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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 10 mai 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 971) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction du procès-verbal est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des ouvriers à Bruxelles prient la Chambre de doter le pays d'une bonne loi médicale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Gand appellent l'attention de la Chambre sur les vices que présente l'organisation actuelle de l'instruction primaire.

- Même renvoi.


« Des habitants du hameau d'Hourain, dépendant de Lessines, réclament contre l'arrêté de la députation permanente du Hainaut, en date du 3 janvier 1867, qui a supprimé un grand nombre de chemins communaux. »

M. Jouretµ. - Le fait indiqué dans cette pétition intéresse au plus haut point les administrations communales.

Il y va même de la liberté communale. Il y a de plus, on peut s'en convaincre en lisant la pétition, la plus grande urgence à ce qu'une solution définitive intervienne sur cette affaire. .

Je demanderai donc qu'il soit fait un prompt rapport sur cette pétition.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Van Overloop, obligé de s'absenter pour des affaires administratives urgentes, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi prorogeant le mode de nomination du jury d’examens universitaire

Rapport de la section centrale

M. Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant prorogation, pour 1868 et 1869 du mode de nomination du jury et du système d'examen établis par la loi du 1er mai 1857.

- Ce rapport sera imprimé et distribué, et le projet de loi mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à la caisse de prévoyance des ouvriers mineurs

Dépôt

MtpVSµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre, un projet de loi concernant la caisse de prévoyance des ouvriers mineurs.

MpVµ. - Il est donné acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué et renvoyé à l'examen des sections.

Interpellation

M. De Fréµ. - Je désire faire à M. le ministre des travaux publics une interpellation au sujet du retard qu'éprouve l'achèvement de la nouvelle station du Midi.

Depuis quelque temps, des plaintes très vives se sont produites dans la presse, et je viens fournir au gouvernement le moyen de s'expliquer.

Messieurs, il a été voté plusieurs millions pour la construction de la nouvelle station du Midi ; cette station ne s'achevant pas, il y a là un capital considérable complètement improductif. Le gouvernement a le plus grand intérêt à achever cette station parce que, quand elle sera livrée à, l'exploitation, il pourra vendre les terrains sur lesquels la station actuelle est établie, terrains qui ont une valeur d'un million à 1,500,000 francs.

En second lieu, des particuliers qui ont acheté des terrains en vue de l'établissement de la nouvelle station voient leurs capitaux frappés de stérilité. De leur côté, les communes limitrophes, celle de Saint-Gilles particulièrement, qui ont fait de grandes avances de fonds, ne retirent pas de ces avances les résultats qu'elles en espéraient.

Je crois que le gouvernement a intérêt à achever ce travail. Jamais i). n'a rencontré de l'opposition de la part de la Chambre, lorsqu'il a demandé des crédits pour faire exécuter des travaux d'utilité publique. Si donc, le gouvernement n'a pas les ressources nécessaires pour achevée ce travail si important, et qui doit avoir des résultats si considérables, non seulement pour le trésor public, mais encore pour les particuliers et les communes limitrophes, il peut en toute confiance s'adresser à la Chambre : la Chambre ne lui refusera pas les crédits dont il aurait encore besoin.

MtpVSµ. - Messieurs, j'ai déjà répondu par anticipation à l'interpellation que vient de nous faire l'honorable M. De Fir, en déclarant à diverses reprises que les fonds mis à la disposition du gouvernement pour l'achèvement de notre chemin de fer et de ses stations sont complètement épuisés.

Si donc on ne travaille pas à la station du Midi à Bruxelles, c'est qu'il n'y a pas d'argent.

L'honorable membre pense qu'on a déjà consacré un grand nombre de millions aux travaux de cette station, dans l'état où elle est aujourd'hui, voici la vérité sur ce point.

Dans les diverses lois de crédits votées dans ces dernières années par la Chambre, la nouvelle station du Midi figurait pour une somme globale de 2,600,000 francs ; il a été dépensé, en réalité, 2,800,000 francs, soit 200,000 francs de plus que ce qui avait été indiqué. Ces 200,000 francs ont été nécessairement imputés sur les fonds destinés, suivant les prévisions, à d'autres travaux du même genre.

D'après les évaluations de l'administration, il faudrait encore 1 million 200,000 fr. pour l'achèvement de la station du Midi, mais pour ne pas manquer de prudence, je pense qu'il faut prévoir une dépense de 1 million et demi de francs.

La Chambre devra ultérieurement, voter cette somme ; l'honorable préopinant garantit que la Chambre la votera, si le gouvernement la demande. J'ai, à cet égard, la même confiance que l'honorable membre. Mais avant de demander de nouveaux fonds à la Chambre, il faut que la situation du trésor permette de le faire. Quand nous le permettra-t-elle ? C'est ce qu'il m'est absolument impossible de déterminer.

L'honorable membre s'apitoie avec quelque raison sur le sort des propriétaires riverains qui ont bâti et qui voient les dépenses faites, stérilisées jusqu'ici. Mais je dois faire remarquer que ces propriétaires ne peuvent s'imputer qu'à eux-mêmes la position dans laquelle ils se trouvent ; s'ils s'étaient adressés au gouvernement pour lui demander si la station du Midi pourrait être terminée dans un délai fixe, la réponse (page 972) qu'ils auraient reçue, les aurait empêchés d'agir comme ils l'ont fait ; ils n'ont pas eu cette prévoyance ; donc le gouvernement ne peut nullement être déclaré responsable du préjudice réel qu'ils souffrent, mais qu'ils souffrent pour avoir agi avec précipitation.

Maintenant je dirai que le gouvernement demandera de nouveaux fonds, non seulement pour la station du Midi, mais pour d'autres stations, le plus tôt qu'il lui sera possible.

M. De Fré ?

MtpVSµ. - C'est une date qu'il m'est tout à fait impossible de préciser.

M. De Fréµ. - Messieurs, je remercie M. le ministre des travaux publics de l'engagement qu'il prend, d'arriver le plus tôt qu'il lui sera possible à faire achever la station du Midi.

Il est certain que les propriétaires et les communes environnantes qui ont vu commencer ce grand travail, n'ont pas pu s'imaginer que l'Etat ne l'aurait pas terminé dans un délai rapproché. On n'entame pas une œuvre de cette importance pour la laisser inachevée.

La Chambre voterait avec d'autant plus d'empressement un crédit destiné à l'achèvement de. la station du Midi, qu'une fois cette station terminée, l'Etat pourra réaliser une somme d'un million et demi en vendant les terrains qui forment l'emplacement de la station actuelle du Midi ; en outre, l'Etat pourra également vendre des terrains qui se trouvent dans le voisinage de l'école vétérinaire et qui seraient d'un grand rapport.

Ces circonstances seules seraient suffisantes pour engager la Chambre a voter sans opposition les fonds nécessaires à l'achèvement de ce grand travail.

M. Vleminckxµ. - Je désire aussi que la station du Midi soit achevée le plus tôt possible. Mais il m'importerait cependant de recevoir un renseignement que M. le ministre des travaux publics seul peut nous fournir.

La station du Midi peut-elle être utilisée avant que le chemin de raccordement soit achevé ? Je ne le pense pas. Elle est placée bien plus haut que la voie avec laquelle elle doit être raccordée, qu'avec le chemin de raccordement.

Je crois que nous sommes encore loin d'avoir ce raccordement.

En supposant donc qu'elle fût actuellement achevée, je crois qu'elle devrait rester sans emploi.

Si je me trompe, M. le ministre des travaux publics voudra bien m'éclairer.

MtpVSµ. - Je dois d'abord rectifier une assertion de l'honorable M. De Fré.

Il pense que les terrains qui deviendront disponibles à la station actuelle du Midi valent un million et demi. Ces terrains ont été évalués à 600,000 fr., pas davantage. Du reste, ils vaudraient un million et demi de francs, c'est-à-dire, une somme égale à celle qu'exige le complet achèvement de la nouvelle station du Midi, que la question ne serait pas résolue. La difficulté gît dans la nécessité de trouver les fonds pour faire l'avance de la dépense. C'est une avance de deux à trois ans.

Quant au renseignement demandé par l'honorable M. Vleminckx, voici la situation.

Il ne s'agit pas, en ce moment, de pétitionner des fonds pour achever la station du Midi. Ils ne pourraient être pétitionnes au plus tôt (ce n'est pas un engagement, c'est une simple indication), dans la session prochaine, puisque la session présente est à la veille de se clore. Il se passera certainement un an, en supposant la somme votée, pour exécuter les travaux. Ceci nous conduit à la fin de 1868.

D'autre part, le raccordement des deux stations pourra être terminé, s'il ne survient pas de nouvelle crise financière, dans le courant de 1869. Je vais procéder à l'acquisition des terrains, et les ouvrages d'art et même une partie des terrassements pourront être faits l'année prochaine.

Dans les premiers mois de l'année suivante, l'entreprise pourra être achevée. Mais je pense qu'il ne faudrait pas attendre Je complet achèvement du raccordement extérieur pour mettre en exploitation la nouvelle station. Peut-être pourrait-on relier la nouvelle station au raccordement existant aujourd'hui, par une voie provisoire, de manière à pouvoir démolir la station actuelle.

Je pense que ces indications répondent à la question qui m'a été posée par l'honorable M. Vleminckx.

- L'incident est clos.

Projet de loi révisant le code pénal

Discussion des articles (Livre II (Des infractions et de leurs répressions en particulier), titre X (Des contraventions)

Chapitre premier. Des contraventions de première classe

Article 554

MpVµ. - La Chambre a d'abord à procéder au vote sur l'amendement de M. Dumortier, à l'article 554 du code pénal.

- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

MpVµ. - L'article 554 est ainsi conçu ;

« Art. 554. En cas de récidive, l'emprisonnement d'un jour à trois jours pourra être prononcé, indépendamment de l'amende pour les contraventions prévues par les articles 550 et 552.

« En ce qui concerne les contraventions prévues par l'article précédent, le juge pourra, en cas de récidive, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement de cinq jours au plus. »

- Cet article est adopté.

Chapitre II. Des contraventions de deuxième classe

Article 555

« Art. 555. Seront punis d'une amende de cinq francs à quinze francs, les aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons ou d'appartements garnis, qui auront négligé d'inscrire de suite et sans aucun blanc, sur un registre tenu régulièrement, les noms, qualités, domicile, dates d'entrée et de sortie de toute personne qui aura couché ou passé une nuit dans leurs maisons.

« Ceux d'entre eux qui auront manqué à représenter ce registre, aux époques déterminées par les règlements, ou lorsqu'ils en auraient été requis, aux bourgmestres, échevins ou commissaires de police, ou aux agents commis à cet effet. »

M. Delaetµ. - Messieurs, j'aurais conçu l'existence de cet article avant la suppression des passeports ; mais aujourd'hui que les passeports ont disparu, il me semble que les hôteliers et aubergistes n'ont plus aucun moyen de contrôle sur les indications verbalement données par la personne qui passe la nuit dans leur établissement. Tout voyageur peut indiquer des noms faux et des qualités fausses. Pour les renseignements à recueillir par la police, je n'en vois plus là l'utilité réelle. Maintenant si un aubergiste a inscrit un nom faux ou une qualité fausse, lui qui est sans moyen de contrôler les renseignements donnés par le voyageur, sera-t-il punissable ou ne le sera-t-il pas ? S'il n'est pas punissable, je ne vois plus l'utilité de l'article ; la police n'aura plus que des renseignements sinon tout à fait faux, du moins extrêmement suspects.

M. Pirmezµ. Il me paraît que l'observation de l'honorable M. Delaet n'est pas fondée, les passeports n'ont rien de commun avec l'obligation imposée aux aubergistes d'inscrire les noms et qualités des personnes qui passent la nuit chez eux. La question de savoir si les aubergistes sont responsables des fausses indications qui leur ont été données, est nécessairement résolue négativement ; il suffit que l'aubergiste inscrive les noms et qualités qui lui ont été donnés pour qu'il échappe à toute responsabilité.

Mais il ne faut pas croire que, parce que l'aubergiste aura été induit en erreur, l'inscription sera inutile ; dans la pratique, l'aubergiste fait ordinairement écrire les noms et les qualités par le voyageur qu'il ne connaît pas ; on a donc un moyen de suivre même ceux qui ont inscrit des indications fausses ; on a leur écriture.

Dans tous les cas, il faut encore remarquer que les malfaiteurs ne prennent pas toujours la précaution de changer de noms et que dans ce cas la mesure a toute son utilité.

