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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17 mai 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1033) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont,. présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Beaumont demande la construction du chemin de fer de Frameries à Chimay avec embranchement de Beaumont sur Thuin. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. de Baillet-Latour (pour une motion d’ordre). - Une affaire urgente m'a éloigné hier momentanément de la Chambre et m'a empêché de prendre part au vote.

Je tiens à bien constater quel était mon sentiment et à déclarer que j'aurais donné, comme les autres représentants de ma province, un vote négatif au projet de loi.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur les fraudes électorales

Discussion générale

MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Non, M. le président ; nous demandons que la discussion s'ouvre sur le projet de loi, tel qu'il a été amendé par le Sénat.

MfFOµ. - Messieurs, d'après ce que vient de dire mon honorable collègue de l'intérieur, nous demandons que la discussion s'ouvre sur le projet de loi, tel qu'il a été amendé par le Sénat. Nous convions la Chambre, dans un esprit de conciliation, et afin d'arriver à l'application immédiate des mesures qui ont été admises par les deux assemblées, à ne pas insister sur les idées qui ont prévalu dans cette enceinte, en ce qui touche les dîners électoraux.

Le Sénat n'a permis que les dîners qui seront offerts aux électeurs le jour de l'élection ; les dîners donnés avant et après les élections sont interdits.

J'ai toujours la conviction qu'il eût fallu proscrire les dîners électoraux d'une manière absolue. Il se peut cependant qu'en présence des discussions qui ont eu lieu, et des intentions qu'on a manifestées dans cette Chambre, les abus deviennent moins grands, et qu'on ait moins à s'en plaindre. Mais s'il n'en était pas ainsi, si les abus se renouvelaient et prenaient des proportions telles qu'il fût nécessaire d'y mettre un terme, nous aurions à soumettre, en temps opportun, de nouvelles propositions à la législature.

Si la Chambre procède comme nous le demandons, la loi pourra encore être mise à exécution cette année pour les élections au Sénat. Peut-être ne pourrait-il pas en être ainsi, si le projet de loi devait être renvoyé de nouveau à l'autre Chambre. C'est pour ce motif que nous nous rallions au projet tel qu'il a été amendé par cette assemblée.

MpVµ. - La discussion s'ouvre sur le projet de loi tel qu'il a été amendé par le Sénat.

M. de Theuxµ. - Messieurs, quel que puisse être mon désir de voter des mesures pour la répression des fraudes en matière électorale, je ne puis donner mon assentiment au projet dont la Chambre est saisie.

Lors de la première discussion, j'ai signalé des lacunes extrêmement importantes ; j'ai articulé de nombreux griefs ; on n'a pas voulu combler les lacunes que j'ai indiquées et on a aggravé les griefs.

On dit que c'est un projet de loi sur la répression des fraudes électorales ; or, s'il est une fraude électorale immense, répréhensible à tous égards, c'est celle qui accorde le droit électoral à un grand nombre de faux électeurs par l'admission d'un débit fictif de boissons distillées. Je réserve pour un autre moment la grande question de savoir si ce débit doit réellement compter pour le cens électoral, et s'il n'y a pas d'autres mesures à prendre.

Mais, pour le moment, je me borne uniquement au point frauduleux. Or, je dis que de toutes les fraudes qui se commettent en matière électorale, il n'y en a aucune qui approche de loin de celle de la création de débitants fictifs.

Cependant sur ce point capital, aucune mesure ; silence absolu.

Un autre grief que j'avais articulé, c'est que les listes des contribuables ne sont pas suffisamment à la connaissance de tous les électeurs. Il se pratique, dans certaines communes, des choses qui empêchent les électeurs d'une opinion contraire à celle de l'administration, de prendre connaissance complète, et en temps opportun, de la liste des contribuables. Ce grief a été signalé dans cette Chambre par un homme très compétent, l'honorable M. Van Bockel, ancien bourgmestre de Louvain, et certainement un des hommes les plus dévoués au pays et le plus droit dans tous ses actes et dans toutes ses intentions.

Eh bien, j'avais demandé à M. le ministre des finances s'il ne pourrait prendre des mesures administratives, à défaut de mesures législatives, qui pussent assurer la communication de la liste des contribuables à tous les électeurs et en tout temps.

. Lorsque le temps des élections approche, le bureau où l'on peut en prendre connaissance se trouve occupé quelquefois par un seul parti et l'autre ne peut y avoir accès, ou ne peut y avoir un accès suffisant, assez complet pour qu'il puisse, de son côté, contrôler la sincérité des listes. Je crois que M. le ministre est bien en droit de prescrire des mesures à cet égard, et je l'invite de nouveau très sérieusement à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que cet accès soit toujours libre, sans distinction de parti.

Un autre grief, c'est celui résultant de la fixation du droit de patente. Si le comité des patentes agit avec partialité, il diminue tant soit peu la cote d'un patentable qui, à l'aide de cette cote, est électeur ou peut le devenir, et le patentable, désirant user de ses droits politiques, n'a aucun droit de réclamer contre cette réduction. On dit : La réduction est à son profit. Mais qu'importe à un homme d'honneur qu'on lui supprime quelques centimes ou un franc de contribution pour l'écarter de ses droits politiques ? Il faut donc de toute nécessité qu'il soit pris une mesure qui permette à tout patentable de réclamer contre une réduction indue de la patente.

Messieurs, la loi ne fait pas droit à de nombreux griefs qui ont été articulés.

Un des plus anciens est celui de la circonscription électorale et de l'inégalité existant entre les électeurs. On avait cru dans cette Chambre et au Sénat (il y a eu tout au moins sur cette question une minorité très forte dans les deux Chambres, deux voix de moins que la majorité), qu'il y avait un moyen de remédier à cet abus.

On a allégué la grandeur des dépenses, s'il fallait indemniser les électeurs. Or, en présence de toutes les dépenses qui se font dans un pays comme le nôtre, et ayant égard à l'importance de la sincérité des élections, je ne comprends pas le côté sérieux de cet argument de la dépense. C'est le petit côté de la question. Le grand côté est l'accès facile, égal, à l'urne électorale pour tous les électeurs.

Au lieu de redresser ce grief, qu'a-t-on fait ? On a imposé un ordre alphabétique dans chaque section du collège électoral. Quelle est la conséquence de cette mesure ? C'est que les électeurs les plus éloignés comme les électeurs les plus rapprochés sont confondus ; tandis que, d'après l'ancienne loi, modifiée cous ce rapport sans aucun motif sérieux, les électeurs les plus éloignés étaient appelés les derniers, et les électeurs (page 1034) les plus rapprochés les premiers. S'il y avait ballottage, les plus éloignés étaient appelés les premiers et pouvaient conséquemment retourner dans leurs foyers. Aujourd'hui, grâce à l'ordre alphabétique, cela leur sera souvent impossible, surtout dans les grands arrondissements et là où les élections durent longtemps.

Je le demande, pourquoi a-t-on décrété l’ordre alphabétique ? Par un vain amour-propre, parce qu'on avait parlé de l'ordre alphabétique, parce qu'on avait dit qu'il y avait une influence irrésistible lorsqu'on votait par ordre de communes. Eh bien, cela n'est pas sérieux, cela ne soutient pas l'examen. Comment les électeurs seraient-ils influencés au moment de l'élection, en présence de toute une section composée d'un grand nombre d'électeurs ? Puis, messieurs, dans une commune, il y a toujours des électeurs appartenant aux deux opinions, qui se protègent par conséquent mutuellement. Ces influences, messieurs, peuvent être plus facilement exercées avec le système de l'ordre alphabétique qu'avec le système du vote par commune.

Quand les électeurs d'une même commune sont réunis, ils peuvent se concerter ; vous les confondez dans une masse d'électeurs inconnus les uns des autres.

La loi a introduit des pénalités nouvelles, elle a introduit des délits nouveaux. Je ne critiquerais pas ce système, si j'étais certain de l'impartialité des agents de la police et des agents de l'autorité judiciaire, chargés de constater les faits ; mais, en pratique, quand l'autorité administrative d'une commune, quand le gouvernement est fortement en cause, je dis que les agents de la police locale, les agents de la police judiciaire n'y voient plus clair si les faits sont commis dans l'intérêt de l'élection patronnée par le gouvernement et ils ont plus que des yeux d'argus pour rechercher les faits commis par l'opposition, s'il n'y a rien à critiquer ; c'est de l'intimidation d'un côté et de la garantie de l'autre.

Encore si l'on avait admis la proposition de l'honorable M. Jacobs, qui comminait des peines contre tout agent qui aurait négligé ses devoirs, on pourrait trouver dans cette disposition une garantie ; mais il n'y a aucune pénalité de ce genre ; aussi que voyons-nous très souvent ? Nous voyons, par exemple, en cas de troubles, de désordres, d'attroupements, l'autorité ayant les yeux fermés, ne faisant rien, ne se trouvant pas présente.

Encore peut-on affirmer que le président du bureau maintient toujours une police sévère ? Je n'oserais pas l'affirmer en présence de certains faits qui ont été signalés par les journaux.

Les questions de parti dominent dans les élections. Il n'est pas de matière où l'esprit de parti se montre autant que dans les matières électorales, il n'y en a pas, c'est dans la nature des choses. J'aurais donc désiré que l'amendement présenté par M. Jacobs lors de la première discussion eût été adopté ; c'eût été au moins une garantie.

J'avais présenté aussi un amendement relatif à la composition des bureaux ; c'est une matière capitale.

Il est de notoriété publique que certains bureaux sont tout à fait homogènes, qu'aucun membre de l'opinion contraire ne s'y trouve. Eh bien, quelle garantie le scrutin dépouillé par un pareil bureau offre-t-il au corps électoral ? Vous avez la moralité des personnes, mais la moralité des personnes n'est pas, en matière législative, une garantie suffisante ; elle est souvent mise en doute ; il faudrait que le bureau fût composé de telle sorte, qu'aucun parti n'eût de motif légitime de soupçonner sa partialité.

Il est vrai qu'on proclamera à chaque bulletin le nombre de votes attribués à chaque candidat, mais les bulletins ne sont pas contrôlés et l'on s'arrange même de manière à faire circuler les électeurs de telle sorte qu'ils ne puissent pas profiter de la faculté que la loi leur laisse de contrôler le dépouillement.

