(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 983) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des officiers pensionnés demandent que la Chambre, en attendant la révision des pensions militaires, leur accorde dix pour cent d'augmentation de leur pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal d'Ittre demande que toutes les classes des évaluations cadastrales de la propriété bâtie en cette commune soient diminuées d'un tiers et que si le multiplicateur officiel, pour la perception du droit de succession est maintenu, les évaluations cadastrales de toutes les propriétés à titre soient diminuées de manière que le produit du multiplicateur ne dépasse pas la valeur de ces propriétés. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la péréquation cadastrale.
« Le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande en obtention de la naturalisation du sieur Bryet, Lambert-Edouard. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Dupont, retenu chez lui par une indisposition, et M. de Moor, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demandent un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. Mullerµ. - Pendant que M. Dumortier protestait hier contre les pénalités introduites dans le code pénal relativement aux combats de coqs, la sténographie m'a prêté une interruption de quatre mots qui doit être sortie d'une autre bouche, et qui me mettrait, moi, indirectement en contradiction avec mon vote. Ce n'est pas moi qui ai fourni à l'honorable représentant de Roulers l'argument des petits agneaux. Ce détail n'a, certes, aucune importance pour la Chambre ; mais à mon égard, il résulterait de cette interruption que j'aurais abondé dans le sens des paroles de l'orateur, tandis que j'ai voté pour les pénalités infligées à propos des combats d'animaux, lorsqu'ils réunissent le double caractère d'être organisés dans un lieu public et poussés jusqu'aux torturés, et cela, sans exception en faveur des combats de coqs.
MpVµ. - Votre observation, M. Muller, servira de rectification.
M. Davidµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet qui ouvre au département des travaux publics un crédit de 510,000 francs.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
MpVµ. - L'ordre du jour appelle la discussion des articles du livre II qui ont été renvoyés à la commission.
Le gouvernement se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui, M. le président.
« Art. 139. Sera puni d'un mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de vingt-six francs à mille francs :
« Celui qui, le jour des élections et dans la salle où l'on vote, sera surpris inscrivant, sur les bulletins des votants non lettrés, des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés ;
« Celui qui, dans les mêmes circonstances, sera surpris soustrayant par ruse ou violence des bulletins aux électeurs, ou substituant frauduleusement un autre bulletin à celui qui lui aurait été montré ou remis ;
« Celui qui, à l'appel du nom d'un électeur absent, se présentera sciemment pour voter sous le nom de celui-ci. »
M. Crombez. - Lorsque je me suis entendu avec mon honorable ami M. Pirmez sur la rédaction de cet article, nous n'avions pas sous les yeux le texte de l'article tel qu'il avait été adopté par le Sénat. Le document de la Chambre n'a été distribué que postérieurement.
La rédaction que nous avons proposée à la Chambre diffère donc en quelques points de celle adoptée par le Sénat. Je crois que, pour éviter une nouvelle discussion sur cet article, il serait utile que la Chambre adoptât la rédaction du Sénat qui, du reste, est exactement la même que celle qui avait été adoptée par la Chambre lors de la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
Voici comment cet article devrait être rédigé :
« Sera puni d'un mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de 26 fr. à 1,000 fr., celui qui sera surpris soustrayant par ruse ou violence des bulletins aux électeurs ou substituant frauduleusement un autre bulletin à celui qui lui aurait été montré ou remis ; celui qui, le jour des élections et dans la salle où l'on vote, sera surpris inscrivant sur le bulletin des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés ; celui qui, à l'appel du nom d'un électeur absent, se présentera pour voter sous le nom de celui-ci. »
- L'amendement de M. Crombez est appuyé.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je m'y rallie.
- L'article 139 ainsi amendé est adopté.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Une omission existe dans le rapport. La Chambre a tenu en suspens l'article 141 du code, ainsi conçu :
« Dans les cas énoncés aux articles 138 et 139, les coupables seront, en outre, condamnés à l'interdiction du droit de vote pendant 5 ans au moins et 10 ans au plus. »
Nous proposons de maintenir cet article.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 184. Sera puni de trois mois à trois ans d'emprisonnement et pourra être condamné à l'interdiction conformément à l'article 33 :
« Celui qui aura contrefait des coupons servant au transport des personnes ou des choses, ou qui aura fait usage du coupon contrefait.
« (Le reste comme au projet du Sénat.) »
M. Pirmez, rapporteurµ. - On se sert dans cet article de l'expression « coupons servant au transport des personnes. » Cette expression n'est pas correcte : des coupons ne servent pas au transport. Je proposerai de remplacer ces mots par ceux-ci « coupons pour le transport, etc. »
- L'article 184 ainsi modifié est adopté.
« Art. 190. Seront punis d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs :
« Ceux qui auront fait disparaître soit d'un timbre-poste ou autre timbre adhésif, soit d'un coupon pour le transport des personnes ou des choses, la marque indiquant qu'ils ont déjà servi ;
« Ceux qui auront fait usage d'un timbre ou d'un coupon dont on a fait disparaître cette marque. »
- Adopté.
« Art. 264. Hors le cas où la loi règle spécialement les peines encourues pour crimes ou pour délits commis par les fonctionnaires et officiers publics, ceux d'entre eux qui se seront rendus coupables d'autres crimes ou d'autres délits qu'ils étaient chargés de prévenir, de constater, de poursuivre ou de réprimer, seront condamnés aux peines attachées à ces crimes ou à ces délits, dont le minimum sera double, s'il s'agit de l'emprisonnement, et élevé de deux ans, s'il s'agit de la réclusion, de la détention et des travaux forcés à temps. »
- Adopté.
M. de Fréµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale, qui a examiné le projet de loi ayant pour objet de décréter un emprunt de 60 millions de francs.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. de Macarµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget des recettes et des dépenses pour ordre, de l'exercice 1868.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
MpVµ. - M. le ministre de la justice a proposé des modifications aux articles 327 à 331, adoptés par la Chambre, dans la séance du 9 février 1867. Je mets ces articles en délibération.
« Art. 327. Quiconque, par écrit anonyme ou signé, aura menacé, avec ordre ou sous condition, d'un attentat contre les personnes ou les propriétés, punissable de la peine de mort ou des travaux forcés, sera condamné à un emprisonnement de six mois à cinq ans et à une amende de cent francs à cinq cents francs.
« Si la menace n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, la peine sera un emprisonnement de trois mois à deux ans, et une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art. 328. Si la menace faite avec ordre ou sous condition a été verbale, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an, et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
- Adopté.
« Art. 329. La menace par gestes ou emblèmes d'un attentat contre les personnes ou les propriétés, punissable de la peine de mort ou des travaux forcés, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à trois mois, et d'une amende de vingt-six francs à cent francs. »
- Adopté.
« Art. 330. La menace, faite par écrit anonyme ou signé, avec ordre ou sous condition, d'un attentat contre les personnes ou les propriétés, punissable de la réclusion, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à trois ans, et d'une amende de cent francs à cinq cents francs.
« Si la menace n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, la peine sera un emprisonnement de quinze jours à six mois, et une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
- Adopté.
« Art. 331. Dans les cas prévus par l'article 327, le coupable pourra de plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33, et mis sous la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
- Adopté.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je demande à la Chambre de voter quelques modifications insignifiantes à certains articles.
A l'article 370, il est dit : « Celui qui aura enlevé une fille au-dessous de l'âge de 10 ans. » Il importe de mettre : « enlevé ou aura fait enlever », parce que, dans l'article 368, on se sert de ces termes.
A l'article 371, la même modification est nécessaire.
- Cette modification aux articles 370 et 371 est adoptée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - A l'article 410, il est dit : « Dans les cas mentionnés aux articles 398 à 404. » Il faut dire : « Dans les cas mentionnés aux articles 398 à 405. »
- Cette modification est adoptée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Pour mettre l'article. 448 en harmonie avec d'autres dispositions du code, il faut dire : « Quiconque aura injurié une personne, soit par des faits, soit par des écrits, image ou emblèmes... » Les mots « images ou emblèmes » n'existent pas dans cet article, alors qu'ils existent dans d'autres articles analogues, il importe de les mettre aussi dans cet article.
- Cette modification est adoptée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - A l'article 498, je propose de dire : «... en vendant ou livrant une chose semblable en apparence à la chose qu'il a achetée ou cru acheter. »
- Cette modification est mise aux voix et adoptée.
La Chambre passe au vote définitif.
Les amendements introduits au premier vote sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est bien entendu, messieurs que la Chambre permettra au greffe de faire tous les changements relatifs au numérotage des articles.
MpVµ. - Cela a été convenu ainsi.
M. E. de Kerckhoveµ. - Messieurs, nous voici arrivés à la fin du code pénal. Je me permettrai d'adresser une question à l'honorable ministre de la justice.
J'ai appris que tout récemment, par une circulaire adressée au corps des ponts et chaussées, l'honorable ministre des travaux publics a consulté ce corps sur le point de savoir quelles seraient, d'après lui, les dispositions relatives à la police du domaine public et des choses communes qu'il conviendrait d'insérer dans le code pénal.
Je ne sais quel a été le résultat de cette espèce d'enquête, mais elle me prouve que le gouvernement a compris la nécessité d'introduire une réforme dans cette matière.
Je ne puis qu'applaudir à cette intention, tout en exprimant le regret que le gouvernement n'ait pas agi plus tôt ; qu'il n'ait pas institué une commission composée d'hommes compétents et chargée de préparer un travail complet de révision et de codification des dispositions qui maintenant sont éparses dans une foule de lois et de règlements anciens et modernes.
Je sais qu'il est impossible de le faire pour le code pénal actuel. Seulement, je désire savoir s'il entre dans les intentions du ministre de la justice de préparer cette réforme et de nous présenter une loi spéciale réglant cette importante matière.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne sais ce que veut dire l'honorable membre. Il demande une loi spéciale sur les choses communes. (Interruption.)
