(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 13) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière, séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Verheggen prie la Chambre de lui faire remettre la croix de l'Ordre de Léopold qu'il prétend lui avoir été conféré, ou l'un des rapports adressés contre lui. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le commissaire de police, officier du ministère public près le tribunal de simple police à Namur, prie la Chambre de faire accorder un traitement ou une indemnité aux commissaires de police qui remplissent les fonctions de ministère public. »
M. Lelièvreµ. - J'appuie cette pétition, fondée sur les plus justes motifs, et je demande, qu'elle soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice.
- Adopté.
« Le sieur Masquelin demande qu'il y ait autant de collèges électoraux qu'il y a de membres à élire pour la Chambre des représentants. »
- Renvoi a la commission des pétitions.
« Le. sieur de Paepe demande que le Musée royal d'armures, d'antiquités et d'artillerie soit, comme les autres musées de l'Etat, ouvert au public tous les jours. »
- Même renvoi.
« Le sieur Machuray réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement de ce qui lui est dû par l'administration communale d'Ensival. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Solre-Saint-Géry demande la construction immédiate du chemin de fer de Frameries à Chimay. »
- Même renvoi.
« Les habitants d'une commune non dénommée prient la Chambre d'engager MM. les ministres à mettre immédiatement à la retraite les fonctionnaires, ressortissant à leur département, qui ont dépassé l'âge de 75 ans. »
- Même renvoi.
« Les propriétaires de petites maisons des communes de Marchienne-au-Pont et Monceau-sur-Sambre demandent la révision de la loi qui régit les rapports de propriétaires à locataires de petites maisons. »
- Même renvoi.
« Des propriétaires et cultivateurs demandent la suppression des arbres qui bordent les routes de l'Etat dans la traversée du canton de Gembloux. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Hasselt demande la restitution des droits de succession à payer sur le legs de cinq mille francs de livres fait à cette ville par feu l'avocat Bellefroid. »
- Même renvoi.
« Le sieur Jules Viot, voiturier à Bourseigne-Neuve, né dans cette commune, demande la naturalisation ordinaire, avec exemption des droits d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« MM. Crombez et David, retenus par des affaires, et M. De Lexhy, empêché par la maladie grave de sa mère, demandent un congé de quelques jours. »
- Accordé.
MM. de Vrière, Nothomb et de Borchgrave, dont les pouvoirs ont été validés dans une précédente séance, prêtent serment.
Ils sont proclamés membres de la Chambre des représentants.
M. le président. - J'ai eu l'honneur de remplir près du Roi la mission dont vous m'avez chargé.
Sa Majesté a été profondément émue des témoignages de sympathie et des vœux que votre président lui apportait.
Elle m'a chargé de vous remercier, au nom de la Reine comme au sien, de ces témoignages d'autant plus précieux qu'ils leur étaient donnés par l'assemblée tout entière, unie, comme toujours, dans ses sentiments d'affection pour la Famille royale. Dites à la Chambre, a ajouté le Roi avec un accent dont je tenterais vainement de vous rendre l'expression, qu'à la vie de notre jeune fils se rattachent non seulement notre tendresse et notre sollicitude paternelles, mais encore l'espoir des services qu'il pourrait rendre un jour au pays, en lui consacrant, comme nous tous, son dévouement. (Très bien.)
M. le président. - Les conclusions de la commission tendent à ce que M. Van Renynghe soit proclamé membre de la Chambre des représentants.
M. de Maere. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de faire partie de la commission chargée de vérifier le résultat des élections d'Ypres. J'appartiens à la minorité de la commission et je n'ai pu me rallier aux conclusions du rapport que vous avez sous les yeux.
Je demandé à la Chambre de pouvoir faire connaître en quelques mots les motifs du vote négatif que j'ai émis.
Mais auparavant il est nécessaire de résumer les faits.
Au mois de juin dernier ont eu lieu à Ypres des élections pour trois membres de la Chambre des représentants.
D'après le procès-verbal du bureau principal qui nous a été remis ; 2,025 électeurs ont pris part au scrutin ; 7 billets blancs ont été trouvés dans l'urne et, de plus, 47 bulletins dont la validité a été contestée.
Le bureau d'Ypres a examiné les 47 bulletins contestés et de ce nombre en a annulé 19, dont 14 portaient le nom de M. Van Renynghe et 5 celui de M. Van Merris. Défalquant donc des 2,025 votes émis, d'abord les 7 billets blancs, puis les 19 bulletins déclarés nuls, le nombre des suffrages valables a été fixé à 2,025 moins 26, c'est-à-dire à 1,999 ; et dès lors la majorité absolue à 1,000 voix.
Quatre candidats ont obtenu, au premier tour de scrutin, plus de la majorité absolue des voix :
M. Vandenpeereboom, 1,275 votes.
M. Beke, 1,242 votes.
M. Van Merris, 1,013 votes.
M. Van Renynghe, 1,008 votes.
Et le bureau a proclamé membres de la Chambre : MM. Vandenpeereboom, Beke et Van Merris.
Voilà les faits :
Les deux premiers membres ayant déjà vu leurs pouvoirs validés par la Chambre, ils sont hors de cause, et notre examen ici doit se borner aux seules opérations du bureau d'Ypres qui concernent MM. Van Merris et Van Renynghe.
Eh bien, messieurs, je le dis sans hésiter, je ne puis me rallier en tous les points à la manière de voir du bureau d'Ypres, et je ne puis approuver complètement la façon dont le dépouillement des 47 bulletins contestés a été fait par lui. A plus forte raison, je ne puis partager l'opinion qui a prévalu au sein de votre commission, par 4 voix contre 3.
Et voici mes motifs :
En matière de contestations, surtout lorsque celles-ci portent sur des faits en quelque sorte matériels, la première règle à établir c'est d'en avoir une.
Il faut partir d'un principe unique et, sans se préoccuper du résultat auquel on arrive, l'appliquer à tous les cas. Il y a une question plus haute que celle de faire entrer ici un candidat quelque méritant qu'il soit, c'est de sauvegarder notre dignité, c'est de faire en sorte que l'impartialité de la Chambre ne puisse pas seulement être soupçonnée.
Donc, plus la règle que vous vous serez tracée a priori sera rigoureuse, moins elle souffrira d'exceptions, plus inattaquable sera la position que vous vous serez faite, ce qui est essentiel dans une question où l'esprit de parti est souvent accusé de jouer un grand rôle.
Heureusement, les termes clairs et précis de la loi sur les fraudes électorales vont rendre notre râche facile. En effet, que disent les articles 6 et 7 de cette loi ?
« Art. 6. Les candidats ne pourront être désignés que par leurs nom de famille, prénoms et profession. Les qualifications de sénateur, représentant ou conseiller sortant pourront suivre ou remplacer l'indication de la profession.
« Le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari.
« Le nom de famille est une désignation suffisante, s'il n'y a pas, dans la circonscription électorale, un autre candidat, notoirement connu comme tel, qui porte ce nom.
(page 14) « Art. 7. Sont nuls :
« 1° Les bulletins qui ne contiennent aucun suffrage valable ;
« 2° Les bulletins portant d'autres désignalions que celles qui sont autorisées par l'article précédent, à moins qu'elles ne soient indispensables pour distinguer les candidats de personnes qui auraient les mêmes nom, prénoms et profession ;
« 3° Les bulletins qui contiennent plus de noms qu'il n'y a de membres à élire ;
« 4° Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître, ou portant à l'intérieur du pli des marques, ratures, signes ou énonciations de nature à violer le secret du vote,
« 5° Les bulletins qui ne sont pas écrits à la main, autographiés ou lithographiés ; ceux qui, étant autographiés ou lithographies, ne seraient point la reproduction de l'écriture usuelle à la main, ou qui ne seraient pas écrits, autographiés ou lithographiés à l'encre noire ;
« 6° Les bulletins qui, au premier tour du scrutin, ne seraient pas timbrés ou dont les formes ou dimensions auraient été altérées.
« En cas de contestation, le bureau en décidera, sauf réclamation.
« Les bulletins de vote annulés ou ayant donné lieu à une contestation quelconque, seront parafés par les membres du bureau et annexés au procès-verbal.
« Le texte du présent article et de l'article précédent sera imprimé sur chaque lettre de convocation. »
Donc, messieurs, et c'est ainsi que j'ai procédé dans le dépouillement auquel je me suis livré : sont nuls tous les bulletins, à quelque candidat qu'ils appartiennent, je ne m'en suis pas préoccupé, qui portent d'autres énonciations que les cinq énonciations autorisées et énumérées à l'article 6 ; à savoir : 1° prénoms ; 2° nom de famille ; 3° nom de la femme ; 4° profession ; et 5° la qualification de représentant sortant.
Cela étant, voici le résultat auquel je suis arrivé.
Parmi les 47 bulletins contestés, 10 portaient la qualification de bourgmestre. Je les annule. Bourgmestre est une qualité, une fonction, ce n'est pas une profession.
Je discuterai cela tout à l'heure si l'on veut.
19 bulletins portaient une énonciation que l'article 7 défend formellement, puisqu'elle n'est pas énumérée à l'article 6 ; c'est celle de « Monsieur ».
Dans les 19 billets que j'annule de ce chef, la qualification de « Monsieur » est écrite de toutes les manières possibles : M., MM., Mr., Mons,. Mynheer ; tantôt placée devant un seul nom, tantôt en vedette ; au milieu, en haut ou en bas.
Il est impossible d'admettre un seul de ces billets. Il ne s'agit pas, en les examinant, de rechercher l'intention de fraude ou la bonne foi. Il y a un fait matériel devant lequel il faut s'incliner. Il y a une énonciation inscrite qui n'est pas autorisée, donc il faut annuler le bulletin.
2 autres billets, enfin, portent des marques d'une autre nature.
L'un d'eux : trois lignes fort apparentes tracées au crayon ; l'autre est écrit diagonalement ; évidemment, on ne saurait les admettre ni l'un ni l'autre.
J'arrive donc en tout à déduire 31 billets des 47 dont la validité a été contestée :
10, à cause de la qualification de bourgmestre.
19, à cause des énonciations diverses de « Monsieur »
2, parce qu'ils sont marqués.
Si à ces 31 bulletins j'ajoute les 7 billets blancs trouvés dans l'urne, je suis amené à soustraire des 2,025 votes émis, 38 voix ; dès lors le nombre des bulletins valables descend à 1,987, et la majorité absolue à 994.
Voyons maintenant ce que vont devenir les suffrages obtenus respectivement par MM. Van Merris et Van Renynghe ; de combien il faudra les réduire en leur appliquant la règle unique que je me suis tracée.
Des 10 bulletins annulés à cause de la qualification de bourgmestre, 8 portaient le nom de M. Van Renynghe, 2 celui de M. Van Merris.
Des 19 billets portant les énonciations différentes de Monsieur, 18 étaient pour M. Van Renynghe, 3 pour M. Van Merris, deux billets étaient communs aux deux candidats.
Enfin, sur les deux billets marqués se trouvait le nom de M. Van Renynghe. Total à retrancher :
Pour M. Van Renynghe, 28.
Pouf M. Van Merris ; 5.
Le bureau d'Ypres, en défalquant 14 voix à M. Van Renynghe, a porté le nombre de votes obtenus par lui à 1,008 ; de ce nombre, il faut maintenant en déduire 14 autres, ce qui réduira le chiffre réel de suffrages valables donnés à ce candidat à 994.
Le même bureau a fixé le nombre de votes obtenus par M. Van Merris à 1,013, en lui enlevant 5 billets déclarés nuls.
Le dépouillement que j'ai fait me conduisant également à annuler 5 billets au détriment de M. Van Merris, il en résulte que le nombre de suffrages valables obtenus par ce candidat reste fixé à 1,013. Seulement les bulletins que j'ai déduits ne sont pas les mêmes que ceux que le bureau d'Ypres a retranchés. J'en ai devant moi la note exacte et je puis la communiquer à la Chambre.
Voici donc le résultat final de l'élection d'Ypres, tel que, suivant moi, il aurait dû avoir été proclamé :
Nombre de votants, 2,025.
Bulletins valables, 1,987.
Majorité absolue, 994 voix.
M. Van Merris, 1,013 voix.
M. Van Renynghe, 994 voix.
En conséquence : M. Van Merris est élu membre de la Chambre des représentants.
Je suis arrivé, messieurs, je tiens à le redire, à ce résultat, sans autre parti pris que celui de suivre une règle précise et invariable.
J'ai appliqué la loi purement et simplement. Je n'ai pas cherché à la refaire, à l'améliorer, ni même à l'interpréter, je. l'ai appliquée rigoureusement, uniformément.
