve la plupart des idées produites devant la Chambre dans le dernier débat, reproduites en termes presque identiques par un membre de ce cabinet qu'on accuse de vouloir se renfermer dans la plus complète inaction.

Il est assez étrange, assurément, de voir, dans un aussi solennel débat, des ministres ne pas se rendre justice à eux-mêmes et un document de. cette importance ne pas même trouver place dans la polémique.

(page 547) Ce que j'ai dit de la question du travail des femmes et des enfants dans l'industrie, je le dirai de l'instruction primaire. On a reparlé, et je suis heureux de voir que cette idée fait son chemin ; on a reparlé de la question du demi-temps, de cette réforme qui m'a paru depuis longtemps renfermer le germe d'une transformation complète de l'instruction des masses et de nature à faciliter la solution du grand problème du travail de l'enfance. Ici encore le gouvernement est d'accord en principe, avec ceux qui réclament. M. le ministre de l'intérieur nous a déclaré l'année dernière qu'il était tout disposé à accorder son appui à cette réforme.

Les conclusions défavorables d'une enquête ouverte il y a trois ans, et dont nous parle le dernier rapport triennal sur l'instruction primaire, datent d'une époque antérieure à l'entrée de l'honorable M. Pirmez au ministère, et j'ai la conviction qu'il montrera l'énergie nécessaire pour ramener la bureaucratie des idées arriérées dans lesquelles elle s'entête au sujet de cette importante matière.

Le principe de la réduction des heures de travail dans les écoles est préconisé à l'étranger par les hommes les plus éminents. Quoi qu'on en ait dit, et si l'on veut discuter la question au fond il me sera facile de le démontrer, l'application de ce principe a produit ailleurs d'excellents résultats ; elle en produira aussi en Belgique. Je profite de cette occasion pour féliciter l'honorable M. Funck, échevin chargé de l'instruction publique dans la capitale, d'avoir, au lieu de recourir aux enquêtes et aux rapports, choisi le véritable moyen pratique, celui de mettre la réforme à l'essai à Bruxelles ; et, quant à moi, je ne doute pas des excellents résultats qu'elle produira.

Vous voyez, messieurs, que les questions soulevées et longuement discutées dans cette Chambre n'ont pas le mérite de la nouveauté, et je ne crois pas qu'elles aient beaucoup appris à la plupart d'entre vous.

Nous pouvons donc, je pense, clôturer ce débat et nous occuper maintenant du budget de l'intérieur, sur lequel la discussion est ouverte depuis trois semaines sans qu'on en ait pour ainsi dire parlé jusqu'à ce jour.

C'est ainsi, messieurs, que je suis obligé de venir répondre aujourd'hui, et je ne puis m'en dispenser, car je suis mis en cause avec la section centrale, qui m'a fait l'honneur de me nommer son rapporteur et qui n'est elle-même qu'une émanation de la Chambre ; c'est ainsi, dis-je, que je dois venir répondre aujourd'hui à un discours qui a été prononcé le 13 janvier dernier par un honorable député de Nivelles, par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu qui a fait le procès à la section centrale, à la Chambre et au budget de l'intérieur en gros et en détail.

L'honorable membre a articulé un grief tout aussi grave que les doléances des honorables députés des provinces flamandes sur la décadence plus ou moins grande des populations qu'ils représentent. Le reproche de l'honorable membre est surtout grave dans un pays qui de tout temps a mis son orgueil à exercer un contrôle efficace et sérieux sur les dépenses publiques.

C'est là un fait que l'on ne contestera pas. Presque toutes les agitations et les soulèvements dont l'histoire de Belgique fait mention ont eu pour première cause des questions d'impôts, des questions de finances.

L'honorable membre vient dire dans cette enceinte que le contrôle législatif des dépenses publiques va s'affaiblissant, que l'esprit du Congrès s'éteint, que la Chambre n'est plus digne de ses anciennes traditions ; qu'elle s'écarte des principes les plus impérieux qui s'imposent aux législateurs d'un Etat constitutionnel. Formulée en de pareils termes, une telle accusation ne peut rester sans réponse. Le silence, en présence d'un tel reproche, serait offensant pour l'honorable membre qui l'a formulé, ou pour la Chambre qui le subirait sans protestation.

Eh bien, je n'hésite pas à le dire, étudiez la législation et la pratique de tous les pays qui nous entourent, de tous les peuples de l'Europe civilisée, constitutionnelle et représentative, vous n'en trouverez pas où le contrôle législatif des dépenses publiques s'exerce d'une manière plus sérieuse, plus sévère, plus efficace qu'en Belgique.

Voyons de quelle façon se votent les budgets dans notre pays. Les budgets sont déposés par les ministres, imprimés, livrés à l'examen de la presse et du pays entier, en même temps que de la Chambre ; ils sont examinés par les sections, dont certes on ne contestera pas l'impartialité, puisqu'elles sont tirées au sort, Ces sections nomment leurs rapporteurs. Ces rapporteurs constituent la section centrale, qui nomme un rapporteur a son tour. Vient la discussion publique des budgets. D'abord, une discussion générale, puis une discussion sur les chapitres, une discussion sur les articles avec le droit d'amendement pour chacun d'eux ; vient ensuite le vote des articles de la loi du budget, et, finalement, le vote définitif.

Voilà, si je ne me trompe, sept épreuves auxquelles vous soumettez le vote de chaque budget. Ces sept épreuves se renouvellent au Sénat. Et vous prétendrez qu'il y a en Europe un pays où un pareil contrôle s'exerce ! Pour moi, je ne le trouve nulle part. Prenons pour point de comparaison un pays dont l'honorable M. Le Hardy ne niera pas la compétence. Je parle de l'Angleterre. Comment se votent les budgets dans ce pays ? Le budget des voies et moyens on ne l'imprime même pas.

Le ministre des finances monte à la tribune, prononce un discours, et le plus souvent c'est son éloquence qui emporte le vote sur les grands principes financiers compris dans le budget. La chambre des lords ne se prononce pas sur cette matière. Elle n'a pas le droit d'intervenir dans la question des voies et moyens. Voilà déjà un moindre contrôle qu'en Belgique.

Le budget des dépenses, comment le discute-t-on ? Chaque ministre apporte à la tribune son budget, que l'on vote par chapitre ; il est bien rare, l'honorable M. Le Hardy le sait aussi bien que moi, que les articles soient soumis à des discussions.

Le plus souvent on vote en un seul article le budget de l'armée et celui de la marine.

Est-ce là un contrôle sérieux et efficace comme le nôtre ?

En matière de dépenses la chambre des lords a le droit de vote ; elle n'a pas le droit d'amendement. Encore une fois un contrôle moins sérieux, moins efficace qu'en Belgique.

Maintenant s'agit-il de l'emploi des deniers de l'Etat ? Est-il un pays au monde dans lequel cet emploi soit contrôlé comme chez nous ?

En Angleterre, on croit avoir un contrôle régulier, sérieux de l'emploi des deniers publics. C'est la Banque d'Angleterre qui fait les recouvrements ; c'est l'échiquier qui ordonnance les dépenses, et l'on croit par ce double travail parvenir à exercer un contrôle sérieux, une surveillance réciproque.

Or, que s'est-il passé, il y a quelques années, en Angleterre ? Vous vous rappelez tous l'histoire de ce lord-chancelier, le plus élevé des ministres dans la hiérarchie politique, le chef de la magistrature anglaise, celui qu'on appelle le gardien de la conscience de la reine, lord Westbury, forcé de donner sa démission de son poste à cause d'un déficit de plusieurs millions qui avait été constaté dans la comptabilité du greffier de la chambre des lords, chargé de faire les recettes des brevets d'invention.

Et à ce propos l'honorable M. Gladstone, dont M. Le Hardy invoque volontiers et à juste titre la haute autorité ; M. Gladstone se leva à la chambre des communes et déclara qu'il était absolument indispensable qu'on arrivât à constituer en Angleterre une cour des comptes qui exerçât un contrôle sérieux sur l'emploi des fonds votés par le parlement.

Or, cette cour des comptes, nous l'avons en Belgique, et je ne ferai qu'exprimer la pensée de tout le monde en disant qu'elle a une organisation qui sert de modèle à toutes les institutions du même genre qui ont été établies en Europe, et qu'elle est composée d'hommes au zèle, au soin, à la probité desquels la Belgique entière a toujours rendu le plus éclatant hommage.

La cour des comptes du reste, émanant du vote de la Chambre, est complètement indépendante du gouvernement. De telle sorte, messieurs, que dans l'emploi de nos deniers, pas un centime ne se perd, et il serait fort difficile d'en dire autant de beaucoup d'autres pays de l'Europe.

Mais, dira M. Le Hardy, et j'ai deviné tout à l'heure en le voyant sourire que telle était sa pensée, tout cela n'existe que sur le papier ; « ce sont des lois qui s'exécutent ou qui ont l'air de s'exécuter, mais ce sont de vieilles machines qui fonctionnent depuis trente ou quarante ans et qui continuent à fonctionner par habitude, mais c'est un mirage ; de contrôle sérieux, il n'y en a pas. Il y en avait très peu quand je n'étais pas ici ; il n'y en a pas davantage depuis que je suis entré. »

Mais, messieurs, je ne me souviens pas d'avoir lu quelque part, dans l'histoire parlementaire contemporaine, des discussions comme celles auxquelles nous nous livrons. Je n'ai jamais vu éplucher des budgets comme on épluche dans les Chambres belges, par exemple, le budget de la guerre et comme on me paraît disposé à éplucher celui de l'intérieur. Et je fais cette curieuse remarque, que c'est des bancs où siègent les amis du ministère que viennent les seules critiques que nous entendions ; l'opposition paraît désarmée ; elle donne tout au plus la réplique aux orateurs de la majorité, En somme elle se déclare satisfaite et s'abstient.

Du reste, messieurs, depuis quelques années, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, j'ai constaté, et les Annales parlementaires sont là pour le prouver, une tendance sérieuse à l'économie, précisément sur les différents chapitres du budget de l'intérieur ; et j'ai le droit de revendiquer pour la section centrale actuelle du budget de l'intérieur et pour celles qui l'ont précédée, un peu de l'honneur de ces réductions. Car, beaucoup de celles qui ont été réalisées, pour ne pas dire la plupart, ont (page 348) été faites sur la proposition des diverses sections centrales qui se sont succédé et dont, depuis plusieurs années, j'ai été nommé le rapporteur.

Mais, objecte l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, le contrôle peut être sérieux, mais le rapporteur est trop amical ; c'est un ami de la maison.

Messieurs, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu se fait une singulière idée de ce que c'est qu'un rapporteur. On dirait vraiment, à l'entendre, que c'est le ministre qui le nomme. Mais qu'est-ce donc en réalité que le rapporteur ? C'est l'élu des représentants de toutes les sections, c'est l'élu de l'intégralité de la Chambre, c'est l'élu du suffrage universel à deux degrés ; et pour une fois que nous appliquons le suffrage universel quelque part, il est étrange qu'on lui attribue de si fâcheuses conséquences.