Est-ce la législation sur les cours d'eau navigables ? On s'est occupé, je pense, de différentes modifications à y introduire. Il y a, du reste, des dispositions sur la matière.
Si c'est sur la pêche, un projet de loi a été déposé par M. le ministre des finances concurremment avec M. le ministre de la justice, sur cette matière. Je ne sais à quelle circulaire l'honorable membre fait allusion.
M. E. de Kerckhoveµ. - Je regrette de ne pas m'être fait bien comprendre. Si vous voulez le permettre, je répéterai ce que j'ai dit.
Depuis plusieurs années, des hommes spéciaux se sont occupés de la question de savoir comment on pourrait codifier les dispositions qui se rapportent à la police du domaine public ; je pourrais citer des autorités très respectables pour démontrer la nécessité de ce travail.
J'ai supposé, d'après une circulaire qui a été adressée récemment par le ministère des travaux publics au corps des ponts et chaussées, pour demander quelles dispositions il conviendrait d'introduire à cet égard dans le code pénal ; j'ai supposé, dis-je, que cette affaire se traitait, d'accord avec le département de la justice. Mais il paraît qu'il n'en est rien. Tout à l'heure je félicitais le gouvernement de son intention ; je me suis trompé, je n'ai à exprimer qu'un regret.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, en effet, le département de la justice ne s'occupe pas de la matière dont parle l'honorable préopinant. J'ignore si au département des travaux publics il a été question de codifier les diverses dispositions législatives auxquelles l'honorable membre fait allusion ; mais ce que je puis affirmer, c'est que mon département ne se livre pas à l'examen de cette question.
Du reste, je ne sais s'il est indispensable de faire cette classification. Je n'ai aucune espèce de notion sur la question soulevée par l'honorable préopinant. En tout cas, le département de la justice a à s'occuper d'autres travaux d'une nature très urgente qui ont été demandés à plusieurs reprises par la Chambre. Je citerai notamment la réforme du code pénal militaire ; le code de commerce qui est déjà à l'ordre du jour de la Chambre ; la réforme du code de procédure civile et du code d'instruction criminelle, de sorte que, puisque la Chambre a mis 30 ans à réviser le code pénal, le travail sollicité par l'honorable préopinant aura encore du temps à attendre.
(page 985) M. E. de Kerckhoveµ. - Messieurs, j'ai cru jusqu'ici que dans une Chambre belge, le mot de réforme ou de progrès était toujours le bienvenu : je constate que j'étais dans l'erreur.
Il entre dans les intentions du gouvernement de proposer des révisions de lois très importantes, je le veux bien ; mais, encore une fois, je ne puis que regretter son refus de s'occuper de la réforme que je sollicite.
M. Bouvierµ. - Quelle réforme ?
M. E. de Kerckhoveµ. - Il s'agit d'une véritable réforme, plus importante qu'on ne semble le croire.
Elle exigera, je le sais, un travail très compliqué, très difficile, mais il n'est pas impossible, et je le répète, tous les hommes compétents proclament la nécessité de refondre, de codifier cette foule de dispositions de tout temps et de toute origine, qui forment aujourd'hui un véritable chaos.
MjB. - Messieurs, l'honorable M. Eugène de Kerckhove a parlé de diverses dispositions qui se trouvent disséminées dans des lois spéciales et qu'il s'agirait de codifier. J'ai déjà répondu que le domaine public n'était pas abandonné à la merci du premier venu ; le code pénal, d'autres lois contiennent des dispositions qui punissent les délits commis contre les propriétés de l'Etat, de la province ou de la commune.
Maintenant l'honorable préopinant parle aussi de réformes à introduire ; il devrait spécifier les points sur lesquels il sollicite une réforme ; et le gouvernement pourrait alors examiner.
M. E. de Kerckhoveµ. -- Quand on a fait le code Napoléon, tout le monde en Europe a reconnu que c'était une réforme, un grand progrès ; or, ce code était surtout un travail de refonte des législations antérieures.
Eh bien ! messieurs, ce que je demande, c'est aussi un travail de révision, de refonte, de codification de toutes les dispositions relatives à la police du domaine public et des choses communes.
Si j'ai à m'étonner de quelque chose en cette circonstance, c'est de l'étonnement de l'honorable ministre de la justice. Certes je ne pouvais m'y attendre.
- L'incident est clos.
Il est procédé au vote sur l'ensemble du code pénal.
76 membres répondent à l'appel nominal.
1 membre (M. David) s'abstient.
66 répondent oui.
9 membres répondent non.
En conséquence, la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Macar, de Mérode, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre, Dolez, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jamar, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Mascart, Moncheur, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Pirmez, Preud'homme, Sabatier, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alphonse Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bruneau, Carlier, Couvreur, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Florisone, De Fré et Ern. Vandenpeereboom.
Ont répondu non :
MM. Eugène de Kerckhove, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Hayez, Jacobs, Magherman, Snoy, Vander Donckt et Van Renynghe.
MpVµ. - M. David est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Davidµ. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le code pénal, parce qu'il contient des adoucissements et des améliorations ; mais je n'ai pas voté pour, parce que le code maintient la peine de mort dans certains cas.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la Chambre un projet de loi sur l'attribution de la connaissance des circonstances atténuantes aux cours et tribunaux.
La Chambre se souviendra que dans le projet de code pénal il se trouvait un article qui déclarait que les cours et tribunaux auraient la connaissance dos circonstances atténuantes. Par décision de la Chambre, cet article a été écarté, comme devant faire partie du code d'instruction criminelle.
La révision du code d'instruction criminelle ne devant pas se faire d'ici à longtemps, il devient nécessaire, avant la promulgation du code pénal, de voter un projet de loi déterminant les corps qui auront à connaître des circonstances atténuantes.
Je proposerai le renvoi du projet de loi à la commission du code pénal qui a déjà examiné la question.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. La Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen de la commission du code pénal.
M. Anspachµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je viens demander à la Chambre de bien vouloir fixer, après l'examen du projet de loi sur la péréquation cadastrale, celui du projet de loi sur les expropriations par zones.
Je n'ai pas besoin, je crois, de justifier auprès de vous l'importance de ce projet de loi. Je crois que nous serons tous d'accord pour reconnaître la nécessité qu'il y a à ce qu'il soit encore voté dans cette session par les deux Chambres.
MfFOµ. - Je ne viens pas m'opposer à la proposition de l'honorable M. Anspach. Je crois en effet qu'il convient que la Chambre s'occupe aussitôt que possible du projet de loi relatif aux expropriations par zones.
Il y a cependant un projet de loi sur lequel la Chambre doit, je pense, préalablement statuer. C'est le projet de loi, renvoyé par le Sénat, relatif à la répression des fraudes en matière électorale. Il est désirable que la Chambre se prononce sans retard sur cet objet. Nous sommes à la veille d'élections pour le Sénat ; il faut savoir si l'on appliquera ou non la nouvelle législation.
Il se peut que la Chambre adopte purement et simplement le projet de loi, tel qu'il lui a été renvoyé par le Sénat. Dans ce cas il s'agit simplement d'un vote. S'il y avait même discussion sur le projet qui nous est renvoyé, elle ne serait pas très longue, et par conséquent si la Chambre venait à adopter la proposition faite par la commission, le projet serait encore utilement renvoyé au Sénat, qui pourrait le voter dans la session actuelle.
On pourrait mettre à l'ordre du jour de mardi le projet de loi relatif aux fraudes électorales, et le projet de loi relatif à l'expropriation par zones après la discussion du projet de loi sur la péréquation cadastrale.
M. Anspachµ. - S'il est dans l'intention de la Chambre de ne pas se séparer avant d'avoir discuté le projet de loi dont j'ai eu l'honneur de l'entretenir, je n'insisterai pas sur ma proposition. Mais il faut qu'il soit entendu que la Chambre examinera ce projet de loi avant la fin de la session.
- La Chambre décide qu'elle s'occupera, après l'examen du projet de loi sur la péréquation cadastrale, en premier lieu du projet de loi sur les fraudes électorales, et en second lieu du projet de loi sur les expropriations par zones.
M. Ansiauµ. - Après avoir entendu, dans la séance d'avant-hier, les discours des honorables membres qui ont traité d'une manière si complète les questions qui se rattachent au projet de loi en discussion, j'ai été sur le point de renoncer à la parole. Je ne me dissimule pas, messieurs, que j'ai besoin, pour me faire écouler après eux, de toute votre indulgence ; je n'y ai d'autre titre que de n'abuser que fort rarement des moments de mes collègues.
La loi du 10 octobre 1860, relative à la révision cadastrale, a été décrétée en vue d'arriver à une plus juste répartition de l'impôt foncier, en rétablissant l'égalité proportionnelle entre les provinces, entre les cantons et entre les communes.
Ce but sera-t-il atteint par la nouvelle péréquation ? Je ne le pense pas. Examinons d'abord les résultats de la révision au point de vue des propriétés territoriales, lesquelles doivent principalement fixer noue attention, puisque leur revenu imposable équivaut au double du revêtu des propriétés bâties.
(page 986) J'admets que les valeurs locatives aient progressé dans une proportion plus forte dans certaines provinces que dans d'autres, attendu que les circonstances qui influent sur la valeur et le revenu des propriétés foncières ne se sont pas produites également partout. Mais est-il suffisamment prouvé par les opérations de la révision que la proportion de l'augmentation soit réellement telle qu'elle a été déterminée par le département des finances, pour chaque province et pour chaque canton ? Selon moi, cette preuve est encore à faire, attendu que pour fixer le chiffre de chaque proportion on ne s'est basé que sur des indices, ou plutôt sur de pures hypothèses qui peuvent conduire à de graves erreurs.
En effet, par quel procédé est-on parvenu à établir les proportions admises ? C'est en comparant le prix net des fermages stipulés dans les baux ventilés avec les évaluations cadastrales afférentes aux propriétés comprises dans ces baux, et en attribuant à toutes les propriétés de chaque canton le revenu moyen constaté pour une faible partie de ces propriétés, procédé d'autant moins rationnel qu'on a appliqué ainsi la même moyenne à des propriétés de natures différentes, et dont la valeur n'a pas suivi la même progression.
