Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 novembre 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal

(page 25) M. de M0or, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 1/2 heures.

M. Dethuin, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées a la Chambre.

« Le sieur Espreman réclame l'intervention de la Chambre pour faire restituer à la veuve Rulens les arriérés qui lui seraient dus par le département des travaux publics. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des propriétaires à Ostende demandent des modifications à la loi quant à l'exécution du jugement ordonnant le déguerpissement des locataires qui ne payent pas le prix du loyer. »

- Même renvoi.


« Par deux pétitions, des habitants et ouvriers à Gand demandent une loi qui règle le travail des enfants dans les manufactures. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bolle demande que le nombre des conseillers communaux de la ville de Menin soit porté de onze à treize. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Neut, Erèbe et autres journalistes appellent l'attention de la Chambre sur une protestation de membres de la presse belge contre les mesures prises par l'autorité judiciaire à l'occasion des crimes commis à Saint-Genois. »

M. Coomans. - Je prie la Chambre d'émettre le vœu qu'un très prompt rapport lui soit présenté sur cette affaire, dont je regrette de n'avoir pas été à même de l'entretenir plus tôt.

- Adopté.

M. le président. - J'ai l'honneur d'avertir mes honorables collègues que vendredi nous reprendrons les rapports de pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Dewalque fait hommage à la Chambre de son ouvrage intitulé : Prodrome d'une description géologique de la Belgique. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. le procureur général de la cour d'appel de Gand adresse à la Chambre 126 exemplaires du discours qu'il a prononcé à l'audience solennelle de rentrée de la cour d'appel le 15 octobre dernier. »

- Distribution et dépôt.


« M. de Borchgrave, obligé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d’Ypres

M. Liénartµ. - Messieurs, il ne faut pas se dissimuler l'importance des décisions que prendra la Chambre dans les questions controversées que soulève l'élection d'Ypres.

Evidemment le résultat le plus immédiat sera l'admission ou l'exclusion du candidat proclamé par le bureau central de cette ville.

Mais il n'y a pas ici qu'une question du personnes, il ne s'agit pas seulement de savoir qui, de l'honorable M. Van Renynghe ou de M. Van Merris, siégera sur nos bancs. Le débat a une importance bien autrement grande.

La loi sur les fraudes électorales est une loi récemment votée, et son application donne naissance à une quantités de difficultés.

Or, messieurs, bien que nous ne soyons pas appelés à donner à cette loi une interprétation, à proprement parler, législative, il est certain, néanmoins, que les précédents que posera la Chambre pèseront incontestablement sur l'avenir.

Il vous appartient, à vous surtout, messieurs, membres de la majorité, qui êtes particulièrement les auteurs de cette loi, d'empêcher, dans l'intérêt même de la conservation de votre œuvre, qu'on n'en dénature l'esprit par une interprétation rigoureuse, arbitraire, formaliste qui, laissez-moi le croire du moins, n'était pas dans vos intentions lorsque vous fîtes cette loi.

La loi, messieurs, que nous discutons a pour but de prévenir la fraude et d'en paralyser les effets.

Ce but est excellent, mais prenez bien garde de le dépasser par une sévérité outrée, car vous n'aboutiriez à rien moins qu'à vicier le résultat du scrutin par l'annulation de bulletins parfaitement sincères.

Voilà l'écueil. Plusieurs membres l'ont signalé dans le cours de la discussion. Voici comment s'exprimait M. Coomans :

« Si vous cherchez par des formalités vexatoires, ridicules, absurdes et en tout cas inefficaces, à sauvegarder la liberté des électeurs et si vous sanctionnez ces formalités de toute nature, vous arriverez à la suppression du premier des droits du citoyen : le droit d’émettre son vote. Beaucoup de bulletins pourront vous paraître illégaux qui seront parfaitement loyaux. » (Séance du 19 juillet 1865).

Et l'honorable M. Pirmez, aujourd'hui ministre de l'intérieur, ne se montrait pas moins inquiet sur les conséquences éventuelles possibles de la loi :

« On nous convie, disait-il dans la même séance, à entrer dans une voie extrêmement formaliste, et prenons-y garde, nous pouvons arriver à ce résultat que beaucoup plus de votes seront annulés par ce luxe de précautions que de votes contraints ne seront empêchés. »

En présence de ce danger, quelle doit être notre ligne de conduite dans l'examen des bulletins, si nous voulons agir sagement, raisonnablement ? Frapper la fraude quand elle est apparente, manifeste, bien établie, mais d'autre part respectons scrupuleusement le vote de l'électeur quand il ne porte pas en lui-même la preuve de la fraude.

Ces prémisses établies, je demande à la Chambre la permission d'examiner deux catégories de bulletins, qui, d'après moi, sont les seuls qui comportent une discussion un peu sérieuse ; je veux parler des bulletins portant l'addition de « bourgmestre de telle ou telle ville » et en second lieu des bulletins portant le nom d'une personne non connue notoirement comme candidat.

Quant à la première espèce de bulletins, il me semble qu'il répugne au bon sens d'y voir une marque.

La marque, qu'est-ce si ce n'est une mention spéciale, anormale, extraordinaire, bizarre, qui appelle l'attention sur le bulletin et qui peut le faire reconnaître par celui qui y a inscrit cette mention. Voilà, me paraît-il, le critérium auquel on peut distinguer le bulletin marqué. Le bulletin marqué, je le répète, est le bulletin qui présente quelque chose de spécial, quelque chose qui frappe l'esprit, quelque chose, en un mot, qui le fasse remarquer et reconnaître.

Est-ce que l'expression de « bourgmestre de telle ou telle ville » présente bien ce caractère ?

Poser la question, c'est la résoudre ; mais tout au contraire, c'est l'expression la plus simple, la plus usuelle, la plus naturelle et par conséquent la moins faite pour être remarquée.

L'électeur, loin de céder à une tentation de fraude, ne fait que se soumettre, machinalement, dirai-je, à l'usage consacré. M. Beke, pour l'électeur de l'arrondissement, est bourgmestre d'Ypres, comme M. Van Renynghe est bourgmestre de Poperinghe.

Ce n'est pas là une qualification inventée à dessein, recherchée, ingénieuse ; elle se présente, au contraire, naturellement sous la plume de l'électeur qui remplit son bulletin.

Usage et fraude sont des termes inconciliables : dès qu'il y a usage, il n'y a pas fraude et cela pour une raison bien simple, c'est que la fraude consiste précisément à s'écarter de l'usage, à sortir des chemins battus, pour entrer dans la voie de l'insolite, dans la voie de l'anormal.

Donc pas de fraude, donc pas de bulletins annulables.

En vérité, si vous annuliez ces bulletins pour un pareil motif, vous donneriez parfaitement raison aujourd'hui aux craintes que manifestait l'honorable M. Hymans, lors de la discussion de la loi sur les fraudes électorales.

« Il arrivera, disait-il, qu'un brave homme d'électeur, qui fera son bulletin de la façon la plus sincère, la plus loyale, qui votera selon sa conscience, verra annuler son suffrage parce qu'il ne remplira pas exactement les conditions déterminées par la loi, tandis que l'habile faiseur qui côtoiera la lisière de l'article 8, trouvera toujours moyen de faire son bulletin de manière à le mettre à l'abri de l'annulation ; le bulletin sera reconnaissable et il sera admis, tandis que le bulletin fait de bonne foi sera annulé. »

Disons les choses franchement ; quand on veut pratiquer la fraude, on a recours à d'autres signes, ceux-là reconnaissables, mais on ne va pas choisir comme marque une expression usuelle que maint électeur emploiera comme cela a eu lieu à Ypres, ce qui rendrait impossible le contrôle du marqueur (page 26) maladroit qui aurait cru reconnaître un bulletin à une désignation qui se trouve dans toutes les bouches et qui de là a passé dans une quantité de bulletins.

Cette vérité, messieurs, que l'on ne peut pas considérer sérieusement la mention de bourgmestre de telle ville comme une marque, est tellement évidente, que l'honorable M. Pirmez lui-même, dominé hier par cette évidence, s'est en quelque sorte excusé de prononcer cette annulation en s'abritant derrière la loi, dura lex sed lex.

Ici, messieurs, je vous prie de remarquer un changement de tactique, très curieux pour la moralité de ce débat.

Je n'avais pas l'honneur de siéger sur ces bancs lors du vote de la loi sur les fraudes électorales ; je me suis donc donné la peine de lire toutes les discussions qui ont eu lieu à cette époque.

Or, voici ce que j'ai constaté presque à chaque page : chaque fois que les adversaires de la loi signalaient à la tribune tel ou tel abus comme pouvant résulter de la loi, les partisans de la loi leur répondaient invariablement : Soyez sans inquiétude, vous vous exagérez les difficultés ; la loi n'est pas aussi mauvaise, aussi arbitraire que vous le jugez.

El aujourd'hui, par une volte-face que j'ai le droit de trouver étrange, lorsque nous critiquons certaines nullités comme étant arbitraires, on se retranche derrière cette même loi de 1867, l'on charge cette pauvre loi de 1867, qui n'en peut mais, de toutes les énormités, de toutes les inconséquences dont on ne peut se défendre. C'est là une exagération manifeste. Non, malgré ses imperfections, la loi de 1867 n'est pas aussi mauvaise que vous voulez bien le prétendre aujourd'hui pour les besoins de la cause. Ce qui est mauvais, c'est l'application que vous en faites aux faits de la cause.

Il est inexact, il est contraire à la saine interprétation des choses de prétendre que l'addition des mots « bourgmestre de telle ville » constitue l'indication du domicile.

Même en droit strict, même en interprétant judaïquement la loi, vous n'avez pas raison. Bourgmestre de telle commune ne signifie pas domicilié dans telle commune, car on n'est pas nécessairement domicilié dans l'endroit où l'on est bourgmestre. Consultez plutôt l'article 47 de la loi communale et vous verrez qu'on peut être bourgmestre dans certaines communes sans y avoir ni domicile, ni résidence. Ainsi vous avez tort, en examinant même les choses à la lettre.

Mais si vous considérez les choses en fait, d'après la pratique quotidienne, vous avez encore bien moins raison.

Les mots « bourgmestre de telle ville » désignent, dites-vous, le domicile. Jamais, messieurs, jamais ces mots, employés en pareil cas, n'ont eu une pareille portée ; ces mots sont le complément, l'appendice ordinaire de la qualification de bourgmestre, ils sont une suite naturelle de cette appellation, et ne servent qu'à mieux préciser la qualité.

Me défendrez-vous par hasard, si je vote à Tournai, de mettre sur mon bulletin M. Bara, ministre de la justice ? Evidemment non. Et cependant, en ajoutant au mot « bourgmestre » les mots « de telle ville », je ne fais que compléter et mieux préciser la qualité, comme je la complète et la précise en disant M. Bara, ministre de la justice, au lieu de ministre tout court.