Laissons de côté le rapporteur et parlons du rapport.

Qu'est-ce que c'est qu'un rapport de section centrale ? C'est la reproduction des procès-verbaux des sections et le rapporteur n'a guère le droit d'y ajouter du sien. Lors donc que vous louez le rapporteur ou que vous le critiquez, j'ai le droit de dire qu'il n'a mérité Ni cet excès d'honneur ni cette indignité.

Si le rapporteur est bienveillant, c'est que les sections ont été bienveillantes ; s'il est favorable au gouvernement, c'est que probablement la majorité est favorable au gouvernement, lequel, du reste, n'est lui-même que l'émanation de la majorité.

Toute la théorie de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu repose donc sur une appréciation fausse des rouages du gouvernement représentatif.

Messieurs, la bienveillance dont je parle et qui est naturelle de la part d'une majorité vis-à-vis d'un gouvernement pris dans son sein, n'exclut assurément pas la critique.

La critique reste un devoir, et je prouverai à l'honorable député de Nivelles que nous avons largement usé de notre droit de contrôle, non pas d'une manière générale, non pas en formulant de vagues théories et en invoquant des principes d'économie politique pour ne pas les appliquer, mais en étudiant avec soin chaque article du budget, en demandant des renseignements au ministre et même à la cour des comptes ; et j'ajoute, en soumettant à la Chambre plus d'une question digne d'un sérieux examen. Si l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu s'est donné la peine de jeter un coup d'œil sur le rapport de la section centrale, il verra qu'à la plupart des chapitres ce rapport réclame des économies.

Au chapitre premier, nous avons refusé d'appuyer le vœu exprimé dans la première section en faveur de la mise à la retraite des fonctionnaires civils à un certain âge, afin de ne pas grossir le budget de la dette publique par l'augmentation des pensions.

Au chapitre des frais d'administration, nous avons constaté avec bonheur une réduction qui est le résultat d'un amendement proposé l'an dernier par la section centrale et accueilli par l'honorable ministre de l'intérieur. On voulait augmenter les frais d'administration dans les provinces. La section centrale s'y est opposée. Elle félicite aujourd'hui le gouvernement d'avoir persévéré dans la voie d'économie où il était entré.

En matière d'agriculture, nous avons demandé au gouvernement de nous faire connaître le résultat de l'emploi de différents crédits portés au budget de temps immémorial.

Quand l'octroi de ces crédits ne paraissait pas utile à la chose publique, nous avons demandé qu'on les supprimât le plus tôt possible et M. le ministre nous ayant répondu qu'il avait déjà supprimé, bon nombre de dépenses et qu'il comptait en supprimer encore, la section centrale l'a engagé à persévérer dans cette voie. De même pour le chapitre de l'industrie ; de même encore pour les lettres, les sciences et les beaux-arts.

Mais si le reproche de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu est injuste, il est peu flatteur pour la section centrale, car il prouve que l'honorable membre n'a pas lu le rapport, ou du moins n'avait pas lu le rapport le 13 janvier. Depuis lors il a eu le temps de le lire à loisir.

Je ne l'ignore pas, hélas ! mes raisonnements ne convaincront pas mon honorable collègue. Il ne renonce pas à la conclusion qu'il a formulée :

« Si la Chambre ne se met pas d'une manière ferme et énergique en opposition avec le pouvoir exécutif dans les questions de budget, il est bien évident que l'on sera toujours entraîné dans la voie des augmentations de dépenses. »

Ainsi l'honorable M. Le Hardy nous donne le conseil de nous mettre d'une manière ferme et énergique en opposition avec le pouvoir exécutif, sous peine de voir les dépenses inutiles augmenter constamment et à l'appui de cette théorie, dans la séance publique du 13 janvier l'honorable membre présente en effet la critique détaillée des différents chapitres du budget ; dépenses inutiles, exagérées, improductives, il critiqué en masse plusieurs chapitres, il en critique d'autres en détail.

J'avoue qu'en entendant l'honorable membre parler de la sorte, j'ai eu un remords de conscience et je me suis demandé très sérieusement si j'avais omis de produire dans le rapport quelques-unes des observations faites dans les sections, et spécialement dans la section dont l'honorable membre faisait partie et dans laquelle il avait eu l'occasion de se mettre, suivant sa devise, en opposition ferme et énergique avec le pouvoir exécutif.

Eh bien, messieurs, en qualité de rapporteur, j'ai en main les procès-verbaux des sections. Voici celui de la quatrième section, signé par M. Le Hardy de Beaulieu. Il la présidait ; elle était exceptionnellement nombreuse. Plusieurs membres de l'opposition y siégeaient à côté de l'honorable M. Le Hardy.

Prenons lecture de ce procès-verbal. J'y lis dès la première ligne : « Les six premiers chapitres du budget ne donnent lieu à aucune observation et sont adoptés à l'unanimité » ... sons la présidence de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, ayant à côté de lui quatre membres de l'opposition pour le soutenir dans l'attitude ferme et énergique qu'il devait prendre pour empêcher le pouvoir exécutif d'augmenter les dépenses publiques. (Interruption.)

Et, chose remarquable, cette section ne propose que des dépenses nouvelles.

Elle demande de nouveaux fusils (horresco referens) pour la garde civique.

Elle demande la création de nouvelles écoles moyennes, de cours nouveaux à l'institut agricole ;

Elle demande pourquoi l'on ne donne pas suite à la loi qui a décrété la création de nouvelles écoles normales.

Elle demande la réorganisation, probablement plus coûteuse, du service médical des campagnes, en somme beaucoup de mesures que j'approuve et que la section centrale a cru devoir appuyer, mais qui ne nous conduisent pas dans la voie des économies. Au contraire, cette section qui devait être l'idéal de la résistance ferme et énergique à l'accroissement des dépenses publiques, ne propose, sauf de petits détails, que des augmentations de dépenses.

Messieurs, j'ai le droit de dire que. lorsqu'on a de pareilles poutres dans son œil, on ne doit pas se récrier sur le fétu de paille que l'on voit dans l'œil de son voisin. J'ai le droit de dire aussi que l'honorable M. Le Hardy, qui m'a reproché d'être trop amical, l'est beaucoup plus que moi, car moi je propose de voter des dépenses que je crois utiles, tandis qu'il vote sans protester des dépenses qu'il croit tout au moins superflues.

La section centrale, si elle était coupable, le serait du reste en bonne et nombreuse compagnie. Aucune observation n'a été faite jusqu'ici sur le budget lui-même. Le moment aussi serait mal choisi pour venir se plaindre de l'accroissement du chiffre du budget, attendu que cette année se solde par une diminution sur le chiffre de l'exercice précédent. C'est par suite d'une erreur d'impression que le rapport de la section centrale dit le contraire.

Il se peut qu'en dernière analyse le total soit plus élevé...

M. Coomans. - Il n'y a pas de doute.

M. Hymans. - ... car M. le ministre de l'intérieur a annoncé qu'il avait à proposer, pour l'instruction primaire, une augmentation de crédit ; mais en cela il sera, sans doute, agréable à l'honorable M. Le Hardy.

Je n'insisterai pas davantage sur ces considérations. Je veux procéder à l'examen des chiffres cités par l'honorable M. Le Hardy dans sa revue des divers chapitres du budget.

Il a reconnu que les dépenses pour l'instruction publique n'étaient pas exagérées, il a même trouvé qu'elles n'étaient pas suffisantes, si je ne me trompe, pour l'enseignement moyen et primaire.

Il a trouvé que les frais d'administration à Bruxelles, dans les provinces et les arrondissements, n'étaient pas exagérés non plus.

Il a trouvé probablement que les dépenses pour la milice sont insignifiantes, car il n'en a pas parlé.

Il a demandé une augmentation de crédit pour la garde civique. Il a trouvé aussi qu'il n'y avait pas d'exagération dans les chiffres portés pour les fêtes nationales et pour l'industrie.

Or, si j'additionne les allocations de ces différents chapitres, j'arrive à 10 millions 500 mille francs environ. Et le budget total est de 12 millions.

Ainsi les dépenses que l'honorable membre considère comme indispensables et dont quelques-unes même lui paraissent insuffisantes constituent à peu près la totalité de ce budget qu'il critique ave tant d'amertume.

(page 349) Maintenant, messieurs, un mot de la doctrine professée par l'honorable membre en matière d'intervention de l'Etat.

Je déclare très franchement que cette doctrine, je ne serais pas du tout éloigné de la partager.

Je dis plus, je m'associerais complètement, sur ce terrain, à l'opinion de l'honorable membre, si je croyais le monde aussi parfait, aussi intelligent qu'il le suppose. Je serais le premier à repousser toute intervention de l'Etat d'une façon absolue si cette intervention n'était pas nécessaire. Mais, messieurs, je crois ne blesser personne en disant que nous sommes bien loin de cet idéal rêvé par M. Le Hardy. Nous avons fait hier noire examen de conscience ; j'y reviens et je demande à la Chambre ce que seraient devenus, depuis 1830, l'enseignement, les arts, les sciences et les lettres, ce que seraient devenues nos voies de communication, en un mot toutes les grandes nécessités sociales, si, appliquant les théories de l'honorable député de Nivelles, on avait tout abandonné à l'initiative privée.

Pour l'enseignement, nous avons un critérium ; il suffit de consulter un document déjà ancien, le rapport qui a été communiqué aux Chambres législatives à l'époque de la discussion de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire. Vous y verrez ce que la liberté a fait pour l'instruction pendant la période de douze ans qui sépara la révolution de la promulgation de la loi sur l'instruction primaire. Les écoles libres, dont on a beaucoup parlé depuis quelques jours et que, pour ma part, je préfère à l'absence d'écoles, les écoles libres n'ont été créées sur une grande échelle que lorsqu'il s'est agi de faire la concurrence aux établissements de l'Etat. Mais tant que les écoles de l'Etat n'ont pas été créées et que l'Etat n'est pas puissamment intervenu, des écoles libres, néant ou à peu près. Vérifiez le fait, il est prouvé par des documents authentiques.

M. Le Hardy de Beaulieu nous demandait aussi : A quoi ont servi les crédits employés à l'encouragement des lettres ? Vous auriez eu des littérateurs sans cela. A quoi ont servi les crédits employés à l'encouragement des beaux-arts ? Vous auriez eu des artistes sans cela. Je ne suis pas grand partisan de l'intervention de l'Etat en ces matières, mais je suis bien obligé de reconnaître que dans les pays où il n'intervient pas, les beaux-arts ne fleurissent guère. Quant aux lettres, si vous voulez vous faire une idée de l'importance, de l'intervention, sinon des pouvoirs publics, du moins des grandes influences sociales, des riches, des souverains, comparez le siècle d'Auguste, le siècle de Louis XIV à ces époques dans lesquelles on a laissé un complet essor à cette prétendue liberté, qui n'est pas la liberté comme je l'entends, mais qui est tout simplement l'indifférence. Laisser aux écrivains la liberté d'écrire, ce n'est pas une raison pour ne pas les encourager, et quand M. Le Hardy nous demande ce que l'Etat peut faire en matière de beaux-arts, je le renvoie au siècle de Périclès, au siècle de Léon X, à certains pays de l'Allemagne contemporaine dans lesquels le gouvernement, le budget ou les maisons royales ont accordé une protection sérieuse aux œuvres de l'esprit.