Les termes de cette loi, d'ailleurs, sont si clairs, si précis, si nets ; les cas de nullité qu'elle prévoit sont, dans l'espèce, d'une si grande évidence, que je n'ai pas même dû recourir aux discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte, lors de sa présentation.
Quand un texte est douteux et obscur, quand il s'agit d'une loi organique, d'une loi de principe, il peut être nécessaire de rechercher l'esprit qui a guidé le législateur, la pensée qui a présidé à la rédaction.
Mais quand il s'agit d'une loi d'application, d'une loi comme celle dont nous nous occupons, faite dans un but spécial, faite pour réprimer des fraudes qui se commettent précisément en inscrivant sur les bulletins électoraux toute espèce de qualifications ; quand, de plus, on se trouve en présence d'un texte formel qui énumère, qui limite, qui fixe à cinq le nombre d'énonciations permises, il n'y a plus lieu de discuter, de s'enquérir, d'interpréter ; il faut appliquer et appliquer strictement. Quand il n'y a ni obscurité, ni doute, il n'y a pas lieu d'interpréter. C'est ce que j'ai fait, et c'est ce que je viens prier la Chambre de faire. Un seul papier, une seule formule, c'est toute la loi.
Ne quittons pas le terrain de la certitude, de la certitude en quelque sorte matérielle ; nous tomberions immédiatement dans le domaine de l'appréciation individuelle, c'est-à-dire dans l'arbitraire, dans l'inconnu.
Pour tous ces motifs, je n'ai pu me rallier aux conclusions de votre commission. J'aime à croire que la Chambre partagera ma manière de voir et qu'elle validera les pouvoirs de M. Jules Van Merris, élu représentant par l'arrondissement d'Ypres, par 1,013 suffrages valables contre 994 données à M. Van Renynghe.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Comme l'honorable M. de Maere, je viens combattre le rapport de la commission et défendre le résultat proclamé par le bureau d'Ypres.
Toutefois, messieurs, je n'admets pas complètement le système tout à fait radical que l'honorable collègue vient de préconiser. Je crois que nous pouvons, tout en observant strictement la loi, discuter les différents bulletins, c'est ce que je me propose de faire.
J'ai d'abord deux observations à soumettre à la Chambre : la première, c'est qu'au mois de mai 1867, lorsque la législature a voté la loi sur les fraudes électorales, elle a eu l'intention formelle de porter une loi sévère, restrictive, limitative ; elle a indiqué les énonciations que les électeurs étaient autorisés à placer sur leur bulletin et elle a déclaré que tout autre indication, marque ou signe rendait ces bulletins nuls. Si nous voulons que la loi que nous avons faite produise de bons effets, il faut que nous prêchions d'exemple et que nous-mêmes nous l'appliquions sévèrement.
Je ferai observer, en second lieu, que la loi de 1867 permet l'usage de bulletins autographiés et lithographiés. C'est une excellente mesure ; là où elle est mise en pratique, on en a obtenu les meilleurs résultats ; mais quand on fait un tirage presque général de bulletins autographiés, il en résulte que les bulletins écrits étant fort rares fixent beaucoup plus l'attention et que, par conséquent, la moindre marque, la moindre indication illégale dans le but de faire connaître l'électeur, sont plus facilement remarquées.
J'en conclus encore une fois que la Chambre doit dans l'examen de ces bulletins se montrer très sévère.
Le bureau d'Ypres a admis 1,999 bulletins valables ; il en a attribué 1,013 à M. Van Merris et 1,008 à M. Van Renynghe ; M. Van Merris a été proclamé représentant par le bureau.
Ce bureau était composé de personnes très honorables, de magistrats très (page 15) estimés, appartenant aux deux partis ; ils doivent inspirer une confiance entière et présenter des garanties d'impartialité incontestables.
Le bureau d'Ypres a donc admis 1,999 bulletins et a proclamé M. Van Morris représentant.
La commission, elle, a changé tout cela ; elle s'est substituée au bureau ; elle a fait un nouveau procès-verbal, et elle en arrive à faire tout autre chose que ce qui a été constaté et arrêté par les membres du bureau qui, étant sur les lieux, pouvaient parfaitement apprécier les faits.
Par quel procédé la commission est-elle venue à ce résultat ? Par un procédé d'une simplicité extrême. La commission a purement et simplement validé tous les bulletins qui ont été déposés dans l'urne.
Que des bulletins aient été annulés par les bureaux d'Ypres, peu importe : ces bulletins sont validés par la commission ; tout a été parfait dans l'élection ; il n'y a pas eu la moindre fraude ; et, comme conséquence de ce procédé, la commission en arrive à proposer de faire proclamer M. Van Renynghe représentant. Cela se conçoit : à Ypres, on avait annulé 13 bulletins portant le nom de M. Van Renynghe, et seulement 5 portant le nom de M. Van Merris ; la commission a donc compté 15 voix de plus à M'. Van Renynghe et seulement 5 voix de plus à M. Van Merris ; le second, n'ayant obtenu que trois voix de plus que le premier, M. Van Renynghe doit être proclamé représentant.
J'avoue que l'appréciation de la commission est très flatteuse pour moi et pour les électeurs d'Ypres. Quoi ! dans un collège électoral où 2,025 électeurs viennent déposer leurs bulletins, où la lutte est vive, animée, où du résultat de l'élection peut dépendre le triomphe complet ou l'échec d'une opinion dans l'arrondissement, il n'y a pas une seule tentative de fraude, pas un seul bulletin marqué ! tout se passe fort régulièrement, et la Chambre, peut, d'après la commission, admettre tous les bulletins annulés par les bureaux d'Ypres. Quelque flatteuse que puisse être cette appréciation, je ne puis cependant partager cette excellente opinion de la commission, et je crois que plusieurs des bulletins déposés dans l'urne ont été marqués, soit qu'ils aient été annulés par le bureau, soit qu'ils aient été validés par lui.
J'examinerai donc, messieurs, le rapport de la commission, et pour me faire mieux comprendre, je partirai du point d'où la commission elle-même est partie.
Deux questions de principe ont été soulevées au sein de la commission ; on s'est demandé si les bulletins portant, le mot « bourgmestre » ajouté au nom du candidat devaient être annulés, soit que le mot « bourgmestre » fût seul, soit qu'il fût suivi de variantes.
J'examinerai tantôt cette question.
On s'est demandé en outre si un bulletin était nul parce qu'un nom de citoyen non reconnu comme candidat était porté sur ce bulletin.
Cette seconde question, messieurs, me semble controversable.
Il peut y avoir des circonstances où un nom ajouté ne rend pas le bulletin complètement nul ; il peut y avoir d'autres circonstances où cette adjonction peut devenir une cause de nullité. Mais ici le cas est sans importance.
Le bureau d'Ypres a annulé certains bulletins et il en a validé d'autres.
Je me proposais de demander à la Chambre d'admettre, dans le cas qui nous occupe, un principe unique : admettre tous les bulletins ou les annuler tous.
La commission est allée au-devant de nos désirs.
J'admets donc, sauf toutes réserves quant à la question de principe et quant à certains bulletins nuls pour d'autres motifs, l'interprétation que la commission a donnée, bien que cette interprétation soit moins favorable à la cause que je défends que l'autre : 9 bulletins portant le nom de tiers ayant été donnés à M. Van Renynghe et 6 seulement à- M. Van Merris.
J'examine donc les divers bulletins contestes qui sont annexés au procès-verbal.
Il en est cinq dont je demanderai à la Chambre de ne pas l'entretenir. Ils sont sans importance quant au résultat définitif, puisqu'ils portent tous les deux le nom de M. Van Renynghe et celui de M. Van Merris. Ils ne peuvent donc modifier en rien le résultat de l'élection. En n'en parlant pas, je simplifie le débat ; j'arrive aux autres bulletins.
Un bulletin a été annulé par le premier bureau parce qu'il était écrit sur des lignes tracées au crayon. Ce bulletin est le seul, sur les 2,017 qui ont été déposés dans l'urne, qui soit écrit sur lignes au crayon.
M. Van Wambekeµ. - Qu'en savez-vous ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est le seul, parce que les partis qui sont aux aguets auraient parfaitement demandé l'annulation des bulletins écrits dans les mêmes conditions.
Un seul bulletin écrit sur des lignes tracées au crayon a donc été déposé dans l'urne.
Ce bulletin a été annulé parce qu'on l'a considéré comme portant des signes formellement prohibés par la loi. (Interruption.)
Je demanderai à mes honorables adversaires de ne pas m'interrompre. Il s'agit ici d'examiner différentes hypothèses et il est assez difficile de suivre ses idées quand on est constamment interrompu.
Je persiste à croire que ce bulletin doit être annulé, parce qu'il porte des signes, des marques qui sont proscrits par la loi.
Un second bulletin a été annulé parce qu'il portait le nom de M. Brunfaut, Auguste. Ce nom est mal orthographié. Au lieu d'être écrit Brunfaut, Auguste, il est écrit Brunfault avec un L.
Mais ce n'est pas tout. Sur ce bulletin se trouve une autre indication, le nom de Putte Léopold. Or ce n'est pas là un nom de famille, c'est un sobriquet d'un individu qui a été condamné et qui a quitté la ville ; le véritable nom de cet individu, c'est Van de Pitte. Or, on ne peut pas prétendre que ce billet ne soit pas un billet marqué, lorsqu'il porte un nom qui n'en est pas un, mais un sobriquet. Aussi ce bulletin a-t-il été annulé à l'unanimité, sans délibération aucune.
Un troisième bulletin porte en tête deux MM. ensuite mon nom, puis celui de M. Van Renynghe, avec la mention de représentants sortants, et Heyndrick-Deghelcke, Auguste.
Le bureau a annulé ce bulletin, qui est marqué. Il indique en effet le nom de la femme, de M. Heyndrick.
La loi, je le sais bien, a autorisé à ajouter au nom du candidat celui de son épouse ; mais c'est à condition que la personne soit généralement connue sous ce double nom.
- Des membres. - Non ! non !
M. le président. - N'interrompez pas. Vous répondrez tout à l'heure.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est dans l'esprit de la loi. C'est dans ce but que l'article a été fait, et voici ce que dit le rapporteur de la section centrale. Comme j'avais prévu cette d'interruption, j'ai copié ces quelques lignes du rapport :
« Le deuxième paragraphe de l'article 7, devenu l'article 6, a pour but de convertir en disposition législative une observation insérée dans l'exposé des motifs : le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari, mais seulement lorsque l'usage aura réuni ces deux noms de manière à n'eu former qu'un seul, servant habituellement à designer le candidat. »
Voilà le motif de la disposition. Il est inséré dans le rapport de l'honorable M. Crombez en termes formels.
Et cela se conçoit ; ajouter le nom de la femme d'un candidat, quand celui-ci n'est pas connu sous ce nom, c'est évidemment marquer un billet. Si, dans une élection, un bulletin porte, par exemple, le nom de notre honorable collègue, Frère-Orban, évidemment personne ne songerait à contester la validité de ce bulletin, parce que M. le ministre des finances est généralement connu sous ce nom. Mais si dans une élection pour le Sénat, par exemple, il se trouvait un bulletin, un seul portant le nom de M. le ministre des affaires étrangères et si ce bulletin était ainsi conçu : Vanderstichelen-Rogier, Jules, direz-vous que c'est là le nom qu'on donne habituellement à l'honorable M. Vanderstichelen ? Direz-vous que ce bulletin n'est pas un bulletin marqué ?
M. Heyndrick est connu a Ypres sous le nom d'Auguste Heyndrick, mais personne ne le désigne sous le nom de Heyndrick de Gheceke, pas plus que son frère, M. Heyndrick, conseiller à Bruxelles, n'ajoute à son nom le nom de sa femme.
Or, si des bulletins ainsi libellés étaient déposés dans l'urne, je les considérerais comme des bulletins marqués. Un quatrième bulletin, messieurs, est ainsi conçu :
En vedette il y a deux M ; après, vient mon nom, puis le nom de M. Charles Van Renynghe, et en troisième lieu les mots uittrredende leden entre parenthèse.
Ce bulletin a été annulé d'abord à cause des MM., puis, parce que j'étais, moi aussi, membre sortant, et enfin à cause de la parenthèse qui est un véritable signe, de nature à faire reconnaître l'électeur.
Le bureau a pensé avec raison que ce bulletin était marqué et il l'a annulé sans la moindre difficulté.
Ainsi donc, messieurs, voilà quatre bulletins qui, d'après moi, doivent rester annulés. Si la Chambre partage cette manière de voir, des ce moment, dans le système même de la commission, M. Van Renynghe a moins de voix que M. Van Merris.
Si on déduit ces 4 bulletins, il ne reste à M. Van Renynghe que 1,017 voix, et M. Van Merris en a 1,018.
