Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 29 janvier 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 311) M. Dethuin, secrétaireµ, fait l'appel nominal à 2 1/4 heures.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture des procès-verbaux des deux dernières séances ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Joseph Goebler, cabaretier à Nobressart, province de Luxembourg, né à Hollzem (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Paternotte demande la suppression de la patente pour les employés des chemins de fer concédés, particulièrement pour les chefs de station »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Affelmans, ancien chauffeur au chemin de fer de l'Etat, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement de son boni à la masse d'habillement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Linsback prie la Chambre de demander un prompt rapport sur toutes les pétitions qu'elle a reçues depuis le mois de novembre 1867 et qui sont relatives à la mise à la retraite des fonctionnaires ayant atteint l'âge de 75 ans. »

- Même renvoi.


« Le sieur Delbovier, ancien facteur rural, demande la révision de sa pension ou un secours temporaire. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Anvers demandent la réorganisation des corps de musiques militaires ou une amélioration de position pour la personnel de ces corps. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pinget se plaint des abus auxquels il a été exposé dans l'assiette de la contribution personnelle. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Poelcappelle demandent que ce hameau de Langemarck soit érigée en commune spéciale. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles prient la Chambre de réviser l'article 453 du code pénal et d'en étendre l'application au cas plus spécialement connu sous le nom d'opération césarienne, alors qu'elle est pratiquée par des personnes étrangères à l'art de guérir. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Oirbeek demande l'établissement d'une station entre Tirlemont et Vertryck. »

« Même, demande des conseils communaux de Roosbeek, Cumptich et Vissenaeken. »

- Même renvoi.


« Le sieur Alexandre demande une modification à l'article 900 du code civil. »

- Même renvoi.


« Le sieur Brieusse demande si deux de ses trois fils peuvent être soumis à un rappel au service ou si son deuxième fils a droit à son congé définitif. »

-Même renvoi.


« Des commerçants et industriels à Liège demandent la taxe uniforme à dix centimes pour le transport des lettres dans l'intérieur du royaume et celle à cinq centimes pour l'intérieur des grandes villes. »

M. Lelièvreµ. - Cette pétition a un caractère marqué d'importance. Je demande qu'elle soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.

- Adopté.


« Les instituteurs communaux du canton de Rochefort proposent des mesures pour améliorer la position des instituteurs communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Schollen réclame l’intervention de la Chambre pour être admis à justifier, avec ses coïntéressés, de leurs titres a une créance arriérée, admise en liquidation à la charge de la Belgique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Harten, musicien gagiste au régiment des guides, demande d'être assimilé, pour la pension, aux musiciens gagistes des régiments d'infanterie. »

- Même renvoi.


« M. Colson fait hommage à la Chambre de plusieurs exemplaires d'un appel aux habitants du Hainaut au sujet de la mort du Prince royal. »

- Distribution et dépôt.


« Le sieur Langsdorf, commerçant à Anvers, né à Melches (grand-duché de Hesse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces à l'appui, quatre demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Les sieurs Masquelier, Vanden Berghe et autres membres de la Ligue de l'enseignement, prient la Chambre de réglementer le travail des enfants dans l'industrie. »

- Renvoi au ministre de l'intérieur avec demande d'explications, conformément à la décision du 21 janvier.


« Les membres du conseil communal de Loenhout demandent qu'il soit accordé aux cultivateurs une indemnité du chef d'abattage, par ordre des vétérinaires du gouvernement, des bestiaux atteints d'affection charbonneuse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Crombez, obligé de s'absenter ; MM. Eug. de. Kerckhove, de Kerchove de Denterghem, Jouret, Lambert, Moncheur et Notelteirs, retenus par des indispositions ; M. de Borchgrave, M. Tesch et M. de Macar, demandent un congé. »

- Accordé.

Réponse du roi au message de condoléances de la chambre

M. le président. - Je pourrais me dispenser, messieurs, de rendre compte à la Chambre de la mission dont elle avait chargé sa députation et son bureau, car cette députation s'est vue compléter par la présence de tous ceux de nos collègues que la maladie ou des causes impérieuses ne retenaient pas chez eux.

Cependant je crois qu'il est convenable que. j'aie l'honneur de vous donner lecture de la réponse qu'a faite Sa Majesté au discours de votre président.

Voici, messieurs, en quels termes Sa Majesté s'est exprimée en nous répondant :

« Je suis bien touché des regrets que vous donnez, messieurs, à la mémoire de notre cher enfant. Un jour, nous en avions la confiance, il eût été digne de sa patrie.

« Les sentiments qui éclatent dans le pays entier, les témoignages d'attachement qui, dans cette douloureuse circonstance, s'adressent de toutes parts à la Reine et à moi nous pénètrent de la plus vive reconnaissance. Une sympathie si vraie et si unanime, si elle ne peut adoucir notre affliction, nous aidera, je l'espère, à en supporter le poids.

« Dieu, dans sa bonté et sa justice, a des compensations pour ceux qu'il éprouve. La Reine et moi nous lui demandons que notre malheur devienne pour la Belgique un titre de plus à ses bénédictions.

« Messieurs, la communauté de sentiments de ces jours de deuil doit émouvoir tout cœur belge. Puisse-t-elle former un lien nouveau entre tant de citoyens dévoués qu'anime un même patriotisme. »

Maintenant, messieurs, faisons trêve à nos douleurs et reprenons nos travaux.

Projet de loi rendant facultatifs les libres d’ouvriers

Dépôt

MiPµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi rendant les livrets d'ouvriers facultatifs.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.

Prompts rapports sur des pétitions

(page 312) M. Dethuin, rapporteurµ. - Par pétition datée de Mons, le 8 janvier 1869, le sieur Bockstael prie la Chambre de décider que son fils Cyrille, sergent au 8ème de ligne, est en droit de se présenter aux examens d'admission à l'école militaire.

Messieurs, la pétition du sieur.F.-J. Bock-slael a été, de la part de la commission des pétitions, l'objet d'un sérieux examen, et le point de droit qu'elle soulève est des plus intéressants.

Les faits, dont la plupart sont constatés par des documents officiels et d'autres, sont de notoriété publique et ne peuvent, pensons-nous, être sérieusement contestés.

Ainsi, il est bien évident, bien établi :

I. Que le sergent Rockstael a été enrôlé à Audenarde dans la légion mexicaine appelée depuis régiment Impératrice Charlotte ;

II. Qu’i était, ainsi que de nombreux jeunes gens qui l'accompagnaient, revêtu de l'uniforme belge ;

III. Que cet enrôlement a été fait par un officier belge qui avait reçu un congé du département de la guerre et qui depuis a repris son service en Belgique ;

IV. Que tous les militaires enrôlés à Audenarde n'ont été ni recherchés ni poursuivis même avant la loi d'amnistie, ce qui prouve qu'il a du être accordé des congés illimités ou définitifs ;

V. Que c'est le père du sergent Bockstael qui s'est opposé au départ de son fils ;

VI. Que ce dernier a quitté Anvers en septembre 1865, s'est enrôlé dans la légion étrangère française, est parti avec elle pour le Mexique et n'a cessé d'être sous les armes jusqu'à sa rentrée en Belgique ;

VII. Qu'à sa rentrée, étant dans les conditions les plus favorables pour profiter de la loi d'amnistie, il a été réintégré à son régiment avec le grade qu'il avait avant son départ.

VIII. Que, malgré les représentations de sa famille, le sergent Bockstael est resté au service pour pouvoir entrer à l'Ecole militaire, ce qu'il ne pouvait plus faire qu'en restant au service, attendu qu'il avait dépassé l'âge de 20 ans.

IX. Qu'il obtint successivement trois congés, de trois mois en trois mois du 28 novembre 1867 au 28 août 1868, que le 28 août il obtint un dernier congé jusqu'au moment où il fut envoyé en congé illimité.

X. Que ces congés de faveur de trois mois étaient accordés au sergent Bockstael dans le but de lui permettre de faire des études pour se présenter à l'école militaire et que la dernière demande est accompagnée des certificats des trois professeurs qui lui donnaient des leçons ;

XI. Que, en novembre 1868, il a subi son examen préparatoire devant la commission d'officiers de son régiment (3ème chasseurs à pied) et qu'il a été déclaré apte à se présenter à l'école militaire ainsi que le prouve le procès-verbal de la commission d'examen.

XII. Que dès le mois d'octobre 1868, et c'est un point que le pétitionnaire n'a même pas indiqué, M. le ministre de la guerre, toujours très bienveillant pour le sergent Bockstael, autorise le passage de ce sous-officier au 3ème régiment de chasseurs en garnison à Mons, faveur que le sergent Bockstael sollicitait pour ne pas perdre, ainsi qu'il le disait dans sa requête, le temps d'aller à Anvers subir ses examens devant la commission d'officiers, examens qu'il a subis, ainsi que je l'ai dit plus haut, à Mons, d'une façon très satisfaisante.

Il semblait, messieurs, que ce candidat étant dans les conditions exigées par la loi, méritant même quelque bienveillance, à cause de sa jeunesse, de sa bonne conduite au Mexique et depuis son retour ; enfin du travail persévérant auquel il s'est livré, allait être admis à pouvoir concourir aux examens de l'école militaire, section cavalerie et infanterie.

Il devait d'autant plus en être ainsi, que deux ministres de la guerre ont successivement accordé à ce jeune homme des congés de faveur pour lui permettre de se présenter aux examens, lorsque, le six octobre dernier, le ministre fit officiellement connaître au sergent Bockstael qu'à cause de sa position particulière il n'était pas admis à concourir.

Messieurs, la question de principe que soulève la pétition est celle-ci :

M. le ministre de la guerre peut-il refuser à un candidat qui se trouve dans toutes les conditions voulues, son admission au concours ?

C'est à l'examen de cette question que nous allons nous livrer.

Messieurs, l'école militaire a été créée par la loi du 18 mars 1838, qui détermine les conditions que doivent réunir les candidats pour être admis au concours.