C'est en vain que vous ferez appel à la loi de 1867 pour essayer de couvrir d'un vernis de légalité une décision que je tiens pour arbitraire. Nous vous répondrons avec l'honorable M. Lelièvre parlant dans la discussion de la loi sur les fraudes : « Les nullités sont de droit étroit et on ne doit pas les créer légèrement. »

La validation de ces bulletins, que je ne puis considérer comme marqués, venant s'ajouter aux bulletins évidemment valables et qui ne peuvent faire l'objet d'un doute sérieux, suffit pour donner à l'honorable M. Van Renynghe la majorité sur son concurrent.

En effet, la proclamation du bureau central d'Ypres donne respectivement à ces candidats 1,013 et 1,008 voix.

Si je retranche à chacun d'eux les bulletins qui ont été admis, bien que contestés, par le motif qu'ils portaient le nom d'une personne non connue notoirement comme candidat, question que je réserve pour tantôt, j'arrive au résultat suivant : on a compté à M. Van Merris 5 bulletins de cette catégorie, et 6 à M. Van Renynghe, reste 1,010 voix à M. Van Merris contre 1,002 à M. Van Renynghe.

A ces chiffres, il faut ajouter un bulletin au profit de M. Van Merris, et 3 bulletins en faveur de M. Van Renynghe, tous bulletins portant la simple mention de « bourgmestre » sans plus, ce qui donne 1,011 voix à M. Van Merris contre 1,007 pour M. Van Renynghe.

De plus, il faut restituer à M. Van Renynghe le bulletin ligné qui ne présente aucune marque appréciable, conformément à l'opinion émise par l'honorable M. Pirmez, dans la discussion qui a été soulevée au Sénat au sujet de l'interprétation de la loi sur les fraudes.

« Il en est de même, disait M. le ministre de l'inférieur, des lignes tracées à l'intérieur des bulletins. Si la forme en est exceptionnelle, si elle présentait un signe caractéristique, le bulletin ne sera pas valable. Il en sera autrement s'il s'agit de lignes faites pour aider une main inhabile. »

Il faut encore restituer à M. Van Renynghe un bulletin annulé pour un motif plus futile que le précédent, parce qu'au haut de son bulletin l'électeur a placé la double majuscule MM. Ce qui fait 1,011 pour M. Van Merris contre 1,009 pour M. Van Renynghe.

Si vous validez maintenant, pour les raisons que je viens de développer, les bulletins portant les mots « bourgmestre de telle ville », les bureaux d'Ypres n'ayant annulé pour ce motif aucun bulletin de l'espèce au détriment de M. Van Merris et en ayant annulé trois au détriment de M. Van Renynghe, vous aboutissez à ce résultat final de 1,011 pour M. Van Merris contre 1,012 suffrages valables attribués à M. Van Renynghe, c'est-à-dire que l'honorable M. Van Renynghe l'emporte d'une voix sur M. Van Merris.

Je pourrais m'arrêter ici et conclure purement et simplement, comme la commission me semble l'avoir fait à bon droit, à l'admission de M. Van Renynghe comme membre de la Chambre, la majorité absolue étant atteinte dans tous les cas.

Si j'aborde la seconde question, celle des bulletins portant le nom d'une personne non connue notoirement comme candidat, je le fais non pas dans un intérêt de personne, mais dans une pensée plus élevée et complètement dégagée de toute espèce d'intérêt politique.

Faut-il annuler les bulletins portant, à côté des noms de certains candidats connus, un autre nom auquel répond une personne qui n'est pas connue notoirement comme candidat ?

D'abord, messieurs, je ne comprends pas très bien, au point de vue strictement légal, la différence qu'on cherche à établir entre le candidat connu et celui qui ne l'est pas.

Je concevrais cette différence dans un système où il serait ordonné aux candidats de se faire connaître dans un certain délai avant l'élection.

Si mes souvenirs sont exacts, ce système a été rencontré dans le rapport très complet de l'honorable M. Crombez, mais il n'a fait l'objet d'aucune proposition.

Nous n'avons pas chez nous ce que j'appellerai des candidatures officielles.

Chaque électeur individuellement a le droit de choisir son candidat, l'électeur a en cette matière un droit illimité, un droit absolu.

Prétendre le contraire c'est vouloir arbitrairement, et contre tout droit, restreindre le choix de l'électeur aux candidats de telle ou telle association assermentée, c'est parquer, bon gré mal gré, les électeurs en deux ou plusieurs camps et confisquer leur liberté au profit de je ne sais quelle centralisation d'un nouveau genre, la centralisation des candidats.

Et que feriez-vous dans le cas où une association, comme dans l'espèce, ne présente pas autant de candidats qu'il y a de places vacantes ou n'en présente pas du tout ?

Est-ce que vous priveriez l'électeur de son droit de vote ou tout au moins d'une partie de son droit de vote ?

Messieurs, pour qu'une conséquence aussi rigoureuse fût possible, il faudrait tout au moins un texte de loi bien formel. Or, ce texte fait défaut.

Le législateur a édicté la nullité des bulletins portant plus de noms qu'il n'y a de places vacantes. Mais nulle part, vous ne trouverez une disposition qui annule un bulletin parce qu'il porte le nom d'une personne qui n'est pas notoirement connue comme candidat.

Pareille interdiction n'eût été possible que si le législateur de 1867 se fût rallié au système des candidatures officielles. Mais, je le répète, si ce système a été examiné dans le rapport, il est constant qu'il n'a pas même été proposé au vote de la section centrale.

Une fois le système des candidatures officielles admis, le législateur pourrait annuler les bulletins contenant d'autres noms, par une disposition analogue à celle du paragraphe 3 de l'article 7. Alors, mais alors seulement, ces bulletins devraient être annulés.

« II est à remarquer, disait l'honorable M. Lelièvre, toujours dans la discussion de la loi sur les fraudes qui est ici en jeu, que c'est surtout en matière d'élections qu'il faut s'abstenir d'exigences inutiles qui peuvent sans motif produire l'annulation d'un vote dont la loi doit protéger l'émission... C'est la volonté de l'électeur qu'il faut avant tout protéger. »

Autre chose serait si l'électeur portait sur son bulletin un sobriquet, ou s'il y inscrivait le nom d'une personne imaginaire, ou bien encore s'il insérait dans son bulletin le nom d'une personne en bas âge, parce qu'il n'y aurait pas moyen de voir là un vote sérieux, et l'addition du sobriquet ou du nom imaginaire ferait légitimement présumer la fraude. Sous ce rapport, je le déclare très franchement, je m'éloigne des conclusions (page 27) de la commission et j'annule le bulletin portant le sobriquet de Putte Léopold.

Je puis vous concéder encore davantage, je dirai autre chose encore si vous découvrez avec certitude un système organisé de fraude, et je vous donnerai comme exemple le cas cité par l'honorable M. Pirmez dans la discussion du Sénat, le cas où un parti aurait obligé ses électeurs a placer chacun son nom sur son bulletin.

Quand on veut pousser ainsi les choses a l'extrême et je dirai presque à l'absurde, il est facile d'imaginer telle hypothèse grotesque où la fraude est surprise sur le fait.

Mais, en dehors de ces exceptions dans lesquelles nous ne nous trouvons pas placés, annuler les bulletins de l'espèce, c'est se lancer en plein dans le plus effrayant des arbitraires.

Messieurs, comme je vous l'avais dit tantôt, M. Van Renynghe, pour être élu membre de la Chambre des représentants, n'a pas besoin des votes qu'on pourrait lui restituer en vertu des motifs que je viens d'exposer en second lieu. Dès que vous admettez, et je pense qu'il est impossible de ne pas partager cet avis, que la qualification de bourgmestre de telle ville n'est pas une marque, M. Van Renynghe est élu. Seulement si vous reconnaissez en second lieu que l'on peut ajouter sur un bulletin le nom d'une personne qui n'est pas notoirement connue comme candidat, la majorité de M. Van Renynghe s'accroît.

Nous étions arrivés tout à l'heure au résultat suivant :

1,011 à M. Van Merris contre 1,012 pour M. Van Renynghe.

8 des bulletins dont je viens de parler en dernier lieu sont favorables à M. Van Renynghe et 6 seulement a M. Van Merris.

Total 1,017 pour M. Van Merris contre 1,020 en faveur de M. Van Renynghe,

Devant ce résultat brutal, les partisans quand même de la candidature de M. Van Merris ne se donnent pas pour battus.

Acculés dans leurs derniers retranchements, ils ont une ressource suprême, et cette ressource, messieurs, c'est un travail de comparaison, de confrontation des bulletins, et comme cette première opération pourrait bien n'être pas suffisante, on y ajoute encore ce que je pourrais appeler le travail de la loupe.

C'est ainsi que l'honorable M. Pirmez, examinant certains bulletins, a trouvé qu'un électeur votant pour 3 candidats avait fait précéder le nom de ces candidats d'une double M majuscule et qu'au lieu de mettre, comme il parle au pluriel, une petite s en haut de chaque majuscule, il a placé un petit r, M. Pirniez exécute, impitoyablement ce bulletin.

S'il m'est permis de faire un jeu de mots, je dirai que pour le coup, il sera bien difficile pour M. Pirmez de ne pas convenir avec moi que ce bulletin a été annulé pour une petite s (lisez petitesse).

On annule un bulletin parce qu'au mot uyttredende leden on a omis la lettre r.

Du train dont on y va, je gagerais bien volontiers que si M. Van Merris était de notre bord on aurait annulé les bulletins dans lesquels l'électeur aurait omis de mettre le point sur l'i.

Votre système est d'exiger de l'électeur un travail parfait et dans maint cas l'électeur sera très embarrassé de savoir comment s'y prendre pour vous fournir ce travail parfait.

Ainsi je suppose un électeur qui sait bien écrire : s'il croit pouvoir se passer de lignes et que par hasard sa plume dévie en route, son bulletin sera annulé ; que si, au contraire, ce même électeur, bien qu'ayant une écriture ferme, se défie de lui-même et ligne son papier par surcroît de précaution, son bulletin sera également nul d'un autre chef.

Et de quels électeurs, s'il vous plaît, exigez-vous ce travail parfait, ce travail exempt d'erreur et d'omission, exempt d'incorrections de toute espèce ? Vous exigez cela, remarquez-le bien, d'un électeur auquel vous avez donné le droit de ne savoir ni lire ni écrire.

(erratum, page 34) Je suis loin de condamner, d'autre part, d'une façon absolue, le travail de comparaison auquel s'est livré l'honorable M. Pirmez, mais je dois faire remarquer à la Chambre que ce travail de comparaison est sujet à caution, parce qu'il repose sur une base inexacte ; je dois ajouter que ce travail de comparaison est un travail dangereux, parce que vous inclinez trop facilement à présumer la fraude là ou d’autres explications sincères sont admissibles.

J'ai dit d'abord que votre raisonnement porte sur une base controuvée. En effet, l'honorable M. Vandenpeereboom a dit hier : S'il y avait eu beaucoup de bulletins de cette espèce, nous ne les aurions pas annulés, mais nous y voyons une marque parce qu'ils sont en très petit nombre.