Dans le canton de Chimay, par exemple,'dont la superficie est de plus de 28,000 hectares, se composant de terres labourables, prés, bois, sars, etc., etc., on n'a ventilé que 450 baux, représentant une contenance de 1,700 et quelques hectares de terres, jardins et prés. Le revenu moyen de ces l,700 hectares pendant la période de 1849 à 1858 étant, d'après la ventilation des baux, de 115 p.c. supérieur au montant des évaluations cadastrales, on en conclut que le revenu des 26,000 hectares non compris dans la ventilation et qui se composent en majeure partie de bois, a également augmenté de 115 p. c, et l'on applique cette proportion à toutes les propriétés non bâties du canton. Tel est, messieurs, le procédé employé pour déterminer le chiffre du nouveau revenu moyen des propriétés dans chaque province et dans chaque canton.
L'étendue du sol du pays, y compris les bois, bruyères, sarts défrichés et non défrichés, est d'environ 2,942,000 hectares, se subdivisant, par province, comme suit, savoir : Anvers 283,300 hectares, Brabant 328,000, Flandre occidentale 325,440, Flandre orientale 299,780, Hainaut 372,200, Liège 289,300, Limbourg 240,000, Luxembourg 440,000, Namur 366,180.
Le résultat de la ventilation des baux étant appliqué à toutes les natures de propriétés, ce sont les chiffres ci-dessus qui doivent être pris pour terme de comparaison, et non pas ceux figurant dans la troisième colonne du tableau littera A annexé à l'exposé des motifs, puisque les contenances y indiquées ne comprennent pas même les bois dérodés, sarts, etc., livrés à la culture depuis la création du cadastre. L'exposé des motifs nous apprend, en effet, que l'administration des finances ignore l'étendue des terrains défrichés dans le royaume (voir article bois).
Il ressort donc de la comparaison des contenances imposables avec les contenances ventilées, que, dans la province d'Anvers, la ventilation représente 1/6 seulement de la contenance totale ; dans le Brabant 2/9 ; Flandre occidentale 1/3 ; Flandre orientale 2/11 ; Hainaut 3/11 ; Liège 2/9 ; Limbourg 1/3 ; Luxembourg 1/29 ; Namur 1/10 ; Moyenne pour le royaume 1/6.
Il est à remarquer que les contenances ventilées présentent des différences plus ou moins fortes de canton à canton, et il en résulte que si dans certains cantons, la ventilation comprend le 1/4 ou le 1/3 des terrains imposables, dans beaucoup d'autres elle n'en comprend pas le dixième. C'est ainsi qu'elle est inférieure à un quinzième dans le canton de. Chimay., et moindre encore dans beaucoup de cantons appartenant aux provinces d'Anvers, Limbourg, Namur et Luxembourg.
Donc, en concluant d'une très petite partie au tout, on a réellement établi les bases de la nouvelle répartition sur des données d'une exactitude fort contestable.
La ventilation des baux à ferme, du reste, est loin d'avoir été opérée partout dans les mêmes conditions. Ainsi dans le Hainaut, pour une contenance ventilée de 98,900 hectares, il y a 47,000 hectares de petite terre, donnant une proportion d'augmentation sur les évaluations cadastrale, de 98 1/2 p. c., et 29,500 hectares seulement de grande tenues pour laquelle l'augmentation n'est que de 65 p. c ; tandis que, dans la province de Namur, sur une contenance ventilée de 35,000 hectares, on trouve 28,000 hectares de grande tenue donnant une proportion de 91 p. c, et seulement 3,200 hectares de petite tenue pour laquelle les prix de fermage dépassent de 135 p. c. le montant des évaluations cadastrales.
Il s'ensuit évidemment que, grâce au nombre restreint de baux de petite tenue ventilés dans la province de Namur, la proportion de 102 et 1/2 p. c. est atténuée, tandis que la proportion de 85 p. c., dans le Hainaut, est exagérée, par cela même que les baux de petite tenue constituent les principaux éléments de la ventilation. Il devrait pourtant en être autrement, attendu que la grande culture domine, dans la majeure partie des cantons du Hainaut.
Les mêmes circonstances se sont produites dans les autres provinces, notamment celle du Brabant où l'on compte 40,000 hectares de petite tenue, sur 76,000 hectares ventilés ; preuve encore que les résultats de la ventilation ne pouvaient pas servir de régulateur pour établir les nouvelles évaluations cadastrales des propriétés non bâties, mais bien de simples renseignements pour l'expertise parcellaire de ses propriétés.
En présence de pareil état de choses, le gouvernement aurait dû reconnaître l'insuffisance de la loi du 10 octobre 1860, et ne pas hésiter à proposer cette expertise, comme cela a eu lieu pour les propriétés bâties. Outre les raisons que je viens d'énoncer, le gouvernement avait encore à invoquer l'impossibilité où le mettait le peu d'éléments recueillis concernant les bois et les prés, de se conformer à l'article 2 de la loi précitée prescrivant d'établir les évaluations nouvelles des propriétés non susceptibles de locations, telles que bois, non pas d'après la ventilation des baux, comme cela a été fait contrairement à la loi, mais bien d'après une ventilation spéciale des actes de vente de produits pour cette nature de propriété.
Il est donc plus que douteux que l'égalité proportionnelle sera rétablie entre les provinces et entre les cantons. Je démontrerai tout à l'heure, qu'elle le sera bien moins encore entre les communes, quoi qu'en dise l'exposé des motifs du projet de loi soumis à nos délibérations. Mais, au préalable, permettez moi de présenter quelques observations concernant spécialement la province de Luxembourg.
Il est de notoriété publique, nous savons tous, messieurs, que la valeur des propriétés bâties et non bâties a considérablement augmenté dans le Luxembourg depuis la formation du cadastre. Voici, du reste, comme s'exprime M. le ministre des finances à l'égard de cette province, page 21 de l'exposé des motifs. S'il est une province, dit M. le ministre, qui a été transformée depuis 40 ans, c'est bien le Luxembourg, qui ne possédait à cette époque qu'une seule voie de communication, et des chemins inaccessibles, tandis qu'elle est aujourd'hui, sillonnée de routes, de chemins excellents et de diverses voies ferrées ; je crois inutile d'énumérer davantage toutes les modifications qui ont augmenté la valeur des propriétés dans cette province.
M. le ministre des finances est donc de l'avis de tout le monde, il reconnaît et proclame que le Luxembourg est l'une des provinces où la valeur des propriétés a augmenté dans la plus forte proportion ; comment se fait-il alors que son contingent ne soit point majoré comme celui des autres provinces qui ont également prospéré ? La ventilation des baux dans le Luxembourg n'a cependant pas amené des résultats contraires aux prévisions, à l'attente de tout le monde, puisqu'elle fait ressortir une proportion d'augmentation de 85 p. c. précisément égale à celle constatée dans le Hainaut, province qui subirait une augmentation d'impôt foncier en principal de 344,853 fr., alors que le Luxembourg se trouverait favorisé d'une diminution de 52,000 francs, en dépit de l'identité des résultats constatés par les baux recueillis dans les deux provinces.
Mais voici la manière dont on a opéré : il résulte des tableaux annexés à l'exposé des motifs qu'au lieu d'appliquer au Luxembourg la proportion de 85 p. c. on ne lui a appliqué que celle de 60 p. c. Voir le tableau littera G. De là, une diminution de 32,000 fr. sur son contingent, au lieu d'une augmentation notable que cette province subirait si elle avait été traitée à l'égal des autres.
M. Van Hoordeµ. - Pourquoi ne lisez-vous pas ce qui précède ? On y verrait que la commission provinciale du Luxembourg est d'un avis tout différent, et elle est dans le vrai.
M. Ansiauµ. - Mon honorable collègue, qui prend la peine de m'interrompre, saura, je n'en doute pas, défendre les intérêts de ses commettants et me prouver que je suis dans l'erreur ; en attendant, je le prie de me permettre de continuer.
(page 987) On peut s'étonner, avec raison, que pour le Luxembourg, on soit resté de plus de 25 p. c. au-dessous de la proportion constatée par la ventilation des baux, d'autant plus que l'on maintient, ou que l'on augmente même les proportions constatées dans les autres provinces. (Voir les tableaux G et H.) Il est vrai, et je m'attends à cette objection, que la contenance ventilée est relativement faible dans le Luxembourg, puisqu'elle ne porte que sur 16,765 hectares ; mais qui nous dit qu'une ventilation comprenant le double ou le triple de cette contenance eût fait ressortir une proportion inférieure à celle de 85 p. c ? Où est la preuve que cette proportion aille au delà de la réalité ? Cette preuve, on ne pourrait la fournir ; car selon toute probabilité une ventilation plus complète aurait, au contraire, démontré que l'accroissement des valeurs locatives dépasse, dans le Luxembourg, la proportion résultant des baux qui y ont été ventilés, et cela est d'autant moins douteux, que les anciennes évaluations cadastrales y sont très modérées, ayant été établies à une époque, où, comme le dit M. le ministre lui-même, cette province ne possédait aucun élément de prospérité.
Pour admettre comme exagérée la proportion de 85 p. c., constatée dans le Luxembourg, il faudrait supposer que les propriétaires de cette partie du pays n'aient exhibé aux fonctionnaires chargés de la ventilation que les baux consentis à des prix élevés : j'ai peine à croire que les Luxembourgeois aient si mal compris leurs intérêts.
Remarquez, messieurs, que la ventilation ne porte que sur 18,200 hectares, soit le tiers de la contenance totale dans la province de Limbourg, et pourtant, les résultats de cette ventilation insuffisante ont été adoptés par le gouvernement sans la moindre modification. La ventilation donne 82 p. c. d'augmentation, on applique 82 p. c.
N'était-ce pas le cas, messieurs, de descendre à 60 p. c. comme on l'a fait pour le Luxembourg ?