L'article 12 de cette loi s'exprime ainsi :

« L'admission des élèves sera prononcée par le ministre de la guerre, d’après les résultats d'un concours public, dont le programme sera publié à l'avance.

« Le programme fera connaître chaque année le nombre des élèves à admettre. Ce nombre sera réglé par les besoins des différentes armes.

« Ne pourront se présenter à l'examen que les Belges âgées de 16 à 20 ans qui se sont fait inscrire en déposant toutes les pièces exigées par le programme.

« Par exception, les militaires de l'année active pourront être admis jusqu'à l'âge de 25 ans, etc. »

Un ouvrage publié récemment par un officier de l'armée et conséquemment avec l'assentiment de M. le ministre de la guerre, vient démontrer que la loi de 1838 est toujours appliquée.

Cet ouvrage est intitulé : Ecole militaire de Belgique, par Alphonse Moselli, Bruxelles, 1867. On y voit que tous les Belges peuvent se faire inscrire de 16 à 20 ans, et les militaires ayant deux ans de service peuvent se faire inscrire et concourir par conséquent jusqu'à 25 ans.

On y voit encore, page 28, que le jury dresse « la liste des candidats par ordre de mérite après le concours et que le ministre prononce les admissions.3

C'est la reproduction de la dernière partie de l'article 12 ci-avant énoncé.

Il est évident que le texte de la loi de 1838 consacre un droit pour tous les Belges qui se trouvent dans les conditions de pouvoir concourir et que si M. le ministre de la guerre prononce l'admission, ce n'est que d'après le résultat d'un concours public. Telle est la loi.

Il en résulte donc que le sergent Bockstael étant dans les conditions exigées par la loi ne peut arbitrairement être écarté du concours par la seule volonté du ministre de la guerre.

D'après la dépêche de M. le ministre, c'est à cause de la position particulière du candidat qu'il a refusé de l'admettre au concours.

Cette position particulière, messieurs, consiste en ce que le sergent Bockstael a quitté l'armée belge pour aller au Mexique.

Veuillez me permettre, messieurs, d'examiner quelle est cette position, si elle est une cause d'exclusion ;

En d'autres temps, le sergent Bockstael ayant quitté son régiment devait à sa rentrée être poursuivi comme déserteur, et quelque atténuantes qu'aient pu être les circonstances qui ont accompagné son départ, malgré sa bonne conduite, sa bravoure qui ne peut être contestée, il est évident qu'à son retour il eût été condamné.

Mais depuis le départ du sergent Bockstael et avant son retour, le gouvernement, mû par d'excellentes et sages raisons, a proposé une loi d'amnistie complète, que les Chambres ont votée à l'unanimité. C'est la loi du 18 mai 1866 dont le pétitionnaire réclame l'application pour son fils qui, ainsi qu'il le fait observer, tout en étant innocent par la loi, est puni par le ministre comme s'il était coupable.

Quelle est la portée de l'amnistie ? Messieurs, c'est là une question d'école. L'amnistie ne remet pas un délit comme la grâce, elle l'efface ; elle retourne vers le passé, elle détruit jusqu'à la première trace du mal.

M. de Portalis, faisant rapport dans une affaire déférée à la cour de cassation, disait :

« L'amnistie couvre du voile de la loi les délits, qui sont comme s'ils n'avaient jamais été commis. »

Et il doit en être ainsi, car l'amnistie est d'ordre public. On ne peut la refuser. L'amnistie ne peut même pas se faire juger, quand même il aurait été cité devant un tribunal et qu'il se prétendrait innocent. Il en résulte donc que l'amnistié doit se trouver dans la même position qu'il avait avant le fait amnistié.

C'est ce que le département de la guerre a, du reste, reconnu en réintégrant le sergent Bockstael dans son grade.

« Il y a plus, messieurs, c'est qu'il ne doit être conservé aucune trace du fait couvert par l'amnistie. La loi veut que le souvenir en soit perdu, effacé de la mémoire comme l'indique l'étymologie du mot privatif α (μεστια) (mnestia).

Ainsi dans le cas qui nous occupe, le département de la guerre ne peut inscrire sur la matricule des hommes amnistiés la mention de leur désertion. Ils ne peuvent être appelés déserteurs, car légalement ils n'ont pas déserté, et s'il était nécessaire de désigner à quelle date ils sont partis et rentrés, il doit être simplement mentionné :

« X... a quitté le régiment le..., est rentré le... »

Nous sommes peu familiarisés, il est vrai, dans notre calme et libre pays, avec l'amnistie, mais en France il y en a eu plusieurs. En Espagne elles ont été plus nombreuses encore. Pour acquérir un peu de popularité, un général devait être, pour bien faire, condamné très souvent à mort pour haute trahison.

(page 313) Et ces condamnations des généraux espagnols ne les empêchaient pas, grâce à une loi d'amnistie survenue, de reprendre, quelques mois après, leurs grades et de se parer de leurs innombrables décorations.

Nous croyons donc que, pour faire application de la loi du 18 mai 1866, il faut replacer les amnistiés dans la position où ils seraient s'ils n'avaient pas commis le délit, et que par conséquent M. le ministre de la guerre ne peut invoquer, contre le sergent Bockslael, une désertion qui n'existe légalement plus.

Déterminée par ces motifs, votre commission des pétitions vous propose de renvoyer la pétition du sieur Bockstael à M. le ministre de la guérie avec demande d'explications.

M. Carlierµ. - Le lumineux rapport qui vient de vous être présenté me dispense de revenir sur tous les détails de cette affaire.

Je me bornerai à vous rappeler ceux qui se rattachent plus particulièrement à la véritable question que soulève ce débat, celle de savoir si, en repoussant la demande du sergent Bockslael, l'honorable chef du département de la guerre n'a pas méconnu la portée et la valeur de la loi d'amnistie que nous avons unanimement votée en mai 1866.

Sergent au 6ème de ligne, où il servait comme volontaire, lors des enrôlements qui se pratiquèrent pour la formation d'un corps mexicain, le jeune Bockstael se rendit à Audenarde, où il s'enrôla dans ce corps.

Il était mineur.

Son père, apprenant son enrôlement et son prochain départ, s'y opposa et Bockstael dut rentrer à son régiment.

Nombre de ses camarades avaient suivi le colonel Vandersmissen ; on lui reprocha de ne les avoir pas accompagnés, on attribua son retour à un manque de courage, et les avanies dont il fut l'objet furent telles, que son séjour au régiment devint insupportable et que, cédant aux sollicitations d'un recruteur français, qui lui promettait de lui faire rejoindre ses camarades, il quitta son régiment et s'incorpora dans la légion étrangère.

La promesse qu'on lui avait faite n'était qu'un leurre : il fut dirigé vers le Mexique, mais il dut y servir sous le drapeau français, où il se distingua.

La campagne finie, il fut conduit en Algérie et obtint son congé.

Il rentra alors en Belgique, fit valoir ses droits à l'amnistie, fut incorporé comme milicien et réintégré dans son grade de sergent.

Il demande alors des congés, afin de se préparer à subir les examens d'admission à l'école militaire, les obtint, se livra à l'étude, subit une première épreuve favorable devant les officiers de son régiment, et s'attendait à se voir fixer jour pour son examen définitif, quand, le 6 courant, il fut informé que le ministre de la guerre refusait de l'admettre à l'examen, à cause de sa position particulière ; cette décision se rapporte évidemment au départ du sergent et à son enrôlement dans la légion étrangère.

Or, cette décision viole ouvertement la loi d'amnistie.

Nul doute que Bockslael avait droit à l'amnistie, sinon, dès son retour en Belgique, il eût été arrêté, et soumis a un conseil de guerre. Au lieu de cela, on l'incorpore et on lui rend son grade de sergent. On a donc reconnu ce droit. Aujourd'hui on veut erronément et illégalement en restreindre la portée. On veut, à certains égards, considérer Bockstael comme déserteur... Cela n'est pas possible. L'amnistie efface le crime ou le délit. Elle ôte au fait amnistié toute portée juridique et pénale. Dans l'espèce, elle a empêché ce fait d'être une désertion.

Dès lors, l'honorable chef du département de la guerre se méprend complètement sur la portée juridique du fait attribué au sergent, et en empêchant celui-ci d'entrer à l'école, en lui refusant de subir les examens nécessaires pour cela, il porte obstacle à l'exécution d'une loi.

Je crois, messieurs, que la décision de M. le ministre de la guerre est une exagération de délicatesse dans l'appréciation des conditions qu'il faut remplir pour l'admission à l'école militaire. En effet, si le sergent Bockstael avait posé un fait contre lequel il serait encore possible de sévir, un fait à raison duquel un blâme quelconque pourrait encore lui être infligé, je comprendrais que M. le ministre de la guerre fit opposition à son admission à l'école militaire. Mais il n'en est pas ainsi. Le sergent Bockstael s'est parfaitement conduit au Mexique, et depuis son retour au régiment, aucun reproche ne peut lui être adressé. La raison de son exclusion de l'école militaire est donc cette seule circonstance, qu'il a quitté son régiment pour aller servir au Mexique. Il a été complètement amnistié de ce chef. Ce fait est donc comme s'il n'existait pas. Par conséquent, M. le ministre de la guerre nvoque un motif que nous ne pouvons accepter pour refuser au sergent Bockslael son admission aux examens pour l'entrée à l'école militaire.

Le rapport que vous venez d'entendre indique, dans sa partie finale, que la Chambre estime que le sergent Bockstacl est resté digne de subir les examens d'admission à l'école et d'entrer comme élève dans cette institution militaire, et par suite, il propose le renvoi de la pétition à l'examen bienveillant de l'honorable ministre de la guerre. Il me semble que cette conclusion ne cadre pas parfaitement avec la façon d'apprécier que je crois avoir fait partager à la Chambre par les quelques mots que je viens de prononcer, et je vous demanderai d'adopter plutôt un ordre du jour conçu en ces termes :

« La Chambre, appréciant que le sergent Bockstael n'a commis aucun acte qui doive le faire exclure de l'école militaire, le recommande à la bienveillance de M. le ministre de la guerre. »

M. Dumortier. - Messieurs, je suis très disposé à accepter l'opinion qui a été émise et par l'honorable rapporteur de la commission et par l'honorable député de Mons qui vient de se rasseoir, mais il est un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec eux, c'est la forme que l'un et l'autre proposent pour le vote de la Chambre.