Comment l'honorable M. Vandenpeereboom sait-il qu'il n'y a eu dans l'urne qu'une quarantaine de bulletins écrits à la main ? Comment sait-il qu'on n'a jeté dans l'urne que onze bulletins portant la mention de bourgmestre ? Comment sait-il qu'il n'y a eu que seize bulletins portant cette addition incriminée du nom d'une personne non connue comme candidat. Qu'en savez-vous ?

Le contraire est probable. Tous les bureaux n'ont pas eu la même jurisprudence.

Il y a des bureaux, je ne vous citerai qu'un exemple, qui ont reconnu comme parfaitement valable la mention de bourgmestre et qui n'ont pas pensé que cette mention pût donner lieu à critique. Dans ce bureau, des bulletins portant cette mention auront passé inaperçus, et aujourd'hui vous viendriez argumenter du petit nombre de bulletins de cette espèce !

Il y a plus. Si je n'avais pour moi qu'une simple probabilité, vous pourriez dire que je raisonne dans le vague.

Mais je puis invoquer le procès-verbal lui-même, qui est la pièce authentique de l'élection. Il constate, pour un bureau dont le numéro m'échappe :

« M. Vandenpeereboom autant de voix.

« Beke

« Van Merris

« Van Renynghe. »

et toute une kyrielle de personnes non connues comme candidats et auxquelles néanmoins le bureau a attribué valablement des suffrages.

Vous voyez donc bien que vous ne pouvez argumenter d'un résultat qui est démenti par le procès-verbal lui-même.

Les prémisses étant fausses, vos conclusions sont naturellement énervées.

Mais je n'ai pas besoin même de vous contester les prémisses.

Je puis vous concéder que les bulletins joints au procès-verbal .sont les seuls de l'espèce que renfermassent les urnes.

En supposant vos prémisses exactes autant qu'elles sont fausses, je conteste la légitimité de vos inductions.

En effet, je ne conçois réellement pas la légèreté avec laquelle l'honorable ministre de l'inférieur est venu vous dire hier : Tel bulletin porte la marque de la fraude.

Je ne veux citer qu'un exemple, car je ne veux pas prolonger la discussion.

Cet exemple m'a frappé et je crois qu'il a frappé bon nombre de membres de la Chambre.

On remarque, après l'élection bien entendu et quand on se livre à ce travail de révision qui est suspect par cela seul qu'il se fait lorsqu'on a le résultat de l'élection sous les yeux, on remarque, dis-je, deux bulletins qui paraissent écrits de la même main.

Je ne sais si l'honorable M. Pirmez peut parfaitement juger de la similitude des écritures, mais je veux l'admettre comme l'expert le. plus habile et je reconnais, sur sa déclaration, que les deux bulletins sortent de la même plume.

L'un porte « Pieter Beke » et l'autre « Petrus Beke », et l'honorable ministre d'en conclure que ces bulletins sont marqués.

Avouez franchement, messieurs, que vous recherchez les fraudes et les nullités à plaisir, car cette légère différence entre deux billets peut s'expliquer d'une façon bien simple.

Je voudrais mettre l'honorable M. Pirmez lui-même en cause, à la veille d'une élection. Il est propriétaire, et je suppose qu'un électeur vienne, huit jours avant l'élection, lui dire : Je ne sais pas écrire, donnez-moi un bulletin. Je crois qu'il ne pourrait pas lui refuser ce service.

Quelques jours après, un second électeur vient chez M. Pirmez et lui adresse la même demande.

Ah ! M. Pirmez, prenez bien garde ; ne lui donnez pas ce second bulletin si vous ne vous rappelez plus parfaitement la forme et la contexture du premier. (Interruption.) Car si le second bulletin porte une dénomination différente du premier, si l'écriture n'est pas parfaitement semblable, si même l'encre est un peu plus ppale, on confrontera les deux bulletins écrits de votre main et ces bulletins seront argués de fraude. .

MiPµ. - S'il y a un signe...

M. Liénartµ. - Mais de quel droit, s'il vous plaît, quand il y a deux explications possibles, l'une qui valide le bulletin, l'autre qui l'annule, de quel droit vous prononcez-vous pour la fraude ?

Ne voyez-vous pas qu'en agissant ainsi vous renversez les principes les plus élémentaires en matière d'interprétation ? Actus interpretandus est potius ut valeat quam ut pereat, dit un brocard de droit, et un autre axiome d'éternelle vérité proclame que la fraude ne peut jamais se présumer.

Un système qui conduit a de semblables conséquences est un système condamné et qui se réfute de lui-même.

Laissez-moi, messieurs, vous dire toute ma pensée sur la finale de la note qui a été jointe au rapport de la commission par l'honorable M. Beke ; la finale de cette note, à laquelle je ne croyais pas qu'on dût se raccrocher (page 28) pour ouvrir l'accès de la Chambre à M. Van Merris, cette finale est la charge, la parodie de la loi de 1867 et, pour ma part, j'ai hâte d'en finir avec ces misères, avec ces vétilles, avec ces minuties qui ne sont pas dignes de l'attention de cette Chambre, et non plus dignes de l'attention du pays, qui attend autre chose de nous.

Pour ne rien omettre, je dois répondre un seul mot à l'honorable M. Vandenpeereboom.

Il y a des erreurs qui s'accréditent lorsqu'elles ne sont pas rencontrées, et celle-ci pourrait être de ce nombre.

J'ai été surpris de voir que M. Vandenpeereboom ait perdu si tôt le souvenir de cette loi de 1867, à laquelle il a pris une part active comme membre du cabinet.

Il vous a dit hier que l'on ne pouvait accoler le nom de la femme à celui du mari que pour autant que l'usage eût consacré cette réunion ; il vous a cité l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale.

Cela est très bien, mais tout cela a été changé dans la discussion.

Les mois « mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms de manière à n'en former qu'un seul servant habituellement à désigner le candidat, » que la section centrale, d'accord avec le gouvernement, proposait d'ajouter au paragraphe 2, ces mots ont été abandonnés.

Pour le prouver, il me suffira de vous lire les observations présentées par l'honorable M. Piratez et l'assentiment que leur donna M. Tesch, car c'est à l'initiative de M. Pirmez que nous sommes redevables aujourd'hui de pouvoir porter à l'actif de M. Van Renynghe un billet contesté, celui contenant le nom de M. Heyndrick-de Gelcke ajouté à celui de l'honorable M. Van Renynghe.

Voici les paroles de M. Pirmez :

« J'ai une autre observation a faire sur le paragraphe 2 de l'article. Ce paragraphe porte :

« Le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari, mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms de manière à n'en former qu'un seul, servant habituellement à désigner le candidat.

« Eh bien, continue l'honorable M. Pirmez, dans la plupart des cas, je vous défie de dire quel est l'usage à cet égard. Pour ma pari, je déclare qu'en ce qui concerne des personnes qui me touchent de plus près, il nie serait impossible de dire si l'usage a consacré la chose. Ainsi, certaines personnes sont connues par le nom de la femme ajouté à leur nom dans les affaires commerciales seulement, tandis qu'en dehors des affaires commerciales, jamais on n'ajoute le nom de leur femme. Si une personne a cessé depuis quelque temps d'être dans le commerce, dira-t-on qu'il y a un usage consacré ou non ?

« Il y a de nos collègues qui sont connus dans leur arrondissement aussi bien par le nom de leur femme que par le leur propre, parce que le premier rappelle des souvenirs locaux, des hommes qui ont rendu des services particuliers à un arrondissement.

« Un électeur ajoute le nom de famille de la femme. Ferez-vous de cette circonstance un cas de nullité ?

« Je propose, donc de supprimer du paragraphe 2 ces mots : « mais seulement lorsque l'usage, etc. »

M. Tesch, ministre de la justice, répondit :

« Quant au nom de la femme, je me rallierai à l'amendement de M. Pirmez. Il est certain que, dans bien des cas, on ajoute le nom de la femme. J'avais déclaré, dans l'exposé des motifs, que cette addition ne pourrait avoir lieu que lorsque l'usage aurait réuni les deux noms, de manière qu’ils n'en forment pour ainsi dire qu'un seul.

« On craint l'arbitraire : Il est difficile de n'en pas avoir un peu dans cette matière ; toutefois pour éviter les nullités trop nombreuses, j'admettrai la suppression proposée par l'honorable M. Pirmez. »

(erratum, page 34) Bien m'en a pris, comme vous voyez, messieurs, de lire les discussions de la loi de 1867, puisque cette lecture m'a fourni l'occasion de remettre en mémoire à l'honorable M. Vandenpeereboom le véritable sens d'une disposition que, dans son zèle pour le triomphe de son co-candidat, M. Van Merris, il pensait pouvoir interpréter défavorablement pour celui qui est à nos yeux le véritable et troisième élu de l'arrondissement d'Ypres, pour l'honorable M. Van Renynghe.

Je finis, messieurs, comme j'ai commencé.

Vous allez décider peut-être aujourd'hui du sort de la loi de 1867 sur les fraudes électorales ; si vous vous ralliez à l'interprétation judaïque et formaliste que j'ai combattue, vous aurez ouvert la voie à l'abrogation plus ou moins prochaine de la loi de 1867 ; car cette loi dès aujourd'hui vous l'avez déconsidérée, discréditée aux yeux du corps électoral en la couvrant de ridicule.

Il y a plus, messieurs, l'on a reproché à cette loi d'être une loi de parti ; j'attendrai voire décision pour me prononcer à cet égard.

- M. de Liedekerke, dont les pouvoirs ont été validés dans une précédente séance, prête le serment constitutionnel. Il lui est donné acte de cette prestation de serment.

M. Coomans. - Messieurs, sans vous entretenir des chiffres et des noms propres en discussion, je me propose d'être court et de dire des choses qui intéressent tous les partis, et, ce qui mieux est, qui intéressent l'avenir de nos institutions.

A ce point de vue élevé, je compte beaucoup sur votre attention et un peu sur votre indulgence.

Prenez-y garde, d'après vos conclusions, il est fort à craindre que la forme n'emporte le fond ; et que, sous prétexte de supprimer ce que vous appelez indûment, selon moi, la fraude des bulletins marqués, vous n'en veniez îi supprimer le droit électoral, qui prime même noire droit et à discréditer encore davantage un régime électoral qui n'a que trop perdu dans l'estime et la confiance du pays.

Il est possible que. dans un petit nombre de cas, en procédant comme vous l'exigez, vous réussissiez à supprimer quelques billets marqués ; mais ce qui est certain, c'est que, dans beaucoup de cas, vous dénaturerez les résultats du scrutin.

La franchise avant tout... Je n'aime pas les billets marqués ; je voudrais qu'il n'y en eût pas ; mais ce que j'aime encore moins, c'est l'annulation des billets valables ; car j'aime mieux que vous admettiez dix billets marqués que d'en voir annuler un seul valable. Il est douteux que vous ayez le droit d'annuler un bulletin marqué ; mais ce qui est certain, c'est que vous n'avez pas le droit d'annuler un suffrage sincèrement émis ; ce serait annuler le droit électoral du citoyen, et ce droit, vous ne pouvez le lui enlever que lorsque l'exercice en est notoirement inconciliable avec la morale et l'ordre public. Vous n'avez pas le droit de supprimer un bulletin valable.