Il me semble donc, messieurs, que plus on examine les résultats de la révision cadastrale, plus on y découvre d'erreurs. Mais c'est surtout en les jugeant au point de vue de la répartition de l'impôt entre les communes et entre les contribuables que l'on est frappé à l'idée des injustices nombreuses que nous consacrerions en votant le projet de péréquation cadastrale qui nous est soumis.
Aux termes de l'article 3 de la loi du 10 octobre 1860, la proportion de l'augmentation du revenu moyen des propriétés foncières constatée, dans chaque canton, devra être appliquée uniformément à toutes les communes du même canton. Il n'y aura d'exception que pour les treize communes désignées dans le rapport de la section centrale.
Or, depuis que nos chemins de fer sont venus déclasser tant de propriétés sur tous les points du pays, il est certainement peu de cantons où les valeurs locatives aient suivi la même progression dans toutes les communes qui les composent respectivement.
Eu effet, dans certaines localités, l'industrie s'est développée, la population s'est notablement accrue, ce qui a amené le morcellement des propriétés, des locations en détail qui ont doublé, triplé le revenu des propriétés divisées.
Dans d'autres communes du même canton, l'industrie et le commerce ont perdu d'année en année de leur importance, et ont fini par disparaître pour se reporter dans des localités dotées de nouvelles voies de communication. Il en est résulté que, dans celle-ci, les propriétés ont généralement acquis une plus-value considérable, tandis que, dans les autres, elles ont subi une dépréciation plus ou moins marquante. Eh bien, pour être juste, nous devrions diminuer l'impôt qui pèse trop lourdement sur ces malheureuses communes, nous devrions les dégrever ; mais c'est ce que nous ne ferons pas, nous allons, au contraire, les frapper, les surtaxer davantage encore en augmentant leur contingent dans la même proportion que celui des communes qui ont prospéré à leur détriment. Telle est la logique de la loi du 10 octobre 1860 qui veut que désormais les localités qui possèdent moins, soient imposées comme celles qui possèdent plus. Voilà comment serait rétablie l'égalité proportionnelle !...
Un autre inconvénient encore, c'est qu'en majorant d'une manière uniforme le revenu moyen des propriétés non bâties dans toutes les communes du chaque canton, on détruira l'harmonie qui a été établie lors de la création du cadastre entre les évaluations des propriétés situées dans les communes limitrophes appartenant à des cantons différents.
Il arrivera ainsi que des propriétés qui se touchent, et dont la valeur a progressé dans la même proportion, subiront une majoration de revenu imposable qui ne sera que de 50 p. c. pour les unes, tandis qu'elle s'élèvera a 80, 90 et même à 100 pour 100 pour les autres ; de semblables écarts, en effet, existent entre les proportions admises pour des cantons limitrophes. (Voir cantons de Chimay et Couvin, cantons de Marche et Laroche, Beauraing et Gedinne, Namur). Il arrivera aussi que telle commune tout à fait étrangère aux circonstances qui ont fait monter la proportion cantonale à un chiffre élevé, subira une augmentation plus forte que la commune voisine faisant partie d'un canton limitrophe, bien que les valeurs locatives aient beaucoup plus progressé dans celle-ci. Je ne citerai qu'un exemple : la proportion pour la commune de Mignault, canton du Roeulx, est de 70 p. c, c'est le résultat de la ventilation de 68 baux, représentant près de 300 hectares sur 822 en culture dans la localité ; on peut donc admettre que cette proportion est dans le vrai. Les Ecaussinnes d'Enghien sont voisines de la commune de Mignault, mais elles font partie du canton de Soignies. L'industrie s'est beaucoup développée aux Ecaussinnes depuis 30 à 40 ans, et une importante station de chemin de fer est venue ajouter à ces éléments de prospérité ; aussi, les valeurs locatives y ont-elles progressé à un haut degré, d'autant plus que la population, s'y est notablement accrue. Une ventilation complète y ferait ressortir une proportion qui, bien certainement, dépasserait celle de 100 p. c, comme cela se voit dans d'autres communes industrielles peu éloignées de celle-ci, telles que Trivières, Haine-Saint-Paul, etc. Et cependant, par la seule raison que les Ecaussinnes d'Enghien appartiennent au canton de Soignies, elles ne sont augmentées que de 76 p. c., tandis que la commune de Mignault le sera de 101 p. c, parce qu'elle fait partie du canton de Roeulx.
Je pourrais citer beaucoup d'autres faits analogues, mais je crois superflu d'entrer dans de plus longs détails, étant convaincu que vous reconnaissez avec moi, d'abord que la nouvelle répartition entre les provinces et entre les cantons est établi, sur des bases inadmissibles, ensuite, qu'en procédant par masses cantonales, comme on l'a fait, on détruit l'égalité proportionnelle entre les communes.
Quant aux inégalités de parcelle à parcelle, la loi du 10 octobre 1860 n'a pas eu pour but, il est vrai, de les faire disparaître pour les propriétés non bâties, mais a-t-on volé cette loi dans l'intention d'aggraver ces inégalités ? J'en doute, et cependant telle serait la conséquence de la nouvelle péréquation, puisque le revenu imposable de milliers de parcelles déjà surévaluées devrait être encore augmenté. Je citerai entre autres les prairies qui longent la Sambre, si dépréciées par suite de la canalisation, et auxquelles on ferait subir une majoration de revenu de 95 p. c. dans le canton de Merbes-le-Château, de 125 p. c. dans le canton de Thuin, et de 129 p. c. dans celui de Charleroi, augmentation de revenu qui se traduirait par une nouvelle surtaxe de 27 et 30 p. c. sur des propriétés pour lesquelles l'impôt foncier devrait être notablement réduit au lieu d'être majoré.
Il en serait de même pour les propriétés riveraines de l'Escaut, dans l'arrondissement de Tournai, et pour une foule d'autres plus ou moins dépréciés, notamment les forêts qui alimentaient autrefois les nombreuses usines disparues depuis que l’on a substitué le charbon de terre au bois pour la fabrication du fer.
Voici d'autres anomalies aussi choquantes qui résulteraient de la nouvelle péréquation : un terrain défriché, par exemple, classé comme bois pâture, sart ou bruyère, est devenu, après quelques année de culture, une terre labourable, jardin ou pré. Ce terrain continue d'être repris au cadastre pour son ancien revenu imposable de 50 centimes, un franc ou deux francs au plus par hectare, revenu qui serait augmenté de 80 ou 100 p. c. selon la proportion adoptée pour le canton. Cette majoration du revenu imposable amènerait une augmentation d'impôt de quelques centimes seulement par hectare, c'est-à-dire qu'au lieu de payer 20 ou 25 c. pour cette parcelle, le propriétaire payerait à l'avenir 30 ou 35 c. Ce terrain défriché étant loué à raison de 50 à 60 fr. l'hectare (et il en est beaucoup qui se louent à des prix plus élevé), la contribution représenterait moins que la centième partie du revenu net qu'en retire le propriétaire. S'il m'est permis de citer un fait particulier, je dirai que je connais un propriétaire qui loue à raison de 140 fr. l'hectare une ancienne pâture sart convertie en terre, prairie, verger et jardin. Le revenu imposable n'étant que de 2 fr. 80 c, ce propriétaire paye actuellement environ 30 centimes d'impôt au profit de l'Etat ; mais comme la propriété se trouve dans un canton où les évaluations cadastrales seraient augmentées de 106 p. c, sa contribution s'élèvera à l'avenir à 40 c. environ par hectare, ou un quart pour cent du prix de location.
On m'objectera peut-être que le fermage de 140 fr. par hectare est exceptionnel. Je concède que la majeure partie des terrains défrichés se loue moins cher ; mais il n'en est pas moins vrai que dans les localités à la fois agricoles et industrielles, où les terrains en culture n'offrent plus une étendue suffisante aux besoins d'une population qui s'accroît (page 988) d'année en année, les défrichements amènent toujours des résultats extrêmement avantageux aux propriétaires. Il est, d'ailleurs, peu de terrains défrichés qui ne produisent un revenu de beaucoup supérieur à celui que l'on en retirait avant le défrichement, même dans les localités restées exclusivement agricoles.
On sait que c'est principalement dans les provinces de Luxembourg, Limbourg, Namur et aussi dans les provinces d'Anvers et de Flandre occidentale que les défrichements ont été opérés sur une grande échelle ; eh bien, en dépit de l'accroissement considérable de valeur que des milliers d'hectares ont acquis dans ces provinces, l'impôt dérisoire de quelques centimes à l'hectare va encore être réduit dans le grand nombre de cantons qui seraient dégrevés par suite de la péréquation nouvelle. Et cela au préjudice surtout de ceux qui possèdent des terres de première et deuxième classe ; car la plupart de celles-ci étant restées ce qu'elles étaient à l'époque de l'exécution du cadastre, n'ayant pas, tant s'en faut, augmenté de valeur dans la même proportion que les terres améliorées de troisième, quatrième et cinquième classe, seraient généralement taxées d'après un revenu imposable excédant le prix réel de location, dans les cantons où ce revenu aurait été fortement majoré, par suite de l'influence que les terres améliorées de troisième, quatrième et cinquième classe ont exercée sur le résultat de la ventilation dès baux.
Il en résulterait que les propriétés territoriales dont le taux d'évaluation est aujourd'hui le plus élevé, seraient frappées d'une contribution de dix à douze pour cent du prix de fermage, tandis qu'une infinité d'autres propriétés payeraient moins de un pour cent. II va de soi que les propriétés bâties, maisons et usines continueraient aussi de supporter une partie de la quotité d'impôt dont on exonère les terrains défrichés, puisque le même multiplicateur est applicable à toutes les propriétés indistinctement. Or, il est certain que le nouveau multiplicateur descendrait au-dessous de 6 fr. 70 c., si la plus-value acquise par les bois dérodés entrait dans la masse des revenus fonciers sur lesquels doit s'opérer la répartition, car les propriétés déclassées par les améliorations agricoles donneraient une somme de revenu bien supérieure au dégrèvement que l'on accorderait, par suite d'une révision générale, aux propriétés actuellement surtaxées.