Si j'ai bien saisi la proposition de la commission, c'est à peu près une injonction au ministre de la guerre de recevoir aux examens le jeune homme dont il s'agit ; d'un autre côté, l'honorable M. Carlier, dans une forme plus polie, arrive à une recommandation. Il me paraît difficile de s'écarter ainsi des précédents de la Chambre et d'entrer dans une semblable voie, alors surtout que le ministre de la guerre n'a pas été entendu.

Dans ses usages, la Chambre a quatre manières de procéder en matière de pétition : l'ordre du jour, le dépôt au bureau des renseignements, le renvoi pur et simple au ministre et le renvoi au ministre avec demande d'explications.

Ici c'est un procédé entièrement nouveau que l'on propose. Nous prendrions sur nous un ordre donné au ministre de la guerre de recevoir aux examens le jeune homme dont il s'agit et cela sans avoir entendu le ministre. Encore une fois toutes mes sympathies sont pour ce jeune homme ; je serais heureux de voir l'affaire se résoudre comme le désirent les honorables membres ; mais il m'est impossible d'accepter ce précédent. Je ne pense pas qu'il soit possible à une assemblée délibérante, lorsqu'il y a un conflit entre le gouvernement et un individu, de prendre une résolution quelconque sans avoir préalablement entendu le ministre ; je crois que c'est la première chose à faire.

L'honorable général Renard n'étant point présent, l'un de MM. les ministres pourra peut-être répondre à sa place.

MiPµ. - Une indisposition empêche M. le général Renard d'assister à la séance ; je vais, en son absence, avoir l'honneur de faire connaître à la Chambre les motifs qui l'ont déterminé à prendre la mesure soumise en ce moment à notre examen.

Mon honorable collègue ne s'est pas dissimulé en prenant cette mesure qu'elle avait une apparence rigoureuse, il n'a pas ignoré qu'elle serait déférée à vos délibérations, mais il a pensé qu'il y avait dans cette affaire une considération d'un ordre supérieur et que le devoir lui imposait de se montrer sévère ; il a pensé qu'une autre décision que celle qu'il a prise aurait porté atteinte à ce grand principe qui est la force de cohésion de toutes les armées, celui de la fidélité au drapeau.

Voici, messieurs, le fait.

Le sergent Bockstael se trouvait à Anvers : il se rendit à Audenarde pour s'enrôler dans la légion destinée au Mexique ; il était enrôlé, lorsque son père, usant du droit qu'un père a sur son filsemineur, empêcha son départ et le fit rentrer dans la garnison où il se trouvait.

Quelque temps après, le jeune Bockstael abandonna son corps et se rendit en France, pour s'engager non pas dans le corps des volontaires belges, mais dans la Légion étrangère française qui devait se rendre au Mexique. Il y prit du service, alla au Mexique et de là fut renvoyé en Afrique où il servit quelque temps.

Il revint en Belgique, et après être rentré au régiment, il poursuivit son admission à l'école militaire. Il obtint d'abord des congés pour se préparer, mais, lorsqu'on examina s'il pouvait être admis à l'école, on trouva la chose impossible en raison du fait de désertion que je viens d'indiquer.

Vous remarquerez, messieurs, que le sergent Bockstael n'a pas été écarté de l'école militaire pour s'être engagé, comme le rapport l'indique, dans la légion belge-mexicaine, mais bien pour avoir été prendre service dans la légion étrangère française, Il y a été malgré son père, malgré les autorités militaires. Il se trouvait donc évidemment dans le cas de désertion,

La question qui se présente est celle de savoir s'il pouvait ou devait être admis aux examens de l'école militaire.

Cette question est mal posée dans le rapport de la commission et dans le discours de l'honorable M. Cartier.

On y suppose qu'il y a un droit absolu pour tous les citoyens de se (page 314) préstenter à l'école militaire et d'y entrer après avoir subi les examens d'admission. C'est une erreur.

L'entrée à l'école militaire, messieurs, assure à ceux qui y remplissent les conditions réglementaires un grade dans l'année. On en sort sous-lieutenant.

II n'en est pas de l'école militaire comme des autres établissements d'instruction. Après être sorti de ces établissements, il faut chercher, souvent infructueusement, à tirer parti de son savoir tandis qu'après l'école militaire, on a une carrière toute faite.

Si donc chacun avait le droit d'entrer à l'école militaire en remplissant certaines conditions, il en résulterait que le choix du Roi n'existerait plus et que, contrairement à la Constitution, il n'aurait pas le droit de conférer les grades dans l'armée.

Ce système, messieurs, a toujours été repoussé. Ainsi, lorsqu'on a discuté, en 1836, le mode de conférer les grades dans l'armée, l'honorable M. Gendebien émettait la proposition suivante :

« Dans les corps d'infanterie ou de cavalerie, la moitié des emplois de sous-lieutenants vacants est dévolue aux sous-officiers et au concours ; l'autre moitié, au choix du Roi. »

C'était le principe du droit à l'épaulette.

Voici comment cette proposition fut combattue :

M. Desmaisières s'oppose à cet amendement : « Le concours ne peut être admis, parce qu'il est exclusif de sa nature ; il peut arriver qu'un sous-officier qui se conduit mal, et qui, par conséquent, ne mérite pas d'avancement, soit cependant tellement instruit qu'il obtienne l'avancement au concours. »

Il propose d'y substituer : « Nul ne pourra être nommé sous-lieutenant s'il ne satisfait, à un examen dont les conditions seront établies par un règlement d'administration générale. »

L'on aurait ainsi là garantie.

« M. le ministre de l'inférieur. - Je persiste à dire qu'une disposition qui conférerait de plein droit le grade d'officier au concours serait inconstitutionnelle.

« M. de Mérode. - Autre chose est de borner le choix du Roi, autre chose est de le forcer. »

M. de Brouckere (je ne sais lequel des deux frères. C’est un inconvénient d'avoir deux frères citoyens éminents) disait :

« Le Roi confère les grades dans l'armée ; personne que le Roi ne peut faire une nomination d'officier. Il n'en résulte pas que le choix du Roi ne puisse être limité. »

Le résultat de cette discussion fut que M. Gendebien retira son amendement. Il résulte de cette discussion qu'on ne peut décider que l'entrée à l'école militaire soit un droit et qu'il suffit de satisfaire aux conditions du concours pour y entrer. Si on l'admettait, contrairement à l'interprétation adoptée en 1838, on irait à l’encontre de la Constitution. Ni la loi sur l'école militaire, ni les précédents que je vais vous faire connaître n'ont admis cette doctrine.

L'article 20 de la loi de 1838 charge le gouvernement du soin de fixer le programme d'admission. Et remarquez bien, messieurs, que par programme d'admission on n'entend pas la série des matières sur lesquelles on doit être examiné, mais les conditions d'admission, ainsi que le démontre très clairement l'article 12.

En effet l'article 12 porte :

« Ne pourront se présenter à l'examen que les Belges âgés de 16 à 20 ans qui se seront fait inscrire en déposant toutes les pièces exigées par le programme. »

Le programme est donc bien l'ensemble des conditions à remplir, et c'est le gouvernement qui les détermine.

Un arrêté royal pris peu de temps après la promulgation de la loi porte ce qui suit :

« Les candidats doivent déposer, en se présentant à l'examen... un certificat de l'administration communale constatant leur bonne conduite. »

Vous voyez donc, messieurs, qu'il faut qu'on réunisse les conditions de moralité convenables.

Evidemment s'il faut que le candidat justifie de conditions de bonne conduite, c'est au gouvernement à apprécier jusqu'à quel point il réunit ces conditions.

Si cela est vrai pour les personnes qui ne font pas partie de l'armée, à plus forte raison doit-il l'être pour celles qui en font partie. Aussi jamais on n'a manqué d'exiger des militaires qui se présentent à l'école militaire des conditions de conduite convenables. Je n'ai pas besoin d'insister pour démontrer combien il serait impossible d'admettre à l'école militaire des soldats qui se seraient fait remarquer par leur inconduite, et combien il serait dangereux de conférer un grade d'officier à celui qui serait indigne de porter l'épaulette.

En 1843, une circulaire donnait les instructions suivantes : « Je prie MM. les chefs de corps de faire parvenir avant le 25 août, au département de la guerre, l'état nominatif de ceux des militaires qui désirent prendre part au concours. Ils voudront bien joindre à ces états les extraits, de la matricule et du livre de punitions, et les actes de naissance en due forme des candidats. »

En 1850, on écrivait :

« Il est bien entendu que les uns et les antres devront avoir mérité, par leur conduite et leur manière de servir, la faveur d'être admis aux examens.»

Et en 1855, on disait :

« La conduite de ceux qui se présentent aux examens ne doit rien laisser à désirer. »

Ainsi il est incontestable qu'il appartient au gouvernement d'apprécier non seulement par l'examen, la capacité du candidat, mais encore les conditions de moralité.

Je crois que personne, après réflexion, ne songera à contester au gouvernement ce droit d'examen ; mais je reconnais qu'il ne suffit pas que le gouvernement ait le droit d'examiner, il faut aussi qu'il prenne des décisions convenables, et la Chambre peut apprécier si les décisions qu'il prend en cette matière répondent à la confiance qu'il doit inspirer.

Il ne s'agit donc ici, messieurs, que d'une question d'exercice d'un droit. Nous n'avons qu'une chose à examiner, à savoir si le ministre de. la guerre a mal usé de son droit en refusant l'admission a l'école militaire du sergent Bockstael.