M. Coomans. - Depuis longtemps, messieurs, j'ai trouvé, comme l'honorable M. Delaet, que la disposition est complètement inutile, parce que, généralement, elle n'est pas exécutée, et je me flattais de l'espérance que, lors de la réforme du code pénal, on aurait supprimé ces superfluités comme on l'a fait de plusieurs autres, avec trop de réserve, mais enfin avec une certaine décision. Je me demande quelle peut être l'utilité de cette réglementation ! Quel intérêt a le gouvernement à savoir que tel citoyen se rend dans telle commune et y passe une nuit plutôt qu'un jour ?

Quel intérêt a-t-il à connaître le nom de ce citoyen ? Mais en supposant qu'il y eût intérêt, il ne pourrait pas atteindre son but, car l'individu intéressé à cacher le lieu de son logement accidentel, s'y prendra le plus simplement du monde : il donnera un faux nom. Je suis bien persuadé que c'est ce qui arrive d'ordinaire.

Le plus souvent on ne se soumet pas à cette formalité. Il nous est arrivé à tous, j'aime à le croire, parce que je tiens à ne pas être seul (page 973) coupable, il vous est arrivé à tous d'avoir violé cette loi en ce sens que lorsque l'hôtelier s'abstenait de vous demander votre nom, vous ne vous êtes pas cru tenu à enrichir de votre autographe son registre de voyageurs. (Interruption.)

Oui, mais, vous savez, vous légiste, que vous êtes obligé de signer le registre, ou de vous y faire inscrire, obligé moralement bien entendu, à peine d'appeler la sévérité de la loi sur l'aubergiste, car si vous n'inscrivez pas ou ne faites pas inscrire votre nom sur le registre, ce ne sera pas vous, mais l'aubergiste qui sera condamné à l'amende et à la prison, en cas de récidive. Vous devez donc, en conscience, faire inscrire votre nom pour empêcher que l'aubergiste ne soit condamné. Ce n'est pas là line morale très sévère, c'est une morale élémentaire ; nous devons tous éviter de faire du mal à notre prochain ; or, nous lui faisons du mal en l'exposant à l'éventualité d'une peine.

If me paraît que la loi est violée chaque fois que le registre n'est pas signé, que ce soit le fait du voyageur qui s'y refuse, que ce soit le fait de l'hôtelier qui oublie de vous demander votre nom.

M. Pirmezµ. - Vous n'avez pas lu l'article.

M. Coomans. - Vous me répondrez. Je dis donc que l'autorité n'a pas intérêt à suivre de jour en jour tous les citoyens belges dans tous les gîtes nocturnes qu'il leur convient de prendre ; en deuxième lieu, qu'il est impossible à l'autorité d'atteindre ce but ; en troisième lieu, que la loi n'est pas exécutée et que cette non-exécution continuelle d'une loi est toujours chose qui frise le scandale.

Si M. Pirmez m'a interrompu pour me dire que ce n'est pas le voyageur qui est obligé à mettre son nom sur le registre, l'interruption était inutile. Je le savais bien, c'est l'aubergiste qui est obligé d'inscrire le nom du voyageur, mais très souvent il arrive que, ne sachant pas écrire ou ne voulant pas écrire, il vous demande de le faire vous-même. C'est ce qui m'est arrivé ; or, comme je n'ai jamais eu intérêt à cacher mon nom, chaque fois que l'aubergiste m'a demandé mon nom, je le lui ai donné ; mais je constate que ce fait se produit rarement et que l'on ne poursuit pas les hôteliers et encore bien moins les logeurs qui ne se sont pas soumis à l'article de loi qui nous occupe.

Cet article est donc inutile ; or, surtout dans un pays où on laisse beaucoup de liberté aux citoyens, il faut se restreindre aux interdictions utiles, nécessaires ; celle-ci ne l'est pas.

Vous avez reconnu enfin et, Dieu merci, vous avez mis assez de temps à le reconnaître, que le passeport était inutile ; je plaidais il y a 20 ans cette thèse sans aucun appui dans cette Chambre ; on me considérait alors comme un rêveur, comme un anarchiste parce que je demandais que les passeports fussent supprimés. (Interruption.)

Cela est tellement vrai qu'un ancien ministre de la justice a regretté qu'on ne m'eût pas mis au violon à Verviers, parce que je rentrais dans mon pays sans passeport.

M. Bouvierµ. - C'est une vieille histoire cela.

M. Coomans. - Mais intéressante. Nous parlons de passeport, eh bien, l'obligation qu'on nous impose dans l'article en discussion est un passeport quotidien ; vous avez supprimé les passeports en disant qu'il vous importait peu de connaître avec certitude les noms et qualités des étrangers ; eh bien, comme la plupart des personnes qui logent dans des hôtels ou auberges sont Belges, laissez-leur la liberté d'aller et devenir et supprimez cet article-là. (Interruption.) Il y en a encore bien d'autres qu'il faudrait supprimer. Mais commençons par celui-ci qui est complètement inutile.

M. Pirmezµ. - Je disais, en interrompant M. Coomans, qu'il ne connaissait pas l'article dont nous nous occupons ; et en effet, il prétendait que presque tous, nous avions violé la loi, en ne nous inscrivant pas...

M. Coomans. - ... en ne nous faisant pas inscrire...

M. Pirmezµ. - Je demande si l'on peut raisonnablement soutenir qu'un individu qui descend dans un hôtel est obligé de veiller à ce que l'aubergiste remplisse ses obligations professionnelles.

M. Coomans. - Oui, pour empêcher l'aubergiste d'être puni à cause de lui.

M. Bouvierµ. - Vous portez donc un bien vif intérêt aux aubergistes maintenant ?

M. Coomans. - Non, à la loi !

M. Pirmezµ. - Je vous demande quel rôle ridicule l'honorable M. Coomans veut faire jouer aux voyageurs. Il veut les obliger, en vertu d'un principe de conscience, à s'assurer si l'aubergiste ne s'expose pas à une contravention.

Ils devront donc veiller non seulement à ce que l'aubergiste tienne exactement son registre ; mais encore à ce qu'il observé toutes les autres prescriptions de police et notamment à ce qu'il ait soin de faire balayer la rue devant son hôtel !

Vous le voyez, messieurs, cela n'est pas sérieux. En fait, voici ce que j'ai toujours remarqué et ce qui arrive à des collègues comme à moi. Quand je vais pour la première fois dans un hôtel, on me présente un registre, et j'y inscris mon nom. S'il m'arrive d'y retourner et que j'y sois connu, on ne me présente plus le registre et l'hôtelier se charge, je suppose, de satisfaire lui-même aux prescriptions de police.

M. Coomans. - Dans beaucoup de cas, on ne demande rien du tout, même des personnes qui ne sont pas connues.

M. Pirmezµ. - Je comprends que les passeports causant de grands embarras aux voyageurs, aient été supprimés. Mais je demande quels embarras, quelles difficultés peuvent résulter de l'obligation pour les aubergistes d'inscrire sur un registre les noms des voyageurs qu'ils hébergent ? Pour ma part, je n'ai pas encore vu une seule pétition d'aubergistes demandant à être déchargé de cette obligation.

Elle n'offre donc aucun inconvénient, et elle présente d'incontestables avantages.

Si l'honorable M. Coomans voulait suivre de près les phases de certains procès criminels, ou de procès correctionnels, d'escroquerie, par exemple, il verrait que très souvent on a recours aux registres des aubergistes pour rechercher en quel endroit l'inculpé avait passé telle nuit. (Interruption.)

En matière d'extradition, comme me le fait remarquer M. le ministre de la justice, ces registres sont aussi d'un grand secours pour la justice.

Maintenant, l'honorable M. Coomans n'a pas été dans le cas de voir diriger des poursuites contre lui ; on n'a pas eu, par conséquent, à faire des recherches pour savoir en quel endroit il a passé telle ou telle nuit. On s'explique, dès lors, qu'il n'ait pas pu constater l'utilité de la disposition. Mais il est avéré que pour la justice cette disposition est un auxiliaire très utile.

En résumé donc, c'est une disposition qui n'offre aucun inconvénient et qui présente d'incontestables avantages ; il me semble donc que nous ne devons pas hésiter à la maintenir.

M. Coomans. - A l'étranger, on ne fait rien de semblable.

M. Delaetµ. - L'honorable M. Pirmez vient de démontrer que l'article n'est pas seulement inutile, mais encore aussi inexécutable que, selon moi, il est injuste.

L'aubergiste sera puni, ou du moins il peut être puni, pour un fait dont souvent il sera parfaitement innocent. Je suppose qu'un voyageur descende dans un hôtel, qu'on lui demande son nom et qu'il refuse de le donner ; est-ce que l'aubergiste va renvoyer ce voyageur ou le dénoncer à la police ?

Il est évident que, s'il faisait cela, son hôtel serait bientôt désert.

On a dit que le registre dont la tenue est prescrite aux aubergistes est d'un grand secours à la justice pour suivre la trace d'un homme dont l'extradition est demandée. Je comprendrais cela si le voyageur était tenu d'inscrire lui-même son nom, parce que, s'il donnait un faux nom, des experts en écriture pourraient du moins fournir à la justice un élément de preuve dont elle tirerait souvent un utile parti. Mais quand un voyageur donne un nom supposé, ce qui arrive toujours quand il a quelque intérêt à cacher son identité, comme c'est l'aubergiste qui l'inscrit, cette indication n'a plus aucune valeur pour la justice.

Il résultera de cette disposition que l'étranger, fort heureux en arrivant en Belgique de ne pas trouver de police à la frontière, va la trouver sous le premier toit où il cherchera l'hospitalité. Vous mettez la police dans chaque hôtel, sans utilité aucune, et vous inscrivez dans la loi un article qui n'est destiné qu'à être violé. Il est donc parfaitement inutile de le laisser subsister ; il est sans effet réel au point de vue de la police et très draconien pour l'hôtelier qui ne sera pas toujours à même de le mettre à exécution.

- Voix à gauche. - Aux voix ! aux voix !

MpVµ. - La parole est à M. Coomans.

- Voix à gauche. - Aux voix ! aux voix !

M. Coomans. - Vous crierez aux voix, quand j'aurai fini ; pas avant. (Interruption.)

Voix à gauche : C'est un peu fort ! Eh bien, nous demandons la clôture maintenant !

(page 974) MpVµ. - C'est trop tard ; j'ai accordé la parole à M. Coomans, et il a commencé à la prendre.

M. Bouvierµ. - Nous avions crié aux voix avant.

- Voix à gauche. - La clôture !

MpVµ. - La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Vous essayerez en vain de vous méprendre sur la portée de mon langage...

- Voix à gauche. - Aux voix ! aux voix ! (Interruption.)

M. Mullerµ. - M. le président, nous avons demandé la clôture !

MpVµ. - Vous avez demandé la clôture après que j'avais accordé la parole à M. Coomans. (Interruption.) La parole est maintenue à M. Coomans.

M. Pirmezµ. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

MpVµ. - Vous avez la parole pour un rappel au règlement.

M. Pirmezµ. - On avait crié aux voix ! avant que la parole fût accordée à M. Coomans.

MpVµ. - Non, et la sténographie le prouvera. Crier aux voix ! est-ce demander la clôture ? Cela se fait ordinairement pour qu'on abrège.

M. Pirmezµ. - Comment !

- Plusieurs membres. - C'est la même chose !

MfFOµ. - Il n'y a pas de formule sacramentelle pour demander la clôture.

M. Pirmezµ. - Cela est incontestable. Crier aux voix ! ou la clôture ! c'est identiquement la même chose. Ce qui le prouve, c'est qu'on ne peut pas aller aux voix avant que la clôture ait été prononcée.

Quand donc l'honorable M. Coomans a dit : Vous crierez aux voix quand j'aurai fini, il constatait lui-même l'intention de ce côté de la Chambre, et comme il a méconnu cette intention, je demande formellement la clôture !

- Voix à gauche. - Oui ! oui ! la clôture !

MpVµ. - J'ai donné la parole à M. Coomans, avant la demande de clôture.

- Voix à gauche. - Nous avons demandé la clôture.

MpVµ. - La clôture, pour être mise aux voix, doit être demandée par dix membres au moins, aux termes du règlement (article 24) ; et pour que le bureau en puisse juger, il faut que dix membres se soient levés.

Or, cela n'a pas eu lieu ; un seul membre peut demander la clôture aussi fort que dix, sans que, pour cela, dix la demandent.