Et puis le contrôle de la proclamation du nombre de voix attribuées à chaque candidat peut-il se faire ? Mais non ; il est défendu de prendre des notes quelconques ; ainsi on en est arrivé au nombre 100 pour un candidat ; viennent quelques autres bulletins, on voudrait en tenir note, on ne peut ; dès lors la mémoire fait défaut, et de crainte d'erreur on n'ose plus réclamer.

Je regrette que l'honorable ministre des finances se soit de nouveau prononcé contre l'indemnité ; c'était assurément la meilleure des mesures qu'on pût adopter pour obtenir la sincérité la plus complète de l'élection. Et si, comme quelques membres du Sénat l'avaient proposé, on avait admis en même temps le vote obligatoire, le verdict électoral eût été la représentation sincère, complète, inattaquable de l'opinion du pays.

Malheureusement, en l'absence de ces mesures, le verdict électoral restera toujours entaché de soupçon dans l'opinion du parti qui aura succombé dans la lutte.

Eh bien, c'est là un état de choses fâcheux pour le pays, parce qu'il diminue la considération du corps électif et du gouvernement lui même.

J'espère qu'il viendra un moment où le gouvernement, fermement convaincu de la nécessité de faire droit à de justes observations, à de véritables griefs, nous présentera un projet de loi qui soit complètement inattaquable du chef de l'esprit de parti, un projet qui soit l'expression du désir sincère d'avoir des élections sincères et de donner à tous les corps électifs la considération la plus grande. Cela donnera une grande force au pays et calmera beaucoup l'opposition qui résulte de la mauvaise foi électorale.

Quant à moi, je l'ai dit et je le répète de nouveau, si, à l'aide de lois électorales justes et d'une pratique électorale sincère, à l'abri des critiques, le corps électoral se prononçait dans un sens, je ne penserais pas à critiquer sa décision, parce que tel est l'esprit de la Constitution que la majorité doit triompher dans les élections, parce qu'elle en a le droit.

J'ai dit.

MfFOµ. - Messieurs, la Chambre se souvient qu'il y a quelques années, un mouvement assez vif d'opinion, soutenu principalement par l'opposition, réclamait des mesures pour la répression des fraudes en matière électorale.

Le gouvernement déposa, à la suite de pressantes instances qui s'étaient produites dans ce but, un projet de loi destiné à réprimer les abus dont on s'était si vivement plaint. Ce projet était peu étendu ; il ne réprimait que les fraudes les plus apparentes, celles qui avaient été particulièrement signalées. On le trouva tout à fait insuffisant, et je fais à cet égard appel à l'honorable préopinant lui-même ; il reconnaîtra que ce fut surtout de la part de l'opposition que le projet de loi fut critiqué comme étant complètement illusoire. Il fallait autre chose ; il fallait proscrire les dépenses électorales ; on les dénonçait sur les bancs de la droite. C'était cet abus surtout qu'il fallait faire cesser.

Le gouvernement cédant à cette demande proposa un nouveau projet de loi plus complet, plus étendu, ayant pour objet de satisfaire, autant que possible, aux différents griefs qui avaient été signalés. Et maintenant que ce projet a subi l'épreuve de la discussion dans la Chambre et dans le Sénat, qu'on s'est mis d'accord sur un très grand nombre des dispositions qu'il comprenait, malgré l'appel que j'ai fait à l'esprit de conciliation de la Chambre, en la conviant à adopter une disposition admise par le Sénat, bien qu'elle soit contraire à la solution donnée d'abord à cette question par la Chambre elle-même, voici que l'honorable M. de Theux persiste à combattre le projet de loi tout entier ; et il le combat non pas précisément à cause de ce qui s'y trouve, mais bien plutôt à cause de ce qui s'y trouve pas. Il le considère comme incomplet, comme insuffisant ; il laisse subsister encore des causes d'erreurs ; il maintient certaines dispositions des lois électorales que l'honorable membre considère aujourd'hui comme défectueuses. En un mot, le projet de loi actuel, quoique beaucoup plus étendu que le projet primitif du gouvernement, ne peut satisfaire encore l'honorable membre.

Il me semble cependant, messieurs, que ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour rejeter toutes les dispositions du projet, aussi bien celles sur lesquelles l'opinion de la Chambre est divisée, que celles sur lesquelles on est d'accord. Je comprends que l'on réclame encore d'autres mesures, d'autres garanties ; cela pourra être examiné ultérieurement ; mais que l'on rejette absolument même les dispositions que l'on a dû reconnaître bonnes et utiles, parce que d'autres dispositions, que l'on considère également comme efficaces, ne se trouvent pas encore inscrites dans le projet, cela, je l'avoue, me paraît un peu excessif.

Quelles sont, au surplus, les plaintes que fait entendre l'honorable préopinant ?

Il prétend que des abus existent, en ce sens que l'on constitue des droits électoraux à l'aide d'un fractionnement de certaines contributions, et notamment du droit de débit de boissons. II aurait fallu introduire dans la loi quelque disposition corrective, en réservant la question principale, celle de savoir si cet impôt peut être admis pour la formation du cens électoral.

Mais, messieurs, l'honorable membre a perdu de vue que, dans le projet de loi de réforme électorale que la Chambre a adopté, il y a peu de temps, j'ai proposé des dispositions que la Chambre a admises sans contestation et qui sont de nature à faire cesser en très grande partie les abus dont il vient de parler.

(page 1035) M. de Theuxµ. - C'est quelque chose ; mais le grief principal subsiste.

MfFOµ. - J'ai été au-devant de ses désirs, j'ai pris moi-même l'initiative d'une proposition qui leur donne satisfaction, car l'honorable membre reconnaîtra assurément que je suis aussi désireux que lui d'empêcher les fraudes en matière électorale.

J'avais, en effet, constaté que, principalement dans les élections communales, on abusait d'autant plus facilement de la faculté de faire des déclarations supplémentaires de certaines contributions pour des sommes minimes, qu'il suffit de la possession annale du cens pour être inscrit sur les listes électorales.

Eh bien, j'ai proposé à la Chambre d'exiger, même en matière communale, les conditions qui sont requises pour les élections générales. C'est assurément une grande amélioration du régime actuel. En ce point, il a donc été fait droit, en grande partie, aux griefs de l'honorable M. de Theux.

L'honorable membre fait une seconde objection pour expliquer son vote négatif sur le projet en discussion, bien que cette objection n'ait aucune connexité avec le projet.

L'honorable membre se plaint de ce que l'on ne peut, selon lui, vérifier d'une manière suffisante les droits des individus inscrits sur les listes électorales. II voudrait que tous les citoyens pussent aller examiner les rôles des contributions chez les receveurs, afin de pouvoir, par cé moyen, contrôler les listes électorales.

Eh bien, messieurs, encore une fois, j'ai prescrit une mesure propre à donner toute satisfaction sur ce point à l'honorable membre.

Jusque dans ces derniers temps, on envoyait aux administrations communales le double des rôles de contribution pour servir à la formation des listes électorales, et ces doubles étaient à la disposition du public, qui pouvait en prendre inspection.

Mais la vérification des listes électorales par les particuliers, au moyen de ces pièces, était très compliquée et très difficile, car le rôle de chaque impôt spécial était isolé, et pour pouvoir constater le droit de celui qui figurait sur les listes électorales, il fallait compulser les rôles des cinq contributions directes, afin de savoir si, en réalité, il possédait le cens.

Eh bien, j'ai prescrit à tous les receveurs de contributions de tenir un sommier indiquant, pour chaque contribuable, le montant des diverses contributions qu'il paye à l'Etat et à l'aide desquelles il constitue le cens électoral. J'ai ordonné que le double de ce sommier fût transmis aux administrations communales, de sorte que la vérification est devenue aujourd'hui extrêmement facile.

Ce moyen si simple de contrôler les listes électorales ne peut présenter aucun inconvénient. Mais la proposition formulée par l'honorable M. de Theux, pour arriver au même but, n'aurait pas assurément ce caractère. Le moyen indiqué, par l'honorable membre serait absolument impraticable. En effet, comment serait-il possible que le receveur des contributions fût, pendant une période indéterminée, toujours à son bureau, pour recevoir tous les citoyens indistinctement qui se présenteraient chez lui pour faire des vérifications dans ses registres ? Cela n'est pas possible. Les receveurs sont obligés d'aller en recette dans les diverses communes de leurs circonscriptions. Ils doivent s'absenter pour faire leurs versements, et lorsqu'ils sont dans leurs bureaux, ils doivent avoir la libre disposition de leur sommier et de leurs rôles pour remplir leurs attributions.

Le service public serait donc impossible dans les conditions qu'avait indiquées l’honorable membre. En mettant la copie du sommier à la disposition de l'administration communale, qui doit, aux termes de la loi, le tenir à la disposition du public, j'ai fait ce qui était pratique et utile, tandis que l'examen des rôles dans les bureaux des receveurs n'était pas praticable.

M. Delaetµ. - Il n'y a pas dix personnes qui iront voir.

MfFOµ. - Je veux faire remarquer que cela eût été sans résultat. Si, d'après la proposition de l'honorable M. de Theux, on avait obligé les receveurs des contributions à rester constamment à leur bureau pour y recevoir tous les citoyens qui se seraient présentés chez eux, quel avantage y eût-on trouvé ? D'ailleurs les particuliers obligés de compulser cinq rôles de contributions directes, et de réunir les différentes cotes afférentes aux mêmes contribuables, se seraient trouvés souvent fort embarrassés et n'eussent pu se livrer qu'à une vérification très incomplète et très insuffisante.

La mesure que j'ai prise est, au contraire, complète et efficace ; le receveur est tenu d'avoir un sommier, qui, sous un seul article, indique pour chaque contribuable les contributions de toutes natures qu'il paye. Il remet une copie littérale de ce sommier aux administrations communales, ce qui permet de vérifier à l'instant si tel individu porté sur les listes électorales remplit réellement les conditions exigées par la loi.

L'honorable M. de Theux articule un troisième grief ; il suppose que les comités de répartiteurs peuvent arbitrairement augmenter ou diminuer la patente déclarée par les particuliers.

Messieurs, les comités de répartiteurs sont institués, en effet, pour établir le droit de patente, pour examiner si les conditions prescrites par la loi sont observées. Mais si des particuliers ont à se plaindre de ce qu'ils ont été dégrevés ou surtaxés arbitrairement par des répartiteurs, ils ont une action ouverte devant la députation permanente. (Interruption.)