6
Maintenant, messieurs, examinons la question de savoir si l'adjonction du mot « bourgmestre » au nom d'un candidat rend le bulletin nul.
10 bulletins, d'après le tableau de la commission, portant le mot « bourgmestre » avec ou sans variantes, ont été annulés. J'ajoute qu'un autre a été validé, de sorte qu'il y a en tout 11 bulletins portant la qualification de « bourgmestre » ; neuf de ces bulletins portent le nom de M. Van Renynghe et deux le nom de M. Van Merris. Ces bulletins sont-ils nuls ?
Il me semble qu'il serait difficile de dire oui d'une manière absolue. Cependant la loi, lorsqu'on l'examine, semble ne laisser aucun doute.
L'article 6 porte, en effet :
« Art. 6. Les candidats ne pourront être désignés que par leurs nom de famille, prénoms et profession. Les qualifications de sénateur, de représentant ou conseiller sortait pourront suivre ou remplacer l'indication de la profession. »
La loi porte que toute indication autre que celles-là rend le bulletin nul.
Pour corroborer ce que je viens de dire, je demanderai à la Chambre la permission de lui lire un court extrait du rapport fait par l'honorable M. Crombez sur les fraudes électorales.
« L'article 34 de la loi électorale, disait le rapporteur, prononce la nullité de tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante, mais cette loi ne contient aucune explication sur le mode de désignation ; cette lacune a favorisé la fraude, on s'est servi des qualifications les plus variées, non pas pour désigner les candidats, mais pour violer le secret du vote et comme signe de reconnaissance ; elle a donné ouverture aussi à des contestations sur la validité des suffrages.
« L'article 7 (devenu 6) adopté par la section centrale, est destiné à combler cette lacune ; il est limitatif, c'est-à-dire qu'il indique les désignations autorisées, et les bulletins qui en renferment d'autres sont déclarés nuls par la disposition suivante : « Si quelques-unes des dispositions permises suffisent pour que le suffrage soit clairement exprimé, l'électeur peut se dispenser des autres. En un mot, le but des articles 7 et 8 (6 et 7) est de prohiber les indications superflues ou exceptionnelles trop souvent employées pour contraindre les volontés. »
« Une seule désignation non autorisée, un seul mot de trop ou superflu annule tout le bulletin. La loi les considère comme équivalant à une marque destinée à faire reconnaître le votant. »
Vous le voyez, messieurs, la loi permet d'ajouter après le nom du candidat les mots : « sénateur sortant », « représentant sortant » ou « conseiller sortant », mais pas autre chose.
Ainsi, on pourrait même, dans certains cas, soutenir la nullité de bulletins qui, au lieu de « représentant sortant », porteraient « député sortant » ou « membre de la Chambre sortant ».
A plus forte raison doit-on annuler des bulletins qui portent simplement « sortant ». Si l'on pouvait dire tantôt « député sortant », tantôt « membre de la Chambre sortant », puis répéter tout cela en flamand, on pourrait, au moyen de transpositions et en variant chaque fois l'une des désignations, marquer une foule de billets.
La loi, messieurs, est limitative ; elle doit être exécutée.
M. Van Wambekeµ. - C'est un système alors.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On est autorisé, dit-on, à ajouter au nom du candidat la désignation de sa profession. La note jointe au rapport par la minorité a déjà fait remarquer qu'un bourgmestre exerce une fonction, mais non une profession.
Il est vrai que, dans la discussion, des explications ont été données sur ce point et qu'on semble être plus ou moins tombé d'accord pour reconnaître que, dans tons les cas, l’énonciation de la qualité d'un candidat substituée à celle de sa profession n'annule pas le bulletin ; mais je ferai remarquer qu'il ne s'est agi alors que des qualifications de rentier et de propriétaire, et non des fonctions exercées par le candidat.
On n'a jamais cité le mot « bourgmestre » devant la Chambre.
- Une voix. - On a cité le mot « chanoine ».
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce n'est pas une fonction.
M. Reynaertµ. - C'est une qualité.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, mais pas une fonction. Les mots « rentier » et « propriétaire » étaient les seules qualifications admissibles ; mais quant aux fonctions, c'est tout différent.
M. Dumortier. - C'est la même chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, c'est la même chose si l'on ne veut pas exécuter la loi strictement et ponctuellement, car du moment que l'électeur peut substituer l'indication de la fonction à celle de la profession, on peut marquer les bulletins en masse.
Ainsi notre nouveau collègue M. Beke est bourgmestre, il est président de la chambre de commerce, il était membre du conseil provincial, il est président de l'académie des beaux-arts, membre de l'institution de Messines, etc.
M. Van Renynghe est bourgmestre, membre de la commission provinciale d'agriculture, et moi-même, quoique j'exerce très peu de fonctions aujourd'hui, il en est encore plusieurs par lesquelles on pourrait me désigner.
Eh bien, lorsqu'il y a dix ou douze désignations qu'on peut ajouter, tantôt au nom d'un candidat, tantôt au nom d'un autre, si l'on peut dire tantôt M. Pierre Beke, bourgmestre, M. Beke, Pierre, président de la chambre de commerce, si on place le nom tantôt le premier, puis le second, puis le troisième, on peut marquer autant de bulletins qu'on voudra.
Je crois que la Chambre n'admettra pas un pareil système.
Comme il y a 11 bulletins portant la désignation de bourgmestre soit seule, soit avec des variantes, si l'on défalque 9 votes à M. Van Renynghe et 2 à M. Van Merris, on trouve que M. Van Renynghe n'a plus que 1,008 voix tandis que M. Van Merris en a 1,016.
Le système que. j'ai indiqué a été pratiqué à Ypres. Cinq bulletins portant la désignation de bourgmestre avec variantes se trouvaient dans l'urne ; l’un portait M. Beke, bourgmestre d'Ypres, le second M. Beke, bourgmestre de la ville d'Ypres, le troisième M. Beke, burgmeester Yper, un autre M. Beke, bourgmestre à Ypres.
Ces bulletins étaient certes bien marqués.
En admettant que les bulletins portant simplement la qualification de bourgmestre soient acceptés, je demande si ceux qui portent des indications aussi variées ne doivent pas être considérés comme marqués, et partant nuls ?
Je ne soutiens pas d'une manière absolue que l'adjonction du mot « bourgmestre » soit toujours une cause de nullité ; il pourrait se présenter des circonstances où je les validerais. Je suppose qu'il y ait une élection communale à Bruxelles, que l'honorable M. Anspach obtienne 600 ou 800 bulletins portant la désignation de bourgmestre seule, toujours la même qualification, il n'y aurait là aucune raison de nullité, parce que l'électeur ne se fait pas connaître. Mais lorsqu'il y a des qualifications différentes qu'on peut numéroter en quelque sorte, les bulletins ne peuvent pas être admis parce que je prétends qu'ils peuvent être marqués.
Dans ce système, laissant à M. Van Renynghe 5 bulletins portant la qualification seule de « bourgmestre », j'arrive à cette conclusion que M. Van Renynghe a 1,013 suffrages, tandis que M. Van Merris en a encore 1,017, soit une différence de 4.
La commission qui a validé tous les bulletins admis par le bureau d'Ypres a nécessairement validé tous les bulletins qui ont été reconnus valables par le même bureau. Mais moi, messieurs, qui n'admets pas ce système, je crois pouvoir appeler l'attention de la Chambre sur un certain nombre de bulletins qui ont été validés à Ypres, et qui, d'après moi, sont manifestement entachés de nullité et doivent être annulés.
Ainsi, messieurs, voici un premier bulletin renseigné sous le n°5, page 12 de l'annexe du rapport de la commission ; il porte :
Vandenpeereboom.
Pierre Beke.
Mr Van Renynghe.
On ne trouve la lettre « Mr » que devant le nom de Van Renynghe. Or, il est évident que la lecture de ce bulletin a dû permettre de reconnaître celui qui l'avait déposé. Une autre particularité, du reste, devait encore permettre de le reconnaître : au-dessous du nom de M. Van Renynghe se trouve un parafe, une marque. L'honorable rapporteur de la commission a oublié de mentionner ce fait dans son rapport ; il me permettra de lui rafraîchir la mémoire sur ce point.
Le n°12 porte :
Van Renynghe sortant ;
Vandenpeereboom sortant ;
Beke, Pierre.
Il est évident que si la loi permet de mettre après le nom d'un candidat les mots « représentant » sortant, elle ne permet pas de substituer à cette mention le simple mot « sortant ». (Interruption.) C'est évident, et à ce propos je répète que s'il y avait un nombre plus ou moins considérable de bulletins portant la même formule, je les admettrais peut-être ; mais quand il n'y en a qu'un, je suis autorisé à dire que celui qui l'a écrit a eu l'intention de les faire reconnaître, et je dis qu'un tel bulletin doit être annulé, attendu que la loi dit : « Sont nuls les bulletins qui sont de nature à faire reconnaître le votant. »
Je passe au n°13 et si ce bulletin n'est pas manifestement marqué, je ne sais vraiment pas où l'on en trouvera encore. Il porte :
Mynheer de Florisone Leo.
(page 17) Vandenpeereboom Alphonse.
Van Renynghe Charles.
Uytredente lende (membres sortants).
Je vous demande, messieurs, si toutes ces qualifications différentes ne constituent pas un bulletin réellement marqué. Pourquoi n'avoir mis le mot « Mynheer » que devant le nom de M. de Florisone ? Si l'auteur de ce bulletin était un homme très amoureux de la langue flamande, il aurait pu répéter le mot « mynheer » devant mon nom et devant celui de M. Van Renynghe.
Dans un bureau, je trouve un bulletin que je ne cite qu'en passant. Il porte mon prénom mal orthographié : Alphanse, au lieu d'Alphonse, et en outre : Beke, bourgmestre à Ypres, et Van Rynghe, Charles, au lieu de Van Renynghe.
II est de toute évidence que ce bulletin doit être annulé, à cause de la qualification de bourgmestre ajoutée au nom de M. Beke, et pour les autres irrégularités que je viens de signaler.
Voici maintenant deux bulletins qui, à première vue, semblent irréprochables, mais qui sont évidemment irréguliers, quand on les examine de près L'un porte :
MM. Vandenpeereboom, Alphonse.
Van Renynghe, Karel.
Beke, Petrus.
L'autre porte :
MM. Vandenpeereboom, Alphonse.
Van Renynghe, Karel.
Beke, Pieter.
Ainsi, le prénom de M. Beke est écrit Petrus, puis Pieter... (Interruption) et ces deux bulletins sont écrits de la même main. Celui qui a remis ces bulletins s'est dit : « Si je marque les deux bulletins de la même manière, je ne pourrais m'assurer, au cas que l'un des deux ne soit pas déposé dans l'urne, je ne pourrais pas reconnaître celui des deux électeurs qui aura déposé son bulletin, et celui qui ne l'aura pas déposé. » Il a donc écrit sur l'un des bulletins « Petrus », et sur l'autre « Pieter ».
Je vous demande, messieurs, si, dans de pareilles conditions, il ne faut pas annuler les deux bulletins, qui sont évidemment marqués.
Enfin, il y a encore un bulletin au quatrième bureau, portant le n°12 et où l’on a inscrit : « Mons. Charles Van Renynghe. »
Je ne pousserai pas plus loin ces recherches ; je crois en avoir dit assez pour établir que M. Van Renynghe a obtenu beaucoup moins de voix que M. Van Merris.
Si on déduit ces 7 voix des 1,013 obtenues par M. Van Renynghe, il ne lui en reste que 1,006 en comptant 5 bulletins avec la mention de bourgmestre seule, et 1,001 dans le cas contraire, tandis que, dans la première hypothèse, M. Van Merris conserve 1,016 voix, et 1,017 dans la seconde.
La Chambre volt qu'il ne s'agit pas ici d'une différence d'une à deux voix, et on a validé des élections en pareil cas, mais d'une différence bien plus grande.
La Chambre reconnaîtra encore, que, dans toutes les hypothèses raisonnables, M. Van Merris a obtenu plus de voix que M. Van Renynghe.
Je termine ici. Je crois avoir démontré que M. Van Merris est réellement le représentant élu par l'arrondissement d'Ypres.
Je ferai encore remarquer à la Chambre que la loi de 1867, si péniblement élaborée, a eu pour but de réprimer et de prévenir les fraudes électorales. La Chambre a voulu en finir ; elle a voulu prescrire des dispositions formelles, claires, nettes, limitatives ; et elle a déclaré que tout ce qui serait fait en dehors de ces dispositions était de nature à amener l'annulation des bulletins.