Autrefois, messieurs, il y avait des Mécènes ; il n'y en a plus guère. Le Mécène, aujourd'hui, c'est le peuple lui-même, et je crois que le peuple belge est assez riche pour payer une gloire qui l'a placé si haut sur l'échelle des nations dans les siècles passés.

L'industrie et le commerce ! oh ! ceux-là je les abandonne à l'honorable M. Le Hardy et à son école ; l'industrie et le commerce n'ont pas besoin d'être protégés : ils trouvent un stimulant suffisant dans l'esprit du lucre, le plus grand stimulant des hommes dans tous les siècles de l'histoire. Mais je me garderai bien de me fier à t'enthousiasme individuel ; je me garderai bien de me fier à la générosité des particuliers quand il s'agira d'entreprises d'un ordre moral qui ne produisent pas de dividendes.

Et puis, messieurs, il faut tenir compte aussi du tempérament et des usages particuliers à chaque peuple : les doctrines de l'honorable M. Le Hardy peuvent être très fondées, très justes, très vraies, très pratiques en des pays comme l'Angleterre et comme les Etats-Unis, où l'on trouve, chez les classes supérieures, une opulence qui chez nous passerait pour phénoménale.

Je comprends donc qu'on exalte où il existe, et qu'on fasse naître où il n'existe pas le principe admirable que les Anglais appellent le self-help.

Mais la Belgique a été habituée depuis trop longtemps à compter sur le concours de l'Etat en tout et pour tout ; c'est un mal, je le reconnais ; mais vous ne pouvez pas le supprimer d'un trait de plume, vous ne pouvez pas rompre ainsi avec d'anciennes habitudes.

Ah ! je le reconnais, et sur ce point je suis tout à fait d'accord avec l'honorable membre, messieurs, il faut rechercher aussi si les dépenses de l'Etat sont en harmonie avec les ressources du pays. Or, je crois que, quant à la Belgique, cette question est parfaitement résolue. Lors de la discussion du budget des voies et moyens, l'honorable M. Le Hardy a soutenu, maïs je crois qu'il n'a convaincu personne, que cinq sixièmes des Belges payaient les impôts dont profitait le dernier sixième.

C'est un mot qui peut faire fortune ; mais ce n'est qu'un mot, car l'honorable M. Le Hardy n'a apporté aucun argument à l'appui de sa thèse.

Messieurs, j'aurais encore beaucoup à dire sur ce point ; mais je me. sens très fatigué et je demande la permission de terminer ici mon discours.

- La discussion générale est close.

L'assemblée passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés, gens de service et gens de peine, et frais du comité de législation et d'administration générale : fr. 300,684.

« (Une somme de 10,000 fr. pourra être transférée de l'article 2 à l'article 135. Traitements de disponibilité.) »

- Adopté.


« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achat et réparations de meubles, éclairage et chauffage, menues dépenses, frais de rédaction et de souscription au Bulletin administratif du ministère de l'intérieur, matériel du bureau de la librairie ; frais de rédaction du recueil et des tables des ouvrages déposés ou déclarés en exécution des conventions internationales : fr. 48,460 »

« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »

MiPµ. - Je demande que le crédit de 2,000 francs, proposé à la colonne des dépenses extraordinaires, soit augmenté de 4,000 francs, et porté à 6,000 francs.

- L'article 3, ainsi amendé, est adopté.


« Art. 4. Frais de route et de séjour ; courriers extraordinaires : fr. 4,300. »

- Adopté.

Chapitre II. Pensions et secours

Articles 5 à 7

« Art. 5. Pensions. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Subvention à la caisse centrale de prévoyance des secrétaires communaux ; subvention complémentaire à la même caisse, à laquelle les employés des commissariats d'arrondissement sont affiliés : fr. 27,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés, à des veuves et enfants d'employés qui, sans avoir droit à la pension, onc néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Statistique générale

Article 8

« Art. 8. Frais de bureau et jetons de présence de la commission centrale de statistique. Frais de bureau des commissions provinciales. Vérification des registres de population : fr. 9,000. »

M. De Fréµ. - Le gouvernement fait dresser par les administrations communales beaucoup de statistiques, infiniment de statistiques, c'est très bien ; mais le gouvernement met ce travail à la charge des communes ; la rémunération que le gouvernement donne aux communes est excessivement modique. Les communes sont dès lors dans la nécessité de s'imposer des dépenses extraordinaires pour payer les statistiques du gouvernement, les communes sont peu intéressées à la confection de ces statistiques ; le gouvernement y est intéressé beaucoup ; il ne doit donc pas faire faire ces statistiques aux frais des communes. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

MiPµ. - Messieurs, j'ai fait examiner (page 350) s'il n'y a pas moyen de réduire les renseignements statistiques qui sont demandés aux communes.

Je crois qu'il y a une certaine réduction à faire, en ce qui concerne cette partie du service. Je m'occupe en ce moment de cet objet et je crois que, loin d'avoir à demander plus d'argent pour la statistique, nous parviendrons a diminuer le travail auquel elle donne lieu.

M. Maghermanµ. - Puisqu'il s'agit de statistique, je me permettrai de demander à M. le ministre de l'intérieur si on publiera bientôt les résultats du recensement qui a eu lieu en 1866.

MiPµ. - Messieurs, je crois que le recensement de la population, auquel l'honorable M. Magherman fait allusion, est entièrement terminé, et tout le travail relatif au recensement est très avancé. Quelques arrondissements sont en retard ; c'est ce qui a empêché qu'on ne livrât à l'impression ces documents, qui sont extrêmement considérables, comme, l'honorable M. Magherman le sait.

- L'article 8 est adopté.

Article 9

« Art. 9. Frais de rédaction et de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Articles 10 à 12 (province d’Anvers)

« Art. 10. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 11. Traitement des employés et gens de service : fr. 58,500. »

- Adopté.

« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 13 à 15 (province de Brabant)

« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 73,500. »

- Adopté.

« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 16 à 18 (province de Flandre occidentale)

« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 64,000. »

- Adopté.

« Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 19 à 21 (province de Flandre orientale)

« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 74,800. »

- Adopté.

« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 22 à 24 (province de Hainaut)

« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 23. Traitement des employés et gens de service : fr. 73,500. »

- Adopté.

« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 25 à 27 (province de Liège)

« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 66,000. »

- Adopté.

« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 28 à 30 (province de Limbourg)

« Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.

« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500.

« Charge extraordinaire : fr. 50 71. »

- Adopté.

Articles 31 à 33 (province de Luxembourg)

« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.

« Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500. »

- Adopté.

Articles 34 à 36 (province de Namur)

« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 54,000. »

- Adopté.

« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500. »

- Adopté.

Chapitre V. Frais de l’administration dans les arrondissements

Articles 37 à 40

« Art. 37. Traitements des commissaires d'arrondissement : fr. 190,850. »

- Adopté.


« Art. 38. Emoluments pour frais de bureau : fr. 140,650. »

- Adopté.


« Art. 39. Frais de route et de tournées : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1863 : fr. 500. »

- Adopté.

Chapitre VI. Milice

Articles 41 et 42

« Art. 41. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impression et de voyage pour la milice. Vacations des officiers de santé ; frais d'impression des décisions et arrêts en matière de milice : fr. 67,900. »

- Adopté.


« Art. 42. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription ; frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 2,100. »

- Adopté.

Chapitre VII. Garde civique

Article 43

« Art. 43. Inspections générales, frais de tournées, d'impression et de fournitures de bureau, et commandants supérieurs : fr. 6,885. »

M. Coomans. - Au risque d'être indiscret, je prierai le gouvernement de vouloir bien me dire s'il a déjà quelque idée arrêtée au sujet.de la réforme à introduire dans la garde civique et au sujet d'une armée supplémentaire de 30,000 hommes, armée qu'il a déclarée d'une nécessité urgente il y a près de deux ans.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable M. Coomans connaît sans doute déjà la réponse que M. le ministre de la (page 351) guerre a faite à cette question dans le budget de la guerre. Le gouvernement étudie l'organisation de la réserve nationale ; ces études sont assez avancées, mais avant de présenter ce projet de loi, je crois qu'il est nécessaire qu'on vote la loi sur la milice qui est déposée depuis si longtemps. Nous attendons le rapport de la section centrale qui est, je crois, très avancé.

- Un membre. - Le travail de la section centrale est terminé.

MiPµ. - On me dit que le rapport est terminé ; on pourra donc voter le projet de loi sur la milice et s'occuper ensuite de l'objet dont M. Coomans vient d'entretenir la Chambre.

M. Coomans. - J'apprends avec une vive satisfaction que les dangers dont on nous menaçait, il y a deux ans, ne sont pas près de se produire et que l'on pense qu'une armée de cent mille hommes suffit et qu'on a peu besoin d'une garde civique sérieuse, pour ne pas dire qu'on a déjà pris la résolution de s'en passer.

MiPµ. - Pas du tout.

M. Coomans. - Si ce supplément de 30,000 hommes, déclaré indispensable l'an dernier pour la défense nationale, est ajourné jusqu'après le vote de la loi de milice, je crois que MM. les gardes civiques du premier ban n'ont rien à craindre d'ici à longtemps. Ma conviction est que le rapport sur nos lois de milice ne sera pas déposé de sitôt et qu'on attendra aussi longtemps pour le discuter qu'on a attendu pour l'écrire.

Ainsi donc on ajourne la formation de cette armée supplémentaire de 30,000 gardes civiques ; je n'aurai garde de dire un mot ou de faire un geste pour en hâter la création. Je me bornerai à faire remarquer à la Chambre et au pays que l'on a fait intervenir la garde civique dans notre défense nationale pour les besoins de la cause militaire. On a bien senti que 100,000 hommes n'étaient pas assez pour créer des moyens sérieux de défense et l'on a fait avancer, dans le lointain, cette réserve de 30,000 hommes de garde civique comme une sorte de trompe-l'œil qui venait en aide à la tactique ministérielle ou militaire.

Messieurs, quand les expériences nous coûtent si cher, nous avons bien le droit d'en profiter à titre de leçons, et je rends la Chambre des représentants attentive à la tactique que l'on a suivie devant elle.

Si une armée de 30,000 hommes supplémentaires était urgente il y a deux ans, il me paraît qu'elle doit l'être encore aujourd'hui ; et si cette armée était le complément indispensable de celle de 100,000 hommes, il est évident que les mêmes raisons subsistent encore aujourd'hui. Mais, je le déclare, je n'avais d'autre but que de constater que le gouvernement fait amende honorable, qu'il ne tient plus à cette armée supplémentaire de 30,000 hommes, qu'il croit que 100,000 hommes c'est assez, et sur ce point je suis complètement de son avis, avec cette réserve encore que je crois que c'est beaucoup trop.