La conclusion à tirer de tout ce qui précède, c'est qu'une révision partielle du cadastre, telle qu'elle a été opérée, ne pouvait aboutir qu'à des résultats contraires à la réalité des faits et à tout principe d'équité.
Aussi n'hésiterai-je pas à voter contre le projet qui nous est soumis, et à me rallier à toute proposition ayant pour objet l'expertise parcellaire de toutes les propriétés non bâties, d'autant plus qu'il n'est pas douteux que cette mesure amènerait de profondes modifications dans les bases adoptées par M. le ministre des finances pour la nouvelle répartition entre les provinces et entre les cantons, en même temps qu'elle ferait disparaître les inégalités de commune à commune et de parcelle à parcelle, inégalités que l'on aggraverait par la péréquation proposée et que l'on ne peut maintenir sans faire de l'impôt foncier le plus inique des impôts. Remarquez, messieurs, que ce ne seraient pas les grands propriétaires qui auraient le plus à s'en plaindre, puisque les augmentations qu'ils subiraient dans leur canton pourraient être atténuées par des dégrèvements obtenus dans d'autres cantons ; tandis que ceux qui ne possèdent que quelques propriétés dans l'une des villes ou communes qui auraient à payer le million dont on veut décharger les Flandres, voire même le Luxembourg, supporteraient, sans compensation aucune, l'intégralité de la surtaxe qu'une nouvelle loi sur la contribution personnelle viendra prochainement aggraver encore.
Il me reste quelques mots à dire, messieurs, concernant l'expertise qui été faite des propriétés bâties, opération qui n'avait pas provoqué moins de 68,892 réclamations, sans compter celles émanant des conseils communaux et que les commissions provinciales ainsi que les députations permanentes ont reconnues fondées en proposant des réductions plus ou moins fortes sur les évaluations établies par les agents du cadastre. Convenons, messieurs, qu'il serait fort étrange qu'il n'y eût rien de sérieux dans les motifs invoqués par les réclamants, alors que parmi ceux-ci se trouvent incontestablement des personnes honorables, consciencieuses et très compétentes.
Pour repousser ces réclamations, le gouvernement objecte, ainsi qu'il appert de l'exposé des motifs, que les évaluations étant inférieures aux prix de loyer constatés par des baux, elles sont plutôt modérées qu'exagérées. A notre tour, nous pouvons répondre qu'il y a une infinité de communes où l'on n'a pu recueillir que peu ou point de baux, et que c'est là surtout que les agents ont pu commettre des erreurs, soit en basant leurs appréciations sur quelques locations isolées et accidentelles qui ne pouvaient leur donner qu'une fausse idée de la valeur locative moyenne, soit en prenant leur point de comparaison dans d'autres localités qui ne se trouvaient pas dans des conditions identiques, et où les baux ventilés étaient également en nombre insuffisant pour pouvoir servir de base à un bon travail d'expertise.
Je citerai quelques chiffres à l'appui de ce qui précède : pour environ 200,000 maisons expertisées dam le Hainaut, on n'a ventilé que 7,000 baux, soit un bail pour 28 maisons.
Je crois pouvoir poser en fait que les 5/6 des baux recueillis se rapportent aux villes et que, par conséquent, il n'en a pas été recueilli plus de 1,000 à 1,200 dans les 400 communes rurales de la province. J'ajouterai que de ces quatre cents communes il en est peut-être plus de cent où l'on n'a recueilli aucun bail admissible. On ne peut donc invoquer le prix des baux pour justifier les exagérations dont les évaluations sont empreintes dans les communes rurales, puisque ces évaluations ne reposent sur aucune base certaine, et ont été fixées arbitrairement.
On voit par l'annexe littera E de l'exposé des motifs, que, dans la province de Namur, où l'on se plaint aussi de ces exagérations, on n'a ventilé que 1,060 baux dans 347 villes et communes : que dans le Luxembourg le nombre des baux est relativement moindre encore : il n'y en a que 167 pour 204 villes et communes. En défalquant les baux ventilés dans les villes, il n'en reste vraisemblablement pas plus d'un seul pour trois communes.
Les faits ci-dessus ne sont-ils pas de nature à démontrer le fondement des propositions de réduction formulées par les commissions provinciales, en ce qui concerne les propriétés bâties ?
Il m'est donc impossible, messieurs, de donner un vote approbatif au projet qui nous est présenté. Adopter les bases proposées, c'est, à mon sens, consacrer un système erroné, et au lieu de la réparer, c'est tout simplement, et de propos délibéré, déplacer l'injustice.
(page 991) M. Thibautµ. - Messieurs, dans l'exposé des motifs de la loi sur la révision des opérations cadastrales, M. le ministre des finance, annonçait que la révision partielle qu'il proposait serait terminée en 18 mois ou 2 ans. Il la recommandait comme un travail dont l'expérience plutôt que le raisonnement démontrerait la valeur et l'efficacité pour atteindre le but qu'il lui assignait. Ce but était, d'après l'exposé des motifs, « sinon de faire cesser entièrement le mal de l'état actuel des choses, au moins d'y remédier, en rétablissant l'égalité proportionnelle, par masses de propriétés, de province à province, de canton à canton, de commune à commune. La section centrale acceptait à titre d'essai une révision partielle. Elle espérait que cette révision serait de nature à atténuer les inconvénients dont on se plaignait et à permettre d'apprécier d'une manière assez équitable le contingent respectif que chaque province doit fournir. »
Cependant, dans plusieurs passages de sou rapport, la section centrale laisse peser un doute sérieux sur le mérite de la révision. Aussi elle eut soin de déclarer que « le vote du projet de loi ne lierait pas la législature quant à l'appréciation des résultats, et que cette dernière ne renonçait pas au droit de modifier, en les corrigeant au besoin, les éléments de la révision et même de. décider qu'une révision plus complète est indispensable. »
Je tenais, messieurs, à vous rappeler ces réserves de la section centrale, parce que la révision partielle sur laquelle vous allez prononcer, bien qu'elle ait exigé un laps de temps trois fois plus long qu'on ne l'avait prévu en 1859, est, cependant, de l'avis de beaucoup de monde, un travail complètement manqué, un travail à recommencer.
Les fonctionnaires qui en ont été chargés ont accumulé des montagnes de chiffres et ils ne sont arrivés sur aucune question, ni à une certitude mathématique, ni même à une probabilité qui puisse satisfaire les esprits les moins exigeants.
La Chambre, si elle partage cette opinion, aura donc à faire choix entre les deux solutions qui ont été indiquées d'avance par la section centrale en 1859 : elle pourra essayer de corriger les éléments de la révision, tâche dont j'entrevois les difficultés, surtout à l'époque avancée de la session où nous nous trouvons ; ou bien elle décidera qu'une révision plus complète est nécessaire.
Je n'ai pas l'intention, messieurs, de passer en revue tous les défauts qu'un examen quelque peu approfondi découvre dans la révision telle qu'elle a été faite. Je me bornerai à exposer les deux motifs principaux qui m'engagent à combattre le projet de loi.
Le premier, c'est que la loi de 1860, que je crois bonne en principe, en ce sens au moins qu'elle pouvait produire des résultats acceptables transitoirement et en attendant une révision plus complète, c'est que cette loi de 1860 n'a pas été observée.
Le second, c'est que la révision, telle qu'elle a été faite, aboutit à des résultats évidemment erronés.
Au lieu de faire disparaître, elle déplace les inégalités que la force des choses avait amenée dans la répartition de l'impôt foncier. Je ne puis en conscience accepter ma part de responsabilité dans cette transposition.
Messieurs, les bases de révision inscrites dans la loi de 1860 ont été votées de confiance telles que l'honorable ministre des finances les avait proposées. La section centrale le constate en déclarant « que son intention ne pouvait être d'apporter des modifications aux bases du projet, parce qu'elle craignait, à défaut d'expérience des faits, de compliquer et de rendre plus difficile, de paralyser même, la réforme partielle que M. le ministre des finances voulait tenter. »
Ces bases, du reste, étaient suffisamment justifiées par l'exposé des motifs ; si elles avaient été fidèlement respectées dans la recherche des faits et dans la substitution des chiffres aux formules, on aurait pu, je pense, dégager assez exactement l'inconnue du problème compliqué qu'il s'agissait de résoudre.
Mais on a considéré la loi de 1860 comme un blanc-seing donné à l’administration, les règles tracées par les articles 2, 3 et 5 de la loi de 1860 ont été mises à l'écart. Pourquoi ? Je n'en sais rien.
Je veux bien croire qu'en substituant, par circulaire, l'arbitraire à la loi, on espérait, à certains égards, faciliter la besogne et obtenir en même temps des résultats plus satisfaisants. Toujours est-il que dans les instructions transmises aux agents de la révision, ils sont obligés à s'écarter, en des points très importants, des prescriptions de la loi.
Ainsi il est constant que la ventilation des baux à loyer n'a pas servi à établir le revenu net moyen des propriétés bâties ; que le revenu ne moyen assigné aux bois et prairies n'est pas celui qui aurait été obtenu par une ventilation sérieuse des actes de vente des produits : que dans certaines communes, des baux à ferme exagérés ont seuls été admis par la ventilation ; que, dans d'autres, on a rejeté des baux, sous le prétexte mille fois erroné que les prix de fermage étaient déraisonnablement, sinon frauduleusement, réduits en dessous de la moyenne du canton.
En un mot, messieurs, toutes les ventilations ont été si mal faites que l'administration ne les a elle-même consultées qu'à titre de renseignement.
L'expertise parcellaire des propriétés bâties ayant été faite partout, c'est-à-dire à la campagne comme en ville, malgré l'interdiction formelle écrite dans la loi de 1860. Il en résulte, par une conséquence nécessaire quoique en opposition avec d'autres dispositions de la loi, qu'on n'appliquera pas par canton les résultats de la révision pour les communes rurales en général, en y comprenant l'ensemble des propriétés bâties et non bâties.