Si la Chambre admettait la jurisprudence que semblent vouloir inaugurer aujourd'hui nos honorables adversaires, eux qui ont combattu la loi de 1867 ; si la Chambre, dis-je, admettait cette jurisprudence ; si elle voulait avec la commission faire valider tous les bulletins qui ont été annulés par le bureau, il ne resterait plus rien de. la loi.
D'après moi, une fois que cette jurisprudence serait admise, nous n'aurions qu'une chose à faire : déchirer la loi du 19 mai 1867.
M. Lelièvreµ. - Lorsqu'il a été question, en 1867, de voter la loi du 19 mai, je me suis abstenu, en motivant cette abstention sur les difficultés sérieuses que les dispositions concernant la désignation des candidats me paraissaient devoir présenter en pratique.
L'expérience a démontré que je ne m'étais pas trompé, et l'élection d'Ypres est une nouvelle preuve que j'avais apprécié sainement les choses.
Je déduirai en peu de mots les motifs qui détermineront le vote que j'émettrai dans l'occurrence.
Je considère d'abord comme valables les suffrages portant « Van Renynghe » ou « Beke, bourgmestre », parce qu'à mon avis, c'est là l’énonciation d'une qualité de la personne à laquelle le vote est donné.
Or, il a été entendu, lors de la discussion de l'article 6 de la loi du 19 mai 1867, qu'on pourrait valablement désigner un candidat soit par sa profession, soit par sa qualité.
La fonction qu'un individu remplit est indicative de la qualité, et à ce point de vue, en présence des explications données par le gouvernement lors de la discussion de la loi, il me serait impossible de prononcer l'annulation de bulletins qui expriment la véritable pensée de l'électeur et ne présentent pas le moindre caractère de fraude.
C'est ainsi que la citation en justice exige l'indication de la profession du demandeur.
Or, il serait impossible d'arguer de nullité un exploit dans lequel le requérant serait qualifié de bourgmestre.
Quant aux bulletins portant « bourgmestre à Ypres » ou ailleurs, j'estime que ces bulletins sont frappés de nullité, parce que ces mots indiquent le domicile et contiennent ainsi des désignations autres que celles qui sont autorisées par l'article 6 de la loi du 19 mai 1867, ce qui frappe de nullité le suffrage, aux termes de l'article 7 de la même loi.
Un candidat ne peut être désigné que par ses nom et profession. L'addition du domicile me paraît tomber sous le coup des dispositions prohibitives.
La qualification de « membre sortant » est évidemment valable. Il est le synonyme de représentant sortant. Il exprime absolument la même idée, sans autre addition.
J'ai vivement blâmé la décision d'un bureau de l'arrondissement de Namur qui avait annulé semblable suffrage.
Un bulletin écrit sur lignes au crayon ne me paraît pas pouvoir être argué de nullité. Ce fait, en l'absence de toute circonstance de fraude, ne me paraît pas pouvoir vicier le suffrage. On sait que souvent c'est le mode d'écrire employé par certains électeurs.
J'admets donc comme valables cinq bulletins portant l'addition du mot « bourgmestre » seul au profit de M. Van Renynghe.
Je considère comme valables les bulletins contenant l'addition des personnes qui ne sont pas candidats, cette addition n'étant prohibée par aucune disposition législative ; l'électeur ayant d'ailleurs le droit d'accorder son suffrage à telle personne qu'il juge, convenable.
J'admets également la validité du bulletin écrit sur lignes au crayon et j'arrive au chiffre de 1,017 suffrages pour chacun des candidats.
Ce résultat me semble jeter sur le sort de l'élection une véritable incertitude, d'autant plus qu'il a été allégué que trois électeurs n'avaient pas le droit de voter et qu'on n'a pas cru devoir examiner la réclamation formée à cet égard, parce qu'on pensait qu'elle ne pouvait avoir aucune influence sur le résultat final.
D'un autre côté, il s'élève des contestations assez sérieuses relativement à divers bulletins, de sorte qu'en définitive le résultat de l'élection me semble douteux et incertain.
En cette occurrence, je suis d'avis qu'il faudrait ordonner un scrutin de ballottage entre MM. Van Merris et Van Renynghe. C'est là une résolution que me semblent tracer les principes de justice et d'équité.
Je crois d'autant plus devoir m'y rallier qu'il est bien évident que la mise en vigueur d'une loi récente, dont les dispositions sont encore inconnues d'un grand nombre d'électeurs a donné lieu à l'annulation de suffrages qui en réalité exprimaient la véritable pensée de l'électeur.
En présence de l'incertitude incontestable que présente le résultat de l'élection, le renvoi devant le corps électoral me semble une mesure qui, sans léser aucun intérêt, satisfait à toutes les légitimes exigences. Telles sont les considérations qui ne me permettent de me rallier ni aux conclusions de la commission, ni à l'opinion de mes honorables collègues que vous avez entendus.
M. Van Wambekeµ. - Messieurs, des trois orateurs qui viennent de se rasseoir, deux ont attaqué les conclusions de la commission pour des motifs tout différents.
Le premier, l'honorable M. de Maere a soutenu qu'en présence du texte formel et limitatif de la loi de 1867, il y avait lieu d'annuler tous les bulletins portant d'autres désignations que celles autorisées par l'article 6.
Le second orateur, l'honorable M. Vandenpeereboom, n'a pas été jusque-là ; il admet la validité de plusieurs bulletins annulés, mais il veut annuler d'autres bulletins qui ont seulement été contestes à Ypres, pour arriver ainsi à des conclusions diamétralement opposées à celles de la troisième commission.
Je viens défendre les conclusions que nous avons prises, parce qu'il me semble qu'elles sont les seules légales, les seules rationnelles.
(page 18) Vous remarquerez, messieurs, qu'il est incontestable que si les bulletins contestés et annulés à Ypres ne l'avaient point été, M. Van Renynghe aurait eu la majorité des votes émis.
Pour arriver à un résultat tout autre, qu'a-t-on fait à Ypres ? On a annulé 11 bulletins au préjudice de M. Van Renynghe et on en a annulé 5 à M. Van Merris.
De plus, toutes les contestations soulevées dans les différents bureaux ont été écartées pour les motifs insérés aux procès-verbaux.
Dans les 14 bulletins annulés au préjudice de M. Van Renynghe, il y en a 8 auxquels on avait ajouté au nom de M. Beke et de M. Van Merris le mot de : « bourgmestre », « bourgmestre d'Ypres », « bourgmestre à Ypres », etc.
On avait fait la même chose pour deux bulletins accordés à M. Van Merris.
Les bureaux électoraux d'Ypres ont annulé en outre 5 bulletins au préjudice de M. Van Renynghe, parce que ces bulletins portaient d'autres noms que ceux des candidats notoirement connus ; on en a également annulé trois du même genre qui avaient été accordés à M. Van Merris.
Enfin on annule un bulletin parce qu'il portait des lignes tracées au crayon, un bulletin portant les noms de M. Vandenpeereboom et Van Renynghe avec une accolade précédée de deux M et un bulletin sur lequel le nom de M. Van Renynghe se trouve avec les noms de deux juges. Ce bulletin est écrit d'une manière toute particulière.
En annulant ces 14 bulletins, le bureau est arrivé à ce résultat que M. Van Renynghe n'avait plus que 1,008 voix et M. Van Merris 1,013 voix.
En examinant avec attention ces bulletins et la loi de 1867, je crois qu'il est impossible de soutenir, après les discussions qui ont eu lieu dans cette Chambre et au Sénat, qu'ajouter le mot « bourgmestre » au nom du candidat lorsque celui-ci est bourgmestre, constitue une cause de nullité.
En second lieu, nous croyons qu'il est impossible qu'on soutienne sérieusement qu'un billet est marqué par cela seul qu'on y a ajouté un autre nom que ceux des candidats.
Je ne puis pas croire que la Chambre admettra qu'il y a nullité parce qu'on a tracé une ligne au crayon sur un bulletin pour écrire le nom, parce que les noms des candidats sont précédés d'une accolade devant laquelle se trouvent deux M.
M. de Maere nous a parlé de la loi de 1867.
Mais, messieurs, la loi de 1867 a voulu la sincérité des votes et la liberté des électeurs, on l'a dit à satiété dans la section centrale, et dans cette enceinte.
Pour éviter l'abus des bulletins marqués, la loi de 1867, dans ses article 6 et 7, a déclaré d'une manière formelle comment on pouvait qualifier les candidats.
Messieurs, on nous a toujours enseigné que le texte de la loi n'est pas toute la loi, qu'il faut en consulter l'esprit et s'en rapporter aux discussions qui ont eu lieu et interpréter la loi d'après ces discussions, d'où jaillit la lumière.
Et si nous parvenons à démontrer que dans les discussions qui ont eu lieu à la Chambre et surtout au Sénat dans la séance du 20 mai de cette année, le gouvernement a déclaré qu'on pouvait qualifier les candidats, il ne me paraît pas possible d'annuler les billets sur lesquels les mots « bourgmestre à Ypres » sont ajoutés au nom du candidat qui a cette qualité.
En effet, messieurs, devant la Chambre, lorsqu'on est arrivé à l'article 7, l'honorable M. Allard s'est levé et il a demandé s'il était défendu d'employer d'autres expressions ou d'ajouter au nom des candidats leurs qualités, et après une discussion que j'ai insérée dans le rapport, M. le ministre de la justice, parlant au nom du gouvernement, M. le ministre de la justice, qui présentait le projet, finit par dire : « Il est bien entendu qu'on pourra qualifier différemment les candidats. Cela n'est pas contestable. Si vous voulez le mettre dans la loi, vous pouvez le faire ; quant à moi, je ne m'y oppose pas. Mais je ne le crois pas nécessaire. »
Peut-on sérieusement soutenir, après cette discussion, qu'on ne peut qualifier les candidats, qu'on ne peut dire : Un tel, bourgmestre de Bruxelles ? L'honorable M. Vandenpeereboom nous accorde ce point pour le mot « bourgmestre » seul, mais dans des cas exceptionnels. Peut-on dire qu'un tel bulletin est nul ? Mais alors je ne comprends pas pourquoi l'honorable M. Tesch a fait cette déclaration si formelle, déclaration répétée au Sénat par l'honorable M. Pirmez, ministre de l'intérieur.
Si la Chambre veut bien me le permettre, je donnerai lecture du discours qui a été prononcé à la séance du 26 mai au Sénat par l'honorable baron d'Anethan, qui a rencontré presque toutes les objections qui sont faites aujourd'hui contre l'élection d'Ypres. Voici comment s'exprimait l'honorable M. d'Anethan à la séance du 26 mai 1868 et comment il interpellait l'honorable M. Pirmez. Je nous dirai ensuite la réponse de l'honorable M. Pirmez :
« M. le baron d'Anethan. - Lors de la vérification des pouvoirs des membres du Sénat récemment élus, différentes observations ont été consignées dans les rapports de vos commissions, relativement à l'exécution qu'a reçue la nouvelle loi dite des fraudes électorales. Comme il est très important qu'une loi de cette nature reçoive partout une exécution uniforme, une exécution qui réponde aux intentions du législateur, j'ai cru utile de rechercher les remarques qu'avait fait naître la manière dont cette loi a été exécutée et de les soumettre au Sénat.
« Ce résumé engagera peut-être M. le ministre de l'intérieur a adresser aux autorités compétentes une circulaire pour fixer leur attention sur les différents points douteux ou contestés, et pour empêcher ainsi que les électeurs ne soient entravés dans l'exercice de leur droit par des décisions arbitraires et souvent contradictoires.
« J'ai annoté les différents points sur lesquels je demande au Sénat la permission de l'entretenir un instant.
« Les bulletins, d'après la loi, doivent être pliés en quatre. Il y a des électeurs qui, au lieu d'inscrire les noms des candidats dans l'intérieur du bulletin opposé au timbre, les ont inscrits sur le deuxième pli, et conséquemment sans pouvoir être lus lors du dépôt, ce deuxième pli étant à l'intérieur du bulletin lorsqu'il est plié en quatre. Dans certains arrondissements, ces bulletins ont été annulés ; dans d'autres, ils ont été maintenus.
« D'après moi, il est évident que la loi ne prononce pas l'annulation dans ce cas. Ce que la loi veut, c'est le secret du vote. Or, dès l'instant où le bulletin est fermé, dès l'instant où le timbre se trouve à l'extérieur, le secret du vote existe puisqu'il a été reconnu que le président n'a le droit d'ouvrir aucun des plis du bulletin.
« Il est plus régulier, sans doute, d'inscrire les noms dans l'intérieur du bulletin entièrement déplié, mais on ne peut créer une nullité là où la loi n'en prononce aucune. Si on déclare que c'est une nullité, qu'on le dise catégoriquement et que l'électeur soit prévenu. Mais on ne peut tolérer que dans certains arrondissements on maintienne des bulletins ainsi disposés, tandis qu'on les annule ailleurs.