Or, vous arrivez à cette suppression par toutes sortes de détours, suppression d'autant plus inique qu'elle est inégale. On annulera dans quelques cas, on n'annulera pas dans d'autres, et l'on arrivera ainsi à des résultats intolérables.

Messieurs, le but de l'élection, c'est le triomphe de la volonté de la majorité. Vous devez donc respecter la volonté de la majorité, chaque fois qu'elle se produit d'une manière indubitable. Vous ne pouvez pas multiplier les formalités dont le résultat soit de changer la majorité. Or, dans bien des cas, on change la majorité, c'est-à-dire on falsifie le plus grand principe de l'ordre social moderne, en multipliant les formalités vexatoires et arbitrairement appliquées.

Mais ce qui est plus fort (et j'avoue que c'est pour cela que j'ai pris la parole, car hier ce n'était pas mon intention) ; ce qui est plus fort, c'est qu'on ne parviendra jamais à supprimer les billets marqués. Dans ma conviction, un bon tiers des billets mis dans l'urne par tous les partis, étaient marqués dans les dernières élections. (Interruption.) Je me lève pour exprimer ma pensée et non celle de qui que ce soit, ni même celle de mes meilleurs amis. (Interruption.)

Dans une élection mémorable, tous les billets n'étaient-ils pas marqués ? Eh bien, je veux supposer que le tiers ou le quart des bulletins soient marqués ; je n'ai pas besoin de l'hypothèse des deux tiers pour justifier ma thèse.

Je prétends qu'un grand nombre de billets sont marqués et j'ajoute que tous peuvent l'être, en observant strictement la loi, et je vais vous en donner la preuve.

Hier, l'honorable ministre de l'intérieur disait qu'en employant le mot monsieur une seule fois sur chaque bulletin pour les élections de Bruxelles, on pouvait marquer quelques milliards de billets. Cela est vrai ; mais il est étonnant que l'honorable M. Pirmez n'ait pas senti qu'il n'est pas besoin du mot monsieur pour arriver à ce résultat. En changeant alternativement l'ordre des treize candidats sur chaque bulletin, changement que vous ne pouvez pas interdire, en changeant l'ordre d’énonciation des noms des treize candidats de Bruxelles, vous arrivez à obtenir quelques milliards de bulletins marqués et clairement marqués.

Je m'étonne que l'honorable ministre ait perdu de vue cette combinaison algébrique qui nous a été si ennuyeusement enseignée il y a longtemps, hélas !

Messieurs, que sera-ce si, à cette fraude (je dis fraude, d'après vous, puisqu'il en résultera des bulletins marqués) vous donnez des facilites nouvelles par de simples changements d'écriture !

Je vous laisse à penser quel nombre de milliards de bulletins marqués, (page 29) et, notez-le bien, légalement marqués, marqués en observant strictement les dispositions de votre mauvaise loi de 1867, vous obtiendrez pour l'arrondissement de Bruxelles !

Mais, me dira-t-on, la fraude des billets marqués à l'aide de la combinaison que vous indiquez n'est possible qu'à Bruxelles, ou tout au plus dans des arrondissements où il y a plusieurs candidats à élire.

Erreur ! Grandissime erreur ! Les bulletins marqués, légalement marqués, en observant strictement votre loi, sont possibles pour un seul candidat.

Avouez-le franchement ; ici ce ne sont pas des puérilités ; ce sont des observations générales ; ce ne sont pas de petites observations faites à la loupe en faveur de tel ou tel candidat.

Ce que je viens dire aujourd'hui en faveur de M. Van Renynghe pourra être vrai un autre jour peut-être pour M. Van Merris.

Je suppose qu'il n'y ait qu'un membre à élire dans un arrondissement ; ce membre s'appelle Alphonse Vandenpeereboom.

Eh bien, messieurs, je dis que, dans ce cas encore, il y a lieu de marquer des milliers de bulletins et le plus légalement du monde.

Je me contenterai d'une demi-douzaine d'indications ; votre esprit continuera la démonstration,

Un bulletin porte : « Alphonse Vandenpeereboom, représentant sortant », avec un certain éloignement entre l'un ou l'autre mot ; un autre bulletin porte. : « Alfons Vandenpeereboom », avec l'orthographe flamande. Vous reconnaîtrez, je suppose, que le bulletin est légal, à moins de proscrire l'usage de la langue flamande.

Le Flamand se sert aussi des mois : Alphonsus, Alphonsius, tous mots littérairement admis.

M. de Theuxµ. - Et même « fons ».

M. Coomans. - Oui, certes, comme le nom « Frans » au lieu de « François ».

Vous n'auriez pas l'audace d'annuler ces bulletins. (Interruption.) Oh ! non, vous ne le feriez pas. Quand la barrière de l'absurde est arrivée à une certaine hauteur, il n'y a plus que les fous qui la franchissent.

Il y aura encore les bulletins où le mot : « Vandenpeereboom » sera écrit en le divisant en trois mots : « Van den Peereboom », et ces bulletins vous ne pourrez pas les annuler, attendu que ce nom est écrit de différentes manières par les collègues et par d'intimes amis de l'honorable membre qui le porte.

Vous ne pouvez pas exiger de l'électeur plus d'esprit ou de connaissances en orthographe que vous n'en avez vous-mêmes ; la prétention serait exorbitante. Donc vous approuverez le Vandenpeereboom en trois morceaux. L'approuvant en trois, vous devez l'approuver en deux.

Qu'est-ce qui empêche de mettre une majuscule à « Peer », de ne pas en mettre une au « van » sur un autre bulletin ? Qu'est-ce qui empêche de mettre des minuscules au lieu des majuscules ? Pourrez-vous entrer dans ces détails puérils, odieusement ridicules de la part d'une grande assemblée nationale ; et dire : Alphonse est un nom propre qui exige une majuscule, Vandenpeereboom est un nom propre qui en exige une, et discuter la question de savoir si le citoyen belge, le vrai souverain du pays, dont nous ne sommes que les délégués, a le droit d'émettre un suffrage sans majuscule, alors que la grammaire en exige une ? J'aurai des bulletins avec des minuscules plus ou moins reconnaissables, dans lesquels il y aura un E qui sera, d'après les annotations prises, plus élevé que les autres lettres. A supposer que l'E pousse sa tête un peu plus haut que la calligraphie ne le veut, oseriez-vous dire que le bulletin est marqué ?

Au lieu d'un point sur un i, on en met deux. Est-ce un faux bulletin ? Et si l'on n'en met pas, quid juris ? Pourrez-vous exiger que les électeurs mettent toujours les points sur les i, alors que nous ne les mettons pas nous-mêmes ?

.Messieurs, avec un seul nom vous pouvez marquer tous les bulletins, et c'est ici que ma conclusion devient grave : S'il est vrai, et je m'en fais fort, que la marque de tous les bulletins est possible, vous n'avez pas à faire de loi sur la marque des bulletins en dehors des fraudes manifestes. Mais une telle loi doit être faite avec une grande sévérité, avec une grande précision, afin de ne pas introduire l'arbitraire, l'odieux arbitraire dans la matière qui la supporte le moins.

Messieurs, je l'ai dit tantôt, nous n'avons pas le droit d'annuler un suffrage sincèrement émis. Nous n'avons pas le droit de supposer des marques qui peuvent ne pas exister. Chaque fois qu'une interprétation est possible en faveur de la loyauté de l'électeur, c'est cette interprétation que nous devons admettre.

En fait, on annule un grand nombre de bulletins valables, de même qu'en fait vous admettez un bien plus grand nombre de bulletins qui, d'après votre système, lie sont pas valables.

Ainsi, d'une part, vous admettez la fraude dans un grand nombre de cas et d'autre part, sous prétexte de la proscrire, vous décidez arbitrairement dans quelques cas.

Je finis en vous citant, à l'appui de ces observations, deux faits venus à ma connaissance. Ils vous prouveront que ce sont les meilleurs bulletins, les plus sincères que vous proscrivez parfois le plus sévèrement.

Deux frères, honnêtes gens, observateurs scrupuleux de votre loi de 1867, refusent aux émissaires des deux partis non seulement de leur promettre un vote, mais de faire connaître les noms qu'ils se proposent de déposer dans l'urne. Afin de garder mieux le secret, quoique sachant peu écrire, ils tracent eux-mêmes les noms de leur candidat favori sur leur papier ; ces noms étaient parfaitement désignés, mais ils étaient mal orthographiés.

Ces deux bulletins des meilleurs, des plus sincères, ont été annulés. Il s'en est fallu d'une seule voix que l'élection n'eût un résultat contraire à celui qu'elle devait avoir.

Je dis qu'une telle conduite est non seulement odieuse, mais qu'elle est inconstitutionnelle et inconciliable avec les principes élémentaires du gouvernement représentatif.

Ailleurs un catholique influent se rend chez un de ses fermiers libéraux. (Interruption.) Les catholiques ont des fermiers libéraux. Je ne les blâme pas, si les fermiers libéraux labourent bien et payent bien. Le catholique influent se rend chez le fermier libéral et lui remet un bulletin marqué. « C'est parfait, dit le fermier libéral, je le mettrai dans l'urne. » Mais l'électeur était bien décidé à ne pas déposer le bulletin, que fait-il ? Il va chez un de ses voisins, un catholique simple, qui devait, suivant sa conscience, voter pour le candidat catholique, et il lui endosse le bulletin.

Qu'en est-il résulté ? C'est que le bulletin marqué, quoique très sincèrement déposé, a été annulé, tandis que le bulletin véritablement frauduleux a été validé. Le billet sincère, honnête a été annulé et le billet malhonnête a été validé.

Messieurs, vous arrivez tous les jours, en temps d'élection, à des résultats frauduleux, contrairement à votre intention, je l'admets volontiers ; vous voulez purifier les élections, mais vous arrivez à des résultats contraires.

Eh bien, ma conviction profonde est celle-ci, c'est que votre prétention est contraire à la conscience de tous les honnêtes gens, c'est que cette loi de 1867 achèvera de discréditer notre régime électoral ; pour peu que vous avanciez dans cette voie, et la fatalité vous y poussera, vous dégoûterez une foule d'honnêtes gens du service électoral et vous purifierez si bien les élections qu'à la fin il n'y aura plus que les mauvais faiseurs qui y prendront part.

(page 35) M. Teschµ. - L'honorable orateur qui vient de se rasseoir a fait bien plus le procès à la loi de 1867 qu'il ne s'est occupé de l'élection. Il a complètement perdu de vue qu'alors même que cette loi n'existerait pas, nous aurions le droit d'examiner tous les bulletins qui font l'objet de la contestation et de les annuler.

Les bulletins marqués ont été défendus à toutes les époques. Il y a dans la loi de 1867 des énonciations plus précises que celles qui existent dans les lois précédentes, mais l'absence de ces énonciations n'eût en rien empêché l'annulation de ces bulletins et je me serais prononcé sur ce point sous l’empire de la loi ancienne comme sous l'empire de la loi actuelle.