Je demande, d'ailleurs, à l'honorable membre comment, dans une loi sur les fraudes électorales, il eût été possible de trouver un moyen quelconque de parer à cet inconvénient, en admettant même qu'il existe réellement ? (Interruption.)

S'il y a des abus, je suis prêt à les réprimer, quels qu'ils soient, pourvu que j'en aie le moyen.

Il y a aussi les fausses déclarations que font des particuliers pour arriver au droit électoral. Quel moyen faudrait il employer pour réprimer ces abus-là, si les moyens qui existent sont insuffisants ? Je n'en sais rien.

Je crois, messieurs, que le fait de répartiteurs agissant dans des vues politiques, atténuant ou augmentent le droit de patente, est la grande exception. Mais il n'en est pas de même de la pratique qui consiste à faire faire des déclarations plus élevées, afin de créer le droit électoral en faveur de certains individus. Ce fait est beaucoup plus fréquent. On constate qu'il manque à un individu quelques francs pour arriver au cens électoral ; eh bien, on déclare un foyer de plus. Je le répète, j'ignore le moyen d'arriver à la répression de ces actes ; mais ceci n'est pas un motif pour écarter les mesures répressives d'autres abus, d'autres fraudes, et qui sont inscrites dans la loi.

L'honorable membre nous a signalé encore un autre grief, consistant en ce qu'il y aurait inégalité dans la condition des électeurs. Les uns ont à faire un long trajet pour exercer leur droit, tandis que les autres sont au chef-lieu.

Messieurs, cela est vrai ; mais il faut apprécier ces faits selon leur véritable valeur.

Depuis trente-six ans, cette même situation existe.

La disposition que l'on critique a été proposée par l'honorable M. de Theux lui-même, si je ne me trompe, rapporteur de la loi électorale de 1831 au Congrès national. Il a fait valoir que c'était une mesure salutaire d'amener tous les électeurs au chef-lieu, afin qu'ils puissent s'entendre, se concerter entre eux et s'inspirer de l'esprit politique qui est nécessaire dans un Etat libre, pour se déterminer dans les choix qu'ils auraient à faire. C'est l'honorable M. de Theux lui-même qui, en 1831, a proposé cette mesure.

M. de Theuxµ. - Depuis lors, on a abaissé le cens électoral.

MfFOµ. - Sans doute, mais cela ne change pas la raison déterminante du vote au chef-lieu.

Or à quelle époque une semblable mesure a-t-elle été prescrite ? Mais à une époque où les moyens de communication étaient beaucoup plus difficiles qu'aujourd'hui, où nous avions peu de bonnes routes, presque pas de chemins vicinaux, pas de chemins de fer, en un mot, où nous n'avions pas tous les moyens de locomotion perfectionnés qui existent aujourd'hui. La situation actuelle est bien différente, et il est devenu extrêmement facile de se rendre des diverses communes au chef-lieu d'arrondissement.

M. Coomans. - Pas partout.

MfFOµ. - Presque partout. Il est presque partout beaucoup plus facile et plus économique d'aller au chef-lieu d'arrondissement que d'aller au chef-lieu de canton.

M. Snoy. - Chargez-vous donc de transporter les électeurs de Nivelles, et vous verrez.

MfFOµ. - Je dis que cela existe presque partout, et cela n'est pas niable. Il y a, sans doute, encore certains arrondissements dans lesquels les communications ne sont pas encore aussi perfectionnées et aussi complètes que dans d'autres ; il existe encore certaines difficultés. Mais ces difficultés sont toujours beaucoup moindres que celles qui existaient à l'époque où l'on ne se plaignait pas.

M. Teschµ. - Lors du vote de la loi électorale de 1831, le cens a été fixé a 20 florins dans le Luxembourg, et quoique les distances soient (page 1036) énormes dans cette province, on a bien admis le vote au chef-lieu de province.

MfFOµ. - On dit : Le cens a été abaissé.

L'honorable M. Tesch répond à l'instant même : Le cens n'a pas été abaissé dans le Luxembourg ; il est toujours resté à 20 florins. On est resté dans les mêmes conditions et les grandes distances étaient à parcourir principalement dans cette province.

M. Teschµ. - 10 lieues.

MfFOµ. - Eh bien, l'on ne s'est pas plaint.

Vient 1848. On fait la réforme électorale. La question se présente encore de savoir si l'on votera au chef-lieu, et la Chambre, à l'unanimité, sur la déclaration expresse consignée dans le rapport de la section centrale de cette époque, qui avait pour rapporteur, si je ne me trompe, l'honorable M. de Brouckere, décide expressément que le vote continuera d'avoir lieu au chef-lieu d'arrondissement. Jusque dans ces derniers temps, aucune plainte ne s'était élevée de ce chef.

M. Dumortier. - Si ! si !

MfFOµ. - Jusque dans ces derniers temps, non.

Quand sont venues les plaintes ? Il faut bien le dire, elles sont venues, quand on a supposé que si l'on introduisait dans la loi une modification appelant les électeurs à voter ailleurs qu'au chef-lieu, il y aurait un changement dans les résultats électoraux. On a pensé que si les électeurs ne votaient plus au chef-lieu d'arrondissement, la majorité pourrait être modifiée. C'est alors seulement qu'on a inventé le grief tiré de la difficulté d'arriver au chef-lieu d'arrondissement.

Eh bien, cela démontre que ce grief ne peut être écouté. Il a été inventé dans un esprit de parti.

M. Dumortier. - Il est juste.

MfFOµ. - Il est juste, dites-vous ? Eh bien, voyons, où voulez-vous qu'on vote ?

M. Coomans. - Dans chaque commune ou par groupes de communes, comme en Hollande.

MfFOµ. - C'est cela précisément ! C'est-à-dire le vote chez le grand propriétaire, chez le bourgmestre ou chez le curé, selon les influences qui dominent. Voilà ce que vous demandez. Et l'exemple que vous citez est celui qui est de nature à faire condamner le système. En Belgique, avec le vote au chef-lieu d'arrondissement, vous avez conservé un grand et heureux esprit politique. Je désire qu'il s'y maintienne toujours. Les électeurs n'ont jamais fait défaut au scrutin.

M. de Mérodeµ. - Et à Bruxelles ?

MfFOµ. - Quand il y a eu lutte, on a vu toujours les électeurs campagnards arriver au scrutin dans une proportion aussi considérable que les électeurs du chef-lieu.

M. de Naeyerµ. - C'est une erreur.

MfFOµ. - Ce n'est pas une erreur.

Je ne pouvais prévoir cette discussion ; elle me surprend tout à fait à l'improviste ; je n'ai pas avec moi le moindre document. Mais j'ai fait vérifier les faits et ils constatent que la proportion des électeurs campagnards est considérable, et que peu d'électeurs manquent au scrutin, lorsqu'il y a lutte.

M. Delaetµ. - Et au scrutin de ballottage ?

MfFOµ. - Si vous voulez greffer ainsi question sur question, il m'est impossible de vous suivre. Je ne saurais traiter toute espèce de sujets à la fois. Laissez-moi dans le sujet que je traite jusqu'à ce que j'en aie terminé, et je discuterai après cela tout ce que vous voudrez. Nous nous occupons quant à pèsent du point de savoir si le vote au chef-lieu est un obstacle à ce que les électeurs exercent leurs droits. Eh bien, les faits prouvent que les électeurs ne manquent pas au scrutin, et qu'ainsi le grief n'existe pas.

On dit qu'ils exerceraient mieux leurs droits, si le vote avait lieu à la commune. Mais c'est le contraire qui arriverait, et l'exemple de la Hollande vous le prouve à toute évidence. En Hollande, on a la faculté d'aller voter à la commune et l'on ne va pas voter. (Interruption.) On a supprimé la vie politique ; on est indifférent ; on ne va pas au scrutin. (Interruption.)

Je le répète, je regrette beaucoup d'être pris ainsi à l'improviste dans cette discussion, mais je certifie que j'ai fait venir de Hollande des documents constatant le résultat des élections dans ce pays, et il en ressort qu'au milieu de grandes contestations, lors de dissolutions faites dans des moments difficiles, le nombre des électeurs dans les communes était peu considérable. Je possède ces documents, et je puis les communiquer aux honorables membres.

Cette question est au surplus en dehors d'une loi sur la répression des fraudes en matière électorale ; ce n'est pas dans la loi que nous sommes occupés d'achever, qu'il y a lieu d'introduire une disposition de ce genre.

Qu'on examine cette question ; qu'on fasse des propositions pour arriver à un autre système de votation que celui que nous avons eu jusqu'à présent, soit : mais ce n'est pas là une question de répression de fraude en matière électorale.

Un autre grief de l'honorable membre contre le projet de loi, c'est la décision qui a été prise de faire voter par listes alphabétiques dans les sections.

Quel peut être le grand inconvénient que l'on y trouve ? Il n'y en a aucun. L'honorable M. de Theux nous dit : D'après le système qui est actuellement en vigueur, et qui n'a pas été appliqué en 1830, mais qui date de 1843, les électeurs des communes les plus rapprochées votent les premiers au scrutin général, tandis qu'en cas de ballottage, ce sont les électeurs des communes les plus éloignées qui sont appelés les premiers. Désormais cet avantage n'existera plus, et en cas de ballottage, les électeurs qui veulent y assister ne pourront plus retourner chez eux.

Voilà le grief.

M. Van Wambekeµ. - Il est sérieux.

MfFOµ. - Il n'est pas sérieux du tout ; et pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'électeurs qui arrivent généralement par chemin de fer et qui retournent tous ensemble ; qu'ils soient venus de communes éloignées ou de communes rapprochées, les heures de départ et d'arrivée des convois sont fixées d'après les nécessités électorales ; et ainsi la question est devenue indifférente.

- Un membre. - Il n'y a jamais eu de convois de nuit.

MfFOµ. - Je ne parle ni des trains de jour, ni des trains de nuit ; je dis que les électeurs retournent tous ensemble quand les opérations sont terminées. Si ce ne sont pas les chemins de fer que l'on utilise, ce sont des voitures ordinaires ; est-ce que l'électeur d'une commune éloignée va partir le premier, en emmenant la voiture pour lui seul ? (Interruption). Je m'occupe peu de celui qui est dans sa propre voiture ; celui-là peut très bien attendre.

Ainsi, messieurs, l'objection de l'honorable M. de Theux ne me paraît pas fondée en fait.