« Dans certains arrondissements, on a annulé des bulletins parce que les noms, au lieu d'être écrits de gauche à droite, étaient écrits transversalement. On a considéré cette manière d'écrire comme étant le signe d'un bulletin marqué.
« Il y a pourtant des personnes qui n'écrivent pas d'une manière aussi régulière, que d'autres, et on ne peut admettre que des bulletins soient annulés uniquement à cause de la direction imprimée à la ligne des noms. Dans d'autres arrondissements, des personnes, pour éviter cet inconvénient,, ont ligné leur bulletin au crayon et ont écrit les noms des candidats sur ces lignes.
« Eh bien, on a trouvé là aussi matière à annulation, considérant ces bulletins comme marqués.
« Il me semble que pour parer à cet inconvénient, ce qu'il y aurait de plus simple à faire, serait que les bulletins fournis par le gouvernement fussent tous lignés.
« Si ces bulletins étaient lignés, les électeurs sauraient que c'est sur les lignes qu'ils doivent écrire ; de cette manière aucun électeur ne songerait à faire son bulletin dans le second pli, et s'il le faisait ou s'il écrivait en travers de ces lignes, il pourrait être justement soupçonné d'avoir déposé un bulletin marqué dans une intention de fraude.
« L'article 6 de la loi sur les fraudes électorales permet d'indiquer la profession. Eh bien, il y a des arrondissements où l'on a annulé des bulletins parce qu'une personne était qualifiée de propriétaire (grondeigenaar). C'était un bulletin dans un arrondissement flamand. On a jugé, sans doute, que ce n'était pas là une profession. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'il s'agissait d'un membre sortant et que, dans l'indication donnée sur le billet d'avertissement par l'autorité locale, la personne qui a été, en effet, nommée, était désignée par le bourgmestre lui-même comme propriétaire.
« L'électeur s'était borné à mettre sur son bulletin le nom et la profession indiqués dans le billet d'avertissement et son bulletin a été néanmoins annulé.
« La profession seule peut être indiquée. Une personne ayant jadis fait partie du Sénat est indiquée comme ancien sénateur et ce bulletin est annulé, vraisemblablement parce que l'on a trouvé que la mention d'ancien sénateur n'était pas la mention d'une profession.
« En ce qui concerne les qualifications (point très important), une autre difficulté s'est présentée. Un individu est bourgmestre ; on ne peut indiquer que la profession ; on ne peut indiquer le domicile. Un électeur veut, je (page 19) suppose, voter pour le bourgmestre de Bruxelles. Est-ce que la qualité de bourgmestre de Bruxelles n'est pas la véritable qualité de ce candidat ? Est-ce que l'électeur peut supposer qu'il commettra une fraude en écrivant, par exemple, « M. Anspach, bourgmestre de Bruxelles » ? Cependant, on a annulé un pareil bulletin en disant qu'il fallait simplement mettre le mot « bourgmestre » ; que l'on ne pouvait ajouter de tel endroit, parce que c'était là une indication de domicile, ce qui était interdit par la loi.
« Dans d'autres bureaux, au contraire, où l'on me semble avoir appliqué la loi d'une manière plus intelligente, des bulletins conçus dans ce sens ont été maintenus.
« Ce ne sont pas les seules difficultés relativement aux qualifications qui se sont présentées.
« Ainsi on a contesté des bulletins portant des qualifications reconnues régulières par M. le ministre de la justice, répondant à une interpellation que j'avais l'honneur d'adresser au gouvernement. M. le ministre de la justice a déclaré, lors de la discussion de la loi, que rien ne s'opposait à l'insertion du mot Monsieur et des titres nobiliaires dans les bulletins, et cependant des bulletins ont été annulés ou du moins contestés, parce que le nom du candidat était précédé du mot Monsieur.
« Je suis d'autant plus autorisé à faire ces observations, que j'ai reçu ce matin même, relativement à une élection provinciale qui vient d'avoir lieu, une lettre dans laquelle on me signale l'annulation de trente bulletins, parce qu'ils portaient, les uns : Monsieur un tel, les autres : Monsieur le baron un tel. Cela n'a pas changé la majorité, qui a été considérable ; mais cette circonstance n'atténue pas l'erreur commise, et il importe, évidemment que l'on fasse connaître une bonne fois aux électeurs et aux bureaux électoraux comment il faut interpréter et appliquer la loi.
« M. le baron Dellafaille. - Quels sont les malins qui ont annulé ces bulletins ?
« M. le baron d'Anethan. - C'est un bureau électoral du Hainaut.
« M. le baron Dellafaille. - Il serait bon de le nommer, pour en faire justice.
« M. le baron d'Anethan. - C'est inutile. Je continue ; on a été plus loin dans les rigueurs. La loi permet d'ajouter à la suite de la profession les mots de « représentant sortant » ou de « sénateur sortant ». Eh bien, on a contesté des bulletins portant la qualification de « membre sortant » et je puis le dire de science certaine, car cela est arrivé à l'occasion de mon élection, mais ces bulletins contestés ont été admis.
« Dans des arrondissements où il y avait plusieurs sénateurs à nommer, des personnes, pour éviter de répéter après chaque nom les mots « sénateur sortant » ont mis cette qualification en regard d'une accolade embrassant tous les noms.
« Ces bulletins ont été contestés et, je crois, annulés.
« M. le baron Dellafaille. - Oh ! c'est trop fort !
« M. le baron d'Anethan. - Les procès-verbaux du Sénat sont là.
« M. le marquis de Rodes. - C'est un peu violent.
« M. le baron Van Delft. - A Anvers, cela s'est produit hier.
« M. le baron Dellafaille. - Où cela s'est-il fait ?
« M. le baron d'Anethan. - A Bruxelles, je pense.
« M. le baron Dellafaille. — Je croyais que c'était à Schacrbeck.
« M. le baron d'Anethan . - Je passe à une observation d'un autre genre. Les noms doivent évidemment être écrits de manière à faire connaître les candidats ; mais si, dans un nom, on omet une lettre, est-ce que le candidat ne sera pas suffisamment désigné ?
« Ainsi, par exemple, dans mon nom, si l'on omet l’h, ne sera-ce pas néanmoins et incontestablement M. d'Anethan qui sera désigné ? Cela me paraît de toute évidence ; et cependant, dans des arrondissements, on a annulé des bulletins parce qu'il y avait une différence d'une lettre dans l'orthographe d'un nom !
« M. le marquis de Rodes. - On m'assure que le cas s'est présenté hier dans les Flandres.
« M. le baron d'Anethan. - Oui, pour un k qui avait été oublié.
« Eh bien, cela me paraît manifestement injustifiable, cela est de plus contraire à tous les précédents.
« Notre loi sur les fraudes électorales est muette à cet égard, et tous les précédents, tant en France que chez nous, prouvent, comme on peut le voir dans l'ouvrage de M. Delebecque, que dès l'instant qu'il n'y a aucun doute quant à l'identité du candidat désigné, une différence d'orthographe ne peut pas faire annuler le bulletin.
« Mais on ne s'est pas arrêté là ; et allant de rigueur en rigueur, on est tombé dans une flagrante illégalité. Ainsi, dans un arrondissement où il y avait deux sénateurs à nommer, on trouve dans l'urne des bulletins portant le nom d'un candidat notoirement connu comme tel, puis le nom d'une autre personne, et le bureau électoral annule ce bulletin parce que le second nom qui y figure n'est pas celui d'un candidat généralement désigné par l'opinion publique ; comme s'il y avait en Belgique des candidatures officielles ! Une autre fois, dans le même arrondissement on annule un bulletin parce que prétendument la personne désignée en seconde ligne n'est pas éligible.
« Mais admettons qu'il en fût ainsi, était-ce au bureau électoral qu'il appartenait de trancher une pareille question ? Ce droit appartient exclusivement au Sénat ; c'est à lui, lors de la vérification des pouvoirs, à examiner si la personne qui aurait pu être nommée était ou non éligible ; mais un bureau électoral usurpe évidemment les prérogatives du Sénat quand il se permet d'annuler un bulletin parce que la personne qui se trouve indiquée sur ce bulletin ne lui paraît pas éligible.
« Du reste, ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que les personnes prétendument non éligibles réunissaient parfaitement toutes les conditions de l'éligibilité et que l'une d'elles était même domiciliée dans l'arrondissement.
« Dans certains bureaux on tient, paraît-il, énormément à avoir des bulletins complètement intacts et immaculés, sans la moindre souillure. Il est arrivé que des électeurs qui, par malheur, avaient fait une tache de graisse sur leur bulletin, ont dû en entendre prononcer la nullité, sous le prétexte que cette tache constituait une marque.
« Je demande si, avec un pareil système, il ne sera pas facile à un bureau électoral de faire annuler autant de bulletins qu'il le voudra, surtout dans un moment où, par une chaleur tropicale comme celle que nous avons, il suffit de mettre le doigt sur un papier pour y laisser une empreinte ressemblant à une tache de graisse.
« Dans un autre bureau, un bulletin a été annulé parce qu'à l'une de ses extrémités on a constaté une petite déchirure.
« Mais je suppose que l'on mette son bulletin dans une poche où se trouvent des clefs, un canif, etc., etc., n'est-il pas possible qu'une déchurure se produise ? Et l'on voudrait que, pour un semblable motif, un bulletin fût annulé !
« Je dis que cela est tout à fait contraire à la loi ; car, si cette déchirure constitue une marque extérieure, le président du bureau a le droit de refuser le bulletin et l'électeur est mis dans la possibilité de déposer un autre bulletin.
« Mais on n'a pas le pouvoir d'annuler un bulletin du chef d'une déchirure extérieure, alors que le bulletin a été accepté. C'est là une illégalité évidente, une infraction manifeste à la loi.
« Je dois encore appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une irrégularité très grave qui a été constatée lors de la vérification des pouvoirs, à la suite des dernières élections pour le Sénat ; cette irrégularité consiste en ce que l'on n'a pas joint partout aux procès-verbaux les bulletins qui ont été annulés. Dans ces conditions, il est tout à fait impossible au Sénat de voir si les bulletins décomptés ont été annulés à tort ou à raison.
« Cette irrégularité est d'autant plus grave que, d'après les procès-verbaux, plusieurs bulletins ont été annulés parce qu'ils étaient marqués, sans que ces procès-verbaux indiquent en quoi consistait la marque, de manière que le Sénat, appelé à se prononcer en dernier ressort, s'est trouvé dans l'impuissance de juger de la légitimité des annulations.
« Dans les dernières élections, cela n'a eu aucune influence ; les majorités ont été considérables des deux côtés ; les annulations n'auraient donc jamais pu changer le résultat ; mais ce qui peut n'avoir pas eu lieu dans une circonstance, peut se présenter dans d'autres ; il est donc nécessaire que cela ne se reproduise plus.
« Je demande la permission de présenter deux dernières observations,
« Chaque bureau doit prononcer sur les difficultés qui se présentent, sur les contestations qui se produisent.
« Eh bien, il y a eu un bureau qui a cru pouvoir se dispenser de remplir ce devoir et qui a renvoyé le tout au bureau central, lequel bureau a prononcé.
« C'est là incontestablement une irrégularité : ce n'est pas au bureau central, c'est à chaque bureau qu'il appartient de se prononcer sur les réclamations qui s'élèvent ; et cela est juste et naturel, parce que le bureau décide alors en présence des réclamants, qui peuvent s'expliquer et contester, ce qui peut n'être pas possible au bureau central.
« Enfin, j'attire l'attention du Sénat et du gouvernement sur l'exécution qu'a reçue dans un bureau électoral l'article 26 de la loi. Des électeurs ont demandé de pouvoir rester derrière le bureau pendant le dépouillement du scrutin, et le président a refusé d'une manière catégorique de leur accorder cette autorisation, bien qu'il n'y eût pas envahissement du bureau exclusivement par un parti, ni aucune réclamation contraire. Le président a répondu :
(page 20) La loi se sert du mot « circuler » ; vous devez donc circuler et vous ne pouvez pas rester un instant immobile derrière le bureau. »
« Or, dernièrement, lorsque nous avons discuté la loi sur les fraudes électorales, j'ai eu l'honneur de présenter au Sénat un amendement pour empêcher le grave danger de cette interprétation, il m'a été répondu par le gouvernement que ce mot « circuler » devait s'entendre d'une manière raisonnable ; que si l'on ne devait pas permettre à une seule opinion d'envahir le bureau et par là empêcher l'autre opinion de contrôler les opérations électorales, d'un autre côté il serait contraire au vœu du législateur d'obliger les électeurs de circuler d'une manière continue, que ce serait les empêcher de surveiller les opérations qui se font et que ce serait ainsi méconnaître le but du législateur qui veut ce contrôle dans l'intérêt de la sincérité du scrutin.