M. Mullerµ et d'autres membres. - Eh bien, nous la demandons.

MpVµ. - J'ai commencé par donner la parole à M. Coomans, avant la demande de clôture ; il faut qu'il la conserve. (Interruption.) La parole est maintenue à M. Coomans.

- Plusieurs membres à gauche. - Nous demandons formellement la clôture !

MpVµ. - Je répète que j'ai accordé la parole à M. Coomans avant la demande de clôture et que je dois la lui maintenir. Je le prie seulement de ne pas en abuser.

- Voix à gauche. - Non ! non ! il ne parlera pas.

MpVµ. - La parole est à M. Coomans.

M. Mullerµ. - Vous vous mettez donc au-dessus de la Chambre !

M. de Brouckere. - Le premier devoir d'un président est de faire respecter la volonté de la Chambre. (Interruption.)

M. Delaetµ. - Je demande que M. de Brouckere soit rappelé à l'ordre. (Interruption.)

MpVµ. - Mon premier devoir est de faire respecter le règlement, par mes amis comme par mes adversaires politiques. Voilà mon devoir ! Quand j'ai accordé la parole à un membre, je ne puis pas la lui retirer. Vous pouvez me blâmer, si vous le voulez ; mais je maintiens la parole à M. Coomans.

- Plusieurs membres à gauche. - Eh bien, nous protestons ! (Interruption.)

M. Coomans. - Voilà trois fois que j'ai la parole ; trois fois que notre honorable président m'accorde la parole. Vous ne protestez donc pas contre moi, mais contre M. le président, contre le règlement de la Chambre.

- Voix à gauche. - Rappelez donc M. Coomans à l'ordre ! (Interruption.)

MpVµ. - Pourquoi ? M. Coomans, vous avez la parole. (Interruption.)

M. Coomans. - Voilà la troisième fois que notre honorable président me donne la parole et trois fois que quelques membres de la Chambre m'interrompent, c'est-à-dire qu'ils violent le règlement Ils le violent encore en ce moment en ne restant pas en place.

M. Crombez. - Est-ce que c'est M. Coomans qui est président ?

M. Jacobsµ. - Est-ce que vous l'êtes ?

MpVµ. - M. Coomans, n'abusez pas de la parole.

MfFOµ. - C'est la troisième fois que parle M. Coomans et il ne peut parler qu'avec la permission de la Chambre. Le droit de la Chambre est donc méconnu.

M. Coomans. - Vous vous trompez énormément. Je ne parle que pour la deuxième fois. La meilleure manière, messieurs, de respecter la Chambre, c'est de respecter l'homme qui la représente et qui, dans ce moment, la représente avec une courageuse impartialité et, quand votre honorable président me donne raison, vous ne pouvez pas douter que je l'aie.

MfFOµ. - Il ne peut vous donner raison contre le règlement. C'est la troisième fois que vous prenez la parole et vous ne pouvez la prendre sans la permission de la Chambre.

MpVµ. - M. Coomans ne prend la parole que pour la deuxième fois. Cela résulte du livret d'inscription et de la sténographie, que je viens de faire vérifier.

M. Jacobsµ. - C'est inventé après coup cela.

M. Coomans. - J'affirme avec M. le président que je suis dans mon droit, et que vous manquez, vous autres, au respect dû au règlement et au président.

Un dernier mot sur l'incident, messieurs, il est important.

Quand l'honorable président m'a donné la parole, j'avais le droit de parler, et ayant le droit de parler, j'avais celui de dire à mes interrupteurs qu'ils ne pourraient crier : aux voix que lorsque j'aurais parlé.

M. Braconier. - Le ton fait la chanson.

M. Coomans. - Je ne faisais donc appel qu'au respect dû au président et à notre règlement. Maintenant, je reviens en très peu de mots sur les observations très mal comprises que j'ai soumises à la Chambre.

Je répète donc que cet article est une de ces vieilleries policières, auxquelles nous aurions dû renoncer depuis longtemps.

Ainsi qu'on l'a dit au début de ce débat, la prescription qui nous occupe avait sa raison d'être sous le régime des passeports, parce que les passeports fournissaient à l'hôtelier et à la police un moyen de vérifier la sincérité des déclarations contenues sur les registres.

Aujourd'hui ce moyen de vérification fait défaut. Le voyageur peut donner le nom qu'il veut. Ce n'est pas lui qui doit écrire son nom. En conséquence, ce n'est pas lui qui commet le faux. Ce n'est pas le logeur qui le commet, puisqu'il doit s'en rapporter à la déclaration du voyageur.

Messieurs, je vais vous dire pourquoi en réalité je fais de l'opposition à cet article : c'est que je suis toujours mécontent quand je vois qu'à l'étranger on jouit de libertés quelconques plus grandes que chez nous.

Je puis attester, et la plupart des membres de cette Chambre pourront l'attester avec moi, que la déclaration, exigée en Belgique, n'est plus généralement demandée à l'étranger, si ce n'est dans quelques humbles villages.

Il serait facile à M. le ministre des affaires étrangères de faire vérifier l'exactitude de mes assertions ; je déclare qu'en Italie, dans toute l'Allemagne et dans toute la Hollande, les déclarations sur les registres des hôteliers sont omises depuis nombre d'années, tout au moins dans les grandes villes et dans les grandes auberges.

M. le ministre des affaires étrangères me fait un signe de dénégation ; je répète mon affirmation, et il est impossible que je me trompe, puisque les faits dont je parle, je puis les attester de visu. Ainsi, dans les grandes villes de Hollande, d'Allemagne et d'Italie, on ne demande pas les déclarations exigées en Belgique. Sans doute qu'on les demande encore dans quelques villages ; les aubergistes qualifiés de rétrogrades, les aubergistes les moins instruits s'y conforment encore à la lettre des lois en vigueur ; c'est-à-dire que dans les villages vous devez donner vos noms, ainsi que ceux des personnes qui vous accompagnent.

Mais il n'en est pas ainsi dans les grandes villes. Naguère j'ai voyagé dans beaucoup de grandes villes, et je dois déclarer que jamais mon nom n'a été demandé, bien que je fusse parfaitement inconnu dans la plupart des auberges où je passais la nuit.

Eh bien, je voudrais que vu, l'inutilité de cette formalité, on y renonçât en Belgique.

(page 975) - La discussion est close.

L'article 555 est mis aux voix et adopté.

Articles 556 à 558

« Art. 556. Seront aussi punis d'une amende de cinq francs à quinze francs :

« 1° Ceux qui auront fait ou laissé pénétrer dans l'intérieur d'un lieu habité, les chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture confiés à leurs soins ;

« 2° Ceux qui auront laissé divaguer des fous ou des furieux étant sous leur garde, ou des animaux malfaisants ou féroces ;

« 3° Ceux qui auront excité ou n'auront pas retenu leurs chiens, lorsqu'ils attaquent ou poursuivent les passants, quand même il n'en serait résulté aucun mal ou dommage ;

« 4° Ceux qui, à défaut de convention contraire, auront refusé de recevoir les monnaies non fausses ni altérées, selon la valeur pour laquelle elles ont cours légal eu Belgique ;

« 5° Ceux qui, le pouvant, auront refusé ou négligé de faire les travaux, le service, ou de prêter le secours dont ils auront été requis, dans les circonstances d'accidents, tumultes, naufrage, inondations, incendie ou autres calamités, ainsi que dans le cas de brigandages, pillages, flagrant délit, clameur publique ou d'exécution judiciaire.

« 6° Ceux qui, sans en avoir le droit, seront entrés sur le terrain d'autrui et y auront passé ou fait passer leurs chiens dans le temps où ce terrain était chargé de grains en tuyaux, de raisins ou autres produits mûrs ou voisins de la maturité ;

« 7° Ceux qui auront fait ou laissé passer des bestiaux, animaux de trait, de charge ou de monture, sur le terrain d'autrui, dans le temps où ce terrain était chargé de récoltes. »

- Adopté.


« Art. 557. Seront punis d'une amende de cinq francs à quinze francs et d'un emprisonnement d'un jour à quatre jours, ou d'une de ces peines seulement :

« 1° Les conducteurs de voitures quelconques ou de bêtes de charge qui ne se tiendront pas constamment à portée de leurs chevaux, bêtes de trait ou de charge ou de leurs voitures, et en état de les guider ou conduire ; qui occuperont le milieu des rues, chemins ou voies publiques, quand d'autres voitures ou bêtes de charge y chemineront près d'eux ; qui négligeront de se détourner ou ranger devant toutes autres voitures ou bêtes de charge et à leur approche, et de leur laisser libre au moins la moitié de la voie, ou qui contreviendraient aux règlements sur ces objets ;

« 2° Ceux qui auront contrevenu aux règlements ayant pour objet, soit la rapidité, la mauvaise direction ou le chargement des voitures ou des animaux, soit la solidité des voitures publiques, le mode de leur chargement, le nombre et la sûreté des voyageurs ;

« 3° Ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places ou lieux publics, des jeux de loterie ou d'autres jeux de hasard ;

« Seront en outre saisis et confisqués, les tables, instruments, appareils des jeux ou des loteries, ainsi que les enjeux, les fonds, denrées, objets ou lots proposés aux joueurs ;

« 4° Ceux qui auront jeté des pierres ou d'autres corps durs ou d'autres objets pouvant souiller ou dégrader contre les voitures suspendues, les maisons, édifices et clôtures d'autrui, ou dans les jardins et enclos ;

« 5° Ceux qui, dans les lieux dont ils sont propriétaires, locataires, colons, fermiers, usufruitiers ou usagers, auront méchamment tué ou gravement blessé, au préjudice d'autrui, un animal domestique autre que ceux mentionnés à l'article 538 ;

« 6* Ceux qui auront dérobé des récoltes ou autres productions utiles de la terre, qui n'étaient pas encore détachées du sol.

« Si le fait a été commis, soit pendant la nuit, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, soit enfin par deux ou plusieurs personnes, les coupables seront punis conformément à l'article 463.

- Adopté.


« Art. 558. En ce qui concerne les contraventions prévues par l'article précédent, le juge pourra, en cas de récidive, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement de sept jours au plus.

« En cas de récidive, la peine de l'emprisonnement d'un jour à quatre jours pourra être prononcée, indépendamment de l'amende, pour les contraventions prévues par les articles 555 et 556. »

- Adopté.

Chapitre III. Des contraventions de troisième classe

Articles 559 et 560

« Art. 559. Seront punis d'une amende de dix francs à vingt francs ;

« 1° Ceux qui, hors les cas prévus par le chapitre III, titre IX du présent code, auront volontairement endommagé, ou détruit les propriétés mobilières d'autrui ;

« 2° Ceux qui auront causé la mort ou la blessure grave des animaux ou bestiaux appartenant à autrui, par l'effet de la divagation des fous ou furieux, d'animaux malfaisants ou féroces, ou par la rapidité, la mauvaise direction ou le chargement excessif des voitures, chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture ;

« 3° Ceux qui, par imprévoyance ou défaut de précaution, auront involontairement causé les mêmes dommages par l'emploi ou l'usage d'armes, ou par le jet de corps durs ou de substances quelconques ;

« 4° Ceux qui auront causé les mêmes accidents, par la vétusté, la dégradation, le défaut de réparation ou d'entretien des maisons ou édifices, ou par l'encombrement ou l'excavation, ou telles autres œuvres dans ou près les rues, chemins, places ou voies publiques, sans les précautions ou signaux ordonnés ou d'usage. »

- Adopté.


« Art. 560. Seront aussi punis d'une amende de dix francs à vingt francs :

« 1° Ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré les affiches légitimement apposées ;

« 2° Ceux qui, dans les lieux appartenant au domaine public, de l'Etat, des provinces ou des communes, auront enlevé des gazons, terres, pierres ou matériaux, sans y être dûment autorisés.

« 3° Ceux qui mèneront sur le terrain d'autrui des bestiaux, de quelque espèce qu'ils soient, et à quelque époque que ce soit, dans les prairies naturelles ou artificielles, dans les vignes, oseraies, houblonnières et dans les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'homme. »

- Adopté.

Article 561

« Art. 561. Seront punis d'une amende de dix francs à vingt francs et d'un emprisonnement d'un jour à cinq jours, ou d'une de ces peines seulement :

« 1° Ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants ;

« 2° Ceux qui auront vendu, débité ou exposé en vente des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires gâtés ou corrompus ;

« 3° Ceux qui, sans l'intention frauduleuse exigée par l'article 500, n°1, auront vendu, débité ou exposé en vente des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires falsifiés.