Maintenant, quel est l'avantage de la mesure ? Les honorables membres veulent, sans doute, comme nous, empêcher les fraudes électorales ; ils ne veulent pas de l'abus résultant de la pression, de la contrainte que l'on exerce sur certaines catégories d'électeurs. Eh bien, voici ce qui a été constaté, ce qui se pratique incontestablement : les électeurs d'une commune arrivent sous la conduite d'un chef, qui les mène à un endroit désigné d'avance, où on les met sous clef jusqu'au moment du vote. (Interruption.)

- Plusieurs membres. - Oui, oui !

MfFOµ. - Cela est bien positif. Si vous voulez, nous tiendrons la mise sous clef comme une exception, mais enfin on remet tous les électeurs d'une commune à la garde d'un chef ; la commune étant appelée, le régiment se met en marche, toujours sous la conduite et la garde du chef, qui donne à chacun son bulletin au moment même où il doit aller le déposer dans l'urne.

M. Coomans. - Si cela est vrai, il ne faut pas laisser voter ces électeurs-là.

MfFOµ. - Messieurs, je dois avouer ma complète inexpérience en matière de fraudes électorales. Dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, aucune de ces manœuvres n'est mise en pratique. Vous pouvez supprimer la loi, et il n'en sera là ni plus ni moins. Il y a dans la province de Liège beaucoup d'esprit politique, de telle sorte que les électeurs agissent fort librement et avec la plus grande indépendance. Ce que je rapporte, c'est ce que j'ai entendu raconter. (Interruption.) Les faits ont été dénoncés dans des pétitions, et constatés dans les discussions des Chambres, Eh bien, il faut empêcher de pareils faits de se reproduire.

M. Dumortier. - Certainement, de part et d'autre.

(page 1037) MfFOµ. - Je trouve ces faits blâmables. Je dis qu'il faut les faire cesser. Est-ce un moyen illicite, condamnable que de dire qu'au lieu d'appeler les électeurs par commune on les appellera par ordre alphabétique afin de les laisser plus libres et de les soustraire plus ou moins à la pression que l'on voudrait exercer sur eux ?

- Un membre. - Vous n'éviterez pas l'abus. Vous n'éviterez rien.

MfFOµ. - On n'évitera rien, ou l'on évitera quelque chose ; si nous n'évitons rien, de quoi vous plaignez-vous ? Et si nous évitons quelque chose, comment osez-vous vous plaindre ?

J'admets qu'on ne parviendra pas à faire cesser tous les abus, qu'il y aura encore certaines influences, certaines pressions illicites, mais nous aurons essayé tout au moins de rendre à l'électeur la liberté qu'il doit avoir.

Je n'admets donc pas le grief de l'honorable M. de Theux en ce qui concerne l'ordre alphabétique, établi dans les limites du projet de loi ; car il ne s'agit pas de l'ordre alphabétique général, il ne s'agit pas de disperser tous les électeurs des communes de l'arrondissement dans les divers quartiers d'une ville ; la disposition se réduit aux électeurs d'une même section et elle se borne à dire qu'ils seront appelés par ordre alphabétique. Personne ne peut se plaindre d'une pareille mesure.

Enfin, selon l'honorable membre, le projet de loi contient des pénalités très fortes ; il exprime des craintes quant à l'impartialité de ceux qui doivent les appliquer. Dans ces matières, dit-il, l'esprit de parti domine ; les agents chargés de réprimer les infractions à la loi verront les infractions commises par leurs adversaires, et ne verront pas les infractions commises par leurs adversaires, et ne verront pas les infractions commises par leurs amis. Voilà la pensée de l’honorable membre.

Eh bien, je ne crois pas, avec quelque rigueur qu'on veuille apprécier les actes de l'autorité, qu'on puisse ainsi incriminer la magistrature, car il s'agit de la magistrature.

M. de Theuxµ. - Les agents inférieurs.

MfFOµ. - Ce ne sont pas les agents inférieurs qui jugent.

M. de Theuxµ - Ils font les procès-verbaux.

MfFOµ. - L'honorable M. de Theux oublie une chose, c'est que ceux qui ont des faits à dénoncer peuvent s'adresser eux-mêmes à la justice. C'est là le correctif à la partialité supposée dans la poursuite des délits.

D'un autre côté, ceux qui poursuivent ne sont pas ceux qui condamnent, et pour croire au danger de cette prétendue partialité, il faudrait déclarer la magistrature suspecte en Belgique.

Or, si nous sommes dans ces déplorables conditions, vous pouvez appliquer votre objection à toutes nos lois et dire que, pour toutes les dispositions pénales, la partialité du juge est à craindre.

- Un membre. - On n'a pas le même intérêt.

MfFOµ. - Je le veux bien, mais l'honorable M. de Theux, qui est un homme si grave, ne peut pas sérieusement supposer que la magistrature voudra jamais favoriser des menées aussi odieuses que celles que l'on indique. La justice sera la même pour tous.

M. de Theuxµ. - L'instruction intimide.

MfFOµ. - Je ne comprends pas la valeur de l'objection. Ou bien il y a un délit ou il n'y en a pas ; s'il y a délit, il faut le réprimer et si l'instruction a pour effet une certaine intimidation, elle ne peut qu'être favorable en prévenant la perpétration du délit. Ce ne serait donc pas un grief contre la loi, ce serait bien plutôt un argument en faveur de la loi.

Enfin la composition des bureaux électoraux a soulevé également une critique de la part de l'honorable membre ; il aurait voulu que ces bureaux fussent organisés autrement qu'ils ne le sont par la loi en vigueur, car le projet actuellement en discussion ne s'occupe en aucune manière des bureaux électoraux.

Si je concédais pour un instant à l'honorable membre qu'il a raison, en quoi cela pourrait-il affecter la loi dont nous nous occupons ? S'il y a lieu de modifier la composition des bureaux, que l'on fasse une proposition spéciale dans ce sens. Mais cette question est absolument en dehors du projet de loi que nous discutons en ce moment.

Je ferai remarquer d'ailleurs qu'à aucune époque je n'ai entendu proposer une autre composition des bureaux, meilleure que celle qui existe aujourd'hui. Comment se composent donc les bureaux ? Le législateur, sur la proposition de M. de Theux, en grande partie, a composé les bureaux de magistrats et de conseillers communaux et, à défaut de ces personnes, d'électeurs pris dans le sein du collège électoral. Est-ce qu'une composition semblable ne présente pas une suffisante garantie ?

Mais, dit l'honorable M. de Theux, les bureaux peuvent être composés de personnes appartenant à une même opinion, ils peuvent être homogènes, et il voit là un grand danger. Sans doute, messieurs, les bureaux peuvent être homogènes ; mais ils peuvent l'être dans un sens comme dans l'autre ; il y a des bureaux composés en totalité de membres appartenant à l'opinion catholique, il y en a d'autres composés en totalité de membres appartenant à l'opinion libérale.

M. de Mérodeµ. - C'est un mal.

MfFOµ. - Soit ; je vous le concède, mais avez-vous un remède à indiquer ?

- Une voix. - Oui.

MfFOµ. - Faites donc une proposition, nous l'examinerons ; mais elle n'a rien de commun avec la loi dont nous nous occupons et qui a pour objet la répression des fraudes en matière électorale. Si vous avez à présenter un autre mode de composition des bureaux électoraux, ce n'est donc pas une raison d'écarter le projet qui vous est soumis.

L'honorable M. de Theux aurait voulu encore que l'on admît l'indemnité pour l'électeur en rendant le vote obligatoire. Nous avons longuement discuté cette question ; elle a été discutée également au Sénat, et les deux assemblées se sont prononcées contre l'indemnité. Nous ne croyons pas que le moment soit venu de la discuter de nouveau.

Je me permets cependant d'appeler l'attention de l'honorable M de Theux sur les conséquences qui résulteraient de l'adoption de la mesure qu'il préconise. L'indemnité, combinée avec le vote obligatoire, pourraient-ils subsister longtemps ? Dans un collège électoral comme celui de Bruxelles, par exemple, il arrive fréquemment qu'il n'y a pas de contestation ; vous obligerez donc 10,000 électeurs à venir voter sous peine d'amende, et vous leur accorderez 10 francs d'indemnité pour cela. Mais l'opinion publique protesterait immédiatement et protesterait énergiquement contre un pareil gaspillage des deniers publics. (Interruption.) Comment ! mais lorsqu'il n'y aura pas de contestations vous payerez une indemnité aux électeurs pour venir déposer des bulletins blancs dans l'urne électorale ?

- Une voix. - Pas les 10,000.

MfFOµ. - Non pas les 40,000, mais un grand nombre ; à moins que, par une conséquence ultérieure, on n'en arrive à introduire des mesures contre l'abstention.

Je résume d'un mot toutes les objections que je viens de rencontrer, qu'on peut discuter, qui ont plus ou moins de valeur, je le veux bien ; elles sont en dehors du projet de loi. Ce projet réprime les fraudes en matière électorale et M. de Theux est obligé d'avouer que les fraudes indiquées sont justement réprimées. Il me semble donc qu'on devrait être unanimes pour voter les dispositions inscrites dans un projet de loi et qui ont déjà reçu l'assentiment des deux Chambres législatives.

M. Dumortier. - Je ne suivrai pas l'honorable ministre des finances dans tous les détails où il est entré. La loi, telle qu'elle est revenue du Sénat, fait disparaître quelques-uns des griefs de l'opposition et, sous ce rapport, il y a une véritable amélioration. Mais puisque l'honorable ministre des finances nous convie à voter son projet en invoquant l'esprit de conciliation, je lui demanderai si c'est par esprit de conciliation qu'au premier vote aucune proposition de la droite n'a été admise. Je crois qu'il eût mieux valu invoquer l'esprit de conciliation alors. Quant à moi, je désire la conciliation, mais la conciliation est un mariage ; il faut que chacun donne un peu. Or, toutes les propositions de la droite, pas une seule exceptée, ont été systématiquement écartées.

(page 1038) Mon intention n'est pas de rentrer dans l'examen des amendements que nous avons présentés, la chose n'est pas possible ; mais il est cependant quelques points sur lesquels je ne puis me dispenser d'insister, parce qu'ils sont fondamentaux dans la question qui nous occupe, et je crois pouvoir démontrer qu'ils ne sont pas si en dehors du projet de loi que l'honorable ministre des finances a bien voulu le dire.