MiPµ. - Messieurs, s'il est un discours auquel je ne comprends rien, c'est celui que vous venez d'entendre. J'ai déclaré exactement le contraire de ce que l'honorable M. Coomans me fait dire. Le gouvernement croit que la défense du pays demande non seulement l'armée permanente constituée par la loi de milice, mais encore une armée supplémentaire de 30,000 hommes. Le gouvernement maintient, à cet égard, ses déclarations. Bien loin de renoncer a présenter le projet donnant une nouvelle organisation à la milice citoyenne, il déclare qu'il est disposé à présenter un projet de loi et qu'il le présentera.

Nous avions une double réorganisation à faire : la réorganisation de l'armée et la réorganisation de la garde civique. On a commencé la réorganisation de l'armée par le projet de loi que vous avez voté l'année dernière. On complétera cette réorganisation par le vote de la loi sur la milice. Voilà la première partie de l'œuvre. La seconde suivra : c'est la réorganisation d'une force que nous avons aujourd'hui, qu'on ne l'oublie pas, mais à laquelle nous croyons devoir donner une plus grande puissance.

La Chambre sera saisie d'un projet dans ce but.

Ainsi ce que l'honorable M. Coomans a dit est complètement à côté de la déclaration que je viens de faire.

Maintenant je demande à l'honorable M. Coomans comment il peut voir une tactique de la part du gouvernement dans le fait d'avoir annoncé ce projet d'organisation d'une force supplémentaire de 30,000 hommes ; comment, lorsqu'on rencontre une opposition fondée sur ce qu'on demande trop, peut-il être une tactique habile de feindre demander encore beaucoup plus ? L'honorable M. Coomans, qui nous accuse d'employer ces manœuvres, devrait du moins nous prouver qu'il y avait des raisons, qu'il y avait des motifs à ces feintes ?

Je demande s'il y aurait une plus insigne maladresse que celle qui, pour vaincre l'opposition que l'on rencontre à porter à 100,000 hommes le chiffre de l'armée, consisterait à annoncer qu'on la portera à 30,000 hommes de plus ?

M. Coomans. - J'expliquerai cela très facilement.

MiPµ. - Vous ne démontrerez pas que l'annonce d'une deuxième loi militaire que vous trouvez si odieuse soit un moyen d'obtenir le vote d'une première loi de cette nature.

J'ajouterai, du reste, que ces 30,000 hommes ne sont pas une force nouvelle, que c'est une force qui existe et qu'il s'agit seulement de mieux organiser.

M. Coomans. - Je ferai cesser immédiatement la surprise que l'honorable ministre paraît éprouver. Voici comment je m'explique la tactique (j'emploie ce mot dans le bon sens) que je suppose avoir été employée par le ministère.

Connaissant l'impopularité de la conscription, sachant que le surcroît de sacrifice demandé à 2,000 familles serait difficilement supporté par le pays, le gouvernement a pensé, et il a dit qu'il fallait aussi faire peser les charges militaires sur la partie de la population qui est exemple de la milice, soit par le sort, soit par la fortune ; il a cru que l'on faciliterait le vote du maintien de la conscription par l'annonce d'une semblable mesure appliquée aux riches.

Et, en effet, cela a été dit par plusieurs honorables membres de cette assemblée et même sur le banc des ministres. A nous, qui nous plaignions du sort infligé annuellement à 12,000 Belges, on répondait : « Mais il y aura justice distributive parce que les affranchis du sort devront marcher comme citoyens dans les rangs de la garde civique. » Cet argument a produit l'effet désiré. Beaucoup de monde s'en est prévalu et on nous l'a opposé à diverses reprises.

En supposant donc qu'il y ait tactique, cette tactique s'explique parfaitement. On a voulu faire accroire au peuple belge, qui ne peut pas s'affranchir de la loterie militaire, que la bourgeoisie et les classes supérieures seraient également astreintes au service militaire. Mais aujourd'hui je vois bien qu'il n'en sera rien ; vous vous contenterez de vos 12,000 hommes et si vous venez avec un projet de loi sur la garde civique active, vous aurez soin de le rédiger ou de le faire voter d'une manière telle, que les classes exemptes de la milice ne soient pas atteintes.

MiPµ. - L'honorable M. Coomans a une idée dont il ne veut pas démordre ; il suppose que nous ne voulons pas présenter le projet. Nous répondons : Le projet sera présenté et l'honorable membre, en aura la preuve.

Il suppose, pour les besoins de sa cause, que la garde civique n'existe pas et n'a aucune charge militaire en temps de guerre.

Mais l'honorable membre n'a qu'à lire les lois en vigueur, il verra quels sont alors les devoirs de la garde civique.

Nous sommes en temps de paix. Le service de la garde civique est naturellement peu onéreux et pas du tout dangereux ; mais, si la guerre éclatait, la garde civique pourrait être mise en réquisition et mobilisée en partie.

A l'heure qu'il est, d'après nos lois, les classes aisées dont parle l'honorable M. Coomans devraient payer leur tribut à la défense nationale.

L'annonce du projet de loi n'ajouterait donc rien à ce que nous avons dit, et je trouve étrange que l'honorable membre considère comme une fantasmagorie ce qui existe aujourd'hui.

Par une étrange contradiction, M. Coomans connaît d'avance ce qui se trouvera dans ce projet que, selon lui, nous ne présenterons pas, et il réfute les dispositions de ce projet, qui ne doit pas voir le jour. Le projet sera combiné de manière à exempter les classes supérieures des charges de la défense nationale.

Je demande sur quoi il peut fonder une pareille allégation.

Quand on a organisé la milice citoyenne, non seulement on n'a pas épargné les classes supérieures de la société, mais on a cherché à atteindre presque exclusivement ces classes. On a toujours exempté les personnes qui n'ont pas les moyens de s'habiller.

Ainsi, si la loi de milice atteint toutes les classes de la société, soit par le service personnel, soit par la charge du remplacement, la loi qui constitue la garde civique, loin de ménager les classes supérieures de la société, les frappe à l'exclusion des classes moins aisées. Tous les systèmes que l'on pourra présenter aboutiront toujours à ce résultat, exactement contraire à celui que M. Coomans indique.

- L'article est adopté.

Article 44

« Art. 44. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, magasin central. Frais (page 352) d'impression des états de signalement et des brevets d'officiers, et acquisitions de théories, épinglettes, etc. : fr. 15,000.

« (Une somme de 4,185 francs pourra être transférée de l'article 43 à l'article 44.) »

M. Dewandreµ. - Messieurs, la section centrale appelle l'attention du gouvernement sur la nécessite d'armer convenablement la garde civique en lui remettant des fusils pareils à ceux dont il est fait usage dans l'armée.

Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point, que l'armement actuel de la garde civique est pour elle une cause d'infériorité et de faiblesse, je dirai aussi une cause de désorganisation morale.

La garde civique, armée d'un fusil qui est infiniment plus mauvais que tous ceux qui sont en usage dans les armées européennes, ne peut considérer son rôle comme sérieux. Il y a donc urgence de modifier son armement.

Je reconnais cependant qu'en présence de la dépense que cette modification entraînerait, le gouvernement puisse reculer quelque peu, mais je crois qu'il y aurait un moyen d'éluder en partie cette difficulté.

Beaucoup de gardes s'imposent actuellement des dépenses de temps et d'argent pour faire partie de corps spéciaux tels que l'artillerie et les chasseurs-éclaireurs. Je crois que si l'on permettait aux gardes de se procurer, à leurs frais, un armement perfectionné, pareil à celui de l'armée, beaucoup s'imposeraient cette dépense, qui ne pourrait être considérable.

Je crois que la transformation d'un fusil du système actuel en fusil Albini ne coûte que 42 ou 43 fr.

Si l'on autorisait les gardes à faire cette dépense pour se procurer un fusil Albini ou tout autre, je suis convaincu que beaucoup d'entre eux s'imposeraient ce sacrifice.

Il ne me semble pas qu'il soit difficile d'arriver à ce résultat.

Il est entendu que ce fusil resterait la propriété de l'Etat, que les gardes n'en auraient que l'usage et qu'au moment où ils rendraient le fusil à l'Etat, en cessant de faire partie de la garde civique, on leur remettrait, non pas l'argent qu'ils auraient versé dans la caisse de l'Etat, mais un reçu constatant la remise à l'Etat d'un fusil perfectionné ; ce reçu pourrait passer par son détenteur à un autre garde civique qui, à son tour, irait prendre ce fusil dans les arsenaux de l'Etat.

Pour mieux préciser ma pensée, j'ai cru devoir la formuler en quelques articles. Ce n'est pas un projet de loi que je dépose, ce sont des idées que je soumets à l'appréciation du gouvernement et de la Chambre.

Voici, me semble-t-il, quelles peuvent être ces dispositions :

\1. Le gouvernement pourra autoriser la formation d'une section de tirailleurs dans chaque compagnie de la garde civique active.

\2. Cette section se composera de gardes qui seront armés de fusils perfectionnés, d'un modèle à déterminer par le gouvernement.

\5. Sera armé de ce fusil tout garde qui consentira a payer à l'Etat une somme égale à la dépense à faire pour substituer ce fusil perfectionné a celui actuellement en usage dans la garde civique.

\4. Le garde qui, après avoir été armé de ce nouveau fusil, cessera de faire partie de la garde civique active, restituera son arme à l'Etat et recevra un récépissé constatant cette restitution.

\5. En échange de ce récépissé, tout garde en activité de service obtiendra pour son armement un fusil perfectionné. Le gouvernement pourra donner comme prix aux tirs de la garde civique des bons d'armement au moyen du fusil perfectionné. Tout garde en activité de service, porteur d'un de ces bons, aura le droit d'être armé d'un fusil perfectionné et d'en obtenir, dans le cas prévu à l'article 4, un récépissé transmissible à un autre garde en activité de service.

En un mot, messieurs, ce système consisterait a autoriser les gardes moyennant le versement entre les mains de l'Etat d'une somme de 40 à 45 francs à se faire armer par lui d'un fusil perfectionné. Cette somme ne serait qu'une simple avance faite par le garde, puisqu'il pourrait, non se la faire restituer par l'Etat, mais se la faire rembourser par celui des gardes qui prendrait son fusil lorsque le premier cesserait de faire partie de la garde active.

M. De Fréµ. - En 1860, le gouvernement a nommé une commission à l'effet de déterminer un calibre uniforme pour l'armée et la garde civique dans l'intérêt, en cas de danger commun, d'une défense plus avantageuse. Le travail de cette commission n'a pas abouti et je voudrais savoir aujourd'hui si un calibre uniforme a été trouvé.

En second lieu, je viens appuyer les observations présentées par M. Dewandre à l'effet de faire donner aux gardes civiques des fusils perfectionnés. Les gardes civiques se plaignent de n'avoir pas, lorsqu'ils vont en pays étranger, à des tirs nationaux, des armes aussi parfaites que celles de leurs concurrents. Il importe que nos gardes civiques puissent lutter avec avantage a l'aide des fusils que le gouvernement leur donne.