Les deux premiers points que je viens d'indiquer ont été discutés dans l'exposé des motifs, on a essayé de justifier les changements apportés par circulaire aux prescriptions de la loi de 1860.
M. le ministre des finances prétend que l'expertise parcellaire des propriétés bâties était une mesure indispensable. Indispensable ? Mais on aurait dû le savoir eun1859 et ne pas faire dire le contraire par la loi. La loi de 1860 n'a pas été postérieurement modifiée.
En vain allègue-t-on le vote par lequel la Chambre a ajourné la discussion de la loi sur la contribution personnelle. Ce vote a précédé la loi de 1860, et l'eût-il suivie, il ne changeait cette loi ni explicitement ni implicitement.
En vain prétend-on encore que cette mesure était autorisée par le législateur qui a alloué les crédits pour la révision.
Les Chambres n'ont pas donné ce sens au vote des crédits, elles on volt les crédits pour assurer les mesures d'exécution que le ministre devait réglementer conformément à l'article 4 de la loi.
Il est donc incontestable que la loi de 1860 n'a pas été observée en ce qui concerne les propriétés bâties et qu'on a fait autre chose que ce que la loi ordonnait.
Je puis en dire autant pour les bois et les prairies. Pour ces propriétés de nature spéciale, et dont le revenu ne pouvait être obtenu que par la ventilation des actes de vente des produits, M. le ministre propose d'admettre un accroissement de revenu net, dans la même proportion qu'il a fixée pour le revenu des terres. C'est là, permettez-moi de le dire, non pas seulement violer la loi de 1860, mais c'est décréter l'absurde ou l'erreur évidente.
C'est user de l'arbitraire contre les faits patents. Mon honorable ami M. Wasseige l'a clairement démontré dans une séance précédente.
Quant au revenu des propriétés pouvant être données à bail, le chiffre en a été obtenu, je le reconnais, par la ventilation des baux et appliqué par canton, après avoir subi toutefois quelques modifications.
Mais dans certaines communes on a refusé d'examiner les baux existants, sous différents prétextes. Dans d'autres communes on a admis des baux évidemment exagérés et l'on a obtenu ainsi des moyennes évidemment exagérées.
Ainsi dans l'arrondissement de Dinant, par exemple, se trouve une commune où le prix de fermage indiqué dans le tableau cantonal excède de 566 p. c. l'évaluation cadastrale ancienne.
Dans une autre commune du même canton, la proportion est de 371 p. c. (Interruption.)
Il n'y a pas de terres dans la province de Namur, j'oserais même dire dans tout le pays, qui aient subi une augmentation aussi considérable de valeur depuis l'achèvement du cadastre.
Je suis convaincu, messieurs, que dans ces cas on a opéré sur des parcelles qui ont changé de nature.
Pour les communes du canton de Dinant, les proportions varient de 32 à 566 p. c. et cependant il n'y a aucune cause qui puisse faire supposer que dans une commune quelconque, en prenant l'ensemble des propriétés, la valeur locative ait augmenté dans une proportion sensiblement plus forte que dans les autres communes du canton. Le tableau cantonal a donc été mal fait pour Dinant. Je crois que le même reproche pourrait être élevé dans beaucoup de cantons, et c'est ce qui explique les nombreuses critiques adressées au système de la révision par canton (page 992) cadastral. Elles ont été reproduites dans cette enceinte, par plusieurs des orateurs que vous avez entendus.
Je répète que, pour le canton de Dinant, je ne connais aucune cause spéciale pouvant exercer une grande influence sur la valeur locative de l'ensemble des propriétés d'une commune, et cependant l'administration estime que l'augmentation du revenu pour les communes de ce canton varie depuis 32 jusqu'à 556 p. c. Ces observations s'appliquent avec quelques nuances à tous les cantons de l'arrondissement de Dinant, et on peut les généraliser assez pour en conclure que les agents de la révision ne se sont pas suffisamment pénétrés de la pensée qui a dicté le dernier paragraphe de l'article 2 de la loi de 1860.
Vous le savez, messieurs, ce paragraphe recommande d'écarter de la ventilation les baux dont les prix sont reconnus exagérés.
La loi de 1860 n'ordonnait pas la communication des éléments de la révision des propriétés bâties aux propriétaires et aux administrations communales.
M. le ministre a cependant volontairement prescrit de consulter les intéressés.
« Les pièces d'expertise des propriétés bâties de chaque commune, lisons-nous dans l'exposé des motifs, ont été déposées à l'administration communale pendant un mois, pour être soumises à l'examen des propriétaires, qui ont ainsi été mis à même de se livrer à toutes les recherches et comparaisons nécessaires pour s'assurer si leurs propriétés étaient évaluées dans une juste proportion. »
La loi qui avait interdit l'expertise parcellaire n'avait pu régler les moyens de contrôle. M. le ministre en a-t-il offert de suffisants ? Je ne le pense pas.
Le document qui pouvait rendre les recherches faciles et les comparaisons possibles ne se trouvait pas parmi ceux qui ont été mis à la disposition des particuliers et des administrations communales.
Le tableau communal des propriétés bâties pouvait, il est vrai, permettre aux propriétaires de s'assurer si leurs bâtiments étaient bien ou mal classés par rapport aux autres bâtiments de la commune, mais il ne leur donnait pas le moyen de vérifier si les types de la continuité s'harmonisaient avec les types correspondants d'autres communes.
Il aurait fallu pour cela joindre aux pièces un tableau cantonal ou, mieux encore, un tableau provincial ou tout au moins arrondissemental, si je puis m'exprimer ainsi, indiquant le nombre de classes entre lesquelles les propriétés bâties du canton, de l'arrondissement ou de la province étaient réparties et les maisons types de chacune de ces classes.
Je m'explique :
Un tableau général arrêté par M. le ministre des finances établit pour le royaume 125 classes d'habitations. A chaque classe est assigné un revenu variant depuis 42,900 fr. pour la première classe jusqu'à 6 fr. pour la 125ème.
Ce tableau général aurait dû être publié avec indication, dans chaque province, des types admis par les agents de la révision, tout au moins pour les maisons de grande valeur. C'est ce qu'on n'a pas fait.
On s'est borné dans chaque commune à déposer un tableau dans lequel étaient classées les maisons de cette commune.
Ainsi, je prends deux exemples dans le canton de Dinant, la commune de Waulsort est divisée en 19 classes, celle de Bouvignes en 27 classes.
Le château qui forme seul la première classe de Waulsort est évalué à 1,542 fr.de revenu et celui qui forme seul aussi la première classe de Bouvignes à 1,230 fr.
Les propriétaires de ces habitations n'ont pas su où se trouvaient d'autres habitations évaluées au même revenu, et voilà ce dont ils avaient droit de se plaindre.
La première classe de Waulsort correspond à la 54ème du tableau général et j'ai appris que, dans tout l'arrondissement de Dinant, il n'y a que deux habitations rangées dans cette classe, l'une à Waulsorlt comme je viens de le dire, l'autre à Baillonville. Ces deux communes sont situées dans deux cantons différents et aux deux extrémités opposées de l'arrondissement.
La première classe de Bouvignes correspond à la 63ème du tableau général. C'est la seule habitation de tout l'arrondissement qui appartienne à cette classe.
Ainsi, pour certaines catégories de propriétés bâties, non seulement, les comparaisons étaient très difficiles, mais on a eu soin de les rendre impossibles en laissant ignorer aux intéressés s'il existait des moyens de comparaison et où ils se trouvaient.
Les difficultés étaient moindres sans doute pour les maisons ordinaires. Mais il n'en est pas moins vrai qu'en communiquant les seuls types de la commune on forçait les intéressés à se taire ou à faire des démarches pénibles et coûteuses pour obtenir des éléments de contrôle.
Aussi dans l'arrondissement de Dinant les propriétaires et les administrations communales se sont assez généralement abstenus de réclamer ou bien on s'est borné à des réclamations indéterminées qui n'étaient au fond que des protestations.
Quelques-unes ont été admises par l'administration ; la plupart ont été rejetées sans grand examen.
Les agents du cadastre avaient soin d'ailleurs d'avertir les administrations communales et les propriétaires que leurs observations devaient porter uniquement sur le classement des habitations de la commune, eu égard aux types admis dans cette commune et non pas sur les évaluations des revenus. et cependant, c'est dans les évaluations des revenus que des erreurs incontestables ont été commises.
D'après l'article 5 de la loi, les résultats de l'opération devaient être soumis à l'examen d'une commission instituée par province.
Les commissions avaient donc le droit d'examiner les résultats de l'expertise parcellaire des propriétés bâties. Or, voici ce qui est arrivé dans la province de Namur. Les agents du cadastre avaient dressé le tableau des habitations de la province auxquelles ils appliquaient la dénomination de château ou de maison de campagne. Ils les avaient classées en concordance avec le tableau général dressé par le département des finances.
Plusieurs membres de la commission demandèrent communication officielle de ce tableau et proposèrent de le soumettre à l'examen de la commission provinciale.
Les agents du cadastre s'y sont formellement refusés en alléguant des instructions de M. le ministre des finances. Ils n'ont reconnu à la commission d'autre droit que d'approuver les résultats de leur travail ou de proposer des réductions uniformes soit par canton, soit par commune, c'est-à-dire que les agents du cadastre présentaient les éléments d'un travail que la loi n'avait pas prévu et que les commissions provinciales étaient invitées, si elles avaient des observations critiques à présenter, à les appliquer aux éléments d'un travail ordonné par la loi, mais qui n'existe pas.
Je crois, messieurs, avoir suffisamment justifié le premier reproche que j'adresse à la révision qui a été opérée. Les bases sur lesquelles elle repose ne sont pas celles que M. le ministre des finances avait proposées et que la Chambre avait adoptées.
La révision a été faite arbitrairement par l'administration du cadastre et sans contrôle sérieux ; elle ne peut donc être acceptée de confiance.