Toute la question est là.

Je dois d'abord écarter du débat un fait qui peut être regrettable, mais dont il ne faut pas exagérer la portée et qui ne peut pas influer sur la résolution à prendre dans la question principale.

Il est très exact que des congés ont été accordés successivement au sergent Bockstael, pour lui permettre d'étudier les matières de l'examen d'admission à l'école militaire. Mais comment cela s'est-il fait ? Le sergent Bockstael a demandé ces congés en faisant valoir la circonstance qu'if avait été au Mexique, mais sans dire dans quelles conditions il avait été au Mexique.

Il a été appuyé dans cette demande par plusieurs membres de cette Chambré. M. le ministre de la guerre, voyant cette demande, trouvant que les motifs invoqués étaient fondés, a accordé ces congés ; mais il n'était pas dit dans cette pétition que le sergent Bockstael avait déserté, de sorte qu'en accordant ces congés de faveur on ne statuait pas sur un fait qui n'était pas alors connu et qu'on ne pouvait pas même soupçonner.

Au surplus, le mal n'a pas été bien grand : au lieu de rester au régiment, le sergent Bockstael est resté en congé ; il a étudié, et quelle que soit la carrière qu'il prenne, l'instruction qu'il a acquise ne pourra pas lui nuire ; il n'aura qu'à se féliciter de l'erreur qui lui a fait obtenir des congés dont il a profité.

J'ai dit en commençant que la décision de mon collègue se fonde sur un principe d'ordre supérieur ; c'est au moment de statuer sur l'admission que M. le ministre de la guerre a dû apprécier ce qu'il y avait à faire. Personne ne soutiendra que parce que les congés ont été accordés alors que la position du sergent Bockstael n'était pas connue, on devait prendre ultérieurement, lorsque les faits se montraient, une. décision contraire aux intérêts de l'armée.

Voilà, messieurs, la question plus dégagée encore : il s'agit de savoir maintenant si le fait de désertion devait être un obstacle à l'admission du sergent Bockstael aux examens.

Ici se présente la question qu'on a appelée une question d'école, dont ii faut bien dire un mot ; je veux parler de la question de l'amnistie.

Il est exact que, postérieurement à la désertion du sergent Bockstael, la loi d'amnistie est intervenue et qu'il y a été compris. Ce n'est pas moi qui contesterai à l'amnistie les effets les plus étendus : non seulement elle fait cesser la peine comme la grâce, mais elle éteint complètement l'infraction.

J'irai plus loin même que les honorables membres qui ont parlé avant moi et je dirai que l'amnistie a une telle force, qu'elle a pour effet de faire que les lois qui punissaient les faits sont censées n'avoir jamais existé quant à ces faits. Ainsi, toutes les conséquences juridiques qui peuvent découler de la loi pénale sont complètement effacées, et, par une fiction de droit, les lois antérieures sont censées ne pas avoir existé, et les faits qui devaient être punis par ces lois sont censés n'avoir jamais été punissables.

Mais, messieurs, si la loi d'amnistie peut ainsi avoir pour effet (page 315) d'anéantir les conséquences pénales, je dirai plus, toutes les conséquences juridiques du fait, elle ne peut pas faire que le fait même n'ait pas existé ; il n'appartient pas a la loi, il n'appartient à personne, je dirai même qu'il n'appartient pas à Dieu de faire qu'un fait passé ne soit pas accompli.

Sans doute, il ne produira pas les conséquences qui en seraient résultées sans la loi d'amnistie ; mais le fait n'en reste pas moins subsister et quand on se trouvera dans une situation où il ne s'agira pas d'une conséquence de droit, mais d'une appréciation de l'homme, il sera toujours, quoi qu'on fasse, impossible de faire abstraction de faits qui ont existé, qui ont été consommés.

Or, dans notre cas, s'agit-il des effets juridiques de la désertion ? Invoque-t-on la désertion comme entraînant une prohibition du droit d'entrée à l'école militaire ? Pas le moins du monde. Les infractions ne sont pas toujours un obstacle à l'admission à l’école. Par exemple, interdira-t-oh l'entrée de l'école militaire a un jeune homme qui aura été condamné pour s'être battu en duel ?

Une rixe peut avoir donné lieu a une condamnation correctionnelle. ; et peut-être ne trouvera-t-on pas toujours des motifs suffisants pour exclure de l'armée celui qui aura subi une condamnation correctionnelle.

Par contre, il peut y avoir des faits qui, bien que n'étant pas punissables, soient un obstacle à l'admission à l'école militaire. Ainsi, certains faits d'immoralité sont un obstacle insurmontable à cette admission. Vous voyez que le caractère délictueux du fait n'est pas la circonstance qui ferme la porte de l'école ; l'élève peut ne pas être écarté pour une infraction et l'être pour un fait non prévu par les lois. Que doit faire M. le ministre de la guerre ? Il doit apprécier quelle est la nature, la gravité de ces faits, leur influence sur la grande institution nationale qu'il dirige.

Messieurs, jusqu'où iriez-vous si nous admettions que les effets de l'amnistie, effacent absolument tout, quels que soient les faits qui se rattachent à la désertion ?

Je suppose que la désertion se soit produite dans des circonstances de la nature la plus honteuse ; direz-vous que la loi d'amnistie efface tout cela, et que celui qui se serait rendu coupable de faits indignes peut être admis à l'école militaire ?

Personne ne soutiendra cela ; personne ne voudra qu'on admette un soldat, dans de telles conditions, à devenir officier. Ce serait déshonorer l'armée que d'admettre un déserteur dans des conditions semblables, à une école qui doit aussi être une école d'honneur.

Ainsi, malgré l'amnistie, malgré la plénitude de ses effets dans le domaine du droit, il faut reconnaître qu'elle laisse subsister l'appréciation des faits, quand il s'agit de juger la conduite, c'est-à-dire la vie d'un homme au point de vue de son admissibilité au commandement dans l'armée.

Voilà la question réduite à des termes plus simples encore. La loi de l'amnistie peut être laissée de côté, il ne s'agit que de savoir si l'on peut accuser M. le ministre de la guerre d'avoir fait autre chose que de consulter son devoir en empêchant le sergent Bockstael d'entrer à l'école parce qu'il avait déserté.

J'ai hâte de dire que je n'assimile pas sa désertion à celle que j'indiquais tantôt pour faire saisir ma pensée ; elle s'est produite dans des conditions très atténuantes ; mais enfin, il y a eu désertion ; le ministre de la guerre devait-il admettre un déserteur à l'école ?

Nous pouvons avoir beaucoup de sympathie pour la position de l'homme, mais il ne faut pas oublier que lorsqu'il s'agit d'un grand corps comme l'armée, il y a des traditions qu'il importe de maintenir et dont il ne faut pas diminuer le prestige. Or, parmi ces traditions, il n'en est pas de plus importante que le principe qui attache le soldat au drapeau et qui fait toujours considérer comme une tache la désertion, dans quelques conditions que le fait se présente.

Sans doute, celui qui a commis ce fait pourra, après sa rentrée dans le pays, se réhabiliter par une conduite irréprochable ; tous nous pourrons lui accorder notre estime ; toutes les carrières civiles lui seront accessibles ; mais le militaire aura d'autres idées ; la désertion lui paraîtra une tache qui ne peut être assez effacée pour qu'elle fasse place à l'épaulette.

Le sergent Bockstael, malgré le témoignage qu'il peut se rendre à lui-même des motifs de son départ, malgré la conscience qu'il a d'avoir tenu depuis une conduite à l'abri de reproche, à l'étranger et dans son pays, comprend qu'au point de vue militaire il y a quelque chose qui subsiste.

II écrit à son colonel une lettre dont je veux lire un extrait à la Chambre ; je le lis non pour chercher à aggraver sa faute, ce qui est loin de ma pensée ; mais parce qu'en n'exprimant que des sentiments honorables qui doivent le relever, elle montre qu'il reste quelque chose au point de vue militaire.

Après avoir indiqué le fait de son enrôlement dans la légion étrangère, il ajoute :

« C'est cette tache, mon colonel, que je voudrais racheter au prix de mon sang.

« Les Chambres avaient voté une loi d'amnistie effaçant complètement le délit de désertion pour ceux qui avaient combattu pour le Mexique.

« Et j'ai obtenu de MM. les ministres de la guerre, général Goethals et général Renard, les congés que j'ai sollicités pour me mettre à même de continuer mes études pour entrer à l'école militaire. Mon engagement comme volontaire ayant été annulé, j'avais été incorporé au dépôt du 6ème' régiment comme sergent milicien de la levée de 1866.

« Pendant mes congés, je me suis livré avec ardeur à l'étude pour pouvoir effacer le souvenir de ma conduite, en me rendant digne de porter un jour l'épaulette.

« J'espère, mon colonel, que vous voudrez bien m'y aider, que vous considérerez que les égarements de jeunesse sont couverts par l'amnistie et effacés par ma bonne conduite au Mexique, en Afrique et depuis mon retour. »

Messieurs, je ne demande pas mieux que de. donner cette absolution au sergent Bockstael ; je comprends tout ce qu'il y a de louable à faire de longs efforts pour effacer une faute ; tout ce qu'il y a de pénible à se voir repousser après avoir lutté pour la réhabilitation et l'avoir espérée sans restriction. Cette réhabilitation, comme citoyen nous pouvons la lui donner. Mais peut-on aller plus loin et dire qu'elle sera acquise dans l'armée même, dont le principe essentiel est la fidélité au drapeau ? Faut-il la lui accorder en détruisant cette idée salutaire répandue dans l'armée que jamais un déserteur ne peut porter l'épaulette en Belgique. C'est ce que mon collègue, qui a tant à cœur l'intérêt et la dignité de l'armée, n'a pas pensé.

Dans n'importe quelle position civile, le sergent Bockstael pourra toujours être considéré ; on m'assure que lui, officier, se verrait probablement repoussé par ses compagnons, obéissant à des traditions que nous trouvons excessives, mais qui sont morales et utiles.