« J'ai présenté ces observations d'après les relevés que j'ai faits des différents procès-verbaux de la dernière élection.
« Je pense que le Sénat ne trouvera pas que c'est un hors-d'œuvre, car nous aurons prochainement des élections et il est important que les électeurs soient bien informés de retendue de leurs droits et de leurs devoirs.
Enfin, messieurs, l'honorable M. Pirmez répond de la manière suivante à l'honorable M. d'Anethan sur toutes ces observations :
« M. E. Pirmez, ministre de l'intérieur. - Messieurs, l'honorable baron d'Anethan a indiqué une série de questions que peut soulever, dans son application, la loi électorale.
« Le gouvernement n'ayant pas le droit d'interprétation législative, toutes les décisions que je donnerais sur la portée de la loi électorale et sur la manière dont on doit l'exécuter seraient purement individuelles, elles n'obligeraient en rien les bureaux électoraux ni les assemblées qui ont à recevoir de nouveaux membres.
« Il est donc, impossible que le gouvernement prenne de décision sur les différents points indiqués par M. le baron d'Anethan.
« Ce qui est hors de doute, c'est que la loi électorale, comme toutes les autres, doit recevoir une interprétation conforme à son esprit.
« En exécutant cette loi, il faut sans doute avant toutes choses s'attacher à écarter les abus qu'elle a eu pour but de prévenir, mais il faut se garder, d'autre part, de donner à ses dispositions une portée telle, que l'on en arrive à proscrire des choses complètement innocentes.
« Au nombre des points qu'a indiqués l'honorable préopinant, il en est plusieurs qui ne peuvent incontestablement se résoudre qu'en fait et qu'il serait impossible de résoudre juridiquement.
« Ainsi, par exemple, l'électeur peut-il écrire transversalement sur les bulletins les noms des candidats ? Existe-t--il une liberté complète quant à la manière d'écrire les noms à l'intérieur des bulletins ?
« Messieurs, je crois qu'on ne peut pas prétendre, en règle générale, qu'un bulletin doit être considéré comme nul par cela seul que les noms y sont inscrits en travers.
« Mais il me semble évident, d'autre part, que si l'on a donné à la disposition des noms sur les bulletins une forme tout à fait anormale, tout à fait exceptionnelle, constituant, en réalité, un signe distinctif, un signe reconnaissable, il me paraît évident, dis-je, que, dans cette hypothèse, l'annulation doit être prononcée.
« Ainsi, par exemple, si, lors de l'élection de Bruxelles, certains électeurs avaient écrit sur le bulletin et selon un tracé circulaire, les noms des candidats, il y aurait évidemment là des bulletins nuls. »
Vous avez vu, messieurs, qu'à Ypres on a également contesté des bulletins pour des fautes d'orthographe. Voici ce que M. le ministre de l'intérieur répond à cet égard :
« De même, en ce qui concerne l'orthographe des noms. Je crois que les bulletins déposés en faveur de l'honorable baron d'Anethan ne seront pas annulés par la seule raison qu'on aurait omis la lettre h de son nom.
« Mais il se pourrait que l'on donnât aux noms des candidats une orthographe exceptionnelle de nature à faire croire au bureau que l'électeur a voulu se faire connaître ; ce serait là, à mon avis, un signe distinctif, et le bulletin devrait être annulé.
« On a parlé aussi d'un nom étranger écrit sur un bulletin qui devait contenir les noms de deux candidats pour le Sénat.
« En général, messieurs, il est évident pour moi que quand on peut inscrire deux noms sur les bulletins, il est impossible de voir une cause d'annulation dans cette seule circonstance que l'un des deux noms n'est pas celui d'un candidat connu.
« Mais il peut arriver, cependant, que par l'ensemble des circonstances on constate, que l'un de ces noms équivale à une signature. Dans ce cas-là, les bulletins devront être annulés.
« Admettons le cas suivant : une élection a lieu pour le Sénat, il s'agit de nommer deux sénateurs ; l'un des partis présente deux candidats ; l'autre parti n'en a qu'un seul.
« Je suppose que des électeurs, appartenant à ce dernier parti ne présentant qu'un candidat, imaginent, pour reconnaître les bulletins, de faire toujours accompagner le nom du candidat, du nom du votant lui-même.
« Je crois, messieurs, que dans un cas pareil le second nom sera incontestablement considéré comme une signature déguisée et que l'honorable baron d'Anethan, d'accord avec moi, déclarera qu'il y a lieu d'annuler de tels bulletins.
« Je le répète, ce sont là des questions de fait que je ne puis pas résoudre en droit.
« C'est au bureau, par une saine appréciation des circonstances, qu'il appartient de décider si le bulletin est valable ou non, ou, en d'autres termes, si l'électeur a voulu on non se faire connaître.
« Les observations qui précèdent s'appliquent, par identité de motifs, au fait de l'existence d'une tache à l'intérieur du bulletin. On n'annulera pas celui-ci lorsqu'une empreinte, justifiée, par la chaleur de la saison, aura taché le bulletin ; mais il devra en être autrement s'il s'agit d'une empreinte rouge, bleue, jaune, de nature, en un mot, à faire reconnaître celui qui a déposé le billet d'élection.
« Quant à la déchirure partielle du bulletin, je ferai remarquer qu'elle peut être extérieure ou intérieure.
« Quand elle est intérieure, le bulletin peut être annulé, si elle constitue une marque.
« M. le baron d'Anethan. - Et dans le cas où elle est extérieure ?
« M. E. Pirmez, ministre de l'intérieur. - Dans le cas où elle est extérieure, le bulletin, selon moi, ne doit pas être accueilli par le président.
« Il en est de même, messieurs, des lignes tracées à l'intérieur des bulletins ; si la forme en est exceptionnelle, si elle présente un signe caractéristique, le bulletin ne sera pas valable. Il en sera autrement s'il s'agit de lignes faites pour aider une main malhabile.
« Vous le voyez donc, dans, tous les cas il n'y a incontestablement que des questions de fait.
« Maintenant, messieurs, il est plusieurs autres questions qui ont été posées d'une manière générale.
« Ainsi, doit-on annuler les bulletins dans lesquels on a fait précéder le nom du candidat du mot « monsieur », ceux dans lesquels on a remplacé les mots » sénateur sortant » ou « représentant sortant » par les mots «membre sortant, » ceux où une accolade réunit plusieurs noms pour y appliquer une qualification commune ? Faut-il considérer le mot « propriétaire » comme équivalent à l'indication d'une profession ?
« Messieurs, ce sont des questions que je crains de résoudre, parce que je ne voudrais pas voir le gouvernement émettre une opinion qu'il n'a pas le droit d'imposer et qui ne serait pas admise par les corps appelés à statuer.
« Je dois cependant dire que je considérerais comme très rigoureux qu'on annulât un bulletin par la raison qu'on y aurait inscrit le mot « monsieur ».
« Je crois aussi que les mots « membre sortant » sont l'équivalent de sénateur ou représentant sortant.
« J'admets également l'accolade, à laquelle a fait allusion l'honorable baron d'Anethan. Je pense qu'il serait fort sévère dans une élection, où il y a beaucoup de membres sortants, d'obliger les électeurs à répéter un grand nombre de fois les mots « membre sortant » par exemple.
« Maintenant pour' e qui est du mot « propriétaire » je crois me rappeler que, dans les discussions antérieures, on a reconnu que la qualité équivalait à la profession ; cela donc a été prévu.
« Dans les actes judiciaires on indique par le mot « propriétaires » les personnes qui vivent du revenu de leurs terres. Il faut donc admettre, d'après moi, que ce soit là une désignation valable.
« Mais, je le répète encore, je ne puis donner sur ces différents points qu'une opinion individuelle n'ayant d'autre valeur que celle que les bureaux voudront bien lui accorder.
« Messieurs, l'honorable baron d'Anethan nous a encore cité certains autres faits, qui, eux, sont tout à fait irréguliers.
« Ainsi, la loi prescrit nettement de joindre aux procès-verbaux les bulletins annulés.
« Il est évident encore que c'est au bureau qui reçoit les suffrages de se prononcer sur leur validité, et celui qui, sans statuer, a renvoyé des bulletins à l'appréciation du bureau central s'est déchargé d'un soin que la loi lui impose.
« Quant à la faculté de circuler autour du bureau, je pense qu'il y a encore la une question de fait. Sans doute en principe on ne peut obliger (page 21) les électeurs à être continuellement en mouvement autour du bureau ; ce serait là une interprétation abusive de la loi.
« Mais il peut arriver que le bureau électoral soit envahi par les agents d'un parti qui abusent du droit de contrôle au préjudice de représentants du parti contraire ; je crois que dans ce cas le bureau commettrait un acte de justice en faisant remplacer de temps en temps ces électeurs par d'autres. »
En général, messieurs, disait M. Pirmez, il est évident pour moi que quand on peut inscrire deux noms sur les bulletins, il est impossible de voir une cause d'annulation dans cette seule circonstance que l'un des deux noms n'est pas celui d'un candidat connu.
Ainsi, messieurs, les bulletins qui ont été annulés à Ypres parce qu'on avait ajouté un troisième nom aux noms des candidats, ces bulletins ne sont pas des bulletins marqués. Ah ! si on avait employé un système consistant à ajouter un troisième nom, toujours différent, aux noms des candidats, alors je comprendrais que vous annuliez les bulletins où ce système aurait été appliqué, mais lorsque deux ou trois électeurs ajoutent un nom aux noms des candidats, pouvez-vous dire que ces électeurs ont déposé des bulletins marqués ? Si vous le soutenez, vous devez dire qu'on ne pourra plus voter que pour les candidats portés sur les listes des différents partis.
Maintenant, messieurs, relativement aux bulletins lignés, voici ce que dit M. Pirmez :
Il en est de même, messieurs, des lignes tracées à l'intérieur des bulletins ; si la forme est exceptionnelle, si elle présente un signe caractéristique, le bulletin ne sera pas valable ; il en sera autrement s'il s'agit de lignes faites pour aider une main inhabile.
Quant au mot « propriétaire », je crois me rappeler, ajoutait le ministre, que dans les discussions antérieures on a reconnu que la qualité équivalait à la profession ; cela donc a été prévu.
Eh bien, messieurs, n'en résulte-t-il pas d'une manière évidente que vous avez voulu que l'électeur pût qualifier les candidats ? Or qu'est-ce que qualifier ? Je ne sais si j'ai mal lu parce que M. le ministre des finances a l'air d'en douter, mais il résulte à toute évidence de ce que je viens de lire, qu'on peut mettre le mot « bourgmestre » à la suite du nom du candidat.
On a été plus loin au Sénat ; on a dit : « Bourgmestre de Bruxelles » et M. le ministre de l'intérieur n'a pas réclamé, de sorte qu'on devait croire qu'il était permis de mettre tout aussi bien : « Bourgmestre de Bruxelles » que : « Bourgmestre » tout court.
S'il en est ainsi...
MfFOµ. - On ne peut ni parler ni se taire dans votre système.
M. Van Wambekeµ. - S'il en est ainsi, pourquoi devait-on annuler le billet sur lequel se trouvait Beke, Pierre, bourgmestre ?
Il y a un motif raisonnable, d'après l'honorable M. de Maere, parce qu'il part d'un principe logique. L'honorable membre dit : D'après l'article 6, on ne peut rien ajouter.
C'est là un système que je pourrais admettre, mais qui n'a été admis ni par la Chambre ni par le Sénat.
Dans une élection où il y a 2,000 électeurs, un électeur n'a pas pu songer que son bulletin pouvait être reconnu par l'addition du mot « bourgmestre ». Je suis certain qu'il y a eu à Ypres plusieurs bulletins qui portaient cette indication et qui n'ont pas été joints au procès-verbal.
En admettant le système de validité de ces bulletins, messieurs, nous avons évidemment dû ajouter aux voix obtenues par M. Van Renynghe le nombre de suffrages qui lui ont été enlevés. Nous sommes arrivés ainsi à 1,017 et avec le bulletin annulé pour accolade, ce qui paraît être une absurdité, nous arrivons au nombre de 1,018.
La seconde question, messieurs, est celle de savoir s'il faut nécessairement annuler les bulletins sur lesquels se trouvent d'autres noms que ceux des candidats.
Il y en avait 3 pour M. Van Merris et 3 pour M. Van Renynghe. Tous ont été annulés. Cela ne changerait donc rien au résultat.