Pour moi, sous ce rapport, la loi n'ajoute absolument rien à l'ancien état de choses.

Messieurs, au point de vue où en est venue la discussion, il me paraît, à moi, manifeste, que la conclusion du bureau principal d'Ypres doit être maintenue, peut-être par d'autres motifs que ceux qui ont été produits, mais il y a évidemment lieu de repousser les conclusions de la commission et de proclamer membre de la Chambre M. Van Merris.

J'entrerai, messieurs, dans très peu de détails. Hier, MM. Vandenpeereboom, de Maere et le ministre de l'intérieur ont démontré, à la dernière évidence, qu'en admettant même les calculs de la commission, il y avait d'autres bulletins qui devaient inévitablement être annulés et établissaient que M. Van Merris avait obtenu la majorité.

En effet, d'après la commission, M. Van Merris aurait obtenu 1,018 voix, M. Van Renynghe 1,021, différence 3.

Eh bien, parmi les bulletins validés par le bureau, il en est 7 qui doivent être sévèrement annulés et qui portent la trace la plus manifeste de la fraude, en ce sens qu'ils sont marqués.

L'honorable M. Liénart a passé avec beaucoup de légèreté sur ces bulletins. Il a dit : C'est un M écrit de telle façon, c'est un r qui se trouve à côté ; puis, il y a deux bulletins qui sont écrits de la même main, mais ils peuvent l'avoir été à des époques différentes.

Il est très facile, messieurs, en supposant telle ou telle hypothèse, de nier la vérité des faits quand on a quelque chose à défendre. Mais, je prends les bulletins tels qu'ils existent et il suffit de les voir pour être convaincu que non seulement ils sont reconnaissables à la vue, mais même à l'ouïe.

II y a trois bulletins, comme le disait l'honorable ministre de l'intérieur, écrits de la même main et qui portent tous en vedette un grand M avec un petit r.

Il n'y a de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Mais il est évident que les trois bulletins que j'ai dans les mains sont faits pour être reconnus. Il résulte de la plume et de l'encre qu'ils ont été écrits au même moment.

Maintenant, comme vous l'a dit hier M. le ministre de l'intérieur, on a varié les noms. Dans un des bulletins, on a écrit « Beke Petrus », dans l'autre, écrit de la même main, « Beke Pieter » ; dans un troisième on a fait disparaître le nom de M. Beke. A qui fera-t-on croire sérieusement que ces bulletins n'ont pas été écrits pour être reconnus ? (Interruption.) S'il s'était trouvé dans l'urne beaucoup de bulletins écrits de mains différentes, je comprendrais que vous veniez soutenir qu'à Ypres on écrit parfois le mot Pierre en latin. Mais il est évident que quand on rencontre dans trois bulletins écrits de la même main trois variantes et cela dans un même bureau, c'est qu'on a voulu que les bulletins pussent être reconnus et par ceux qui se trouvaient derrière le bureau et par ceux qui se trouvaient dans la salle. Ces trois bulletins sont manifestement marqués.

L'honorable M. Liénart parlait d'un travail à la loupe ; il est évident que les bulletins, dont je parle, sont reconnaissables à l'œil nu ; pas n'est besoin de loupe pour reconnaître la fraude, elle est manifeste.

A côté de ces bulletins, il en est d'autres écrits évidemment tout exprès pour qu'on puisse les reconnaître facilement ; il en est qui portent le nom de M. Louis Vandenpeereboom, je laisse de côté l'addition d'une personne qui n'est pas sur les rangs, mais on ne s'est pas contenté de cette indication, il y a sur ces bulletins des signes particuliers ; en effet, l'un de ces noms, celui de Louis Vandenpeereboom, est écrit de main différente.

Admettez-vous, messieurs, que ces bulletins soient valables ? est-ce une chose ordinaire d'écrire des bulletins d'une manière différente, d'y ajouter le nom d'individus qui ne sont pas candidats et de faire ajouter ces noms par d'autres mains, de manière à les faire reconnaître par celui qui est au bureau et par celui qui est derrière le bureau ?

Il y avait encore un autre bulletin qui portait le nom de Mynheer Léo de Florisone. La formule de politesse, qui, a elle seule, devrait entraîner la nullité a été employée, pour marquer le bulletin, car elle n'a été appliquée qu'à l'un des candidats.

Ainsi, en admettant le travail de la commission, il est manifeste qu'il y a des bulletins en quantité suffisante pour déterminer l'élection de M. Van Merris.

On a cité nos discussions, on a cité des extraits de discours, mais on a eu bien soin de ne pas laisser à ces discours leur véritable sens. Il est vrai qu'on a déclaré ici que la qualification de bourgmestre pouvait être ajoutée, mais quand ? Lorsque c'était la seule qualité qu'avait le candidat. Mais il n'est jamais venu à l'esprit de personne qu'on pouvait, en employant la qualification de bourgmestre, la varier de façon à marquer les billets, dire, par exemple, Beke, bourgmestre d'Ypres, Beke, bourgmestre de la ville d'Ypres. Tout cela à été repoussé de la manière la plus formelle.

Eh bien, retranchez encore ces bulletins à M. Van Renynghe, et sa minorité tombe encore beaucoup plus bas qu'elle ne l'est.

Messieurs, je ne veux pas m'appesantir plus longtemps sur cette question. J'ai pris principalement la parole pour répondre à un argument qui revient sans cesse et qui me semble dénué de toute espèce de fondement.

Continuellement on nous parle de la liberté électorale, de la liberté des électeurs ; continuellement on nous dit : Prenez garde, vous allez confisquer là liberté de l'électeur au profit de je ne sais quelle centralisation, a dit l'honorable M. Liénart.

Eh bien, je n'hésite pas à le dire, ceux-là seuls qui prohibent les bulletins marqués sont les véritables défenseurs de la liberté de l'électeur.

- Voix à droite. - Nous sommes d'accord.

M. Teschµ. - Oui, messieurs, c'est là la vérité.

M. Dumortier. - Oui, mais ce n'est pas défendre la liberté de l'électeur que de faire des bulletins marqués de bulletins qui ne le sont pas.

M. le président. - Un peu de patience, M. Dumortier, votre tour va venir.

M. Teschµ. - Messieurs, je m'occupe d'élections depuis très longtemps ; il y a plus de 30 ans que je m'en occupe. Eh bien, jamais je n'ai rencontré un électeur qui ait prétendu qu'il n'avait pas toutes les facilités possibles pour désigner les candidats, en se maintenant dans les termes de la loi. Jamais je n'en ai entendu un seul qui se soit plaint d'avoir vu annuler des bulletins valables. Souvent, au contraire, j'en ai entendu se plaindre des violences qu'on exerçait sur eux en leur imposant des bulletins marqués. Voilà ce dont ils se plaignent fréquemment ; mais jamais de ce que la loi ne leur laisserait pas toute latitude possible.

Maintenant, quand donc nous disons que tout bulletin qui portera des indices, des signes de nature à faire reconnaître celui qui l'aura déposé, doit être annulé, c'est nous qui sommes les véritables défenseurs de la liberté électorale.

Eh, messieurs, en quoi consiste donc cette liberté ? Pour faire valider des bulletins portant le nom d'une personne qui n'est pas sur les rangs, vous invoquez la liberté de l'électeur ; vous prétendez que nous la confisquons au profit de vous ne savez quelle centralisation, en empêchant de faire cela.

Mais en quoi donc, je le demande de nouveau, consiste cette liberté de mettre sur un bulletin le nom d'une personne qui n'est pas sur les rangs ? C'est la liberté de faire une chose parfaitement inutile, en votant pour une personne qui n'aura peut-être que cet unique suffrage dans tout l'arrondissement. Eh bien, si vous proscriviez cette liberté, où serait le grand mal ?

- Voix à droite. - Ah ! ah !

M. Teschµ. - Je le répète, où serait le grand mal de proscrire la (page 36) liberté de voter pour certaines personnes qui vraisemblablement n'auraient qu'un seul suffrage ? Oit serait le mal de proscrire cette liberté de faire une chose parfaitement inutile ?

- Voix à droite. - C'est l'affaire des électeurs.

M. Teschµ. - Mais quelle est l'utilité pratique d'une telle liberté ? (Interruption.) Vous aurez beau m'interrompre ; ce que je dis est parfaitement vrai et vos rumeurs n'empêcheront pas que, dans la pratique, la liberté que vous proclamez si haut, que vous réclamez avec tant d'insistance, ne soit parfaitement inutile. Mais, j'ajoute que cette liberté d'ajouter des noms plus au moins inconnus offre ce grave inconvénient de permettre de marquer des bulletins ou de faire de mauvaises plaisanteries à des électeurs ou à des personnes et de les livrer à la risée du corps électoral.

Ainsi la liberté que vous réclamez avec tant d'ardeur, et que vous allez même jusqu'à élever à la hauteur d'un principe constitutionnel, n'aboutit, dans la réalité des choses, qu'à produire un résultat parfaitement inutile au point de vue électoral, mais très dangereux comme moyen de marquer les bulletins.

M. Liénartµ. - Mettez-le dans la loi.

M. Teschµ. - Mais la Chambre a, sous ce rapport, un pouvoir sommaire, et si elle n’en usait pas, eh bien, nous aurions à voir s’il ne faut pas le mettre dans la loi, pour le moment, c’est parfaitement inutile...

- Des membres. - C'est de l'arbitraire.

M. Teschµ. - Ce n'est pas de l'arbitraire ; c'est pour tout le monde.

Du reste, la loi de 1867 n'a pas exclu cela. Si vous voulez lire le rapport de l'honorable M. Crombez, rapport qui n'a pas été contredit, vous trouverez qu'il admettait parfaitement que si on marquait systématiquement des billets, la Chambre, en vertu de son omnipotence, devrait annuler ces bulletins. Voilà ce qui se trouve dans le rapport de l'honorable M. Crombez ; et, si je ne me trompe, la même opinion a été soutenue sans contradiction par différents membres de cette Chambre ; il en a été de même au Sénat.

Eh bien, il est évident que le bulletin où l'on a ajouté, par exemple, le nom de Putte Léopold, est un bulletin marqué ; sous ce rapport, je ne fais pas la concession qu'a faite hier l'honorable M. Pirmez ; je ne vais pas aussi loin que lui ; le billet où je trouve le nom de Putte est un billet marqué ; prétendrait-on, sous prétexte de liberté électorale, qu'il faut admettre un billet où se trouve un sobriquet ?

Il est manifeste, pour moi, qu'un grand nombre de bulletins qui ont été validés étaient encore marqués et que le bureau aurait parfaitement bien fait de les annuler ; mais ce que le bureau n'a pas fait, la Chambre peut le faire et je l'y convie.

(page 29) M. Dumortier. - Messieurs, vous venez d'entendre l'honorable M. Tesch. Son discours n'est qu'une série d'affirmations sans preuves ; il affirme, il affirme et, à force d'affirmer, il se persuade, il est convaincu d'avoir prouvé.

Ce n'est pas ainsi qu'on procède dans de pareilles questions.

Examinons d'abord quel est le résultat de l'élection d'Ypres.