« Les comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires gâtés, corrompus ou falsifiés, qui seront trouvés en la possession du coupable, seront saisis et confisqués ;

« S'ils peuvent servir à un usage alimentaire, ils seront mis à la disposition de la commune où le fait aura été commis, avec charge de les remettre aux hospices ou au bureau de bienfaisance, selon les besoins de ces établissements ; dans le cas contraire, les objets saisis seront mis hors d'usage ;

« 4° Ceux qui auront de faux poids, de fausses mesures ou de faux instruments de pesage dans leurs magasins, boutiques où ateliers, ou dans les halles, foires ou marchés.

« Les poids, les mesures et les instruments faux seront confisqués.

« 5° Ceux qui se seront rendus coupables d'actes de cruauté ou de mauvais traitements excessifs envers les animaux ;

« 6° Ceux qui auront, dans des combats, jeux ou spectacles publics, soumis les animaux à des tortures.

« Dans ce dernier cas, les prix et enjeux seront saisis et confisques.

« 7° Ceux qui auront dirigé contre des corps constitués ou des particuliers, des injures autres que celles prévues aux titres VIII et IX du présent code. »

- Adopté.

MpVµ. - A l'article 561, un amendement est présenté. Il est ainsi conçu :

« Ajouter au paragraphe 6 :

« Les dispositions ci-dessus ne s'appliquent pas aux combats de coqs.

« (Signé) De Lexhy, Mouton, Elias, David, Prud'homme. »

La parole est a M. De Lexhy pour développer son amendement.

M. De Lexhy. - Messieurs, l'ancien article 638 a subi de très grandes modifications, avant d'arriver à la formule que l'article 561 a revêtue.

(page 976) Contrairement à la tendance générale du nouveau Code pénal à diminuer les faits punissables et à réduire les peines, cet article renchérit sur l'ancien code pénal.

En effet, l'ancien code pénal n'interdisait pas les combats de coqs, ni les autres combats d'animaux. On comprend très difficilement pourquoi l'on défendrait les combats de coqs. Je n'entreprendrai pas la défense d'autres combats d'animaux ; je laisserai à d'autres ce soin.

Il serait intéressant de savoir pourquoi le Sénat et la commission ont édicté cette interdiction. Où sont les pétitions qui ont sollicité le législateur à introduire cette pénalité ? Où est la nécessité sociale d'introduire cette restriction à la liberté ?

On a dit que les combats de coqs étaient répréhensibles ; mais il serait difficile de l'établir. A coup sûr, ils ne sont pas répréhensibles en eux-mêmes. C'est un jeu très ancien, un spectacle très goûté dans nos campagnes. Ce jeu est recherché même par des personnes très notables, par des personnes riches, notamment dans mon arrondissement.

Ou a prétendu aussi que c'était un jeu barbare. Mais, franchement, le mot est réellement monstrueux, quand on l'applique à la chose.

Ce jeu, ce spectacle, a-t-on dit, développe des sentiments barbares, des sentiments cruels. Mais depuis que ces combats de coqs sont pratiqués dans le pays de Liège, depuis que le règlement d'interdiction a été aboli, les statistiques judiciaires constatent-elles un accroissement de contraventions et de délits ? C'est cependant par là que l'on peut juger si ces sortes de spectacles ont l'effet que l'on dit.

Le spectacle des courses de chevaux est-il plus moralisateur qu'un combat de coqs ?

Souvent, dans ces sortes de spectacles aristocratiques, la vie du cavalier est grandement exposée, et il se passe rarement une course de chevaux sans que quelque jockey ait un os brisé, une jambe rompue. Aux yeux de certains sentimentalistes, c'est peut-être plus admissible.

Pourquoi veut-on empêcher les paisibles habitants des campagnes d'assister à ces combats de coqs, à ces combats d'animaux, qui naturellement, sont enclins à des sentiments guerriers, belliqueux ? Et quand la morale est-elle offensée par ces sortes de spectacles ? Je trouve, au contraire, que c'est un spectacle éminemment patriotique par le temps qui court. On cherche à exciter le chauvinisme, le courage, les sentiments les plus exaltés. Mais le spectacle d'un combat de coqs n'est-il pas de nature à exciter des sentiments de vaillance, de bravoure ? (Interruption.)

Je m'étonne de ces interruptions. Tout à l'heure, nous avons assisté à un combat oratoire que la discussion sur les combats de coqs avait sans doute excité, n'avons-nous pas assisté ici aussi à un spectacle où quelques-uns de nos collègues ont fait preuve d'une grande vaillance, d'une grande énergie et de sentiments belliqueux ? Je suis donc persuadé que les combats de coqs trouveront grâce devant vous, à cause des tendances belliqueuses que nous venons de constater chez nos collègues les plus paisibles d'ordinaire.

Messieurs, voyons les choses comme elles sont, et ne cherchons pas à combattre des chimères. Les combats de coqs constituent un spectacle populaire, nullement contraire à la morale et qu'il importe de maintenir. Il faudrait des motifs excessivement graves pour prononcer des interdictions semblables, et je proteste contre toute restriction à nos droits individuels, sans nécessité sociale.

Le conseil provincial de Liège avait porté, il y a cinq ou six ans, un règlement interdisant les combats de coqs. Eh bien, sous la pression de l'opinion publique, le conseil provincial a dû retirer ce règlement. Voulez-vous vous exposer à avoir, à chaque instant, des pétitions protestant contre l'interdiction des combats de coqs ? Voulez-vous que votre loi ait peut-être le même sort que le règlement porté par le conseil provincial de Liège ? De nombreuses pétitions nous sont arrivées et il est regrettable qu'on n'en ait pas fait mention dans la discussion actuelle. Ces pétitions portent la signature d'hommes très recommandables et très notables.

Ces combats de coqs que vous paraissez tant dédaigner sont, dans d'autres pays, eu nrande faveur. Le chef du cabinet anglais actuel, lord Derby, est un grand amateur de combats de coqs. Je ne vois réellement pas pourquoi l'on voudrait nous priver de ces jeux.

N'enlevons pas inutilement au peuple ses jeux et ses spectacles, ne nous abandonnons pas à la manie de tout réglementer. Ne vous posez pas en professeur de morale, ce serait exagérer votre rôle.

Bornez-vous à réprimer et à punir les faits qui portent atteinte à l'ordre social. A force de tout réglementer, même les choses qui n'ont aucune importance sociale, vous pervertissez le sens moral des populations.

J'espère que la Chambre se rangera à notre avis et adoptera l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer, de concert avec mes honorables amis, MM. Mouton, Elias, Preud'homme et David.

(page 988) M. Carlier, rapporteurµ. - Messieurs, la disposition dont l'honorable membre nous a entretenus a été présentée d'abord, comme il l'a dit, sous une forme différente de celle que présente l'article actuel ; la disposition primitive portait :

« Les peines d'emprisonnement et d'amende portées par l'article précédent pourront être portées cumulativement ou séparément contre ceux qui se seront rendus coupables d'actes de cruauté ou de mauvais traitements excessifs envers les animaux et notamment envers les bêtes de trait de charge ou de monture. »

Cette rédaction soumise au Sénat a été modifiée et rédigée de la manière suivante :

« Art. 564. Les peines d'emprisonnement et d'amende, portées par l'article précédent pourront être portées cumulativement ou séparément contre ceux qui se seront rendus coupables d'actes de cruauté ou de mauvais traitements excessifs envers les animaux, et contre ceux qui auront, dans des combats, jeux ou spectacles publics, soumis les animaux à des tortures.

« Dans ce dernier cas les prix et enjeux seront saisis et confisqués. »

Enfin le gouvernement a proposé d'adjoindre cette disposition à l'article 561, en la formulant ainsi :

« 3° Ceux qui se seront rendus coupables d'actes de cruauté ou de mauvais traitements excessifs envers les animaux ;

« 6° Ceux qui auront dans des combats, jeux ou spectacles publics soumis les animaux à des tortures.

« Dans ce dernier cas les prix et enjeux seront saisis et confisqués. »

Votre commission s'est ralliée à cette nouvelle rédaction.

Elle a trouvé qu'il était moral et convenable d'empêcher des combats de la nature de ceux dont l'honorable membre demande le maintien.

Organe de la commission, messieurs, j'ai à soutenir, et je soutiendrai dans tous les cas, la disposition actuellement en discussion. Je ne vois, en effet, rien qui soit ni moralisateur ni avantageux, j'oserais presque dire qui soit digne, dans le maintien des combats de coqs et autres jeux de cette espèce.

Evidemment, messieurs, la moralité de nos populations n'a rien à y (page 989) gagner. Quant au patriotisme, ce serait faire injure à nos populations, que de supposer que de tels moyens sont nécessaires pour le développer chez elles.

Pourquoi, dit-on, empêcher d'assister à ces combats ? Mais c'est que nous croyons comme le Sénat a cru, comme la plupart d'entre nous croient, que ces combats inspirent la cruauté ; c'est que nous savons tous que, loin d'être un enseignement de patriotisme et de courage, ces combats de coqs ne sont que de véritables jeux de hasard où presque toujours l'ouvrier va engager le produit de plusieurs semaines de travail, au grand détriment de son bien-être et du bien-être de sa famille.

C'est encore, si l'on peut relever à ce point les combats de coqs, parce que l'histoire nous prouve que les jeux sanglants offerts à la multitude n'ont jamais concouru à la grandeur des nations. L'Espagne s'est-elle moralisée par les combats de taureaux ? A Rome, après les jeux du Cirque sont venus les combats de gladiateurs, et qui oserait dire que les combats des gladiateurs ont relevé le courage du peuple romain ?

(page 976) M. Mouton. - Je viens appuyer les considérations développées par mon honorable collègue et ami, M. De Lexhy, et me joindre à lui pour demander que l'article 561, n°6 du nouveau code pénal, ne s'applique pas aux combats de coqs.

On a, selon moi, beaucoup exagéré le caractère de ces spectacles, et c'est par une fausse sensibilité qu'on les considère comme cruels et barbares. Ceux qui ont assisté à des combats de ce genre savent que la mort de l'un des combattants est loin d'être la conséquence certaine de la lutte. En fait, aussitôt que l'un des animaux refuse le combat en faisant entendre un cri, on le retire de l'arène, et tout est fini ; on ne va donc pas jusqu'à torturer l'animal, ainsi qu'on le suppose, et à le faire tuer malgré lui. J'ajoute que les coqs se battent d'instinct, parce que cela leur convient et qu'il n'est nullement besoin de les exciter ; il suffit de les mettre en présence.

Quoi qu'on en dise, il est d'autres exercices que l'on tolère et qui présentent, selon moi, un caractère infiniment plus grave, comme, par exemple, les courses de chevaux où la vie du cheval et celle de l'homme lui-même sont exposées. Et cependant on ne trouve rien à redire à ces spectacles, on ne songe pas à les interdire en édictant des dispositions répressives.

Une des raisons qu'on allègue pour défendre les combats de coqs, c'est qu'ils sont souvent l'occasion de rixes, de querelles ; mais qu'on veuille bien remarquer que des rixes peuvent naître dans beaucoup d'autres circonstances, par exemple, au sujet de paris qui s'engagent aux jeux de quilles, et néanmoins ce prétexte ne saurait justifier l'interdiction de semblables jeux.

Les combats de coqs ont dans quelques-unes de nos provinces un cachet populaire qui doit les faire conserver, ils constituent une distraction agréable qui n'a pas toujours été l'apanage des classes inférieures, mais qui à une certaine époque était pratiquée même par les classes supérieures de la société.

Certains règlements provinciaux, comme vous l'a dit l'honorable M. De Lexhy, en l'absence de dispositions générales, ont interdit les combats de coqs, mais ils ont été bientôt rapportés, et l'état de choses qui a suivi ce retrait, la multiplication de ces amusements n'a donné lieu à aucun désordre, à aucun fait grave qui puisse rendre utile, en cette matière, l'intervention du législateur.

Un mot maintenant de la discussion qui a eu lieu au Sénat sur cet article. Dans la séance du 12 mars 1866, il semble en effet résulter de la discussion, comme l'a dit l'honorable M. Carlier, que le Sénat entend proscrire les combats de coqs, mais dans une séance subséquente, celle du 2 mai 1866, son opinion paraît indécise. L'honorable sénateur de Waremme, M. de Sélys-Longchamp et qui n'était pas présent lors de l'examen de l'article, demanda de pouvoir y revenir et adressa à M. le ministre de la justice la question suivante :

« Je me permettrai d'adresser une question à M. le ministre de la justice.