J'espère donc que le gouvernement donnera aux gardes civiques des fusils aussi perfectionnés que ceux de l'armée.

Voilà, messieurs, le vœu que j'ai l'honneur de formuler.

M. Van Humbeeck. - M. Coomans faisait allusion, il y a quelques instants, à une promesse formulée l'année dernière par le gouvernement, promesse sur laquelle j'ai alors beaucoup insisté ; c'était celle d'organiser une partie de la garde civique en réserve nationale de guerre.

M. Coomans paraît avoir peu de foi dans la suite qui sera donnée à cette promesse.

S'il devait en être ainsi, certainement celui des membres de cette Chambre qui serait le plus trompé dans ses espérances, ce serait moi ; mais je ne partage pas les méfiances de l'honorable M. Coomans ; j'ai la conviction que les promesses qui nous ont été faites, qui viennent encore d'être réitérées par M. le ministre de l'intérieur, seront accomplies ; tous ceux qui ont lu les travaux préalables à la discussion de notre réorganisation militaire savent que M. le ministre de la guerre partage les mêmes sentiments, qu'il est convaincu comme nous de l'importance que doit acquérir la force dont il s'agit.

Nous pouvons donc en être certains, les promesses qui nous ont été faites ne resteront pas indéfiniment sans suite. Mais précisément parce que j'ai cette conviction, je ne pense pas qu'il faille aujourd'hui s'arrêter beaucoup aux idées émises par l'honorable M. Dewandre.

Il y a quelques années, lorsqu'on ne songeait pas à une réorganisation de la garde civique, lorsqu'on parlait uniquement d'une amélioration de l'armement, de pareilles combinaisons pouvaient avoir leur raison d'être. Aujourd'hui, en présence de la réorganisation prochaine de la garde civique, ces palliatifs pourraient avoir de grands inconvénients.

La garde civique, telle qu'elle est aujourd'hui constituée, avec son organisation faite uniquement pour l'état de paix, est seulement une force de police ; pour agir comme telle, elle peut se contenter de son armement actuel.

Je ne parle pas des concours ; si ceux-ci ont leur utilité, c'est surtout de l'action collective des gardes civiques qu'il faut s'occuper. Or, pour agir collectivement comme force de police, leur armement actuel ne laisse pas trop à désirer.

Mais du moment que nous voudrons faire de la garde civique une force de guerre, il faudra nécessairement modifier à la fois l'organisation et l'armement pour qu'elle puisse remplir convenablement son rôle nouveau.

Mais alors aussi en admettant des armements différents, de grands inconvénients pourraient se produire. Il faudrait que ceux des gardes civiques qui se seraient à leurs frais armés du fusil du nouveau modèle eussent toujours aussi les munitions propres à cette arme spéciale. Ces munitions n'étant pas les mêmes que celles de l'arme fournie par le gouvernement, les gardes civiques qui seraient munis d'une arme perfectionnée seraient précisément les plus exposés à ne pas pouvoir s'en servir en cas de danger.

Dans l'état où se trouve aujourd'hui la question, en présence d'une réorganisation prochaine et presque radicale de la garde civique, il vaut mieux ajourner la question de l'amélioration de l'armement jusqu'à ce que la question plus large de la réorganisation ait été résolue.

M. Dewandreµ. - Je n'admets pas les objections que vient de présenter l'honorable M. Van Humbeeck.

La réorganisation de la garde civique se fera, je l'espère, j'en suis convaincu même ; mais combien de temps faudra-t-il pour cela ?

Or, ce sont deux choses complètement différentes que la réorganisation du personnel de cette garde, et les modifications à apporter à son armement. On peut parfaitement, dès à présent, décider l'amélioration de l'armement en laissant en suspens toutes les questions d'organisation.

Mais l'honorable M. Van Humbeeck fait une autre objection ; c'est que si les gardes civiques avaient deux armements différents, les uns le fusil actuel, les autres le fusil perfectionné, il pourrait en résulter des inconvénients à cause de la différence de munitions qu'on devrait donner aux uns et aux autres,

Or, messieurs, dans ma pensée, l'arme qui sera donnée à la garde civique sera celle dont l'armée a été pourvue ; selon moi, aucune différence ne doit être établie sous ce rapport entre l'armée et la garde civique. Il existe des munitions pour l'armée ; les gardes civiques pourvus du nouveau fusil pourraient donc se servir de ces munitions. Aujourd'hui déjà, les chasseurs-éclaireurs et les artilleurs doivent avoir d'autres munitions que le reste de la garde civique.

Il n'y a donc pas là un bien grand inconvénient. Si, dès à présent, les gardes civiques qui voudraient s'équiper à leurs frais prenaient le fusil qu'adopterait le gouvernement, ce serait autant de fait ; on aurait avancé (page 353) ainsi le moment où toute la garde civique serait pourvue de cette nouvelle arme.

M. Van Humbeeck. - Je puis assurer à l'honorable M. Dewandre que plus que personne, je désire voir a la garde civique un armement meilleur que celui d'aujourd'hui ; mais si on donnait ce nouvel armement a des parties de compagnies seulement, ce serait un moyen de désorganiser la garde civique tout entière. Tâchons d'être pratiques. Aujourd'hui, vous avez un seul armement. Il ne s'agit que de connaître le nombre d'hommes qui seront appelés à entrer en action, pour savoir quel est le nombre de cartouches à prendre dans les magasins de l'Etat.

Mais si dans les compagnies certains gardes ont le fusil réglementaire donné par l'Etat, d'autres le fusil perfectionné, immédiatement cela donnera lieu a une comptabilité dans laquelle les erreurs seront faciles et pourront avoir des conséquences déplorables.

On dit que les chasseurs-éclaireurs et les artilleurs ont déjà un armement spécial ; on oublie que ces corps sont organisés à part ; il n'y a pas de variété dans l'armement de chacun d'eux.

Il faudrait donc verser les gardes armés de l'arme nouvelle dans des compagnies particulières ; c'est là toute une réorganisation.

Ce qui nous sépare, l'honorable M. Dewandre et moi, c'est qu'il veut une amélioration immédiate et restreinte, tandis que je préfère une amélioration prochaine et radicale.

MiPµ. - Messieurs, le gouvernement sait parfaitement que l'armement de la garde civique doit être aussi bon que celui de l'armée ; mais ce point ne doit pas être résolu dans le budget ; lorsqu'il s'agira d'améliorer l'armement, il y aura lieu de demander aux Chambres un crédit par un projet de loi spécial.

Le gouvernement accueille avec le plus grand plaisir l'idée de voir les gardes civiques eux-mêmes se fournir volontairement de leur armement ; cela diminuerait d'autant le crédit à demander à la législature.

L'honorable M. Van Humbeeck a fait des observations très justes sur les difficultés qui se présenteraient si, dans une même compagnie, il y avait des hommes armés d'une manière, et d'autres hommes armés d'une autre manière. Mais il y a peut-être un moyen de conciliation entre l'opinion de l'honorable M. Dewandre et celle de l'honorable M. Van Humbeeck : ce serait de former, dans le même corps, des parties assez considérables dont tous les hommes auraient le même armement. Je crois que l'honorable M. Van Humbeeck n'aurait aucune objection à cela.

Je me réserve d'examiner cette question de l'armement et de venir en proposer la solution dès que les circonstances le permettront.

- La discussion est close.

L'article 44 est adopté.

Article 45

« Art. 45. Personnel du magasin central : fr. 3,520. »

-Adopté.

Chapitre VIII. Fêtes nationales

Articles 46 et 47

« Art. 46. Frais de célébration des fêtes nationales. Frais d'illumination : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 47. Tir national : prix en argent, en armes, en objets d'orfèvrerie, etc. Subsides pour la construction de tirs et l'encouragement des tirs à la cible dans les villes ou communes. Personnel du tir et dépenses diverses : fr. 64,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Décoration civique et récompenses pécuniaires

Article 48

« Art. 48. Décoration civique ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité ; impression et calligraphie des diplômes, frais de distribution, etc. : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Légion d'honneur et croix de fer

Articles 49 à 50

« Art. 49. Pensions de 230 francs en faveur des légionnaires et des décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune ; pensions de 250 fr. aux blessés de septembre dont les droits auront été reconnus avant le 1er novembre 1864 ; subsides à leurs veuves ou orphelins ; charge extraordinaire : fr. 200,000. »

« La somme qui, par suite des décès survenant parmi les pensionnés, deviendra, pour chaque exercice, sans emploi sur le crédit de 200,000 fr., sera affectée ;

« 1° A desservir de nouvelles pensions ;

« 2° A porter à 125 francs les pensions des veuves ;

« 3° A augmenter les pensions des décorés de la croix de Fer et des blessés de septembre non décorés, jusqu'à ce qu'elles atteignent le chiffre maximum de 1,200 francs ;

« 4° A augmenter les pensions des veuves des décorés de la croix de Fer et des blessés de septembre, proportionnellement à l'augmentation qui sera accordée aux décorés et blessés, jusqu'au chiffre maximum de 400 fr. »

- Adopté.


« Art. 50. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles ; charge extraordinaire : fr. 22,000. »

— Adopté.

Chapitre XI. Agriculture

M. De Fréµ. - Je demande, à la Chambre la permission de présenter quelques observations au chapitre de l'agriculture.

Les crédits qui sont annuellement votés pour l'agriculture ont été vivement critiqués. Il a été soutenu par M. Le Hardy de Beaulieu, ce principe que, même en matière d'agriculture, l'Etat ne devait pas intervenir. Mais, messieurs, s'il y a une matière dans laquelle l'intervention de l'Etat est surtout nécessaire et légitime, c'est incontestablement l'agriculture.

L'agriculture est, pour ainsi dire, la grande mamelle de la nation. La culture du sol ne donne pas seulement l'alimentation, mais elle fournit les matières premières de l'industrie et il importe qu'au fur et à mesure que la population augmente, la production augmente également.

L'Etat, messieurs, n'a pas à intervenir d'une manière aussi efficace dans l'industrie, parce que, pour le développement de l'industrie, vous avez de grandes et puissantes associations ; vous avez à la fois l'intelligence et le capital associés.

Tous les progrès qui se réalisent dans la science sont immédiatement appropriés à l'industrie ; aussi, vous le voyez, l'industrie fait des merveilles. Mais le sol qui est la source de toutes les richesses, le sol est, en règle générale, livré à des mains ignares, divisé à l'infini et mal exploité. (Interruption.)

Il y a cette différence immense entre l'industrie et l'agriculture, que, pour le développement de l'industrie, vous avez, comme je le disais, de puissantes associations. Vous avez l'association de l'intelligence et du capital, ce qui n'existe pas pour l'agriculture. Je reconnais qu'il y a des particuliers qui font de leurs terres une exploitation intelligente, parce qu'ils sont dans les conditions d'intelligence et de richesse, mais en règle générale, il est certain, il est incontestable que le sol est livré à des divisions infinies, que ceux qui cultivent ces parties, les cultivent souvent avec des capitaux restreints ou quelquefois sans capitaux, les cultivent en n'appliquant pas à la culture du sol les progrès de la science.