A Ypres, deux membres de la Chambre sont élus immédiatement et sans contestation ; c'est M. Alphonse Vandenpeereboom ; c'est ensuite M. Pierre, ou Pieter ou Petrus Beke, car les trois manières se disent :

Deux autres candidats obtiennent aussi, cela s'est vu fréquemment par le fait du croisement des votes, plus que la majorité absolue des suffrages.

La majorité absolue était de 1,009 voix ; M. Van Renynghe obtient 1,022 voix, et M. Van Merris, 1,018. Voilà donc le premier fait de l'élection : par conséquent, le corps électoral d'Ypres, appelé à nommer un troisième représentant, a donné quatre voix de plus à M. Van Renynghe, qu'à M. Van Merris. Ce fait ne peut être et n'a pas été contesté.

Si donc vous n'arrivez pas avec ce que j'appelle de la chicane, c'est M. Van Renynghe qui a la majorité ; c'est lui qui est élu.

Or, vous vous garderez de cela ; c'est trop accablant et trop vrai. Je le répète : M. Van Renynghe obtient 1,022 voix et M. Van Merris, que vous voulez faire prévaloir sur M. Van Renynghe n'en obtient que 1,018.

Qu'est-ce donc que toutes ces luttes ? Elles n'ont qu'un seul et unique but : c'est de soutenir que celui qui obtient la majorité des voix du corps électoral n'a que la minorité et que celui qui a la minorité des voix doit avoir la majorité et être proclamé membre de la Chambre des représentants.

M. de Theuxµ. - C'est cela.

M. Dumortier. - Voilà toute la discussion qui nous occupe. (page 30) M. Proudhon a dit : La propriété c'est le vol, et vous dites, vous : La minorité, c'est la majorité.

Et on appelle cela la sincérité des élections !

Oh l que c'est sincère ! Oh ! que c'est édifiant de voir une moitié de cette Chambre montrer au pays le scandale d'une pareille arithmétique !

Le paysan honnête et essentiellement moral ne comprend pas les choses ainsi et si vous êtes ici ses représentants, mais commencez par respecter cette moralité publique qui règne dans le pays.

On a beaucoup argumenté, messieurs, sur les bulletins marqués, et vous avez dû être frappés tous de la discordance complète qui a régné entre tous les orateurs qui ont soutenu l'annulation d'un grand nombre de bulletins.

Le premier qui prend la parole est le plus logique : c'est M. de Maere.

M. de Maere pose des principes et en tire les conséquences ; il est logique ; il est sincère dans ses principes.

Selon moi ses principes sont extrêmes, mais il est resté juste, honnête, loyal.

Il repousse tous ces petits moyens malhonnêtes d'asticotage et il a le courage de vous dire : Hors de là vous tombez dans l'arbitraire ; condamnant ainsi à l'avance l'emploi de ces misérables arguties destinées à justifier une iniquité.

Cette déclaration de M. de Maere, vous ne l'avez pas observée ; donc toute votre argumentation c'est de l'arbitraire pur et simple, de la chicane.

Je vais le démontrer bientôt. Mais d'abord voyons la manière de raisonner de M. de Maere.

Ses principes, à mes yeux, sont extrêmes, mais ils sont sincères. Il pose trois principes :

Il ne veut pas que les bulletins puissent porter le mot « bourgmestre » ; il ne veut pas qu'une énonciation quelconque précède le nom du candidat ; et, en troisième lieu, il ne veut pas que les bulletins soient écrits sur des lignes tracées au crayon.

Hors de là, ajoute-t-il, vous tombez dans l'arbitraire.

Ces prémisses, messieurs, à mes yeux, sont extrêmes.

En effet, messieurs, empêcher l'électeur de faire précéder le nom du candidat du mot « Monsieur, » c'est tout simplement l'empêcher de remplir une formalité de politesse. Comment ! Dans cette Chambre vous voulez qu'on vous appelle « Monsieur et honorable » et, pour y arriver, vous ne voulez pas qu'on dise « Monsieur » et vous prétendez annuler le bulletin qui le porte ! Mais c'est une incivilité et rien de plus, c'est à la civilité puérile et honnête que je dois vous renvoyer.

En second lieu M. de Maere ne veut pas du mot « bourgmestre », sous le prétexte que le mot « bourgmestre » n'est pas l'équivalent d'une profession.

Mais, messieurs, dans tous les actes d'enregistrement la qualité de bourgmestre, comme celle de représentant, de membre de la Chambre, équivaut à l’énonciation d'une profession.

Je n'ai pas l'honneur d'être avocat. La seule chose que je suis, c'est représentant. Vous trouverez donc que je n'ai pas de qualification ? Mais c'est stupide. Evidemment l'on peut me donner le nom de représentant, comme on donnera à l'honorable M. de Maere et à divers de ses collègues, le nom très honorable, je le reconnais, d'avocat.

Voilà donc les principes de l'honorable M. de Maere. Je dois le dire, je n'admets pas ces prémisses, je les trouve extrêmes. Mais, dans son système, il est logique. En est-il de même des autres ?

L'honorable M. Vandenpeereboom, dont l'honorable M. Tesch vient de répéter le discours, et l'honorable M. Pirmez se sont amusés à quoi ? A un système d'épilogage et rien autre chose. Leurs griefs sont résumés en quatre ou cinq points. Permettez-moi de vous les exposer, et ils seront bientôt condamnés. Car, pour la plupart, il suffit de les exposer pour qu'ils soient condamnés.

D'abord ces messieurs valident les bulletins portant le nom de « bourgmestre », mais ils annulent les bulletins portant les mots : « bourgmestre de telle localité ». Ils annulent les bulletins qui sont sur papier ligné. Ils annulent les bulletins portant le nom de la femme. Eh bien, vous aurez beaucoup d'ouvrage si vous annulez tous ces bulletins, et l'honorable M. Tesch pourra être nommé par la Chambre le grand annulateur des bulletins électoraux en Belgique.

Voyons, messieurs, ce qui se passe. Vous savez que l'élection de Bruges a tenu à une seule voix et qu'une seule voix changée validait l'élection de M. Vande Walle. Or, voici un bulletin des élections de Bruges que vous avez validé. Il renferme vos trois griefs et malgré ce bulletin, vous n'avez pas admis M. Vande Walle, mais bien son concurrent M. de Vrière qui, sans lui, n'était pas nommé.

Il est sur papier ligné, et vous l'avez validé.

Il porte le nom de baron Adolphe de Vrière, uyttredendlid, c'est-à-dire membre sortant et non représentant sortant, et vous l'avez validé.

Il porte le nom de M. Léon Dujardin, bourgmestre de Blankenberghe. C'est un bulletin marqué, d'après votre système, et vous l'avez validé.

En troisième lieu, il porte le nom de Joris-Degremont, c'est à dire le nom de la femme, que vous dites être une cause d'annulation et vous l'avez validé.

Ainsi ce bulletin contient les trois griefs que vous articulez contre certains bulletins de l'élection d'Ypres et vous l'avez validé. Qu'est-ce que cela prouve ? Que quand un bulletin contient un nom libéral, vous le validez, et que quand il porte le nom d'un conservateur, il faut l'annuler.

M. Teschµ. - Il fallait dire cela lorsqu'on s'est occupé de l'élection de Bruges.

M. Dumortier. - Ce sont les trois griefs que vous avez invoqués l'un après l'autre. Vous avez dit que les bulletins ne devaient pas être lignés, qu'ils ne pouvaient pas porter les mots de « bourgmestre de », qu'il ne fallait pas mettre le nom de la femme, si ce n'est dans des circonstances exceptionnelles. Voici un bulletin sur lequel vous rencontrez toutes ces circonstances, et vous l'avez validé, tandis qu'aujourd'hui vous prétendez annuler les bulletins qui portent les mêmes indications.

MfFOµ. - Il n'en a pas même été question.

M. Dumortier. - Mais, messieurs, il y a quelque chose de bien plus fort. Voici les trois bulletins incriminés. Voici ces grands coupables qui, au dire de MM. Pirmez et Tesch, doivent faire annuler l'élection de M. Van Renynghe. Ces bulletins, disent-ils, sont des bulletins marqués ! Eh bien, je dis qu'il faut une audace surprenante pour venir dire à cette Chambre, qui possède les bulletins, que ces bulletins sont des bulletins marqués. Comment ! ce sont des bulletins marqués parce qu'il y a « MM. », parce que l'un porte « Pieter Beke » et l'autre « Petrus Beke » !

Mais ne savez-vous donc pas qu'en flamand on dit indifféremment Pieter ou Petrus ? La langue flamande admet les deux noms comme parfaitement synonymes ; on les prononce tous deux à chaque instant, dans le même quart d'heure, et vous viendrez dire que ces bulletins sont des bulletins marqués ! Je le répète, il faut une audace inouïe pour le soutenir, audace d'autant plus inouïe qu'à la page 13 du rapport sous les n°8 et 9, vous trouvez ces mêmes désignalions de Pieter et Petrus Beke sur des bulletins portant le nom de M. Van Merris, et ces deux bulletins, vous vous gardez bien d'en parler.

Cela prouve, messieurs, quelle est la valeur des arguments que l'on emploie pour faire écarter celui qui a été nommé par le corps électoral.

Mais, vous dit-on encore, il faudrait retrancher tous les noms qui ne se rapportent pas aux candidats. Messieurs, quand la loi sur les fraudes électorales a été en discussion, j'ai fait une proposition. J'ai proposé que les candidats reconnus pussent nommer des membres pour contrôler le dépouillement ; et qu'a-t-on répondu ? Vous m'avez répondu : Les listes de candidats sont quelque chose, mais il est loisible à chacun de voter pour qui bon lui semble. Et aujourd'hui vous venez soutenir que les votes donnés par 5, 6 ou 8 électeurs à des personnes qui ne figuraient pas sur les listes de candidats, que ces bulletins sont nuls. Mais oubliez-vous donc que M. Léon de Florisone a été nommé par neuf votes semblables au premier tour ? Il n'avait manqué à M. Malou que 3 ou 4 voix, et ce sont 9 votes comme ceux-là qui ont appelé au ballottage, et par là donné la majorité à M. de Florisone.

Voilà comment vous avez, en toutes choses, deux poids et deux mesures. Vous voulez triompher seuls, vous voulez assurer votre domination par la violence, et le vote que vous allez émettre, s'il est contraire aux conclusions de la commission, sera un acte dont vous porterez la responsabilité devant le pays entier.

MiPµ. - Je ne veux pas rentrer dans l'examen des bulletins de l'élection d'Ypres. Mais je ne puis laisser passer, sans une protestation énergique, cette accusation que l'honorable M. Dumortier n'a pas craint de porter à la tribune, qu'à quelques jours de distance on validait un bulletin pour M. de Vrière alors qu'on en annulait un qui portait le nom de M. Van Renynghe dans les mêmes conditions.

Je sais très bien qu'il n'y a pas un seul membre de la Chambre qui ait pris au sérieux l'accusation de l'honorable M. Dumortier. (Interruption.)