« Les mots « soumis les animaux à des tortures » concernent sans doute les personnes qui se rendent coupables de ces faits. C'est ainsi que je l'entends, mais la police n'a pas à réglementer, je présume, le mal que les animaux peuvent se faire entre eux.

« Il en résulte que la police n'entreprend pas d'empêcher les animaux de se battre entre eux.

« J'étais absent lorsqu'on a voté cet article, je n'ai donc pas le droit d'y revenir. Toutefois il est bien entendu que le mot « tortures » consiste dans tout acte de cruauté commis par quelqu'un envers les animaux». Cette observation s'applique alors aux coups violents infligés aux chevaux dans les courses et qui ont souvent des résultats plus cruels que le combat de deux coqs.

« J'ai tenu seulement à caractériser le sens que j'attachais aux mots : « les tortures infligées à des animaux. »

« On pourrait qualifier également tortures, par exemple, le fait des personnes qui armeraient les animaux d'instruments propres à les blesser mutuellement ainsi que la chose se pratique dans quelques jeux ou combats. »

M. Bara, ministre de la justice, répondit :

« Je puis rassurer l'honorable sénateur ; nous n'avons pas l'intention de faire la police des animaux et de les obliger à avoir des égards les uns pour les autres. Mais le sens de l'article n'est pas douteux, car on dit : « Ceux qui auront dans des (page 977) combats, jeux ou spectacles publics, soumis les animaux à des tortures.

« Je ne sais pas comment nous pourrions condamner les animaux à l'amende et à la prison, et surtout comment nous pourrions exécuter la peine. Nous n'entendons sévir que contre les personnes qui soumettent les animaux à des tortures. Si les animaux se battent entre eux c'est leur affaire, nous n'avons pas à nous en mêler. »

Et M. de Sélys ajoute : « « Je remercie M. le ministre. Il ne s'agit donc pas, c'est le cas de le dire, d'empêcher les animaux de se prendre de bec. »

Comme on le voit, par cette citation, il plane donc un certain doute sur la pensée finale du Sénat et du gouvernement lui-même. Notre amendement a pour but de le faire disparaître.

Des pétitions revêtues de nombreuses signatures réclament instamment le maintien des combats de coqs ; je crois pour ma part que les pétitionnaires sont dans le vrai, et je convie la Chambre à adopter l'amendement que nous avons déposé avec quelques honorables collègues. Je suis convaincu qu'en donnant cette satisfaction à ces nombreux pétitionnaires il ne résultera aucun inconvénient sérieux pour la morale et l'ordre publics : l'adoucissement des mœurs que l'on recherche avec raison, comme constituant un progrès de la civilisation, s'obtiendra bien mieux par le développement de l'instruction que par des dispositions répressives.

- Plusieurs voix. - La clôture !

MpVµ. - La parole est h M. Coomans sur la clôture.

M. Coomans. - Je n'y tiens guère.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois faire remarquer qu'au second paragraphe du n°6° il faut supprimer le mot « dernier » et dire « dans ce cas ».

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement.

79 membres y prennent part.

23 membres répondent oui.

54 membres répondent non.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui :

M.M. Van Renynghe, Van Wambeke, Wouters, Braconier, Bricoult, Coomans, Delaet, de Lexhy, de Macar, de Naeyer, de Rossius, de Smedt, de Terbecq, Dumortier, Elias, Hayez, Jacobs, Liénart, Mouton, Preud'homme, Schollaert, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut et Vander Donckt.

Ont répondu non :

MM. Vilain XIIII, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier, Bruneau, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Coninck, de Florisone, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, de Maere, de Mérode, Descamps, de Theux, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, d'Ursel, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jonet, Jouret, Kervyn de Lettenhove, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Muller, Notelteirs, Orban, Pirmez, Rogier, Sabatier, Thibaut, T'Serstevens, Valckenaere, Alphonse Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem et Ernest Vandenpeereboom.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 562

« Art. 562. En cas de récidive, la peine d'emprisonnement pendant cinq jours au plus pourra être prononcée, indépendamment de l'amende, pour les contraventions prévues par les articles 5, 8 et 559.

« En ce qui concerne les contraventions prévues par l'article précédent, le juge pourra, en cas de récidive, prononcer, outre 'amende, un emprisonnement de neuf jours au plus. »

M. Dumortier. - Messieurs, je dois répéter ce que j'ai dit hier. Il me paraît souverainement déraisonnable de mettre en prison de braves gens qui auront fait combattre des coqs.

Les combats de coqs sont l'amusement de nos paysans. Puisqu'ils vous déplaisent, supprimez-les, soit, mais ne mettez pas ces pauvres gens en prison.

Si vous dites que c'est contraire à la morale publique, je vais déposer un amendement pour interdire les steeple-chase où des hommes se cassent le cou.

Les plaisirs de ces messieurs, vous n'y touchez pas, mais à l'ouvrier, vous enlevez ses distractions et vous le mettez en prison. Je trouve cela injuste et déraisonnable.

Si vous défendez les combats de coqs, défendez aussi les courses, défendez aux hommes de s'exposer à se rompre le cou en sautant des barrières et d'exposer les chevaux à se casser les jambes.

Lorsqu'un cheval se casse la cuisse, il n'y a pas de pénalité, mais on a des rigueurs pour le pauvre paysan qui s'amuse le dimanche à une bataille de coqs, plaisir innocent, car le combat est dans le caractère du coq. Le coq est guerrier, et il aime à se mettre en présence de son ennemi.

Avec toutes vos récidives vous arrivez à mettre en prison les honnêtes gens, les citoyens honorables, alors que vous réduisez les peines pour les coquins et pour les scélérats.

J'aime beaucoup mieux un brave paysan qui s'amuse à faire battre des coqs qu'un voleur dont vous réduisez la peine.

Vous en ferez, messieurs, ce que vous voudrez. Je sais, par ce qui s'est passé hier, que mes paroles n'ont pas une grande influence sur la Chambre, mais il y a derrière nous le pays qui nous entend et qui nous juge

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne renouvellerai pas avec l'honorable M. Dumortier la discussion qui a eu lieu hier sur la récidive. Je ferai une seule observation. C'est qu'on ne parle que des combats de coqs. Mais il ne s'agit pas des coqs plutôt que des autres animaux.

M. Dumortier. - Supprimez alors la récidive pour les combats ; de coqs.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'arriverai tout à l'heure à la récidive.

Messieurs, il s'agit de tous les animaux. Ainsi, on vous a dit : Les plaisirs des riches, on ne s'en préoccupe pas, tandis que les plaisirs des pauvres on les condamne.

Messieurs, il y a des plaisirs des riches qui seront condamnés. Ainsi, par exemple, les combats de chiens seront prohibés et les courses de chevaux ne seront pas du tout à l'abri de l'article. C'est ce que le parquet aura à examiner. L'article dit :

« Ceux qui auront, dans des combats, jeux ou spectacles publics, soumis les animaux à des tortures. »

On aura à examiner si certaines courses de chevaux ne doivent pas tomber sous l'application de cette disposition ; il y a évidemment des courses où les chevaux sont exposés à des tortures.

M. Bouvierµ. - Et les hommes ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Dans ces cas le parquet examinera ce qu'il y a lieu de faire.

M. Delaetµ. - Le délit aura été commis au moyen des subsides de l'autorité publique.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'ai pas à examiner ici les questions résolues par le budget, nous présentons un nouveau code pénal. Si l'honorable membre veut défendre les subsides donnés aux courses, qu'il le fasse. (Interruption.) Je ne sais si dans le temps le gouvernement a accordé des subsides pour favoriser ces jeux, mais il n'en donne plus aujourd'hui. (Interruption.)

L'honorable membre parle de la récidive et il soutient qu'en cas de récidive on ne doit pas punir de la prison les entrepreneurs d'un combat de coqs.

M. Dumortier. - Il ne s'agit pas des entrepreneurs des combats de coqs.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais ce ne sont pas les spectateurs, ce sont les entrepreneurs, les amateurs qui sont punis. Eh bien, je ferai remarquer que si vous ne voulez pas comminer la peine de la prison pour le cas de récidive, autant vaut maintenir les combats de coqs.

Dans ces combats, il y a toujours des enjeux assez considérables, si vous ne commuiez pas l'emprisonnement, qu'arrivera-t-il ? C'est que l'interdiction ne sera pas observée ; les entrepreneurs prélèveront d'abord sur les amateurs la prime de l'amende et le combat aura lieu. Il est donc parfaitement inutile d'interdire les combats de coqs, si vous ne voulez pas, pour la récidive, comminer l'emprisonnement.

M. Coomans. - Neuf jours d'emprisonnement pour les organisateurs de combats de coqs me semblent une pénalité bien forte.

Permettez-moi de vous le faire remarquer, on n'a invoqué que deux motifs pour faire aux combats de coqs les honneurs d'une interdiction dans le code pénal : ils offrent un spectacle immoral et ils donnent lieu à des paris. Si ces motifs sont valables, faites-y attention, ils vous entraîneront loin. Si vous posez en principe qu'il faut interdire tout spectacle immoral, il y a beaucoup de spectacles qui devraient être interdits, (page 978) et vous devriez commencer par fermer quelques-uns de ceux que vous subsidiez vous-mêmes : car vous prenez dans la caisse du public pour vos plaisirs à vous. Ces plaisirs sont-ils moraux ? Non, vous n'oseriez pas le dire.

Ah ! si l'on venait nous demander des subsides pour les combats de coqs, je comprendrais votre opposition et je m'y associerais, moi, qui ai contribué beaucoup, M. le ministre de l'intérieur me rendra cette justice, à faire supprimer les absurdes subsides que l'Etat a donnés si longtemps pour les courses de chevaux. Si on nous demandait des subsides pour les combats de coqs, nous aurions raison de refuser. Mais que nous demande-t-on ? La liberté, et nous pourrions vous demander aussi la simple liberté pour tous les autres spectacles que l'autorité entretient si chèrement. (Interruption.)

Il est de grandes villes, des villes de 100,000 âmes ou 2,000 personnes à peine vont au spectacle et ce sont les 100,000 personnes qui le payent. Eh bien, c'est là une iniquité révoltante ; la première base de toute législation doit être la logique, voilà où est la moralité, c'est dans le respect de la logique, et je suis heureux, à cette occasion, de rendre justice à l'une de nos villes les plus intelligentes, la ville de Liège, qui a compris la vérité, la moralité du principe que je pose ici devant vous.

Ainsi donc, messieurs, ne dites pas que vous avez le droit de supprimer les combats de coqs parce qu'ils sont immoraux, car cette base vous manque. Si vous vouliez être justes, si vous vouliez agir en hommes et non en volatiles, vous devriez comme conséquence aller jusqu'au bout du raisonnement et supprimer tous les spectacles immoraux.

La seconde raison que l'on invoque pour emprisonner pendant neuf jours un simple amateur de combats de coqs, c'est que ces combats donnent lieu à des paris.

Mais, messieurs, avez-vous supprimé les paris dans les courses de chevaux ? Avez-vous supprimé les paris à la Bourse ? Avez-vous supprimé les paris rouge et noir à Spa ? Avez-vous supprimé les paris qui ont lieu dans beaucoup de sociétés aristocratiques, où l'on parie des 30,000 et 40,000 fr. par tête ou par bourse, en une seule soirée ? Voilà-encore où la logique vous mène. Si vous avez l'horreur des paris et des jeux de hasard, commencez par supprimer les plaisirs des riches avant de supprimer ceux des pauvres.

Ce qui, pour moi, est la suprême moralité, c'est la justice, la vérité et la logique. Eh bien, je le déclare, je n'aime pas les combats de coqs ; je n'y ai jamais assisté. J'ai failli y assister, et j'ai cru de mon devoir de me retirer pour protester contre ce jeu brutal, qui me rappelait de trop près les bêtises humaines. Non, je n'aime pas les combats de coqs, mais il y a une foule de choses que je n'aime pas, et que je ne vous engage pas à interdire de par la loi.

Si tout ce qui est mauvais devait être interdit par la loi, il vous serait impossible de légiférer ; il y a mille interdictions nouvelles que vous auriez à porter dans votre code ; vous finiriez ainsi par faire un code très moral peut-être, mais à coup sûr aussi très despotique.

Or, c'est ce que nous ne voulons pas ; il ne s'agit pas de faire régner le catéchisme par le code pénal ; il s'agit simplement d'interdire les choses mauvaises, méchantes en elles-mêmes, les choses qui peuvent nuire à des citoyens ou à la société.

Voilà votre rôle de législateur et vous ne pouvez plus en sortir.