Je constate cette différence entre l'industrie et l'agriculture, et c'est bien fâcheux.

C'est précisément parce que cette différence existe, que l'Etat a besoin d'intervenir, lorsqu'il s'agit de l'agriculture, d'une manière beaucoup plus efficace, parce que cette intervention est beaucoup plus nécessaire que quand il s'agit de l'industrie.

Quand il s'agit de l'industrie, les directeurs intelligents qui sont à la tête ont les capitaux nécessaires pour acquérir tous les moyens de faire progresser l'industrie. Il y a là, à la fois, l'intelligence et la richesse, les deux grandes forces avec le travail pour augmenter la production, pour l'augmenter dans une proportion considérable.

Mais, messieurs, le pauvre paysan, réduit à l'exploitation d'un hectare ou d'un demi-hectare de terre, ne sait pas comment il faut conserver ses bestiaux. II ne sait pas quels sont les meilleurs moyens d'exploiter le sol, quels sont les meilleurs engrais. Eh bien, l'Etat doit intervenir pour propager l'enseignement agricole. L'Etat doit intervenir pour favoriser partout, dans les communes rurales, des comices composés d'hommes intelligents et spéciaux qui donnent de bons conseils, qui répandent la semence féconde de l'enseignement agricole, afin que le sol produise de plus en plus et qu'ainsi le bien-être général augmente. Car si le sol donnait son maximum de produits, si chaque hectare de terre donnait son maximum de production, il est certain que le pays serait transformé. Il est certain, il est incontestable que quand il n'y a pas une abondance de produits, les prix des denrées sont élevés et que c'est cette élévation du prix des denrées, résultant de l’insuffisance des produits, qui répand la misère.

(page 354) L'intérêt supérieur, l’intérêt te plus important, c'est l'intérêt de l'agriculture. Il s'agit de la conservation de la société ; il faut assurer d'abord la production et pousser par tous les moyens possibles à l'augmentation de la production, et pour cela il faut l'intervention sage, l'intervention puissante de l'Etat.

Voulez-vous que l'Etat fasse, en Belgique, ce qui a été fait en d'autres pays ?

Ainsi, par exemple, lorsque le pays a été affligé de la peste bovine, si, comme dans d'autres pays, l'Etat était resté inactif, s'il n'était pas intervenu, comme en Angleterre, un capital immense, les animaux domestiques, capital indispensable à la production, aurait été gravement compromis.

L'honorable M. Le Hardy a critiqué le crédit proposé au budget de l’intérieur pour l'abattage d'animaux domestiques ; mais lorsque, dans l'intérêt général, on fait abattre des animaux malades, parce qu'en les laissant vivre, la contagion du mal se répandrait et que cette contagion pourrait diminuer la richesse générale, lorsque dans ces circonstances l'Etat ordonne l'abattage d'animaux malades, il fait une expropriation pour cause d'utilité publique, et il faut que celui qui est ainsi exproprié reçoive de l'expropriant une juste indemnité. Si l'Etat n'intervenait pas lorsqu'il s'agit d'animaux malades, s'il n'arrêtait pas la contagion du mal en ordonnant l'abattage, comme il l'a arrêtée en 1866 et en 1867, à l'aide des moyens énergiques ; si le gouvernement n'intervenait pas, la contagion du mal serait funeste non seulement aux individus qui possèdent des bêtes malades, mais a l'intérêt de la société tout entière, parce que les instruments de travail manquant, les instruments de travail diminuant, il est certain que la production doit diminuer aussi.

Le législateur doit favoriser spécialement l'augmentation de la production qui, en abaissant le prix des objets alimentaires, produit la diminution de la misère et, avec la diminution de la misère, l'instruction, la paix, la concorde, l'harmonie sociale.

Messieurs, je me borne en ce moment à ces observations. Je comptais ne pas prendre la parole aujourd'hui. Je ne pensais pas qu'a peine la discussion générale du budget terminée, on serait arrivé si vite au chapitre de l'agriculture.

Je me bornerai donc dans ce moment à indiquer, sauf à les développer plus tard, les vœux que j'émets dans l'intérêt de l'agriculture. Je demande :

1° Que la législature soit mise à même de voter prochainement le nouveau code rural ;

2° Qu'on supprime les droits imposés à l'importation des instruments aratoires ;

3° Que la Chambre s'occupe, dans le plus bref délai, du projet de loi présenté par M. le ministre des finances, le 23 avril 1868, à l'effet de réduire les droits qui frappent les mutations des biens ruraux non-bâtis ;

4° Qu'on permette aux hospices et aux bureaux de bienfaisance de contracter des baux de 12 ans pour la location de leurs terres ;

5° Qu'on établisse un cours de silviculture à l'institut agricole de Gembloux ;

6° Qu'on établisse une couple de stations expérimentales comme en Allemagne ;

Et 7° enfin, que le gouvernement veuille présenter un projet de loi à l'effet de protéger les oiseaux.

Tous ceux, messieurs, qui habitent la campagne savent jusqu'à quel point la nature a donné, comme aide au travailleur agricole, l'oiseau des champs.

Je n'ai pas ici tous les documents nécessaires pour établir quelle perte immense pour le pays résulte de la destruction des petits oiseaux.

Il ne s'agit pas ici d'une question d'agrément, mais d'une question d'alimentation.

L'oiseau travaille avec l'agriculteur à la conservation de ses produits. Il aide puissamment à la production générale et cette considération doit engager le gouvernement à présenter, dans le plus bref délai possible, un projet de loi qui favorise la conservation des petits oiseaux.

J'aurai l'honneur, messieurs, de reprendre la parole dans le courant de la discussion.

M. Bouvierµ. - Messieurs, je ne puis partager les idées de l'honorable M. De Fré en ce qui touche l'intervention absolue du gouvernement en faveur de l'agriculture.

Messieurs, nous avons vu le gouvernement à l'œuvre. Naguère se trouvaient inscrits dans le budget des crédits pour l'achat d'instruments agricoles ; eh bien, messieurs, il a été constaté dans les précédentes discussions, à l'occasion du budget de l'intérieur, que ces instruments aratoires ne servaient absolument à rien.

En effet, messieurs, on les a relégués d'abord au musée de l'industrie où jamais aucun agriculteur ne les a ni examinés, ni étudiés, où ils avaient le grave inconvénient d'encombrer les locaux. Pour remédier à cet état de choses, on les a acheminés à l'institut agricole de Gembloux, où ils reposent en paix jusqu'à ce qu'on en ait décidé autrement.

Je crois donc qu'il serait temps de prendre une mesure énergique : les vendre, si possible, ou les brûler, car ils ne présentent aucune utilité pour l'agriculture.

Le temps n'est pas loin où le gouvernement intervenait encore pour l'achat de reproducteurs pour améliorer la race chevaline. Nous avions alors, d'abord à Tervueren, puis à Gembloux, le fameux haras. Nous avons dépensé, pour le maintenir, des sommes fabuleuses ; eh bien, un beau jour, en présence d'un amendement présenté par M. de Naeyer, et par celui qui a l'honneur de parler devant vous, ce haras a disparu, aux applaudissements des agriculteurs, de la Chambre et j'allais ajouter des organes du gouvernement lui-même.

Sa sollicitude allait jusqu'à acheter des semences ; aujourd'hui, il y a renoncé parce que quelques cultivateurs privilégiés ont reconnu qu'elles ne portaient pas toujours.

Je ne veux donc pas de l'intervention du gouvernement d'une manière absolue, je la comprends quand il est nécessaire de. donner un coup de collier à l'agriculture encore dans l'enfance ou lorsqu'il s'agit de chemins vicinaux.

M. Rogierµ. - Je demande la parole.

M. Bouvierµ. - ... Parce que ce crédit profite à tous ceux qui s'occupent des travaux agricoles, tandis que le crédit que je combats ne sollicite le plus souvent que quelques appétits privilégiés.

D'après les explications fournies par l'honorable ministre de l'intérieur à la section centrale, l'article de ce crédit s'applique à deux catégories de dépenses ; la première a polir objet d'accorder des encouragements, des primes en faveur des propriétaires des meilleurs étalons de la race chevaline.

Je ne conteste, pas l'utilité de cette dépense. Il est hors de doute que notre excellente race de chevaux ardennais qui s'abâtardissait dans le Luxembourg à été en quelque sorte reconstituée grâce à ces encouragements.

La dépense que je crois inutile est celle qui appartient à la deuxième catégorie et qui a pour objet l'achat, en Angleterre, des races bovines, appartenant au type Durham on courtes cornes, si merveilleusement perfectionnée par Bakewell.

Je comprends qu'il y a quelque dix ans le gouvernement ayant entendu vanter les précieuses qualités de cette race, ait cru bon, utile même, d'introduire dans notre pays un certain nombre de ces animaux, d'en propager l'espèce en essayant leur acclimatation.

A mon avis, cet essai ne doit pas se perpétuer. Les agriculteurs, à qui l'on reproche si amèrement et non sans raison leur routine obstinée, doivent avoir leur opinion faite sur la race Durham. Je me permets de poser un dilemme au gouvernement.

Des deux choses l'une, ou cette race s’est propagée dans le pays grâce aux crédits nombreux et successifs votés par nous, et alors il faut nous arrêter dans cette voie, ou bien, malgré nos crédits, elle ne s'y est pas propagée, et dans ce dernier cas il est inutile de le maintenir.

Je pense qu'il y a lieu de faire disparaître à l'avenir le crédit destiné à l'achat, en Angleterre, des animaux reproducteurs.

M. Bricoultµ. - Si l'agriculture belge était aussi malade que vient de nous le dire l'honorable M. De Fré, le gouvernement devrait s'empresser de lui appliquer les remèdes qu'il vient d'indiquer, mais je suis d'avis que l'agriculture belge, dont je prends ici la défense, n'a rien à envier aux autres pays de l'Europe. Nos cultivateurs intelligents et laborieux ne se laissent pas dépasser par leurs amis de l'étranger ; d'autre part, nos ouvriers agricoles sont les meilleurs que l'on connaisse et c'est là une grande cause de progrès. Je pense donc que le gouvernement peut écarter quelques-uns de ces remèdes.

J'ajouterai que l'utilité des crédits que comporte le chapitre XI est contestée par un grand nombre d'agriculteurs et je m'étonne que l'honorable ministre de l'intérieur, qui a souvent adhéré au principe de non-intervention, n'ait pu opérer qu'une réduction de 8,400 francs sur le chiffre de 830,000 francs qui y figure comme charges ordinaires et permanentes.

Avec des réductions de cette importance, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qui a surtout attaqué ce chapitre, n'attendra qu'une centaine d'années pour obtenir une pleine et entière satisfaction.