Mais est-il sérieux de soutenir qu'on ne peut ajouter un autre nom que celui des candidats connus et qu'on ne peut mettre qu'un ou deux noms sur son bulletin ? Comment ! dans une élection où il y a 12 membres à élire, je serais obligé de prendre tous les noms que l'on veut m'imposer et je n'aurais pas le droit d'ajouter tel ou tel nom sans qu'on soutienne que mon bulletin est marqué ?
Si vous voulez cela, vous laissez tout à l'arbitraire des bureaux. Le bureau annulera un bulletin parce qu'on y aura mis le nom d'une personne très honorable, dans d'autres cas pour des motifs contraires, et où est la liberté de l'électeur ?
Le premier bureau d'Ypres a dit : J'annule ce bulletin parce qu'au nom de Van Renynghe on a ajouté le nom d'une personne non éligible, parce que, disait-on, lorsqu'on a lu ce bulletin, celui qui l'a imposé à l'électeur a dû voir qu'il était sorti. Si vous admettez ce raisonnement, le contraire sera bien plus dangereux, car lorsque j'aurai ajouté le nom d'une personne estimable, le bulletin sera bien plus reconnaissable que si j'ajoutais celui d'une personne qui n'est plus éligible.
A Ypres un électeur a ajouté le nom de M. Henri Conscience, une de nos gloires nationales. Voilà un bulletin qui a dû être bien plus remarqué.
La commission a validé tous les bulletins sur lesquels il y avait d'autres noms que ceux des candidats.
L'honorable M. Vandenpeereboom a compris qu'il ne suffisait point de résoudre la question que nous avons résolue en principe ; il a compris qu'il fallait d'autres raisons pour frapper vos esprits, il s'est efforcé de critiquer des bulletins contestés à Ypres pour en demander l'annulation.
En un mot il a voulu démontrer à la Chambre que les bureaux électoraux d'Ypres avaient mal fait en validant ces bulletins. Il s'est mis en contradiction avec lui-même, parce qu'il avait commencé par dire que les bureaux électoraux étaient mieux à même que la Chambre d'apprécier la valeur des bulletins et de décider dans quelles circonstances les bulletins sont marqués.
Maïs, comme il faut arriver au résultat désiré, il a attaqué bulletin par bulletin et alors il arrive au chiffre que vous avez entendu, non pas à une différence de 3 ou 4 voix, mais à une différence de 13 à 14 voix.
Eh bien, il est vraiment regrettable de devoir le dire, mais je ne comprends pas comment il est possible de voir des nullités dans les bulletins contestés à Ypres et que le bureau avait admis. Ainsi on a contesté un bulletin parce que le nom des trois candidats était précédé de « Monsieur » ; on a contesté un bulletin parce qu'au lieu de « représentant sortant », il portait « sortant ». On dit c'est le seul bulletin de cette nature qui est sorti, c'est donc un bulletin marqué. Mais je réponds qu'un bulletin ne peut être réputé marqué que lorsque celui qui l'a émis a été fondé à croire que ce serait le seul billet de cette espèce.
M. A. Vandenpeereboom a critiqué la contexture d'un autre billet portant M. Van Renynghe Charles, M. Vandenpeereboom Alphonse, et en dessous les mots flamands : « Uyttredende leden » (membres sortants).
Est-il possible de soutenir qu'un bulletin qui est conforme à l'article 6 de la loi doive être annulé parce qu'au lieu de mettre « membre sortant » en regard du nom de M. Vandenpeereboom et de celui de M. Van Renynghe, on met une accolade qui rend la désignation commune aux deux noms ?
On a contesté deux autres bulletins (je prends dans le nombre au hasard pour vous démontrer que quand on est dans le vague on ne peut plus s'arrêter) ; il y a dans le troisième bureau deux bulletins écrits de la même main portant l'un Beke Petrus, l'autre Beke Pieter ; on a dit : Ces bulletins sont marqués. Mais pourquoi seraient-ils marqués ? Parce qu'ils sont écrits de la même main et parce qu'ils contiennent le prénom tel qu'on le prononce dans la Flandre ? Le mot Pierre se traduit chez nous par Petrus. Le même électeur a donc écrit sur un bulletin le mot « Petrus » et sur l'autre le mot « Pieter ». Peut-on sérieusement soutenir, messieurs, que ce sont là des billets marqués ? Mais si ces bulletins sont annulés, il n'y a plus aucune règle fixe et il faut déclarer que le billet est marqué quand le bureau on jugera ainsi. et remarquez, messieurs, que le bureau ne les a pas annulés.
Maintenant, messieurs, on a prétendu qu'un autre bulletin était également nul ; c'est celui sur lequel il y avait : Van Renynghe, Charles ; Putte, Léopold ; Brunfaut, Auguste.
Pour faire annuler ce bulletin, on a dit : Nous admettons, en règle générale, qu'il ne faut pas annuler un bulletin parce qu'il porte un autre nom que celui des candidats notoirement connus ; mais il y a candidat et candidat ; or, le nom de Putte, Léopold, dit-on, n'est pas un nom de famille, c'est un sobriquet donné à un individu qui a quitté la ville d'Ypres à la suite d'une condamnation et qui se nomme Léopold-Jean Vandenpitte.
Mais, messieurs, je ne sais vraiment pas où on s'arrêtera en créant des nullités pareilles ; il dépendra dorénavant du premier bureau venu d'annuler les bulletins qu'il voudra, s'il est permis d'annuler ceux portant des noms mal orthographiés ou précédés d'un M ou de deux MM. d'un Mynheer, ou lorsqu'on a ajouté tout autre nom que celui du candidat. Avec un pareil système, il n'y a plus de loi, il n'y a plus d'usage, il y a le bon plaisir ; mieux certes vaudrait s'en tenir au système de l'honorable M. de Maere et décider qu'aucune addition quelconque ne pourra être portée sur les bulletins. Or, c'est ce que vous n'avez point voulu : vous (page 22) avez déclaré que l'électeur était libre ; vous l'avez déclaré dans la loi antérieure et dans celle de 1867.
On a été plus loin : on a annulé un bulletin, d'abord, parce que le nom était écrit transversalement, ensuite parce qu'il y avait des lignes écrites au crayon, enfin à cause de quelques autres irrégularités qu'il a été impossible à la commission de découvrir.
Eh bien, je le déclare franchement, la commission n'a vu dans cette affaire que la loi et son esprit ; elle n'a pas voulu admettre la nullité de certains bulletins portant : M. Beke, bourgmestre Ypres ou d'Ypres, ou parce qu'ils portaient d'autres noms que ceux des candidats notoirement connus comme tels. Elle a validé ces bulletins parce que, d'après elle, ils sont conformes à la loi.
Pour arriver au résultat contraire, il faut annuler au préjudice de M. Van Renynghe des bulletins qui étaient parfaitement valables ; et comme nous n'avons d'autre guide que la loi, nous croyons l'avoir fidèlement suivie.
Un dernier mot, messieurs. L'honorable M. Vandenpeereboom a dit : Qu'a voulu la loi de 1867 ? Elle a voulu prévenir les fraudes et si vous admettez le système de la commission, vous ouvrirez la porte à toute sorte de fraudes. Mais il y a un correctif à tout cela : il est évident que si vous érigez ce que nous croyons licite en système contraire à la loi, vous en arriverez a annuler une foule de bulletins dont la validité est incontestable.
Si, par exemple, on s'avisait d'écrire une vingtaine de bulletins avec toute sorte de qualifications autres que celle de bourgmestre, il est évident qu'on pourra y voir une manœuvre et on annulera. Mais déclarer d'emblée un bulletin nul parce qu'à un nom on aura ajouté le mot « bourgmestre », ou le nom d'un autre candidat, c'est substituer sa volonté à la loi, et c'est ce que la Chambre ne peut pas vouloir.
Je crois, messieurs, qu'il résulte de cet exposé qu'à part ces bulletins, M. Van Renynghe a évidemment obtenu la majorité, attendu qu'il lui reste 1,021 suffrages valables, tandis que M. Van Merris n'en a que 1,017.
Si, au contraire, vous déclarez que ces bulletins sont nuls, comme étant des bulletins marqués, et de nature à permettre de reconnaître les votants, dans ce cas encore, il faut admettre les conclusions du bureau principal.
Mais je pense, que si vous voulez rester dans les termes de la loi, telle qu'elle a été expliquée ici et au Sénat par les personnes chargées de l'exécuter, il est impossible que. vous n'adoptiez pas l'avis de la commission.
Vous ne pouvez, me paraît-il, interpréter la loi de 1867 dans l'esprit étroit que veut lui donner l'auteur de la note jointe ; loin d'assurer davantage la sincérité des élections, vous la diminuerez, parce que dorénavant il suffira d'un seul mot ou d'une lettre, d'une virgule, d'un trait pour annuler les bulletins.
MiPµ. - Messieurs, l'honorable rapporteur de la commission a donné lecture à la Chambre d'un discours que j'ai prononcé au Sénat il y a quelques mois. Les conclusions de la commission qu'a soutenues l'honorable membre seraient, d'après lui, l'application pure et simple des principes que j'ai indiqués.
Cette affirmation m'oblige de prendre la parole et de m'expliquer sur les applications que la commission fait de ces principes.
Et d'abord il importe de bien préciser quels sont, d'après la loi nouvelle, les cas de nullité du bulletin.
La loi ancienne n'indiquait aucune énonciation emportant de plein droit la nullité du bulletin.
Ce système a été modifié en ce sens que certaines énonciations sont considérées comme annulant de plein droit le bulletin ; que l'électeur ait voulu se faire connaître ou qu'il n'ait pas eu cette intention, du moment qu'il porte sur son bulletin des énonciations proscrites, le bulletin doit être annulé.
En dehors de ces cas de nullité qui sont fixés par la loi, subsiste le pouvoir discrétionnaire des bureaux et de la Chambre pour apprécier les signes,, marques non textuellement proscrits par la loi, mais de nature à faire connaître l'électeur.
Ainsi double cas de nullité. Nullité des bulletins contrevenant à la loi, que les énonciations proscrites qui s'y trouvent fassent ou non connaître l'électeur ; nullité des bulletins qui sans avoir une énonciation proscrite contiennent des particularités de nature à les rendre reconnaissables.
Tel est le système de la loi, et c'est d'après ces principes que nous devons apprécier les bulletins, dans l'élection d'Ypres.
Pour mettre un peu d'ordre et de clarté dans cette discussion assez confuse, à cause du nombre des bulletins qui sont engagés dans le combat, je prendrai pour base le rapport de la commission.
Je trouve que, d'après les conclusions de ce rapport, M. Van Merris aurait eu 1,018 voix et M. Van Renynghe, 1,021. Il y a donc, suivant la commission, trois voix de différence entre les candidats. Il s'agit de savoir s'il y a un nombre de voix supérieur à trois qui devra être ôté à M. Van Renynghe ; dans la négative, M. Van Renynghe devrait être proclamé membre de la Chambre.
Et d'abord je fais une concession au système de la commission. Je suis disposé à reconnaître que les bulletins portant simplement l’énonciation de bourgmestre à côté du nom sont valables ; des énonciations semblables peuvent, dans certains cas, constituer une désignation ; je crois que si l'on constate des combinaisons qui tendent à faire connaître l'électeur, il faut annuler le bulletin, mais d'après moi les bulletins portant simplement le mot « bourgmestre » ne peuvent pas être annulés.
Je ne présente donc aucun amendement aux conclusions de la commission à cet égard.
Mais je ne puis admettre qu'il en soit de même des bulletins portant la désignation particulière de bourgmestre d'Ypres ou bourgmestre à Ypres.
Ici, nous nous trouvons en présence d'un fait clairement défini par la loi. On peut certainement discuter le point de savoir si la loi a bien fait d'interdire les énonciations du domicile ; je ne sais si, lors de la discussion, je n'ai pas demandé qu'on pût énoncer le domicile dans le bulletin ; mais cette disposition n'a pas été admise, et on a décidé que l’énonciation du domicile serait proscrite.
La loi est faite ; elle est en vigueur ; il faut l'appliquer.
Eh bien, il y a quatre bulletins portant le nom de M. Van Renynghe, qui portent la mention de bourgmestre à Ypres.
- Une voix. - A Poperinghe !
MiPµ. - Non. Il y a quatre bulletins sur lesquels était inscrit le nom de M. Van Renynghe en même temps que celui de M. Beke. avec la qualification pour celui-ci de bourgmestre à Ypres. Or, comme une désignation proscrite vicie non seulement le suffrage, mais le bulletin, il en résulte que ces quatre voix doivent être décomptées à M. Van Renynghe.
M. Van Wambekeµ. - Il n'y en a que trois.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y en avait quatre ; il y en a même un qui a été validé.
MiPµ. - Je vais vous les indiquer ; il y en a deux au premier bureau, un au deuxième et un au troisième.