Et puis on l'a dit aussi : on fait du mal à ces bêtes. Mais, messieurs, ne fait-on pas du mal à beaucoup d'autres bien inutilement ? Et ici je dois faire remarquer que si l'interprétation que M. le ministre de la justice vous a donnée à l'article précédent est juste, si on peut punir tous ceux qui infligent des tortures à des animaux, eh bien, les parquets auront à intervenir non seulement dans les combats de coqs, mais dans les luttes de serins, dans les luttes des pinsons qu'on aveugle pour les faire mieux chanter.

Voilà ce qui résulte de la déclaration de M. le ministre de la justice : les chefs de parquet viendront dire que tel cheval a été inutilement excité dans une course, qu'on l'a fait sauter un peu plus haut qu'il n'aurait fallu au point de vue hygiénique ; un autre viendra prétendre qu'il est mauvais d'aveugler de pauvres oiseaux pour les faire chanter ; en un mot, en maintenant cette disposition, vous allez tomber dans un abîme de contradictions, vous prenez vis-à-vis de la morale une position que vous ne saurez tenir. Je vous supplie donc de renoncer du moins à là peine de l'emprisonnement ; la peine de l'amende est déjà bien assez forte.

Quant à moi, je ne l'aurais pas votée. Mais en ce qui concerne l'emprisonnement de neuf jours, véritablement il est injuste et absurde.

M. Dumortier. - L'honorable M. Coomans a présenté une grande partie des observations que je comptais faire.

M. Coomans. J'ai oublié de dire qu'il faudrait supprimer désormais les pâtés de foie gras. (Interruption.)

M. Dumortier. - Il est souverainement injuste de punir de l'emprisonnement des faits qui n'ont aucune gravité et qui ne constituent que de simples plaisirs.

Mais, messieurs, les faits que l'on veut réprimer sont-ils donc les seuls auxquels puissent s'adresser les observations qu'on présente pour les punir ? Il est d'autres plaisirs, la chasse par exemple, qui ne sont certainement pas plus humains que les combats de coqs. Est-ce que ces innocents perdreaux, ces lièvres et tous ces pauvres petits oiseaux que poursuit le chasseur ne sont pas aussi intéressants que les coqs ?

M. Lebeau. - Et les bœufs !

M. Mullerµ. - Et les petits agneaux !

M. Dumortier. - Est-ce que le riche qui se livre aux plaisirs de la chasse n'est pas aussi coupable que le modeste paysan qui s'amuse à faire chanter un pinson ? Hier, vous avez volt une disposition qui punit de l'emprisonnement celui qui, pour la seconde fois, n'aura pas fait écheniller ses arbres, mais j'espère bien qu'on n'appliquera pas cette disposition.

S'il en était autrement, il faudrait en faire immédiatement l'application à notre honorable collègue, bourgmestre de la capitale, car je ne connais pas d'arbres plus mal échenillés que ceux de l'Allée-Verte.

Aujourd'hui, c'est encore l'emprisonnement dont on menace les amateurs de combats de coqs, de concours de serins et de pinsons et autres futilités du même genre.

Ainsi, on pourra impunément chasser, faire courir des chevaux, exposer la vie des hommes et des animaux ; mais on s'exposera à la peine de l'emprisonnement si l'on se livre aux innocents plaisirs dont je viens de parler ; car enfin, si un coq succombe dans un combat, c'est un coq mis au pot et rien de plus. (Interruption.)

En fin de compte, je demande que l'on fasse une distinction entre les faits qui méritent l'emprisonnement et ceux qui ne justifient pas cette peine parce qu'ils ne constituent que de simples amusements.

- L'article 562 est mis aux voix et adopté.

Chapitre IV. Des contraventions de quatrième classe

Article 563

« Art. 565. Seront punis d'une amende de quinze francs à vingt cinq francs et d'un emprisonnement d'un jour à sept jours, ou d'une de ces peines seulement :

« 1° Les gens qui font métier de deviner et de pronostiquer ou d'expliquer les songes. Seront saisis et confisqués les instruments, ustensiles et costumes servant ou destinés à l'exercice du métier de devin, pronostiqueur ou interprète des songes ;

« 2° Ceux qui auront volontairement dégradé des clôtures urbaines ou rurales, de quelques matériaux qu'elles soient faites ;

« 3° Les auteurs de voies de fait ou violences légères, pourvu qu'ils n'aient blessé ni frappé personne, et que les voies de fait n'entrent pas dans la classe des injures ; particulièrement ceux qui auront volontairement, mais sans intention de l'injurier, lancé sur une personne un objet quelconque de nature à l'incommoder ou à la souiller ;

« 4° Celui qui aura volontairement et sans nécessité tué ou gravement blessé, soit un animal domestique autre que ceux mentionnés à l'article 538, soit un animal apprivoisé, dans un lieu autre que celui dont le maître de l'animal ou le coupable est propriétaire, locataire, fermier, usufruitier ou usager ;

« 5° Ceux qui, par défaut de précaution, auront involontairement détruit ou dégradé des fils, poteaux ou appareils télégraphiques. »

- Adopté.

Articles 564 et 565

MpVµ. - On propose la suppression des articles 564 et 565.

- Cette suppression est prononcée.

Articles 564 et 565 (nouveaux)

« Art. 564. Dans le cas de récidive, le tribunal est autorisé à prononcer, indépendamment de l'amende, un emprisonnement pendant douze jours au plus. »

- Adopté.


«

Art. 565. Il y a récidive, dans les cas prévus par les quatre chapitres qui précèdent, lorsque le contrevenant a déjà été condamné, dans les douze mois précédents, pour la mène contravention et par le même tribunal. »

« (Supprimer le deuxième paragraphe.) »

- L'article est adopté en ces termes.

Article 567 (nouveau)

(page 979) MpVµ. - Un article 567 (nouveau), ainsi conçu, est parvenu au bureau :

« Un arrêté royal déterminera l'époque de la mise à exécution du présent code. »

- Adopté.

Article 568

- Une voix. - Et l'article 568 ?

MpVµ. - Il n'a pas été amendé par le Sénat.

M. Coomans. - On fait remarquer que l'article 568 n'est plus amendable parce qu'il n'a pas été amendé par le Sénat. Je crois devoir, dans l'intérêt des prérogatives de la Chambre, maintenir ce principe que dès qu'une loi a été amendée, ne fût-ce que dans un seul de ses articles...

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais on ne propose pas d'amendement.

MpVµ. - Si un amendement était proposé, je le mettrais aux voix.

M. Coomans. - Cela me suffit ; j'ai voulu simplement réserver les droits de la Chambre.

Discussion des articles

Discussion des articles (Livre I (Des infractions et de la répression en général)

Chapitre II. Des peines

Section II. Des peines criminelles
Article 23

« Art. 23. Il sera nommé au condamné, eu état d'interdiction légale, un curateur pour gérer ses biens ; cette nomination et cette gestion sont soumises aux dispositions du code civil relatives à la tutelle des interdits. »

- Adopté.

Dispositions communes aux sections II, II et IV
Article 30

MpVµ. - La commission propose de rédiger l'article 30 de la manière suivante :

« Art. 30 La durée des peines temporaires qui emportent privation de liberté court du jour de la première condamnation qui les prononce.

« Elle ne court toutefois que du jour de l'arrêté définitif, lorsque l'appel ou le pourvoi a été formé par le condamné, et que la peine n'a pas été réduite par suite de l'appel ou du pourvoi.

« Si le condamné n'est écroué qu'après sa condamnation, la durée de la peine compte du jour de l'écrou. »

M. Pirmezµ. - Messieurs, la Chambre se rappellera que cet article a déjà donné lieu à une assez longue discussion. Il s'agit de savoir comment se comptera la peine qui emporte la privation de la liberté, lorsque le prévenu aura subi une détention avant que le jugement soit devenu irrévocable.

J'ai soumis à la Chambre un amendement qui a pour objet de déclarer que tout le temps qui est passé en prison, à cause d'un fait qui donne lieu à une condamnation.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Toute détention subie avant que la condamnation soit devenue irrévocable par suite de l'infraction qui donné lieu à cette condamnation, sera imputée sur la durée des peines emportant privation de liberté. »

J'ai l'honneur de représenter à la Chambre cet amendement qui n'a pas été adopté par la commission. Je crois néanmoins devoir insister pour qu'il soit adopté.

Le système qui a été adopté par la commission est la disposition que l'assemblée avait adoptée la première fois et qui n'a pas été admise par le Sénat.

Or, j'ai eu l’honneur d'avoir une conversation avec M. d'Anethan, rapporteur d'une grande partie du code pénal au Sénat ; cet honorable sénateur m'a fait connaître qu'il se rallierait à mon amendement et que dans sa conviction l’amendement serait adopté par le Sénat.

Si donc l'amendement qui a été proposé par la commission et qui maintient la rédaction primitive de la Chambre, rédaction rejetée une première fois par le Sénat, si cet amendement, dis-je, est adopté, il est à craindre qu'il ne soit de nouveau rejeté par le Sénat, tandis que cette assemblée donnera bien plus probablement son adhésion à l'amendement que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre et qui ne fait qu'étendre et réaliser complètement l'ordre d'idées qui sert de base à l'article voté par le Sénat.

M. Thibautµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour motiver mon vote sur l'article 30.

Plusieurs systèmes, résumés dans le rapport, sont soumis à l'appréciation de la Chambre.

Les difficultés qui leur ont donné naissance peuvent être ramenées à une seule question : La détention préventive est-elle une peine, ou n'est-elle pas une peine ?

Si la détention préventive est une peine, l'honorable M. Pirmez a évidemment raison, et il faut, comme il le propose, la porter au compte d'expiation du condamné, dans tous les cas, et sans nous arrêter à la distinction admise par la majorité de la commission ; autrement nous violerions le principe qui défend de frapper deux fois le coupable pour une seule infraction.

Mais si la détention préventive n'est pas une peine, nous devons rejeter tous les systèmes proposés et reconnaître avec les auteurs du code, qu'on ne peut imputer la durée de cette détention sur la peine prononcée par le juge.

Pour moi, c'est à l'avis des auteurs du code que je me range. Je crois que le système de M. Pirmez et les systèmes mixtes soit de la commission, soit du Sénat, confondent deux choses absolument distinctes ; qu'ils violent le principe si important de l'égalité devant la loi, qu'ils amoindrissent enfin la salutaire influence des décisions judiciaires.

Qu'est-ce, messieurs, que la détention préventive ?

C'est la main de la justice posée sur un homme qu'elle considère comme l'auteur d'une infraction punie par la loi, afin qu'il n'échappe pas au châtiment, s'il est reconnu coupable.

Pour la société, la détention préventive est le moyen d'assurer la répression.

Quant au prévenu, c'est la privation d'un moyen de se soustraire à la répression.

Ce n'est que par une fiction, c'est-à-dire, par un mensonge, a dit l'honorable M. Pirmez, que la détention préventive n'est pas considérée comme une peine.

Je pense au contraire, que ce n'est que par une fiction, c'est-à-dire pour employer l'expression de l'honorable rapporteur, par un mensonge, que l'on veut faire considérer la détention préventive comme une peine.

Elle n'est, je le répète, qu'un moyen, indispensable en certains cas, d'assurer la répression des crimes et des délits.

La peine, comme l'a reconnu l'honorable M. Pirmez, suppose la condamnation. Cette observation seule aurait dû avertir l'honorable membre qu'il faisait un dangereux abus de mots, en assimilant la détention préventive à la peine d'emprisonnement. Cela seul aurait dû l'avertir qu'il tombait dans une erreur juridique profonde.

Mais, dit-on, et c'est le grand argument, c'est une souffrance imposée par la loi. Je réponds que toute souffrance n'est pas une peine.

L'impôt est aussi une souffrance, une cause de dures privations pour beaucoup de familles. La milice... direz-vous que ce n'est pas une souffrance ? Cependant personne ne s'avisera de les considérer comme peines dans le sens juridique.

Oui, toute souffrance est une peine, un châtiment, une punition dans un sens philosophique et chrétien ; mais en droit pénal il n'en est pas ainsi, en droit pénal, la souffrance n'est une peine que lorsqu'elle est imposée par un jugement au nom de la société, et à titre de châtiment, à celui qui, en commettant un fait délictueux prévu par la loi, a troublé l'ordre social.

On a déjà dit où conduit le système de l'honorable M. Pirmez. Si la détention préventive doit être considérée comme une peine, il en résulte que le détenu préventivement, s'il vient à être mis en liberté à défaut de charges suffisantes, ou parce qu'il a été reconnu innocent, a subi une punition injuste, un châtiment sans cause, immérité, un préjudice enfin que la société sera toujours impuissante à réparer.