Je prends les opérations dans leur ordre. On commence à réprimer les fraudes électorales en ce qui concerne la formation des listes. Quiconque, dit le projet, aura tenté de se faire inscrire frauduleusement sur les listes électorales, sera puni, etc., etc.

Voilà l'article premier, c'est à merveille. Je ne veux pas sortir du cadre du projet de loi.

Mais il est un point qui est la source la plus féconde des fraudes électorales, c'est le travail qui se fait dans certaines localités par les contrôleurs des contributions et par les répartiteurs. S'agit-il d'un électeur notoirement connu pour n'être point favorable au candidat du gouvernement et qui ne paye que 50 centimes, un franc ou un franc 50 centimes de plus que le cens électoral, le contrôleur ou les répartiteurs diminuent la contribution de cet électeur d'une somme suffisante pour le rayer de la liste des électeurs.

S'agit-il au contraire d'un homme favorable au candidat du gouvernement, mais dont la contribution est de 50 centimes ou d'un franc inférieure au cens électoral, le contrôleur ou les répartiteurs ne se font aucun scrupule d'augmenter sa contribution à concurrence de la somme nécessaire pour lui conférer le droit électoral.

C'est là, il faut en convenir, un abus réellement scandaleux et qui contribue, pour une large part, à vicier le corps électoral.

Cet abus est d'autant plus scandaleux qu'aux termes de la loi les listes d'électeurs sont permanentes, et que la fraude se commet dans le secret par des personnes investies par la loi d'un grand devoir, d'une véritable mission de confiance. Et remarquez, messieurs, qu'il ne s'agit pas de quelques faits isolés, mais d'une pratique qui s'opère dans un grand nombre de localités.

Il y avait un moyen d'y mettre un terme et c'est dans ce but que l'honorable M. de Theux avait proposé un amendement, marqué, comme tous ses actes, au coin d'une modération extrême, amendement aux termes duquel le citoyen qui aurait été rayé de la liste électorale parce, qu'il n'aurait plus payé le cens voulu, aurait dû en être averti, de manière à lui permettre de faire rectifier les erreurs dont il pourrait être victime.

Cet amendement, qui reposait sur le principe de la permanence des listes, n'a pas même eu la bonne fortune d'être admis.

Et cependant, messieurs, quoi de plus juste, quoi de plus rationnel que cet amendement ? Ne nous arrive-t-il pas à tous, à la veille des élections, de voir venir à nous des citoyens qui nous disent : Je ne sais pas pour quel motif, mais on a réduit ma contribution et je ne suis plus électeur ; cependant je me suis conformé à la loi en déclarant sur mon bulletin de contribution que je me référais à ma déclaration de l'année précédente.

Voilà, messieurs, ce que nous avons tous été dans le cas de constater. Or, il est évident que lorsque, soit les contrôleurs, soit les répartiteurs diminuent la contribution d'un citoyen de manière à lui enlever le droit électoral, ils commettent une véritable forfaiture, car, je le répète, ces abus sont commis par des personnes investies par la loi d'une autorité spéciale, par des personnes qui ont pour mission de faire respecter la loi électorale comme toutes les autres.

Encore une fois, nos lois financières autorisent les contribuables à déclarer qu'ils entendent payer la même contribution que l'année précédente.

MfFOµ. - Vous vous trompez, aucune loi ne dit rien de semblable. La faculté de se référer à une déclaration de l'année précédente ne peut être exercée que par ceux qui occupent la même maison et en matière de contribution personnelle seulement. En matière de patente ou de droit de débit, il n'existe rien de semblable.

M. Dumortier. - Cette faculté a été accordée par la loi du budget de 1832, dont j'ai été rapporteur ; c'est même sur ma proposition qu'elle a été inscrite dans la loi.

MfFOµ. - Encore une fois la faculté à laquelle vous faites allusion ne peut être exercée qu'en matière de contribution personnelle et uniquement par ceux qui occupent la même maison.

M. Dumortier. - Quoi qu'il en soit, je dis que lorsqu'un contribuable a déclaré qu'il entendait payer la même contribution que l'année précédente, on ne peut pas la réduire.

MfFOµ. - Mais vous êtes dans l'erreur ; ce que vous supposez n'est pas possible.

M. Van Wambekeµ. - C'est le droit de patente qu'on augmente ou qu'on diminue à volonté.

M. Dumortier. - Je puis me tromper sur la manière dont les fraudes se commettent ; mais cela importe peu : l'essentiel, c'est qu'elles ont lieu et que les agents du gouvernement font ou suppriment des électeurs à leur gré. Voilà, je le répète, ce qui est vraiment scandaleux. Comment ! vous prenez par la loi les précautions les plus minutieuses pour arriver à la sincérité du corps électoral ; vous accordez des délais, vous prescrivez une foule de mesures extrêmement sages pour protéger les droits des électeurs.

Est-il donc possible d'admettre que toutes ces précautions, toutes ces mesures ne sont que de vaines chimères et qu'il sera permis à un simple contrôleur des contributions de les annihiler, de les détruire complètement. Non t messieurs, cela n'est pas possible.

Il est maintenant un autre point d'une importance également grande ; je veux parler du contrôle des opérations électorales.

Pour mon compte, je ne connais rien de plus vicieux, de plus regrettable que ce qui va se passer quand la loi que nous discutons sera mise en vigueur. Les articles 5, 6 et 7 de cette loi et l'interprétation que l'on donne depuis quelques années à l'article 26 de la loi électorale, introduisent, en effet, une modification radicale dans ce qui se pratiquait autrefois.

L'article 26 de la loi électorale porte : « La table placée devant le président et les scrutateurs sera disposée de telle sorte que les électeurs puissent circuler à l'entour ou du moins y avoir accès pendant le dépouillement du scrutin. »

Comment cet article a-t-il été exécuté pendant plus de 30 ans ? Chaque parti pouvait être représenté, à proximité du bureau, par quelques personnes qui contrôlaient les opérations du bureau.

MfFOµ. - Et les bulletins marqués ?

M. Dumortier. - C'est cela, vous n'avez eu d'autre préoccupation que les bulletins marqués et dans la frayeur qu'ils vous causent, vous n'avez évité un vice que pour tomber dans un plus grand, car vous abandonnez maintenant toute l'élection au président et aux scrutateurs, lesquels n'offrent évidemment pas toutes les garanties désirables au point de vue des candidats en cause.

Maintenant, la loi disait qu'on pouvait circuler à l'entour du bureau. Cela était bien clair. Et cependant, messieurs, comment a-t-on interprété cette disposition ? On a prétendu que cela voulait dire qu'on pouvait se promener, qu'on devait emboîter le pas et ne point s'arrêter.

Je vous demande, messieurs, si le Congrès, qui était composé d'hommes bien sages, à coup sûr, a jamais pu avoir la pensée d'organiser une promenade derrière le bureau. Ce qui prouve d'ailleurs qu'il ne l'a pas entendu ainsi, c'est qu'il a complété sa phrase en disant : « Ou du moins y avoir accès. » Pourquoi ? Mais évidemment pour contrôler les opérations du bureau.

Si le bureau est honnête, eh, mon Dieu ! il ne demandera pas mieux que d'être contrôlé, et si au contraire, il est capable de permettre des fraudes, nous devons nous prémunir contre lui. (Interruptions.)

Est-ce que le président ne peut pas lire Augustin au lieu d'Ambroise ? Où est le contrôle ? Je suis candidat, je n'ai pas même de quoi contrôler le bureau ! Dans aucun pays cela n'existe.

Partout les candidats ont le droit de contrôle, et en définitive quand on s'oppose à ce droit, l'opinion publique peut bien croire qu'on y a intérêt, car encore une fois ce droit de contrôle est une chose tellement légitime que le bureau lui-même devrait le désirer.

Mais, messieurs, le nouveau projet de loi va tellement loin, qu'il interdit même aux électeurs qui sont dans la salle de relever par chiffres le nombre de suffrages obtenu par un candidat. Il n'y a plus que le bureau seul qui puisse relever les chiffres, ce que vous faites ici chaque fois qu'il y a un vote intéressant, non pas que vous ayez besoin de contrôler votre bureau, mais parce que cela vous intéresse.

Aujourd'hui, 10, 15 électeurs ont des notes et y inscrivent les votes, à mesure que les bulletins sont dépouillés ; mais avec la loi que vous faites, pas un électeur ne pourra plus tenir des notes ; et cependant ce contrôle est d'une utilité extrême, au point de vue du bureau lui-même.

Vous pouvez très bien avoir dans votre bureau des scrutateurs très peu habitués aux opérations électorales et qui se trompent quelquefois (page 1039) de 5 voix, de 10 voix, etc. Cela arrive. Tous ceux qui ont assisté à des élections savent que parfois on s'écrie : « Pas du tout, ce n'est pas cela, » et on rectifie.

Voilà donc, messieurs, une modification réelle au droit de contrôle.

Ainsi il y a deux modifications introduites dans le contrôle exercé sur les opérations du bureau.

Le Congrès national a voulu que les électeurs pussent avoir accès à la table du bureau. Aujourd'hui cet accès pourrait ne plus avoir lieu dans la pratique.

Le Congrès avait permis que, dans la salle des élections, on prît le relevé des votes.

Or, il est interdit, de par la loi nouvelle, sous peine d'une amende de 26 à 100 francs, de tenir une liste pendant le dépouillement du scrutin. Je demande s'il sera permis de tenir note des votes obtenus. C'est une chose qu'il importe de savoir.

Il s'agit là d'un contrôle qui ne peut entraîner aucun abus et qui peut être d'une extrême utilité. Je le répète, il peut y avoir dans des bureaux des scrutateurs fort peu habitués aux opérations électorales ; ces scrutateurs sont sujets à commettre des erreurs.

Eh bien, vous avez dans chaque bureau une ou deux personnes envoyées par l'une ou l'autre des associations politiques de la localité pour faire le relevé du nombre de voix obtenues ; pourra-t-on encore le faire ? (Interruption.)

Voilà encore un point important que vous abandonnez à l'arbitraire du bureau ; vous lui laissez un pouvoir illimité sur le chiffre des voix ; un bureau mal intentionné pourra attribuer à un candidat 10, 20 voix de plus qu'il n'en a réellement obtenu. Ceci n'est pas en dehors de votre loi ; c'est dans votre loi même.

Voici ce qui se trouve encore dans votre loi.

A l'article 7 je lis :

« Sont nuls :

« 1° ....