Peut-être est-ce le plus grand service qu'on ait pu lui rendre en ne l'exposant pas à trouver dans l'objet de ses efforts les plus pénibles déceptions.

Je disais que c'est une tradition, que jamais, dans l'armée belge, un déserteur n'a porté l'épaulette. On a dit qu'il en est un peut-être qui a fait exception, il était arrivé par ses capacités et par sa conduite irréprochable aux plus hauts grades ; mais un jour le soupçon d'une désertion ignorée l'a atteint. Ce soupçon, fondé ou non, je ne le sais pas, suffît pour produire une émotion profonde. Vous savez quelles en furent les tristes conséquences.

M. de Brouckere. - Je ne puis pas considérer les explications que M. le ministre de l'intérieur vient de nous donner pour justifier les mesures prises par M. le ministre de la guerre contre le sergent Bockstael, comme ayant atteint le but qu'il se proposait en prenant la parole.

M. le ministre de l'intérieur a reconnu que la mesure dont nous nous occupons était fort sévère. Si elle n'était que sévère et si en même temps elle était légale, force nous serait de l'accepter.

La question n'est donc pas de savoir si elle est plus ou si elle est moins sévère, mais uniquement si cette mesure est légale et si M. le ministre de la guerre avait le droit de la prendre, et sur ce point, je dois dire que je ne puis pas partager l'opinion de M. le ministre de l'intérieur.

Quel est, messieurs, le droit commun en matière d'admission à l'examen pour l'école militaire ? Le droit commun, c'est que tout jeune Belge se trouvant dans les conditions indiquées par la loi et par les programmes publiés en exécution de la loi, a le droit de se présenter aux examens. Cela n'est pas contestable. Or, le jeune Bockstael remplissait les conditions voulues par la loi et par les programmes. Il est vrai que M. le ministre de l'intérieur, dans les conditions requises, a indiqué un certificat de bonne conduite ; je ne pense pas que le certificat ait été refusé au sergent Bockstael.

MiPµ. - On exige pour les jeunes gens qui n'appartiennent pas à l'armée un certificat de bonne conduite. Pour les jeunes gens qui font partie de l'armée, on exige un extrait de la matricule avec indication des punitions.

M. de Brouckere. - Parfaitement. Il a produit sa matricule : mais vous n'avez trouvé ni dans la loi, ni dans les programmes, que les jeunes gens ayant une matricule comme celle qu'a fournie le sergent Bockstael ne peuvent être admis aux examens.

MiPµ. - On peut apprécier.

M. de Brouckere. - Nous allons y arriver. Je répète que le droit commun est que tout jeune Belge remplissant les conditions indiquées par (page 316) la loi et par les programmes a le droit de se présenter aux examens, et j'ajoute que le jeune Boekstael remplit ces conditions.

L'honorable ministre de l'intérieur a donc dit que pour les jeunes gens n'appartenant pas à l'armée, il fallait un certificat de bonne conduite.

Qu'est-ce qu'exigent la loi et les programmes pour les jeunes gens qui sont dans l'armée ? Exigent-ils autre chose qu'un certificat de bonne conduite ? Non. Ils doivent fournir un extrait de la matricule en ce qui les concerne ; l'extrait a été fourni, et il ne donne aucune indication qui mette le sergent Bockstael en dehors de la loi commune.

M. le ministre de la guerre, à la vérité, a trouvé que la position du sergent Boekstael était entachée d'une faute qui n'avait pas été complètement remise ; mais là est son erreur. La faute, personne ne la nie ; la faute a existé. Mais elle n'existe plus ; elle a disparu. M. le ministre de l'intérieur a reconnu lui-même que l'amnistie supprimait non la peine, mais la faute elle-même. Dès lors la faute n'existe plus. Que reste-t-il donc à la charge du sergent Boekstael ? Rien.

On parle de l'honneur de l'armée. A coup sûr si cet honneur pouvait être compromis par l'admission du sergent Boekstael aux examens d'entrée à l'école militaire, je ne viendrais pas soutenir sa cause. Mais, remarquez-le bien, il ne s'agit pas de l'honneur de l'armée. Car le sieur Boekslael a été nommé sergent dans son régiment depuis la faute qu'il a commise. On ne l'a donc pas considéré comme flétri ; car je ne pense pas que dans l'armée on aime plus à avoir un sergent flétri qu'un sous-lieutenant flétri.

La nomination du sieur Boekstael au grade de sergent est la reconnaissance la plus explicite, de la part de ses chefs, que sa faute n'était pas seulement pardonnée, mais qu'elle n'existait plus.

Messieurs, l'amnistie a nécessairement été une mesure de bienveillance prise par la Chambre en faveur des jeunes gens auxquels elle devait être appliquée. Vous feriez donc, pour le sergent Bockstael seul, une exception des plus pénibles.

Car, remarquez-le bien, si nous admettions le système de sévérité qui vient d'être défendu, il en résulterait que la condition du sergent Boekstael serait, depuis l'amnistie, pire qu'elle n'était avant. Aujourd'hui, après la discussion à laquelle nous nous livrons, tout le monde connaîtra les faits qui concernent le sergent Boekstael, et si l'on persiste à l'exclure des examens de l'école à cause de son passé, il en résultera pour lui une flétrissure qui peut ternir tout son avenir.

Je crois qu'on n'a pas assez pesé quelles étaient les circonstances de l'acte sévère que l'on posait contre le sergent Boekstael. J'appuie donc le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre, et il m'importe peu, je dois le dire, dans quelle forme ce renvoi sera fait.

Je dois reconnaître que dans les observations de l'honorable M. Dumortier il y a quelque chose de fondé. Nous n'avons pas d'injonction à adresser au ministre ; nous n'avons pas même d'invitation à lui adresser de prendre une mesure. Mais par le renvoi qui aura lieu, si la majorité renvoie la pétition à M. le ministre de la guerre, il sera bien évident que la Chambre la juge fondée. (Interruption.) Cela est bien évident. Que ceux qui ne la jugent pas fondée votent contre le renvoi. Mais il est bien évident, je le répète, que si, après la discussion qui vient d'avoir lieu, la Chambre renvoie la pétition à M. le ministre, cela signifie que la majorité trouve que la mesure qu'il a prise est entachée d'une sévérité excessive.

Si nous admettions, messieurs, les considérations présentées par M. le ministre de l'intérieur, qu'en résulterait-il ? Mais c'est que personne ne pourrait plus se présenter aux examens d'admission à l'école militaire, que sauf le bon plaisir du ministre de la guerre.

La résolution prise à l'égard du jeune Boekstael n'est pas motivée ; elle porte seulement qu'il ne peut pas être admis. Aujourd'hui on donne des motifs, mais on peut trouver des considérations de diverses nature, à l'aide desquelles on exclurait d'autres jeunes gens remplissant, comme le jeune Boekstael, toutes les conditions requises.

Je crois, messieurs, qu'admettre de semblables doctrines, ce serait abandonner l'admission des jeunes gens à l'école militaire à l'arbitraire du département de la guerre.

M. Rogierµ. - Messieurs, je proposerai le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications.

La question que soulève la pétition est double : il y a une question de fait, une question de personne, et, pour moi, jusqu'à plus ample information, la position du pétitionnaire me semble digne d'intérêt ; il y a ensuite la question de principe, celle de savoir jusqu'à quel point le ministre de la guerre est libre de recevoir ou de ne pas recevoir à l'école militaire les jeunes gens qui remplissent les conditions du programme. Il me paraît que, quelle que soit la valeur des explications de l'honorable ministre de l'intérieur, le chef du département de la guerre doit désirer d'être aussi entendu lui-même.

M. Carlierµ. - Je reconnais avec l'honorable M. Dumortier que l'ordre du jour dont j'ai donné lecture placerait la Chambre dans une position qui, constitutionnellement ne lui appartient peut-être pas ; elle s'ingérerait par là dans des actes qui sont du domaine du pouvoir exécutif. Aussi mon intention était seulement d'appeler sur cette question l'attention particulière de la Chambre, parce que le sergent Bockstael se trouve en ce moment dans une position toute spéciale, aggravée encore par l'indisposition de l'honorable ministre de la guerre.

Que demande, en effet, le sergent Boekstael ? Il demande à subir l'examen d'admission à l'école militaire et cette demande, veuillez-le remarquer, est pendante depuis le mois d'octobre dernier ; or, il a reçu la notification de l'honorable ministre de la guerre sous la date du 6 janvier courant.

II a cru être fondé alors à recourir à la Chambre, à l'effet d'obtenir le redressement d'un grief dont il est victime. Naturellement, il n'a pu faire sa pétition que postérieurement au jour où il a reçu la notification du ministère de la guerre. Cette pétition a été analysée à la rentrée des vacances et le rapport n'a pu être présenté qu'aujourd'hui.

Or, depuis le mois d'octobre les examens de l'école militaire, ont été ouverts, et, si je ne me trompe, ils doivent être terminés demain. Ordinairement, l'arrêté royal d'admission des élèves qui ont subi avantageusement l'examen d'admission paraît peu de jours après la fin des concours ; le sergent Bockstael se trouve donc obligé, et ceux qui épousent sa cause se trouvent forcés, de demander une décision immédiate, sans laquelle nos efforts doivent rester complètement stériles, parce qu'on n'aurait plus le moyen de réparer l'injustice dont le pétitionnaire se plaint, alors même que cette injustice serait reconnue.

Je me suis donc trouvé, je le répète, dans la nécessité de présenter un ordre du jour qui indiquât immédiatement à M. le ministre de la guerre quel était le sentiment de la Chambre à l'égard du sergent Boekstael.

Mon honorable collègue et ami M. de Brouckere interprète la décision que prendra la Chambre, en renvoyant la pétition à M. le ministre de la guerre, comme une indication suffisante des sentiments sympathiques de la Chambre pour le sergent Boekstael. Dans ces termes, je me rallie complètement à la proposition de l'honorable membre, c'est-à-dire au renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications.