La conscience publique en conclurait bientôt que la détention préventive, dont on reconnaît cependant l'inexorable nécessité sociale, est un abus révoltant et elle exigerait impérieusement qu'elle soit rayée de nos lois.

Le système de l'honorable M. Pirmez, et les systèmes mixtes sont donc basés sur une erreur. La peine ne peut précéder le jugement. La détention préventive n'est qu'un moyen d'assurer la répression et l'application de la peine. C'est donc au jour où la condamnation est devenue irrévocable que le point de départ de la peine emportant privation de la liberté, doit être fixé.

On a prétendu que la peine est ainsi considérablement aggravée. Cette appréciation n'est pas exacte. L'homme que nous considérons après la condamnation, a été prévenu avant d'être condamné.

Prévenu, il a subi la détention préventive ; pourquoi ? Parce que l'intérêt social l'exigeait. Il pouvait être renvoyé des poursuites ou condamné ; la décision judiciaire n'a pas changé le caractère de la détention préventive. L'acquittement ne l'aurait pas transformé en dommage imputable à la société ; comment la condamnation en ferait-elle une expiation ?

Mais si l'on veut absolument que la détention préventive compte sur la (page 980) durée de la peine du condamné, si on n'est pas arrêté en face de la confusion d'idées que j'ai signalée, soyez au moins aussi compatissants pour l'innocent que pour le coupable.

Je suppose deux hommes poursuivie comme complices du même crime. Ils sont détenus préventivement tous deux. L'arrêt rend l'un à la liberté et condamne l'autre aux travaux forcés.

Quel nom donnez-vous à la détention préventive subie par le premier ? Ce n'est pas une peine puisqu'il a été acquitté. C'est donc une injustice qu'il faut réparer. Mais la société est-elle assez puissante pour cela ? Personne n'osera le prétendre. Reconnaissons plutôt, messieurs, que cet innocent a subi une des nécessités de l'ordre social ; que sa liberté a été momentanément entravée dans un intérêt public, dont il profite lui-même.

Mais ne commettons pas la criante iniquité d'appliquer d'autres principes au coupable. S'il n'est pas injuste que l'innocent soit quelquefois détenu préventivement, il est juste que le coupable soit retenu sous la main de la force publique jusqu'au jugement ; si le premier n'a pas de droit contre la société, la société ne doit pas au second une atténuation de peine.

La détention préventive ne donne de droits ni à l'innocent ni au coupable. Cette égalité, les différents systèmes proposés la détruisent au profit du coupable. Je ne puis y consentir.

Si le système du code est maintenu, en résultera-t-il que les juges ne pourront avoir aucun égard à la durée de la détention préventive, lorsqu'ils condamneront un prévenu ou un accusé et prononceront la peine d'emprisonnement ? Je ne le pense pas.

Sans doute, la détention préventive n'est pas une circonstance atténuante de l'infraction, mais elle peut être un motif d'apporter une plus grande douceur dans le châtiment.

Nous diminuons, dans un grand nombre de cas, la rigueur des peines portées par les lois actuelles, sans exiger le concours de circonstances atténuantes.

Pourquoi serait-il interdit au juge de prendre en considération la durée de la détention préventive, en vue d'adoucir, de mitiger la peine, en la réduisant aux proportions qu'exige la sécurité sociale, dans les limites tracées par la loi ?

Il ne le fera pas pour remédier aux vices prétendus de la législation, mais parce que la vindicte publique, la conscience publique seront satisfaites et l'expiation suffisante.

Voici ce que je ne veux pas : je ne veux pas que l'innocent et le coupable, l'acquitté et le condamné puissent jamais être confondus dans le même sort, et que les portes de la prison s'ouvrent en même temps pour les deux. La justice alors ne serait plus justice ; vous lui auriez enlevé la balance et le glaive, et dans l'opinion publique elle perdrait indubitablement de sa force et de sa dignité.

Je voterai contre tous les systèmes nouveaux et pour le maintien de la législation ancienne.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je commencerai par faire remarquer à la Chambre que cet article 30 de la loi est l'objet d'une discussion interminable. C'est déjà la cinquième fois, je pense, que cet article revient et je pense que toutes les opinions sont aujourd'hui formées sur cet article.

Il y a divers systèmes en présence, la commission a présente le système qui a été adopté une première fois par la Chambre. Je déclare très loyalement que, pour ma part, ce n'est pas mon opinion. Je l'ai déjà dit : je suis de l'opinion que vient d'exprimer l'honorable député de Dinant qui demandait le retour à l'ancien code. Mais il est aussi certain, en présence des dispositions manifestées par des votes antérieurs, que cette opinion n'a aucune chance de réussir ; aussi je me dispense de présenter un amendement.

Le système de l'honorable M. Pirmez, tout le monde en connaît les motifs. Il les a fait connaître par écrit et oralement.

Le système qui vous est présenté est l'ancien système de la Chambre, c'est-à-dire qu'on ne déduit que la peine d'emprisonnement subie après le premier arrêt lorsqu'il y a appel du ministère public.

Ce système, je le déclare de nouveau, n'est pas celui que je préfère ; mais je ne crois pas devoir présenter d'amendement.

M. Pirmezµ. - J'attache une très grande importance à l'adoption de l'amendement que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre. Aussi je lui demanderai de me permettre encore, quoique je l'ai déjà à plusieurs reprises développé, de répondre quelques mots à l’honorable M. Thibaut.

L'honorable M. Thibaut a divisé son discours en deux parties qui sont la contradiction la plus flagrantes l'une de l'autre.

L'honorable membre vous a démontré dans la première qu'il y aurait une injustice et une iniquité à admettre que, pour les coupables, la détention préventive pût compter dans la peine, et ainsi servir à la diminution de la pénalité, tandis que, pour le prévenu détenu préventivement et acquitté on ne pourrait absolument rien faire.

L'honorable M. Thibaut trouve inadmissible que la détention préventive serve à quelque chose pour le coupable et ne serve à rien pour l'innocent. Voilà sa première thèse. Votre loi, dit-il, donne une préférence au coupable sur l'innocent ; c'est ce que je ne veux pas.

Et que nous dit ensuite l'honorable M. Thibaut ? Que quand arrivera le jour du jugement, les tribunaux auront bien soin de tenir compte de la détention préventive et de diminuer en conséquence la pénalité. La détention préventive, par le fait du juge, viendra diminuer la durée de la privation de liberté.

Ainsi, ce que l'honorable M. Thibaut trouvait mauvais dans la loi, il le trouve excellent dans l'application que feront de la loi les tribunaux.

Il nous dit que nous ne pouvons pas tenir compte de la détention préventive ; et il engage les tribunaux à en tenir compte. Or, je demande comment il est possible qu'une chose, mauvaise dans la loi, soit bonne dans les jugements.

Ainsi le système que je combats est si licitement condamné par les notions les plus élémentaires de la justice que M. Thibaut est forcé de reconnaître que les tribunaux, passant au-dessus de ce que nous avons fait, viendront dans leurs jugements, malgré la loi, faire ce que je vous propose de faire.

J'ai réellement admiré jusqu'à quel point la fiction légale, ou, si l'on veut, le mensonge juridique peut exercer d'influence sur un esprit distingué. Comment ! s'écrie l'honorable membre, voilà un individu qui est détenu pendant un temps assez long et qui, après cette détention préventive, est déclaré innocent ; et vous viendrez dire que c'est là une injustice ?

Mais certainement, je dis que c'est une injustice, une injustice des plus déplorables, et je ne connais rien de plus odieux, de plus regrettable, que de voir un innocent emprisonné par la justice.

M. Thibautµ. - C'est un malheur.

M. Pirmezµ. - C'est un malheur comme toutes les erreurs judiciaires et ce malheur est une injustice.

Comment ! moi innocent, je suis arrêté par la gendarmerie, je suis traîné à travers les rues d'une ville, comme cela ne se fait que trop souvent, je suis mis en prison, éloigné de mes affaires, séparé de ma famille, privé de ma liberté, désigné au public comme un malfaiteur, et vous viendrez dire qu'il n'y a là rien d'injuste ! (Interruption.)

Je ne puis nier l'inexorable nécessité de la détention préventive, mais on ne me fera pas admettre que quand elle frappe un innocent, il y a une terrible injustice. Aussi, je n'ai pas de plus grand désir dans les lois pénales que de voir diminuer, autant que possible, la détention préventive.

L'honorable M. Thibaut, en venant reproduire le système du code pénal de 1810, s'est-il bien rendu compte des conséquences de ce système ?

Voyons ce qu'il consacre.

Un jugement est rendu ; la peine ne commence pas à courir le jour du jugement, elle ne commence à courir que lorsque le jugement est passé à l'état de chose jugée, et par la seule possibilité d'un recours qui peut-être n'aura pas lieu, on détient le condamné jusqu'à ce que le recours soit impossible. Alors seulement commence la peine.

Un jugement est rendu ; le ministère public n'est pas satisfait, il interjette appel ; on démontre à l'évidence devant la cour que cet appel n'a pas le moindre fondement, qui frappez-vous ? Est-ce le ministère public ? Non, c'est le malheureux qui est en prison. et parce qu'il a plu à son adversaire, irrité peut-être par les débats, par la manière dont le défenseur a répondu à l'accusation, et tous ceux qui appartiennent au barreau savent que ce ne sont pas là des faits chimériques, parce qu'il a plu au ministère public d'appeler la peine du condamné sera prolongée de plusieurs semaines, si pas de plusieurs mois ; il sera puni pour l'erreur de son adversaire !

Les juges m'ont condamné à une peine trop forte, j'use de mon droit, j'appelle, je fais réformer le jugement ; j'avais été condamné à un an, je ne suis plus condamné qu'à six semaines ; d'après M. Thibaut, tant pis pour moi ; mais ma peine ne commencera à courir que du jour ou l'arrêt a été prononcé. Je subirai un emprisonnement pour l'erreur des juges.

Je dis, messieurs, qu'il est déplorable de voir des fictions légales, conduire à de semblables écarts des esprits judicieux comme celui de l’honorable M. Thibaut.

(page 981) On vient de dire : la détention est une charge sociale que la société vous impose comme l'impôt et la milice. Sans doute l'impôt et la milice, sont des charges sociales, charges parfois très dures ; il est du devoir du citoyen de payer l'impôt et de défendre la patrie ; mais viendrez-vous dire que c’est u devoir social d’aller en prison de temps en temps, que parmi les charges qui pèsent sur les citoyens libres est celle de subir un humiliant emprisonnement ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous ne faites rien pour l'innocent.

M. Pirmezµ. - Je ne fais rien pour l'innocent parce que je ne puis rien faire. (Interruption.)

M. Thibaut rit de mon impuissance, c'est l'impuissance de la société, et parce que je ne pourrai pas réparer l'injustice dans certains cas, voulez-vous me condamner à être toujours injuste ? Parce que je ne puis pas atteindre au bien absolu, qui n'est guère de ce monde, dois-je renoncer à toute amélioration imparfaite que réalise l'humanité ?

Avec ce système de tout ou rien, on proscrit le progrès, qui jamais ne réalise d'un coup l'idéal. Le système de M. Thibaut est un système logique, je le reconnais ; il est logique, parce qu'il compte toujours la détention préventive pour rien, absolument comme si elle n'existait pas ; mais je demande s'il est vrai que la détention préventive ne soit rien ?

Je ne prétends pas que comme jurisconsulte sous nos lois on doive reconnaître que la détention préventive soit une peine, mais ce que je dis, c'est qu'elle constitue une souffrance imposée par la société et à raison de faits pour lesquels la société punit, et dès lors sans considérer la détention préventive comme étant déjà la peine, je l'imputerai sur la peine comme un équivalent de la peine et je poserai ainsi un principe incontestablement juste, incontestablement équitable.

Cette justice, cette équité de mon amendement est telle, que de l'aveu de l'honorable M. Thibaut les tribunaux sont forcés de tenir compte de la détention préventive. J'aime beaucoup mieux faire une loi juste, une loi équitable que de faire une loi injuste et inique en disant aux tribunaux de réparer l'injustice et l'iniquité de cette loi.

Messieurs, la question que je soulève a fait d'immenses progrès depuis quelques années ; permettez-moi de vous rappeler la marche qu'elle a suivie.

Le système de l'honorable M. Thibaut a été mitigé déjà par la jurisprudence, il a été entamé profondément par le projet de code voté en 1852.