La législature, à mon avis, en se basant sur la loi de 1860, pourrait la rejeter sans autre examen.
La législature a le droit sans doute d'accorder en quelque sorte une bill d'Indemnité, mais il faut pour cela que les résultats de la révision paraissent tout au moins très satisfaisants et que le gouvernement consente à faire droit aux critiques fondées.
Les résultats de la révision sont-ils, en général, satisfaisants ? Je ne le pense pas, les discours que vous avez entendus dans les séances précédentes, et celui de l'honorable préopinant, ont suffisamment démontré que dans toutes les provinces ils sont considérés comme inexacts, injustes souvent et quelquefois révèlent une partialité inexplicable.
Je regrette, messieurs, que M. le ministre des finances n'ait pas produit un tableau rédigé suivant la formule que j'ai indiquée la semaine dernière ; nous aurions pu, à l'aide de ce tableau, apprécier d'un coup d'œil les résultats fort incohérents de la révision.
Le tableau qui a été communiqué à la section centrale et qui a été déposé sur le bureau de la Chambre donne le revenu cadastral ancien et nouveau par province, par canton et par commune, des propriétés bâties et non bâties. Les annexes du projet donnent par province seulement le tableau comparatif des prix de location et des évaluations cadastrales des propriétés bâties et non bâties.
J'aurais désiré connaître le revenu spécial, ancien et nouveau par canton et par commune, des bois et des prairies, c'est-à-dire comment se décompose le revenu des propriétés non bâties. L'administration possède ces renseignements et je crois qu'avec un peu de bonne volonté, elle aurait pu les communiquer à la Chambre.
J'ai réuni dans un seul tableau, par province, les proportions d'augmentation qui résultent tant des annexes du projet, que du tableau manuscrit (page 993) déposé sur le bureau. Je demande la permission de l'inséré aux Annales parlementaires (Ce tableau, inséré en note de bas de page, n’est pas repris dans la présente version numérisée)).
Il résulte de ce tableau que la moyenne de l’augmentation proposée pour la propriété bâtie est au-dessous de celle que la ventilation des baux à loyer accuse relativement aux anciennes évaluations cadastrales :
Pour la province d'Anvers 1 p. c., de Brabant 4 1/2 p. c., de Flandre occidentale 7 1/2 p. c., de Liège 17 p. c., de Limbourg 7 p. c., de Luxembourg 34 3/4, de Namur 15 1/2 p. c.
Elle est plus élevée dans la Flandre orientale de 1 p. c. et dans le Hainaut de 14 p. c.
Pour les prairies l'augmentation proposée est au-dessous de celle qui résulte de la ventilation des actes de produits :
Dans la province d'Anvers 61 p. c., de Brabant 33 3/4 p. c., de Flandre occidentale 45 p. c., de Flandre orientale 24 1/2 p. c., de Liège 50 p. c., de Limbourg 15 p. c., de Namur 79 p. c.
(On n'indique aucun renseignement quant à la ventilation des actes de vente de produits en ce qui concerne le Luxembourg). Elle est plus élevée pour la province de Hainaut, de 8 1/2 p. c.
Quant aux bois, l'augmentation proposée est au-dessous de celle qui résulte de la ventilation des actes pour la Flandre orientale, seulement de 61 1,2 p. c ; elle est plus élevée :
Dans la province d'Anvers 4 3/4 p. c., de Brabant 59 3/4 p. c., de Flandre occidentale 22 p. c., de Hainaut 6 1/2 p. c., de Liège 48 p. c., de Limbourg 53 p. c., de Luxembourg 51 1/2 p. c., de Namur 72 p. c.
Enfin pour les autres propriétés non bâties, l'augmentation proposée est au-dessus de celle qui résulte de la ventilation des baux, toujours Relativement aux anciennes évaluations cadastrales :
Pour la province d'Anvers 1/4 p. c., de Flandre orientale 1/2 p. c., de Hainaut 1 p. c., de Liège 1/2 p. c.
Elle est en dessous :
Pour la province de Brabant 1/4 p. c., de Flandre occidentale 1/2 p. c., de Luxembourg 25 p. c. , de Namur 2 1/2 p. c.
Pour le Limbourg seul, la proportion est exactement la même.
Toutes ces différences prouvent, messieurs, que le travail qu'on vous présente est absolument arbitraire. Je suis convaincu qu'on a essayé de plusieurs combinaisons et qu'on a beaucoup hésité avant de l'arrêter définitivement. Je suis bien persuadé que les auteurs du travail eux-mêmes ne sont pas satisfaits de leur œuvre.
Les différences que je viens de signaler ne sont pas de légère importance : ainsi dans le Luxembourg la réduction du chiffre proportionnel de l'augmentation sur les anciennes évaluations cadastrales pour les propriétés bâties donne au profit de cette province une différence de revenu imposable de 488,613 fr. et la réduction du chiffre proportionnel pour la propriété non bâtie, une seconde différence de 1,176,535 fr., en tout 1,665,148 fr. En sorte que le revenu de toutes les propriétés bâties et non bâties dans le Luxembourg est ramené à 9,144,413 fr. att lieu de 10,809,561 fr., chiffre trouvé par les opérations de la révision.
Dans la province de Namur, la différence est seulement :
Pour la propriété bâtie, de. 321,255 fr.
Pour la propriété non bâtie, de 198,607 fr.
Total : 519,862 fr.
Le revenu imposable de la province aurait pu être porté, si on avait suivi les proportions résultant de la révision, à 20,834,622 francs. Il a été réduit à 20,314,760 francs.
Cette réduction revient à 2 1/2 p. c., tandis que dans le Luxembourg elle est de plus de 15 p. c. Aussi, messieurs, dans la province de Namur., si le projet passe, l'impôt sera augmenté de 176,266 francs, taudis que dans le Luxembourg il sera réduit de 52,015 francs. Si on peut expliquer et justifier sérieusement de pareils résultats, je consentirai facilement à retirer mon opposition au projet de loi.
Je prie du reste mes collègues du Luxembourg de ne pas croire que je sois mû par une pensée hostile à leur province ; j'ai voulu prouver seulement que la province de Namur était surchargée, et que l'égalité proportionnelle n'existait pas entre deux provinces voisines, où cependant les progrès ont été à peu près égaux.
La province de Namur, par un privilège dont elle n'a pas à se féliciter, est la seule dont tous les cantons, sauf un, auront à subir une augmentation d'impôt. C'est la province où l'augmentation générale pour la propriété non bâtie est là plus élevée, et quant aux propriétés bâties elle arrive au second rang ; le premier rang appartient au Hainaut.
Ce fait a frappé l'auteur de l'exposé des motifs :
« L'augmentation du revenu constatée dans la province de Namur s'explique, dit-il, parfaitement, si l'on tient compte de la circonstance que cette province est peut-être celle où les propriétés foncières ont subi le plus de transformations ayant eu pour effet d'en augmenter le revenu. »
Mais cette considération, nous la trouvons, dans l'exposé des motifs, appliquée également au Luxembourg. Je n'ai pas besoin, messieurs, de vous rappeler ce passage que M. Wasseige et M. Ansiau vous ont fait connaître.
L'idée avait déjà paru dans les rapports de M. l'inspecteur du cadastre. Il disait, à propos du canton de Dinant : « Ce canton est l'un de ceux où la valeur locative des propriétés foncières s'est le plus accrue depuis 30 à 35 ans par suite 1° de l'augmentation de la population, 2° des progrès de l'agriculture, 3° de l'amélioration des chemins vicinaux.
Je ne nie pas l'influence de ces trois causes ; mais elles ne sont particulières ni à l'arrondissement de Dinant ni à la province de Namur. Je crois qu'elles ont agi à peu près également dans toutes les provinces de la Belgique.
Du reste, je pourrais démontrer par des chiffres que l'accroissement de la population, comparé à l’étendue territoriale livrée à la culture, n'est pas sensiblement différente dans la plupart de nos provinces.
L'accroissement de la population a été, pendant la période de 1840 à 1860 page 994), d’un habitant pour 1 hectare 40 centiares dans la province d’Anvers, d’un habitant pour 1 hectare 20 centiares dans la province de Brabant, d’un habitant pour 1 hectare 50 centiares pour la province de Hainaut, d’un habitant pour 1 hectare dans la province de Liége, d’un habitant pour 3 hectares 70 centiaies dans la province de Limbourg, d’un habitant pour 3 hectares 40 centiares dans la province de Luxembourg et d’un habitant pour 2 hectares 40 centiares dans la province de Namur.
Ainsi, la province de Liège tient le premier rang ; viennent ensuite le Brabant, la province d'Anvers, le Hainaut, Namur, au cinquième rang ; enfin, les provinces de Luxembourg et de Limbourg.
Pour la Flandre orientale, l'accroissement a été moins considérable, il est de 1 habitant pour 10 hectares 40 centiares et pour la Flandre occidentale, il a été nul. Je dois cependant ajouter que dans la statistique de 1863, le chiffre de sa population dépasse celui de 1840.
Quant à l'amélioration de la voirie, je n'ai pas pu me procurer de renseignements exacts ; mais nous savons, tous, par les subsides que nous avons votés depuis de longues années, et par notre propre expérience, que la voirie a été considérablement améliorée dans toutes les provinces sans exception. Sous ce rapport la province de Namur n'offre rien de particulier.
En ce qui concerne les progrès de l'agriculture, je suis loin, sans doute, de soutenir que dans la province de Namur ils aient été moindres que partout ailleurs ; mais ce qui est certain c'est que le revenu des terres n'y a pas plus augmenté que dans les autres provinces wallonnes.
Des sucreries et des distilleries, ce n'est pas dans la province de Namur qu'on les trouve ; ce n'est pas dans cette province non plus qu'on cultive avec le plus de succès les plantes industrielles. Les lignes de chemin de fer, les canaux y sont moins nombreux que dans d'autres provinces. Sous tous ces rapports, la province de Namur est loin d'être privilégiée.