L'honorable M. Rogier a appuyé cette proposition, en disant que quel que fût le talent de l'honorable ministre de l'intérieur, il croyait qu'en fait et en droit il était bon que la Chambre obtint des explications de l'honorable ministre de la guerre lui-même. Il semble donc y avoir accord sur ce point.

Permettez-moi, messieurs, de rencontrer maintenant quelques-unes des objections qui ont été faites par l'honorable ministre de l'intérieur.

Il nous a dit que le grand principe que l'honorable ministre de la guerre avait particulièrement voulu sauvegarder, en appliquant, avec regret, une mesure rigoureuse au sergent Bockstael, c'était le principe, essentiel dans une armée, de la fidélité au drapeau.

Messieurs, je me demande si l'on peut taxer de manque de fidélité au drapeau le fait reproché au sergent Bockstael et si la présence de ce militaire au Mexique sous le drapeau de la France est plus condamnable et plus blâmable que la présence de nos Belges sous le drapeau mexicain ?

MiPµ. - Ils y ont été autorisés.

M. Carlierµ. - Nous savons, messieurs, l'effet puissant qu'exerça sur la plupart de nos jeunes soldats, de nos sous-officiers et de nos officiers même la perspective d'une campagne au Mexique.

Notre armée, heureusement pour notre pays, n'a pas l'occasion de combattre, mais nos soldats ont le courage que l'on a toujours reconnu aux Belges et un grand enthousiasme se produisit dans leurs rangs lorsqu'on leur offrit de faire partie de la légion belge qui allait se rendre au Mexique.

En ce moment, Bockstael alla se faire enrôler à Audenarde. Il était alors sans congé, et si son père avait consenti à ratifier son enrôlement, il était engagé incontestablement sous le drapeau mexicain et il aurait, par ce fait, manqué de fidélité au drapeau belge.

MiPµ. - Il n'était pas sans congé.

M. Carlierµ. - Votre dénégation me force à aller plus loin et je dirai que dans le moment où nos soldats, nos sous-officiers et nos officiers s'enrôlaient à Audenarde et signaient leur engagement, ils n'avaient pas de congé. Ils s'enrôlaient donc sous un drapeau étranger et manquaient aussi de fidélité au drapeau belge.

Je sais que des congés leur ont été immédiatement accordés, de façon à régulariser leur position ; mais au moment même de l'enrôlement leur situation était la même que celle que vous reprochez au pétitionnaire.

Je vous le demande, alors que vous avez accordé de l'avancement à ceux (page 317) de nos soldais, sous-officiers et officiers qui ont été assez heureux pour déployer leur bravoure au Mexique et pour revenir de cette terre meurtrière, pouvez-vous punir Bockstael ? Vous avez rendu hommage à leur courage, vous leur avez accordé des promotions, eh bien, comment se peut-il que vous fassiez sans injustice au sergent Bockstael, une situation différente de celle que vous faites à ses compagnons de la légion mexicaine ?

Ce n'est pas seulement cet acte, direz-vous, que le sergent Bockstael a posé. C'est vrai. Mais puisque l'acte d'enrôlement sans congé dans la légion mexicaine n'a pas empêché la promotion de nombre de militaires qui ont fait partie de cette légion, comment peut-on soutenir que le sergent Bockstael, pour s'être enrôlé également sans congé, doit être déclaré indigne de se présenter aux examens d'admission à l'école militaire ?

Servir sous le drapeau français ou sous le drapeau mexicain me paraît également honorable, et en portant cette appréciation, je ne veux ni ne crois porter aucune atteinte à la considération qui doit entourer notre armée. . Le sergent Bockstael serait indigne de porter l'épaulette ! Mais, messieurs, savez-vous pourquoi il s'est enrôlé dans la légion française ? Parce qu'il a été repoussé par ses compagnons, parce que, rentré à son régiment après avoir voulu s'enrôler dans la légion mexicaine, il y est l'objet de risées, de sarcasmes et d'accusations de lâcheté.

C'est dans cette circonstance qu'il rencontre un enrôleur français, qui l'engage pour la légion française en lui promettant que dès son arrivée au Mexique, on le ferait admettre dans la légion mexicaine-belge.

Voilà la situation.

Si vous tenez compte de la bravoure de nos soldats, de l'enthousiasme auquel ils ont cédé, vous reconnaîtrez que cet enthousiasme, le sergent Bockstael l'a partagé, que, comme ses compagnons, il a été entraîné par sa bravoure. Et dès lors, il doit vous être tout aussi facile de l'innocenter que d'innocenter ses compagnons.

Je ne crois pas que le sergent Bockstael rencontrerait un mauvais accueil parmi nos sous-lieutenants. Dans tous les rangs de l'armée, le courage est une vertu. On y considère ceux qui ont subi le baptême du feu. Ceux-là, dit-on, sont des braves. Eh bien, du sergent Bockstael on dirait qu'il a eu l'absolution du feu, et sa bravoure prouvée sur le champ de bataille l'innocenterait aux yeux de ses compagnons d'armes.

On nous dit qu'il est impossible de faire décider par la Chambre que le sergent Bockstael sera admis à l'école militaire.

L'admission à l'école militaire, dit-on, comporte nécessairement un grade ; on ne sort de là que pour devenir officier. Or, ajoute-t-on, le Roi confère les grades dans l'armée, et ce serait porter atteinte à cette prérogative constitutionnelle du Roi que de forcer en quelque sorte l'entrée à l'école militaire du sergent Bockstael.

Je crois que de même qu'il y a, de la part de M. le ministre de la guerre, exagération du point d'honneur militaire lorsqu'il a pensé que le sergent Bockstael n'était plus digne de porter l'épaulette, de même il y a exagération chez M. le ministre de l'intérieur du sentiment de la prérogative royale, lorsqu'il nous dit que nous porterions atteinte à cette prérogative en demandant l'admission du sergent Bockstael à l'école militaire.

Le Roi confère les grades dans l'armée, c'est vrai ; mais comment les confère-t-il ? Evidemment en se référant aux règles ordinaires admises pour la collation des grades.

Le Roi ne peut pas arbitrairement refuser de nommer des sergents sous-lieutenants, pas plus qu'il ne peut arbitrairement les nommer généraux d'emblée.

Il y a des règles pour cela. Du moment où le sergent Bockstael a satisfait à ces règles, vous ne pouvez pas l'empêcher d'être nommé sous-lieutenant.

Or, ces règles quelles sont-elles ? Mon honorable ami vous l'a dit.

Il y a nécessité de prouver son indigénat, de fournir la preuve qu'on n'a pas atteint un âge déterminé ; puis, quand on appartient à l'élément civil, il y a nécessité de produire un certificat de bonne conduite ; quand on appartient à l'élément militaire, cette nécessité n'existe pas ; elle n'est pas littéralement indiquée ni dans la loi, ni dans le règlement, et vous ne pouvez pas arbitrairement la faire apparaître.

On s'explique d'ailleurs bien facilement pourquoi on n'exige pas de certificat de bonne conduite du jeune homme appartenant à l'armée et qui désire entrer à l'école militaire ; c'est que, pour figurer dans les rangs de l'armée, il faut nécessairement avoir une conduite irréprochable ; attendu que tout membre de l'armée qui s'y conduit mal en est immédiatement expulsé.

Or, ce qui prouve que le sergent Bockstael figurait dignement dans les rangs de l'armée c'est qu'il obtient son grade postérieurement au fait qui lui est reproché ; et s'il a été digne de cette promotion, je ne comprendrais pas comment il pourrait être considéré comme indigne du grade de sous-lieutenant.

Messieurs, je crois avoir répondu aux objections de M. le ministre de l'intérieur et je déclare, en terminant, que je me rallie à la proposition de l'honorable M. de Brouckere, interprétée comme je viens de le faire.

MiPµ. - On est d'accord, paraît-il, pour renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications.

Cependant je dois dire qu'il nous serait impossible d'accepter ce renvoi s'il impliquait déjà une solution de la question ; car il y aurait quelque chose de tout à fait contradictoire à demander des explications à un ministre en se disant d'avance que l'opinion est toute faite.

Sans anticiper sur les explications qui seront fournies, je dois cependant relever deux erreurs que me paraissent avoir commises les honorables députés de Mous.

L'honorable M. de Brouckere nous disait tout à l'heure : On doit simplement envoyer un certificat de bonne conduite ou la matricule du corps pour être admis aux examens. Je ne saurais partager cette opinion : si l'on doit envoyer certaines pièces au ministre, c'est apparemment pour qu'il en prenne connaissance. S'il en était autrement, je ne sais pas trop à quoi servirait l'envoi de ces pièces. C'est bien par l'envoi de la matricule concernant le sergent Bockstael que M. le ministre de la guerre a appris que ce militaire avait déserté, et il a eu à apprécier ce fait.

M. De Frèµ. - A-t-il été condamné comme déserteur ?

MfFOµ. - Il a été amnistié.

MiPµ. - La matricule constate l'absence du chef de désertion et la rentrée ultérieure au corps.

M. Carlierµ. - Le fait de désertion ne pouvait pas être mentionné.

MiPµ. - Mais le fait existe ; vous ne pouvez pas le détruire. ; seulement l'amnistie en a effacé les conséquences juridiques. L'honorable M. Carlier va vraiment trop loin : d'après lui, le sergent Bockstael n'aurait jamais été absent du régiment.

M. Carlierµ. - Il doit être renseigné comme ayant été simplement absent, sans indication de la cause.

MiPµ. - Mais il est toujours permis de se demander où il est allé pendant cette absence ; et M. le ministre, de la guerre avait certainement le droit de s'en enquérir pour juger de la moralité du jeune homme.

Nous sommes donc d'accord avec l'honorable M. de Brouckere sur la nécessité de la production des pièces ; mais qui pourra le suivre, lorsque, se séparant de moi, il n'admet pas que le ministre de la guerre les examine et statue d'après leur contenu ?