« 4° Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître, ou portant à l'intérieur du pli des marques, ratures, signes ou énonciations de nature à violer le secret du vote. »

Je demande si par rature on entend un nom biffé. Dans un bureau électoral où vous avez 10 personnes portées sur une liste, vous ne pouvez pas imposer à un électeur l'obligation de voter pour les 10 noms inscrits sur la liste ; il a sans doute le droit de biffer un nom ; sinon il n'y aurait plus de liberté individuelle pour les électeurs. (Interruption.)

Mais, M. le ministre de l'intérieur, avec toutes ces interdictions vous parvenez à annuler la liberté de l'électeur ; je suis d'accord avec vous pour prendre les mesures propres à prévenir les véritables fraudes.

Mais quand il y a, à Bruxelles, par exemple, onze représentants sortants, vous voulez imposer la liste entière à tout le monde ; si parmi les onze représentants, il y en a un qui ne me convienne pas à moi électeur, je ne pourrai pas biffer le nom...

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'électeur dans ce cas écrira un bulletin. II y aura de l'encre et du papier dans la salle.

M. Dumortier. - Tout le monde ne sait pas écrire. (Interruption.)

M. le ministre, voilà ce qu'on peut appeler du doctrinarisme pur, du doctrinarisme quintessencié. Vivons-nous encore sous un régime de liberté ? Je crois que non ; car en définitive, si nous vivons sous un régime de liberté, il faut laisser à l'électeur la liberté d'effacer un nom ; cela n'est nullement de nature à violer le secret du vote. Avec toutes ces restrictions, il n'y a plus de liberté pour l'électeur. (Interruption.)

Je déclare à M. le ministre de l'intérieur que je proteste contre toute espèce de fraudes, de quelque part qu'elles viennent, je proteste avec l'honorable M. Frère contre cette fraude qui consiste à donner des billets marqués ; mais quand il s'agit de faits qui ne nuisent pas aux citoyens, qui sont dans l'ordre de la liberté, il ne faut pas venir avec des mesures restrictives, il ne faut pas mener les électeurs à la lisière.

Encore une fois biffer un nom est-ce une rature ? Je dis que non : ce n'est pas une rature. Chaque électeur, quand il reçoit un bulletin, soit de l'association libérale, soit de l'association conservatrice, doit pouvoir biffer un nom qui ne lui convient pas. Je veux bien voter pour M. Alp. Vandenpeereboom, mais je ne veux pas voter pour celui qui le suit sur la liste.

Maintenant, l'honorable ministre des finances nous a fait connaître tout à l'heure la mesure qu'il a prise, relativement au sommier des contributions, Pour mon compte, je l'en félicite. C'est là une mesure excellente. Mais il entre sans doute dans les intentions de l'honorable ministre des finances que le corps électoral soit appelé à pouvoir faire usage de ces documents.

Or, qu'arrive-t-il ? C'est que, dans beaucoup de communes, on fait de très grandes difficultés de communiquer les listes ; dans certaines communes, on a dû en venir jusqu'à signifier par voie d'huissier qu'on voulait voir les listes ; dans d'autres communes, on a dit : « Vous pouvez voir les listes ; mais je ne vous permets pas de les copier. »

Or, comment est-il possible de faire rectifier la liste électorale si vous n'avez pas le droit d'en prendre des extraits qui vous permettent de faire les recherches nécessaires ? Si ce droit n'existait pas, il en résulterait que tout le travail que M. le ministre des finances a ordonné, et dont je le félicite, servirait uniquement, et cela contrairement à ses intentions bien certainement, au parti qui siège à l'administration communale. Seul en possession des listes, seul aussi il pourrait les contrôler, à l'exclusion de tous les citoyens du parti adverse. S'il pouvait en être ainsi, mieux eût valu que M. le ministre des finances n'eût pas ordonné ce travail et eût laissé les choses dans l'état où elles étaient autrefois.

Mais telle n'a pas été bien certainement son intention, car s'il a ordonné la formation de sommiers indiquant ce que paye chaque contribuable, c'est évidemment pour rendre les opérations plus faciles et pour permettre à chaque citoyen d'en prendre inspection et de présenter les réclamations qu'il croirait avoir à faire.

MfFOµ. - Si cela ne coûtait pas si cher, je les ferais imprimer.

M. Dumortier. - J'avais donc raison de dire que ce travail avait été fait dans le but d'y donner toute la publicité possible et, par conséquent, que chacun doit pouvoir en prendre connaissance dans les bureaux de l'administration communale, ou, en cas de refus, avoir le droit d'aller consulter les rôles des contributions chez le receveur.

De cette façon on ne serait plus obligé, comme cela s'est vu, d'exiger par voie de sommation judiciaire la production de ces rôles. Je pourrais citer telle ville où, non seulement on n'affiche plus les listes électorales, mais où l'on ne permet pas même aux habitants d'en prendre copie, de manière que les listes restent exclusivement à la merci du parti qui domine dans l'administration communale.

Je n'en dirai pas davantage, messieurs, mais je dois insister encore en terminant sur la nécessité absolue de rendre sérieux le contrôle des opérations électorales. En Angleterre, le bureau ne se compose que de deux personnes : le shérif et un greffier, et les candidats chargent des personnes de se rendre au bureau pour y surveiller les opérations.

Vous voulez que les Chambres soient l'expression. sincère du corps électoral ; la première condition pour qu'il en soit ainsi, c'est que chaque électeur puisse contrôler les opérations électorales. Remarquez, d'ailleurs, que tout bureau honnête et sincère ne demande pas mieux que d'être contrôlé. Mais tout bureau qui ordonnera aux électeurs de faire la promenade autour de la table où il siège est pour moi suspect de partialité et ne m'inspire aucune confiance.

Un dernier mot, messieurs. On a parlé des frais de transport et des dépenses qui en résultent ; on a parlé du déplacement des centres électoraux.

Je n'entrerai pas dans ces questions.

Il est cependant une observation que je dois faire.

D'après la loi, telle qu'elle a été amendée par le Sénat, les électeurs pourront être voiturés et on pourra leur donner à dîner le jour de l'élection. Je crois qu'il est bien entendu que quand les électeurs viennent de grandes distances, et tout à l'heure l'honorable M. Tesch nous parlait d'électeurs qui venaient de 10 lieues...

M. de Mérodeµ. - De 14 lieues.

M. Dumortier. - ... et de 14 lieues, on peut dans ce cas les loger. Car si on ne les logeait pas, il serait inutile de les faire venir ; on les écarterait du scrutin. Un électeur qui a 10 à 14 lieues à faire ne peut arriver pour 9 heures du matin à l'urne électorale.

Il faut donc qu'on puisse le loger, c'est pour moi une conséquence logique de la disposition adoptée par le Sénat, et je dis ces mots, pour que plus tard, si le fait se présente, on ne puisse l'incriminer.

(page 1043) - La clôture est demandée.

M. Coomans (contre la clôture). - Il me semble que la matière est assez importante pour qu'on laisse aux membres qui ont encore quelques observations à faire, le loisir de les présenter. Je me propose d'être très court, de me borner à répondre à deux observations faites par M. le ministre des finances et que je juge essentielles. Il me paraît qu'il y va de la dignité de la Chambre d'épuiser un débat dans lequel on apporte tant de modération sur les bancs où je siège.

MpVµ. - Insiste-t-on sur la demande de clôture ?

- Des membres. - Non ! non !

MpVµ. - La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Messieurs, les auteurs du projet de loi ont la prétention louable de moraliser les élections, d'empêcher les fraudes qui les entachent. Malheureusement cette intention ne sera pas suivie d'exécution, parce que les trois grands vices qui, selon moi, existent dans le mode de votation en vigueur, continueront à subsister encore. Il n'est pas convenable que nous supprimions les petites fraudes parmi lesquelles il en est de très réelles, je le sais bien, et que nous conservions les grandes fraudes, les grandes causes du caractère faux qu'ont, selon moi, très souvent les élections, surtout nos élections législatives.

Ces trois grands vices, je vais vous les dire : le premier consiste dans l'intervention réellement frauduleuse de beaucoup de citoyens dans le corps électoral, au moyen d'impôts fictifs qu'ils acquittent et qui leur donnent l'entrée des comices. L'honorable ministre des finances a reconnu l'autre jour qu'il y avait dans le corps électoral, pour les Chambres seulement, 11,000 à 12,000 électeurs qui n'y figurent qu'à cause de la patente des cabaretiers.

Voilà donc un point important.

Un second vice, c'est la grande difficulté qu'éprouvent la plupart des électeurs de se rendre au chef-lieu du scrutin pour exercer un droit, pour remplir un devoir. L'honorable ministre a très facilement glissé sur ce point. Mais, dit-il, dans la plupart des cas, surtout lorsque l'élection est vive, les électeurs ruraux s'empressent de s'y rendre et ils sont aussi nombreux que ceux du chef-lieu.

Mais là n'est pas précisément la question. Il faut savoir à quel prix ces électeurs ont pu exercer ce droit, remplir ce devoir. Dans un pays qui se proclame libre et juste, l'égalité est le premier des besoins. Vous ne pouvez pas dire que ces deux électeurs-ci se trouvent sur un pied d'égalité, alors que l'un vote à cent pas de sa demeure et que l'autre doit faire vingt lieues, aller et retour, pour exercer la même fonction.

Ce dont M. le ministre n'a pas soufflé mot, c'est le ballottage, troisième grand vice à signaler. Je sais bien que lorsque l'électeur quitte son logis à deux ou trois heures le matin et quelquefois la veille dès huit heures du soir pour être devant la boîte le lendemain à neuf heures, je sais bien qu'il peut, en se donnant toutes ces peines-là, atteindre son but ; mais en cas de ballottage, quand le ballottage est remis à quatre heures, à huit heures ou à dix heures du soir, pouvez-vous dire que l'électeur rural se trouve sur un pied d'égalité avec l'électeur du chef-lieu ? M. le ministre, reconnaissez-le, et vous devez le reconnaître à moins de nier l'évidence, les ballottages sont devenus chez nous une triste plaisanterie, un mensonge odieux, et je défie de citer un seul ballottage auquel les électeurs des communes éloignées ont pris part.

MpVµ. - M. Coomans, ce n'est pas tout à fait la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.

M. Coomans. - Je dis, M. le président, que les élections ne seront pas sincères aussi longtemps qu'on ne permettra pas à tous les électeurs de remplir facilement leur devoir.