Il ne convient pas d'abandonner tout d'un coup la protection que l'agriculture reçoit de l'Etat, mais on peut sans inconvénient l'habituer plus (page 355) rapidement à vivre d'elle-même et à compter avant tout, comme en Angleterre, aux Etats-Unis et même en France, sur l'initiative individuelle. On lui rendrait d'ailleurs un plus grand service en transférant une partie des crédits du chapitre XI au chapitre relatif à la voirie vicinale. Ce transfert favoriserait surtout la petite culture qui ne profite guère des reproducteurs de toute espèce qui font l'objet des pérégrinations et des recherches de vos commissions voyageant en pays étrangers aux frais de l'Etat et des provinces.

Tandis que vous installez à grands frais un magnifique derby chez un grand amateur qui félicite le gouvernement de lui procurer un sujet qu'il pourrait parfaitement aller acheter lui-même, le petit cultivateur est obligé de conserver ses produits jusqu'au moment où l'état des chemins ou l'aide de ses voisins lui permet de les conduire au marché.

En lisant le rapport de la section centrale, j'ai été quelque peu surpris de la réponse faite à cette section par l'honorable M. Pirmez, au sujet de l'allocation de 85,000 francs qui figure au budget pour l'amélioration des races d'animaux domestiques. Pour justifier cette allocation, l'honorable ministre s'appuie exclusivement sur l'avis de cent quatre commissions qui ne se mettraient jamais d'accord si le gouvernement exigeait cette condition avant d'écouler leurs doléances. Or, il y a quelques années, lorsque j'ai attaqué la composition et l'origine de ces commissions dans le but de borner l'intervention de l'Etat à l'encouragement des concours agricoles et de l'amélioration de la race chevaline indigène, voici comment s'exprimait l'honorable M. Pirmez :

« Le chapitre du budget de l'intérieur qui s'occupe de l'agriculture est le plus chargé de dépenses inutiles. C'est donc avec une véritable satisfaction que j'ai vu M. le ministre de l'intérieur entrer franchement dans la voie de la réduction de ces dépenses, parce que la plupart sinon toutes, selon moi, sont inutiles. »

M. Bouvierµ. - Il faisait du Le Hardy de Beaulieu en ce moment-là. (Interruption.)

M. Bricoultµ. - Voyons maintenant comment l'honorable M. Pirmez parlait des commissions et des règlements.

« Ces règlements, disait-il, je n'oserais pas les lire à la Chambre ; il en est qui demanderaient le huis clos. Je les tiens à la disposition de mes honorables collègues. On y entre dans des détails hygiéniques, quant aux étalons et aux taureaux, qui sont vraiment incroyables de la part d'assemblées sérieuses comme les conseils provinciaux. »

« On nous parle des commissions d'agriculture. Moi, j'ai peu de confiance dans les commissions de toute espèce. Ces commissions sont toujours et uniquement composées de personnes partiales sur l'objet dont elles s'occupent et inclinant presque toujours vers le côté le moins libéral. »

« Dans les commissions d'agriculture, vous avez des gens qui trouvent bonne la réglementation, parce qu'elle se fait par eux contre la masse. Mais allez demander au chef du pays qui a la constitution la plus despotique du monde, si cette constitution le gêne ; il vous répondra infailliblement que cette constitution ne le gêne pas, qu'elle est tout ce qu'il y a de meilleur.

« C'est, dans une sphère étroite, la réponse que vous trouvez chez vos commissions d'agriculture.

« Maintenant venons aux faits. Avez-vous opéré des miracles avec votre intervention ? Vous avez vexé les cultivateurs, sans profit.

« Quelle est la race d'animaux qui s'est le plus perfectionnée depuis vingt ans ? C'est la race des chiens. Or, s'est-on jamais imaginé de réglementer les chiens sous ce rapport ? Non, et il faut avouer que ce serait difficile.

« M. Bouvier. - Ce serait un métier de chien.

« M. Pirmezµ. - Mais n'allons pas si loin ; voyons la matière spéciale qui nous occupe, l'espèce bovine. Dans quelle province du pays l'espèce bovine est-elle la plus belle ? C'est dans la province de Liège, c'est-à-dire dans la province où règne la liberté, et pourquoi dans la province de Liège a-t-on obtenu les meilleurs résultats ? Parce que l'initiative individuelle est beaucoup plus éclairée que l'intervention gouvernementale.

« Remarquez que dans la province de Liège on n'accorde pas de subsides ; la province de Liège a préféré la liberté aux subsides et elle a mille fois raison. Nous ne devons pas permettre que par une injustifiable iniquité on la fasse souffrir de son indépendance.

« Je crois donc qu'en considérant la question au point de vue théorique comme au point de vue pratique, il faut nous hâter de déclarer que nous voulons la liberté. »

Je me permets de recommander l'application de ces principes au chapitre en discussion et de prier, avant de me rasseoir, l'honorable ministre d'examiner si l'on ne pourrait pas réunir l'école vétérinaire et l'école d'agriculture et faire enseigner, dans cette dernière section, les sciences naturelles et mathématiques qui intéressent l'agriculture, la culture des plantes, le droit rural, quand l'honorable M. Schmitz aura obtenu le code que nos agriculteurs attendent depuis tant d'années, l'économie forestière et l'économie politique.

MiPµ. - Messieurs, j'ai entendu avec beaucoup de plaisir dans la bouche de l'honorable M. Bricoult un discours que j'ai prononcé dans cette Chambre, il y a quelques années. Je le revois avec plaisir comme une ancienne connaissance.

L'honorable membre n'aurait pas dit qui était l'auteur du discours, qu'il me paraît que je m'en serais reconnu l'auteur, parce qu'il exprime des idées sur lesquelles je n'ai jamais varié ; je. l'ai prouvé, il y a peu de jours encore.

Ainsi, dès mon entrée au ministère, j'ai proposé la suppression, en matière d'agriculture, de la réglementation concernant la race bovine. Il y avait dans huit provinces, si je ne me trompe, des règlements qui empêchaient les particuliers de recourir aux reproducteurs qu'ils croyaient les plus favorables.

Je me suis adressé aux administrations provinciales ; j'ai déclaré que le gouvernement refuserait son concours à l'exécution de ces règlements et je crois que partout ces règlements sont disparu.

Je n'ai pas demandé la suppression des règlements concernant la race chevaline. ; j'ai cru que du moment que les provinces auraient la conviction que la suppression des règlements concernant la race bovine n'apporte aucun préjudice, cette conviction amènerait celle qu'on peut supprimer aussi les règlements qui concernent la race chevaline.

L'honorable membre se trompe s'il pense me trouver en contradiction avec moi-même, lorsqu'il lit mon discours de 1864 et lorsqu'il le rapproche du contenu de la réponse que j'ai faite, comme ministre, à la section centrale.

L'honorable M. Bricoult peut comparer les deux documents, et il n'y trouvera pas la moindre contradiction. Lorsque la section centrale m'a consulté, j'ai cru qu'il convenait de faire connaître la situation telle qu'elle était.

J'ai donc communiqué à la section centrale, d'une manière exacte, les opinions de toutes les autorités qui ont été consultées sur la question.

Ces opinions qui sont partagées, quant à la race bovine, sont presque unanimes quand il s'agit de la race chevaline ; elles tendent au maintien des règlements.

En présence de cette unanimité d'opinion, je n'ai pas pensé que le gouvernement devait immédiatement introduire la réforme quant à la race chevaline ; mais je crois que, par suite de l'expérience qui se fait quant à la race bovine, beaucoup de corps constitués se. rallieront aux idées de liberté, même en cette matière.

Au lieu donc de prendre une mesure qui retirerait immédiatement aux provinces le concours du gouvernement, je pense que nous arriverons au même résultat un peu plus lentement, mais avec une force plus grande par l'adhésion fondée sur l'expérience des personnes qui s'occupent de ces questions.

Je remercie l'honorable M. Bricoult d'avoir apporté ici le tribut de son expérience et d'avoir, lui agriculteur, parlé en faveur des doctrines libérales en matière d'agriculture

Je pense, pour ma part, quoi qu'en dise l'honorable M. De Fré, que la liberté, en matière d'agriculture, est une bonne chose, comme elle est une bonne chose en matière d'industrie ; la liberté est bonne en toute matière ; je n'ai jamais varié sur ce principe, et je ne suis pas disposé à l'abandonner.

Seulement, il ne faut pas oublier que, quant à la partie des crédits qui se trouvent rangés sous la rubrique agriculture, il en est qui constituent l'enseignement agricole.

Quelque partisan qu'on soit des idées de liberté et de non-intervention, on admet unanimement que le gouvernement peut parfaitement agir pour répandre des idées plus éclairées en toutes matières.

M. Bricoultµ. - On ne conteste pas cela.

MiPµ. - Eh bien, il y a dans ces crédits des sommes assez considérables destinées à répandre, sous une forme ou sous une autre, des idées de progrès agricoles, et c'est à ce titre qu'on peut les maintenir.

Parmi ces mesures qui paraissent même ne pas avoir trait directement à l'enseignement agricole, il en est quelques-unes qui s'y rattachent réellement.

(page 356) Je ne crois pas qu'on doive maintenir indéfiniment l'achat des reproducteurs étrangers ; il arrivera évidemment un moment où l'Etat cessera d'intervenir en cette matière, où il n'achètera pas plus de taureaux ou d'étalons que de machines pour l'industrie.

Je partage, sous ce rapport, la manière de voir de l'honorable M. Bricoult.

L'honorable M. Rogier a rendu de très grands services à l'agriculture par les idées de progrès qu'il a répandues.

Il est certain que, lorsqu'il a commencé à faire venir des reproducteurs de races étrangères, il a appris à nos agriculteurs qu'il existait des races supérieures à celles qu'on trouve en Belgique. Ces achats étaient de vrais enseignements et ont aidé aux progrès qui se sont réalisés ; nous devons, sous ce rapport, beaucoup de reconnaissance à cet éminent homme d'Etat. On peut aussi, a l'aide de réunions, chercher à répandre les connaissances et les lumières nouvelles et, à ce titre, je crois que l'intervention est encore, dans certaines limites, parfaitement admissible. Mais, je le répète, ce qu'il faut introduire avant tout en ces matières, c'est la liberté. La reproduction de toutes les races est à l'abri de la réglementation (même celle de la race humaine, qui n'est pas la moins importante) ; la réglementation n'existe que pour la race chevaline ; elle obtiendra aussi un jour la liberté de ses amours.

Messieurs, j'examinerai bien volontiers si l'on peut réunir l'école vétérinaire à l'école agricole de Gembloux. Je crois toutefois que cette question a été déjà étudiée ; une difficulté peut-être s'oppose à cette réunion ; c'est qu'il est nécessaire, pour former les vétérinaires, d'avoir des animaux malades ù trailer.

Il en est des écoles vétérinaires comme des écoles de médecine, qu'on place toujours dans les grands centres parce qu'il y a beaucoup de cas de maladie ; c'est pour cela qu'on a placé l'école vétérinaire a Bruxelles, qui, étant une grande ville, renferme beaucoup d'animaux. (Interruption.) Je crois qu'à Gembloux on ne rencontrerait pas les mêmes moyens d'instruction pratique.