Le projet voté, il y a quelques années, l'a ébréché encore davantage, le Sénat a fait enfin un nouveau pas.

Eh bien je demande qu'on en finisse et qu'on abandonne une bonne fois les fictions qui ont donné naissance à ce système.

Trois étapes sont donc faites vers mon amendement. Voici maintenant le conflit entre le Sénat et votre commission : Le Sénat a décidé que quelle que fût la procédure ultérieure, la peine commencerait toujours a courir du premier jugement ; votre commission, au contraire, veut que lorsque le prévenu interjette un appel ou un pourvoi non fondé, la peine commence à courir de la deuxième décision.

Quelle est donc la différence essentielle entre les deux systèmes ? C'est que la commission inflige une peine à celui qui interjette un appel mal fondé, c'est la peine du fol appel. Eh bien, vous avez récemment supprimé toute peine de ce genre en matière civile.

La peine qui existait n'était qu'une légère amende ; vous l'avez supprimée. Vous ne pouvez donc pas infliger la peine de l'emprisonnement au malheureux qui interjette un appel ou un pourvoi contre la condamnation qui le frappe dans sa liberté.

De tous ceux d'entre nous qui appartiennent au barreau, il n'en est pas un à qui il ne soit arrivé de conseiller à un condamné d'interjeter appel, il n'est pas un qui n'ait conseillé un recours dont le résultat n'a pas été favorable ; je vous demanderai si l'on peut dire à celui qui a suivi le conseil de son avocat que, pour l'avoir fait, il mérite de subir un emprisonnement.

S'il fallait mettre quelqu'un en prison, ce serait évidemment l'avocat qui a l'intelligence des faits et des lois et qui peut examiner à froid, et non pas le condamné, ignorant presque toujours et qui saisit l'appel comme une dernière planche de salut.

Vous voyez donc, messieurs, qu'il faudrait tout au moins admettre le système du Sénat. Mais si vous admettez le système du Sénat, il faut nécessairement aller jusqu'à la proposition que j'ai l’honneur de vous soumettre.

Ce système fait en effet très souvent compter la détention préventive dans la peine, si le jugement est sur appel réformé, en d'autres termes, mis à néant, vous n'aurez pas de sentence avant l'arrêt d'appel et en imputant la détention antérieure à l'arrêt sur la peine, vous faites ce que consacre d'une manière générale mon amendement, vous imputez la détention préventive sur la peine.

Or, si cela se fait déjà dans de nombreux cas, il n'y a pas l'ombre d'une raison pour ne pas compter toujours cette détention sur la peine.

On reconnaîtra, du reste, qu'en présence du système qui admet que l'on compte l'emprisonnement cellulaire comme double de l'emprisonnement non cellulaire, les détenus se garderont d'abuser des voies de recours qui les forceraient à passer un temps deux fois aussi long sous les verrous.

En adoptant mon amendement, messieurs, quittant le domaine des idées factices, vous reviendrez à ce qui est vrai et raisonnable ; vous tiendrez compte de la véritable nature des choses ; vous aurez consacré par la loi ce qui est déjà en grande partie dans les habitudes des tribunaux ; vous aurez donné votre sanction à une disposition juste et équitable de plus dans notre nouveau code pénal.

M. Thibautµ. - Messieurs, en commençant le discours auquel l'honorable M. Pirmez vient de répondre, j'ai annoncé que je voulais seulement motiver mon vote. Je n'ai pas eu l'intention de soulever un débat et je ne désire pas prolonger la discussion. La Chambre décidera. Les honorables membres qui partagent mon opinion voteront contre l'amendement de l'honorable M. Pirmez et contre l'article 30.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, avant le vote, il ne m'est pas permis de laisser passer sans observation les quelques remarques que vient de présenter l'honorable M. Pirmez.

Le système de l'honorable M. Pirmez, je le reconnais, est logique, de même que le système de l'honorable M. Thibaut, qui est celui que personnellement j'adopte.

Ou bien il faut considérer la détention préventive comme une peine pour tout le monde, et alors on doit l'imputer sur la condamnation ; ou bien il ne faut pas la considérer comme une peine, et alors il faut compter la durée de la peine à partir du jour du jugement devenu irrévocable.

Mais je dois déclarer que quelque humain que puisse être le système de l'honorable M. Pirmez, je redoute beaucoup les conséquences de son amendement.

Ainsi, un résultat inévitable que produira ce système, ce sera de multiplier les appels et les pourvois en cassation.

L'honorable M. Pirmez a répondu à ces observations dans un de ses rapports, en disant :

« Cela n'est plus possible, parce que dans l'avenir on subira l'emprisonnement cellulaire ; or, on n'aura pas intérêt à faire durer la détention préventive, parce qu'elle ne comptera pas comme emprisonnement double. »

Mais nous n'en sommes pas encore là, messieurs, d'autant plus que c'est surtout pour les petites peines que le système de l'honorable M. Pirmez a des conséquences importantes.

Permettez-moi de signaler un autre inconvénient. Voici un individu qui a subi une détention préventive d'un mois ; il arrive que le tribunal le condamne à 15 jours de prison ; en vertu de l'amendement de l'honorable M. Pirmez, il ordonne la mise en liberté immédiate de cet individu. C'est une sorte de jugement d'acquittement.

Messieurs, il est certain que le système proposé par la commission de la Chambre n'est pas irréprochable ; je m'associe, sous ce rapport, aux critiques de l'honorable M. Pirmez ; mais la question est de savoir quel est le système qui présente le moins d'inconvénients.

Il est impossible d'arriver à un régime qui en soit complètement exempt. Je le répète, ce que je redoute dans l'application du système de l'honorable M. Pirmez, c'est l'augmentation considérable du nombre d'appels de la part des prévenus. Ensuite. la position n'est pas égale pour tout le monde. Il y a des prisons où le régime de la détention préventive est encore une sorte de peine ; il y en a d'autres où les détenus sont comme chez eux, à part la liberté.

J'ai vu, surtout dans les petites localités, quelques-unes de ces prisons et le régime auquel ces personnes sont assujetties. Eh bien, elles se promènent, elles sont en quelque sorte libres dans la prison. D'autres sont à la pistole ; elles reçoivent du monde, se traitent très bien.

Pouvez-vous considérer cela comme une peine ? Je veux bien que c'est la privation de la liberté ; mais ce n'est pas la peine de l'emprisonnement, telle que l'entend le code pénal.

Maintenant j'abandonne à la Chambre le soin de sortir de cet interminable débat. Pour moi, pour ne pas l'embrouiller davantage, quoique (page 982) mon opinion ait été défendue dans cette enceinte par l'honorable M. Tesch, je m'abstiens de présenter aucune espèce d'amendement, je crois qu'à tout prendre, il vaut mieux avoir l'article 30 tel qu'il a été voté par la commission, parce que je crains que le système défendu par l'honorable M. Pirmez ne donne lieu à d'autres abus, et qu'après expérience, nous ne soyons obligés de revenir sur ce système.

- La clôture est prononcée.

MpVµ. - Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Pirmez.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- L'amendement est mis aux voix par appel nominal.

77 membres prennent part au vote.

44 votent pour.

28 votent contre.

En conséquence, l'amendement est adopté.

Ont voté l'adoption :

MM. Van Renynghe, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Ansiau, Anspach, Bouvier, Carlier, Coomans, de Brouckere, de Coninck, de Florisone, De Fré, de Kerchove de Denterghem, E. de Kerckhove, Delaet, de Lexhy, de Macar, de Maere, Descamps, de Smedt, de Terbecq, Dethuin, Dewandre, Dumortier, Elias, Funck, Guillery, Hayez, Jacobs, Jonet, Jouret, Kervyn de Lettenhove, Le Hardy de Beaulieu, Lienart, Lippens, Magherman, Mascart, Muller, Pirmez, Preud'homme, Sabatier, Thonissen, Valckenaere, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Hoorde et Van Iseghem.

Ont voté le rejet :

MM. Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Bara, Braconier, Bricoult, Bruneau, Crombez, de Mérode, de Naeyer, de Rossius, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, d'Ursel, Frère-Orban, Hagemans, Moncheur, Mouton, Rogier, Schollaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Van Cromphaut, Vanderstichelen, Van Humbeeck et Ernest Vandenpeereboom.

Chapitre X. De l’extinction des peines

Article 86

MpVµ. - La commission propose de supprimer le paragraphe 2 de l'article 86.

M. Thonissenµ. - Je demande à dire quelques mots.

L'article 86 du code prévoit le cas où le condamné vient à mourir à la suite de sa condamnation.

Le premier paragraphe dispose que, dans ce cas, la peine est éteinte par la mort, ce qui est évident, incontestable.

Le paragraphe 2 s'occupe de l'amende et de la confiscation spéciale prononcées avant le décès.

L'article porte que l'amende ne pourra être réclamée des héritiers.

MpVµ. - Je dois faire remarquer à l'honorable M. Thonissen que l'article a été rejeté au premier vote et qu'il n'y a plus lieu de le discuter.

M. Thonissenµ. - On demande la suppression du second paragraphe de l'art. 86.

Je ne veux que poser une question à l'occasion de la suppression du second paragraphe, et cette question a pour but d'éviter des procès et des divergences d'interprétation.

Le paragraphe2 porte que si le condamné vient à mourir après la condamnation à l'amende, on ne peut réclamer aux héritiers que les amendes prononcées en matière fiscale, et qu'en ce qui concernait la confiscation spéciale, on peut saisir les objets déclarés confisqués, mais non encore appréhendés au moment de la mort du condamné.

Par exemple, un individu est condamné pour fabrication de fausse monnaie, on sait qu'il y a un dépôt de 2,000 ou 3,000 pièces fausses dans tel endroit, il est évident que d'après le paragraphe 2 on peut les saisir.

On demande aujourd'hui la suppression pure et simple du paragraphe 2. Je le comprends en ce qui touche l'amende, mais je voudrais connaître le motif de la suppression en ce qui concerne la confiscation spéciale.

La commission ne peut évidemment avoir en vue cette conséquence absurde en droit et en fait de déclarer insaisissables des choses qui sont le produit d'un crime.

Il est probable que la suppression a eu lieu pour s'en référer aux principes généraux du droit, suivant lesquels le jugement prononcé en matière de confiscation spéciale est attributif de propriété.

S'il n'y avait pas d'explication sur ce point, on pourrait soutenir que la suppression du paragraphe 2 de l'article 86 a eu pour conséquence de rendre ces objets insaisissables.

Je demande donc qu'on déclare publiquement le véritable motif de cette suppression.

M. Pirmezµ. - L'honorable M. Thonissen a posé la question dont il a indiqué la réponse d'une manière parfaitement exacte.

Si nous avons supprimé dans le dernier projet ce qui concerne la confiscation spéciale, disposition qui n'existait pas dans le premier projet, c'est parce que le jugement qui prononce la confiscation spéciale est attributif de propriété et que, par la force de ce jugement, l'Etat est saisi de cette propriété et peut la prendre partout où elle se trouve.

- L'article 87 est mis aux voix et adopté.

Disposition générale

Article 100

« Art. 100. A défaut de dispositions contraires dans les lois et règlements particuliers, les dispositions des chapitres I, II, III, IV, V, VI et X du livre 1er seront appliquées aux infractions prévues par ces lois et règlements, en tant qu'elles n'emportent pas réduction des peines pécuniaires établies pour assurer la perception des droits fiscaux. »

MpVµ. - Il y a un amendement proposé par M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cet amendement a été renvoyé à la commission et le gouvernement s'est rallié au rapport de la commission.

M. Liénartµ. - Je demande si le gouvernement s'est rallié complètement à l'opinion de la commission en ce qui concerne l'application des circonstances atténuantes aux simples délits. La commission était d'avis qu'elle était sur ce point en désaccord avec le gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement s'est rendu dans la commission et il s'est mis d'accord avec la commission.

- L'article 100 est mis aux voix et adopté.


M. Pirmezµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, nous avons fini le code pénal. Les articles réservés du deuxième livre n'ont aucune importance. Il n'y en a pas pour cinq minutes.

Je demanderai que la Chambre veuille bien, après le vote de ces articles, procéder au second vote des articles amendés.

Nous pourrons faire cela demain, et ce serait, après 10 ans de travail, une besogne faite.

Projet de loi érigeant la commune de Pironchamps

Rapport de la commission

M. Dewandreµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau la rapport de la commission qui a examine le projet de loi portant érection de la commune de Pironchamps.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 5 heures.