Ainsi, messieurs, il y a trois grands vices auxquels vous ne portez aucun remède ; c'est, comme je l'ai dit, l'inscription réellement frauduleuse sur les listes électorales d'hommes qui ne devraient pas y figurer ; c'est en deuxième lieu le long trajet que sont obligés de faire beaucoup d'électeurs représentant la grande majorité du collège ; c'est, enfin, le ballottage. Or, dans une loi qui a pour but la sincérité des élections ; ce sont là trois points qu'il fallait, avant tout, corriger.

Maintenant, messieurs, je termine en répondant un mot à une observation absolument erronée de l'honorable ministre des finances.

Il a dit : Le vote à la commune ou par groupe de communes, tel qu'il fonctionne en Hollande, a donné de mauvais résultats, entre autres celui-ci, qui est fort étrange : les électeurs ne viennent pas voter quand le vote est si facile.

D'abord en pure théorie on pourrait se demander comment il est possible que les électeurs n'aillent pas voter à la commune, chez eux, alors qu'ils vont voter à quelques lieues de distance.

- Plusieurs membres. - C'est très simple !

M. Coomans. - Trop simple, je dis qu'on ne conçoit pas que l'électeur s'abstienne de voter chez lui alors qu'il va voter à quelques lieues de distance ; cela est impossible.

Du reste si cela était vrai, vous adopteriez immédiatement ce système de votation ; car, enfin, soyons de bon compte, ce projet de loi est principalement fait pour rendre plus difficile encore l'accomplissement de leur devoir électoral par les électeurs des campagnes.

Mais, messieurs, le fait allégué et affirmé par l'honorable ministre des finances est complètement inexact.

Je fais chaque année un ou deux voyages en Hollande et ainsi, que j'ai déjà eu l'honneur d'en faire confidence à la Chambre, un des objets les plus constants de mes investigations, c'est le système électoral. A tout le monde, à des gens de toutes les opinions, de tous les cultes, j'ai toujours demandé quelle était leur manière de voir sur le système électoral qui est en vigueur, en Hollande, depuis nombre d'années, et tous m'ont toujours répondu que ce système satisfaisait tous les partis ; d'où j'ai pu conclure que le système était bon, car une bonne loi électorale étant la chose du monde la plus difficile à faire, lorsqu'on est parvenu à en fabriquer une qui satisfait tous les partis, celle-là doit être bonne, en vertu de ce vieil adage que lorsque le Pape et Voltaire sont d'accord tout le monde, doit être satisfait.

Eh bien, messieurs, aucun homme politique ne s'est jamais rendu l'organe d'une seule réclamation. J'ai consulté des curés, des dominés, des industriels, des paysans, des hommes de toutes les opinions, et tout m'ont toujours dit qu'ils étaient satisfaits de la loi.

M. Hymans. - Le Roi a déclaré le contraire dans une lettre adressée à son ministère.

M. Delaetµ. - C'est une erreur.

M. Coomans. - Je n'ai pas connaissance de cette déclaration.

En ce cas, du reste, l'opinion royale serait isolée.

Le système du fractionnement des bureaux, car c'est en cela que consiste le régime hollandais, le système du fractionnement des bureaux offre plusieurs grands avantages que nous n'avons pas obtenus : d'abord le secret des votes est admirablement gardé et c'est ici que l'honorable ministre des finances est dans une grande erreur : il ne conçoit pas qu'on puisse garder le secret du vote dans un bureau électoral composé de 80 à 200 électeurs au plus. Eh bien, le secret du vote est admirablement gardé et M. le ministre des finances en conviendrait s'il connaissait ce système.

Le secret du vote est parfaitement respecté, beaucoup mieux que chez nous et il n'y a pas moyen de se plaindre, car les chefs des bureaux, fussent-ils tous malhonnêtes, ne pourraient pas frauder. L'excellence de ce système consiste précisément en cela, c'est que la fraude de la part de ceux qui recueillent les bulletins est impossible attendu qu'ils ne les voient même pas. La pression des chefs de parti est également impossible, attendu que tous les bulletins de toutes les boîtes sont mêlés ensemble, lorsque toutes les boîtes sont vidées et après qu'on a vérifié le nombre des bulletins, lequel doit toujours être conforme à celui renseigné dans le procès-verbal.

Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je dois affirmer que le système électoral hollandais me paraît le meilleur qu'on ait jamais inventé.

Deux mots encore : je me suis donné la peine, il y a cinq ou six ans, de traduire avec soin la loi hollandaise avec toutes ses annexes et de la distribuer à mes frais à mes collègues ; quelques-uns en retrouveraient peut-être des exemplaires parmi les nombreuses paperasses que l'on nous distribue et qui souvent sont moins utiles.

- Des voix. - La clôture !

(page 1039) M. Hymans. - Je demande la parole.

MpVµ. - Vous avez la parole sur la clôture.

M. Hymans. - Sur la clôture je n'ai rien à dire.

- Voix nombreuses. - La clôture !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Discussion des articles

Article premier

MpVµ. - Nous abordons la discussion des articles amendes.

« Art. 1er. Quiconque, pour se faire inscrire sur une liste d'électeurs ou sur une liste d'éligibles au Sénat, se sera attribué frauduleusement une contribution dont il ne possède pas les bases, ou aura fait sciemment de fausses déclarations, ou produit des actes qu'il savait être simulés, sera puni d'une amende de 26 francs à 200 francs.

« Sera puni de la même peine celui qui aura pratiqué les mêmes manœuvres dans le but de faire inscrire un citoyen sur ces listes.

« Toutefois, la poursuite ne pourra avoir lieu que dans le cas où la demande d'inscription aura été rejetée par une décision devenue définitive et motivée sur des faits impliquant la fraude.

« Les décisions de cette nature rendues, soit par les collèges des bourgmestre et échevins, soit par les conseils communaux, soit par les députations permanentes, ainsi que les pièces et les renseignements y relatifs, seront transmis par le gouverneur au ministère public, qui pourra aussi les réclamer d'office.

« La poursuite sera prescrite après trois mois révolus à partir de la décision. »

(page 1043) M. Coomans. - Je ne sais si MM. les ministres verraient des inconvénients à accepter un amendement qui ne serait que le complément de leur pensée, en la supposant impartiale. Il est dit au paragraphe 2 de l'article premier : « Sera puni de la même peine celui qui aura pratiqué les mêmes manœuvres dans le but de faire inscrire un citoyen sur ces listes. »

C'est fort bien, mais je proposerai d'ajouter : « Ou de l'en faire rayer. »

(page 1044) M. Crombez. - Cela a-t-il été discuté ?

M. Coomans. - Cela a-t-il été décidéµ.

M. Crombez. - Au contraire, il a été décidé que cette addition était inutile.

M. Coomans. - Eh bien, je ne suis pas de cet avis ; je trouve que c'est une fraude aussi grave de faire rayer indûment un électeur que de le faire inscrire indûment. Il y a des exemples de ce fait. (Interruption.)

Voulez-vous que je vous cite un exemple que je puis certifier ? Un agent de l'honorable ministre des finances, dont je ne dirai naturellement pat le nom, avait commis une véritable fraude en supprimant quelques francs de la somme attribuée à un électeur ; cet électeur avait été rayé ; plus tard on a reconnu que l'opération était illégale, l'agent a été confondu, il a même avoué. On l'a épargné, et l'affaire n'a pas eu de suite. Mais il n'en est pas moins vrai que rayer de la liste électorale le citoyen qui a le droit d'y figurer, est chose aussi grave que d'en faire inscrire un qui n'a pas le droit d'y être.

(page 1040) M. Crombez, rapporteur. - Je n'ai qu'une observation à faire, c'est qu'au Sénat l'amendement que propose M. Coomans a été présenté par la commission de la justice et de l'intérieur, mais qu'il a été écarté comme inutile.

M. Lelièvreµ. - Je pense que le changement proposé par l'honorable M. Coomans ne peut pas être admis, par la raison bien simple que, dans le but de faire rayer un nom de la liste, l'on ne commet pas l'un des actes énoncés en l'article premier. Ces actes ne peuvent être posés que dans le but d'opérer une inscription illégale. Il suffit de lire la première disposition de l'article pour être convaincu de ce que j'avance.

MfFOµ. - Celui qui est rayé est averti.

- L'article premier modifié est mis aux voix et définitivement adopté.

Article 7

« Art. 7. Sont nuls :

« 1° Les bulletins qui ne contiennent aucun suffrage valable.

« 2° Les bulletins portant d'autres désignations que celles qui sont autorisées par l'article précédent, à moins qu'elles ne soient indispensables pour distinguer les candidats de personnes qui auraient les mêmes nom, prénoms et profession.

« 3°Les bulletins qui contiennent plus de noms qu'il n'y a de membres à élire.

« 4° Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître, ou portant à l'intérieur du pli des marques, ratures, signes ou énonciations de nature à violer le secret du vote.

« 5° Les bulletins qui ne sont pas écrits à la main, autographiés ou lithographies ; ceux qui, étant autographiés ou lithographiés, ne seraient point la reproduction de l'écriture usuelle à la main, ou qui ne seraient pas écrits ou autographiés ou lithographies à l'encre noire.

« 6° Les bulletins qui, au premier tour de scrutin, ne seraient pas timbrés ou dont les formes ou dimensions auraient été altérées.

« En cas de contestation, le bureau en décidera, sauf réclamation.

« Les bulletins de vote annulés ou ayant donné lieu à une contestation quelconque, seront parafés par les membres du bureau et annexés au procès-verbal.

« Le texte du présent article et de l'article précédent sera imprimé sur chaque lettre de convocation. »

M. Dumortier. - J'ai demandé tout à l'heure une explication sur le mot « rature ». Un nom biffé est-ce une rature ? Je ne le pense pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Un nom biffé doit être considéré comme une rature, car c'est un signe distinctif. (Interruption de M. Dumortier.) Qui veut la fin doit vouloir les moyens. Vous désirez que le secret du vote soit assuré, dès lors vous ne pouvez admettre les bulletins où se trouvent des noms biffés. Car c'est un des moyens les plus faciles de faire reconnaître le votant. Ainsi, il suffirait pour cela d'inscrire sur le bulletin le nom de l'électeur à qui on le remet et de le biffer ensuite. C'est bien là une marque.