Il me reste quelques mots à dire sur l'enseignement de la culture forestière.

Une école a été établie à Bouillon, où elle a eu peu de succès. Je crois qu'on ne réussirait pas plus à Gembloux.

Il y aurait peut être là quelque chose de plus utile à faire que d'instituer des cours spéciaux de culture forestière.

Des cours spéciaux ont moins d'utilité en cette matière que dans beaucoup d'autres ; les forêts et les bois appartiennent généralement à des propriétaires qui ont une fortune considérable ; ces personnes peuvent administrer bien leurs bois ; elles ont le moyen de s'instruire complètement par l'achat des ouvrages spéciaux qui traitent de cette culture.

D'un autre côté l'on obtiendra très peu d'élèves pour suivre les cours de silviculture. Les professions auxquelles ces études conduisent, la profession d'élagueur, de bûcheron, de garde forestier ne permettent guère d'études spéciales.

Mais on pourrait faire chose très utile en répandant des idées saines sur l'élagage des arbres, soit des arbres qui se trouvent dans les forêts, soit des arbres qui se trouvent dans les campagnes et dans les prairies. On pourrait faire donner certaines conférences où l'on s'occuperait non seulement de l'élagage des arbres forestiers, de l'orme, du peuplier, du chêne, etc., mais aussi de l'examen des meilleures essences, du choix que commande la nature du sol, du mode de plantation, de l'âge où il faut couper, des endroits où il faut planter, du calcul du produit des arbres relativement à la diminution produite dans la culture des terres, enfin de tout ce qui concerne le rapport des arbres forestiers.

Il ne faut pas pour cela un cours complet ; il ne faut pas des élèves assis sur les bancs pendant de longues heures et pendant des mois. Quelques conférences suffiraient pour répandre beaucoup d'idées utiles en cette matière, et nous pourrions ainsi obtenir, à peu de frais, des résultats plus efficaces et plus étendus que ceux que nous obtiendrions par l'établissement de cours spéciaux qui, je le répète, seraient très peu fréquentés.

- Des membres. - A demain !

M. Rogierµ. - Je tâcherai d'abréger ce que j'ai à dire. Si je prends la parole, c'est que je désire ne pas voir M. le ministre de l'intérieur s'engager plus qu'il ne faut dans la voie des doctrines qu'il a professées autrefois comme représentant, d'une manière un peu absolue et qu'il ne renonce pas, à ce qu'il semble, à mettre en pratique comme ministre. Je souhaite qu'il ne s'engage pas trop loin dans cette voie, et je résisterai, autant que possible, à des entraînements irréfléchis et, à mon avis, nuisibles à la chose publique.

M. le ministre de l'intérieur affectionne un mot très beau, très séduisant et aussi très commode. Quand on lui parle d'intervention quelconque de l'Etat, de concours efficace de l'Etat, il répond : Liberté. La liberté, voilà le grand moyen, le remède à tout.

Dans un gouvernement organisé, comme le nôtre, qui est supposé renfermer dans son sein les hommes les mieux doués sous le rapport de l'intelligence, de l'éloquence, de la probité, et cela, je le constate, n'est pas une pure hypothèse, dans un gouvernement obligé chaque jour de rendre compte de ce qu'il fait, de ce qu'il pense, de ce qu'il projette, avec le système parlementaire et représentatif et le régime de responsabilité, il n'est pas admissible que les hommes d'Etat viennent nous dire : Le gouvernement n'a rien à faire ; il n'a qu'à se croiser les bras ; la liberté, source de tous les progrès, se chargera de tout faire.

Messieurs, ce ne sont là que des mots, et M. le ministre de l'intérieur, qu'il me permette d'en faire l'observation, est ici en complète contradiction avec lui-même.

Ce système de liberté exclusive et absolue, ce système qui consiste à dire au gouvernement : Ne faites rien, laissez tout à l'initiative privée, est irréalisable ; il suppose une organisation qui n'existe pas, et M. le ministre de l'intérieur ne le réalisera pas.

Je ne veux pas sortir ici de la question agricole. Je ne suis pas agriculteur et je le regrette ; j'ai toujours eu, si je puis le dire, un penchant particulier pour la vie des champs, mais je ne suis pas né agriculteur et j'ai de bonnes raisons pour ne pas cultiver. Mais on vient, au nom de l'agriculture, réclamer la liberté ; on demande que tout soit abandonné à l'initiative privée des campagnards ; l'honorable député de Virton a ouvert le feu, et qu'est-ce que l'on propose de détruire ? qu'est-ce que M. le ministre de l'intérieur propose de supprimer ?

A l'article 54, je vois un crédit de 140,000 francs ; d'après les développements, ces 140,000 francs servent à cent choses différentes. M. le ministre de l'intérieur s'applaudit d'avoir supprimé les règlements relatifs à la production des bêtes bovines ; il a semé l'annonce de cette réforme de plaisanteries plus ou moins comiques, mais cela ne suffit pas.

Je ne suis pas, moi, l'auteur des règlements provinciaux sur la production des races bovines, je n'y suis absolument pour rien ; mais je dis que ce système a été appliqué pendant de longues années ; il a été préconisé par toutes les commissions d'agriculture, accepté par la plupart des conseils provinciaux, qui ne sont pas, j'imagine, composés d'imbéciles.

Dans ces derniers temps seulement, on a trouvé que ces règlements étaient ridicules et qu'il fallait les supprimer. M. le ministre de l'intérieur trouve que, déjà aujourd'hui, l'on éprouve les heureux effets de cette réforme.

Eh bien, va pour la suppression des règlements relatifs à la race bovine, mais voici le règlement pour la race chevaline, et ici M. le ministre de l'intérieur hésite ; la liberté, ici, ne lui paraît pas d'une efficacité certaine et d'une application immédiate ; un jour viendra peut-être où il pourra ajouter cette grande réforme à la première, mais il n'ose pas encore la tenter.

Est-ce l'enseignement agricole qu'il faudra abandonner à l'initiative privée ?

Pourquoi pas ? La liberté, dans le système de M. le ministre, est tout aussi capable d'enseigner que le gouvernement. Pourquoi M. le ministre ne laisse-t-il pas l'enseignement agricole se produire et se développer librement ?

Est-ce la voirie vicinale qui se passera de l'intervention de l'Etat ? A la rigueur, on peut soutenir que l'initiative privée est capable de faire des chemins vicinaux. Sonl-ce les encouragements donnés à la silviculture que l'on supprimera ? Le gouvernement a trouvé bon d'encourager, dans certaines parties du pays, l'établissement de pépinières et de plantations.

Je fais appel aux connaissances pratiques et locales de l'honorable député de Virton sur ce point. Il a négligé de citer cet abus consistant dans l'encouragement des plantations, notamment dans le Luxembourg et dans un partie de la province de Liège.

Trouve-t-il mauvais aussi que le gouvernement soit intervenu pour aider les pauvres agriculteurs de la province de Luxembourg à se procurer comme engrais la chaux à prix réduit ?

Je concevrais qu'on vînt crier à l'abus si le gouvernement intervenait indistinctement à tout propos et d'une manière continue, mais il n'en est point ainsi. Après avoir obtenu, par la distribution de la chaux à prix réduit, une amélioration incontestable du sol du Luxembourg, il a renoncé lui-même à ce moyen de protection, se réservant d'appliquer le crédit à d'autres encouragements.

Messieurs, l’honorable représentant de Virton s'est moqué des instruments agricoles perfectionnés. Il paraît que ces instruments, perfectionnés en Angleterre, en Allemagne et ailleurs, doivent tomber du ciel en Belgique et que c'est un grand malheur que le gouvernement ait dépensé (page 357) quelques milliers de francs pour faire venir, par l'entremise de ses consuls et de ses diplomates, ce qu'il y a de plus parfait dans les pays étrangers.

Que fait le gouvernement de ces instruments ? Il les expose dans le musée de l'Etat et dans les concours agricoles. Il donne ainsi un enseignement pratique aux cultivateurs qui peuvent se rendre compte de la manière dont se construisent et opèrent ces instruments en d'autres pays.

On les a mis, dit-on, au musée. Mais où vouliez-vous qu'on les mît ? Ils y étaient exposés aux regards des visiteurs. On en a mis à l'école d'agriculture ; mais ils y servent à l'instruction des élèves.

Il ne faut pas, messieurs, de grandes dépenses pour pourvoir, chaque années, nos musées agricoles des instruments que la science produit dans les divers pays civilisés.

Quant à moi, je proteste contre l'idée de jeter au feu ces instruments agricoles. Ceux qui sont vieux servent encore à montrer comment on labourait la terre il y a 20 ou 30 ans, les autres indiquent comment on procède aujourd'hui dans les autres pays où règne le progrès.

L'honorable ministre de l'intérieur est très absolu dans l’énonciation de ses principes et très modéré, je l'en félicite, dan s leur application.

Ainsi il ne songe pas à toucher à l'enseignement agricole ni même à supprimer les conférences agricoles et horticoles, qu'il encourage.

Voilà cependant une matière dans laquelle on pourrait laisser s'exercer la liberté sans intervention, mais on n'abandonne pas les encouragements et l'on ne songe pas à abandonner les conférences à l'initiative privée.

MiPµ. - C'est une question d'enseignement.

M. Rogierµ. - Oui, mais il y a beaucoup de gens à principes qui ne veulent pas que l'Etat intervienne dans l'enseignement.

Vous voulez donc de son intervention pour répandre les connaissances par la parole.

Quant à moi, je trouve cette intervention bonne encore ailleurs que sur ce terrain.

Reste donc, comme réforme, la suppression des règlements provinciaux relatifs à la production de l'espèce bovine.

Si M. le ministre de l'intérieur n'avait pas reconnu qu'au fond les doctrines qu'il a exprimées sont trop absolues, il devrait avoir à cœur de marcher rapidement dans ce qu'on appelle la voie du progrès, et ce que j'appelle, moi, une voie rétrograde, et il nous apporterait d'autres réformes. Mais il ne le fera pas, parce qu'il se trouve en présence de la réalité des choses et qu'il est trop bien doué sous tous les rapports pour sacrifier des avantages généraux et réels à des satisfactions de pur amour-propre personnel.

Voilà ce que j'ai à dire quant à présent.

J'aurais encore quelques observations à présenter à propos de l'agriculture, à laquelle M. le ministre de l'intérieur a, je ne sais pourquoi, associé les lettres, les sciences et les beaux-arts ; mais je me réserve d'y revenir.

- Des voix. - A demain !

M. le président. - Un amendement est parvenu au bureau ; il est ainsi conçu :

« Les soussignés ont l'honneur de proposer de porter le chiffre de l'article 63 du budget (voirie vicinale), à quinze cent mille francs. »

« Kervyn de Lettenhove, E. de Zerezo de Tejada, Alb. Liénart, C. Delcour, X. Lelièvre. »

- Cet amendement sera imprimé et distribué.

La séance est levée à 5 heures.