Je sais très bien qu'il n'y a pas sur les bancs de la droite un seul membre qui pense que la Chambre ait voté sur l'élection de Bruges dans un pareil esprit, parce que personne n'ignore que le bulletin, dont parle M. Dumortier, n'a pas été signalé, et que sa validation ou son annulation était chose parfaitement indifférente pour le résultat de l'élection.

M. Dumortier. - Du tout.

MiPµ. - La difficulté qui se présentait pour Bruges était celle-ci. Il s'agissait de savoir si M. Vande Walle avait la majorité absolue au (page 31) premier tour. S'il ne l'avait pas, il fallait nécessairement procéder à un ballottage ; les suffrages attribués à M. de Vrière n'étaient pas engagés dans cette contestation. Au ballottage, M. de Vrière a obtenu 80 voix de plus que son concurrent.

Je le répète donc, pas un membre de la Chambre n'a pu prendre au sérieux la violente sortie de l'honorable M. Dumortier.

Je fais cette protestation parce que je ne veux pas laisser dire dans le pays qu'une pareille accusation ait été proférée sans qu'on lui ait répondu.

Je dirai maintenant un mot de l'élection d'Ypres, mais sans rentrer dans la discussion des bulletins.

Dans toutes les combinaisons, on trouve qu'il y a très peu de voix de différence ; mais il y a un fait qu'on n'a pas signalé, c'est qu'il y a eu, au moment de l'élection, réclamation contre trois électeurs qui évidemment ne pouvaient être portés sur les listes puisqu'ils ne payaient pas le cens.

Le commissaire d'arrondissement a demandé à la députation la radiation de ces électeurs. La députation n'a pas statué avant l'élection ; elle a attendu qu'elle fût consommée pour les rayer de la liste, en sorte qu'ils ont pris part au vote.

M. Delcourµ. - Il faut les retrancher des deux côtés. C'est ce qu'on a fait pour Bruges.

MiPµ. - Dans aucune combinaison la majorité ne pourrait être donnée à M. Van Renynghe. .Je laisse apprécier du reste, d'après les circonstances connues dans la localité, comment les choses se sont passées et comment ces trois électeurs n'ont pas été radiés avant l'élection et l'ont été après.

M. Van Wambekeµ. - Voulez-vous me dire les noms ?

MfFOµ. - Il y a eu réclamation. C'est mentionné au procès-verbal.

M. Van Wambekeµ. - Voulez-vous me permettre, de donner une explication ?

MiPµ. - Volontiers.

M. Van Wambekeµ. - Dans le second bureau, on a réclamé contre le vote des nommés Benoot, Duitschoven et Tops.

Ces trois personnes avaient été éliminées par décision du collège des bourgmestre et échevins de Poperinghe, à la daté du 17 du mois de mai. Elles avaient été rayées. Il faut donc croire que, loin d'être des électeurs favorables à l'élection de M. Van Merris, ils y étaient opposés. Ces trois électeurs n'ont pas réclamé contre cette décision, qui leur a été notifiée le 17 mai ; ils ont laissé écouler le délai voulu.

Lorsqu'ils ont vote on a réclamé, mais ils ont voté malgré la réclamation, et chose étonnante, ces électeurs né figuraient pas dans les listes officielles, mais on les a intercalés après. Ici, messieurs, je ne puis rien affirmer, puisque je n'ai qu'une conviction morale, mais il est présumable que ces trois électeurs ont voté pour M. Van Merris et non pour M. Van Renynghe, puisque ce dernier, bourgmestre de Poperinghe, avait présidé au collège des bourgmestre et échevins de Poperinghe qui avait éliminé les trois électeurs. (Interruption.)

MiPµ. - Votre joie va bien vite cesser, messieurs ; en effet il ne s'agît pas des électeurs dont M. Van Wambeke vient de parler. Voici le fait : Trois personnes, MM. De Neudt, de Wulvershem, Barbry-Lagache et Lagache-Gille, de Neuve-Eglise, qui ne réunissaient pas les conditions pour être électeur, ont pris part au scrutin,

M. Van Wambekeµ. - Ce ne sont pas ceux-là.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Non ; Voulez-vous que j'expose le fait ?

MiPµ. - Volontiers.

(page 34) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - M. le ministre de l'intérieur veut-il me permettre une explication ?

MiPµ. - Volontiers.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je crois, comme l'honorable M. Pirmez, que la droite s'est réjouie trop vite. Je vais lui expliquer les faits et je crois qu'elle ne rira plus.

Voici ce qui s'est passé :

Les administrations communales envoient aux commissaires d'arrondissement les listes électorales arrêtées définitivement par elles. Ceux-ci constatent la date de la remise au commissariat ; les listes transmises au commissaire sont définitives et le droit des administrations communales est épuisé ; elles ne peuvent plus ni inscrire ni rayer les électeurs. Or, qu'est-il arrivé ?

L'administration communale de Poperinghe avait envoyé le 9 mai au commissaire la liste électorale de cette ville, arrêtée définitivement par elle ; le 9 mai, son droit était donc épuisé, or, le 17, cette même administration prend une délibération par laquelle elle raye trois électeurs ; cette délibération est transmise au commissaire d'arrondissement le 21 mai, c'est-à-dire, non seulement à une époque où l'administration communale n'avait plus le droit de rayer des électeurs, mais où personne n'avait plus même le droit d'interjeter appel auprès de la députation, le délai d'appel expirant le 19. Si l'on tolérait pareils abus, il serait facile à toutes les administrations communales de rayer, après coup, les électeurs qui lui déplairaient, et ceux-ci, ne se trouvant plus dans les délais, ne pourraient pas revendiquer leur droit par la voie de l'appel.

Il me reste un détail à expliquer.

On a demandé pourquoi les noms des trois électeurs en question ont été ajoutés après coup sur les listes et portent des numéros bis.

Comme la confection des listes par ordre alphabétique est un long travail, on la commence quelque temps avant l'époque de l'élection, mais on n'inscrit pas sur les listes les noms des électeurs contre lesquels existent des réclamations sur lesquelles il reste à statuer ; l'employé chargé à Ypres de préparer les listes, n'y avait pas inscrit d'abord les noms des trois électeurs de Poperinghe ; mais avant de clore les listes générales, on a reconnu que les radiations faites à Poperinghe le 17 mai étaient tardives, illégales, irrégulières, et on a ajouté les noms de ces trois électeurs pour n'avoir pas à recopier les listés.

Voilà les faits, et la date du 17 mai que portent les délibérations de l'administration de Poperinghe ne peuvent laisser aucun doute.

M. Dumortier. - Et ils ont voté ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et ils ont volé et ils avaient le droit de voter (interruption) et ils ont bien fait de voter, leurs noms figurant sur les listes officielles et définitives.

Messieurs, puisque j'ai la parole, je ne puis me dispenser de signaler à la Chambre un autre fait dont je croyais d'abord ne point parler maintenant, me réservant d'en entretenir la Chambre quand nous aurons à faire une loi pour modifier le mode de révision des listes électorales et le droit d'appel. .

II s'agit de trois faux électeurs qui ont été admis à voter bien qu'on eût rempli toutes les formalités nécessaires pour les faire rayer en temps utile. Voici, messieurs, ce qui est arrivé, et je crois que vous ne rirez plus quand vous m'aurez entendu.

Ces trois électeurs avaient été indûment inscrits sur les listes électorales ; et le commissaire d'arrondissement avait interjeté appel en temps utile, avant le 19 mai, si je ne me trompe. Or, qu'à fait la députation permanente ? Remarquons que les trois électeurs en question sont notoirement connus pour appartenir au parti catholique. La députation n'a pas statué du tout ; elle a laissé passer l'élection et ce n'est qu'après l'élection qu'elle a rayé ces trois faux électeurs.

- Voix à gauche. - Ah ! ah !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Voilà donc trois faux électeurs conservateurs qui ont conservé illégalement un droit qu'ils n'avaient pas et qui ont été admis illégalement à voter ; d'un autre côté, il s'est agi d'un électeur libéral, électeur depuis 30 ans, indûment rayé. La députation a eu bien soin de statuer avant l'élection et de maintenir la radiation sous un prétexte futile.

Voilà, messieurs, des fails graves. Je n'insiste pas en ce moment, la Chambre a hâte d'en finir, mais plus tard, quand nous discuterons la loi annoncée, je. reviendrai sur ces faits et j'en produirai d'autres pour justifier la nécessité de la révision de la loi électorale en ce qui concerne les attributions des députations.

(page 31) MiPµ. - Je n'ai plus rien à ajouter, messieurs, si ce n'est qu'il s'agit bien des nommés De Neudt, Barbry et Lagache, et que j'avais très exactement signalé le fait.

Voilà bien les trois électeurs qui ont voté sans en avoir le droit, la députation permanente ne les a rayés que par arrêtés des 18 et 25 juin.

M. le président. - La parole est à M. Delaet.

- Plusieurs membres : La clôture.

M. Van Wambekeµ. - Je prie M. Delaet de me céder un moment la parole pour rectifier un fait.

M. Delaetµ. - Volontiers.

M. Van Wambekeµ. - Ce que vient de dire l'honorable M. Vandenpeereboom n'est point du tout exact ; je tiens ici à la main des pièces desquelles il résulte que l'allégation de l'honorable Vandenpeereboom relativement aux électeurs Benoot Auguste, Duytschoever Pierre et Tops Charles est complètement inexacte.

Voici les faits tels qu'ils sont constatés par actes authentiqués.

Ces trois électeurs ont été rayés par décision du collège échevinal de la ville de Poperinghe à la date du 17 mai.

L'administration communale de Poperinghe notifie les listes officielles au commissaire d'arrondissement ainsi qu'au gouverneur. Mais en même temps, elle fait savoir au gouverneur ainsi qu'au commissaire d'arrondissement que trois réclamations avaient été produites contre les sieurs Benoot Auguste, Duytschoever Pierre et Tops Charles. A la date du 17 mai et par dépêche n°552, l'administration communale de Poperinghe fait connaître au gouverneur de la Flandre occidentale que ces trois électeurs étaient définitivement rayés, et l'expédition de la décision était jointe à l'envoi.

Par dépêche adressée au commissaire d'arrondissement d'Ypres à la date du 17 mai, n°553, l'administration communale de Poperinghe a aussi envoyé la même expédition à ce fonctionnaire et fait connaître que ces trois électeurs étaient définitivement rayés. Ainsi donc, l'administration communale de Poperinghe a fait ce que la loi lui ordonnait et il n'était plus permis à qui que ce soit d'ajouter, après coup, les noms de ces trois électeurs qui étaient évidemment trois électeurs votant pour la liste catholique.

(page 34) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, quoi qu'en dise M. Van Wambeke, je maintiens les fails que j'ai articulés tantôt.

Je maintiens que les trois électeurs dont il s'agit étaient portés sur les listes définitivement arrêtées par l'administration communale de Poperinghe et envoyées au commissariat de l'arrondissement le 9.

Je maintiens, en outre, que l'arrêté de l'administration de Poperinghe, porte la date du 17 mai.