Une autre erreur est celle qu'a commise l'honorable M. Carlier, quand il a dit que Bockstael s'est trouvé exactement dans la même position que les autres soldats et officiers belges qui ont été au Mexique.

Il a été déclaré, même dans cette Chambre, qu'on donnait des congés pour aller au Mexique. Tous ceux qui se sont engagés à Audenarde avaient un congé, sinon déjà signé au moment de l'enrôlement, du moins promis avec certitude de l'obtenir. De leur part donc il n'y a pas eu de désertion, jamais ils n'ont été considérés comme absents du corps sans autorisation.

Il en est autrement du sergent Bockstael qui est allé s'engager sans congé ni accordé ni promis, et prendre du service dans la légion étrangère française. Il n'y a donc rien de commun entre les deux cas.

Je ne veux pas plus longtemps m'étendre sur cette affaire ; les explications qui seront données par M. le ministre de la guerre compléteront la conviction des honorables membres qui s'intéressent à cette affaire.

M. le président. - Je demanderai à la commission si elle maintient ses propositions.

M. Dethuin, rapporteurµ. - Messieurs, après les observations qui ont été présentées hier par l'honorable M. Dumortier, j'ai consulté l'honorable M. Vander Donckt, président de la commission ; et nous avons cru qu'il y avait lieu de modifier les conclusions de la commission, dans le sens indiqué par l'honorable M. Dumortier, c'est-à-dire que l'on supprimerait la phrase de la fin et qu'on renverrait la pétition du sieur Bockstael à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications.

- Les conclusions de la commission, ainsi modifiées, sont adoptées.

(page 319) M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Rochefort, le 13 décembre 1868, le bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort prie la Chambre de prendre les mesures nécessaires pour que les ayants droit aux bourses d'étude de la fondation Jacquet, qui fréquentent les cours à l'école moyenne ou qui les ont suivis, puissent en jouir.

Par pétition datée de Rochefort, le 18 mars 1868, des habitants demandent qu'il soit pris des mesures pour que la commission provinciale puisse gérer la fondation Jacquet et qu'on punisse ceux qui recèlent les revenus de cette fondation et en font un usage contraire au testament.

Messieurs, cette réclamation n'est pas nouvelle ; depuis longtemps les pétitionnaires ont réclamé leur participation aux bourses d'étude fondées par feu Monseigneur Jacquet. Ces droits leur sont contestés par les anciens administrateurs de la fondation Jacquet et, parmi eux, les membres de la famille Jacquet. La grande difficulté, c'est que les biens immeubles de cette fondation sont situés à Rome et ses environs. Le gouvernement belge a fait des instances, même jusqu'à Rome, les biens qui donnent des revenus à cette fondation étant situés à Rome et dans les environs de cette ville. La commission, sans rien préjuger, a l'honneur de vous proposer le renvoi pur et simple des pétitions à M. le ministre de la justice.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Meysse, le 17 décembre 1868, le sieur Dierckx appelle l'attention de la Chambre sur la décision de la députation permanente du conseil provincial du Brabant, qui a validé l'élection d'un conseiller communal à Meysse, allié au degré prohibé avec un autre conseiller, et demande qu'il soit porté remède à cette situation.

Messieurs, le sieur Dierckx réclame contre l'approbation des élections qui ont eu lieu à Meysse et qui ont eu pour résultat la nomination d'un nouveau conseiller, neveu d'un autre membre, son oncle, qui faisait déjà partie du conseil communal.

Voici la décision de la députation permanente : « La députation permanente du conseil provincial a, dans sa séance du 15 courant, validé les opérations électorales auxquelles il a été procédé en votre commune, le 16 juin 1868, proclamé le sieur Peeters (François), conseiller communal, en remplacement du sieur de Muylder (Pierre-Jean), démissionnaire, et décidé qu'il ne pourra être installé, en cette qualité, que si le sieur Baudewyn (Antoine), son oncle par alliance, donne la démission de ses fonctions. »

Votre commission n'a pas trouvé très régulière cette manière de décider de la députation permanente du Brabant, et, sans rien préjuger, elle a conclu au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Les conseils communaux de Stockheim, Lancklaer et Dilsen demandent qu'on soumette à un nouvel examen la question du chemin de fer de Maeseyck.

Messieurs, depuis que le gouvernement a concédé le chemin de fer de Maeseyck à Virton... (Interruption.) Je cite textuellement :

« La loi du 1er décembre 1866 a voulu que les villes de Virton et de Maeseyck fussent rattachées au réseau des chemins de fer. Elle a accordé la garantie d'un minimum d'intérêt de 150,000 francs par an sur un chemin de fer à construire entre Maeseyck et Hasselt ; elle a fixé le point de raccordement à Hasselt, en ce qui concerne Maeseyck, et l'a laissé indéterminé pour Virton ; il est à regretter, selon nous, qu'elle n'ait pas laissé la même latitude pour les deux villes. »

Je crois que c'est bien cela.

M. Bouvierµ. - Cela est impossible.

M. Vilain XIIIIµ. - Ce sont deux frères jumeaux.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Cela est cependant écrit en toutes lettres dans la pétition.

C'est une question controversée et qui a donné lieu à beaucoup d'observations et de critiques.

Il est très naturel que chaque fois qu'un chemin de fer est concédé, toutes les localités voisines cherchent à s'y rattacher, surtout quand le point de raccordement n'est pas fixé.

Ainsi, messieurs, il y a divergence d'opinions entre deux honorables membres de cette Chambre ; M. Thonissen appuie le tracé dans un sens et M. Julliot l'appuie dans un autre ; il préférerait comme point de raccordement Lanaken.

M. Thonissenµ. - Je demande la parole.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Le chemin de fer est concédé par le gouvernement et le tracé en est arrêté en partie.

Mais, comme vous venez de l'entendre, le projet des tracés est à l'étude depuis 1866, et, depuis lors, de nouvelles prétentions se sont fait jour ; on voudrait maintenant modifier le tracé arrêté.

Voilà l'affaire, telle qu'elle se présente aujourd'hui.

Votre commission, sans rien préjuger, a conclu au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Thonissenµ. - La loi du 1er décembre 1866 a autorisé, le gouvernement à concéder la construction d'un chemin de fer de Maeseyck à Hasselt, avec garantie d'un minimum d'intérêt de 150,000 fr.

La crise industrielle et financière qui a sévi depuis cette époque, l'abaissement des tarifs sur les lignes de l'Etat, les inquiétudes répandues dans les hautes régions de la politique européenne, d'autres causes encore, ont retardé jusqu'ici la concession de cette nouvelle voie ferrée. Mais ce retard, qui s'explique sans peine, est à la veille de cesser. Si mes informations sont exactes, il se présente, en ce moment même, un concessionnaire offrant toutes les garanties désirables.

Il y a quelques mois, l'honorable M. Julliot, rapporteur d'une pétition demandant la prompte exécution du chemin de fer de Hasselt à Maeseyck, mit en avant une idée passablement originale. Les pétitionnaires, appartenant à la commune de Genck, demandaient la prompte exécution de ce chemin de fer. M. Julliot, au contraire, proposa de leur enlever le chemin de fer ! Il indiqua un nouveau tracé, ayant pour but de faire construire la ligne, non plus entre Hasselt et Maeseyck, mais entre Maeseyck et Lanaeken ; en d'autres termes, il voulait confisquer la nouvelle ligne au bénéfice de l'arrondissement de Tongres.

Messieurs, la pétition dont il s'agit en ce moment n'est autre chose que la reproduction à peu près textuelle du discours de l'honorable député de Tongres.

Que dirait-on si, pour mettre en rapport les habitants de Malines et ceux de Bruxelles, on voulait les forcer à passer par Louvain ? Eh bien, c'est là le système des pétitionnaires. Si leurs vœux étaient accueillis, les habitants de Maeseyck, qui voudraient se rendre au chef-lieu de la province, seraient forcés de faire un détour de sept à huit lieues par Lanaeken !

La Chambre, pas plus que le gouvernement, n'a aucune raison de revenir sur sa décision antérieure. L'honorable ministre des travaux publics, dont je regrette l'absence, m'a déclaré qu'il persiste formellement à maintenir le tracé direct par Genck et Asch.

- Les conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Jamoigne, le 5 décembre 1868, le conseil communal de Jamoigne demande que le raccordement des lignes du Grand-Luxembourg et de l'Est français se fasse par Marbehan, Bellefontaine et Meix.

C'est encore la même question que pour la pétition précédente. Différents tracés sont indiqués. Les uns demandent le tracé dans tel sens, d'autres pétitionnaires demandent le tracé dans un autre sens.

Votre commission n'ayant pas les éléments d'appréciation nécessaires pour juger la question au fond, vous propose le renvoi pur et simple à M. le ministre des travaux publics.

- Ce renvoi est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 26 décembre 1868, les sieurs Tarlier, Van Meenen et autres habitants de Bruxelles prient la Chambre de procéder dans le plus bref délai, tout en sauvegardant les droits de la science, à la révision de l'article 433 du code pénal et d'en étendre l'application au cas plus spécialement connu sous le non d'opération césarienne, alors qu'elle est pratiquée par des personnes étrangères à l'art de guérir.

Messieurs, les pétitionnaires font valoir plusieurs considérations dans un intérêt d'humanité pour faire modifier l'article 433 du code pénal. Ils terminent par cette conclusion : « Pour ces motifs, les soussignés vous prient de vouloir procéder dans le plus bref délai possible à la révision de l'article 433 du code pénal et d'en étendre l'application au cas plus spécialement connu sous le nom d'opération césarienne, alors qu'elle est pratiquée par des personnes étrangères à l'art de guérir. »

Votre commission, messieurs, a conclu au renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

M. de Haerneµ. - Je suis tout prêt à m'expliquer sur la question (page 320) soulevée par les pétitionnaires ; mais je dois entrer dans des détails assez étendus, et comme je vois que l’heure est assez avancée, je ne crois pas que je pourrais terminer aujourd'hui. J'apprends d'ailleurs que quelques honorables membres désirent l'ajournement de la discussion, probablement pour d'autres motifs.