M. Delaetµ. - Il y a un moyen de reconnaître l'électeur tout aussi sûr que celui-là que ne prévoit pas le projet de loi. C'est d'inscrire sur le bulletin le nom d'un candidat qui n'est pas sur les rangs.

M. Teschµ. Oui, mais c'est une voix perdue.

M. Dumortier. - Je n'admets pas que biffer un nom dans un bulletin soit un moyen de se faire connaître. Biffer et raturer n'est pas la même chose, en raturant le bulletin on l'altère, mais ce n'est pas altérer un bulletin que de biffer un nom qui s'y trouve.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 8

« Art. 8. Sera puni d'une amende de 26 francs à 200 francs, celui qui, sous prétexte d'indemnité de voyage ou de séjour, aura donné, offert ou promis, aux électeurs, une somme d'argent ou des valeurs quelconques.

« La même peine sera appliquée à ceux qui, à l'occasion d'une élection, et en dehors du jour où elle a lieu, auront donné, offert ou promis aux électeurs des comestibles ou des boissons.

« La même peine sera aussi appliquée à l'électeur qui aura accepté les dons, offres ou promesses.

« Les aubergistes, débitants de boissons ou autres commerçants du même genre ne seront pas recevables à réclamer en justice le payement des dépenses de consommation en comestibles ou boissons faites à l'occasion des élections, et qui n'auraient pas été soldées au comptant. »

MpVµ. - La section centrale propose un amendement à cet article.

M. Crombez, rapporteur. - Je n'ai pu consulter mes collègues de la section centrale ; il est à croire que la majorité persisterait dans l'opinion qu'elle a émise sur les modifications apportées au projet de loi par le Sénat et qu'elle insisterait sur le vœu qui termine le rapport.

Cependant, en présence des observations présentées par M. le ministre des finances au début de la séance et de la promesse que fait le gouvernement de prendre des mesures contre les dépenses électorales, dans le cas où les anciens abus se renouvelleraient ou se développeraient, je pense que la majorité de la section centrale aurait été d'avis de retirer son amendement à l'article 8. En faisant cette déclaration, je suis convaincu que mes collègues ne me désavoueront pas et qu'ils prendront en considération la nécessité de voter la loi, sans y apporter aucun changement, afin qu'elle puisse être mise à exécution sans aucun retard.

M. Lelièvreµ. - J'avais émis un avis favorable au projet adopté en premier lieu par la Chambre précisément parce qu'il faisait disparaître ce que je considère comme le plus grand abus en matière d'élections, c'est-à-dire la distribution des comestibles et des boissons le jour de l'élection. Je regrette que le Sénat ait fait disparaître la disposition qu'avait adoptée la Chambre et qui proscrivait ce que j'appelle une véritable corruption électorale.

Je désire savoir si le gouvernement, qui se rallie aux changements admis par l'autre Chambre, se propose de déposer sur ce point un projet de loi dans la prochaine session, et s'il est vrai qu'il ait exprimé son opinion à cet égard.

MfFOµ. - Je n'ai pas dit dans la prochaine session. J'ai dit que si des abus se produisaient avec une certaine intensité, une proposition serait faite en temps opportun.

M. Lelièvreµ. - Quant à moi, je ne saurais assez engager le gouvernement à s'occuper sérieusement d'un projet sur ce point important. Les dépenses électorales constituent un abus qui, non seulement est opposé à la dignité de l'électeur, mais qui est de nature à fausser complétement l'esprit démocratique de nos institutions. Maintenir les dépenses électorales, c'est écarter des assemblées électives tous les citoyens qui n'ont pas de fortune. On ne saurait trop proscrire un système ayant de pareilles conséquences.

- Plusieurs membres. - En ce cas, il faudrait accorder une indemnité aux électeurs.

M. Lelièvreµ. - Quant à moi, je suis d'avis que pareille indemnité. devrait être accordée.

- L'article 8, tel qu'il a été amendé, est mis aux voix et adopté.

Article 15

« Art. 15. Quiconque aura engagé, réuni ou aposté des individus, même non armés, de manière à intimider les électeurs, ou à troubler l'ordre, sera puni d'un emprisonnement de 15 jours à un mois et d'une amende de 26 francs à 500 francs.

« Ceux qui auront fait partie sciemment de bandes ou groupes ainsi organisés seront punis d un emprisonnement de huit à quinze jours et d'une amende de 26 francs à 200 francs. »

- Adopté.

Articles 16 à 32

« Art. 16. Ceux qui, par attroupement, violences ou menaces, auront empêché un ou plusieurs citoyens d'exercer leurs droits politiques, seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de 26 francs à 1,000 francs. »

- Adopté.


(page 1041) « Art. 24. La même peine sera prononcée :

« 1° Contre celui qui sera surpris soustrayant par ruse ou violence des bulletins aux électeurs, ou substituant frauduleusement un autre bulletin à celui qui lui aurait été montré ou remis ;

« 2° Contre celui qui, le jour des élections et dans la salle où l'on vote, sera surpris inscrivant, sur les bulletins des votants non lettrés, des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés ;

« 3° Contre celui qui, à l'appel du nom d'un électeur absent, se présentera pour voter sous le nom de celui-ci.

-- Adopté.


« Art. 28. Quiconque, n'étant ni membre d'un bureau, ni électeur, ni candidat notoirement connu comme tel, entrera pendant les opérations électorales dans le local de l'une des sections, sera expulsé par l'ordre du président ; s'il résiste ou s'il rentre, il sera puni d'une amende de 50 francs à 500 francs. »

- Adopté.


« Art. 29. Lorsque, dans le local où se fait l'élection, l'un ou plusieurs des assistants donneront des signes publics, soit d'approbation, soit d'improbation, ou exciteront au tumulte, de quelque manière que ce soit, le président les rappellera à l'ordre. S'ils continuent, le président pourra les faire expulser, sauf à leur permettre de rentrer à l'appel de leur nom pour déposer leur vote, s'il y a lieu. L'ordre d'expulsion sera consigné dans le procès-verbal, sur le vu duquel les délinquants seront punis d'une amende de 50 francs à 500 francs. »

- Adopté.


« Art. 32. S'il existe des circonstances atténuantes, les tribunaux sont autorisés à remplacer la peine de la réclusion par un emprisonnement de trois mois au moins, et à réduire l'emprisonnement au-dessous de huit jours et l'amende au-dessous de 26 francs.

« Ils pourront prononcer séparément l’une ou l'autre de ces peines, sans qu'elles puissent être en dessous des peines de simple police.

« Si l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité est ordonnée, ils pourront s'abstenir de prononcer cette peine, ou ne la prononcer que pour un terme d'un an à cinq ans. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote sur l'ensemble du projet de loi.

83 membres y prennent part.

50 membres répondent oui.

32 membres répondent non.

1 membre (M. Lelièvre) s'abstient.

Le projet de loi sera soumis a la sanction royale.

Ont répondu oui :

MM. Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Hymans, Jacquemyns, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Tesch, Valckenaere, Alphonse Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Yan Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Broustin, Bruneau, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove de Denterghem, D'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrière, Dewandre et Ernest Vandenpeereboom.

Ont répondu non :

MM. Dumortier, d'Ursel, Hayez, Jacobs, Landeloos, Magherman, Moncheur, Reynaert, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wouters, Coomans, de Coninck, de Haerne, E. de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq et de Theux.

MpVµ. - M. Lelièvre est prié de faire connaître les motif de son abstention.

M. Lelièvreµ. - Je me suis abstenu, parce que je suis convaincu que les dispositions du projet relatives à la désignation des candidats et à la nullité des bulletins donneront lieu à de graves inconvénients. D'un autre côté, il m'est impossible de me rallier aux dispositions admises par le Sénat, notamment à celle qui laisse subsister la distribution des boissons et des comestibles le jour de l'élection.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je demanderai à la Chambre s'il ne lui conviendrait pas de discuter encore et de voter, s'il est possible, aujourd'hui, le projet de loi relatif au mode de nomination des jurys d'examen.

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. Allard. - Je demanderai qu'après le vote de ce projet de loi, la Chambre s'occupe de celui qui a pour objet un échange de terrain avec la ville de Tournai.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - S'il m'est permis de continuer, je demanderai qu'après avoir voté aujourd'hui ces projets de loi, la Chambre porte en première ligne à son ordre du jour de demain quelques petits projets de loi, tels que le crédit de 300,000 fr. au département des travaux publics, le crédit de 100,000 fr. et les crédits supplémentaires demandés pour mon département, et qu'elle aborde ensuite le projet de loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique, après quoi nous nous occuperions des prompts rapports sur des pétitions.

MpVµ. - S'il n'y a pas d'opposition, l'ordre du jour sera ainsi réglé.

(page 1044) M. Coomans. - J'adopterai la proposition de M. le ministre, à la condition qu'on y reste fidèle et que la Chambre n'intervertisse pas l'ordre du jour ainsi fixé.

Il est convenable que, pour les grands projets de loi, nous soyons avertis quelques jours à l'avance.

Il est entendu sans doute que notamment l'emprunt de 60 millions et le crédit spécial de 8,400,000 fr. ne viendront pas à l'ordre du jour de demain.

- Des membres. - C'est pour la semaine prochaine.


MpVµ. - M. Tack, obligé de s'absenter, demande un congé de deux jours.

- Accordé.

(page 1041) M. Vleminckxµ. - Il est donc bien entendu que la discussion du projet de loi sur les expropriations par zones commencera mardi prochain ? (Oui, oui.)

Projet de loi prorogeant le mode de nomination des jurys et du système d'examen universitaires

Vote de l’article unique

MpVµ. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Le mode de nomination des membres des jurys d'examen, déterminé par l'article 24 de la loi du 1er mai 1857, est prorogé pour les sessions de 1868 et de 1869.

« Est prorogé pour les mêmes sessions le système d'examen établi par ladite loi, tel qu'il a été modifié par l'article unique, paragraphe 2, de la loi du 30 juin 1865, en ce qui concerne les certificats de fréquentation de cours universitaires. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal.

72 membres répondent à l'appel.

71 membres répondent oui.

1 membre (M. Van Cromphaut) répond non.

Ont répondu oui :

MM. Dolez, Dumortier, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Jacquemyns, Landeloos, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Preud'homme, Reynaert, Rogier, Sabatier, Tack, Tesch, Thienpont, Thonissen, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Broustin, Bruneau, Coomans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Florisone, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre et Ern. Vandenpeereboom.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.