Je maintiens, en dernier lieu, que ces arrêtés de radiation ne sont arrivés au commissariat d'arrondissement que le 21 mai, c'est-à-dire après que le délai d'appel était expiré.

Ce que j'ai allégué est donc parfaitement exact, et c'est l'honorable M. Van Wambeke qui est dans l'erreur.

(page 31) M. Delaetµ. - Messieurs, je ne m'attendais pas à prendre la parole dans ce débat, quant à l'élection elle-même. J'ai écouté avec la plus scrupuleuse attention tout ce qui s'est dit de part et d'autre dans cette Chambre et je dois avouer que les arguments dont j'ai besoin pour asseoir un jugement certain me font défaut. Il y a des bulletins dont on dit qu'ils sont marqués ; évidemment ce ne sont pas des bulletins marqués ; ce sont des bulletins très sincères. D'un autre côté, on vient de prétendre que trois électeurs dans un sens, et trois électeurs dans un autre, ont été admis au scrutin ou en ont été exclus.

Messieurs, on vous a beaucoup parlé de bulletins marqués ; mais déjà la Chambre elle-même marque les électeurs ; c'est quelque chose de plus fort que les bulletins marqués.

On a prononcé sur quelques bancs de cette Chambre le mot « gâchis » à propos de cette élection. Je crois que le mot est vrai, et que ce que la Chambre aurait de mieux à faire, de plus moral, de plus pratique, de plus sincère, ce serait d'ordonner, comme l'a proposé l'honorable M. Lelièvre, Un scrutin de ballottage, de laisser au corps électoral d'Ypres le soin de décider le débat.

Ainsi que j'avais l'honneur de le faire remarquer tout à l'heure, ce n'e t pas dans le dessein de parler de l'élection d'Ypres que j'ai pris la parole ; c'est plutôt à l'occasion des billets marqués dont il a été tant question dans cette Chambre depuis deux jours.

Je voudrais appeler l'attention de M. le ministre, de l'intérieur ou de M. le ministre des finances, car je ne sais pas pour le moment lequel des deux est chargé du débit du papier électoral, sur un moyen de marquer les billets, fourni par le gouvernement lui-même, à son insu sans doute ; je ne l'en accuse pas ; mon but est simplement d'attirer son attention sur un fait réellement dangereux.

Lors des dernières élections provinciales d'Anvers, les deux partis avaient acheté au gouvernement du papier timbré ; et le gouvernement avait fourni à chacun de ces deux partis un papier tellement différent qu'il suffisait de voir le billet qu'un électeur avait déposé dans l'urne pour savoir dans quel sens il avait voté. On avait donné aux amis du ministère du papier jaunâtre et assez fort, et aux ennemis du ministère un papier blanc et plus faible.

J'avais l'honneur d'être scrutateur à l'un des bureaux ; j'avais pour président à ce bureau un des membres les plus haut placés de l'association libérale d'Anvers ; il me proposa, pour faciliter le travail, de faire des séries. Ayant ouvert une dizaine de billets, je constatai que tous les billets blancs appartenaient à tels candidats, et les billets jaunâtres à tels autres candidats.

Je le fis remarquer à M» le président, qui reconnut immédiatement que j'avais raison. Je fis ensuite des paquets de vingt billets blancs et de vingt billets jaunâtres, et toujours, à une ou à deux exceptions près, le résultat fut le même.

Les séries se suivaient si bien que, lorsqu'il n'y eut plus qu'une soixantaine de bulletins dans l'urne, il me fut facile de les classer avec tant d'exactitude que je pus dire au président : « Il y a deux voix de différence au scrutin », et c'est ce que le procès-verbal a constaté plus tard.

Je n'accuse les intentions de personne, mais je crois devoir appeler toute l'attention du gouvernement sur la fabrication du papier électoral.

Il y a là un moyen de faire la fraude en grand et en très grand ; il faudrait donc, à moins d'en revenir au couloir de M. Crombez, surveiller attentivement l'électeur au moment où il dépose son bulletin afin d'empêcher qua son vote ne soit connu.

(page 32) MiPµ. - Je voudrais bien savoir comment il est possible de pratiquer la fraude indiquée par M. Delaet.

Chaque électeur reçoit cinq bulletins. On ne sait pas évidemment comment les électeurs vont voter et il est impossible d'envoyer des bulletins différents dans chaque bureau.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Delaetµ. - Je demande pardon à la Chambre de prendre encore, une fois la parole, mais je dois faire observer à M. le ministre de l'intérieur que la réponse qu'il vient de faire n'en est réellement pas une.

Je n'ai pas entendu parler, tout à l'heure, des bulletins distribués par le gouvernement, j'ai voulu désigner les bulletins que les associations font distribuer par milliers, dans les grands centres surtout.

Ces bulletins sont faits de papier timbré qu'on achète chez les receveurs de l'enregistrement et sur lequel on autographie le nom des candidats présentés par l'association.

Ce. sont ces bulletins que j'ai voulu désigner.

Les bulletins à la main deviennent tellement rares que je ne désespère pas de voir un de ces jours un des membres de cette Chambre venir prétendre que les billets écrits sont tous des billets marqués. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Il n'y a plus d'orateurs inscrits ; si personne ne demande la parole, je déclare la discussion close.

Une proposition est arrivée au bureau ; il est bien entendu que la clôture de la discussion n'empêche pas l'auteur de la proposition de la développer.

Voici, messieurs, cette proposition :

« Vu le doute, qui résulte des documents, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de décider qu'il y a lieu à ballottage entre M. Van Renynghe et M. Van Merris.

« (Signé) « Van Overloop. »

M. Delaetµ. - C'est la proposition que j'avais l'intention de soumettre à la Chambre.

M. le président. - La parole est à M. Van Overloop pour développer sa proposition.

M. Van Overloopµ. - Messieurs, la proposition que je viens de soumettre au bureau a déjà été développée par l'honorable M. Delaet et par l'honorable M. Lelièvre.

Comme il y a doute, selon moi, sur le point de savoir qui est l'élu de la majorité du corps électoral, je crois qu'il est de la dignité de la Chambre et conforme aux règles de la justice de renvoyer MM. Van Renynghe et Van Merris devant le bureau électoral d'Ypres. En agissant ainsi, notre impartialité ne pourra pas être soupçonnée.

M. le président. - Nous sommes en présence de trois propositions.

La première est celle de la commission, qui propose l'admission de M. Van Renynghe ; la seconde est celle de M. Van Overloop, qui tend à ce que la Chambre ordonne un scrutin de ballottage, et la troisième est d'admettre M. Van Merris comme membre de la Chambre.

Il est évident que ces trois propositions jaillissent du débat.

Comme la proposition présentée par M. Van Overloop a la nature d'une proposition d'ajournement, elle doit être mise la première aux voix.

Je vais donc mettre la proposition de M. Van Overloop aux voix.

- De toutes parts. - L'appel nominal.

- Il est procédé à l'appel nominal.

En voici le résultat :

102 membres sont présents.

44 répondent oui.

57 répondent non.

1 (M. Dumortier) s'abstient.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Reynaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Coomans, Coremans, de Clercq, de Coninck, de Haerne, E. de Kerckhove, Delaet, Delcour, de. Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Gerrits, Hayez, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs et Nothomb.

Ont répondu non :

MM. Pirmez, Rogier, Sabatier, Schmitz, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Watteeu, Allard, Anspach, Beke, Bieswal, Bou-vier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Bruneau, Carlier, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Moor, de Rongé, de Rossius, Dethuin, de Vrière, de Vrints de Treuenfels, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lambert, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Moreau, Mouton, Nélis, Orban, Orts et Dolez.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Dumortier. - Les réponses qui m'ont été données n'ont rien prouvé, puisque en supposant que. les trois votes dont on a parlé fussent nuls, il faudrait les défalquer à l'un et à l'autre des candidats. Dès lors, l'élection de M. Yan Renynghe est pour moi aussi claire que le jour. Je ne veux pas le renvoyer devant ses électeurs, je veux voter pour la validité de son élection.

M. le président. - Je mets aux voix les conclusions de la commission.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix par appel nominal.

100 membres répondent à l'appel.

35 votent pour les conclusions.

61 votent contre.

4 s'abstiennent.

En conséquence les conclusions de la commission ne sont pas adoptées.

Ont voté l'adoption :

MM. Reynaert, Tack, Thibaut, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Wambeke, Vermeire, Wasseige, Wouters, Beeckman, Coomans, de Clercq, de Coninck, de Haerne, de Kerckhove (Eugène), Delcour, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Hayez, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs et Nothomb.

Ont voté le rejet :

MM. Pirmez, Rogier, Sabatier, Schmitz, Tesch, Thienpont, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Watteeu, Allard, Anspach, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Bruneau, Carlier, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Moor, de Rongé, de Rossius, Dethuin, de Vrière, de Vrints de Treuenfels, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jouet, Jouret, Lambert, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Moreau, Mouton, Nélis, Orban, Orts et Dolez.

Se sont abstenus :

MM. Coremans, Delaet, Gerrits et Jacobs.

M. Coremansµ. - Ayant voté le renvoi des deux candidats devant le corps électoral, j'ai cru devoir m'abstenir de me prononcer pour l'admission de l'un d'eux.

M. Delaetµ. - Tout à l'heure, j'ai eu l'honneur de dire que le débat devant la Chambre n'avait pas jeté sur la question assez de lumières pour me permettre d'asseoir un jugement loyal et certain ; j'ai donc fait, avec l'honorable M. Van Overloop, une proposition que la Chambre n'a pas admise. Après le rejet de cette proposition, je ne pouvais plus émettre, pour mon compte, qu'un vote de parti, et comme je n'aime pas à émettre des, votes de parti, j'ai dû m'abstenir.

M. Gerritsµ. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que M. Coremans.

M. Jacobsµ. - Si pour moi il est certain que M. Van Merris n'est pas élu, il n'est pas certain que M. Yan Renynghe le soit ; c'est ce qui m'a décidé à voter la proposition d'ordonner un ballottage.

- L'admission de M. Van Merris est mise aux voix par appel nominal.

93 membres sont présents.

57 adoptent.

36 rejettent.

En conséquence, M. Van Merris est proclamé membre de la Chambre.

Ont voté l'admission :

MM. Pirmez, Rogier, Sabatier, Schmitz, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Watteeu, Allard, Anspach, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Bruneau, Cartier, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Moor, de Rongé, de Rossius, Dethuin, de Vrière, de Vrints de Treuenfels, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lambert, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Moreau, 3Iouton, Nélis, Orban, Orts et Dolez,

(page 35) Ont voté contre l'admission :

MM. Reynaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Overloop, Van Wambeke, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Coomans, Coremans, de Clercq, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Gerrits, Hayez, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs et Nothomb.


La Chambre autorise le bureau à compléter la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur le recours en cassation contre les décisions des députations permanentes en matière d'impositions communales.

M. le président annonce que la commission de comptabilité est composée de MM. Jonet, Vander Donckt, Braconier, Bouvier-Evenepoel, Wouters et Lefebvre.

- La séance est levée à 5 heures.