Voilà donc quatre suffrages à retrancher à M. Van Renynghe. Cela est incontestable ; c'est la disposition formelle et absolue de la loi.
J'ai été très étonné, je l'avoue, d'entendre l'honorable M. Van Wambeke nous dire que M. le baron d'Anethan avait tranché cette question et que j'avais admis son sentiment en ne le contredisant pas.
Je crois, messieurs, que si l'on voulait m'imposer toutes les opinions que j'entends avancer sans y répondre, l'on m'imputerait beaucoup de choses bien variées et bien contradictoires.
J'avoue que je crois avoir au Sénat résolu la question du mot « bourgmestre » seul ; j'ai été surpris en ouvrant les Annales parlementaires de ne rien trouver à cet égard ; j'y ai trouvé deux fois la solution quant au mot « propriétaire » ; je pense que la première s'applique au mot « bourgmestre », et qu'une faute de copie a changé ce point. Mais je n'ai jamais pu autoriser la mention de la demeure ; c'eût été textuellement contraire à la loi.
Mais, messieurs, si nous annulons les bulletins qui portent la mention de « Ypres » et qui sont donnés à M. Van Renynghe, il est de toute justice d'annuler également les bulletins qui portent le nom de M. Van Merris avec l'indication d'un domicile.
Or, il y a deux bulletins qui portent le nom de M. Van Merris avec l'indication du domicile.
Cela fait donc quatre suffrages à retrancher à M. Van Renynghe et deux suffrages à retrancher à M. Van Merris ; en moins donc pour M. Van Renynghe deux voix. M. Van Renynghe a au point de départ de la section centrale trois voix d'avance ;
Il en reste donc une et M. Van Renynghe tient toujours la corde, mais d'une voix seulement.
J'arrive maintenant, messieurs, aux bulletins qui contiennent des noms de personnes non connues comme candidats.
Mais, messieurs, quel est le système ?
Messieurs, il est très simple, d'après moi ; il n'y a pas dans la loi de proscription absolue de porter sur les bulletins des noms de personnes qui ne sont pas candidats.
En fait et quand on veut aller au fond des choses, on doit bien reconnaître que ces votes en faveur de personnes qui ne réunissent qu'une ou deux voix sont extrêmement suspects.
Je reconnais qu'on ne peut pas annuler ces bulletins par cela seul.
Mais par contre, on a bien le droit de rechercher s'il n'y a pas de signes qui viennent donner aux soupçons qu'on peut concevoir un caractère de (page 23) certitude, et je pense qu'en allant au fond des choses on trouve ici des preuves très convaincantes.
Je commence par l'examen de ce qui concerne M. Van Merris.
Il y a, à mon sens, deux bulletins à exécuter contre lui : ce sont les bulletins qui portent l'un les noms de Mr Beke, Pieter, Van Merris, Jules, et Monstruel, et l'autre les noms de : Beke Pierre ; Van Merris Jules, et Desclée.
Je pense qu'il faut les annuler pour deux raisons ; d'abord parce que ces deux bulletins sont écrits de la même main et qu'il est extrêmement étrange qu'une même personne fasse voter pour deux individus différents qui ne sont pas des candidats.
La seconde raison qui, selon moi, rend ce billet suspect, c'est qu'ils ne mentionnent ces deux personnes que d'une manière vague et que la notoriété ne supplée pas à l'absence de désignation suffisante. Les noms ne sont pas portés au billet comme votes sérieux, mais pour y inscrire un signe afin de le faire reconnaître.
J'écarte donc ces deux suffrages et je les retranche à M. Van Merris. Voila donc M. Van Renynghe de trois voix en avant.
Mais l'enquête que je fais pour M. Van Merris, je la fais aussi pour M. Van Renynghe et je le transporte à un autre mode de rendre le billet reconnaissable, où l'identité d'origine des bulletins trahit, comme dans le cas précédent, une marque du bulletin.
Je reconnais, messieurs, et je l'ai d'ailleurs déclaré au Sénat, que les bulletins portant le mot « Monsieur » ne sont pas des bulletins annulables s'il n'y a rien de spécial qui puisse faire reconnaître les bulletins.
Je crois qu'il faut les maintenir comme valables, s'ils ne renferment rien de particulier.
C'est là une chose usuelle. ; cela est entré dans les mœurs et ne constitue qu'une simple politesse.
Aussi je n'entends pas critiquer la décision de la section centrale quant aux bulletins portant seulement un M. s'appliquant à un nom seul, ou MM. s’appliquant à tous les candidats.
Mais le tableau imprimé à la suite du rapport de la section centrale m'a révélé trois bulletins portant d'une manière anormale l'abréviation de Messieurs, ce sont deux MM avec chacun un petit r : « Mr Mr. »
S'il est vrai que deux singuliers forment un pluriel, c'est une règle qui n'est pas appliquée, à ma connaissance, dans cette manière de dire MM. On met quelquefois un rs après le second M., mais je ne vois jamais mettre un r à chacun des M.
J'examine ces bulletins et je trouve qu'ils sont écrits de la même main. Mais ce n'est pas tout ; la personne qui distribue ces bulletins les différencie tous.
Tantôt l'honorable M. Vandenpeereboom, qui n'en avait constaté que deux, avait déjà trouvé la chose suspecte. Nous en trouvons trois, et le troisième confirme l'opinion qu'on peut avoir des deux précédents. Ainsi, l'on mentionne, dans l'un, Peter Beke ; dans le second, Petrus Beke, et dans le troisième on ne met plus de Beke du tout.
Voilà, je le répète, quelque chose qui me paraît plus que suspect ; ces modifications spéciales pour un même nom, dans trois bulletins écrits de la même main, avec une manière anormale d'écrire MM. révèlent des bulletins qu'on a voulu faire reconnaître ; et je retranche ces trois bulletins à l'honorable M. Van Renynghe.
M. Van Renynghe avait tantôt trois d'avance ; il en perd trois. Voilà les deux candidats égaux. C'est ici que la discussion devient évidemment intéressante.
Mais je cherche si je trouve encore quelque chose de particulier dans les bulletins attribués à M. Van Merris et je constate que je ne trouve plus rien.
M. Van Wambekeµ. - Pardon, il y a encore le bulletin portant le nom de Conscience.
MiPµ. - Nous avons admis tantôt que quand un bulletin portait un nom n'ayant rien de spécial, nous ne nous occupions pas de ce nom. Ainsi je ne conteste pas le bulletin portant le nom de M. Louis de Simpel accolé à celui de M. Van Renynghe. Je crois qu'il est plus naturel que l'on vote pour M. Conscience que pour M. Louis de Simpel ; le premier est plus connu et rencontre des sympathies flamandes assez vives.
Je laisse donc ce bulletin de côté ; j'en laisse de plus nombreux contenant le nom de M. Van Merris. Mais je crois que plusieurs de ceux attribués à M. Van Renynghe offrent des circonstances extrêmement remarquables et que, d'après la règle que, d'un commun accord, nous avons posée, nous devons annuler ces bulletins. Ainsi dans la première section, vous avez le bulletin portant le nom de Putte...
M. Teschµ. - Evidemment il doit être annulé.
MiPµ. - C'est-à-dire portant le nom d'une personne impossible.
M. Coomans. - Comment ! Il y a beaucoup de Belges qui portent ce nom. J'ai des amis qui s'appellent Putte. (Interruption.)
MiPµ. - Il ne s'agit pas de tous les Putte possibles, il s'agit de Léopold Putte, qui a été frappé d'une condamnation, qui est un personnage pour lequel on n'a pu sérieusement voter et qu'on vient porter sur un bulletin dans une élection pour la Chambre. Je dis que cela n'est pas sérieux et que ce bulletin doit être annulé.
J'ai un autre bulletin qui, d'après moi, doit être également annulé, c'est celui qui porte : « Louis Vandenpeereboom. » Sans doute, il est permis de voter pour « Louis Vandenpeereboom », mais ce que je trouve plus qu'étrange, c'est qu'on ait porté le zèle de cette candidature inexistante jusqu'à ajouter son nom après coup sur un bulletin.
Je vous demande à tous si, en âme et conscience, vous pensez qu'on a ajouté ce nom pour donner une voix sérieuse et non pas pour pouvoir contrôler le vote de l'électeur ? Pour moi, cela n'est pas une chose douteuse.
Voilà incontestablement deux voix que perd M. Van Renynghe et qui le replacent en arrière, et cela suffirait pour me dispenser d'entrer dans d'autres détails.
Mais ce n'est pas tout.
Nous avons un bulletin écrit sur papier ligné. Je me suis expliqué au Sénat sur la question de savoir si les lignes annulent le bulletin. J'ai posé deux cas extrêmes. Si les lignes sont faites pour aider un homme qui écrit difficilement, il n'y a pas lieu d'annuler ce bulletin ; il en est autrement si les lignes ont un caractère exceptionnel qui dénote une marque. Or, le bulletin qui nous occupe est écrit par une main exercée, dont je serais tenté d'ambitionner l'écriture. A quoi ont servi les lignes ? Voici un autre bulletin, il porte :
« Alphonse Vandenpeereboom,
« Pierre Beke,
« M. Van Renynghe. »
J'admets (rue le mot Monsieur ne signifie rien quand c'est une simple politesse banale, mais je trouve très extraordinaire qu'on vienne dire :
Alphonse Vandenpeereboom ;
Pierre Beke ;
Monsieur Van Renynghe.
Remarquez bien, messieurs, que je n'ai pas besoin de prétendre que l'électeur ait employé cette désignation réellement pour se faire connaître, mais je dis qu'elle est incontestablement de nature à faire reconnaître le billet. Lorsque au dépouillement on lit ce bulletin, évidemment il sera remarqué par tout le monde. Si l'on peut mettre ainsi le mot « monsieur » d'une manière variée, on peut arriver à marquer une quantité de bulletins. J'ai fait le calcul pour l'arrondissement de Bruxelles où il y a 15 députés à élire et j'ai constaté qu'au moyen du mot « monsieur » ajouté à un seul nom vous pouvez faire cinq milliards de billets marqués.
M. Coomans. - En observant la loi.
MiPµ. - Comme l'honorable M. Coomans se propose de faire cette démonstration, je vais faire par avance la démonstration contraire.
Que dit la loi ? C'est qu'on ne peut porter d'autres désignations que celles qu'elle indique. Or, si vous preniez la loi à la lettre, vous devriez proscrire les « Monsieur » d'une manière absolue ; mais je reconnais que c'est pousser la rigueur extrêmement loin, et je concède que lorsqu'il n'y a qu'une politesse inoffensive, banale s'appliquant à tout le monde, on peut s'écarter d'une rigueur inutile.
Mais quand cette addition proscrite par la loi cesse d'être une banalité pour devenir un moyen de reconnaître le bulletin, j'applique la loi non seulement dans la rigueur de son texte, mais dans la vérité de son esprit.
M. Teschµ. - C'est évident. '
MiPµ. - Un autre bulletin portant trois noms, porte en tête Mynheer au singulier, c'est tout au long. Ce suffrage a quelque chose d'étrange puisqu'il s'applique à notre ancien collègue, l'honorable M. de Florisone qui n'était plus candidat ; on y ajoute la mention d'un Mynheer sans la répéter pour les autres. Ce bulletin n'est-il pas encore aisément reconnaissable ?
Un autre bulletin met les mots « membres sortants » entre parenthèse. Ce bulletin peut être moins suspect, mais c'est encore un signe défendu et qui n'a pas, comme l'accolade que l'on admet généralement, un caractère d'utilité.
En voilà assez, messieurs, et je ne discuterai pas d'autres bulletins qui ont été l'objet de critiques.
(page 24) En défalquant à M. Van Renynghe ces quatre bulletins, après les deux que j'ai d'abord indiqués, M. Van Merris l'emporte de six voix sur lui.
II reste de la marge, comme on voit, et en validant même l'un ou l'autre des bulletins que je viens d'indiquer, oh ne changerait pas le résultat.
Je tenais à faire l'application des principes que j'ai indiqués au Sénat.
On voit qu'ils conduisent à des conséquences toutes différentes de celles qu'a admises la commission de vérification des pouvoirs.
- Plusieurs membres. - A demain !
M. IJériaH. — Messieurs, je demande la remise à demain et en voici le motif :
Je voudrais rencontrer les observations que vient de présenter l'honorable M. Pirmez. Or, il a parlé de différents bulletins sur lesquels l'attention de la commission n'a pas été appelée jusqu'ici. Je voudrais prendre connaissance de ces bulletins. Je ne pourrais non plus terminer mon discours aujourd'hui. J'espère donc que la Chambre, à raison de l'intérêt que je viens de signaler, voudra bien remettre à demain.
- La séance est levée à 4 heures et demie.