Si la Chambre consent à l'ajournement, je renoncerai à la parole. Sinon, je maintiens mon tour de parole.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne crois pas qu'il y ait lieu d'ajourner, car je ne pense pas que la Chambre ait l'intention d'avoir un débat solennel sur cette affaire.

L'honorable M. Vleminckx a demandé des explications au gouvernement. Ces explications sont très simples, et en quelques mots, le gouvernement peut les donner.

La cour de cassation, messieurs, a constaté dans un arrêt qu'il y a une lacune dans la législation. Qu'a fait le gouvernement ? Immédiatement il s'est mis en mesure d'étudier la matière, et la matière est assez compliquée ; elle comporte diverses questions à élucider. Le gouvernement a mis toutes ces questions à l'étude. Nous avons dû faire des recherches dans les législations étrangères ; nous en avons déjà plusieurs. De plus, nous avons demandé l'avis des procureurs généraux.

Maintenant la Chambre veut-elle discuter la question avant que le gouvernement ait pu lui fournir des explications ?

Je ne le crois pas. Ce que je puis dire, c'est que le gouvernement n'a pas perdu de vue ce grand intérêt, et il reconnaît que la question soulevée par l'honorable M. Vleminckx est de la plus haute importance. (Interruption.) Lorsque le gouvernement présentera ses explications, l'honorable M. de Haerne, qui m'interrompt, pourra traiter la question beaucoup plus utilement qu'il ne pourrait le faire aujourd'hui.

M. De Fréµ. - J'avais demandé la parole pour engager le gouvernement à présenter un projet de loi, afin que la lacune qui existe dans notre législation fût comblée sans retard. Mais actuellement un autre débat est soulevé : c'est la question de savoir si l'on discutera aujourd'hui ou si l'on discutera dans huit jours.

Je crois que cette question-là doit être préalablement résolue.

M. Dumortier. - Je suis formellement décidé à prendre, la parole si la Chambre veut discuter immédiatement. Ce n'est pas du tout une question futile, comme semble le dire M. le ministre de la justice. (Interruption.) Nous savons parfaitement que la parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée. C'est une question qui touche à des intérêts religieux de premier ordre. (Interruption.) Ah ! je me trompe ! C'est ce que nous verrons. Dans tous les cas, je n'admets pas l'honorable M. Bara comme docteur en théologie.

M. le président. - Veuillez rester dans la question.

M. Dumortier. - Je reste dans la question. Je dis qu'il ne suffit pas que le gouvernement examine une telle question, qu'il est de notre devoir de l'examiner avant même le gouvernement. Mais la Chambre trouvera sans doute que le moment serait excessivement mal choisi, au lendemain d'un deuil royal, pour arriver ici avec des questions irritantes et de nature à soulever des débats passionnés, et je crois que ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'ajourner la discussion à la semaine prochaine.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne comprends véritablement pas l'honorable M. Dumortier : il a l'air de m'accuser de jeter dans la Chambre des questions irritantes et de vouloir provoquer des débats passionnés. Or, j'ai fait tout le contraire : j'ai dit que le gouvernement étudie cette question grave (c'est le terme dont je me suis servi), et l'honorable M. Dumortier prétend que je l'ai considérée comme ayant peu d'importance. J'ai demandé qu'on ajournât la discussion jusqu'au moment où le gouvernement, ayant terminé l'examen de la question, pourra apporter à la Chambre des renseignements complets.

Cette question touche non seulement à la sécurité des personnes, mais elle touche aussi aux intérêts de la science et l'on ne peut pas faire une loi sur une semblable matière sans l'avoir examinée sous toutes ses faces.

Maintenant l'honorable M. Dumortier veut discuter la semaine prochaine ; eh bien moi, non par le motif donné par M. Dumortier, mais par les raisons que j'ai indiquées, je ne suivrai pas l'honorable membre dans cette discussion, s'il veut la reprendre dans huit jours, mais je déclare que j'étudie la question. Si l'honorable membre veut reproduire la question la semaine prochaine, je ferai la même déclaration qu'aujourd'hui. Je dirai que je recueille des renseignements, que j'étudie la matière et que, quand j'aurai complété mes études, je ferai à la Chambre telle proposition qui paraîtra convenable.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Messieurs, je crois que ce que propose l'honorable ministre est ce qu'il y a de plus rationnel.

La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la justice.

M. le ministre vient de vous dire qu'il a mis la question à l'étude, qu'il réunit des renseignements et qu'il accepte le renvoi.

J'espère que l'honorable M. Dumortier consentira à ajourner la discussion jusqu'à ce que le gouvernement aura présenté le résultat de ses études,

M. le président. - Il paraît que nous sommes tous d'accord pour ordonner le renvoi à M. le ministre de la justice, qui vient de déclarer qu'il étudie la question.

M. Vleminckxµ. - Je suis d'accord pour accéder à la demande de M. le ministre de la justice, mais l'honorable M. Dumortier vient de vous dire que, dans cette question, des sentiments religieux sont en jeu.

Je tiens à déclarer que je suis prêt à prouver à la Chambre que les sentiments religieux n'ont rien à faire dans celle question.

Je fais mes réserves sur ce point. C'est le seul motif pour lequel j'ai pris la parole.

M. de Haerneµ. - C’est la question sur laquelle je désire m'expliquer.

- Le renvoi à M. le. ministre, de la justice est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruges, le 11 janvier 1869, le sieur Kiere, saunier à Bruges, demande remise du payement des droits d'accise sur une certaine quantité de sel et de saumure perdue par suite de cas de force majeure.

Messieurs, par suite du dernier ouragan, la grande cheminée de l'établissement du pétitionnaire a été renversée sur son usine. Une grande partie de sel et de saumure a été détruite.

Ce saunier, obligé de payer les droits sur le sel et la saumure détruits, demande la restitution de ces droits.

Celte demande a paru fondée, à votre commission, qui en demande le renvoi à M. le ministre, des finances.

M. de Clercqµ. - J'ai l'honneur d'appuyer le renvoi de cette pétition à l'examen bienveillant de l'honorable chef du département des finances.

L'objet de la pétition peut se résumer en cette question :

Convient-il que le fisc trouve son profit dans la perte qu'a essuyée le pétitionnaire par suite d'un cas de force majeure ?

Ce serait cependant le résultat auquel on aboutirait, si on ne lui octroyait pas sa demande.

Le raisonnement du pétitionnaire me paraît péremptoire. Il consiste à dire : la consommation du sel n'a pas diminué ; ce que je n'ai pas fourni a été fourni par les autres usiniers ; or l'Etat a perçu le droit sur cette consommation générale.

J'espère que la demande du pétitionnaire sera prise en considération et que l'honorable ministre des finances fera droit à une juste réclamation.

- Les conclusions tendantes au renvoi de la pétition à M. le ministre, des finances, sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Cherscamp, le 11 janvier 1869, des habitants de Cherscamp se plaignent qu'on ne mette pas à la disposition de l'instituteur le nouveau bâtiment d'école construit dans cette commune.

Il se présente dans cette commune un fait extraordinaire, on peut dire inouï jusqu'à présent.

La commune a construit un bâtiment d'école, qui est entièrement achevé et approprié pour recevoir l'instituteur ; or, il paraît que, par suite du mauvais vouloir de quelques administrateurs, celui-ci ne peut entrer dans son nouveau local. Ce fait est d'autant plus grave, que le local actuel est insalubre et humide, il manque d'air et d'espace, au point que les parents refusent d'y envoyer leurs enfants, Or, toutes les réclamations restent sans résultat.

Il semblerait qu'il y a dans l'administration supérieure une espèce de paralysie.

Votre commission conclut au renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Vedrin, le 20 décembre 1868, les directeurs-gérants des sociétés de Vedrin, de Montigny et de l'Espérance demandent que le gouvernement ordonne l'ouverture immédiate du chemin de fer de Namur à Geest-Géronipont.

M. Moncheur avait l'intention d'émettre quelques considérations au sujet de cette pétition, mais il est empêché aujourd'hui d'assister à la séance. Dans cette circonstance et considérant que M. le ministre des travaux publics est également absent, votre commission vous propose de remettre la discussion du rapport sur cette pétition à huitaine.

(page 321) - Des voix. - Non ! non !

M. Lelièvreµ. - Cette pétition est très importante pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement dans cette enceinte. La voie ferrée dont il s'agit est commencée depuis plusieurs années. Elle est réclamée avec impatience par de nombreuses populations. Je demande donc que M. le ministre des travaux publics veuille bien prendre les mesures nécessaires pour qu'enfin la voie ferrée dont il s'agit soit mise en exploitation. Il s'agit ici d'un intérêt important, qui ne peut plus être perdu de vue. Le canton d'Eghezée est dépourvu de tous chemins de fer, et il importe qu'il soit enfin fait droit à des exigences légitimes.

M. le président. - Je dois faire, remarquer à M. Lelièvre que la commission propose la remise de la discussion à huitaine.

- Voix diverses. - Non ! non !

M. le président. - Permettez, messieurs, il y a cependant une raison de convenance qui milite en faveur de cette proposition. L'honorable M. Moncheur, qui devait s'occuper de cette affaire, a obtenu un congé pour cause d'indisposition ; il y a donc, je le répète, une raison de convenance que je soumets a l'appréciation de la Chambre.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - J'ajoute que M. le ministre des travaux publics est également absent pour cause d'indisposition.

- La Chambre décide l'ajournement de la discussion à huitaine.


(page 317) M. le président. - La Chambre a chargé son bureau de composer la commission spéciale qui aura à examiner le code pénal militaire. Le bureau a désigné MM. Tesch, Orts, Thonissen, Guillery, Moncheur, Dupont et Tack.

- La Chambre consultée décide qu'elle se réunira demain à une heure.

La séance est levée à l heures et demie.