Il en résulte que l'augmentation dont on charge cette province ne peut être justifiée par aucune considération de ce genre.
Elle ne peut pas l'être non plus si l'on compare les éléments d'appréciation fournis par M. le ministre des finances pour la province de Namur, avec ceux des autres provinces.
Ainsi, d'après l'annexe B de l'exposé des motifs, on voit que la contenance ventilée pour tout le royaume représente plus que le quart de toute la contenance cultivée. Dans la province de Namur, on n'a pas ventilé le cinquième de cette contenance ; dans la Flandre occidentale, au contraire, on a ventilé près de la moitié de cette contenance.
Pour la province de Namur, pour une partie du Hainaut et pour la province de Liège, on n'a pas tenu compte d'une circonstance très importante et à laquelle l'honorable M. Ansiau n'a pas eu égard non plus tout à l'heure ; je fais allusion aux différences que l'on remarque dans l'augmentation qu'ont subie les propriétés affermées, selon qu'on les divise en grande, en petite ou en moyenne tenue.
Dans la province de Namur, la petite tenue est excessivement rare ; en règle générale, c'est la grande tenue qui domine, qu'en résulte-t-il ? C'est que les propriétaires doivent immobiliser des capitaux considérables pour les bâtiments d'exploitation et pour les habitations de fermiers qui ont aujourd'hui un goût prononcé pour un certain confort, que du reste je ne blâme pas. Il n'en est pas moins vrai que les propriétaires sont tenus à des dépenses beaucoup plus considérables sous ce rapport que dans d'autres provinces de la Belgique.
J'abrège mes observations sur ce point, car le temps s'écoule, et je conclus ; on est parti de données très différentes pour les diverses provinces, et même pour les différents cantons d'une même province ; dès lors, il était impossible d'aboutir à une répartition équitable de l'impôt, soit entre ces provinces, soit même entre les cantons.
Je ne dirai qu'un mot, messieurs, des bois et des prairies.
M. le ministre des finances propose pour ces propriétés la même augmentation de revenu que pour les terres. Sans doute c'est là une grande simplification de travail ; mais combien ne renferme-t-elle pas d'injustices ? Ainsi, la province de Namur est évidemment celle où les bois ont le moins augmenté de valeur ; je devrais dire, pour être complétement dans le vrai, que la valeur des bois y est en général aujourd'hui au-dessous des anciennes évaluations cadastrales. Cela tient à la ruine totale de la forgerie au charbon de bois. Cependant, d'après les propositions du gouvernement, dans la province de Namur le revenu des bois est censé avoir doublé.
La commission provinciale demandait une réduction sur l'ancien revenu cadastral. Le gouvernement le porte au double. Ce fait si considérable concernant la forêt de Dave, située aux portes de Namur, exposé par l'honorable M. Wasseige, démontre l'erreur dans laquelle est tombée l'administration du cadastre avec une telle évidence qu'il aura, j'espère, converti M. le ministre des finances lui-même.
A un autre point de vue, messieurs, si l'on compare les provinces entre elles, on arrive aussi à de véritables énormités. Je n'en signalerai qu'une, je prends les provinces de Hainaut et de Namur.
Dans le Hainaut, les bois ont certainement gagné de valeur plus que dans la province de Namur. Cela tient, d'une part, à l'exploitation des houillères et d'autre part, à la ruine de la forgerie au charbon de bois !
Aussi le tableau comparatif annexé au projet de loi porte l'augmentation de la valeur des bois, pour le Hainaut à 80 p. c. et pour la province de Namur à 28 p. c. seulement. Or d'après les règles admises par M. le ministre des finances, le multiplicateur 80 du Hainaut ne sera élevé qu'à 86 1/2 tandis que le multiplicateur 28 de la province de Namur sera élevé jusqu'à 100.
Il suffit, messieurs, de citer de semblables résultats pour démontrer que la proposition de l'administration est inacceptable.
Pour les prairies, la proposition de l'administration est la même que pour les bois. Je montrerai par un seul fait qui forme, en quelque sorte le pendant de celui de Dave, qu'elle n'est pas mieux fondée.
Dans une commune du canton de Dinant on a fait la ventilation d'une prairie contenant 11 hect. 78 ares 59 cent. Chaque année, depuis peut-être plus de 25 ans, les herbes de cette prairie sont vendues publiquement. La moyenne du produit des 10 années comprises entre 1848 et 1859, déduction faite des frais est de 1,085 fr. 82 cent, qui, comparé au revenu cadastral ancien, s'élevant à 712 fr. 83 cent, présente une différence de 372 fr. 99 cent, supérieure au revenu cadastral, soit de 52 1/2 p. c. Les nouvelles évaluations cadastrales porteront le revenu à 1,519 fr. 32 c, soit en plus que le revenu réel 433 fr. 50 cent, ou 45 p. c.
Il est à remarquer que dans le canton de Dînant, on n'a pu ventiler que 13 hectares 88 ares 55 centiares de prairies, de sorte que le résultat que je viens d'indiquer ne peut être infirmé pour le canton lui-même par des résultats opposés en nombre suffisant.
Voilà, messieurs, des faits que tout l'art du monde ne parviendra ni à expliquer ni à justifier.
Permettez-moi de vous présenter encore une observation intéressante sur les évaluations nouvelles des terres en culture dans le canton de Dinant.
Le tableau comparatif du prix de fermage et des évaluations cadastrales accuse une augmentation de 115 p. c. Or, onze communes seulement sur trente ont fourni des baux comprenant plus de 100 hectares. Les autres communes ont fourni des baux se rapportant, en moyenne, à 15 hectares seulement.
Cependant, ainsi que je l'ai fait remarquer tout à l'heure, la grande tenue est incontestablement la règle générale dans le canton de Dinant, surtout pour l'époque à laquelle se rapporte la ventilation. Eh bien, ce sont les prix des communes dont on n'a relevé que des baux insignifiants, quant à la contenance, qui ont exercé le plus d'influence sur l'écart entre le prix moyen du fermage du canton et les évaluations cadastrales ; vous le comprendrez facilement, messieurs, si vous vous rappelez le fait que j'ai cité d'une commune où l'on représente le prix de fermage comme 566 p. c. plus élevé que l'évaluation cadastrale.
Pour les onze communes dont on a ventilé des baux se rapportant à plus de 100 hectares, la proportion est de 1118/1000. Mais la moyenne générale est de 113 p. c.
Ce chiffre de 113 p. c. que je considère comme fort exagéré, n'a pas cependant suffi à l'administration. M. le directeur du cadastre, dans ses propositions, l'a porté à 115 ; la commission provinciale demandait 95, et enfin le gouvernement a adopté le chiffre de 113 p. c. qui est encore, je le répète, fort exagéré.
Vous voyez, messieurs, que toutes ces proportions ne reposent sur aucune base solide, et le gouvernement devra bien reconnaître avec nous que la ventilation a été mal faite.
Un mot encore, messieurs, sur les évaluations des propriétés bâties. Les plaintes qui se sont souvent produites entre la répartition de l'impôt foncier s'appuyaient surtout sur les accroissements notables survenus depuis la confection du cadastre dans le revenu des propriétés non bâties de certaines provinces, tandis que le revenu de ces propriétés dans d'autres provinces n'avait pas progressé au même point. Mais je n'ai jamais entendu dire que de graves inégalités existassent de province à province quant aux propriétés bâties. Or, si une proportionnalité (page 995) équitable existe aujourd'hui sous ce rapport entre les provinces ; elle cessera par l'application de la loi.
En effet, tandis que, pour certaines provinces, l'augmentation sera de 69, 72, 74, 83 et 86 p. c., elle n'atteindra dans d'autres que 48, 37 et 36 p. c.
Ces inégalités se reproduisent de commune à commune et de canton à canton dans chaque province. Ainsi, pour ne citer que des villes :
Province d’Anvers : A Anvers de 83 p. c. et à Malines de 57 p. c.
Province de Brabant : A Bruxelles de 74 p. c. et à Louvain de 35 p. c.
Province de Flandre occidentale : A Bruges de 27 p. c. et à Ypres de 27 p. c.
Province de Flandre orientale : A Gand de 38 p. c. et à Alost de 34 p. c.
Province de Hainaut : A Mons de 45 p. c. et à Tournai de 72 p. c.
Province de Liége : A Liége de 118 p. c. et à Verviers de 32 p. c.
Province de Limbourg : A Hasselt de 51 p. c.
Province de Luxembourg : A Arlon de 69 p. c. et à Marche de 52 p. c.
Province de Namur : A Namur de 86 p. c. et à Dinant de 97 p. c.
Liège et Dinant sont au premier rang de ce tableau, très incomplet, sans doute, mais qui suffit cependant à démontrer le peu de rapport qu'il y a entre le travail des agents employés à relever les nouvelles évaluations des propriétés bâties et l'accroissement réel des loyers.
Cette disproportion est bien plus évidente encore dans les campagnes, mais je m'abstiens d'entrer dans des détails qui ne pourraient être appréciés par cette assemblée.
Je me bornerai, messieurs, à ces considérations qui auront déjà, je le crains, épuisé votre patience. Je pourrais vous parler encore de l'influence qu'exerceront peut-être les nouvelles évaluations des propriétés bâties sur la contribution personnelle et de l'augmentation de revenu attribuée aux propriétés de toute nature sur les droits de succession. Plusieurs des orateurs qui m'ont précédé ont signalé sous ces rapports les dangers que fait courir à la propriété une évaluation exagérée de revenus. Je me rallie à leurs observations, et je suis désireux d'entendre ce que M. le ministre des finances pourra y répondre.
En terminant, je déclare que si le gouvernement ne propose ou n'accepte aucun amendement de nature à faire disparaître les causes générales des injustices qui doivent résulter de l'application entière de la révision partielle, si en même temps il ne prend pas l'engagement de faire procéder immédiatement à une révision parcellaire complète, je me verrai forcé de voter contre le projet de loi.
(page 988) - La suite de la discussion est remise à mardi à 2 heures.
La séance est levée à 4 heures.